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7 N° 2828 LUNDI 23 AVRIL 2018 ASSISES DU ROMAN BIENVENUE ALICE ZENITER ! Romancière et dramaturge française d’origi- ne algérienne par son père, normande par sa mère, Alice Zeniter est née en 1986. C’est une écrivaine précoce, elle publie son premier ro- man à 16 ans, « Deux moins un égal zéro », puis son deuxième à 23 ans, « Jusque que dans nos bras ». Ancienne élève de l’école normale supérieure, elle donne des cours à l’université Sorbonne Nouvelle. Elle a aussi enseigné le français en Hongrie où elle a vécu plusieurs années. Elle collabore avec plusieurs troupes théâtrales, dont Pandora et Kobal’t, pour la mise en scène ou l’écriture. Ne délais- sant pas pour autant le roman, elle signe « Sombre dimanche » (2013) et « Juste avant l’oubli » (2015) qui lui rapporteront divers prix. Le dernier en date « L’Art de perdre », publié en 2017, est couronné par le presti- gieux prix Goncourt des lycéens. Alice Zeniter sera aux Assises le 21 mai. © A. DI CROLLALANZA Durant un mois, « Cnews Lyon Plus » pu- blie les critiques de livres de vingt-neuf des auteurs invités à la douzième édi- tion des Assises internationales du ro- man (AIR). Un événement organisé par la Villa Gillet et « Le Monde », qui se tiendra aux Subsistances, à Lyon, du 21 au 27 mai. Les ouvrages de ces écrivains ont été étudiés à la fois par des lycéens et par des journalistes de la rédaction, qui souhaitent aujourd’hui la bienve- nue dans sa langue à Alice Zeniter. En tout, cinquante-trois critiques de ly- céens viennent compléter celles de no- tre rédaction. Rendez-vous demain avec Paolo Cognetti et Eric Baratay. LA GUERRE D’ALGÉRIE VUE PAR LES VAINCUS DE L’HISTOIRE « Choisir son camp n’est pas l’affaire d’un moment et d’une décision unique, précise. Peut-être d’ailleurs que l’on ne choisit jamais, ou bien moins que ce que l’on voudrait ». Alice Zeniter est elle- même petite-fille de harki. Dans cette passionnante saga familiale qui court sur trois générations, elle raconte la guerre d’Algérie vue par ceux qui n’ont pas su choisir leur camp, les vaincus de l’histoire qui justifient ce très beau titre « L’art de perdre ». La première partie, c’est celle d’Ali, le grand-père, un pau- vre paysan kabyle devenu un notable aisé après avoir trouvé un pressoir à hui- le dans un torrent. « Il a réussi à faire de sa maison pauvre une maison pleine, et il souhaite que cela dure éternelle- ment ». Bien sûr, il lui est arrivé de rêver à un pays indépendant, « un pays dans lequel il n’ait plus jamais à se lever et à saluer chaque roumi qui passe ». Mais les Français sont détestables et terri- fiants et il ne croit pas à la victoire d’une « poignée de rebelles » qui imposent à la population des règles, comme l’inter- diction de fumer, qu’il ne comprend pas. Quand le FLN égorge son vieil ami Akli parce qu’il a continué à toucher sa pension d’ancien combattant, il accepte de livrer un nom, la protection de l’ar- mée française. À la fin de la guerre, Ali est vu comme un traître. Avec toute sa famille, il doit partir en France. Com- mencent alors de longues années qui se traînent derrière les barbelés des camps de transit, pour s’achever dans une cité HLM normande. Hamid, le père, épouse Clarisse, qui lui donne quatre enfants. Naïma, la fille, travaille dans une galerie d’art parisienne, et son travail l’emmè- ne en Algérie. Elle essaie d’appréhen- der l’histoire des harkis, la haine et les injures qu’elle suscite. « L’Histoire est écrite par les vainqueurs ». Ce beau récit, très vivant, riche en dé- tails historiques, a obtenu le Prix Gon- court des Lycéens. Laurence Loison Notre avis L'AVIS DES LYCÉENS « L’Art de perdre » Flammarion, 2017, 506 pages, 22 euros. Alice Zeniter, l’art de dire « L’Art de perdre », saga familiale d’Alice Zeniter publiée en 2017, conte l’exil en Fran- ce, suite à l’indépendance de l’Algérie, d’une famille kabyle, étiquetée « harkie » presque par hasard. Le récit s’étale sur plus de soixante ans à travers le point de vue de trois personnages, dévoilant le choc de gé- nération et de culture auquel se heurtent les protagonistes. Prisonniers d’un passé lourd et violent, un passé de non-choix et de non- dit, leur intégration sera impossible, difficile ou naturelle selon les générations. Des oliviers des montagnes kabyles à l’effer- vescence parisienne en passant par la caco- phonie d’un camp de réfugiés, l’auteur utili- se son écriture empreinte de justesse pour nous faire voyager dans le temps et l’espace. « L’Art de perdre », fresque de la nature hu- maine avec sa palette de nuances, présente des antihéros attachants qui vivent, aiment, grandissent dans un monde complexe. Loin de tout manichéisme, Alice Zeniter ra- conte la perte d’un pays, la quête d’identité qui dépasse les frontières de la langue et du temps, le retour aux origines nécessaire à la construction personnelle. L’auteure, petite- fille de harkis, lève le voile sur la guerre d’Al- gérie et sur le destin de milliers d’Algériens reniés par leur pays et ignorés par la France. Une trajectoire qui coïncide en de nom- breux points avec celle des migrants à l’heu- re actuelle… Classe de 2 nd 1 du lycée de Beauregard à Montbrison (42) Des oliviers de Kabylie à la galerie d’art parisienne, voyage à travers trois époques d’une saga familiale passionnante pour les élèves de 2 nd 1 du lycée Beauregard. PHOTO DR Le roman débute avec le portrait de Naïma qui rentre de soi- rée, ivre. Elle s’interroge sur ses choix, ce qui marque le début de sa quête identitaire. Ainsi, Alice Zeniter retrace l’histoire d’une famille algérienne sur trois générations. Tout commence avec Ali, un pay- san et ancien combattant. Pendant la guerre d’Algérie, il choisit le camp des Français. Il est contraint d’émigrer en France afin de pro- téger sa famille lorsqu’est déclarée l’indépendance de son pays. La deuxième génération est présentée à travers le personnage d’Ha- mid, le fils d’Ali. Arrivé en France à 8 ans, il est contraint de travailler très dur pour réussir. En témoigne ce passage où il décide d’appren- dre plusieurs mots par jour pour maîtriser le français. Marié avec une Française, il aura quatre filles, dont Naïma. Intelligente, fêtar- de et typée elle décide de retourner sur ses terres d’origine. Quelles sont les raisons du silence de son grand-père et de son père qui n’ont jamais transmis leur passé à leurs enfants ? C’est ce qu’Alice Zeniter se propose de nous faire découvrir à travers ce roman histo- rique. L’auteur a fourni une abondante documentation sur l’Algé- rie. Ainsi, le lecteur suit avec curiosité et souvent effroi la découver- te que fait Naïma en partant sur les traces de son harki de grand- père, considéré comme un traître par son pays et rejeté par la France. Le lecteur peut ainsi éprouver des émotions et réfléchir au sens si actuel du mot « identité ». Classe de 1 re L-ES du lycée Jacques Brel à Vénissieux (69) Les élèves de 1 re L/ES posent devant les affiches de l’exposition qu’ils ont réalisée au CDI sur le thème de la guerre d’indépendance algérienne. PHOTO DR Villa Gillet » Assises Internationales du Roman du 21 au 27 mai aux Subsistances Un festival pour tous les lecteurs ! Plus de 50 écrivains dont Justine Augier, Philippe Besson, Miguel Bonnefoy, Jonathan Coe, Paolo Cognetti, Philippe Jaenada, Marie-Hélène Lafon, Alberto Manguel, Mohamed Mbougar Sarr, Ian Mc Ewan, Claire Messud, Rosa Montero, Véronique Olmi, Jean-Christophe Rufin, Leila Slimani, Jane Smiley, Juan Gabriel Vasquez, Alice Zeniter et bien d’autres ! Infos et réservations : www.villagillet.net

LYP 20180423 LYPLYPGE1001 1 4 4 - … · le dans un torrent. ... maine avec sa palette de nuances, ... Plus de 50 écrivains dont Justine Augier, Philippe Besson, Miguel Bonnefoy,

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7N° 2828 LUNDI 23 AVRIL 2018ASSISES DU ROMAN

BIENVENUE ALICE ZENITER ! Romancière et dramaturge française d’origi-ne algérienne par son père, normande par sa mère, Alice Zeniter est née en 1986. C’est uneécrivaine précoce, elle publie son premier ro-man à 16 ans, « Deux moins un égal zéro », puis son deuxième à 23 ans, « Jusque que dans nos bras ». Ancienne élève de l’écolenormale supérieure, elle donne des cours à l’université Sorbonne Nouvelle. Elle a aussi enseigné le français en Hongrie où elle a vécuplusieurs années. Elle collabore avec plusieurstroupes théâtrales, dont Pandora et Kobal’t, pour la mise en scène ou l’écriture. Ne délais-sant pas pour autant le roman, elle signe « Sombre dimanche » (2013) et « Juste avant l’oubli » (2015) qui lui rapporteront divers prix. Le dernier en date « L’Art de perdre », publié en 2017, est couronné par le presti-gieux prix Goncourt des lycéens. Alice Zeniter sera aux Assises le 21 mai.

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Durant un mois, « Cnews Lyon Plus » pu-blie les critiques de livres de vingt-neufdes auteurs invités à la douzième édi-tion des Assises internationales du ro-man (AIR). Un événement organisé parla Villa Gillet et « Le Monde », qui setiendra aux Subsistances, à Lyon, du 21au 27 mai. Les ouvrages de ces écrivainsont été étudiés à la fois par des lycéenset par des journalistes de la rédaction,qui souhaitent aujourd’hui la bienve-nue dans sa langue à Alice Zeniter. Entout, cinquante-trois critiques de ly-céens viennent compléter celles de no-tre rédaction. Rendez-vous demain avecPaolo Cognetti et Eric Baratay.

LA GUERRED’ALGÉRIE VUEPAR LES VAINCUS DE L’HISTOIRE« Choisir son camp n’est pas l’affaired’un moment et d’une décision unique,précise. Peut-être d’ailleurs que l’on nechoisit jamais, ou bien moins que ce quel’on voudrait ». Alice Zeniter est elle-même petite-fille de harki. Dans cettepassionnante saga familiale qui courtsur trois générations, elle raconte laguerre d’Algérie vue par ceux qui n’ontpas su choisir leur camp, les vaincus del’histoire qui justifient ce très beau titre« L’art de perdre ». La première partie,c’est celle d’Ali, le grand-père, un pau-vre paysan kabyle devenu un notable aisé après avoir trouvé un pressoir à hui-le dans un torrent. « Il a réussi à faire desa maison pauvre une maison pleine, etil souhaite que cela dure éternelle-ment ». Bien sûr, il lui est arrivé de rêverà un pays indépendant, « un pays danslequel il n’ait plus jamais à se lever et à saluer chaque roumi qui passe ». Maisles Français sont détestables et terri-fiants et il ne croit pas à la victoire d’une« poignée de rebelles » qui imposent à la population des règles, comme l’inter-diction de fumer, qu’il ne comprendpas. Quand le FLN égorge son vieil ami Akli parce qu’il a continué à toucher sa pension d’ancien combattant, il acceptede livrer un nom, la protection de l’ar-mée française. À la fin de la guerre, Aliest vu comme un traître. Avec toute sa famille, il doit partir en France. Com-mencent alors de longues années qui setraînent derrière les barbelés des campsde transit, pour s’achever dans une citéHLM normande. Hamid, le père, épouseClarisse, qui lui donne quatre enfants.Naïma, la fille, travaille dans une galeried’art parisienne, et son travail l’emmè-ne en Algérie. Elle essaie d’appréhen-der l’histoire des harkis, la haine et les injures qu’elle suscite. « L’Histoire est écrite par les vainqueurs ».Ce beau récit, très vivant, riche en dé-tails historiques, a obtenu le Prix Gon-court des Lycéens.

Laurence Loison

Notre avis

L'AVIS DES LYCÉENS

« L’Art de perdre »Flammarion, 2017, 506 pages, 22 euros.

Alice Zeniter, l’art de dire« L’Art de perdre », saga familiale d’AliceZeniter publiée en 2017, conte l’exil en Fran-ce, suite à l’indépendance de l’Algérie, d’une famille kabyle, étiquetée « harkie » presque par hasard. Le récit s’étale sur plus de soixante ans à travers le point de vue de trois personnages, dévoilant le choc de gé-

nération et de culture auquel se heurtent lesprotagonistes. Prisonniers d’un passé lourdet violent, un passé de non-choix et de non-dit, leur intégration sera impossible, difficileou naturelle selon les générations.Des oliviers des montagnes kabyles à l’effer-vescence parisienne en passant par la caco-phonie d’un camp de réfugiés, l’auteur utili-se son écriture empreinte de justesse pournous faire voyager dans le temps et l’espace.« L’Art de perdre », fresque de la nature hu-maine avec sa palette de nuances, présente des antihéros attachants qui vivent, aiment, grandissent dans un monde complexe.

Loin de tout manichéisme, Alice Zeniter ra-conte la perte d’un pays, la quête d’identitéqui dépasse les frontières de la langue et dutemps, le retour aux origines nécessaire à laconstruction personnelle. L’auteure, petite-fille de harkis, lève le voile sur la guerre d’Al-gérie et sur le destin de milliers d’Algériens reniés par leur pays et ignorés par la France.Une trajectoire qui coïncide en de nom-breux points avec celle des migrants à l’heu-re actuelle…Classe de 2nd 1 du lycée de Beauregard à Montbrison (42)

Des oliviers de Kabylie à la galerie d’art parisienne, voyage à travers trois époques d’une saga familiale passionnante pour les élèves de 2nd 1 du lycée Beauregard.

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Le roman débute avec le portrait de Naïma qui rentre de soi-rée, ivre. Elle s’interroge sur ses choix, ce qui marque le début de saquête identitaire. Ainsi, Alice Zeniter retrace l’histoire d’une famillealgérienne sur trois générations. Tout commence avec Ali, un pay-san et ancien combattant. Pendant la guerre d’Algérie, il choisit le camp des Français. Il est contraint d’émigrer en France afin de pro-téger sa famille lorsqu’est déclarée l’indépendance de son pays. Ladeuxième génération est présentée à travers le personnage d’Ha-mid, le fils d’Ali. Arrivé en France à 8 ans, il est contraint de travaillertrès dur pour réussir. En témoigne ce passage où il décide d’appren-dre plusieurs mots par jour pour maîtriser le français. Marié avec une Française, il aura quatre filles, dont Naïma. Intelligente, fêtar-de et typée elle décide de retourner sur ses terres d’origine. Quellessont les raisons du silence de son grand-père et de son père qui n’ont jamais transmis leur passé à leurs enfants ? C’est ce qu’Alice Zeniter se propose de nous faire découvrir à travers ce roman histo-rique. L’auteur a fourni une abondante documentation sur l’Algé-rie. Ainsi, le lecteur suit avec curiosité et souvent effroi la découver-te que fait Naïma en partant sur les traces de son harki de grand-père, considéré comme un traître par son pays et rejeté par la France. Le lecteur peut ainsi éprouver des émotions et réfléchir au sens si actuel du mot « identité ».Classe de 1re L-ES du lycée Jacques Brel à Vénissieux (69)

Les élèves de 1re L/ES posent devant les affiches de l’exposition qu’ils ont réalisée au CDI sur le thème de la guerre d’indépendance algérienne.

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Villa Gillet » Assises Internationales du Romandu 21 au 27 mai aux Subsistances Un festival pour tous les lecteurs !

Plus de 50 écrivains dont Justine Augier, Philippe Besson, Miguel Bonnefoy, Jonathan Coe, Paolo Cognetti, Philippe Jaenada, Marie-Hélène Lafon, Alberto Manguel, Mohamed Mbougar Sarr, Ian Mc Ewan, Claire Messud, Rosa Montero, Véronique Olmi, Jean-Christophe Rufin, Leila Slimani, Jane Smiley,

Juan Gabriel Vasquez, Alice Zeniter et bien d’autres !

Infos et réservations : www.villagillet.net