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Le grand roman de l’Alexandrie chrétienne Au début du V e siècle, Azazel, le démon de la haine et de la division, s’est emparé de l’Église d’Alexandrie : persécutions des païens et des juifs, dénonciations des « hérétiques »… La violence religieuse est contagieuse et enflamme tout l’Orient chrétien. La Malédiction d’Azazel, le grand roman de Youssef Ziedan, nous fait revivre ces temps terribles à travers le récit du moine-médecin Hiba. P. 5 Albin Michel Numéro 40 – hiver 2014 LIRE PAGE 12 Gérard de Cortanze explore le destin juif P. 3 Le lien affectif selon John Bowlby P. 8 Les fondamentaux de la culture chinoise P. 10 L’heure semble être à la déculpabilisation affichée de l’individu… Et pourtant, même si nous nous moquons volontiers de la vieille doctrine du péché originel, nous sommes bien loin de nous en être débarrassés! C’est ce que montre Lytta Basset, qui fait la généalogie de ce pessimisme radical et décrit ses ravages jusque dans nos vies modernes. Or l’Évangile nous propose un autre regard sur l’être humain, qui nous ré-enracine dans l’affirmation non pas d’un péché, mais au contraire d’une Bénédiction originelle. I l est l’une des figures les plus originales de la critique sociale d’aujourd’hui. Peu connu encore du grand public, mais re- connu par ses pairs comme un penseur majeur, ce professeur à la prestigieuse London School of Economics et à l’Université de New York a construit une œuvre qu’Albin Michel s’est attaché fidèlement à traduire, depuis Le Travail sans qualité en 2000, où il dénonçait déjà les conséquences humaines de la « flexibilité ». Suivirent Respect. De la dignité de l’homme dans un monde d’inégalités en 2003, ouvrage (re)fon- dateur à l’heure de l’échec de l’État-providence ; La Culture du nouveau capitalisme en 2006, où il prônait de façon prophétique la révolte contre un système inhumain qui allait faire la preuve de son obsolescence avec la crise que l’on sait ; et enfin Ce que sait la main (2010). Ce dernier livre, sous-titré « La culture de l’artisanat », était une stimulante réhabilitation de l’Homo faber qui inau- gurait une trilogie. L’intuition directrice de ce vaste projet peut s’énoncer en une formule très simple: « Faire, c’est penser. » Pour peu qu’on les prenne au sérieux, les gestes quotidiens nous renseignent bien mieux sur les fondements de nos sociétés que ne le ferait l’étude de discours savants. Avec Ensemble, le deuxième volet de cette série qui paraît aujourd’hui, Richard Sennett s’éloigne du point de vue individuel (mais jamais individua- liste) qu’il développait dans le premier volume, pour passer à un point de vue collectif : l’enquête porte ici sur le « faire ensemble » et nous invite à réinventer une « éthique de la coopération ». Richard Sennett, penseur de l’« être-ensemble » SUITE PAGE 2 Lytta Basset © Jerry Bauer/Opale

Lytta Basset Richard Sennett, - albin-michel.fr · Le grand roman de l’Alexandrie chrétienne Au début du vesiècle, Azazel, le démon de la haine et de la division, s’est emparé

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Le grand roman del’Alexandrie chrétienneAu début du ve siècle, Azazel, le démon de la haine et de la division,

s’est emparé de l’Église d’Alexandrie : persécutions des païens et

des juifs, dénonciations des « hérétiques »… La violence religieuse

est contagieuse et enflamme tout l’Orient chrétien. La Malédictiond’Azazel, le grand roman de Youssef Ziedan, nous fait revivre ces

temps terribles à travers le récit du moine-médecin Hiba. P. 5

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Numéro 40 – hiver 2014

LIRE PAGE 12

Gérard de Cortanzeexplore le destin juif P. 3

Le lien affectifselon John Bowlby P. 8

Les fondamentauxde la culture chinoise P. 10

L’heure semble être àla déculpabilisation affichéede l’individu… Et pourtant,même si nous nousmoquons volontiersde la vieille doctrinedu péché originel, noussommes bien loin de nousen être débarrassés! C’estce que montre Lytta Basset,qui fait la généalogie de cepessimisme radical et décritses ravages jusque dans nosvies modernes. Or l’Évangilenous propose un autreregard sur l’être humain,qui nous ré-enracine dansl’affirmation non pasd’un péché, mais au contraired’une Bénédiction originelle.

Il est l’une des figures les plus originales de

la critique sociale d’aujourd’hui. Peu

connu encore du grand public, mais re-

connu par ses pairs comme un penseur

majeur, ce professeur à la prestigieuse

London School of Economics et à l’Université de

New York a construit une œuvre qu’Albin Michel

s’est attaché fidèlement à traduire, depuis Le

Travail sans qualité en 2000, où il dénonçait déjà

les conséquences humaines de la « flexibilité ».

Suivirent Respect. De la dignité de l’homme dans

un monde d’inégalités en 2003, ouvrage (re)fon-

dateur à l’heure de l’échec de l’État-providence ;

La Culture du nouveau capitalisme en 2006, où

il prônait de façon prophétique la révolte contre

un système inhumain qui allait faire la preuve de

son obsolescence avec la crise que l’on sait ; et

enfin Ce que sait la main (2010). Ce dernier livre,

sous-titré « La culture de l’artisanat », était une

stimulante réhabilitation de l’Homo faber qui inau-

gurait une trilogie. L’intuition directrice de ce

vaste projet peut s’énoncer en une formule très

simple : « Faire, c’est penser. » Pour peu qu’on les

prenne au sérieux, les gestes quotidiens nous

renseignent bien mieux sur les fondements de

nos sociétés que ne le ferait l’étude de discours

savants. Avec Ensemble, le deuxième volet de

cette série qui paraît aujourd’hui, Richard Sennett s’éloigne du point de vue individuel (mais jamais individua-

liste) qu’il développait dans le premier volume, pour passer à un point de vue collectif : l’enquête porte ici sur le

« faire ensemble » et nous invite à réinventer une « éthique de la coopération ».

Richard Sennett,penseur de l’« être-ensemble »

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2 L’Homme en Question n HIvER 2014

Éditeurs des ouvrages cités dans ce numéro :Pauline Colonna d’Istria, Gérard de Cortanze,Claire Delannoy, Maëlle Guillaud, Anne Michel,Hélène Monsacré, Jean Mouttapa, MathildeNobécourt, Lucette Savier, Pierre Scipion.

Dans ce Deuxième volet De la trilo-gie qu’il consacre à l’Homo faber,Richard Sennett, selon son habitude,se fait tour à tour historien, socio-logue, philosophe ou anthropologuepour étudier cet atout social particu-lier qu’est la coopération dans le tra-vail pratique. N’hésitant pas à croiserdes références canoniques avec desexpériences historiques chargées deséléments de sa propre biographie etde son histoire familiale, Sennett sem-ble inviter à une promenade « à sautset à gambades  », selon la fameuseexpression de Montaigne. Qu’on nes’y trompe pas, Ensemble est peut-être son livre le plus politique : l’inves-tigation sert l’engagement. De la coor-dination des tâches dans l’atelierde l’imprimeur aux répétitions d’unorchestre, il nous fait découvrir de

nombreuses expériences, parfois mé-connues, de communauté et d’ac-tion collective qui permettent de pro-poser une vision critique des sociétéscapitalistes contemporaines.

la coopération est inscrite dansles gènes de tous les animaux so-ciaux. Des abeilles aux chimpanzés etaux hommes : coopérer permet d’ac-complir ce que l’on ne peut faire seul.Or, cette tendance naturelle est per-fectible : elle exige, pour se réaliser,d’être encouragée et développée,sous peine de disparaître. Dans notremonde structuré par la concurrence,où la compétition prime toujours surl’entente, savons-nous encore ce quec’est qu’être ensemble, en dehorsdes moments de replis tribaux où le« nous » est un « nous-contre-eux »?Le problème est que les talents

nécessaires à une véritable coopéra-tion sont réprimés, socialement dé-valorisés, et, partout, depuis l’enfancejusqu’à l’âge adulte, à l’école commedans l’entreprise, dans le domaineprofessionnel comme dans celui duloisir, il est plus gratifiant de s’opposerles uns aux autres que de coopérer

les uns avec les autres. Notre monde,structuré par la concurrence, érodeles relations, et notamment les rela-tions de confiance. Naît alors un nou-veau « moi », individualiste et non coo-pératif, qui se fige dans l’isolement etdéveloppe de nombreuses patholo-gies. À suivre la démonstration deRichard Sennett, on comprend que lacoopération favorise l’adaptation à lacomplexité et permet d’accueillir etde développer la différence. En dé-fendant la coopération, on ne faitdonc pas seulement que combattrel’incivilité ; on plaide pour un mondeouvert, pleinement démocratique etplus juste. n

SUITE DE LA PAGE UNE

4 n L’amour courtoisselon Joël Schmidt

n William Blake

5 n Azazel, Prix internationaldu roman arabe

6 n Vingt sièclesde philosophie juive

n La presse en parle

7 n La fabrique du futur

n Gilles Lapouge

8 n Un livre, un éditeurpar Mathilde Nobécourt

9 n Le bouddhismeau quotidien

n Spiritualitésdans la poche

10 n Trois questions àCyrille J.-D. Javary

n Anthony de Mello

11 n À l’écoute des émotionsde l’enfant

n Jacques Salomépour petits et grands

n Quand les poètess’amusent

12 n Lytta Basset

Sommaire

Quelle fin d’année ! Le 4 novembre,l’excellent roman de Pierre Lemaitre,Au revoir là-haut, déjà best-selleret sur toutes les listes de nominéspour les prix littéraires, était cou-

ronné par l’Académie Goncourt. La semaine sui-vante, à l’occasion de la publication de DocteurSleep (la suite de son mythique et terrifiantShining), Stephen King était reçu triomphalementpar la presse et par ses lecteurs dans la capitalequ’il visitait pour la première fois. Ces deux évé-nements venaient conforter, si besoin était, l’imaged’Albin Michel comme la maison par excellencedes très grands succès populaires – MaximeChattam, Sylvie Germain, Hélène Grimaud, AgnèsLedig, Amélie Nothomb, Éric-Emmanuel Schmitt,Christian Signol, Bernard Werber… pour ne parlerque des meilleures ventes de fin d’année en romansfrançais.Mais ces étoiles ne doivent pas faire oublierles autres facettes de la maison, auxquellesest précisément consacré ce journal : des po-litiques éditoriales rigoureuses en Scienceshumaines, Psychologie, Spiritualités, « Grandestraductions », littérature amérindienne, un dé-partement Jeunesse de haute qualité… Autantde secteurs moins habitués peut-être à fré-

quenter les hautes sphères commerciales,mais qui représentent toute la richesse d’unemaison généraliste, et qui construisent unfonds. De temps en temps, cependant, les sujets lesplus « pointus » réservent de bonnes surprises entermes de ventes. Ainsi, l’ouvrage La GrandeGuerre d’André Loez et Nicolas Offenstadt auraitpu être totalement noyé dans le flot énorme despublications du Centenaire : l’approche très origi-nale de ces deux historiens l’a au contraire imposécomme un vrai succès de librairie. Et comment au-rait-on pu imaginer que la volumineuse encyclo-pédie Histoire des relations entre juifs et musul-mans devrait être réimprimée après à peine unmois? La plus grande surprise, cependant, nousest venue d’un poète, certes académicien, maisconnu surtout pour sa rareté et sa discrétion : lesCinq méditations sur la mort de François Chengont connu des ventes record que leur sujet, apriori austère, ne laissait en rien présager. Au-delàde la satisfaction des auteurs et des éditeurs, il estrassurant de constater que des offres exigeantespeuvent rencontrer, plus souvent qu’on ne le croit,l’attente gourmande des lecteurs. n

Jean Mouttapa

Éditorial

EnsemblePour une éthique de la coopérationRichard Sennett384 pages, 24 €

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3L’Homme en Question n HIvER 2014

L’An prochain à GrenadeGérard de Cortanze432 pages, 22,50 €

31 décembre 1066. Tout unmonde est en train des’écrouler au royaume

de Grenade. Celui de la «  convi-vance » andalouse, qui a permis auxtrois religions de cohabiter et deconstruire ensemble une civilisa-tion brillante. Ce monde, Gérard deCortanze nous le fait vivre danstout son raffinement, il nous enoffre avec un rare talent les couleurs,les saveurs, les senteurs. Il nous endit aussi l’extrême fragilité, car il suf-fit que monte la colère du peuplegrenadin – contre la corruption, lesinégalités criantes, les impôts ex-cessifs… – pour que la haine ré -apparaisse, focalisée sur celui qui in-carne « l’autre » : Samuel Ibn Kaprun,chef des armées du vizir, Premier mi-nistre, receveur des impôts, pour-voyeur d’esclaves, grand poète… etjuif. C’est ainsi qu’en très peu detemps, comme dans une tragédiegrecque où les hommes ne peuventrien contre leur destinée, lesémeutes se transforment en po-grom. Des milliers de juifs sontmassacrés, à commencer parSamuel Ibn Kaprun, le juif qui s’étaitélevé au-dessus de son rang : iln’aura que le temps de transmettreà sa fille Gâlâh une khomsa, talismanqui lui permettra de traverser les siè-cles. Gâlâh pourra s’enfuir avecson amant musulman, jeune poètequi défie les identités meurtrières,mais qui sera vite rattrapé par desbrigades d’assassins. Dès lors, juivepartageant le sort tragique de sonpeuple, Gâlâh erre au milieu des hor-reurs de l’histoire, avec toujours aucœur la nostalgie de son amour etde la paix perdue. n

Rendez-vous à GrenadeROMAN

Prix Renaudot pour Assam en 2002, et lauréat de trois autres prix pour son récent

Pierre Benoit, Gérard de Cortanze nous entraîne dans une fresque vertigineuse sur les pas

de Gâlâh, une jeune juive de Grenade au temps de la civilisation d’Al-Andalus.

Éprise d’un poète musulman, elle verra son destin personnel scellé de façon tragique

un certain jour de 1066, pour se confondre ensuite avec celui de son peuple à travers

des siècles de tourmentes.

Une étrangepassion

Dans un foyer de demandeurs d’asileau nord de l’Europe, un ex-coloneld’une République théocratique attenddepuis longtemps sa régularisation.Pour sa dernière entrevue qui doit êtredécisive, il est surpris de ne pas avoiraffaire à son interprète habituelle.À sa place, il reconnaît, atterré, unedes prisonnières de la plus célèbre prisonpolitique du régime qu’il afui, « l’appât 455 », lapasionaria qui n’a jamaiscédé sous la torture, quin’a jamais dénoncél’homme qu’elle aimait.Entre le bourreau et lavictime, connaissant tousdeux les affres de l’exilloin de ceux qu’ils aiment,va se nouer une relationfascinante et complexe qui n’est pas toutà fait due au hasard, et se découvre peuà peu au fil du récit.Fariba Hachtroudi, née en Iran, petite-filledu Cheikh Hachtroudi qui fut député auParlement et fille de Mohsen Hachtroudi,lui aussi haute autorité morale dans sonpays, mathématicien et philosophe, a uneconnaissance de l’Iran de premier ordre.Ses nombreux ouvrages parmi lesquelsIran, les rives du sang, couronné du GrandPrix des droits de l’homme en 2001, en sontla preuve. Mais Le Colonel et l’appât 455,au-delà de la description d’une mécaniquetotalitaire, fascine dès le début de salecture par l’universel tragique qu’il meten place. Ses personnages terriblementhumains font de l’amour un combat faceà la violence et à son arbitraire,sans jamais se résigner à leur destin. n

ROMAN

Le Colonel et l’appât 455Fariba Hachtroudi192 pages, 16 €

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4 L’Homme en Question n HIvER 2014

lisme de Berkeley, il est aujourd’huiconsidéré comme le prophète du NewAge. Il eut pourtant toute son époquecontre lui : critiques en colère, publicabsent, échecs répétés, accusationsvirulentes lui valurent une vie de soli-tude et de pauvreté. Avec tout le talentqu’on lui connaît, Christine Jordis suitpas à pas ce personnage fabuleux,dont rien n’entama jamais l’enthou-siasme ni la formidable créativité, et quiest mort en chantant de joie. n

Pour retrouver la joie que nousportons en nous », dit Blake, « ilsuffit de nettoyer les fenêtres de

la perception ». Ayant « vu » Dieu à huitans, puis un arbre « rempli d’anges »,on le croit fou. Il dessine, peint, grave,écrit de longs poèmes prophétiques.C’est à l’intensité de sa vision que l’ondoit ses gravures hallucinées, ses apo-calypses décrivant la détresse et laterreur de son temps, ses scènesmythologiques ou bibliques saisis-

santes. Alors que l’Angleterre engagesa première révolution industrielle,Blake rêve de promouvoir l’égalité.Mais sa vision s’étend bien au-delàd’un horizon borné par des politiciensqu’il méprise: pourfendeur du rationa-lisme de Newton, du matérialisme etde la marchandisation « infernale » duvisible, Blake accomplit une révolutionspirituelle. Puisant aux sources de lasagesse traditionnelle, kabbalistique ouplatonicienne, proche de l’immatéria-

M édiéviste brillant et nostal-gique, Johann est profes-seur de lettres dans une

petite ville de province. Ayant désespéréde trouver la « Dame » qui correspon-drait à son idéal amoureux, il s’est ré-solu au célibat. L’arrivée d’Aurore surles bancs de sa classe, sa beautévirginale, ses manières indiquant denobles origines et son intelligence vontpourtant faire chavirer tous ses repères.Johann demande la main d’Aurore,mais c’est plus par commodité qu’au-tre chose, car la belle n’est pas seule-ment éprise de Johann, elle partageaussi sa passion pour le Moyen Âge etpour La Minne, cette bible de l’amourcourtois qui en explique les 31 codes,dont le premier : « Le mariage ne doitpas empêcher d’aimer ». En prenant lechemin de cette étrange initiation,Johann et Aurore se sont engagés à

être d’éternels amants, à affronter la vé-rité de leur désir, sa cruauté, ses revi-rements brutaux, ses jalousies mor-telles. Le code explique bien que« l’amour augmente ou diminue, il serenouvelle sans cesse ». Entre mani-pulation et envoûtement réciproques,Johann et Aurore passent par toutes lesépreuves de la passion, de la dévora-tion à la négation d’eux-mêmes, d’unbonheur hors du temps au terrible re-tour au présent. Romancier, historien,critique littéraire, membre de plusieursjurys et éditeur, Joël Schmidt a publiéplus d’une dizaine de romans, la plu-part aux Éditions Albin Michel. n

William Blake, les rêves d’un visionnaireESSAI

Peintre et illustrateur, poète et prophète, William Blake (1757-1825) est une figure insaisissable

et fascinante dont les nombreuses influences dans notre modernité restent trop peu connues.

Spécialiste de la littérature anglaise et collaboratrice du Monde des livres, Christine Jordis explore

l’homme et son œuvre gigantesque au prisme de la vie spirituelle puissante qui les traverse.

Un amour hors du tempsROMAN

Une passion du xxie siècle peut-elle ressusciter l’amour courtois que pratiquaient les seigneurs

et leurs dames au Moyen Âge ? Épris d’absolu, les héros du dernier roman de Joël Schmidt

décident de vivre leur amour loin du bruit du monde et de la platitude de leur époque.

Suivant les 31 codes du fin’amor, ils s’engagent sur le chemin sublime et douloureux

d’une passion plus forte que le temps.

Les AmantsJoël Schmidt192 pages, 16 €

© Maurice Rougemont/Opale/Editions Albin Michel

William Blake ou l’infiniChristine Jordis288 pages, 19 €

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5L’Homme en Question n HIvER 2014

musulmane, a été accusé par lesCoptes de dénigrer leur religion. Or onsait qu’ils sont aujourd’hui, comme sou-vent dans leur longue histoire de mino-rité en terre d’Islam, victimes de persé-cutions. Cela explique leur sensibilité,mais les faits sont là: il est bien vrai que«  saint  » Cyrille (376-444), patriarched’Alexandrie, l’un des principaux Pèresde l’Église, s’est attaqué violemmentaux juifs et aux païens: les premiers fu-rent bannis de la ville (où ils étaient ins-tallés depuis sa fondation par Alexan-dre), les seconds furent persécutés etleurs temples détruits. Cyrille ne s’enest pas tenu là, il n’a eu ensuite decesse de pourfendre les « hérétiques »,et notamment Nestorius - que le narra-teur d’Azazel avait connu avant qu’il de-vienne patriarche de Constantinople, etdont il appréciait son amour de la phi-losophie et des sciences, alors que Cy-rille les vouait aux gémonies. Notremoine-médecin ne sait trop que penserdes controverses « byzantines » avant lalettre qui déchirent les deux leaders,mais il sera révolté par la façon dontNestorius fera finalement l’objet d’unvéritable complot mené par Cyrille auconcile d’Éphèse en 431: sous la pres-sion de l’armée de l’Empereur (lequels’est invité au concile de son proprechef), les évêques venus de tout l’Em-pire destitueront et banniront Nestorius.

au-Delà Des faits historiquement

fonDés qu’évoque son roman, onpourrait malgré tout soupçonner lemusulman Youssef Ziedan de prendreun malin plaisir à rappeler les turpi-tudes des chrétiens. Ce serait là luifaire un mauvais procès. Certes, entant que musulman, il est naturel qu’ilait quelque faveur pour Nestorius, le-quel nie que Jésus soit Dieu dès sanaissance. Mais les païens devenusminoritaires dans l’Empire ont tout au-

tant sa sympathie, comme les philo-sophes grecs dont ils se réclament. Etlorsqu’il décrit la foule enragée quis’en va lyncher Hypathie après leprêche vindicatif de Cyrille, on peut ai-sément y voir une critique à peine voi-lée de ces émeutes qui aujourd’huisont si souvent déclenchées par lesprêches de certains imams. En fait,c’est l’intégrisme et la violence reli-gieuse que dénonce Ziedan, d’oùqu’elle vienne. C’est ainsi qu’on a pucomparer Azazel au Nom de la Rosed’Umberto Eco : face aux doutes ducroyant sincère, face à sa faculté dese laisser fasciner (comme un païen)par les merveilles de la nature, parl’intelligence des sciences… ou parune femme, l’intransigeance des reli-gieux vient s’imposer comme unechape de plomb, synonyme de mort.

les procès D’intention concernant

ZieDan tombent d’eux-mêmeslorsqu’on considère le reste de sonœuvre, et son action en tant qu’intel-lectuel dans l’actuelle révolution égyp-tienne. C’est aux islamistes égyptiensqu’il est confronté aujourd’hui, les-quels lui ont intenté un procès pourson livre Al-Lahut al-’Arabi (« La théo-logie des Arabes »), où les trois mo-nothéismes en prennent chacun pourleur grade. On a donc affaire ici nonseulement à un grand roman, plein depassions, de violence et de spiritualité,mais à l’œuvre d’un penseur libre, en-nemi de tous les intégrismes. n

Q uel est donc ce mystérieuxmanuscrit découvert par des ar-chéologues dans un coffret en

bois, perdu au milieu des ruines, nonloin d’Alep ? Quelles terribles véritéspouvait-il contenir pour être ainsi ca-ché, et confié à la garde des siècles?Traduit de l’araméen, il apparaîtcomme l’autobiographie d’un moine-médecin, Hiba, venu de Haute-Égyptedans la première moitié du ve siècle. Enarrivant à Alexandrie, Hiba croyait quecette seconde Rome lui livrerait les lu-mières de la foi chrétienne et celles dessciences grecques. Mais, à l’heure oùtriomphe le christianisme jadis persé-cuté, il assiste au contraire aux ravagesdu fanatisme religieux. Du lynchage dela philosophe platonicienne Hypathie

à la destruction des trésors culturelspaïens, des complots contre les « hé-rétiques » à la mainmise de l’Empire surl’Église, Azazel (un des noms bibliquesdu démon de la haine et de la division)semble s’être emparé du monde de-venu chrétien. Il semble aussi avoir prispossession de l’âme d’Hiba lui-même,qu’il oblige à tout raconter des turpi-tudes de ses coreligionnaires, de sespropres amours secrètes, de sesdoutes les plus inavouables…

Bien que Best-seller en égypte

comme dans d’autres pays (ou peut-être précisément à cause de ce suc-cès), ce roman a provoqué des polé-miques. Quel est donc l’objet duscandale? L’auteur, égyptien d’origine

Quand le démon de la haines’est emparé des chrétiens d’AlexandrieROMAN

Théologie et sensualité, mystique et fanatisme, amour et violence… Tous ces éléments

contrastés font du roman de l’Égyptien Youssef Ziedan une fresque magnifique de l’Alexandrie

chrétienne. Prix international du roman arabe, traduit en une douzaine de langues, ce livre de feu

n’a pas été sans provoquer quelques controverses.

La Malédiction d’AzazelYoussef Ziedan448 pages, 24 €

Honoris causa n n n

n Blexbolex est le lauréatd’une Pépite du Salon du livreet de la presse jeunessede Montreuil pour son albumRomance. Romance fait parailleurs partie de la listedes 10 meilleurs albums illustréspour enfants du New York Times.

n André Loez et Nicolas Offenstadt,pour leur livre La Grande Guerre.Carnet du centenaire, sontles lauréats du Prix Grand Témoinde la France Mutualiste 2013.

n Donald Ray Pollock, pourson roman Le Diable, toutle temps, est le lauréatdu Trophée 813 du meilleurroman étranger, décerné chaqueannée par l’Association 813qui défend le genre policierdepuis 1979.

n Pierre Lemaitre, déjà PrixGoncourt pour Au revoir là-haut,est le lauréat du Prix RomanFrance Télévisions 2013.

n Le Prix Jean Monnetde littérature européenne a étéattribué à Michael Kumpfmüllerpour son livre La Splendeurde la vie.

n Alan Hollinghurst, pourson roman L’Enfant de l’étranger,a été élu lauréat du Prixdu Meilleur Livre Étranger 2013(catégorie « roman »).

n Franck Pavloff, pour L’Hommeà la carrure d’ours, est le lauréatdu Prix Lettres frontièrequi récompense chaqueannée un auteur rhônalpinet un auteur suisse.

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6 L’Homme en Question n HIvER 2014

n Un livre ambitieux,une œuvre exigeante,un événement scientifique,éditorial et historique. Arte

n Une œuvre de salubritépublique, passionnanteet rigoureuse. Marianne

n Ces merveilleux savants nous rappellent de manière opportune quel’histoire n’est pas celle que les historiens nous racontent et corrigentpériodiquement, mais celle que nous décidons de construire jour aprèsjour dans une sorte de lucidité pathétique.

Jean Daniel, Le Nouvel Observateur

n Aucun ouvrage scientifique n’avait si bien centré son propos sur cetterelation vivante et complexe entre les deux communautés. Inédite par sonsujet, la somme l’est également par sa forme. Le Nouvel Observateur

n Le « vivre ensemble » tumultueux des juifs et des musulmans offre unrécit détonnant, passionnant. Que les quelques cent vingt auteurs de cetouvrage profond et accessible ont écrit d’une plume… dépassionnée […]Ce livre est aussi un acte de foi – dans l’Histoire. Télérama

n La réussite de cette somme encyclopédique tient au fait qu’ellepropose une synthèse exigeante des savoirs contemporains et se manie,en même temps, comme un outil d’apprentissage pour un large public.Une exceptionnelle encyclopédie tout à la fois savante et pédagogue.Evénement scientifique autant que politique, cet ouvrage est une sommeindispensable à la compréhension du monde d’aujourd’hui – de sestroubles et de ses tempêtes. Le Monde

n Il fallait bien un ouvrage d’une telle consistance pour aborder en toutesérénité un thème aussi central qu’épineux. Ce précieux volume n’occultepas les divergences fondamentales, mais il les éclaire d’uneconnaissance profonde, en offrant de multiples ouvertures qui relativisenttoutes les généralisations et balaient beaucoup d’idées reçues. Plusqu’un livre, c’est un dialogue essentiel. L’Express

n Un monumental ouvrage retrace l’histoire tumultueuse des relationsentre les juifs et les musulmans. Un livre-événement, parce qu’il a étéécrit par des experts tant juifs que musulmans dans un rare souci derigueur et d’objectivité. Un livre qui casse les mythes. Le Point

n Une centaine d’universitaires ont participé à cette passionnanteencyclopédie qui propose pour la première fois une synthèse des savoirs,restituant le récit de 14 siècles de relations entre juifs et musulmans.Scientifique, l’ouvrage se veut accessible à un public non universitaire etse révèle indispensable à la compréhension du monde actuel. La Croix

Philon d’Alexandrie, Maïmonide,Yehuda Halévi, Ibn Gabirol,Hermann Cohen, Franz

Rosenzweig, Martin Buber, HannahArendt et tant d’autres ont su vivre plei-nement et l’expérience philosophiqueet le destin juif ; pris ensemble, leursparcours singuliers dessinent une tra-jectoire universelle. Éminente spécia-liste du sujet, Esther Starobinski-Safran a consacré à ces figures ex-ceptionnelles de nombreuses études.Elle a réuni ici les plus importantes, quimontrent comment ces philosophesont réussi à articuler la Raison et la Ré-vélation, et comment ils ont dialoguéentre eux à travers les âges, consti-tuant les harmoniques d’une sym-phonie ininterrompue.

le voyage commence à alexanDrie,avec Philon donc, principal témoind’un judaïsme hellénistique qu’onpourrait penser sans descendance,puisque relégué aux oubliettes par lesjudaïsmes palestinien et babylonien.L’auteur nous montre qu’il n’en estrien, que la veine philonienne a conti-nué de nourrir la pensée juive par-delàles siècles et nous dévoile la poly-phonie organique de la tradition phi-losophique juive. De Philon, on passeà la théologie néoplatonicienne del’Andalou Ibn Gabirol, au mono-théisme rationaliste de Maïmonide, quiouvre paradoxalement la voie aupanthéisme de Spinoza, pour parve-nir aux grandes figures du judaïsmeallemand : Cohen, Rosenzweig, Bu-ber, Bloch… puis à Heschel et

Arendt, sans oublier Alexandre Safran,dont l’auteur est la fille et auquel ondoit d’importants essais, égalementpubliés chez Albin Michel. Le chapi-tre sur « Franz Rosenzweig interprètede Juda Halévi », qui met au jour lacommune intensité de leur expé-rience existentielle ainsi que leur fer-veur poétique et mystique, est parti-culièrement éclairant sur les ponts quipeuvent se jeter par-delà les siècles.

De même, le chapitre sur certains« Aspects de l’utopie dans la philo-sophie juive » met en regard MartinBuber, Ernst Bloch, Platon et ThomasMore. Au final, un volume riche qui, enregroupant ces articles jusqu’alors dif-ficilement accessibles, devrait s’im-poser comme une référence. n

Vingt sièclesde philosophie

JUDAÏSME

« Peuple de philosophes nés » selon Théophraste, le disciple

d’Aristote, les juifs ont au fil des siècles maintenu une relation

ambiguë et féconde avec cette forme particulière de pensée

qu’est la philosophie. Du monde hellénistique aux grandes

heures de la culture allemande en passant par l’âge d’or

de la civilisation islamique, philosophie et judaïsme n’ont cessé

de cheminer ensemble.

Essais de philosophie juiveEsther Starobinski-Safran280 pages, 20 €

La presse en parle n n n

Histoire des relationsentre en juifs et musulmansdes origines à nos jours1 160 pages,prix de lancement 59 €jusqu’au 31 janvier 2014

Page 7: Lytta Basset Richard Sennett, - albin-michel.fr · Le grand roman de l’Alexandrie chrétienne Au début du vesiècle, Azazel, le démon de la haine et de la division, s’est emparé

7L’Homme en Question n HIvER 2014

S pécialiste reconnu des rela-tions internationales, ArielColonomos pose ici une ques-

tion aussi simple que provocante : nosgouvernants ne sont-ils pas, devantleurs « futurologues », comme les roisdes temps bibliques face aux pro-phètes ou comme les chefs de guerrede l’Antiquité grecque face aux ora-cles de Delphes? Dans le dialoguepolitique avec les Princes, quels sontles traits marquants que le temps n’apas altérés ? Quelle est la trame del’intrigue qui se tisse entre le politiqueet l’exercice de la divination ?

les Diseurs Du futur, qu’ils soientou non parés des atours de lascience, ont souvent un pied dans laréalité qu’ils ont pour tâche et voca-tion d’observer. Il suffit d’examiner latopographie des principales organi-sations de l’expertise en matière depolitique internationale ou la forma-tion de leurs membres pour le com-prendre : les think tank sont les voi-

sins de palier du pouvoir. Entre lesgardiens du futur et leurs comman-ditaires, on trouve plus que de laconnivence : de la consanguinité. Etla force de cet ouvrage est d’en mon-trer les effets sur le temps politique.

la « politique Des oracles » est unestratégie de l’éternel présent. Lié àdes intérêts nationaux puissants, lefutur est constitué  dans une re-cherche systématique de stabilité ;ceux qui sont censés savoir rassu-rent ceux qui sont censés agir, et lafrilosité triomphe. Dans cet ouvragemêlant l’enquête à une réflexion phi-losophique sur notre rapport autemps, la plongée au cœur desusines du savoir, des fabriques de lafinance et des technologies de la sé-curité ne laisse pas indemne : et sil’industrie du futur ralentissait lamarche du monde? n

La fabrique du futurPOLITOLOGIE

La connaissance du futur est l’élément-clé de l’art

de gouverner. il n’est pas un chef politique, un État qui

puisse se passer d’anticipation, de prédiction, de scénario,

et ne dépêche, pour ce faire, des cohortes de savants

et de spécialistes. Mais les experts d’aujourd’hui sont-ils

si différents des devins d’hier ?

I l est vrai que l’abeille est un animalfascinant, qui, un beau jour, adécidé de s’organiser en ruches

pour construire un système hiérarchiséde division du travail… À l’opposé, « ilsuffit de regarder sa figure et l’on com-prend que l’âne est un rêveur défini-tif. » Pourtant, l’âne et l’abeille parta-gent ce trait singulier d’avoir unesexualité déviante : ils font l’amour endehors de leur espèce. L’un s’ac-couple avec la jument, l’autre faitl’amour aux fleurs, aux arbres, auxplantes et aux vents qui transportentson pollen. Encyclopédiste, rapporteurde légendes, entomologiste, botaniste,Gilles Lapouge écrit le roman singu-lier et réjouissant de ces espècesqu’il retrouve chez Platon, virgile,Chateaubriand ou Rimbaud. Dans cesgéorgiques follement documentées,

sans discours ni théories mais avecl’humour et l’humanité qu’on luiconnaît, il déroule un pan d’histoire dela nature, des êtres vivants, des so-ciétés et de nous-mêmes. n

Le bestiaire amoureuxde Gilles Lapouge

ESSAI

Bien connu du public pour ses essais savoureux

et ses romans empreints de poésie publiés chez Albin Michel,

Gilles Lapouge fait ici son miel, si l’on ose dire, des symboles

de l’abeille et de l’âne.

La Politique des oraclesRaconter le futur aujourd’hui Ariel Colonomos304 pages, environ 18 €

L’Âne et l’abeilleGilles Lapouge336 pages, 19,50 €

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8 L’Homme en Question n HIvER 2014

A vec ce recueil de sept conférences données entre 1956 et 1976, John Bowlby, créateur de lathéorie de l’attachement, a voulu offrir une introduction aux concepts plus longuementdéveloppés dans sa trilogie Attachement et perte.

l’ouvrage s’intéresse ainsi aux relations parent-enfant, aux réactions au deuil ou à la perturbationdes liens affectifs chez les enfants, les adolescents et les adultes, éléments d’une importance cliniqueessentielle pour John Bowlby. Il y explique, par exemple, à quel point il est crucial pour les parents d’ac-cepter les émotions négatives de leurs enfants à leur encontre, émotions engendrées par les nécessairesfrustrations liées à une éducation non laxiste. Sinon l’enfant n’apprend pas à réguler sa colère ou sajalousie, et cela le conduit à une expression exacerbée de ces affects ou au contraire à leur blocage com-plet, qu’il tendra à reproduire ensuite avec ses propres enfants. Il en est de même pour la peur, qui peutse transformer en anxiété généralisée et faire elle aussi l’objet d’une transmission transgénérationnelle.

John BowlBy explique aussi comment l’éthologie a nourri sa réflexion de psychanalyste, avec un ap-port de concepts utiles à la psychologie développementale pour comprendre l’importance d’un lienparent-enfant de bonne qualité. Il rapporte encore les premières preuves fournies par les étudesd’Ainsworth qui viennent valider son approche, précisant ce qui dans l’environnement familial constitueune base saine pour des relations futures, conservée la vie durant. Un autre texte porte plus spécifi-quement sur le deuil et les effets de la séparation qui, s’ils ne sont pas correctement pris en compte parl’entourage, conduisent à des manifestations pathologiques ultérieures. À l’inverse, il fait une présenta-tion détaillée des conditions d’éducation qui favorisent l’émergence de la confiance en soi, de l’assu-rance et de l’autonomie, gages d’une vie harmonieuse tant dans la relation à soi-même qu’à autrui.L’ouvrage se clôt sur une synthèse magistrale de la théorie et de son application pratique concernantles problèmes relationnels, dans une perspective thérapeutique tout autant que pédagogique et pré-ventive.Ce livre, complémentaire de Le lien, la psychanalyse et l’art d’être parent, permettra à tous ceux que lesujet intéresse de se référer aisément à des textes de base, exempts de biais et d’interprétation, et d’enfaire un usage de terrain. n

Un livre, un éditeur

Amour et rupture :les destins du lien affectif

par Mathilde Nobécourt

L es statistiques indiquent que18 % des enfants français âgésde 3 à 17 ans sont en surpoids.

Si le problème de l’anorexie fait désor-mais l’objet d’une prévention précoce,les auteurs des différentes contributionsici réunies par les docteurs AnnieBirraux et Didier Lauru plaident pourqu’autant d’attention soit portée à laproblématique de l’obésité, dont lesconséquences sur la vie adulte sontdramatiques. Ils montrent que le corpsgros existe aussi psychiquement,comme rempart contre le monde ex-térieur ou contre une génitalité perçuecomme effrayante pendant la puberté.La prise en charge des adolescentsobèses doit donc non seulement ga-gner du terrain en amont, mais elle doitaussi s’accompagner d’un traitementpsycho-pathologique de la souffranceet aider l’adolescent à surmonter leface-à-face douloureux avec lui-même.Les différents auteurs, qui apportentchacun leur compétence spécifiquedans le débat, se rejoignent sur l’ur-gence d’une prise de conscience, pourque l’obésité ne devienne pas cheznous le fléau qu’elle est ailleurs. n

Commentsoignerl’obésitéadolescente ?

PSYCHOLOGIE

Le Poids du corps à l’adolescenceDidier Lauru et Annie Birraux304 pages, 18,50 €

Amour et rupture :les destinsdu lien affectifJohn Bowlby272 pages, 23,90 €

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9L’Homme en Question n HIvER 2014

Paroles de vérité Ostad Elahi304 pages, 9,20 €

La Presqu’île interditeAlain Durel256 pages, 7,70 €

L’Esprit du YogaYsé Tardan-Masquelier336 pages, 8,50 €

La Voie du bouddhismeau fil des joursÊtre, aimer, comprendreOlivier RaurichPréface de Sogyal Rinpoché256 pages, 18 €

Dans notre monde de plus enplus complexe et globalisé,nos anciens concepts

d’Orient et d’Occident sont désor-mais obsolètes, tant il est vrai quenulle part nous ne sommes à l’abri demaux comme le stress, la solitude,l’anxiété, la frustration, le manqued’estime de soi et la dépression, quiconnaissent un essor évident. […] Deplus en plus de gens issus de culturesnon bouddhistes ont adopté lesenseignements du Bouddha. Ils ydécouvrent qu’il est possible de selibérer de la domination incessantedes habitudes et des émotions, desurmonter l’inquiétude et le stressphysique et mental, de cultiver labienveillance et la compassion poureux-mêmes comme pour les autreset, par dessus tout, de regagner lamaîtrise de leur vie et de leur desti-née. C’est la raison pour laquelle jesuis très heureux qu’Olivier Raurich aitécrit ce livre avec la motivation sincèred’être utile aux autres en partageantses propres découvertes et sonexpérience personnelle. La Voie dubouddhisme au fil des jours n’est pasde la philosophie abstraite, mais un

manuel de vie très concret et acces-sible. […] Ce livre me donne un grandespoir pour l’avenir, car il montrecomment les enseignements duBouddha apparus il y a 2500 anspeuvent être traduits et enseignés defaçon à la fois parfaitementauthentique, et complètementen phase avec notre temps.

Découvrirles bienfaits quotidiensdu bouddhisme

BOUDDHISME

Olivier Raurich, disciple et traducteur personnel de Sogyal

Rinpoché, l’auteur du célèbre Livre Tibétain de la Vie et de la

Mort, signe, avec son premier ouvrage, un véritable manuel de

méditation et de lâcher prise au quotidien. Extraits de la

préface de Sogyal Rinpoché :

L e plus récent d’entre eux,Paroles de vérité, nous fait dé-couvrir l’enseignement universel

d’un mystique humaniste iranien.Né en 1895, Ostad Elahi montre dèssa plus tendre enfance des disposi-tions exceptionnelles sur le plan spi-rituel. Après une jeunesse ascétique,il décide de se confronter au mal, àl’injustice, en devenant magistrat :pour lui, la lumière ne devient palpa-ble que sur un fond de ténèbres, lebien n’a de sens que face au mal. Par-tant du cadre de la tradition Ahl-eHaqq et de l’ensemble des religions« révélées », il parvient à faire la syn-thèse des traditions pour en dégagerles invariants universels. Il affirmeavec vigueur qu’un même Dieuunique s’est de tout temps révélé auxhommes sous des noms et desformes diverses. Le message fonda-mental reste le même et il a pour vo-cation de mener les êtres humainsvers leur perfection et ultimement deleur permettre de retourner à laSource. La traduction de ces Parolesprofondes et accessibles est due àLeili Anvar, spécialiste reconnue de lalittérature mystique de langue persane.

paraît également en ce DéBut D’an-née la reprise de La Presqu’île inter-dite d’Alain Durel, superbe voyage

initiatique au Mont-Athos et intro-duction passionnante à la mystiquedu christianisme oriental, où AlainDurel nous transmet l’enseignementqu’il a reçu, issu des Pères del’Église, qui nous ouvre à une spiri-tualité universelle. À signaler enfin,celle de L’Esprit du Yoga d’YséTardan-Masquelier, panorama rigou-reux et très accessible du yoga enOccident et de ses racines indiennes,dans lequel elle développe lesconcepts-clés en déroulant le fil deson histoire, des Yoga-sûtras dePatanjali à aujourd’hui en passantpar les groupes tantriques. Un indis-pensable ouvrage de synthèse surcette discipline qui donne lieu,aujourd’hui encore, à tant de malen-tendus. Un outil précieux pour tousceux, pratiquants ou sceptiques, quis’interrogent sur la place du yogadans la société ou dans leur par-cours personnel. n

Des Spiritualitésplus vivantes que jamaisPOCHE

La collection « Spiritualités vivantes poche » s’enrichit mois

après mois de titres essentiels, y compris des inédits de plus

en plus nombreux.

À ne pas manquer n n n

n À paraître prochainement au Livre de Poche parmi les livresd’Albin Michel qui avaient été recensés dans ce journal :

• Le Sumo qui ne pouvait pas grossir, d’Éric-Emmanuel Schmitt (3 janvier)

• Le Sexe ni la mort, d’André Comte-Sponville (15 janvier)

• Les Étrangers, de Sándor Maraï (5 février)

• Quand reviennent les âmes errantes, de François Cheng (5 février)

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10 L’Homme en Question n HIvER 2014

Cyrille J.-D. JavaryDix ans après s’être imposé auprès du public sinophileavec sa monumentale traduction commentée du Yi Jing,Cyrille J.-D. Javary poursuit son œuvre d’initiateur aumode de penser chinois. Dans La Souplesse du dragon,il nous en fait découvrir les fondamentaux : le rapport àl’espace et au temps, la conception du changement, lerôle structurant de l’écriture idéographique, le mondedes esprits et l’univers sociopolitique.

Comment la Chine conçoit-elle sa placeet son rôle dans le monde? Les premiers échanges intellectuels entre l’Occident etla Chine remontent à Louis XIV, tandis qu’on célèbrecette année les cinquante ans de l’établissement desrelations diplomatiques entre la France et la Républiquepopulaire. Mais la Chine n’a découvert le monde qu’audébut du XXe siècle. Durant toute l’époque impériale, soitjusqu’en 1911, il n’y avait pas de ministère des affairesétrangères puisqu’il n’y avait nulle part d’équivalent àl’Empire chinois. La Chine se désignait elle-même soitpar l’expression « entre les quatre mers », soitsimplement par « (tout ce qui est) sous le ciel ». C’étaitle bureau des Rites qui était chargé d’accueillir lesdélégations étrangères autorisées à venir porter àl’empereur hommages et tributs. Habituée àce que le monde vienne à elle, la Chine a gardé commenom officiel Zhongguo, le « pays au milieu » sous-entendu, au milieu du monde. Aujourd’hui, redevenueriche et puissante, elle se retrouve cependant un paysau milieu des autres. C’est pour cela qu’elle cherche sesfrontières dans le ciel, dans l’espace, sur les mers etdans le domaine du soft power intellectuel : il n’y fautvoir ni impérialisme ni arrogance, juste un rééquilibrageà la mesure de sa place dans le concert des nations.

Comment les Chinois perçoivent-ils les changementsactuels de leur pays? Comme une période complexe, une de plus dans leurlongue histoire. Les changements ne leur font pas peur,ils ont toujours intégré l’évidente nécessitédu changement au cœur du fonctionnement vital,

des êtres comme des sociétés. Le livre-maîtrede la civilisation chinoise n’est-il pas le Yi Jing,le « Classique des Changements »? Et sans douteest-ce cela qui leur a permis de traverser sans vacillerles vicissitudes du siècle passé. De l’Empire à laRépublique, de la révolution culturelle à l’ouvertureet aux réformes, jamais dans l’histoire du mondeun aussi grand nombre de personnes n’a été concernépar autant de changements en aussi peu de temps.Mais si le bilan est incontestablement positif,le prix à payer en termes sociaux, environnementauxet politique a été et demeure énorme.

En quoi le mode de penser chinois peut-il nouspermettre d’affronter le monde d’aujourd’hui? Notre perception du monde, issue de la géométriegrecque, s’enracine dans des fondements statiques.La résistance au changement qui corrode nos sociétésest une conséquence de ce point de vue. Dès qu’ony incorpore la dynamique du Yin Yang, le changementse révèle comme le moteur même du vivant.C’est parce que le froid de la nuit hivernale porte en luila chaleur du jour estival que poussent tous les produitsqui nous nourrissent. Et cette perception positiveexplique l’intérêt grandissant pour le Yi Jing à la foiscomme manuel d’aide à la prise de décision et aussicomme « plan du monde ». À tel point qu’en juin 2014,organisé par le Centre Djohi (association pour l’étudeet l’usage du Yi Jing),aura lieu à Parisle premier colloqueinternationalsur le Yi Jing, intitulé« Modernité d’un ancienclassique chinois »avec des professeurschinois, américains,et de grands nomsde la sinologie française.(renseignements :www.djohi.org) n

Trois questions à n n n

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L’ultime messaged’une grandefigure spirituelle

MIEUX VIVRE

Redécouvrir la vie Anthony de Mello154 pages, 12 €

J ésuite d’origine indienne,Anthony de Mello (1931-1987)est depuis longtemps un auteur

phare dans le domaine de la spiritua-lité, qui a su harmoniser l’hindouisme,la psychothérapie et la tradition igna-tienne dans une approche neuve etefficace. Conteur et conférencierrecherché, maître spirituel et écrivaingénéreux, on lui doit de nombreux ou-vrages devenus des classiques, telsQuand la conscience s’éveille, Appelà l’amour ou encore Un chemin versDieu. Redécouvrir la vie est son ultimelivre et celui que ses lecteurs s’ac-cordent à reconnaître à la fois le plussimple et le plus profond. Écrit à par-tir d’une conférence donnée à peinequelques mois avant sa disparition, cedernier message nous invite à dé-couvrir la signification réelle de notrevie. En devenant conscient de la na-ture circulaire et routinière des penséesqui nous enferment, il est possible detrouver des solutions simples auxsentiments de frustration, de colère, detristesse et de dépression. Anthony deMello nous offre ainsi une nouvelle ma-nière de regarder le monde et, par là,de nous transformer. Ouvrage intem-porel et proche du lecteur, Redécou-vrir la vie nous éveille à la beauté del’expérience humaine et nous permetde voir Dieu en toutes choses. n

La Souplessedu dragonLes Fondamentauxde la culture chinoiseCyrille J.-D. Javary320 pages, 19,50 €

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11L’Homme en Question n HIvER 2014

L es spécialistes de l’enfance re-connaissent unanimement l’im-portance du « portage » mater-

nel sur les capacités d’éveil et ledéveloppement des plus petits. Le DrClaudia Gold, pédiatre de formation psy-chanalytique dans le Massachusettsdepuis plus de vingt ans, proposed’étendre la notion de portage audomaine psychique: plaidant pour uneécoute attentive et empathique ducomportement de l’enfant, elle ex-plique ainsi que celui-ci a besoin de sesentir « porté par la pensée », c’est-à-dire à la fois compris, sécurisé etcontenu par un parent disponible émo-tionnellement.

la science a en effet démontré qu’enstimulant la partie « observante » ducerveau de l’enfant, une attitude em-pathique entraînait un apaisementfavorable à la construction d’un senti-ment de soi sécurisant. C’est ainsi quel’enfant arrive à se penser lui-même,penser ses émotions et les réguler.Convoquant les neurosciences et lagénétique, outre la psycho-dynamiqueet la théorie de l’attachement, et avecla psychologie du développementcomme ligne directrice, Claudia Goldaborde différents aspects: les coliquesdu nouveau-né et la gestion du som-meil, pour laquelle il y a entre cinq etneuf mois un moment sensible; puis laquestion des « limites », quand porterpsychiquement son enfant impliquede l’aider à contenir ses affects, à dés-amorcer leurs effets nuisibles ou dan-gereux, à affronter l’angoisse de la sé-paration lors de l’entrée en maternelle.Elle s’arrête ensuite sur les difficultésscolaires, qui constituent le premiermotif de consultation d’un pédiatre oùd’un pédopsychiatre chez les enfantsentre 5 et 12 ans. À chaque étape, il nes’agit pas de prescrire « quoi faire »,mais plutôt d’expliquer « commentêtre » avec son enfant pour l’accom-pagner dans les chagrins, angoisses,colères et autres émotions du quotidienqui peuvent devenir envahissantes aupoint de déborder les parents.

Accessible à tous et riche en casconcrets issus de la pratique de l’au-teur, ce livre qui conjugue les ap-proches, deviendra une référencepour les parents autant que pour lesprofessionnels de l’enfance. n

Le « portagepsychique » de l’enfantPÉDIATRIE

D ans sa préface, JacquesSalomé, psychosociologueet auteur de nombreux ou-

vrages sur les relations humainesécrit :

ce recueil est né D’une

triple Découverte. J’ai dé-couvert combien il était

nécessaire, dans toute relation, d’oserse dire, de nommer ses sentiments,ses émotions ou ses désirs, d’allerau-delà du silence des mots pourdépasser la violence des maux. Madeuxième découverte a été de com-prendre que toutes les maladies(mal-à-dit) sont des langages sym-boliques. La troisième a été d’accep-ter qu’au-delà de nos cinq sens nouspossédions cinq sens merveilleux,rarement utilisés : l’émotion, l’imagi-nation, l’intuition symbolique, l’inspi-ration créatrice, et la conscienceuniverselle qui nous relie au divin.

Ces découvertes m’ont conduit à dé-velopper le concept de soins rela-tionnels. Parmi les soins relationnels,j’ai introduit des contes, des histoirespoétiques et ludiques. Les contes ontce pouvoir de toucher en nous plu-sieurs registres, de réactiver notre in-conscient, de stimuler la mé-moire de nos oublis, d’êtreporteurs d’énergie créatrice…

ces contes émouvants et les imagesstimulantes de Justine Brax donne-ront aux enfants l’envie de grandir,encore et toujours. n

l’humour de situation à l’humournoir, de la fantaisie à l’humour ab-surde et au « nonsense », du délireverbal aux jeux de mots et aux ca-lembours. Sont invités de grandspoètes comme Charles d’Orléans,victor Hugo, Charles Cros… aussibien que les plus drôles de nospoètes d’aujourd’hui : Jean-ClaudeTouzeil, Michel Besnier, JacquelineHeld. Convoqués les grands maîtres«  ès cocasseries  » du xxe siècle :Raymond Queneau, Norge, JeanTardieu… les auteurs les plus dé-routants : Jean L’Anselme, André

Frédérique, Paul vincensini,Gérard Bialestowski… ainsi queles inattendus Jean Cocteau ou MaxJacob. La première partie, antho-logique, est suivie par dix jeux delangage inspirés par les poètesproposant aux enfants de déve-lopper leur propre humour langagier.Le tout est illustré par un talentueuxet joyeux maître de l’illustration,l’inégalable PEF. n

Vivre la magiedes contes

CONTES

Contes pour grandirde l’intérieurJacques Salomé/Justine Brax48 pages, 12,90 €

Quand les poètess’amusentJean-Hugues Malineau/PEF64 pages, 14,50 €

P ourtant, parmi toutes lesformes de l’intelligence, l’hu-mour est certainement, plus

encore que la sensibilité ou l’ima-gination, celle qui est la plus dé-laissée au cours de la scolarité.Convaincu qu’une intelligence nonsollicitée, à l’image d’un muscle, estune intelligence qui s’atrophie et quifinit par disparaître, l’auteur veut dé-velopper les pouvoirs du rire dès leplus jeune âge grâce au jeu avec etsur les mots de la langue maternelle.Dans l’ouvrage sont sollicitéestoutes les formes de l’humour : de

Apprendre à rireHUMOUR

À l’écoute des émotionsde l’enfantChagrins, angoisses,colères, et autresproblèmes du quotidienClaudia GoldPréface de Daniel Marcelli256 pages, 19 €

« L’humour est une des grandes chances de l’enfant ! »

écrit Jean-Hughes Malineau, le poète anthologiste

de ce recueil. « il peut lui apprendre à relativiser l’événement,

à prendre distance avec lui-même et avec le cortège

des préoccupations humaines. »

Page 12: Lytta Basset Richard Sennett, - albin-michel.fr · Le grand roman de l’Alexandrie chrétienne Au début du vesiècle, Azazel, le démon de la haine et de la division, s’est emparé

L ytta Basset se livre tout d’abord à un dé-montage en règle de la doctrine du péchéoriginel. « Mais qui croit encore au péché ori-

ginel ? », pourrait-on lui objecter. Les Églises elles-mêmes n’en parlent plus guère, comme si ellesavaient conscience de l’irrecevabilité d’une telleconception dans un monde où le sujet se veutémancipé. Quant à nos sociétés sécularisées, ellessemblent avoir rangé définitivement ce dogme aurang des vieilleries moralisantes. Et pourtant ! Aprèsavoir terrorisé nos ancêtres, celui-ci fait encoresentir ses ravages dans bien des domaines. LyttaBasset nous le démontre avec force précisions :que nous le voulions ou non, aussi modernes quenous puissions nous croire, nous avons intégrécette perception négative de la nature humaine, etla reproduisons sans cesse – dans nos théoriespsychanalytiques comme politiques, dans nos pra-tiques sociales comme en psychologie, et sur-tout, surtout dans nos méthodes éducatives.

cette Doctrine Du péché originel, dont on saitqu’elle remonte à saint Augustin, Lytta Basset enfait la généalogie et en décrit l’impact dévastateur,aussi bien en milieu catholique que dans sa propretradition protestante. Au passage, elle montrecomment l’invention augustinienne contredit lespremiers Pères de l’Église et l’interprétation ju-daïque des textes bibliques, et elle note que lathéologie orthodoxe lui est restée totalement étran-gère. Puis elle affirme, textes à l’appui, que la

12 L’Homme en Question n HIvER 2014

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ALBiN MiCHEL, 22 rue Huyghens, 75014 Paris – Tél. : 01 42 7910 92 – Fax : 01 43 272158 – www.albin-michel.frRédaction : Jean Mouttapa, Julien Darmon, Chloé Salvan et les éditeurs – Coordination : Gil Rousseaux – Maquette : Caractère B.

Oser la bienveillanceLytta Basset432 pages, 22 €n Du même auteur :Aimer sans dévorer448 pages, 20,30 €

« bonne nouvelle » qu’est l’Évangile s’inscrit en fauxcontre ce pessimisme radical dont on a plus tardaffublé le christianisme : les gestes et paroles deJésus nous appellent au contraire à développer unautre regard sur l’être humain, fondé sur la certi-tude que nous sommes bénis dès le départ, et leresterons toujours.

appuyé sur le socle De cette Bienveillance ori-ginelle, chacun de nous peut oser la bienveil-lance envers lui-même et envers autrui, et passerainsi de la culpabilité à la responsabilité. voici doncun ouvrage novateur et fondateur, propre à ren-verser toute notre vision de l’être humain, de sonpotentiel et de ses limites. n

Un autre regard sur l’être humainESSAI

Dans un monde de cynisme et

de violence, chacun aimerait bien

trouver le chemin d’un altruisme

qui ne serait pas une utopie.

Certains proposent les voies orientales

de la méditation, mais n’y a-t-il rien

de « sauvable » dans notre tradition

occidentale qui pourrait nous aider

réellement, au-delà de tout moralisme,

à devenir bienveillants envers

nous-mêmes et envers les autres?

Telle est la question à laquelle

répond le dernier livre de Lytta Basset,

qui mobilise aussi bien l’histoire

des idées et la psychologie

que la théologie et l’anthropologie.

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