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1 Mémoire du Master 2 Recherche - Histoire de la Pensée Juridique Moderne Ozeme Myrna MBO BILANGA Année universitaire 2015 2016 MAI 1968 ET SES CONSEQUENCES SUR LA FACULTE DE DROIT DE PARIS. Directeur de Mémoire : Monsieur Pierre Bonin Professeur à l’École de Droit de l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne -- Mai 2016 --

MAI 1968 ET SES CONSEQUENCES SUR LA FACULTE DE DROIT DE … · m’avoir ouvert les portes du Master 2 Histoire de la pensée juridique moderne. Un grand merci aux personnels des

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Mémoire du Master 2 Recherche - Histoire de la Pensée Juridique Moderne

Ozeme Myrna MBO BILANGA

Année universitaire 2015 – 2016

MAI 1968 ET SES CONSEQUENCES SUR LA

FACULTE DE DROIT DE PARIS.

Directeur de Mémoire : Monsieur Pierre Bonin

Professeur à l’École de Droit de l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne

-- Mai 2016 --

2

Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier Monsieur le professeur

Pierre Bonin pour ce très beau sujet, ainsi que pour sa

disponibilité, et sa précieuse aide pour la réalisation de ce

mémoire.

Mes remerciements vont ensuite aux professeurs Monsieur

Arnaud Vergne et Madame Anne Rousselet-Pimont pour

m’avoir ouvert les portes du Master 2 Histoire de la pensée

juridique moderne.

Un grand merci aux personnels des archives nationales de

Pierrefitte, ainsi qu’à ceux de la Bibliothèque de

documentation internationale contemporaine de Nanterre.

De manière plus individuelle je tiens à remercier Madame

Florence Roussel (Archives du Sénat) et Monsieur Thierry

Holzer (Archives du ministère de l’éducation) pour les

recherches qu’ils ont si gentiment effectués, Monsieur

Ludovic Bouvier et Madame Stéphanie Méchine (archives

de la chancellerie des universités) ainsi que Madame Marie-

Caroline Luce (archives de l’Université Paris I – Panthéon

Sorbonne) pour leur temps, leur aide mais aussi leur conseil

pour la rédaction de ce mémoire.

Je remercie également les futurs lecteurs de ce mémoire, en

espérant qu’ils puissent y trouver des réponses à leurs

questions en vue d’éventuelles recherches.

Et enfin un dernier remerciement à ma mère, qui a été d’un

soutien sans faille durant la rédaction de ce mémoire.

3

Glossaire des abréviations utilisées

AEERS Association d'Etudes pour l'Expansion de la Recherche Scientifique.

AGEDESEP Association Générale des Etudiants en Droit et Sciences Economique

de Paris.

BDIC Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine.

CED Centre d'Études et de Diffusion.

CFTC Confédération Française des Travailleurs Chrétiens.

CNESER Conseil National de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche.

CNOUS Centre National des Œuvres Universitaires et Scolaires.

COMUE Communautés d’Universités et Etablissements.

CROUS Centre régional des œuvres universitaires et scolaires.

EHESS École des hautes études en sciences sociales.

EPHE École pratique des hautes études.

FEN Fédération de l'Éducation nationale.

FNSAESR Fédération nationale des syndicats autonomes de l’enseignement

supérieur et de la recherche.

HEC École des hautes études commerciales de Paris.

IEP Institut d'études politiques de Paris.

INA Institut national de l'audiovisuel.

INALCO Institut national des langues et civilisations orientales.

JORF Journal Officiel de la République Française.

LRU Loi relative aux libertés et responsabilités des universités.

OTAN Organisation du traité de l'Atlantique nord.

PRES Pôle de recherche et d'enseignement supérieur.

4

SGEN Syndicat Général de l'Éducation Nationale.

SNCS Syndicat National des Chercheurs Scientifiques.

SNESR Syndicat National de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche.

SNESup Syndicat national de l'enseignement supérieur.

UDR Union pour la Défense de la République.

UER Unités d'Enseignement et de Recherche.

UFR Unité de Formation et de Recherche.

UJP Union des Jeunes pour le Progrès.

UNI Union Nationale Interuniversitaire.

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Sommaire

Introduction _______________________________________________________________ 7

PREMIERE PARTIE - LA FACULTE DE DROIT DE PARIS EN MAI 1968 _______ 14

Chapitre 1 - Les acteurs de la Faculté de droit de paris __________________________ 15

I – Les membres de droit ____________________________________________________ 15

II – Les corps de la Faculté ___________________________________________________ 22

Chapitre 2 - La Faculté de droit de Paris face à la contestation étudiante ___________ 30

I – Les affrontements de étudiants de la Faculté de droit de Paris _____________________ 30

II – Les revendications des étudiants de la Faculté de droit de Paris ___________________ 37

DEUXIEME PARTIE - L’ADOPTION DE LA LOI FAURE _____________________ 43

Chapitre 1 - L’adoption du projet de la loi d’orientation _________________________ 44

I – La nécessité d’une réforme de l’enseignement supérieur _________________________ 44

II – L’élaboration du projet de loi ______________________________________________ 52

Chapitre 2 - La réception de la loi Faure dans le milieu universitaire _______________ 61

I – Les syndicats universitaires et la participation _________________________________ 61

II – La loi Faure et les syndicats enseignants _____________________________________ 65

TROISIEME PARTIE - LES CONSEQUENCES DE LA LOI FAURE ____________ 70

Chapitre 1 - La fin de l’Université napoléonienne _______________________________ 71

I – Les principaux piliers de la loi Faure _________________________________________ 71

II – Des nouveaux rôles pour des nouvelles universités _____________________________ 77

Chapitre 2 - Le démembrement de la Faculté de droit de Paris ____________________ 81

I – Des cinq facultés aux treize universités _______________________________________ 81

II – Entre la division et le partage de l’ancienne Université de Paris ___________________ 87

Conclusion _______________________________________________________________ 95

6

« De l'éducation de son peuple dépend le destin d'un pays ».

Benjamin Disraeli (1804-1881).

« L’Université sous l’impulsion du grand ministre que

J’y aurai appelé, sera, de par la loi, réformée de fond en comble1 ».

Charles De Gaulle (1890-1970).

« L’éducation est l'arme la plus puissante qu'on

puisse utiliser pour changer le monde2 ».

Nelson Mandela (1918-2013).

1. Charles de Gaulle. Mémoires d’espoir, L’’effort, tome II, Paris : Plon, 1971.

2. Traduction de l’anglais « Education is the most powerful weapon which you can use to change the world »,

prononcé lors de son discours Lighting your way to a better future, en 2003.

7

Introduction

1 593 300, c’est le nombre d’étudiants en France inscrits à l’Université pour l’année 2015-2016,

cela représente une augmentation de 4 % par rapport à l’année précédente3. Parmi ces étudiants

un peu plus de 208 600 sont inscrits dans un cursus juridique4.

L’éducation occupe une place centrale au sein de la société. Dans un souci d’organisation et de

contrôle de l’Éducation Nationale, nombreuses ont été les réformes initiées par le

Gouvernement. Pourtant, à la fin des années 60, dans le dernier tiers du XXe siècle, une réforme

relative à l’éducation va apporter un changement considérable au niveau l’enseignement

supérieur français.

Il est intéressant de commencer par un bref rappel du contexte historique des années 60 pour

pouvoir comprendre comment et pourquoi se sont déroulés les évènements. Les années

sixties sont caractérisées comme étant une période où la France et la plupart des pays industriels

occidentaux vont connaitre une prospérité presque exceptionnelle, les Trente Glorieuses (1945-

1975)5, période de pleine croissance économique, de plein emploi, avec la présence d’un fort

rayonnement culturel.

La France se transforme, la consommation de masse fait son apparition, mais à côté de ce

tableau idyllique des guerres et des conflits comme la Guerre d’Algérie (1954-1962) où la

France est directement impliquée mais aussi d’autres guerres comme la Guerre du Vietnam

(1954-1975), même si la France n’est pas concernée, cette guerre va jouer un rôle quant à la

naissance des évènements de mai 68.

3. Sources : site du Ministère de l’Éducation Nationale, les effectifs universitaires en 2015-2016. Mai 2016,

(Annexe 1 - Tableau 1).

4. Sources : site du Ministère de l’Éducation Nationale, les effectifs universitaires en 2015-2016. Mai 2016,

(Annexe 1- Tableau 2).

5. Expression de l’économiste Jean Fourastié (1907-1990), Les Trente Glorieuses, ou la révolution invisible de

1946 à 1975, Paris : Fayard, 1979. L’expression fut choisie en référence aux « Trois Glorieuses » de la révolution

de 1830.

8

C’est dans ce contexte entre conflits et changements de la société que les jeunes de mai 68, ont

grandi. Certains d’entre eux vont se révolter et décider de mener une lutte « anti-bourgeoise »,

« anticapitaliste » et « anti-impérialiste ».

Tout semble avoir été changé, la France se modernise, mais cet élan de changement s’arrête

aux portes de l’Université, cette dernière et les programmes enseignés sont surannés, l’idée de

réformer l’enseignement supérieur va progressivement s’imposer.

Fondé en 1966, en vue de protester contre l'intervention américaine au Vietnam, le Comité

Vietnam National est présidé par le mathématicien Laurent Schwartz (1915-2002).

Le Comité organise une manifestation, qui se déroule le 20 mars 1968, devant le siège de

l’American Express à Paris. L’établissement est alors saccagé et six personnes sont arrêtés dont

Nicolas Boulte (Jeunesse étudiante chrétienne) et Xavier Langlade (chef du service d’ordre de

l’organisation Jeunesse communiste révolutionnaire).

Le 22 mars 1968, c’est au tour des étudiants de la Faculté de Nanterre de manifester à l’encontre

de l’arrestation de leurs camarades. Lors de cette manifestation le « Mouvement du 22 Mars »

est lancé avec pour leader Daniel Cohn-Bendit surnommé « Dany le Rouge ». Cet évènement

est considéré comme étant l’un des éléments déclencheur des évènements de Mai 68. On peut

déjà souligner que Mai 1968 n’est pas un mouvement de contestation étudiant et ouvrier qui a

uniquement touché le territoire français, dans différents pays du monde se passe des

manifestations comme au Brésil, en Italie, en Allemagne, en Tchécoslovaquie ou au Japon.

Étant donné les nombreux écrits sur le sujet de « mai 68 », les évènements de Mai seront

principalement étudiés au regard de l’Université de Paris et de la Faculté de droit de Paris. Les

lecteurs souhaitant approfondir de manière plus détaillée la question des événements de Mai

68, trouveront quelques éléments bibliographiques concernant la période à la fin de ce mémoire.

Bien que la faculté se nomme « La Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Paris6»,

dans le cadre de ce mémoire les développements porteront en particulier sur le département

6. La faculté de droit de Paris a pris ce nom suite au décret du 26 août 1957, relatif à la nouvelle dénomination des

facultés de droit.

9

juridique, (enseignements, professeurs, étudiants) il y aura quelques références concernant le

département sciences économiques mais dans une proportion très minime.

La Faculté de droit de Paris et des Sciences Economiques représente huit siècles

d’enseignement du droit, et cela toujours au sein du même quartier au pied de la Montagne

Sainte Geneviève7 dans le Quartier Latin. La Faculté faisait partie de l’Université de Paris qui

était composée au XIIe siècle de quatre facultés : La Faculté des Arts, la Faculté de Médecine,

la Faculté de Théologie et la Faculté de Droit canon. À l’origine seul le droit canonique était

enseigné à la Faculté de droit, cet enseignement reposait sur le décret de Gratien8, en raison de

cet unique enseignement, la Faculté avait pour nom la Consultissima decretorum facultas, la

Faculté de décret.

Le Pape Honorius III avait interdit l’enseignement du droit romain dans les universités

françaises9. Il a fallu attendre jusqu’en 1679, année de l’Édit de Saint-Germain-en-Laye pris en

avril par le roi Louis XIV, qui va autoriser l’enseignement du droit romain à Paris. Cet Édit va

avoir un grand impact sur la faculté de droit, car en plus de l’autorisation de l’enseignement du

droit romain, il va par la même occasion avoir l’affirmation du droit français par rapport au

droit romain et canonique qui formaient l’essentiel des études juridiques.

7. Sainte Geneviève (423-512), est une Sainte française qui convainc le peuple parisien de ne pas abandonner la

cité aux Huns, lorsque les rumeurs cours que Attila viendra envahir Paris. En effet elle est persuadée que ce dernier

contournera la cité. Les parisiens seront assez hostile mais Sainte Geneviève résiste et réuni d’autres femmes

autour d’elle « Que les hommes fuient, s’ils veulent, s’ils ne sont plus capables de se battre. Nous les femmes, nous

prierons Dieu tant et tant qu’Il entendra nos supplications ». Elle est depuis considérée comme la patronne et la

gardienne de Paris. Elle est également la patronne de la ville et du diocèse de Nanterre et des gendarmes depuis

1963.

8. Le Décret de Gratien, en latin Concordantia Discordantium Canonum « Concorde des canons discordants » est

un recueil de droit canonique, qui rassemble plus de 3800 textes, il a été rédigé vers 1140 par Gratien, un moine

bénédictin d’Italie considéré comme le père de l’étude du droit canonique.

9. Le Pape avait volontairement interdit l’enseignement du droit romain en France alors qu’il était enseigné à

Bologne et c’est d’ailleurs le droit romain qui faisait une partie de sa renommée. Le Pape avait voulu éviter une

concurrence entre les deux facultés. Anne Rousselet-Pimont. « L’École de droit avant l’École de droit. Les origines

et le développement de l’enseignement universitaire du droit à Paris ». in Pascale Gonod, Anne Rousselet-Pimont

et Loïc Cadiet (Dir.) L'École de droit de la Sorbonne dans la Cité. Paris, IRJS, 2012, p. 29-30.

10

Au XVIIe siècle on passe de la Faculté de décret à la Faculté des droits. La Faculté de droit de

Paris se diversifie et les professeurs délivrent plusieurs enseignements de droit, à savoir le droit

romain, le droit canonique et le droit françois (français).

Au lendemain de la Révolution les universités de droit sont supprimées par un décret de la

Convention en date du 15 septembre 1793. Elles sont rétablies par la loi du 11 floréal an X (1er

mai 1802) qui annonce l’établissement des lycées et école de droit dont l’organisation va être

fixée par une loi du 22 ventôse an XII (13 mars 1804)10. On réinstalle la Faculté dans les mêmes

locaux, ceux du Panthéon.

Dès sa recréation, la Faculté de droit de Paris compte cinq chaires dont une chaire de droit

romain, trois chaires de Code civil, et une chaire de procédure civile et criminelle et de

législation criminelle. En 1809, elle compte deux chaires en plus, une chaire de Code de

commerce et une chaire de droit administratif.

La Faculté de droit de Paris ne cessant de se développer, une ordonnance royale du 24 mars

1819, porte le nombre de chaires de la Faculté à seize, et en 1845 elle en comptabilise dix-

huit11.

La Faculté de droit de Paris va devenir au cours du XIXe siècle, un lieu où émerge de nouvelles

disciplines juridiques comme par exemple des enseignements en droit administratif 12, en droit

constitutionnel ou encore en droit international public mais aussi privé. C’est également cette

même Faculté de droit qui va connaitre la première doctoresse en droit du monde13 en 1890.

10. Jean-Louis Halperin (Dir.), Paris, Capitale juridique (1804-1950) : Etude de socio-histoire sur la Faculté de

droit de Paris, Rue d’Ulm, 2011.

11. Guy Antonetti. « La Faculté de droit de Paris à l'époque où Boissonade y faisait ses études », in Revue

internationale de droit comparé, Vol. 43 N°2, Avril-juin 1991. pp. 333-356.

12. La première chaire de droit public et administratif de la Faculté de droit de Paris est créée par l’ordonnance du

24 mars 1819, l’enseignement du droit administratif va cependant être supprimé par une ordonnance du 6

septembre 1822 et rétabli par la suite par une ordonnance du 18 juin 1828.

13. Il s’agit de Sarmiza Bilescu (1867-1953), roumaine d’origine, elle est la première femme à être admise à la

faculté de droit de Paris. Elle obtient sa licence en droit le 17 juin 1887 et soutient sa thèse « De la condition légale

de la mère » le 12 juin 1890.

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Jeanne chauvin y présentera également sa thèse en 189214. C’est au cours de ce siècle que la

Faculté de droit de Paris va gagner en autonomie et en prestige. Ses effectifs étudiants mais

aussi enseignants ne vont pas cesser d’augmenter pour avoir une idée on compte 500 élèves en

1805, et plus de 7800 en 191215, il s’agit de près de la moitié des étudiants du pays. En 1885 on

reconnait la personnalité morale de l’université et le doyen est désigné sous proposition de la

Faculté.

La Faculté de droit de Paris a été le premier établissement d’enseignement supérieur au XIXe

et XXe siècle, en France et figure parmi l’un des premiers en Europe. La Faculté de droit de

Paris est désignée comme étant « L’École de droit de Paris ». Nombreux sont les personnalités

qui ont été diplômées de la Faculté de droit de Paris. Quel est le point commun entre Marguerite

Boulet-Sautel, Marcel Planiol, René Bufnoir, Gérard Lyon Caen, Adhémar Esmein, Joseph-

Émile Labbé, André Tunc, Raymond Saleilles, Robert Badinter, Charles Beudant ? Tous ces

personnages emblématiques du monde juridique ont été professeurs et étudiants au sein de la

Faculté de droit de Paris.

On peut citer de nombreuses facultés de droit très réputées dans le monde, Yale, Harvard, ou

en Europe, Salamanque, Oxford, Cambridge et Bologne mais c’est aussi au 12 place du

Panthéon que les étudiants de France mais aussi du monde se ruent afin de recevoir un

enseignement juridique de grande qualité et de grande renommée.

La Faculté de droit de Paris a connu plusieurs révolutions et crises politiques, par exemple la

Révolution de Juillet en 1830, la Révolution française de 184816, la Commune de Paris en 1871,

14. Jeanne Chauvin (1862-1926), est la première française à soutenir une thèse à la faculté de droit « Étude

historique sur les professions accessibles aux femmes : Influence du sémitisme sur l'évolution de la position

économique de la femme dans la société »,1892. Elle est aussi la première femme avocate française.

15. Jean-Louis Halperin (Dir.), Paris, Capitale juridique (1804-1950) : Étude de socio-histoire sur la Faculté de

droit de Paris, Paris : Rue d’Ulm, 2011, p.17.

16. Pierre BONIN. « Éducation juridique et politique sentimentale, l’École de droit de Paris et les journées de

1848 » in GONOD Pascale, ROUSSELET-PIMONT Anne et CADIET Loïc (Dir.) L'École de droit de la

Sorbonne dans la Cité. Paris, IRJS, 2012, p. 61-68.

Catherine Lecomte. « La Faculté de droit de Paris dans la tourmente politique (1830-1848) » in Revue d’histoire

des facultés de droit et de la science juridique, n°10-11, 1990 p. 59-98.

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l’Affaire Dreyfus, l’Affaire Georges Scelle (1878-1961) en 1925 ou encore l’Affaire Gaston

Jèze (1869-1953) en 193617. La dernière « révolution » que va connaitre la Faculté de droit de

Paris sera la crise de mai 1968 qui va sonner le glas de la Faculté. L’Université de Paris qui

était « ici est partout sur la terre18 » n’est plus, elle a été dissoute en même temps que la Faculté

de droit de Paris.

On aurait pu penser que l’éclatement de l’ancienne Faculté de droit de paris, suite aux

évènements de mai 1968, de la loi d’orientation en 1968 et du décret Guichard de 1970 aurait

eu pour conséquence un affaiblissement du dynamisme des études juridiques parisiennes, mais

bien au contraire à cause ou plutôt grâce à l’ensemble de ces évènements les études des droits

vont renaitre, se moderniser et se diversifier.

Les sources qui ont été utilisées pour la rédaction de ce mémoire sont principalement des

sources issues d’archives écrites. Les recherches ont été effectuées auprès des

Archives Nationales de Pierrefitte, aux Archives du Rectorat de Paris et aux Services

des archives de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Concernant le travail en bibliothèque, les recherches ont été principalement effectuées à la

Bibliothèque interuniversitaire Cujas, à la Bibliothèque Interuniversitaire de la Sorbonne, à la

Bibliothèque Sainte-Geneviève et à la Bibliothèque de documentation internationale

contemporaine de Nanterre.

Il y a également des ouvrages, des articles de presse. Le quotidien qui a été spécialement retenu

pour cette étude a été le journal Le Monde19, c’est un des quotidiens qui a le plus suivi les

évènements de mai 68, les débats concernant l’adoption de la loi Faure de 1968 et les débats

17. Marc Milet. La Faculté de droit de Paris face à la vie politique : de l’affaire Scelle à l’affaire Jèze, LGDJ,

1996. 232 p.

18. Devise de l’ancienne Université de Paris : Hic et ubique terrarum, « Ici et partout sur la terre ».

19. La BDIC de Nanterre met à la disposition tous les numéros du journal Le Monde, en volumes reliés, depuis

1945. L’ensemble des numéros du journal est également consultable et téléchargeable sous format PDF sur le site

internet Euro presse : www.europresse.com, il s’agit d’une base de données d'informations en ligne. L’accès peut

aussi se faire via un compte lecteur de la Bibliothèque Cujas.

13

sur l’enseignement supérieur en général. De plus il a la particularité d’être un quotidien « du

soir ».

L’objectif de ce mémoire va être de voir quels ont été les conséquences des évènements de Mai

68 sur la Faculté de droit de Paris et comment la faculté s’est transformée.

La première partie sera consacrée au statut de la Faculté de droit de Paris avant et pendant les

évènements de mai 68. La seconde partie sera relative à l’adoption de la Loi Faure. Et enfin la

troisième partie abordera les conséquences de la Loi Faure sur la Faculté de droit de Paris.

14

Première Partie - La Faculté de Droit de Paris en Mai 1968

Dans cette première seront étudiés les acteurs de la faculté de droit de Paris (Chapitre 1).

Nous étudierons également la contestation étudiante découlant des évènements de mai et son

déroulement au sein de la Faculté de droit de Paris. Nous allons essayer de voir quelle a été

l’implication des étudiants et des enseignants de la Faculté lors des évènements (Chapitre 2).

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Chapitre 1 - Les acteurs de la Faculté de droit de Paris

Dans ce premier chapitre nous verrons les acteurs de Faculté de droit de Paris. Il est intéressant

de commencer par une présentation des acteurs composant la faculté pour comprendre son

fonctionnement. On pourra ainsi voir quels étaient les acteurs de la faculté avant les évènements

de mai 1968 et voir si ces acteurs le resteront après la crise. Nous étudierons dans un premier

temps les membres de droit (I), et ensuite ceux qui représentent le plus grand effectif de la

faculté les enseignants et étudiants (II).

I - Les membres de droit

Les membres de droit sont les acteurs de la Faculté de droit de Paris qui ont été nommés par

voie législative, il s’agit des recteurs (A) et du doyen (B).

A - Le recteur de l’Académie de Paris et son recteur adjoint

On peut dire qu’en France, il y a deux grandes figures qui représentent le ministère de

l’Éducation au sein des universités, il y a le recteur (1) et le recteur adjoint (2).

1 – Le recteur de l’Académie

En 1967, dans un article du Monde, le Ministre de l’Éducation Nationale Alain Peyrefitte20

déclarait que : « La fonction rectorale n'est pas une carrière mais une mission21 »..Le terme

recteur a pour étymologie « capitaine de navire22 ».

20. Alain Peyrefitte (1925-1999) a été ministre de l’Éducation Nationale du 7 avril 1967 au 28 mai 1968 sous le

gouvernement George Pompidou IV.

21. Le Monde, 24 décembre 1967.

22. Navis rector, dérivé du supin rectum de regere, « diriger, guider, mener », Dictionnaire historique de la langue

française, Le Robert.

16

La fonction de recteur de l’Académie a été créée par Napoléon Bonaparte en 180823. Un décret

organique portant sur l’organisation de l’Université du 17 mars 1808 opérait une nouvelle

division du territoire en créant des académies et disposait au Titre XIII, article 94 que « Chaque

académie sera gouvernée par un recteur ». Le recteur d’Académie « napoléonien » va alors se

révéler être un véritable instrument du gouvernement. Le recteur va être placé sous l’autorité

du grand maître de l'Université24. Le recteur de l’Académie de Paris tient également le rôle de

Président du Conseil de l’Université.

L’article 6 du décret impérial du 31 juillet 1809 signé à Schönbrunn (Autriche), concernant les

costumes des membres de l’Université dispose que les recteurs porteront, dans l’exercice de

leurs fonctions et dans les cérémonies publiques, un costume de : « simarre de soie violette,

glands de soie à la ceinture, chausse violette herminée de huit centimètres, un seul galon à la

toque, cravate de batiste, palmes en argent25 ».

Le recteur d’Académie est le premier fonctionnaire de l'académie et, par conséquent le

responsable du système éducatif et le porte-parole d'une administration.

Pour sa nomination, il faut toujours se référer à l’article ci-dessus cité, en effet c’est au Grand-

Maitre que revient le pouvoir de nommer les recteurs. La seule obligation qui semble lui être

faite, est qu’il doit choisir un recteur « parmi les officiers des académies26 », pour une durée de

cinq ans. Cette disposition aboutissait donc à une restriction du choix du recteur.

Il va y avoir un élargissement du choix des recteurs en 1850. En effet la loi du 15 mars 1850

relative à l'enseignement communément appelé Loi Falloux27, dispose dans son article 9 que :

23. Un ouvrage a été consacré sur l’histoire de la profession de recteur : Henri Legoherel, Jean-François Condette

(Dir.), Le recteur d’Académie, deux cents ans d'histoire, Paris : Cujas, 2008, 316 p.

24. Le terme a changé pour ministre de l’instruction publique, ou encore ministre de l’éducation. Aujourd’hui de

Ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

25. Annexe 2.

26. Décret impérial portant organisation de l'université du 17 mars 1808 (article 94).

27. Loi abrogée par une Ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000 relative à la partie Législative du code de

l'éducation.

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« Les recteurs ne sont pas choisis exclusivement parmi les membres de l'enseignement public.

Ils doivent avoir le grade de licencié, ou dix années d'exercice comme inspecteurs d'Académie,

proviseurs, censeurs, chefs ou professeurs des classes supérieures dans un établissement public

ou libre ».

Deux années plus tard, la nomination du recteur d’académie va devenir la compétence du chef

de l’Etat, par un décret du 9 mars 1852 sur l’instruction publique, l’article 1er dispose que « Le

président de la République, sur la proposition du ministre de l'instruction publique, nomme et

révoque les membres du conseil supérieur, les inspecteurs généraux, les recteurs, les

professeurs des facultés, du collège de France, du muséum d'histoire naturelle, de l'école des

langues orientales vivantes, les membres du bureau des longitudes et de l'observatoire de Paris

et de Marseille, les administrateurs et conservateurs des bibliothèques publiques».

Une autre condition est exigée quant à la nomination du recteur à l'article 16 du décret impérial

du 22 août 1854 sur l'organisation des académies : « Nul ne peut être nommé recteur s'il n'est

pourvu du grade de docteur ».

Bien que la fonction rectorale ait été créée mais aussi organisée par voie règlementaire, la

fonction va être constitutionalisée dès 1946. En vertu de l'article 30 de la Constitution du 27

octobre 1946 : « Le président de la République nomme en Conseil des ministres les conseillers

d'Etat, le grand chancelier de la Légion d'honneur, les ambassadeurs et les envoyés

extraordinaires, les membres du Conseil supérieur et du Comité de la défense nationale, les

recteurs des universités, les préfets, les directeurs des administrations centrales, les officiers

généraux, les représentants du Gouvernement dans les territoires d'outre-mer ». On peut

relever que la Constitution opère un changement de terminologie, en effet dans les anciens

textes on employait toujours le terme de recteur d’Académie mais là on trouve le terme de

« recteurs des université ».

Il faudra attendre la Constitution du 4 octobre 1958, pour qu’il y ait un changement. Le

troisième alinéa de l’article 13 de la Constitution de 1958 énonce désormais que « Les

conseillers d'Etat, le grand chancelier de la Légion d'honneur, les ambassadeurs et envoyés

extraordinaires, les conseillers maîtres à la Cour des comptes, les préfets, les représentants de

l'Etat dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, les

officiers généraux, les recteurs des académies, les directeurs des administrations centrales,

sont nommés en Conseil des ministres ».

18

Le terme a été changé mais également sa position dans l’ordre des fonctions énoncées. Dans

cet article la fonction de recteur est citée en avant dernier, tandis que dans la Constitution de

1946, elle occupait la seconde place.

Le décret de nomination est donc conformément au premier alinéa de l'article 13, de la

Constitution de 1958 délibéré en Conseil des ministres, puis signé par le président de la

République et conformément à l'article 19 de la Constitution contresigné par le Premier ministre

et les ministres responsables.

En 1968, le recteur de l’Académie de Paris n’est autre que Jean Roche (1901-1992)28. Figure

marquante de la Biologie contemporaine, il succède à Jean Sarrailh. Jean Roche est né à

Sorgues, dans le Vaucluse. Il fait ses études au lycée Mistral d'Avignon, puis il entre dès l'âge

de 16 ans à la Faculté de Médecine de Montpellier. Il sera alors l’assistant du physiologiste,

Emmanuel Hedon.

En 1931, il devient professeur à la Faculté de Médecine de Marseille. Résistant pendant la

seconde guerre mondiale, il est nommé professeur au Collège de France où il dirigera le service

de Biochimie Générale et Comparée.

En 1961, il est appelé à la tête de l'Université de Paris. Il est nommé recteur de l’Académie de

Paris par un décret du président de la République pris en conseil des ministres en date du 8

septembre 1961. Il aura un rôle important lors des évènements de mai 1968. Il décidera de

fermer la Sorbonne et faire appel aux forces de police pour ce que ces derniers rétablissent

l’ordre au sein du Quartier Latin. Le recteur d’Académie va être épaulé d’un nouvel acteur : le

recteur adjoint.

2 - Le recteur adjoint, recteur d’Académie

En 1966, une nouvelle fonction a été mise en place par le Gouvernement. En effet, on a la

création d’un nouveau poste au sein des universités, il s’agit du recteur adjoint. Le décret n°66-

468 du 1er juillet 1966 portant sur la suppression et création d’emplois au ministère de

28. Annexe 3.

19

l’éducation dispose à son article 2, qu’est « autorisée la création au ministère de l’éducation

nationale de l’emploi suivant : Un recteur d’académie ».

Il faut faire attention et ne pas confondre les deux fonctions. En effet le recteur d’Académie

n’est pas le recteur « de » l’Académie. Le recteur d’académie est le recteur adjoint, il aura pour

mission d’assister le recteur de l’Académie. En effet ce dernier pourra déléguer sa signature

dans toutes les matières relevant de sa compétence que ce soit en cas d’absence ou alors

d’empêchement. En revanche, le recteur d’académie ne peut en aucun cas remplacer le recteur

de l’Académie lors des conseils de l’Université, ce poste ne peut être dévolu qu’aux vice-

présidents. Tout comme le recteur de l’académie, le recteur adjoint est membre du conseil de

l’Université.

En 1968, Claude Chalin (1924-2006) est le recteur d’académie, adjoint au recteur de

l’Académie de Paris, il a été nommé par un décret du 1er février 1967. Claude Chalin obtient

un doctorat en sciences puis va devenir maître de conférences puis professeur à Montpellier

(1958-1965). Recteur à Limoges de 1965 à 1967, il devient puis recteur adjoint à Paris (1966-

1969).

Les recteurs Jean Roche et Claude Chalin, sont donc les garants de l’Université de Paris.

Cependant l’Université de Paris est composée de plusieurs écoles et instituts, et de cinq

facultés : la Faculté des Sciences, des Lettres et Sciences humaines, de Médecine, de Pharmacie

et de Droit et Sciences économiques. A la tête de ces facultés se trouvent les doyens.

B – Le doyen, le chef de la faculté

Nous verrons dans un premier temps le statut général des doyens des facultés de droit (1) et

ensuite le doyen de la faculté de droit de Paris (2).

1 – Le statut du doyen

Le terme doyen vient du latin décanus qui signifie chef de 10 personnes. Tout comme le recteur

de l’Académie est à la tête de l’Université, le doyen lui est à la tête de la faculté. Antoine Prost

dans l’un de ses ouvrages donne une description de ce qu’était l’organisation de l’université

20

avant les évènements de mai, il énonce que « Dans l'ancienne organisation, où l'université

n'était que la réunion des facultés, le pouvoir réel appartenait aux doyens de facultés29 ».

Le doyen occupe une place centrale au sein de la faculté. Il a pour charge de prendre toute les

décisions importantes concernant la faculté, il négocie les budgets et participe à l’organisation

des études.

En tant que membre élu de la faculté, le doyen de la faculté de droit est nommé pour une durée

de trois ans par le Ministre de l’Éducation Nationale sur proposition de la faculté de droit et du

conseil de l’Université de Paris. Les candidats sont obligatoirement des professeurs titulaires

de la faculté de droit30.

Le doyen a aussi une robe universitaire qui lui est attaché, pour les doyens la forme de la robe

est la même que celle des professeurs. La différence est que les doyens portent deux galons d’or

à leur toque. Il y a aussi une différenciation au nouveau des couleurs afin de distinguer les

différentes facultés par exemple la robe du doyen de la faculté de lettre sera orange tandis que

pour le doyen de la faculté de droit elle est rouge.

Concernant la tenue du doyen de la faculté de droit, ce dernier porte « une robe en Casimir

rouge, simarre en soie noire, rabat de batiste, chausse en Casimir rouge avec trois rangs

d'hermine, ceinture en ruban noir avec franges et torsades en soie noire, toque en Casimir rouge

avec un galon d'or ».

2 – Le doyen de la Faculté de droit de Paris

Le doyen de la faculté de droit et des sciences économiques de Paris en mai 1968 est Alain

Barrère (1910-1995)31, il a été nommé en 1967 et a occupé la fonction jusqu’en 1970.

Né en 1910 à Bordeaux, Alain Barrère est un juriste de formation, il fait ses études à la Faculté

de droit et des sciences économiques de Toulouse où il obtient en 1938, un doctorat en droit

mention économie en 1938. Prisonnier de guerre de juin 1940 à mai 1945, Il est à son retour en

29. Antoine PROST. Éducation, société et politiques. Une histoire de l'enseignement en France, de 1945 à nos

jours, Paris : Éditions du Seuil, coll. « Points histoire », 1992, p. 136.

30. Annuaire de l’Université de Paris de 1967-1968, p18.

31. Annexe 4.

21

France reçu major au concours d’agrégation de sciences économiques. Il est ensuite nommé

professeur à la Faculté de droit de Toulouse en 1946, et professeur à la Faculté de droit de Paris

en 1957.

Il est en 1964, directeur d'études à l’EHESS. Alain Barrère est considéré comme l’introducteur

en France de la pensée Keynésienne. Le doyen est chargé sous l’autorité du recteur de diriger

la Faculté de droit de Paris ainsi que d’assurer l’exécution des décisions du Conseil de la faculté.

Le doyen Alain Barrère est entouré de trois assesseurs32, son premier assesseur est Claude

Albert Colliard (1913-1990), souvent surnommé le « Doyen Colliard33 » en raison de son

ancienne fonction de doyen au sein de la Faculté de droit de Grenoble avant de rejoindre la

Faculté de droit de Paris en 1959, c’est également un excellent professeur de droit international

et de libertés publiques.

Le second assesseur est Jean Imbert (1919-1999), la faculté de droit de Paris lui délivre son

diplôme doctorat34 en droit en 1944. Il débute sa carrière d'enseignant à la faculté de droit de

Nancy jusqu’en 1958. Il est ensuite nommé professeur à la faculté de droit de Paris et est

nommée second assesseur en 1967. Le dernier assesseur est Jean de Soto.

32. Le premier assesseur est désigné dans les conditions prévu par l’article 23 du décret du 28 décembre 1885

concernant l’organisation des facultés et écoles d’enseignement supérieur.

La possibilité du doyen d’être assisté d’un deuxième assesseur a été autorisé par le décret n°61-187 du 18 février

1961 relatif à la nomination de deux assesseurs auprès des doyens des facultés.

Le troisième assesseur a été autorisé par le décret n°67-657 du 31 juillet 1967 relatif à la nomination d'un 3eme

assesseur auprès du doyen de la faculté de droit et des sciences économiques de l'université de paris.

Les trois assesseurs sont nommés par le ministre de l’éducation nationale, mais le second et le troisième assesseurs

ont une condition en plus, en effet ses derniers doivent être parmi les, professeurs titulaires, sur proposition du

doyen faite après consultation de l’assemblée de la faculté. La suppléance du doyen en cas d’absence ou

d’empêchement et son remplacement par intérim en cas de décès, démission admission à la retraite ou révocation

ne peuvent être assurés que par le premier assesseur.

33. Il s’agit du premier Doyen Colliard, le second étant Jean-Claude Colliard (1946-2014) : doyen de la faculté de

droit de Nantes de 1980 à 1982, et Président de l’Université Paris I Panthéon Sorbonne de 2009 à 2012.

34. Intitulé de sa thèse : Essai sur la Condition juridique du Prisonnier de Guerre en Droit Romain, Paris, 1944.

22

Le recteur et le doyen comme on l’a vue sont des titres prestigieux, ils ont une grande place au

sein de l’Université de Paris et la faculté de droit de Paris, ils en sont les gardiens. Cependant

après les évènements de mai 68, le recteur et le doyen sont les deux acteurs de la faculté qui

vont voir leur rôle le subir le plus de changement.

En 1929, Julien Bonnecase répondait à la question : « Qu'est-ce qu'une faculté de droit ?35 ».

On peut aussi tenter de donner une définition, la Faculté de droit est un établissement supérieur

composé en majorité de professeurs délivrant des enseignements juridiques à des étudiants.

Sans qui ces derniers la faculté ne pourrait fonctionner.

II– Les corps de la Faculté

Nous verrons dans un premier temps les enseignants (A) puis les étudiants (B).

A– Les corps enseignants

On parle souvent du « corps professoral de l’université », mais en réalité on devrait plutôt

utiliser le terme « des corps enseignants de l’université ou de la faculté ».

A la Faculté de droit de Paris mais aussi auprès des autres facultés il n’y a pas d’unification au

niveau des enseignants36. Une hiérarchisation est mise en place au niveau de la faculté, tous les

enseignants n’ont pas le même statut, le même titre. Ils ne sont pas choisis, ou nommés de la

même manière. Une différenciation a également lieu entre les facultés même, par exemple

d’une faculté à une autre, les enseignants ne vont pas être nommés pour la même durée.

La faculté de droit fait face à une distinction entre ses membres enseignants, cette distinction

oppose les enseignants chargés des cours dits « de rang A » (1) aux enseignants chargés des

cours de « rang B » (2). Pourtant les deux catégories d’enseignants vont enseigner aux mêmes

étudiants.

35. Julien Bonnecase, Qu'est-ce qu'une faculté de droit, Paris : Recueil Sirey, 1929.

36. A l’origine ce n’était pas le cas, le corps enseignant universitaire issu de l’Université de France était

initialement uniquement composée de professeurs titulaires de chaire. Au fil des siècles la fonction de professeur

à fortement évolué créant plusieurs catégories d’enseignants.

23

1 – Les professeurs d’université

Parmi les enseignants de « rang A » on trouve les professeurs titulaires de chaire. Il s’agit de la

plus ancienne catégorie d’enseignant de l’enseignement supérieur français. Ces professeurs sont

nommés par décret. Une limite d’âge leur est imposée, le professeur titulaire devra être âgé au

minimum de 30 ans. Ils ont le statut de professeur des universités et sont principalement chargés

des cours magistraux.

A côté, il y a le titre de professeur sans chaire. Ce titre pouvait être conféré aux agrégés des

facultés de droit sur proposition du conseil de la faculté. Les candidats au titre d’agrégés des

Faculté de droit vont devoir passer un concours spécialement réservé pour les docteurs en droit.

Ils pourront ensuite être titularisés après deux ans d’enseignement.

Depuis le décret du 29 mars 1963, il y a un changement de terminologie, les agrégés des facultés

de droit et de sciences économiques deviennent des « maitres de conférences agrégés des

facultés de droit et des sciences économiques37 ».

La seconde classification concerne les enseignants de « rang B », ils n’enseignent pas dans les

grands amphithéâtres comme les professeurs mais généralement dans les petites salles de cours.

Aujourd’hui on peut les assimiler aux chargés de travaux dirigés. Ils sont en moyenne plus

jeunes que les professeurs d’université.

2 – Les autres professeurs de l’université

Ils n’ont pas le titre de professeur même s’ils enseignent. On emploie le terme d’enseignant et

parmi ces enseignants, on trouve le corps des maitres-assistants, ce corps a été créé en 1960,

tout d’abord mis en place dans les facultés de sciences et les facultés de lettres et sciences

humaines, par un décret du 27 janvier 196238, le statut des maitres-assistants a été étendu dans

les facultés de droit et de sciences économiques. Ils ont pour charge l’encadrement des

assistants et des chargés de travaux pratiques et participent à l’organisation et à la direction des

37. Décret du 29 mars 1963 attribuant le titre de maitre de conférences agrégés des facultés de droit et des sciences

économiques.

38. Décret 62-114 du 27 janvier 1962, portant sur le statut particulier des maitres assistants des facultés de droit.

24

travaux pratiques et exercices39. Les maitres assistants vont être placés sous l’autorité du doyen

de la faculté de droit et sous la direction d’un professeur ou d’un agrégé.

Les maitres assistants de la Faculté de droit de Paris sont nommés par le Ministre de l’Éducation

Nationale parmi les candidats inscrits sur une liste d’aptitude arrêtée sur proposition du comité

consultatif. Il va se dégager trois catégories de personnes qui vont avoir la possibilité de

s’inscrire sur la liste d’aptitude.

Premièrement les docteurs en droit, en sciences économiques ou en sciences politiques. Ils

doivent avoir exercé pendant au moins deux ans les fonctions d’assistants, de chefs de travaux

ou être chargés d’enseignements trois heures par semaine dans une faculté de droit.

La seconde catégorie de personnes sont des possesseurs de titres et diplômes fixés par arrêté

ministériel.

Et enfin la troisième catégorie sont les candidats remplissant les conditions nécessaires à

l’inscription sur la liste d’aptitude aux fonctions de maitres-assistants de sciences ou de droit.

Le statut des assistants, est comme celui des maitres-assistants, différents selon la faculté. Par

exemple les assistants des facultés des lettres et sciences humaines sont nommés pour une durée

de quatre ans par le Ministère de l’Éducation Nationale, tandis que les assistants de la Faculté

de Droit sont nommés pour une durée d’un an et non pas par le Ministre de l’Éducation mais

par le Recteur d’Académie de Paris sur proposition de l’assemblée de la Faculté40. Il n’y a aucun

décret qui définit le statut des assistants des facultés de droit. Leurs principales fonctions vont

être la tenue des travaux pratiques et la correction des copies. L’assistant qui se souhaite se

porter candidat doit au préalable avoir une licence en droit ou alors une licence en sciences

économiques.

Les assistants étaient environ au nombre de deux cents à la faculté de droit de Paris41. Ils

participaient très peu à la vie de la faculté. Ils n’étaient pas admis à l’assemblée de la faculté et

39. Article Ier du Décret 62-114 du 27 janvier 1962.

40. Annuaire de l’université de Paris de 1967-1968, p20.

41. Assistants en droit et en sciences économiques confondus.

25

les professeurs ne les consultaient pas régulièrement. Les assistants étaient très préoccupés par

le concours d’agrégation qu’ils étaient assez déconnectés des problèmes de l’université42.

Il y a donc plusieurs corps enseignants au sein de la Faculté de droit de Paris. Majoritaire à la

fin des années 1950, la tendance va s’inverser. En 1958 on compte dans les facultés de droit et

sciences économique 391 professeurs et 131 assistants et maitres-assistants tandis que pour

l’année 1968, on compte 736 professeurs pour 993 assistants et maitres-assistants43.

Progressivement les professeurs d’université vont être en infériorité numérique face aux

assistants.

Les enseignants de « Rang B » vont devenir majoritaires, l’une des premières raisons est

financière, les maitres-assistants et assistants permettent de faire des économies en raison de

leur salaire plus faible que celui des professeurs. Il va naitre un fossé entre les professeurs, plus

âgés, et attachés aux traditions universitaires, et les assistants, qui en raison de leur âge auront

plus tendance à être plus proches des façons de penser et de sentir des étudiants des faculté.

Leur augmentation va aussi permettre de gérer l’accroissement des étudiants. Ces derniers étant

en grand nombre, les professeurs d’université ne sont plus suffisants.

B – Les étudiants

Nous allons aborder le statut des étudiants de la Faculté de droit de Paris, leurs caractéristiques,

le déroulement des études (1) et ensuite les associations étudiantes composant la faculté de droit

(2).

1 – Le statut des étudiants de la Faculté de droit de Paris

Depuis 1945, la France connait une augmentation de la natalité, cela va avoir pour conséquence

une augmentation continuelle des effectifs étudiants. On passe de 136 700 étudiants en 1949-

1950 à 508 100 en 1967-196844. Le nombre d’étudiants de la Faculté de droit de Paris ayant

42. F delta 1061 (10), recueil d’extraits d’entretiens tirés d’une enquête de M. Bernardet (« enquête sur les groupes

d’étudiants à la fac de droit avant la crise »). BDIC.

43. Annexe 5.

44. Annexe 6.

26

fait acte de scolarité pendant l’année 1966-1967 est de 31 907. L’Université de Paris est

composée au total de 139 175 étudiants45.

Les étudiants de la Faculté de Droit de Paris représentent environ 23% des étudiants de

l’Université de Paris. C’est la Faculté de Lettres et des Sciences Humaines de Paris qui détient

le plus d’étudiant, environ 32% des étudiants de l’Université de Paris. « L’Université demeurait

fermée aux enfants du peuple46 ». La Faculté de droit accueillait principalement des étudiants

issus de la petite bourgeoisie ou des cadres.

La Faculté de Droit de Paris est divisée entre plusieurs enseignements, les enseignements de

droit, les enseignements en économie et les enseignements en sciences politiques.

Les étudiants de la faculté ont donc la possibilité de préparer une licence en droit, une licence

en sciences économiques, un doctorat en droit, un doctorat en sciences économiques ou un

doctorat en sciences politiques. Il leur est aussi permis d’obtenir un certificat de capacité en

droit ou des diplômes d’universités47. Le cycle de la licence durait quatre ans48, quant à la

préparation du doctorat elle était de minimum deux années.

En entrant en première année les étudiants avaient le choix entre deux orientations : le droit ou

l’économie. La licence était donc divisée en deux avec d’une part des enseignements commun

aux licences de droit et sciences économie et de l’autre des matières spéciales à l’un des deux

domaines d’enseignements et des matières à option dès la troisième année.

45. Statistique des étudiants issus de l’annuaire de l’université de Paris de 1967-1968.

46. André Tuilier, Histoire de l'université de Paris et de la Sorbonne - Vol. 2, De Louis XIV à la crise de 1968,

Nouvelle librairie de France, 1994. p. 508.

47. Presque la quasi-totalité des étudiants entre à la Faculté de droit de Paris pour y préparer un diplôme national

plutôt que celui de l’université.

48. Il n’était pas autorisé de s’inscrire plus de trois fois pour les deux premières années. Depuis le XVIIe siècle la

licence en droit exigeait trois années d’études, c’est par un décret du 27 mars 1954 que la scolarité de la licence en

droit a été portée à quatre ans.

27

Les inscriptions étaient classiques, délivrance de document 49 auprès de la scolarité et exigence

de posséder un des diplômes requis ou bénéficier d’une dispense du baccalauréat. Les dispenses

étaient généralement accordées par le Ministre de l’Éducation Nationale pour candidats qui

possédaient des titres par exemple d’ancien élève de l’École de Saint Cyr, Polytechnique ou

des Ponts et Chaussés, des diplômés d’ingénieur commercial de l’université de Grenoble ou de

Nancy. Les étudiants de la faculté de droit pouvaient s’inscrire à la faculté de lettre et de

sciences humaines mais l’inverse n’était pas possible50.

Il n’y avait pas de sélection à l’entrée, si le candidat avait un diplôme requis ou une équivalence

il était directement admissible au sein de la faculté. Il y avait cependant une exception. Un

examen « spécial » d’entrée à la faculté de droit de Paris pouvait être passé à condition d’avoir

plus de vingt-et-un ans. L’examen était composé d’un oral et de cinq examens écrits.

Certains des étudiants étaient conscient du problème de surpopulation, mais ils ne voulaient pas

de sélection. Certains étudiants étaient en faveur d’une sélection mais elle devait se faire

progressivement et pas de manière radicale. Le nombre d’étudiants trop élevé révélait le

manque de place aux seins des université et les bâtiments devenant de moins en moins adaptés

aux études.

Il y avait d’autres problèmes dont les étudiants de la Faculté de droit étaient conscient d’une

part le problème des débouchés professionnels, et le manque de communication. La question

des débouchés se posait au regard du nombre d’étudiants et des postes proposés, de plus les

étudiants estimaient que les débouchés ne correspondaient plus à ce qu’ils étudiaient lors de

leur scolarité. Leur cursus se trouvait en décalage avec la société qui ne cessait d’évoluer tandis

que les enseignements étaient jugés comme étant trop classiques voir inadaptés pour le monde

dans lequel ils vivaient.

Concernant le manque de communication, les étudiants de la Faculté de droit au regard de leurs

témoignages énoncent que le principal problème d’information est dû en raison de l’interdiction

d’expression politique à l’intérieur de la faculté. Les étudiants pointaient également du doigt

49. Lors de la première inscription à la faculté l’étudiant devait fournir un acte de naissance, et s’il était mineur le

consentement de son père ou de son tuteur. Il devait fournir également une pièce d’identité. Pour les étudiants

étrangers le consentement des tuteur légaux n’était pas demandés.

50. Annuaire de l’université de Paris de 1967-1968, p44.

28

la distance qu’il y avait entre eux et les enseignants, mais surtout les professeurs, plusieurs

d’entre eux estimaient que les professeurs ne venaient à la faculté que pour faire cours, et ne

prenait pas le temps de discuter avec les élèves « La faculté c’était le métro : On y entrait pour

assister à un TD, et on en ressortait aussitôt après51 ». C’est par le bais des associations

étudiantes que les étudiants de la faculté de droit vont pouvoir émettre des revendications.

2 - Les associations étudiantes de la faculté de droit de Paris

Les étudiants en droit de la faculté avaient plusieurs associations qui leur été spécialement

destinées. La première est la plus grande en termes d’effectif, il s’agit de l’Association

Corporative des Etudiants en Droit communément appelé La Corpo droit fondée en 193452.

L’association regroupait environ 9000 adhérents, il y avait principalement des premières

années. Tout semble porter à croire que s’il était aussi nombreux c’était uniquement pour les

polycopiés, en effet chaque adhérent bénéficiait de 20% de réduction. La Corpo ne faisait pas

de propagande mais sa principale activité était de s’opposer à l’UNEF.

L’AGEDESEP (Association Générale des Etudiants en Droit et Sciences Economique de Paris)

est fondée en 1962, afin de limiter le pouvoir de la Corpo qui avait été exclu en 1961 par

l’UNEF. « C'est en face de ce syndicat ‘’ jaune ‘’ que s'est créée l'A.G.E.D.E.S.E.P53 » Elle

regroupait environ 200 adhérents, leurs activités syndicales était très faible. Cette association

aussi ne faisait également pas de propagande politique à la faculté.

L’association les cathos de gauche avait une forte notoriété auprès des étudiant de la faculté.

Association qui se fondait sur des groupes areligieux et apolitiques, entrainant une participation

importante. Il y avait deux groupes : L’ADEP (Association pour le dialogue des Etudiants et

Professionnel), au sein de l’association était organisé de nombreuses réunions avec des

professionnels et le GAC (Groupe d’Animation Culturel), qui se voulait apolitique.

L’association réalisait quatre représentations par trimestre (musique, théâtre, cinéma).

51. F delta 1061 (10), CLERU. BDIC.

52. Aujourd’hui il s’agit de la Corpo Assas.

53. Olivier SCHLEMMER, vice-président de l'information de l’association – Tribune sociale n°132 p.9

29

On trouvait aussi au sein de la faculté de droit la Maison du droit, il s’agit groupement

d’étudiants et de professeurs, qui organisaient des conférences, des débats, ou encore des visites

d’entreprises, le tout de manière apolitique.

En plus de ces associations qui ont été cités, les étudiants de la faculté appartenaient aussi

parfois à des groupements à tendance politique, cela se faisait de manière individuelle car ces

groupements n’étaient pas organisés au niveau de la Faculté. Parmi eux : Occident, qui a été

fondé en 1964. Il s’agissait d’un mouvement politique français d'extrême droite. Il a été dissous

le 31 octobre 1968, et a été remplacé par Ordre nouveau.

Cette organisation aura un rôle dans les évènements de mai, ils seront accusés d’avoir brulé un

bureau d’étudiant en Sorbonne. Il y a également l’Action Française, qui est fondée en 1898 par

Henri Vaugeois et Maurice Pujo, la Jeunesse communiste révolutionnaire qui est fondée le 2

avril 1966 et qui possède deux courants : un courant communiste et un courant socialiste. PSU

Le Parti socialiste unifié était un parti politique français fondé le 3 avril 1960. Le Comité

Vietnam national qui s’est constitué Caen 1966 pour protester contre l'intervention américaine

au Vietnam.

Les étudiants de droit de la Faculté se trouvent être des militants tant à la faculté qu’à l’extérieur.

Les facultés vont être remises en cause autant par les étudiants, que les enseignants. La Faculté

se retrouve ne plus être adaptée face aux effectifs croissants de ses étudiants. Il y a une sorte de

tension qui va naitre entre les générations, avec d’un côté les professeurs qui souhaitent ne pas

voir l’Université trop changer et les étudiants qui souhaitent avoir plus de droit au sein de la

faculté. On arrive à une contestation. La faculté de droit de Paris va donc voir des groupements,

des commissions, des comités se former en son sein dès les premiers jours de mai 68.

30

Chapitre 2 - La Faculté de droit de Paris face à la

contestation étudiante

La révolte étudiante a eu lieu dans la rue mais aussi dans les établissements universitaires. Ce

chapitre va nous éclairer sur les affrontements qui se sont passés au Quartier Latin et dans la

Faculté de droit (I) Quel a été le rôle des étudiants et des enseignants de la Faculté de droit ?

Ont-ils été les plus violents dans la lutte ? Nous tenterons de répondre à ces questions. De cette

manifestation va naitre des revendications même si elles sont principalement étudiées au regard

de l’Université de Paris, elles vont en réalité être commune à plusieurs universités (II).

I – Les affrontements de étudiants de la Faculté de droit de Paris

Les affrontements vont s’intensifier au cœur du Quartier Latin (A) La faculté de droit de Paris

ne va pas en être épargnée (B).

A - Les affrontements aux Quartier Latin

La période de mai 68 débute en réalité en mars à Nanterre et se terminera au mois de juillet. Le

mois de mai reste cependant le plus marquant aux vues des nombreuses manifestations du

mouvement à travers toute la France allant jusqu’à traverser les frontières. Nous verrons

comment se sont déroulés les évènements de mai au Quartier Latin et à la Faculté de droit de

Paris (1) ainsi que la position des professeurs de droit de la Faculté face aux répressions

policières ordonnées par le recteur et le premier ministre (2).

1 - Les journées de mai au Quartier Latin

Grâce aux nombreux communiqués, rapport de commission et journaux d’informations qui ont

circulé au sein de la Faculté de droit de Paris durant les journées de mai, il est possible de

retracer une chronologie des évènements qui se sont déroulés au Quartier Latin et à la Faculté

de droit de Paris.

La vague de contestation qui avait débuté à Nanterre se propage à Paris. Le 2 mai un incendie

a lieu au bureau de la Fédération générale des étudiants en lettres en Sorbonne. Sur le mur est

31

découvert le logo de l’organisation Occident. Dans la journée un rassemblement dans la Cour

de la Sorbonne est annoncé pour le lendemain54.

Le 3 mai 1968, la Sorbonne devient très rapidement l’emblème du mouvement55. Des membres

d’Occident venus de la Faculté d’Assas souhaitent pénétrer à la Sorbonne. Le recteur Roche

souhaitant gérer la crise demande, très tard dans la nuit, le renfort des forces de polices. Le

recteur décide d’envoyer un courrier de quelques lignes à la Préfecture de police, qui va le

transférer au commissaire du Ve arrondissement de Paris. « Le recteur de l'académie de Paris,

président du conseil de l'université, soussigné, requiert les forces de police de rétablir l'ordre

à l'intérieur de la Sorbonne en expulsant les perturbateurs56 ».

Les policiers arrivent sur les lieux et procèdent à l’évacuation de la Sorbonne. L’intervention

des policiers fait débat. Au nom du principe de « franchise universitaire », les forces de polices

ne peuvent intervenir sans l’accord du doyen. Les étudiants ne comprennent pas cette prise de

décision et estiment que ce mode de répression est inacceptable.

Vers 17h30, au Boulevard Saint Michel un jeune homme lance un pavé et touche en plein visage

d’un policier qui était dans un car. Les affrontements entre étudiants et policiers s’intensifient.

Environ 400 manifestants sont arrêtés par la police. Le soir même le recteur Roche prend une

décision, celle d’ordonner la fermeture de la Sorbonne. Le recteur ayant pris la décision de

fermer la faculté et de prévenir les forces de l’ordre sera considéré par les étudiants comme le

recteur de la répression57.

Le 6 mai, une réunion a lieu au sein d’un amphithéâtre du Panthéon, l’assemblée est composée

en majorité d’étudiants de 4e année (dernière année de licence). Ils sont en majorité non

syndiqués. Il s’agit d’un regroupement spontané qui fait suite aux évènements de la semaine

antérieure. Un mouvement de lutte contre la répression policière se met en place. Les étudiants

54. Le Monde, 3 mai 1968.

55. Annexe 7.

56. Mouvement Communiste, « MAI JUIN 1968 : une occasion manquée par l’autonomie ouvrière », (G. Bouvin),

décembre 2006.

57. Annexe 8.

32

vont donc se concerter afin de rédiger et de distribuer des tracts de sensibilisation dans tout le

Quartier Latin.

La préfecture téléphone au 2e doyen (le second assesseur) de la Faculté de droit de Paris, Jean

Imbert, ce dernier refuse que les forces de police s’établissent devant la Faculté de droit de Paris

au Centre Assas. Près de 2000 personnes ont manifesté avec des lancés de projectiles, devant

l’entrée de la Faculté. Le professeur Imbert prendra la décision, pour des raisons de sécurité

évidente de fermer les portes de la Faculté à plusieurs reprises dans la journée. Sans interrompre

la suspension des cours58.

Le lendemain c’est un amphithéâtre de la Faculté d’Assas qui est occupé, les étudiants en ont

fait la demande au préalable. Le Doyen Barrère donne son accord à Jean Imbert qui attribuera

aux étudiants l’Amphi 1000. Les étudiants l’invitent à venir participer à leurs discussions. Cette

réunion porte essentiellement sur les débouchés et la réforme des études. La réunion se déroule

dans le calme. Pourtant au même moment, dans le même quartier les chosent sont différentes à

la Sorbonne.

C’est la nuit des barricades qui va être l’une des plus violentes59, dans la nuit du 10-11 mai

1968 c’est plus de 6000 policiers60 qui rentrent dans les coups de deux heures du matin en

conflit avec les étudiants, les ruent sont dépavées, les voitures incendiées, des centaines de

blessées et d’arrestations. Dans la journée les tensions sont déjà présentes, un petit groupe

d’étudiant étranger à la Faculté de droit s’introduisent au Centre Assas. Ils se regroupent près

d’un amphi, et les étudiants semblent dissimuler sous leurs vêtements des objets, Jean Imbert

étant spectateur de la scène décide de suspendre les cours et faire évacuer les amphithéâtres, il

laisse cependant les salles de travaux dirigés et de travail accessibles afin que les étudiants

puissent discuter entre eux61.

58. Procès-verbal de l’Assemblée Générale de la Faculté de droit de Paris, 11 mai 1968, p. 3-4.

59. Le Monde, 13 mai 1968.

60. Annexe 9.

61. Procès-verbal de l’Assemblée Générale de la Faculté de droit de Paris, 11 mai 1968, p. 3-4.

33

Le soir même la violence occupe la rue. Le premier ministre, Georges Pompidou énoncera lors

de son discours radiodiffusé le 11 mai à 23 heures « j’ai décidé que la Sorbonne serait librement

ouverte à partir de lundi62 ». Cette fermeture va faire débat, il ne s’agit pas d’une simple

suspension des cours. Les portes sont fermées, les étudiants et enseignants ne peuvent s’y réunir

pour discuter. La décision de fermeture d’une faculté est en principe de la compétence du doyen

de ladite faculté. Le Gouvernement ne peut intervenir à leur place.

Lors de la journée du 13 mai, il n’y a plus uniquement les étudiants qui sont dans la rue, ils ont

entraîné la classe ouvrière, les syndicats ouvriers. Les étudiants ont donc réussi à les convaincre

que travailleurs et étudiants défendaient une cause commune. Une immense manifestation a

lieu dans les rues de Paris. Après la manifestation, pas moins de 1500 étudiants et enseignants

de la Faculté de droit se rassemblent au Panthéon. L’ensemble des commissions se concertent

jusqu’à tard dans la nuit. Ils appellent tous les étudiants à participer à une Assemblée Générale

pour le lendemain. Comme prévue la vieille, l’Assemblée Générale se réuni et rassemble 1000

étudiants à la rue d’Assas. A l’unanimité moins 8 voix, elle décide : premièrement de se mettre

en grève, le report des examens de deux semaines après la fin de celle-ci, la convocation d’une

nouvelle assemblée générale pour la soirée et la création d’un comité de grève63.

Il a donc fallu dix jours à la Faculté considérée comme étant la plus conservatrice de Paris pour

sortir de son isolement et rejoindre la lutte la grande masse des étudiants. La Faculté de droit

était restée plutôt en retrait par rapport à ces évènements, les facultés les plus contestataires

étant celles des Lettres et Sciences Humaines.

Le 13 mai au soir, à 21h une nouvelle semblée générale est constituée au panthéon. Elle

regroupe 2500 étudiants et confirme la grève votée dans la journée. Elle pose les bases les

revendications qu’elle souhaite obtenir par le biais de la grève qui sont les suivantes : abandon

des poursuites judiciaires et administrative contre les manifestants, évacuation totale et

définitive du Quartier latin par les « force de l’ordre », promulgation de la loi d’amnistie, enfin

surtout, réclamation d’engagement sociales quant à la transformation radicale de l’université

sur les propositions élaborées dans les commissions crées à cet effet et adoptées en AG. La

62. Vidéo de l’INA, La révolte étudiante au quartier latin en mai 1968, 15 mai 1968.

63. F delta 1061 (10), CLERU. BDIC.

34

nouvelle Assemblée Générale affirme d’autre part son étroite solidarité avec l’ensemble du

mouvement étudiant.

Le 15 mai on assiste à une structuration du mouvement au sein de la Faculté de droit. Les

premières commissions siègent et débattent des problèmes suivants : université sociale,

autonomie, cogestion, et des problèmes de sélection. Des rapports sont rédigés dans ces diverses

commissions qui sont ouverte à tous et dans lequel le véritable travail se développe.

Le 16 mai, l’organisation du comité de grève se précise par la création d’un Comité de Liaison

Inter-Fac destiné à assurer la cohésion du mouvement étudiant, et d’une commission

d’information64.

Les étudiants de la Faculté de droit de Paris qui ont manifesté ont pu compter sur le soutient de

leurs professeurs, face à la répression qui s’est déroulé lors de la nuit des barricades.

2 - Le soutien des professeurs de droit

Les professeurs se sont mobilisés pour leurs étudiants en condamnant fermement les violences

policières survenues lors de la nuit du 10 au 11 mai 1968 « première nuit des barricades ».

Trois cents membres du personnel enseignant et les représentants du personnel non enseignant

de la Sorbonne, se sont réunis le 11 mai à dix heures dans l’amphithéâtre Descartes. Les

personnes participant au rassemblement souhaitaient faire entendre leur indignation face à la

répression que le Gouvernement avait lancé en envoyant les forces policières au Quartier Latin.

Selon les professeurs la mesure est injuste, les étudiants n’avaient pas pris « l’initiative de

l’offensive65 ».

Les participants mobilisés réclament une convocation immédiate de l’Assemblée Nationale

ainsi que l’adoption d’une procédure d’urgence pour que soit établie une loi d’amnistie qui

couvrirait l’ensemble des faits relatifs aux évènements qui se sont produits depuis la journée du

3 mai 1968.

64. Annexe 10.

65. F delta 1061 (10), CLERU. BDIC.

35

D’un commun accord, il a été décidé par l’assemblée que la reprise du fonctionnement

« normal » de l’université était subordonnée à l’adoption de la loi d’amnistie et au retrait total

et immédiat des forces de polices qui occupent le Quartier Latin, sans cela les enseignants ont

déclaré lors de cette réunion qu’ils n’assureraient pas leur cours et ne corrigeraient pas les

copies d’examen si les deux conditions qu’ils avaient posées n’étaient pas remplies.

Dans le journal Le Monde du 13 mai 1968, le professeur René Capitant, professeur à la faculté

de droit de Paris, le Doyen de la faculté de droit de Paris ainsi que ses deux assesseurs

soutiennent également les étudiants.

René Capitant énoncera qu’il « considère que c'est là une décision déplorable (…) le ministre

(…) va contre les traditions universitaires. La règle universitaire veut que ce soit les doyens qui

aient la responsabilité de suspendre ou de reprendre le cours, comme de veiller à l'ordre à

l'intérieur de leurs facultés. C'est sur la réquisition d'un doyen seulement, que la police peut

intervenir. Jusqu'à jeudi, j'estime d'ailleurs que le gouvernement avait respecté ces règles. Mais

depuis hier, j'estime au contraire que le gouvernement s'est mis en contradiction avec ces règles

fondamentales (…) Les conséquences seront très importantes. J'en suis persuadé. Et ce que

certains ont cru, n'être, au début, qu'un incident, il pourrait bien résulter une crise profonde,

peut-être le tournant de cette législature ».

Quant au doyen Barrère et ses deux assesseurs, ils se trouvent être « bouleversés par les

événements tragiques de la nuit, et dénonçant une répression policière inadmissible sans rapport

avec les nécessités du maintien de l'ordre, demandent solennellement aux autorités responsables

de mettre fin à cette répression. Se portent garants quant à eux du maintien de l'ordre dans leur

faculté si le quartier Latin est libéré et si les autorités universitaires peuvent décider librement

et sans ingérences extérieures. Expriment leur profonde sympathie aux étudiants et leur

demandent de garder leur sang-froid afin que puisse s'ouvrir sans délai le dialogue

nécessaire66 ».

L’ancien Doyen Vedel déclarera : « les étudiants sont en quelque sorte les frères cadets des

professeurs67 ».

66. L’ancien Doyen Vedel s’est associé à l’élaboration du texte.

67. Procès-verbal de l’Assemblée Générale de la Faculté de droit de Paris, 11 mai 1968.

36

Les évènements de la veille ont très fortement rapproché les professeurs des étudiants. Une très

forte solidarité se dresse contre ces violences.

Les étudiants de la Faculté de droit qui ont décidé de manifester hors des murs de la faculté en

allant rejoindre leurs camarades dans les rues, vont également se réunir au sein de la Faculté,

une grève illimitée est alors votée par un comité mais cette grève n’est pas acceptée de tous.

Des groupes étudiants vont donc s’affronter à l’intérieur de la Faculté.

B – Les affrontements au sein de la Faculté de droit de Paris

Deux groupes vont s’affronter au sein de la Faculté de droit de Paris. Le Comité de grève de la

Faculté et les autres regroupements de la Faculté. Le Comité de grève est représenté par les

trois délégués de chaque commission qui ont été créées au sein de la Faculté de droit.

Le mouvement de l’amphi 1000 désigne le comité de grève comme étant le « fauteur de

trouble », leurs actions doivent cesser afin que la Faculté puisse retrouver son calme.

Dans un des tracts du Mouvement de l’Amphi 1000 on peut lire : « NON AUX ORDURES ;

LIBERTE de TOUT TRAVAIL ; Nous sommes chez NOUS dans NOS Facultés, NON AU

RACLEUR DU COMITE DE GREVE68) ». Le mouvement estime que le Comité de grève a

volontairement saboté le déroulement des examens au sein de la Faculté.

Le groupement Autonome des Etudiants en droit (G.A.E.D.) se positionne également contre le

comité de grève « Au moment où le drapeau rouge flotte avec insolence sur notre faculté, au

moment où le comité de grève n’a plus à sa disposition que la brutalité et la violence pour

maintenir son emprise minoritaire, il importe que tous les étudiants se ressaisissent et prennent

enfin leur responsabilité69 ».

La Corpo dans son bulletin d’information du 21 mai 1968, s’attaque aussi au comité de grève.

« La position du comité de grève est plus ambiguë (…) le comité va à l’encontre des décisions

des Commissions d’où il prétend tirer sa légitimité en s’intitulant seul maitre des opportunités

tactiques et stratégiques. Nous voulons des réformes mais ne subissons pas la pression politique

d’un comité de salut public déguisé ».

68. Annexe 11.

69. Annexe 12.

37

Le Comité souhaite poursuivre une grève illimitée jusqu’à ce que leurs revendications soient

accordées70, à l’inverse les autres associations, les regroupements étudiants souhaitent que les

examens aient lieu, et que cesse la grève illimitée initiée par le Comité de grève et que la faculté

connaisse un retour à la normale. Une alliance va naitre entre les différents groupes à l’encontre

du comité de grève. Le comité de grève quant à lui rejoindra un comité de Liaison-Inter Fac, le

comité voit plus grand et ne se cantonne pas uniquement à Paris, il mène une vraie lutte afin

que l’ensemble des problèmes des autres facultés puissent être abordées.

Les manifestations qui à l’origine étaient organisées pour protester contre l’arrestation de

quelques étudiants vont prendre de plus en plus d’ampleur et faire naitre de nouvelles

revendications.

II – Les revendications des étudiants de la Faculté de droit de Paris

Toutes les manifestations qui ont eu lieu étaient organisées afin que les étudiants puissent faire

entendre leur voix, il y aura des revendications relatives à la Faculté de droit de Paris (A) et il

y aura la question de la cogestion qui sera mis en avant (B).

A – Les revendications relatives à la faculté de droit

Les revendications au sein de la Faculté de droit vont se faire par l’intermédiaire des

associations étudiantes mais plus spécialement par les Commissions qui ont été créées

spécialement lors des évènements de mai. Il y aura des commissions qui auront pour

revendication des sujet généraux, des questions concernant la faculté de droit en générale (1) et

d’autres plus ciblées vers l’enseignement, les études juridiques au sein de la faculté (2).

1 – Les commissions générales

Des commissions ont été mis en place afin que les revendications soient entendues et débattus

lors des assemblées générales organisées au sein de la Faculté de droit de Paris. Parmi les

commissions générales, il y a la commission autonomie. Les membres de cette commission

constatent l’inadaptation de l’université héritière de l’époque napoléonienne. Le principe de

l’autonomie permettrait d’assurer l’indépendance de la faculté par rapport aux pouvoirs publics

et aux intérêts privés. Le principe de l’autonomie ne sera pas revendiqué qu’au sein des

70. Le comité s’est mis en grève dès le mardi 14 mai 1968.

38

commission, les associations étudiantes de la faculté vont aussi le demander comme par

exemple les membres de la Corpo qui vont estimer qu’une faculté « de 30 000 élèves n’est pas un

milieu humain, mais un monstre71 ». Le contrôle d’une faculté de cette taille ne peut pas s’assurer

efficacement. Les étudiants ne font plus partie d’une communauté mais « d’une foule »72.

Les membres de l’association étudiante préconisent de créer plusieurs petites facultés d’environ 5000

étudiants, et chacune des facultés aurait une spécialité ces facultés pour qu’elles puissent fonctionner

correctement devront être autonomes.

La Commission examen, avait pour finalité de trouver un accord concernant le déroulement des examens

de fin d’année, les évènements ayant chamboulé le calendrier universitaire, certains souhaitaient que les

examens soient reculés à septembre, octobre et d’autres tenaient à les passer en juin. Le Comité étant

solidaire aux mouvements voulait trouver un terrain d’entente afin que tout le monde soit d’accord sur

la période des examens à déterminer.

Il y avait d’autres commissions : la Commission de la formation des maitres, de la formation

professionnelle, université société. En plus de ces commissions assez générales sur le Faculté

de droit, il y a d’autres commissions dont leurs sujets principaux sont le déroulement des études.

2 – Les commissions « études »

Les commissions relatives aux études sont au nombre de trois au sein de la Faculté de droit, la

Commission Capacité, la Commission Réforme Droit et la Commission Sciences Economiques.

Les deux dernières commissions vont le plus nous intéresser. Ces deux commissions souhaitent

trouver des solutions pour leurs enseignements respectifs et plus particulièrement pour leurs

licences, la licence de droit et la licence en sciences économiques.

La commission de réforme de l’enseignement de la licence de sciences économiques a émis un

rapport en date du 15 mai 1968. La Commission va énoncer plusieurs revendications. Pour

commencer, la commission souhaite une collaboration réelle entre les enseignants et les

étudiants de la Faculté, des allocations d’études, une égalité de droit et de faits entre les

étudiants français et étrangers et une séparation « radicale » des enseignements juridiques et

économiques.

71. Corpo, Bulletin d’information, du Lundi 21 mai 1968.

72. Ibid.

39

Les économistes ne souhaitent plus être assimilés ou confondu avec les juristes, ils souhaitent

désormais prendre leur propre indépendance en revendiquant une faculté unique, une faculté de

sciences économiques à part entière. Ils sont à la recherche d’une réelle formation économiste,

avec une technique d’analyse économique poussée et rejette une formation « d’économiste de

salon ». Ils demandent à ce que les enseignements soient adaptés à l’évolution des

connaissances contemporaines et non uniquement en fonction des besoins du marché.

De son côté la commission de la réforme en droit émet aussi quelques revendications, on

retrouve également la volonté d’une distinction entre les formations juridiques et économiques.

Les membres de la Commission réforme droit demandent à ce que la séparation entre la licence

droit et sciences économiques intervienne dès la troisième année.

La première année servirait de transition entre le lycée et les universités comprenant trois

matières obligatoires plus une matière facultative. La deuxième année permettrait alors de

revaloriser le bac droit. Une augmentation des travaux dirigés est également revendiquée pour

que la troisième et quatrième année soit dorénavant totalement spécialisée.

Concernant le doctorat, il devra favoriser le travail en équipe et comporter dans son cursus la

réalisation obligatoire d’un mémoire. Les juristes sont à la recherche d’une formation beaucoup

plus riche, plus vivante, en effet les membres de la commission ne souhaitent plus recevoir un

enseignement « d’une culture morte ». La licence devrait se détacher du passé et aborder des

enseignements au contenu évolutif, c'est à dire des enseignements juridiques en tenant compte

de l’évolution de la société.

Les deux commissions sont d’accords, la scission doit se faire. Une autre revendication nait au

sein de la Faculté de droit celle de la participation étudiante, de la cogestion au sein de la faculté.

B – La question de la cogestion

Parmi les revendications des étudiants, la volonté de participer aux conseils des universités, à

celle des facultés. On va leur donner l’occasion de s’exprimer pour la première fois lors d’une

assemblée générale (1). Cependant le principe de cogestion n’est pas le même en fonction des

étudiants et des professeurs (2).

40

1 – Les prémices de la cogestion

Une séance de l’assemblée de la Faculté de droit et des sciences économiques de Paris s’est

tenue le mardi 21 mai 1968, elle était composée du Doyen Alain Barrère ainsi que de ces trois

assesseurs ainsi que d’autres membres de la faculté. Parmi les autres membres des professeurs

d’université (titulaire, sans chaire, associés, honoraires), des chargés des chargés de cours, des

maitres assistants.

Le doyen prend alors la parole en précisant qu’il a décidé de faire entrer la délégation étudiante

afin que leur point de vue soit entendu de tous, il considère cela comme une mesure

d’information. On peut déjà observer par cette action du doyen une sorte de participation. En

effet c’est la première fois qu’une assemblée d’une faculté parisienne accepte de recevoir une

délégation étudiante.

La délégation étudiante énonce que : « Les étudiants de la Faculté de droit et des sciences

économiques de Paris n’ont pas été à l’origine du mouvement actuel de contestation qui s’est

développé dans l’ensemble du pays. Ils ne l’ont pas, non plus simplement suivi. Ils sont dans le

mouvement ». Les étudiants de droit ne semblent pas se désigner comme des acteurs principaux

des évènements. Il y a d’une part une sorte de dédouanement de leur responsabilité. En

revanche, ils énoncent que « L’unité s’est faite dans l’ensemble du monde étudiant dès les

premiers jours, contre la répression policière ». Les étudiants pointent du doigt les agissements

du Gouvernement en énonçant que tout ce désordre a été mis en avant afin de crée une situation

d’urgence qui aurait pour objectif de mettre en place, voire imposer de manière très autoritaire

« sans débat parlementaire, et surtout sans consultations des intéressés, enseignants et

étudiants » une réforme universitaire.

Les étudiants ne veulent pas être mis à l’écart et cherche un soutien, une volonté d’unité avec

le corps professoral afin qu’ils puissent créer de concert l’Université qu’ils souhaitent.

Cette nouvelle université souhaitée par les étudiants repose sur plusieurs principes

fondamentaux : l’autonomie des universités, la cogestion ou la participation de manière

paritaire entre les étudiants et les enseignants et une liberté politique et syndicale. La délégation

conclura en énonçant « nous demandons de construire avec nous l’avenir de la faculté de droit

et des sciences économique de Paris auquel nous sommes profondément attachés ».

41

Après que la délégation étudiante se soit retiré et les une minute de silence en mémoire du

professeur Maurice Bye, la séance commence et le doyen donne la lecture d’un texte qui a été

élaboré par l’équipe décanale et qui présente l’ensemble des principes que devront régir

l’organisation de la future faculté tout comme vient de le faire la délégation quelques instants

auparavant. On retrouve les trois mêmes principes que ceux de la délégation, à savoir le principe

de cogestion, d’autonomie et de liberté. Cependant il y a quelques modifications par exemple

le principe de cogestion : avec d’une part les professeurs et enseignants de carrière et d’autre

part les étudiants et les assistants temporaires. Une divergence quant à la notion de « parité »

est établie.

2 – une cogestion contestée

Le comité de grève a une définition de la cogestion qui diffère de celle l’assemblée de la faculté

de droit de Paris. Pour le comité de grève, la cogestion est un principe associant une assemblée

paritaire enseignant et étudiant. Pour l’assemblée de la faculté il y a d’une part les professeurs

et enseignants de carrière et d’autre part les étudiants ainsi que les assistants.

Les étudiants estiment que la parité ne peut se concevoir que sur la base d’une égalité entre les

deux parties en présence c'est à dire enseignants et étudiants. La commission « Autonomie et

Cogestion » énoncera dans l’un de ses rapports que « Les assemblés de Faculté de droit de Paris

(…) sont représentés les professeurs, les maitres assistants, les assistants et les étudiants (…)

Les étudiants composent 50% de l’effectif total.

Les étudiants mettront en avant que la cogestion n’est pas le synonyme de la collaboration et

qu’elle doit impliquer des responsabilités égales. De plus les étudiants représentent la plus

grande part des effectifs de la faculté. Ils considèrent qu’étant nombreux ils doivent avoir plus

de droit mais vont finir par opter pour une représentation 50/5073.

Les professeurs quant à eux ont un avis différent. Ils sont favorables à la cogestion mais pour

eux les assistants devaient être considérés comme des étudiants. Le professeur de Jean-François

Lemarignier va se déclarer favorable à la participation des étudiants74, le professeur de droit

73. Rapport de la commission « Autonomie-Cogestion » de la Faculté de droit de Paris, 21 mai 1968.

74. Procès-verbal de l’Assemblée Générale de la Faculté de droit de Paris, 21 mai 1968.

42

privé Berthold Goldman énoncera : « la représentation des professeurs, des maitres-assistants

et des assistants telle qu’elle est à envisager ne soulève pas de difficultés », la seule inquiétude

de plusieurs professeurs est de savoir quel sera le mode de désignation des délégués étudiants.

Les étudiants ont vu là une façon de diminuer fortement la représentation étudiante. Il y a une

tentative d’imposer unilatéralement la composition de l’Assemblée alors que celle-ci devait être

discutée entre les parties concernées. Les assistanats n’ont même pas été consultés.

Les étudiants ont donc donné leur avis afin que les statuts puissent être établis

« démocratiquement », mais il est évident que seule la commission de la faculté de droit était

habilitée à prendre une décision définitive quant à la composition de la nouvelle assemblée de

la Faculté. La représentation est donc très inégalitaire au sein de la faculté.

Il était difficile de voir dans une immense foule d’étudiant ou lors d’un grand rassemblement

d’un amphithéâtre de la Sorbonne, qui appartenait à quelle faculté. En effet, comment pouvons-

nous reconnaitre un étudiant en droit, en histoire ou en médecine derrières des barricades ? Les

étudiants en droit ont surtout agi au niveau de leur faculté. Le 3e assesseur avait énoncé lors de

la séance de l’assemblée générale du 11 mai de la Faculté de droit de Paris ce qu’il avait vu à

Nanterre. Il tenait à féliciter le « climat de confiance, de l’esprit de dialogue et du désir de

coopération des étudiants du Centre de Nanterre Droit. (…) Les étudiants du Centre juridique

et économique de Nanterre étaient inquiets devant ces évènements et demandèrent souvent les

conseils de leur professeurs ». Les étudiants de la Faculté de droit ont été particulièrement

calme. C’est à travers les tracts de la Faculté que la révolte fait rage, les étudiants en Lettres et

Sciences Humaines, sont les plus virulents.

A la fin des évènements une mesure est annoncée par le Président de la République, celle de

réformer l’université par le biais d’une loi, la loi d’orientation de l’enseignement supérieur.

43

Deuxième partie - L’adoption de la loi Faure

Les évènements de mai 68 l’ont bien montré, l’université française doit être réformée. Dans

cette seconde partie sera abordée la mise en place de la loi d’orientation de l’enseignement du

supérieur du 12 novembre 1968.

Nous étudierons l’élaboration de la loi d’orientation (Chapitre 1) ainsi que sa réception auprès

du monde universitaire (Chapitre 2).

44

Chapitre 1 - L’adoption du projet de la loi d’orientation

Le président de la République Charles de Gaulle avait vu juste, lorsqu’il avait énoncé que

« L’Université sous l’impulsion du grand ministre que j’y aurai appelé, sera, de par la loi,

réformée de fond en comble », le moment est enfin arrivé. L’Université connaissait des

blessures, des difficultés et une remise en cause bien avant les évènements de mai 68, elle devait

être réformée (I), c’est le projet de la loi d’orientation qui va rendre cette réforme possible (II).

I – La nécessité d’une réforme de l’enseignement supérieur

Pour l’opinion publique la loi d'orientation de l'enseignement supérieur ne semble être qu’une

simple réponse à la crise de mai 68, l’idée qui est mise en exergue est qu’il faut réformer de

toute urgence l’enseignement supérieur afin de pouvoir encadrer les débordements actuels et

les limiter pour l’avenir. Pourtant lorsqu’on consulte les articles de presse ou encore les comptes

rendus des colloques relatifs à l’enseignement d’avant les évènements, on constate qu’il y avait

déjà des réflexions quant à la nécessité de réformer de l’enseignent supérieur. (A) En réponse

à la crise, mais pas uniquement, le général de Gaulle va faire appel à un nouveau ministre de

l’éducation, en vue de la préparation d’une loi qui aura pour mission de réformer l’Université

(B).

A – Les réflexions sur l’enseignement supérieur antérieur à 68

L’Université était en crise bien avant les évènements de mai, entre la massification étudiante,

le manque de place dans les facultés, les débouchés jugés trop « traditionnels », et l’absence de

liberté, l’Université véhiculait une image assez archaïque. Dès 1964 on réfléchit à une réforme

de l’université75. Les colloques de Caen (1) ainsi que la pensée du général Charles de Gaulle

(2) vont venir souligner les faiblesses de l’université. Certaines de ces réflexions vont servir de

base ou être reprises au moment de l’élaboration de la loi d’orientation de 1968.

75. Cf. Revue Esprit, « Faire l’université : dossier pour la réforme de l'enseignement supérieur », n° 5-6, mai-juin

1964 (numéro spécial) et l’étude « La Réforme de l'enseignement supérieur », par Bertrand Girod de l'Ain, Paris,

Le Monde, 1964.

45

1 – Charles de Gaulle et l’Université

Le général Charles de Gaulle avait un rapport assez détaché du monde de l’Université,

d’ailleurs, il n’avait pas fait ses études supérieures au sein d’une faculté mais à l’école de Saint

Cyr76. Malgré cet éloignement, le Général n’en reste pas moins préoccupé par les problèmes de

l’Université.

En 1959, il tient à montrer son profond respect envers toutes les universités françaises, en visite

à l’université de Toulouse, le Général énonce que « A travers l’université de Toulouse, je salue

tout l’enseignement français, je salue les chercheurs, les maitres et les étudiants. En même

temps je leur rends témoignage parce qu’ils servent celui qu’il faut servir, c'est-à-dire l’homme

tout simplement77». Pour De Gaulle, réformer l’université française devient une nécessité voire

une obligation. Cette réforme doit reposer sur trois grands principes : celui de la sélection,

l’orientation et enfin la démocratisation.

Charles de Gaulle souhaite instaurer une sélection à l’université. Au regard de la massification

étudiante que subit la France, la sélection apparait comme être la meilleure des solutions. Lors

du Conseil des ministres du 12 décembre 196278, le Général demande que soit fixés trois

objectifs relatifs à l’Éducation Nationale. Le premier objectif que doit poursuivre l’Université

est la sélection, il préconise une « sélection appropriée79». Les filières devaient selon le Général

définir très précisément le nombre d’étudiants, qu’elles étaient capables d’accepter avant

chaque rentrée universitaire. La sélection aurait pour objectif de limiter le nombre d’étudiants

à l’université et par la même occasion préserver le milieu érudit de l’enseignement supérieur en

ne recrutant que les meilleurs étudiants après le baccalauréat.

La réforme de l’Université devait aussi passer par l’orientation. Il s’agissait de mettre en place

une orientation individuelle propre à chaque étudiant en fonction de leurs capacités

76. Le Monde, 11 mai 2012, à l'école des présidents de la Vème République. Saint Cyr est une grande école

militaire, fondée le 1er mai 1802 par Napoléon Ier.

77. Discours prononcé le 14 février 1959 à l’université de Toulouse, il est possible de visionner l’intégralité du

discours en ligne sur le site internet de l’INA.

78. Il s’agissait du premier Conseil du gouvernent Pompidou.

79. La carte scolaire : « Que sais-je ? » n° 3820.

46

« intellectuelles » tout en gardant d’autre part la mise en place d’une orientation collective, c'est

à dire d’orienter, d’emmener les étudiants à suivre un cursus qui aurait pour finalité de servir

les intérêts de la société, en fonction des besoins de la nation. Les étudiants vont donc devoir

adapter leurs études en fonction des besoins de la République.

La démocratisation était le troisième objectif. Le Général voulait que l’Université diversifie les

enseignements qu’elle proposait en donnant une place plus importante à l’enseignement

technique. Les enseignements techniques se caractérisaient par la mise en place à côté des

formations dites longues des formations plus courtes. La participation au sein de l’Université

était également un des points que le Général voulait voir se développer.

Lors d’une interview par le journaliste Michel Droit (1923-2000), en date du 7 juin 1968, le

Général en direct du Palais de l'Élysée. Le Général revient sur les journées du 29 et 30 mai

1968, puis donne sa vision de l’Université, en énonçant que : « Il n'y a pas de doute que cette

université est à reconstruire complètement (…) Alors sur quels principes faut-il reconstruire

l'université ? Il s'agit de faire en sorte qu'elle ne vive plus pour elle-même en dehors des

réalités. Il faut qu'elle corresponde aux besoins modernes de notre pays. Notre pays a des

activités diverses, et parfaitement distinctes les unes des autres. Eh bien, il faut que l'université,

et c'est ce que le pays lui demande, que l'université lui fournisse des élites adaptées à chacune

de ces activités-là. Ce qui veut dire : que chaque discipline universitaire, doit correspondre

directement à un certain domaine pratique et qu'inversement ce domaine pratique assure des

débouchés aux étudiants qui ont été formés dans cette discipline-là.

(…) Il va de soi que l'université doit être ouverte, devra être ouverte, à tous les étudiants qui

ont des chances, et qui ont l'intention d'en suivre les cours, et d'en passer les examens. Mais

que les autres, qui n'y sont que pour gaspiller leur temps et celui de leurs camarades soient

accueillis ailleurs ou même commencent tout de suite leur vie active. Après tout, on peut être

un homme de premier ordre sans être nécessairement licencié ou agrégé de l'université. Mais

aussi, je dirais presque surtout, il faut que la refonte et le fonctionnement de l'université se

fassent avec la participation de ses maîtres et de ses étudiants. De tous ses maîtres et de tous

ses étudiants. Autrement dit, qu'ils y soient tous directement intéressés (…) Voilà comment doit

être faite l'université80 ».

80. Vidéo de l’INA, Entretien avec Michel Droit, 7 juin 1968.

47

Les idées de De Gaulle sur l’université sont posées : démocratisation, sélection, participation et

orientation, à cette pensée deux colloques vont venir poser d’autres revendications quant aux

objectifs que devrait poursuivre l’Université, afin qu’elle soit plus dynamique, plus moderne et

qu’elle se détache de l’Université de 1896.

2 – Les Colloques de Caen

Le premier colloque de Caen s’est tenu du 1er du 3 novembre 1956, à l’initiative de

l’A.E.E.R.E.S ce colloque et a été présidé par Pierre Mendes-France (1907-1982). Le choix

d’une ville de province pour l’organisation de ce colloque sur l’enseignement et la recherche

ne sait pas fait hasard, en effet la ville de Caen a été choisi dans le but de décentraliser

l’enseignement supérieur et la recherche. Les organisateurs du colloque ont voulu de part ce

choix « insuffler une vie nouvelle » aux provinces. L’idée mise en avant est que les provinces

se trouvent sacrifiés au regard de Paris81.

Dix ans après la première édition, le Colloque de Caen se reforme en 1966 et il cette fois-ci

présidé par le mathématicien, André Lichnerowicz. Le colloque réunis pas moins de trois cents

participants venus de toute la France.

Lors de ce second colloque de Caen82, plusieurs thèmes concernant l’enseignement supérieur

vont être abordés : celui des finalités et de l'organisation de l'enseignement et de la recherche,

mais aussi de la formation des maîtres, et de l'éducation permanente. Ce colloque va mettre en

avant la nécessité de la constitution d'universités autonomes, se substituant au système

centralisé des facultés « napoléoniennes ».

Les participants étaient essentiellement des enseignants et chercheurs issus de discipline

scientifiques venus des quatre coins de la France. Le colloque a néanmoins suscité quelques

critiques en raison de la représentativité presque quasi scientifique des membres.

81. Bulletin quotidien d'information n°3, Les Cahiers de la république, Colloque sur l'enseignement et la recherche

scientifique. (Caen, 1-3 Novembre 1956).

82. Ce second de Colloque de Caen s’est déroulé du 11 au 13 novembre 1966.

48

Les membres du colloque vont organiser leurs revendications et vont définir quinze

recommandations à l’attention de l’Etat sous forme de quinze points83.

On peut en retenir quelques-unes qui vont être réutilisées dans les débats lors de la rédaction du

projet de la loi d’orientation : La demande d’une création à titre expérimental, d'universités

publiques autonomes avec l’élection d’un président. Ces universités publiques devront être

compétitives, diversifiées, et ne disposer d'aucun monopole sur une aire géographique, et

d’aucunes facultés afin de permettre la diversification et le regroupement original des

disciplines (point 1).

La suppression des cloisonnements entre les facultés existantes, les professeurs de faculté

devenant professeurs d'université (point 3).

La limitation des effectifs de chaque université à un chiffre raisonnable, le nombre retenu pour

étant « raisonnable » est de « 20.000 au maximum ». Il est également demandé à ce que soit

constitué une quinzaine d'universités distinctes dans la région parisienne (point 4).

Ce quatrième point de Caen semble être l’un des plus intéressant, car tout un débat va avoir lieu

sur la nécessité de créer des universités à taille humaine. On pourrait finir par penser que le

colloque a proposé et que l’Etat ou plus précisément la loi ait disposé.

Déjà avant 68, il y a des réflexions sur la nécessité de reformer l’université française, de la

rendre plus autonome, plus ouverte. La centralisation des facultés et surtout des facultés

parisiennes est pointée du doigt. Puis arrive la crise de 1968, Charles de Gaulle Fait appel à

Edgar Faure en tant que ministre de l’éducation.

B – Un nouveau ministre pour une nouvelle loi

Edgar Faure est celui qui a été choisi par le président de la République Charles de Gaulle afin

de mettre en place « LA » loi sur l’université.

83. « Les quinze points de Caen », in l'Université face à sa réforme - Revue de l'enseignement supérieur, N°4 1966

- pp.141-145, les points sont également consultables en ligne sur le site http://www.esu-psu-unef.com/, il s’agit

d’un site consacré à l’histoire contemporaine des luttes sociales et politiques dans la France des années 1960 à

1971.

49

Avant d’aborder la loi dans ses détails commençons par un petit aperçu biographique de

l’homme qui a donné son nom à la loi (1) ainsi que sa vision de l’université (2) pour essayer de

comprendre les choix qui ont été faits en vue de l’élaboration de la loi d’orientation.

1 – Edgar Faure : l’homme

Député et sénateur du Doubs et du Jura, ministre des finances, de la justice, des affaires

étrangères, de l’éducation nationale, de l’intérieur, des affaires sociales, deux fois président du

Conseil des ministres mais également président de l’Assemblé Nationale.

L’ensemble de ces fonctions ont été exercées par un seul et même homme, Edgar Faure84. Né

à Bézier le 18 aout 1908 et mort à Paris le 30 mars 1988, il est surnommé comme le « caméléon

de la politique ». Douze fois ministre sous la IVe République et trois fois sous la Ve. Il ne lui

manque qu’un seul mandat, celui de la présidence de la République. En plus de ses fonctions

politique Edgar Faure était un écrivain, un romancier85, et un parolier86.

Il débute ses études à la Faculté de droit de Paris tout en étant en parallèle inscrit à l’école des

langues orientales vivantes87 où il étudie le russe. Il rencontre Pierre Mendes France d’un an

son ainé sur les bancs « de la fac », les deux hommes se lie très rapidement d’amitié.

En 1929, Edgar Faure devient avocat à la Cour de Paris, il n’est âgé que de vingt-et-un ans et

deviendra par le plus jeune avocat de France et le deuxième plus jeune secrétaire de la

conférence du stage des avocats. Il a d’ailleurs fait partie de l’équipe des dix personnes qui ont

84. L’intégralité de ses fonctions n’ont pas été énoncées, pour une biographie plus détaillée sur le ministre, voir

YVERT Benoît, « Dictionnaire des ministres de 1789 à 1989 », 1990 p. 788-799 - JEAMBRUN Pierre, « Les sept

visages d'Edgar Faure », Jas, 1998 - KRAKOVITCH Raymond, « Edgar Faure, Le virtuose de la politique »,

Économica, 2006 ou consulter le site de l’association Edgar Faure qui lui est consacré : http://www.edgarfaure.fr/.

Une partie de ses documents personnels sont conservés aux Archives nationales sous la cote 505AP.

85. On peut trouver ses œuvres littéraires sous le pseudonyme Edgar Sanday (Edgar sans « D ») ou encore Ed

Faure.

86. Certaines de ses chansons ont été reprises par les chanteurs Jean-Claude Pascal et Serge Reggiani.

87. Il s’agit actuellement de l’INALCO.

50

assisté le procureur Auguste Champetier de Ribes, lors du procès de Nuremberg qui s’est

déroulé du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946.

Edgar Faure était un homme doté d’un grand sens de l’humour et de grande capacités

intellectuelles, brillant, ambitieux il était également très narcissique, on lui doit d’ailleurs cette

célèbre phrase « Deux hommes auraient pu éviter la Révolution française : Turgot, mais il était

déjà mort, et moi, mais je n'étais pas encore né ». Lorsqu’un journaliste lui demande "Qu'est-

ce qui est le plus important en Franche Comté ?" Edgar Faure répondra « Tout d'abord, moi et

surtout Edgar Faure ».

Le président de la République Jacques Chirac énoncera dans une lettre du 30 mars 1998 adressé

à Thierry Cornillet, président du parti radical, pour le 10e anniversaire de la disparition d'Edgar

FAURE « Edgar Faure demeure l'une des figures de la IVe et de la Ve République. Sa

personnalité, son originalité et l'extraordinaire éventail de ses talents auront marqué son

temps88 ». Après avoir vue les traits de personnalité du ministre, nous allons ce qu’il souhaitait

et ne souhaitait pas pour l’avenir de l’Université.

2 – La pensée d’Edgar Faure

Pour Edgar Faure « l’agitation des étudiants ne s’explique ni par l’énergie d’une poignée de

meneurs, ni par le nihilisme, ni même par le gout de la violence. Il y a à l’origine de cette colère

un malaise profond 89». Il estime que la conception napoléonienne de l’université centralisée

et autoritaire est « périmée ». Sa priorité est de faire disparaitre cette ancienne conception très

traditionnelle de l’université. Désormais elle devra être plus moderne.

A l’inverse de Charles de Gaulle, Edgar Faure est un universitaire. Ayant été étudiant puis

professeur il a directement été confronté aux problèmes de l’Université. Selon lui la réforme

doit se faire tant au niveau administratif qu’au niveau pédagogique de l’université.

88. La lettre est consultable dans son intégralité sur le site de l’association Edgar Faure à la rubrique témoignages.

89. Assemblé Nationale, 24 juillet 1968 p. 2525.

51

Le système de relation entre les enseignants et les enseignés doit également être revu, estimant

que l’objectif de démocratisation de l’enseignement qui est poursuivi ne commence pas

uniquement aux portes de l’universités, il énonce que la démocratisation de l’enseignement doit

se faire dans son intégralité c’est à dire de « la maternelle à l’université90».

Il observe que les étudiants français sont deux fois plus nombreux que les autres pays comme

l’Allemagne ou l’Italie, il préconise que la France prenne exemple sur l’Angleterre en créant

des universités à taille humaine c'est à dire entre dix mille et douze mille étudiants, avec des

petits groupes d’environ de vingt-cinq élèves, pour les travaux pratiques un groupe d’environ

quarante élèves, et lors des cours magistraux un nombre de deux cent cinquante élèves au

maximum. Les étudiants étant trop nombreux il énonce que « s’il y avait deux fois moins

d’étudiants, ils feraient deux fois moins de bruit91 ».

Le bâtiment de l’ancien siège de l’OTAN avait été proposé afin d’y installer les nouveaux

bureaux du ministère de l’éducation. Edgar Faure conscient du problème de manque place des

facultés parisiennes énonce qu’il est préférable d’utiliser l’ancien siège de l’OTAN afin d’’y

accueillir des nouveaux étudiants92 plutôt que des bureaux ministériels. « Nous avons pensé

qu'il était impossible de donner plus de place aux bureaux, alors qu'on était contraint d'en

refuser aux études (…) Il faut, je le répète, choisir les emplacements et les libérer ; il faut

aménager les constructions existantes et en créer là où il n'y en a pas93 ».

90. Edgar Faure, Philosophie d’une réforme, Paris : Plon, 1969 p. 20.

91. Op. Cit. p. 24.

92. Installé à Londres jusqu'en 1952, le siège de l'OTAN fut transféré au Palais de Chaillot à Paris dans des locaux

temporaires en attendant la construction du siège définitif sur un terrain à proximité de la Porte Dauphine. Le

Palais de l'OTAN y fut officiellement inauguré le 15 décembre 1959 et y restera jusqu'en 1966 suite à l'annonce

de la décision du général de Gaulle de retirer la France du commandement intégré des forces de l'OTAN. Le Palais

laissé vide est investi par le Centre universitaire Dauphine en 1968 et qui deviendra Université Paris IX-Dauphine

en 1970.

93. Assemblé Nationale, 24 juillet 1968 p. 2526.

52

Tout comme le général de Gaulle, Edgar Faure estime que la participation est un principe qui

participera au bon développement de l’Université. Là où les deux penseurs s’opposent c’est au

niveau de la sélection. Voulu par Charles de Gaulle elle est rejetée par Edgar Faure pour

plusieurs raisons. Edgar Faure déclarait que « La sélection n’est nullement une idée absurde

mais nous l’avons pas retenu 94». Face à ce refus de sélection, il donne un argument juridique,

un bachelier a un droit à s’inscrire dans une faculté, c’est un droit qui lui est acquis. Le

baccalauréat est en quelques sorte son ticket d’entrée.

La seconde raison est relative à la conjoncture économique, la volonté d’une sélection n’est

voulue uniquement car il y a une augmentation de bacheliers, mais que va-t-il arriver si d’une

année à l’autre il y a un nombre décroissant de bacheliers ? et que vont devenir les bacheliers

qui se verront refuser des facultés ? Il risque d’y avoir un déséquilibre, les grandes universités

deviendront très exigeantes et auront les meilleurs étudiants aux détriments des petites

universités qui finiront par prendre les étudiants n’ayant pas été sélectionné.

Des réflexions sur la réforme de l’enseignement supérieur initiées avant les évènements de mai

68, un président de la République voulant la sélection, tandis que son ministre de l’éducation la

refuse de son coté, un nombre d’étudiants ne cessant d’accroitre et pourtant un problème plus

urgent est à régler celui d’assurer la rentrée étudiante de 1968-1969. C’est dans ce climat que

va être élaborée le projet de la loi d’orientation.

II – L’élaboration du projet de loi

On peut d’ores et déjà diviser l’élaboration du projet de la loi d’orientation en deux phases.

Premièrement il y a la phase de la préparation du projet de loi (A) et ensuite du vote du projet

(B).

A – La phase de préparation

La préparation de la loi commence tout d’abord par la constitution de l’équipe du ministère de

l’éducation qui aura pour mission la rédaction ainsi que le vote du projet (1) et d’organiser les

dispositions de la future loi (2).

94. Edgar Faure, Philosophie d’une réforme, Paris : Plon, 1969 p. 30.

53

1 - La composition de l’équipe rue Grenelle

Vendredi 12 Juillet 1968, à dix heure et demi95, Edgar Faure est convoqué par le Général De

Gaulle en vue de sa participation au nouveau gouvernement de Maurice Couve de Murville96.

Pendant leur entretien, le général de Gaulle demande à Edgar Faure : « est ce que vous

demandez l’éducation nationale ? » ce à quoi répond Edgar Faure « Non, mon général, je ne

vous le demande pas. Je pense qu’une candidature à ce poste dénoterait de ma part une certaine

inconscience. Cependant, comme je vous l’ai dit de façon générale, si vous entendez me le

confier je ne le refuserai pas97 ».

Edgar Faure nommé le jour même ministre de l’éducation nationale doit composer son équipe.

Il choisit en principaux collaborateurs Gérald Antoine (1915-2014), philologue et grammairien

français, il est appelé en 1962 à créer l'Académie d'Orléans-Tours dont il sera le recteur98.

Conseiller technique chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche de 1960 à 1961,

auprès des ministres Louis Joxe, Pierre Guillaumat et Lucien Paye. Edgar Faure fait appel à lui

pour être son chargé de mission99.

Il va également s’entourer de Michel Alliot (1924-2014), fondateur de l'université et des

grandes écoles de Madagascar entre 1959-1961, ce dernier est un spécialiste de l'anthropologie

du droit. Professeur de droit à la Faculté de Dakar puis à celle de Paris, il est nommé directeur

de cabinet du ministre100.

95. Edgar Faure, Ce que je crois, Paris : Grasset, 1971 p. 19

96. Conformément à l’article 12 de la constitution du 4 octobre 1958, l’Assemblée Nationale est dissoute par le

Générale de Gaulle le 30 mai 1968. Il nomme un nouveau Premier ministre en la personne de Maurice Couve de

Murville, qui entrera en fonction le 10 juillet 1968.

97. Op. Cit. p. 32.

98. Jusqu’en 1974.

99. Edgar Faure lui aurait dit : « Me voilà ministre de l'Éducation Nationale, je vous prends comme chargé de

mission ; vous allez travailler auprès de moi la loi de réforme que me demande d'élaborer le général de Gaulle.

Je ne vous connais pas, j'ai préparé un questionnaire en treize points ». Sur les treize points Gérald Antoine n’était

d’accord que sur les douze premier. Témoignage de Gerald Antoine « Le général de Gaulle et son action pour la

jeunesse », Actes du colloque Charles de Gaulle et la jeunesse, Plon, 2004.

100. Michel Alliot était également un ami de longue date du ministre.

54

Yann Gaillard (1936-), inspecteur adjoint des finances en 1966, était l’ancien conseiller

technique d'Edgar Faure, lorsque ce dernier était ministre de l'agriculture. En 1968, il rejoint le

cabinet du ministre en tant que directeur adjoint de cabinet.

Jean Sirinelli (1921-2004), helléniste et professeur de lettre et de français est chargée de 1962

à 1967, des enseignants français à l’étranger au ministère des Affaires étrangères en tant que

chef du service de l’enseignement et des œuvres de la direction générale des Affaires culturelles

et techniques. Il devient recteur de l’Académie de Limoges en 1967 et rejoint le cabinet d’Edgar

Faure, qui le nomme à la direction des enseignements supérieurs. Jean Sirinelli sera assisté

d’André Casadevall qui occupera le poste de directeur adjoint des Enseignements supérieurs.

Edgar Faure s’entourera également de Xavier Beauchamp qui sera son attaché de presse, de

l’avocat d’affaire Jean Denis Bredin101, et de Jacques de Chalendar (1920-2015), comme

conseiller technique, ce dernier déjà en place dans l’ancien gouvernement, il est décrit par Edgar

Faure comme un homme généreux ayant une grande ouverture d’esprit102. Du 20 au 11 juin

1968, Jacques de Chalendar a rédigé au total cinq notes sur la réforme des universités. Selon

lui le texte à venir devait consacrer une place à l’autonomie et la participation étudiante, parmi

ses notes, il en rédige une sur les modalités de la réforme à mettre en œuvre concernant le

problème de la sélection mais aussi une sur les différents niveaux des nouvelles instances

universitaire qui devront être créées103.

L’équipe du Cabinet Edgar Faure est hétérogène, il sera entouré de plusieurs spécialistes de

l’éducation mais pas uniquement, à ses côtés travailleront des juristes, des enseignants, des

historiens, des anciens recteurs et anciens doyens. L’équipe ayant été mise en place il ne reste

plus qu’à commencer la rédaction du projet de loi.

101. En aout 1968, Jean Denis Bredin va réparer un préambule qui définira les missions de l’enseignement

supérieur. Ce préambule deviendra le premier article de la loi d’orientation.

102. Edgar Faure, Ce que je crois, Paris : Grasset, 1971, p.43.

103. Jacques de Chalendar « De mai 1968 à juin 1969 », in La loi Edgar Faure : réformer l’université après 1968

(Dir.) Bruno Poucet, David Valence, p. 224-225.

55

2 - Le projet de la loi Faure

Lors d’un débat à l’Assemblée Nationale sur les problèmes de l‘éducation nationale104, Edgar

Faure en profite pour faire part de sa vision de l’université, concernant le projet de loi, il n’a

pas vraiment de réel programme définitivement arrêté, ni les nouvelles mesures qui vont être

appliquées. Il énonce néanmoins qu’il est « prêt pour les semaines qui viennent à écouter les

interlocuteurs, à prendre en considération les propositions et à envisager toutes les formes de

l'information et de l'échange qui paraitront opportunes ». La participation au sein de

l’université, Edgar Faure la veut également pour les parlementaires. A la fin du débat une chose

est sur la rentrée sera bel et bien assurée.

La toute première rédaction du projet de loi débute en aout, de la propre main du ministre105.

Les grands traits sont déjà présents. Edgar Faure débute par une partie intitulée « mission des

universités ». Dès la première rédaction, il fait référence à la personnalité juridique et

l’autonomie financière, la pluridisciplinarité des établissements universitaires.

La participation est également au rendez-vous en revanche la sélection à l’entrée de l’université

en est écarté, sauf pour les grandes écoles auquel l’accès restera subordonné à la réussite d’un

concours. L’orientation est aussi énoncée avec la possibilité de passer un stage d’orientation,

afin de pouvoir émettre une recommandation106 à l’étudiant intéressé et l’orienter vers d’autres

départements, vers des études plus courtes ou alors le laisser dans le même département.

Les grandes lignes de la loi d’orientation sur l’enseignement supérieur ont tout abord été

soumises le 5 septembre 1968, devant la commission des affaires culturelles, familiales et

sociales de l'Assemblée Nationale107.

104. Assemblée Nationale, séance du 24 juillet 1968.

105. Une partie du manuscrit de la loi se trouve dans l’ouvrage de Jacques de Chalendar, Une loi pour l’université,

Paris : Desclée de Brouwer, 1970, p. 256.

106. Il ne s’agit pas d’une recommandation obligatoire, l’étudiants à le choix de prendre en compte ou non cette

recommandation.

107. Il s’agit de la commission la plus nombreuse de l’Assemblée, elle compte 122 députés.

56

La commission était présidée par le prédécesseur d’Edgar Faure, l’ancien ministre de

l’Education Nationale Alain Peyrefitte (1967-1968) et le bureau était entièrement composé de

gaulliste, des vices présidents au rapporteur du projet de la loi108.

Alain Peyrefitte avait énoncé que les auditions des personnalités auxquelles la commission a

procédé du 5 au 19 septembre 1968, étaient « très instructives ». Il ajoute d’ailleurs que les

commissaires ont été frappés par « l'extrême diversité des opinions » et ont pu se faire une idée

plus claire et plus précise109.

Le 17 septembre 1968, le projet de loi d'orientation sur l'enseignement supérieur a été approuvé

par trente voix et quatre abstentions par le Conseil supérieur de l'éducation nationale. Cette

instance était composée de quatre-vingts membres, mais plus de la moitié des membres ont

quitté la séance avant le scrutin. Ce conseil était composé de représentants des mouvements

d'étudiants, et pour la première fois de l’UNEF110 était présente, représentée par le président du

syndicat Jacques Sauvageot. L’avis du conseil n’était qu’à titre consultatif.

Le projet de loi est définitivement approuvé 19 septembre 1968 par le Conseil des ministres.

Ce projet se compose donc de disposition sur les différents conseils qui vont être crées. Il y a

tout d’abord le conseil des UER, formé pour partie de professeurs et pour partie d'étudiants avec

la possibilité de faire appel à des tiers, les conseils régionaux d'enseignement supérieur et de la

recherche, et Conseil national de l'enseignement supérieur qui comprendra des représentants

élus des universités, des représentants élus des établissements publics extérieurs aux

universités, et pour un tiers des personnalités extérieures compétentes, notamment dans le

domaine économique et social.

108. Le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales est Jean Capelle (1909-1983),

agrégé de mathématiques et docteur en sciences et ancien normalien, il fut professeur à l’université de Nancy et

à l'École nationale supérieure d'électricité et de mécanique. Recteur de l’université de Dakar de de 1947 à 1949 et

de 1954 à 1957. Il fonde en 1957 L'INSA de Lyon. En 1961, Jean Capelle devient directeur des lycées au Ministère

français de l'Éducation nationale, il mettra d’ailleurs en place la réforme portant à 16 ans l'âge de l'obligation

scolaire. Le rapporteur de la commission est donc un grand spécialiste de l’éducation.

109. Le Monde, 23 septembre 1968.

110. Le syndicat étudiant avait souvent décliné les invitations qui lui avaient été faites, afin de discuter du projet

de loi.

57

Philippe Dechartre, secrétaire d'État et secrétaire général du bureau exécutif de l'Union de la

gauche Ve République (UGV) souligne, au sujet du projet de loi d'orientation de l'enseignement

supérieur, « la nécessité d'une large ouverture de l'enseignement supérieur sur le monde

d'aujourd'hui, de façon à mieux répondre aux besoins des hommes que l'on forme et aux

exigences des techniques qu'ils emploient, de façon aussi que l'Université joue un rôle accru

dans l'évolution de notre société. Il lui apparaît ainsi indispensable que le conseil des universités

comprenne des personnalités du monde économique, des syndicats et des collectivités

locales111 ».

En revanche Edgar Faure ne souhaitait pas que des personnalités non universitaires fassent

obligatoirement partie du conseil qui administrerai les nouvelles universités. En plus de la

constitution des conseils, ce projet de loi comporte des dispositions sur les libertés des étudiants,

qui passe par la liberté d'information en ce qui concerne les problèmes politiques, économiques

mais aussi sociaux. Il y a une limite à cette liberté qui ne doit en aucun cas porter atteinte aux

activités d'enseignement et de recherche, et son exercice ne doit pas prêter à monopole ou

propagande, ni être de nature à troubler l'ordre public. Les élections des collèges et l’autonomie

financière sont aussi régie par le projet de loi.

Le projet de loi étant approuvé, le ministre va devoir le défendre afin que sa loi puisse être

définitivement promulguée.

B – Le vote de la loi

Une fois l’approbation définitive du projet de loi, il reste à ce que le projet soit débattu à

l’Assemblée Nationale et au Sénat (1), afin que la loi puisse être promulguée (2)

1 – Le débat au parlement : une loi de circonstance ?

Nombreux ont été les amendements envers le texte d’Edgar Faure, ce dernier a dû à de

nombreuses reprises monter à la tribune afin de défendre son texte coute que coute. Les débats

parlementaires en séance publique ont eu lieu devant l’Assemblée Nationale du 3 au 10 octobre

1968. En raison de l’importance de la loi, le débat à l’Assemblée Nationale étaient très attendus,

111. Le Monde, 20 septembre 1968.

58

le débat étant en séance publique, tout le monde était invité à le suivre, que ce soit dans la presse

quotidienne, ou alors tous les après-midis à la télévision avec la journaliste Danielle de

Breem112. Elle était considérée comme la première journaliste ayant fait « entrer les caméras de

télévision à l’Assemblée Nationale ». Le débat a été organisé dans la limite de trois séances. Le

projet de loi sera ensuite débattu au Sénat du 23 au 25 octobre 1968.

Un des points du débat était la contestation du sens de la loi d’orientation, il y avait deux

groupes, le premier qui soutenait l’idée que la loi d’orientation était une réforme fondamentale

qui devait s’engager dans l’avenir et de façon durable. De l’autre côté les « adversaires » de la

loi, qui considéraient que la loi d’orientation n’était en réalité qu’un simple document de

circonstance qu’il fallait se débarrasser au fur et à mesure que le spectre de Mai 68 s’estompait.

Lors de la séance auprès de l’Assemblée Nationale du 4 octobre 1968, Alexandre Sanguinetti,

alors député de la Haute Garonne s’adresse à Monsieur le ministre de l’éducation national,

Edgar Faure et à l’Assemblée en énonçant que : « Ce que je reproche à la loi d’orientation c’est

de ne pas être un texte fondamental mais un texte de circonstance113 ». Christian Fouchet quant

à lui député de Toul énonce : « Le projet de loi n'a pas été inspiré par les impératifs du progrès

scientifique, mais bien plutôt par les troubles du printemps qui pourraient bien être une révolte

contre ce progrès. Ne risque-t-il pas d'instaurer chez nous une Université comme il arrive

parfois d'en trouver clans certains pays du Tiers-Monde ?114».

La Faure n’est pas une loi qui a été mis au point uniquement pour par rapport aux évènements

de mai, comme nous l’avons vu la volonté de la réforme de l’enseignement supérieur est

antérieure aux évènements, Mai 68 a juste été une sorte de « coup de pousse » obligeant le

gouvernement à se presser afin de mettre au point rapidement une réforme mais les bases de la

loi avaient déjà été réfléchies, il s’agit d’une semi-loi de circonstance, car même si les

évènements n’avaient pas eu lieu, il est fort probable que le gouvernement aurait quand même

mis en place une réforme, similaire. Mai 68 s’est présentée comme le moment opportun pour

agir.

112. Bruno Poucet, David Valence (Dir.) La loi Egard Faure : réformer l’université en 1968, Presses

Universitaires de Rennes, 2016, p. 86.

113. Assemblée Nationale, séance du 4 octobre 1968, p.3072.

114. Ibid, p. 3085.

59

2 – L’adoption définitive de la loi

Le projet de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur a été déposé le 21 septembre 1968

à l’Assemblée Générale du Conseil d'Etat. Il a ensuite été adopté à l’unanimité par l’Assemblée

Nationale le 10 octobre 1968. En effet il y a eu 441 voix en faveur de la loi, 31 abstentions de

la part des députés des communistes et 6 des députés U.D.R et 0 contre115.

Ce vote est une grande première, en effet c’est la première fois sous la Ve république qu’une

réforme fondamentale qui s’applique à un secteur aussi important et qui de plus revêt d’un

caractère politique est adoptée au Palais Bourbon sans qu’un seul député ne se prononce contre

le projet116.

Même schéma auprès du Sénat, traditionnellement considéré comme assez conservateur, le

texte de loi est également adopté à l’unanimité le 25 octobre 1968. Sur un nombre de 278

votants, il y a eu 18 abstentions, toute de la part des membres du partis communistes et 260

voix en faveur de la loi d’orientation et 0 contre117.

Le texte est ensuite adopté par la commission mixte paritaire. Le texte définitif de la loi, est

adopté le 7 novembre 1968, et la promulgation a lieu le 12 novembre. Cela donnera naissance

à la loi n°68-978 du 12 novembre 1968 sur l'enseignement supérieur communément désignée

« La loi Faure ».

La loi est publiée le 13 novembre au Journal Officiel de la République Française. Elle est

composée de neuf titres et de quarante-six articles. Les signataires de la loi sont le président de

la République Charles de Gaulle, le premier ministre Couve de Murville, le ministre d’Etat

chargé des affaires sociales Maurice Schumann, le ministre de l’économie et des finances

François Ortoli, du ministre délégué auprès du premier ministre, chargé de la recherche

scientifique et des questions atomiques et spatiales Robert Galley et enfin celui à qui on doit la

Loi d’orientation, le ministre de l’Éducation Edgar Faure118.

115. Assemblée Nationale, séance du 10 octobre 1968, p. 3275.

116. Le Monde, 12 octobre 1968.

117. Sénat, séance du 25 octobre 1968, p. 964.

118. JORF du 13 novembre 1968 p.10584,Loi n°68-978 du 12 novembre 1968 d'orientation de l'enseignement.

60

La loi Faure est une loi qui va profondément changer l’université et pourtant elle a été établie

dans des délais très court. Il ne s’est écoulé que quatre-vingt-douze jours entre la formation du

Gouvernement Maurice Couve de Murville119 et l’adoption de la loi par l’Assemblée Nationale.

Dans le chapitre suivant sera étudié la réception de la loi auprès des acteurs de l’université mais

aussi auprès du monde politique. Car oui, la loi a été un succès, zéro abstention ni au Sénat, ni

à l’Assemblée pourtant les avis ont été très mitigés sur quelques dispositions de la loi et

spécialement sur la participation.

119. Le gouvernement Maurice Couve de Murville a vu le jour de 10 juillet 1968.

61

Chapitre 2 -La réception de la loi Faure dans le milieu

universitaire

Le projet de loi a été adopté, et la loi promulguée. Dans le milieu politique le débat autour de

la loi ne s’est pas fait sans tensions, très critiquée dans le milieu gaulliste, soutenue par les

socialistes, la loi a finalement été acceptée de tous. Mais qu’en est-il dans le milieu

universitaire ? Dans un premier temps nous verrons comment a été accueillie la disposition de

la loi concernant la participation (I) et la réception de la loi dans le milieu enseignants (II).

I – Les syndicats universitaires et la participation

La loi Faure a été votée à l’unanimité devant le Sénat et l’Assemblée Nationale, pourtant les

syndicats universitaires ne sont pas tous d’accord concernant les dispositions de la loi. La

participation semble être la « bête noire » de la loi d’orientation. Elle est contestée auprès des

syndicats universitaires autant à droite (A) qu’à gauche (B).

A– L’UNI et la participation

L’UNI est une association qui a été créée suite aux évènements de mai 68120. Il s’agit de l’aile

droite de l’Union des Jeunes pour le Progrès121. En réalité l’association avait déjà commencé à

se former progressivement, au fur et à mesure des évènements de mai. Pourtant les statuts n’ont

été déposés à la préfecture de police de Paris que le 12 février 1969, soit neuf mois après

l’agitation étudiante.

Les statuts ont été déposés par le journaliste Jean-François Chauvel, de Jacques Rougeot122, un

jeune assistant de la Sorbonne et le professeur Pierre de Vernejoul. On pouvait d’ores et déjà

qualifier cette association d’intergénérationnelle, en raison de sa composition. Parmi les autres

120. Présentation sur le site de l’association : http://www.uni.asso.fr.

121. François Audigier, Génération gaulliste : L'Union des jeunes pour le progrès, une école de formation

politique, 1965-1975, Presses universitaires de Nancy, 2005, 479 p.

122. Jacques Rougeot succède à René Deheuvel à la présidence de l’UNI, un mois plus tard après la démissionne

de celui-ci.

62

membres fondateurs on compte également, en tant que secrétaire générale, Suzanne Marton,

étudiante à l’IEP ou encore le physicien Gérard Daury.

L’UNI se définie comme une association indépendante qui rassemble « tous ceux (lycéens,

étudiants, enseignants, socio-pro, retraités …) qui s’intéressent aux problèmes de

l’enseignement et de la recherche et qui souhaitent promouvoir la connaissance et la culture

auprès de l’ensemble des français ». L’UNI refuse à ce qu’elle soit qualifiée de syndicat

étudiant.

L’UNI se trouve partagée entre d’un côté son devoir de soutien envers son parti politique et de

l’autre elle tient tout de même à exprimer tout son mécontentement envers la loi Faure. Cette

association qui a tout d’un parti politique, ne voit pas la loi Faure comme une loi positive bien

au contraire, les membres en abordant le sujet de la loi énonceront qu’elle est « avec six mois

de retard une coquète de mai et elle permet au parti communiste de recueillir toute légalité les

fruits de son long travail et de sa patience stratégique123 ».

Comme son sigle l’indique, l’UNI a pour champs d’action principal l’université. Selon ses

membres la loi Faure est une « trahison124». La participation est la disposition de la loi la plus

contestée au niveau des membres, vue d’un mauvais œil, l’idée avancée est que la participation

favoriserait d’une façon générale la montée du parti de gauche au sein des universités

françaises. En effet de manière assez générale les syndicats étudiants et même enseignants sont

majoritairement associés au parti de gauche, ils auraient donc un pouvoir de décision plus

important au sein des universités aux détriments des syndicats classés à droite.

L’UNI va encore plus loin en énonçant que cette loi finalement reviendrait à récompenser les

mêmes personnes qui ont soutenus le mouvement de mai et surtout ceux qui ont pris part aux

violences. L’université deviendrai en quelques sortes une « base rouges ».

123. Frédéric Deloffre, Jacques Rougeot, Union Nationale Inter-universitaire, L'Université enjeu politique (1968-

1983), CED, 1983 p. 29.

124. Nassera Mohraz, « l’Union nationale interuniversitaire : l’opposition de droite la plus virulente à la loi Faure

(1968-1984) », in la loi Edgar Faure : réformer l’université après 1968, Presses Universitaires de Rennes, 2016,

(Dir.) Poucet Bruno, Valence David, p. 106.

63

La participation n’est pas le seul point négatif de la loi. Le changement de structure des

établissements mais également le changement mode d’organisation aurait pour finalité de

désorienter le repère des étudiants.

L’UNI va donc entrer en opposition avec l’UJP, appartenant à l’origine à la même famille, il

va un avoir une scission avec l’annonce de la réforme par le ministère de l’éducation. Deux

groupes vont alors se former celui des gaullistes dits de gauche et celui des gaullistes dits de

droite. Edgar Faure « est détesté de l’UNI », il sera désigné par l’association comme un « agent

de la subversion125» qui aurait permis la consécration de l’esprit soixante-huitard. Le moyen

d’action va se faire principalement par leur bulletin d’information, intitulé l’action universitaire,

mais aussi par l’intermédiaire des brochures de l’UNI, des distributions d’affiches et

d’autocollant.

Il n’y a pas que les syndicats de « droite » qui sont opposés la loi Faure, l’UNEF l’un des

syndicats les plus influents et du même avis, la participation ne doit pas être acceptée à

l’université.

B – L’UNEF et la participation

L'UNEF est un syndicat étudiant qui a été créé en mai 1907, lors du Congrès de Lille, à

l’occasion de l’inauguration de la Maison des étudiants de la ville. Lors de ce rassemblement

est fondée l’Union nationale des associations générales d’étudiants de France (U.N.A.G.E.F.)

que l’usage va transformer en Union Nationale des Étudiants de France. Les membres de

l’UNEF soutiennent pour la majorité d’entre eux les idées des partis politique dits de

« gauche ». Le porte de parole de l’UNEF était Jacques Sauvageot initialement vice-président,

il prend de droit la tête du syndicat à la suite de la démission de son président, Michel Perraud.

L’UNEF considère que la loi Faure n’apporte rien de nouveau et qu’elle ne fait que reprendre

des plans qui avait déjà été mis en place comme le plan Peyrefitte ou Fouchet, donc la

démocratisation qui est prônée par la loi Faure ne changerai en réalité pas grand-chose. Le

syndicat estime que la mise en place des nouvelles structures de l’université par le biais des

125. Op. cit, p. 108.

64

commissions, des conseils aurait pour finalité de dénaturer et d’étouffer les revendications

étudiantes.

L’inscription des votants sur les listes d’émargement est également remise en cause. En effet

avec un tel système il est possible de voir qui sont les personnes qui ont participé au vote ou

non. L’UNEF à travers ses communiqués tient à mettre en avant les conséquences néfastes de

la participation en dénonçant les pressions que les professeurs, ont pu mettre aux étudiants pour

qu’ils aillent voter, créant une compétition pour savoir quelle classe a été la meilleure élève en

fonction des taux de participation aux élections.

Le syndicat considère également que ce n'est pas dans les commissions que les étudiants

peuvent obtenir satisfaction de leur revendication, mais en fonction de la lutte qu'ils mènent. Le

fait de pouvoir participer ne changera en aucun cas leur sort à l’université.

Les membres du syndicat feront faire circuler des affiches126, des tracts avec comme titre « Le

mouvement étudiant refuse la participation par la loi d’orientation », « Plus que jamais la lutte

contre la participation et la loi Faure est à l’ordre du jour », « NON à la loi Faure, NON A LA

PARTICIPATION », voici les mots d’ordre du syndicat« Nous voulons refuser la participation

parce que la participation n'est que la collaboration à la mise en oeuvre d'une loi et d'une

politique que nous jugeons fondamentalement mauvaise127 ».

Selon l’UNEF la participation est vue comme l’ennemi, elle reviendrait à cautionner le rôle de

l’université. L’université française est considérée comme une université de classe, une

université sélective. La loi Faure serait un leurre. La participation est donc refusée par l’UNEF

mais pas par l’UNEF tout entière. En effet il va y avoir une scission avec d’une part ceux qui à

l’intérieur même du syndicat vont préconiser le boycott des élections universitaires, en refusant

la participation étudiante sous le prétexte que « la cogestion est une forme de validation des

réformes universitaires ». L’autre tendance est composée de ceux qui préconisent la

participation des étudiants. Ces derniers se justifient en arguant que la participation permet

d’améliorer et de modifier ce qu’ils jugent néfaste dans les réformes.

126. Annexe 13.

127. UNEF/INFORM du 8 Novembre 1968.

65

De première abord ont aurai pu s’arrêter aux préjugés qui sont souvent véhiculé, à savoir que

les syndicats de droite sont assez conservateur et aurait été contre la participation tandis que les

syndicats de gauche, vu comme des militants se seraient réjouis que la participation des

étudiants soit enfin accordée. Ce n’est pourtant pas le cas, il n’y a pas eu de clivage

droite/gauche. Les syndicats étudiants sont unis et refuse la participation. Les syndicats

enseignants128vont aussi avoir une opinion sur la loi Faure.

II – La loi Faure et les syndicats enseignants

L’université étant également composées d’enseignants, ces derniers ne pouvaient se trouver en

dehors du débat, afin de déterminer que serait le futur de l’université française.

Les syndicats enseignants avaient en réalité déjà pris position avant les évènements de mai, en

raison des transformations des universités, ils avaient émis des revendications et des projets de

réformes. Leurs positions se radicalisent après mais 68 créant une scission entre deux groupes

ceux qui accueillent positivement la loi d’orientation (A) et ceux qui y sont plutôt hostiles, ayant

pour crainte de voir l’université se dénaturer (B).

A – SGEN-CFDT : le Syndicat enseignant favorable à la loi d’orientation

Le SGEN-CFDT, est un syndicat qui a été fondé en novembre 1937. Les fondateurs du syndicat

sont trois professeurs, Guy Raynaud de Lage (1905-1993)129, François Henry130 et Paul

Vignaux (1904-1987)131.

128. On compte beaucoup de syndicats enseignant en France, (enseignant du premier degré, second degré,

supérieur), ne pouvant pas faire un exposé complet des syndicats, seul les syndicats les plus important au niveau

de l’enseignements supérieur vont être abordé.

129. Ancien normalien, agrégé de lettre. Il débute sa carrière comme professeur au lycée, puis devient professeur

de langue et littérature française du Moyen Age à la faculté des lettres et sciences humaines de Clermont-Ferrand.

130. Agrégé d’histoire, il débute également sa carrière en tant que professeur de lycée, au Lycée d’Orléans.

131. Il s’agit de Paul Vignaux le philosophe et non de l’homme politique. Paul Vignaux est également ancien

normalien, il est agrégé en philosophie. Professeur à l’EPHE, il explore l’histoire des théologies chrétiennes

médiévales, en particulier franciscaines, à la section « sciences religieuses ». En 1933, il occupe le poste de

directeur d'études à l’EPHE au sein de la même section. Paul Vignaux était aussi un citoyen engagé dans l’action

66

Dès sa création, le SGEN va s’affilier à la CFTC. Les statuts affirment le caractère laïc, général

et national de la formation syndicale. Le SGEN est la seule organisation de la CFTC qui ne se

qualifie pas de chrétienne. Il s’agit d’un syndicat « de gauche ».

Les membres du syndicat sont plutôt favorables à « une démocratisation de l’enseignement

supérieur132». En avril 1967, le syndicat prônait une volonté de réforme des universités avec

comme point l’élection d’un président d’université, l’autonomie, mais aussi des universités

« transdisciplinaires ». Un an plus tard toujours dans la continuité d’une volonté de voir

l’université reformée, le SGEN-CFDT présente un projet de sa Commission enseignement

supérieur en date du 10 juin 1968, là aussi le projet comportait quelques grandes lignes de la

loi d’orientation, Etant pour le renouveau des universités c’est tout naturellement que le

syndicat décidera de soutenir la loi Faure au côté de la FEN. Le syndicat et la fédération auront

souvent les mêmes points de vue concernant la loi d’orientation.

Cependant, il va apparaître des tensions internes, avec les évènements de mai 1968. Les

contestations portent n’ont seulement sur la politique du SGEN mais aussi sur son

fonctionnement. Deux clans vont se former dans le syndicat, il y aura une partie du syndicat qui

sera à tendance plus radicale, représentée de manière générale par des jeunes militants et de

l’autre une tendance à vocation réformiste représentée par Paul Vignaux.

Néanmoins malgré ces tensions, le loi Faure est globalement bien reçue auprès des membres.

Le syndicat ira d’ailleurs à la rencontre du ministre de l’Éducation Nationale et de son équipe

afin de discuter des disposions de la loi le 23 juillet et 17 septembre 1968. Les principaux

interlocuteurs seront Jean Sirinelli, Jacques de Chalendar et Gérald Antoine.

Avant comme après l’adoption de la loi Faure la SGEN-CFTC n’a pas changé de point de vue,

malgré les tensions au sein du syndicat, il y a toujours eu autour du syndicat l’idée qu’une

réforme de l’enseignement supérieur était nécessaire afin que l’université puisse être gérée

qualitativement et quantitativement. En revanche ce n’est pas le cas de certains syndicats

syndicale. De 1923 à 1928, il fait partie du comité général de l'Association catholique de la jeunesse française,

militant la Jeunesse ouvrière chrétienne il est en 1934, il est responsable de l’Institut de formation de la CFTC.

132. Ismail Ferhat, « une loi à front renversée ? la loi Faure et les syndicats enseignants (1967-1969) » p. 126 in

La loi Edgar Faure : réformer l’université après 1968, PUR, 2016.

67

d’autre vont être hostile à la loi Faure et vont progressivement adopter une position plus

modérée.

B - Les syndicats enseignants opposés de la loi Faure

Ici nous allons voir deux syndicats enseignants un à tendance radicale et l’autre plus modéré.

Tout premièrement les deux syndicats vont se positionner d’emblée comme hostiles à la loi

pourtant leurs idées de base diffèrent. En effet le FNSAESR est contre l’idée d’une

transformation de l’université tandis que le SNESup est pour une transformation radicale de

l’université.

La FNSAESR a été fondée en 1948133. Il s’agit d’une fédération rassemblant plusieurs syndicats

autonomes, dont le syndicat autonome du droit. Cette Fédération syndicale a une sensibilité

modérée et assez conservatrice. Elle a la particularité d’avoir été dirigée par plusieurs

professeurs de droit ayant enseigné à la faculté de droit de Paris.

Parmi les anciens présidents de la fédération, il y a eu Jacques Moreau qui a dirigé le syndicat

de 1957 à 1959, Charles Eisenmann de 1960 à 1964, Roger Houin en 1964 et le doyen de la

Faculté de droit de Paris Georges Vedel de 1964 à 1972.

Avant même l’adoption de la loi d’orientation il y a déjà des divergences d’opinions au sein du

syndicat, par exemple sur la question de la sélection à l’entrée de l’université. Il y a d’un côté

l’ancien doyen Vedel (Faculté de droit) qui semble plutôt adopter une position modérée quant

à la sélection en préconisant une sélection « progressive »134 et de l’autre le doyen Zamansky

(Faculté des sciences de Paris) qui adopte quant à lui une position beaucoup plus ferme, en

voulant une sélection dès l’entrée à l’université.

133. Elle est connue aujourd’hui sous le nom de SupAutonomne FO, à l’origine il s’agissait d’une association crée

en 1946 mais suite du vote de la loi n° 46-2294 du 19 octobre 1946 relative au statut général des fonctionnaires,

l’association prend alors la forme d’un syndicat.

134. Op. Cit Ismail Ferhat p.127.

68

Georges Vedel a été auditionné le 17 septembre 1968 devant la Commission des Affaires

culturelles, il énoncera lors de son audition que « l’autonomie et la fragmentation de l’université

peuvent aller à la ‘clochermerlisation’135 des établissement universitaires136 ».

La FNSAESR est réticente à la loi Faure elle refuse un changement, une transformation trop

radicale de l’Université. Le syndicat émet plusieurs réserves quant au recrutement sans garantis

des enseignants, la présence des étudiants dans les jurys d’examen. Le syndicat craignait

également que la loi ait pour conséquence une politisation croissante voire violente dans les

établissements universitaires. L’appréhension du syndicat venait principalement des modalités

d’application du texte de la loi. Alors que mai 68 avait radicalisé les syndicats étudiants et

enseignant, la FNSAESR se modère de plus en plus et va finir par soutenir en 1969 la loi Faure.

Le second syndicat est le SNESup, fondé en mars 1956. Il est issu d'une scission du Syndicat

National de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche (SNESR) affilié à la FEN. Le SNESR

a donné naissance à deux syndicats le SNCS (Syndicat National des Chercheurs

Scientifiques) et le SNESup.

En 1968 le SNESup était dirigé par l’extrême gauche. Le syndicat est proche de l’UNEF,

plusieurs membres du SNESup étaient des anciens membres de l’UENF comme par exemple

Alain Geismar137. Le syndicat aura pour revendication la demande de création d’un corps

unique d’enseignant des universités, cela va créer des tensions notamment avec les membres

communistes du syndicat. Le SNESup refuse la loi Faure, et adopte une position

« antigouvernementale ». D’ailleurs le syndicat refusera d’être auditionné par la Commission

des affaires culturelles en septembre 1968.

135.Clochemerle est un nom inventé par Gabriel Chevallier en 1934, il désigne désormais

petite communauté déchirée par des querelles.

136. Op. Cit. Ismail Ferhat, p.133.

137. Né en 1939, il est l’un des leaders de Mai 68 avec Jacques Sauvageot et Daniel Cohn-Bendit (Annexe 14).

Alain Geismar, alors en classes préparatoire scientifiques se syndique en 1956 à l’UNEF, en 1965 il rejoint le

SNESup en tant que secrétaire-général adjoint du syndicat.

69

La prise de position à l’encontre de la loi Faure n’est pas absolue, le SNESup reconnait quelques

aspects positifs de la loi. Le syndicat appartient à la FEN et pourtant leurs prises de position

sont très différentes, les deux groupes vont prendre leur distance à la suite de la dénonciation

de la FEN relatif au comportement de la SNESup.

Le SNESup demandera le boycott des élections universitaires. Depuis 1967 le syndicat était

dirigé par l’extrême gauche, ces derniers se sont radicalisés à la suite des évènements de mai.

Cependant lors du 6e congrès du PSU à Dijon138, la direction du SNESup va être « re » passer

entre les mains des communistes. Après ce changement le syndicat va abandonner sa

revendication sur la mise en place d’un corps unique d’enseignant dans le supérieur.

Ils vont avoir une nouvelle demande celle d’une « augmentation conséquente des moyens

financiers à l’enseignement supérieur pour permettre une véritable application de la loi

Faure »139. Même avec le retour des communistes il subsiste toujours quelques dispositions ou

le SNESup a des réticences envers la loi, mais de manière globale elle va enfin être « tolérée »

par le syndicat.

La loi Faure est à l’origine de plusieurs fractures au sein des syndicats tant enseignants

qu’étudiants. Ne trouvant pas d’entente certains se sont détachés afin de faire cavalier seul ou

rejoindre d’autres fédérations. Ce que l’on peut retenir c’est que finalement comme lors du vote

de la loi auprès du Parlement, malgré les divergences d’opinion des syndicat la loi Faure de

manière générale une nouvelle fois l’unanimité. Reste à voir les conséquences que la loi a

apportée au sein des universités, et plus spécialement à la Faculté de droit de Paris.

138. Le congrès s’est déroulé du 14 au 16 mars 1969.

139. Op. Cit. FERHAT Ismail, p.138.

70

Troisième partie - Les conséquences de la loi Faure

Il va être étudier dans cette troisième et dernière partie, les conséquences de la loi sur les facultés

mais aussi son impact sur la Faculté de Droit de Paris. La loi a donné naissance à des nouvelles

universités issues des revendications antérieures (Chapitre 1) et a participé au démantèlement

de l’Université de Paris (Chapitre 2).

71

Chapitre 1 - La fin de l’Université napoléonienne

L’Université de 1896 n’est plus, la loi Faure fait entrer l’Université dans une « nouvelle ère »,

celle du changement et de la modernisation. Le changement s’opère au niveau de l’organisation

des universités (I), et la modernisation avec l’évolution du rôle du recteur et la venue de

nouveaux acteurs (II).

I – Les principaux piliers de la loi Faure

La loi d’orientation de l’enseignement a répondu à certaines des revendications exprimées

antérieurement à Mai 68 mais aussi à celles survenues pendant les évènements, en introduisant

trois grands principes à l’intérieur des universités françaises : l’autonomie (A), la

pluridisciplinarité (B) et la participation (C).

A - Une université autonome

La loi d’orientation de l’enseignement supérieur de 1968 a eu pour conséquence de permettre

aux universités de décider de leurs propres objectifs à atteindre, de décider de leur propre

fonctionnement et de leur organisation.

Cependant l’autonomie réservée aux universités n’est pas absolue. Il y a trois formes

d’autonomie qui ont été mises en place.

Premièrement, les universités disposent désormais d’une autonomie administrative qui est

prévue à l’article 12 de la loi : « Les établissement publics à caractère scientifique et culturel

sont administrés par un conseil élu et dirigés par un président élu par ce conseil ».

Deuxièmement l’autonomie est pédagogique, les universités peuvent déterminer « leurs

activités d’enseignement, leurs programmes de recherche, leurs méthodes pédagogiques, les

procédés de contrôle et de vérification des connaissances et des aptitudes140 » mais la limitation

n’est pas bien loin « sous la réserve des dispositions de la présente loi, des statuts des

personnels appelés aux fonctions d’enseignement et de recherche et de règlements établis après

consultation du conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche ».

140. Titre IV, article 19 de la loi d’orientation et de l’enseignement du 12 novembre 1968.

72

A l’article suivant141, il est énoncé que pour les études qui conduisent à des diplômes nationaux,

elles relèvent de la compétence du ministre de l’éducation. Les conditions d’obtention de ces

diplômes et les modalités de protection des titres qu’ils confèrent sont définies par ce dernier

sur l’avis ou la proposition du CNESER.

Il s’agit donc ici d’une autonomie pédagogique assez relative. En effet les étudiants qui

s’inscrivent à l’université viennent presque tous pour décrocher l’un de ces diplômes nationaux.

Le champ de l’autonomie pédagogique est de ce fait très limité.

Enfin troisièmement, il y a l’autonomie financière qui est régie par le titre V de la loi. L’article

26 de la loi énonce que les universités « disposent pour l’accomplissement de leur mission, des

équipements, personnels et crédit qui leur sont affectés par l’Etat », elles « disposent en outre

d’autres ressources, provenant notamment de legs, donations et fondations, rémunérations de

services, fonds de concours et subventions diverses ».

Tout comme l’autonomie pédagogique, l’autonomie financière se trouve très restreinte. Les

ressources des universités vont en réalité provenir pour une grande partie de l’Etat. Les

universités sont dotées d’un agent comptable, ce dernier est choisi par le conseil de l’université

mais doit obligatoirement inscrit sur une liste d’aptitude nationale. Il est issu d’une

administration financière de l’Etat142. Sa mission sera de veiller à la gestion des ressources et

dépenses des universités.

La loi de 1968 pose le principe qui se caractérise en une simple base de « l’autonomie ».

Néanmoins son adoption constitue une grande avancée. Depuis 1896, il y avait toujours eu la

volonté de mettre en place une autonomie mais sans succès. La loi Faure a réussi à imposer le

principe, malgré son caractère et sa portée assez modeste. Il faudra attendre encore quelques

années avant qu’une réelle autonomie puisse voir le jour au sein des universités françaises.

En plus d’être un établissement autonome, la loi prévoit que l’Université devra être

pluridisciplinaire.

141. Ibid., Titre IV article 20.

142. Ibid, Titre V, 5e alinéa de l’article 29.

73

B - Une université pluridisciplinaire

Louis Liard énonçait que « L'enseignement, c'est une fonction de l'Etat, car c'est un besoin de

la nation. Par suite les écoles doivent être des établissements de l’Etat et non des établissements

dans l’Etat (…) Par suite encore comme l’Etat est un, ses écoles doivent être partout les mêmes.

Etant donné leur caractère essentiel, elles ne peuvent avoir chacune sa charte particulière143,

Louis Liard employait le terme « école », mais qu’entendais-t-il par « école » ? Cela

comprenait-il l’Université ? Pensait-il que les universités ne pouvaient être configurer de

manière différente avec des enseignements différents, voire pluridisciplinaires ?

Bien avant le vote de la loi, la question de la « suppression des cloisonnements » était débattue.

Lors du colloque de Caen en 1966, l’une des revendications était de supprimer « les

cloisonnements entre les facultés existantes, les professeurs de facultés devenant professeurs

d’universités144 ».

Mais de manière assez contradictoire, les événements de mai 68 l’ont bien montré, certains

acteurs ont essayé d’obtenir leur indépendance afin que leurs domaines d’enseignement ne

soient plus « confondus ». On peut le voir par exemple au sein la Faculté de médecine de Paris,

avec les dentistes ne souhaitant plus être assimilés et qui voulaient se détacher des médecins ou

comme nous l’avons vue dans les développements précédents avec les économistes qui

souhaitaient prendre leur indépendance vis à vis des juristes à la Faculté de droit de Paris. La

mise en place de la « pluridisciplinarité » n’est pas acceptée de tous, certains ne veulent ni

l’entendre et encore mois la voir s’installer au sein des universités.

Néanmoins, il y a d’autres acteurs, qui a l’inverse sont plutôt favorable à la mise en place de la

pluridisciplinarité, par exemple le sociologue Alain Touraine qui écrivait qu’ : « Un helléniste

n’aura pas connaissance des travaux de l’ethnologue; un historien ignorera à peu près tout de

la sociologie et de l’économie moderne; le sociologue, dont la formation est plus diversifiée,

ignorera tout des méthodes de la biologie, sans parler de son ignorance officialisée par les

récentes réformes, de l’histoire des sociétés qu’il étudie. Tous n’acceptent pas cette

professionnalisation et cherchent alors hors de la formation universitaire une ouverture

143. Louis Liard, L’Enseignement supérieur en France, 1789-1889, vol II, Paris : Armand Colin et Cie, 1894, p35.

144. Il s’agit du troisième point de Colloque de Caen.

74

d’esprit, une diversité d’informations que la faculté leur refuse. Les revues littéraires et

politiques, les hebdomadaires de grande information, la télévision ou mieux encore des

groupements d’inspiration politique ou religieuse, complètent la formation professionnelle

donnée par l’Université, ce qui crée une rupture profonde entre les éléments de l’éducation qui

devraient être unis145 ».

Un autre acteur était également contre le cloisonnement des enseignements, il s’agit du ministre

Edgar Faure. Bien au contraire, il en est même très convaincu, selon lui « les nouvelles

universités seront pluridisciplinaires » cette affirmation est présente depuis la première

rédaction du projet de loi et va aussi l’être dans toutes les versions qui vont suivre. Pour le

ministre il est primordiale de voir coexister des disciplines qui étaient autrefois divisées voire

isolées. La pluridisciplinarité va permettre aux étudiants d’ouvrir leurs horizons, de pouvoir

favoriser chez eux, une activité intellectuelle beaucoup plus diversifiée. La prise de position du

ministre était cohérente, en effet Edgar Faure était un homme « touche à tout146 ».

Le principe des universités pluridisciplinaires est régi par le 2e alinéa de l’article 6 de la loi

d’orientation qui dispose que : « Les universités sont pluridisciplinaires et doivent associer

autant que possible les arts et les lettres aux sciences et aux techniques. Elles peuvent cependant

avoir une vocation dominante ». Il y a une rupture avec la période d’avant mai

68, l’Université qui était souvent utilisée au singulier et définissait une institution plutôt

monolithique, et représentait tout le contraire de la pluridisciplinarité avec des blocs de faculté

dans des domaines très précis (sciences, lettres, droit). Désormais le principe est régi par la loi

et cela le fait exister. Mais en réalité sa portée a été dans son ensemble assez limitée.

La mise en place des UER devait favoriser la pluridisciplinarité au sein des nouvelles

universités, mais ces UER sont souvent directement issues des anciens départements des

facultés. Il y aura des UER juridiques, de géographie, de philosophie. La pluridisciplinarité

n’est donc pas vraiment au rendez-vous, cela va plutôt avoir pour effet de créer de toute petites

facultés au sein des universités nouvellement créées.

145. Alain Touraine, Le Mouvement de Mai ou le communisme utopique, Paris : Le Seuil, 1972, p. 88.

146. Edgard Faure était un homme curieux avec une forte ouverture d’esprit, il semble avoir eu plusieurs vies :

avocat, homme d’Etat, romancier, parolier.

75

Il semblerait que la pluridisciplinarité prévue par la loi d’orientation de l’enseignement

supérieur de 1968, soit en réalité caractérisée par une plus grande offre de disciplines. Or

lorsqu’on parle de pluridisciplinarité, on a tout de suite à l’esprit une image de croisement, de

complémentarité des matières qui sont de premier abord très différent et qui vont au final crée

un enseignement cohérent, on peut prendre comme exemple la licence Administration

Economique et Sociale147 qui est le parfait exemple d’un enseignement pluridisciplinaire. Le

fait par exemple de mettre au sein d’une même université des UER juridiques et scientifiques

mais sans qu’il y ait de réel lien, de cours en commun, revient à une cohabitation au lieu d’une

coexistence. Les étudiants et les enseignants vont être dans des établissements

pluridisciplinaires sans que cela ait de répercussion sur leurs enseignements.

Tout comme l’autonomie, la pluridisciplinarité a été consacrée par la loi mais sa portée est très

fortement limitée. Reste à voir le troisième et dernier pilier de la loi Faure : la participation.

C – Une université démocratique

La participation avait été le point le plus discuté pendant le processus d’élaboration du projet et

du vote de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur. Ce qu’on peut déjà énoncer, c’est

que la participation des étudiants n’est pas vraiment une innovation, en effet le décret

Capitant148, de 1945, avait déjà institué la participation des étudiants élus aux sur la base du

suffrage universel aux assemblées des facultés et près des conseils des universités. Mais en

pratique on n’y avait presque jamais recours. La participation ne s’exprime pas uniquement à

travers des élections, il y a aussi la participation au niveau des travaux des commissions, ou

alors l’assistance aux différentes séances du conseil.

147. Il s’agit d’une licence composée d’enseignement différents : histoire, droit, sociologie, économie, gestion …

Cette formation va être fondée en 1973.

148. Du nom de l’ancien Ministre de l’éducation, René Capitant (1901-1970), fils du professeur Henri Capitant, il

a été ministre de l’Éducation Nationale de 1944 à 1945.

76

Depuis la loi du 16 avril 1955149, il est permis aux étudiants élus de siéger auprès des pouvoirs

publics dans les conseils d’administration. Ils participaient à la définition de la politique

générale du Centre national et des Centres régionaux et se prononcent sur le budget du CNOUS

et les répartitions de crédits de l’Etat entre les CROUS. Les étudiants étaient aussi associés à

l’accueil des nouveaux étudiants, à l’animation de la vie universitaire et aux activités d’aide à

l’insertion professionnelle.

Il a fallu attendre la loi Faure pour que le principe de participation soit enfin reconnu à

l’université. Avant la loi, les assemblées n’étaient composées que de professeurs titulaires,

d’agrégés de l’enseignement supérieur, des chargés de cours et des maitres de conférences

pourvu du grade de docteur150. Dans les facultés de droit il y avait également des représentants

des maitres assistants. Quant au conseil, il était composé des professeurs titulaires.

Les étudiants étaient donc absents du processus de décision de l’université. Pourtant c’était le

reproche des étudiants, ils ne souhaitent plus être de simples spectateurs, ni des acteurs de

second rôle au sein de leur université. Ils représentaient d’ailleurs la plus grande part des

effectifs, au sein de l’université, leur « voix » devait donc se faire entendre.

Désormais « les conseils sont composés, sans un esprit de participation, par des enseignants,

des chercheurs, et par des membres du personnel non enseignant151 ». L’université se veut si

démocratique, que la loi permet également à des personnes extérieures choisies en raison de

leur compétence de siéger auprès du Conseil.

Les élections se font au scrutin de liste, à la proportionnelle. Il s’agit d’un suffrage universel,

tous les étudiants inscrits à l'université sont automatiquement électeurs. On ne pourra étudier

ici que les élections du conseil des UER et non celles du Conseil de l’Université qui ont été

mises en place plus tardivement152.

149. Loi n°55-425 du 16 avril 1955 portant sur la réorganisation des services des œuvres sociales en faveur des

étudiants.

150. Jacques Chalendar, Une loi pour l’université, Paris : Desclée de Brouwer, 1970, p. 97.

151. Titre III, article 13 de la loi d’orientation et d’enseignement du 12 novembre 1968.

152. Les premières élections du conseil d’université datent de 1970-1971.

77

C’est entre février et mars 1969 que vont se sont jouer les premières élections étudiantes au

niveau des conseils des UER, les résultants vont s’avérer plus que satisfaisant. Le taux moyen

de participation dans les UER de droit et sciences économique est de presque 60%153.

Là où l’autonomie et la pluridisciplinarité avaient « échoué », la participation au contraire a été

un véritable succès.

En plus de ces trois dispositions majeures, la nouvelle organisation des universités a également

eu pour conséquence le changement de certains acteurs au sein de l’université.

II – Des nouveaux rôles pour des nouvelles universités

Le recteur va voir sa tache modifiée (A) et deux nouveaux acteurs vont faire leur entrée dans

les universités : Les présidents d’université (B), les présidents d’UER (C)

A - Le nouveau recteur

Dans la première partie de ce mémoire, il a été exposé le rôle du recteur au sein de l’Université

avant les évènements de mai 68, mais qu’en est-il après la loi d’orientation ? Les recteurs se

sont retrouvés très exposés lors de la « Commune étudiante154 ». La loi Faure a procédé à un

déplacement des pouvoirs au sein de l’Université. Le recteur qui avait une très grande marge

de manœuvre et un réel contrôle sur l’Université d’autrefois, a perdu une partie de son autorité

presque quasi absolue sur l’Université, désormais il représente le ministre de l’Éducation

Nationale auprès des organes statutaires des universités et auprès du conseil général dont il en

est le président155.

Il a tout de même la possibilité d’assister aux séances du conseil des universités et s’y faire

représenter. On trouve dans la loi une disposition lui permettant en cas de raison graves, cas de

force majeure de suspendre les délibérations jusqu’à la décision du ministre de l’éducation

153. Op. Cit. Jacques de Chalendar p. 139.

154 . Edgar Morin, Le Monde, 17 mai 1968.

155. Titre II, article 10.

78

nationale156. Le recteur veille également au respect du budget des universités de son ressort. Il

est d’ailleurs habilité à arrêter le montant du budget en cas de défaut de vote de la part du

conseil.

Même si le recteur n’en n’est pas totalement exclu, la loi Faure a limité le pouvoir du recteur

au sein de l’enseignement supérieur, une de ces limitations est due entre autres à l’arrivé d’un

nouvel acteur au sein des universités : le président.

B - Le président de l’université

Les facultés ont laissé place aux universités, et les doyens font de même envers les présidents

d’université. Le terme « président d’université » apparait comme en décalage avec les

appellations d’autrefois : recteur, doyen, ces appellations sont assez historiques et reconnus

dans le monde universitaire français comme aussi dans les universités étrangères. L’emploi de

« Président » est un terme assez commun. Le président de l'université apparaît largement

comme un nouveau venu, il n’est ni un doyen, ni un recteur.

Le président va exercer son autorité sur l’ensemble de l’université, il en est la voix et le gardien.

Elu pour cinq ans, le président d’université n’est pas immédiatement rééligible et il est

inamovible durant son mandat157. Le mandat du président de l’Université peut être abrégé est

en cas de démission, cela ne peut pas lui être refusé, mais également en cas d’empêchement

définitif résultant d’un cas de force majeure.

Membre du conseil, il doit être choisi parmi les professeurs titulaires, mais il est possible de

déroger à cette règle en élisant un professeur non titulaire, si ce dernier réunit la majorité des

deux tiers des membres du conseil. Le président préside tous les conseils de l’université et

travaille en collaboration avec un secrétaire général et un agent comptable.

Les présidents de l’ancienne faculté de droit sont au nombre de deux : le premier est un homme

politique et juriste spécialiste de droit constitutionnel, François Luchaire (1919-2009), avocat

au barreau de Caen en 1938, il commence sa carrière de professeur de droit à l’université de

156. Ce dernier doit statuer dans les trois mois, après la consultation du CNSESR.

157. Titre III, article 15 de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur du 12 novembre 1968.

79

Nancy avant de devenir professeur de droit constitutionnel à la Faculté de droit de Paris. En

1958, il fait partie du groupe d'experts chargé de rédiger l'avant-projet constitutionnel et de

1965 à 1974, il siège au Conseil constitutionnel158.

Le second est professeur spécialiste en droit public Georges Vedel (1910-2002), agrégé des

Facultés en droit public en 1936, il enseigne tour à tour dans les facultés de droit de Poitiers en

1937, de Toulouse en 1939, et à Paris à Partir de 1949. Son enseignement ne s’arrête pas qu’aux

universités, il enseigne notamment dans les grandes écoles comme HEC, l’IEP de Paris, ou

encore l'école des Mines. Conseiller juridique de la délégation française dans les négociations

sur le Marché commun et l'Euratom de 1956 à 1957, il est nommé Doyen de la Faculté de droit

de Paris (1962-1967), et sera le premier président de l’Université Paris II159.

Les universités n’ont pas toutes été créées immédiatement après la promulgation de la loi

d’orientation, c’est d’ailleurs le cas des universités Paris I et Paris II qui n’ont été créées qu’en

1970, soit deux ans après la promulgation de la loi. Il y avait néanmoins la mise en place des

UER qui étaient organisées par des directeurs d’UER.

C - Le directeur d’UER

Les anciennes facultés ont été remplacées par les UER, la fonction de doyen est supprimée au

profit du directeur des UER. Le directeur d’UER est élu pour une durée de trois ans. Il doit être

élu parmi les professeurs titulaires, maitre de conférences ou par les membres assistants de

l’établissement. Si ce n’est pas le cas sa nomination par dérogation doit être approuvée par le

ministre de l’Education Nationale après un avis du conseil de l’université dont l’UER fait

partie160.

Le directeur de l’UER est placé sous l’autorité du président de l’université, son rôle est en effet

subordonné au président qui a pour charge l’université dans son ensemble tandis que le directeur

158. Il a été nommé par le président du Sénat, Gaston Monnerville.

159. Nous verrons plus en détail dans le chapitre suivant de ce mémoire la mise en place de ces deux universités.

160. Titre III, second alinéa de l’article 15 de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur du 12 novembre

1968.

80

de l’UER est en charge uniquement de « son département ». Ses missions comportent des

aspects liés à la recherche et à l’enseignement.

En définitive la loi Faure semble calquer le modèle de l’université sur celui de la société, « Un

état dans l’Etat », avec des élections, un président. L’université de la loi Faure se veut

démocratique et démocratisée. Vue comme une loi révolutionnaire sa portée sera toutefois

limitée, il faudra attendre plusieurs dizaines d’années après l’adoption de la loi Faure pour voir

les universités se doter d’une plus large autonomie et proposer de réels enseignements

pluridisciplinaires. Le modèle des nouvelles universités ayant été posé, le gouvernement a dû

procéder à l’éclatement de l’Université de Paris en vue de répondre à la massification étudiante.

81

Chapitre 2 - Le démembrement de la Faculté de droit de

Paris

La loi Faure de 1968 est généralement considérée comme étant l’origine immédiate de

l’éclatement de l’Université de Paris et par conséquent celle de la Faculté de Droit de Paris. Le

décret Guichard de 1970 va être l’origine de l’organisation des universités comme on les connait

aujourd’hui (I). Ce décret va avoir un impact sans précédent sur la faculté de droit allant même

jusqu’à crée un problème de répartition des biens et des locaux de l’ancienne Université de

Paris (II)

I – Des cinq facultés aux treize universités

Le décret Guichard161 va réaliser la reconfiguration institutionnelle de l’ancienne Université de

Paris. De ce décret va découler la mise en place des U.E.R (A) au sein des treize universités

autonomes nouvellement créés en Ile de France (B)

.

A – La mise en place des UER

Les UER ont été mises en place par la loi du 12 novembre 1968. Avant les UER, on trouvait

dans les grandes facultés des départements. C’est au niveau du département que tout se jouait :

regroupement des enseignants et étudiants pour discuter des réformes, naissance de la volonté

des juristes et des économistes de prendre chacun leur indépendance, mais c’était également à

ce même niveau qu’était organisée la mise en place des enseignements et les contrôles des

connaissances.

Selon Jacques de Chalendar, on trouve dans la toute première rédaction du projet de la loi

d’orientation de l’enseignement supérieur de 1968 la définition suivante des départements :

161. Olivier Guichard (1920-2004), est considéré comme l’un des « barons du gaullisme » il fait des études de

droit, lettres et sciences politiques, et s'engage dans les campagnes de France et d'Alsace en 1944. Chargé de

mission du RPF de 1947 à 1951. Il est directeur-adjoint du cabinet de Gaulle en juin 1958, conseiller technique à

l'Elysée en janvier 1959 puis chargé de mission auprès de Georges Pompidou de 1962 à 1967. Elu député de la

Loire-Atlantique en mars 1967, il est successivement ministre de l’Industrie 1967 à 1968, du Plan et de

l'Aménagement du territoire de 1968 à 1969 de l'Éducation Nationale de 1969 à 1972.

82

« les établissements universitaires sont des départements et des universités… le département

est constitué autour d’une discipline dominante, homogène et de ses disciplines connexes162 ».

Le terme « département » ne semble pas être le plus approprié, en effet la volonté du ministre

est de mettre en place un tout homogène au sein de l’université, en créant une certaine mixité

des enseignements avec au centre une base, qui serait ici la discipline dominante et autour des

disciplines connexes.

Cependant le terme département au sein des universités françaises mais aussi au sein des

universités étrangères désigne une discipline unique, par exemple le département de droit ou le

département d’histoire d’une université. Lorsqu’on voulait aborder le terme de la recherche on

parlait généralement d’institut163. Un des autres problèmes était que toute les universités

n’étaient pas divisées en département, pour l’Université de Paris du fait de sa taille cela était

plus facile mais comment faire avec des plus petites facultés ? Afin de définir les prochaines

composantes des nouvelles universités qui allaient être crée il fallait trouver un terme plus

adéquat, plus général et applicable pour toute sorte d’universités.

Le terme alors d’unités d’enseignement de recherche et d’enseignement est proposé par le

ministre de l’éducation, mais certain sont contre, comme le député Xavier Deniau (1923-

2001)164 qui demande un amendement de terminologie, l’amendement propose de remplacer

les mots « unités d’enseignement » par « départements ».

Xavier Deniau énonce devant l’Assemblée Nationale lors de la deuxième séance du 8 octobre

1968165 que : « L'expression unités d'enseignement et de recherche me parait vague et j'estime

162 . Jacques Chalendar, Une loi pour l’université, Paris : Desclée de Brouwer, 1970.

163. La cinquième recommandation du second Colloque de Caen était : « l’Articulation dès maintenant des

facultés actuellement existantes en départements d’enseignement et instituts de recherche dotés de présidents élus

pour un temps limité. La pleine responsabilité de l’enseignement de chaque discipline devrait incomber au

département correspondant et ne plus être le privilège d’une ou plusieurs chaires » pour voir les autres

recommandations : « Les quinze points de Caen », in l'Université face à sa réforme - Revue de l'enseignement

supérieur, N°4 1966 - pp.141-145.

164. Député du Loiret élu dans la 4e circonscription de décembre 1962 à août 1972 et d’avril 1973 à juin 2002.

165. Assemblée Nationale, 2e séance du 8 octobre 1968, p. 3112.

83

préférable de la remplacer par une formule plus précise », en revanche la commission estime

que c'est une interprétation restrictive et préfère le maintien du terme utilisé.

Edgar Faure va alors préciser son choix de terminologie : « Faut-il préférer le mot

“ département ” au mot “ unités ” ? Volontairement, nous avons écarté le mot “ département ”

après l'avoir d'abord envisagé et nous avons finalement retenu le terme “ unité ”. Pourquoi ?

Justement — cela parait un peu paradoxal — pour qu'on ne l'emploie pas. Nous ne voulons

pas, en effet, préjuger de la forme que prendront ces organismes (…) L'unité, cela peut-être un

département, une faculté (…) “ Pourquoi étudie-t-on une partie de l'histoire à la faculté des

lettres, une autre à la faculté de droit, une autre encore dans tel ou tel institut, alors qu'il s'agit

toujours de la même matière ? Nous allons donc créer un département d'histoire”.

Actuellement, il n'existe pas de faculté d'histoire. Le département d'histoire qui aura été ainsi

créé constituera encore une unité. Le terme d'unité est souple et général. Je ne voudrais même

pas que quelqu'un dise “ Nous faisons une unité de ceci ou de cela ”. Je préférerais qu'il me

spécifie exactement ce qu'il compte créer. Ce flou est volontaire. Il correspond à l'idée que cette

loi doit être un appel qui attend une réponse, et une réponse précise166 ».

Après avoir débattu sur la terminologie, l’étape suivante était l’établissement des premières

listes d’UER. Il ne s’agit pas d’une liste définitive mais d’une liste provisoire. Le ministre de

l’Education Nationale, devait respecter un délai qui avait été prévu par la loi du 12 novembre

1968167, pour établir une liste d’UER destinée à constituer les différentes universités. A la date

prévue on compte environ 600 UER créées.

L’université de Paris I sera composée à sa création de 8 UER incluses dans leur totalité : des

UER de gestion des entreprises, d’analyse et politiques économique et économétrie, de travail,

de l’institut d’administration des entreprises, de l’institut d’études du développement

économique et social, de l’institut des sciences sociales du travail, du tiers monde et de l’institut

de démographie.

166. Ibid.

167. En vertu de l’article 39 de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur : « Avant le 31 décembre 1968, le

ministre de l'éducation nationale établira, après consultation des diverses catégories d'intéressés, une liste

provisoire des unités d'enseignement et de recherche destinées à constituer les différentes universités ».

84

Elle comptera 7 UER incluses de manière partielle, les UER de droit des affaires,

d’administration publique, de sciences politique, de relation internationale, de géographie,

d’histoire, de philosophique et esthétiques. L’université Paris I se veut dès sa création

pluridisciplinaire, en effet elle est composée d’UER juridique, économique et de sciences

sociales168. On peut le voir comme une forte volonté de se rattacher à l’ancienne Sorbonne tout

en gardant l’héritage de l’ancienne Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Paris. Il

est également prévu la création de trois départements, celui des sciences sociales, de langues

vivantes pratique et d’histoire de l’art. On réfléchit à l’idée de mettre en place une convention

de coopération avec l’IEP de Paris.

L’université Paris II va également se montrer pluridisciplinaire mais de manière plus nuancée

que Paris I, ou simplement orienter son université vers une forte dominance juridique. Ces 4

UER incluses en totalité sont les études judiciaires et contentieux, les sciences et sociologie

criminelles, l’histoire et sociologie des institutions de l’économie, l’institut français de presse.

Pour ses UER incluses en partie, il y a 4 : le droit des affaires, l’administration publique, les

sciences politiques, les relations internationales169. Il va y avoir la création d’un institut

universitaire de technologie qui se trouvera au boulevard de Grenelle avec plusieurs

départements : celui des sciences économiques, de droit du travail, de psychologie sociale et

psychologie juridique, de langue vivante et d’institutions et civilisation étrangères et un

département d’informatique appliqué à la gestion, à la documentation et à la prévision. Tout

comme l’université Paris I une convention entre Paris II et l’IEP de Paris est envisagée. On

constate ici que Paris II se voit uniquement héritière de la faculté de droit, en laissant un peu de

côté les sciences humaines, et en n’intégrant aucune UER scientifique.

Les universités revendiquant toutes leur part d’héritage par exemple Paris I et Paris II se veulent

être les héritières de la Faculté de droit, Paris III celle de la Faculté des Lettres avec Paris IV,

Paris V de Médecine ou encore Paris VI des Sciences, il va se poser la question de régler le sort

du partage de l’ancienne Université de Paris.

168. JORF, 22 mars 1970 p. 2755.

169. Ibid, p. 2755-2756.

85

B – La création de treize universités

L’université de Paris contenait un nombre trop important d’étudiants, pour Edgar Faure il était

nécessaire de créer des universités à taille humaine c’est-à-dire entre 10 000 et 15 000 étudiants

maximum, mais l’université de Paris c’est 139 175 étudiants inscrit en 1967170. Soit 10 fois plus

d’étudiants qu’une université « raisonnable ».

Les grandes universités de province ont été divisées en deux comme à Marseille, ou en trois à

Bordeaux mais à Paris étant donné son statut spécial la division s’est faite en treize universités

changeant entièrement l’Université de Paris.

En juin 1964, la revue Esprit publie un numéro spécial intitulé « Pour la réforme de

l’enseignement supérieur ». A la question que pensez-vous de l’Université de Paris, Laurent

Schwartz, et signataire de l’appel du 11 mai 1968 contre les violences policières, énonce que :

« La concentration actuelle à Paris est un phénomène monstrueux (…) en tout état de cause, il

doit exister une ou plusieurs grandes universités parisiennes. Presque inévitablement, plusieurs

universités distinctes ».

De plus le premier alinéa de l’article 6 de la loi d’orientation de l’enseignement supérieur de

1968 disposait que : « une ou plusieurs universités peuvent être créées dans le ressort de chaque

académie ».

Le décret Guichard, met en action l’article 6 en procédant à l’organisation des treize universités

autonomes, ce sont « des établissements publics à caractère scientifique et culturel ». On

reprend dans le décret la définition des universités donnée par le troisième article de la loi du

12 novembre 1968171.

170. Statistique des étudiants issues de l’annuaire de l’Université de Paris de 1967-1968.

171. Le troisième article de la loi du 12 novembre 1968, dispose que « Les universités sont des établissements

publics à caractère scientifique et culturel, jouissant de la personnalité morale et de l'autonomie financière ». La

loi Savary du 26 janvier 1984 a ensuite changé leur appellation en « établissements publics à caractère scientifique,

culturel et professionnel » (EPSCP).

86

On peut avancer que ce décret est équivalent aux grandes césures historiques que représentent

la suppression des universités par la Convention du 1793 au nom de l’abolition des privilèges

ou encore la loi du 10 juillet 1896 qui recrée des universités en France.

Désormais les universités nouvellement composées sont toutes désignées de la même manière

seul le numéro change. On a donc la formule « Université de Paris » suivi d’un numéro en

chiffre romain allant de I à XIII, Université de Paris I, Université de Paris II, Université de Paris

III …

Cette transformation va constituer une rupture majeure pour l’enseignement supérieur dans

l’Académie de Paris. La carte universitaire de la région parisienne est redéfinie. Avec la création

des universités on libère Paris de ses innombrables étudiants172, en effet on ne veut plus qu’une

telle contestation puisse revoir le jour dans les universités, voire dans les établissements en

général. L’idée est née qu’en créant plusieurs établissements, cela pouvait participer à la

réduction des problèmes des capacités de l’université, et à y favoriser la pluridisciplinarité avec

le regroupement des UER. Désormais on a des établissements dans toute l’Ile de France. Les

universités de Paris I à Paris IX sont à Paris, et les autres universités de Paris X à Paris XII

s’installent en banlieue parisiennes.

La recomposition des universités qui a plus des allures de démantèlement n’a pas suivi un enjeu

uniquement territoriale. Le premier objectif de cette reconfiguration des universités semble être

de sortir du cloisonnement des facultés. En 1968 il y avait déjà un projet en place qui était de

créer des centres dits « expérimentaux » dans des domaines nouveaux et variés par exemple

dans le domaine de la gestion avec le centre Dauphine qui est devenu ensuite l’université Paris

IX ou encore les lettres et sciences humaines avec le centre Vincennes devenu l’université Paris

VIII173. Ces centres ont également été mis en place pour permettre une importante absorption

des flux caractérisés par l’entrée des nouveaux bacheliers de l’année 1968.

172. On avait pourtant créé des transferts de certaines facultés en banlieue, comme à Nanterre ou Orsay mais en

vain. Les étudiants continuaient à être de plus en plus nombreux.

173. Le Centre universitaire de Vincennes crée fin 1968 était initialement installé au Bois de Vincennes dans le

12e arrondissement de Paris. En 1980, le centre universitaire devenu l’Université Paris VIII dix ans auparavant,

déménage dans la ville de Saint Denis en banlieue parisienne – Cf. Reportage de Virginie Linhart, Vincennes,

l'Université Perdue, diffusé le 1 juin 2016, Arte.

87

Le démantèlement a donc poursuivi deux objectifs, le premier étant celui de créer une université

qui regroupe plusieurs facultés (lettres, droit, sciences …) et le second objectif était de réduire

la taille des facultés parisiennes pour disperser la contestation universitaire et éloigner le spectre

de la « chienlit174 ». Les universités franciliennes ayant été créé, il faut en assurer la répartition

au sein des anciennes facultés.

II – Entre la division et le partage de l’ancienne Université de Paris

La création des treize universités franciliennes ayant été mise en place, deux problèmes auquel

il a été nécessaire de trouver une solution de manière assez rapide afin de pouvoir assurer la

prochaine rentrée universitaire se sont posés. Le premier problème est qu’en procédant au

démantèlement des facultés, il a fallu par la même occasion gérer la répartition des biens

matériels et fonciers des ancienne facultés (A) et le second problème concerne le partage des

locaux administratifs et universitaires (B).

A – Le partage des biens de l’ancienne Université de Paris

Mai 68 a vraiment été une rupture majeure pour l’Université, cependant trois ans après les

évènements, le sort de la gestion des nouvelles universités crées n’est toujours pas fixé. Il va

naitre une idée, celle de créer un établissement distinct des universités en vue de préserver le

devenir des biens de La Sorbonne175 (1) cela va donner naissance à la création de la chancellerie

des universités. (2)

174. Le chienlit, un mot à l’origine masculin et orthographié chie-en-lit est initialement un personnage du Carnaval

de Paris. Le terme entre dans l'histoire de la politique lors de son utilisation par le général de Gaulle en août

1944 lorsque, s'adressant Georges Pompidou, pendant la descente de l'Avenue des Champs-Élysées, de Gaulle lui

dit « alors Bidault c'est la chienlit » puis le 19 mai 1968 auquel a été attribué cette phrase : « La réforme, oui ; la

chienlit, non », qu'il aurait prononcée, d'après le Premier ministre Georges Pompidou, répondant aux journalistes

à la sortie d'un Conseil des ministres. Le chienlit désigne désormais le désordre, l’anarchie sociale ou politique.

Cf. Vidéo de l’INA, Georges Pompidou, 19 mai 1968.

175. Le terme « La Sorbonne » est ici utilisé par métonymie pour désigner l’ancienne Université de Paris.

88

1 - La volonté d’un établissement distinct

Il semble que le gouvernement ait oublié de penser, au moment de l’adoption de la loi du 12

novembre 1968, à la question du sort du patrimoine de l’ancienne Université de Paris. Que va

devenir La Sorbonne nationale ? Internationalement reconnu pour son patrimoine intellectuel,

La Sorbonne possède également nombre important de meubles, d’objets précieux, de biens

immobiliers en France comme à l’étranger, issue souvent de des dons et des legs. On peut citer

par exemple La Villa Finaly176 à Florence, en Italie ou encore la Cité Internationale

Universitaire de Paris crée en 1925.

André Monteil (1915-1998), sénateur du Finistère, énoncera même lors d’un débat

parlementaire de 1971 que : « L'Université de Paris est un des propriétaires, notamment dans

le domaine foncier, les plus riches de France177 ». L’Université de Paris ayant disparu, il faut

rapidement trouver une solution quant au sort de la personne morale de l’ancienne Université.

Un personnage va avoir un rôle très important quant à la mise en place de la répartition des

biens de l’Université de Paris, il s’agit de Pierre Bartoli (1913-2008)178.

Ce dernier, va envoyer une note à Michel Jobert (1921-2002), secrétaire général de la

présidence de la République179, à l’attention du Président de la République George Pompidou,

intitulée « Mort de l’Université de Paris ». Pierre Bartoli y demande la création d’un

établissement public distinct des universités et qui aurait pour rôle de gérer l’organisation de

l’ancienne Université de Paris, il énonce ensuite que l’une des conséquences de la loi

176. La Villa a été léguée à l’Université de Paris par la famille Landau-Finaly en 1953, Cf. Le site de la

Chancellerie des Universités de Paris.

177. Sénat, séance du 28 juin 1971, p. 1421.

178. Né à Paris, il effectue sa licence de droit à la faculté de droit et des sciences économique de Paris et obtient à

l’âge de vingt ans le diplôme de l'École des sciences politiques de Paris (section Finances publiques), reçu premier

au concours de rédacteur du ministère de l'Éducation nationale, il entre à la Direction de l'enseignement supérieur.

En 1951, le recteur Jean Sarrailh cherche un jeune collaborateur, René Capitant lui recommande Pierre Bartoli. Il

va ensuite être détaché dans les fonctions de secrétaire général de l'académie ainsi qu’à l'université de Paris le 1er

octobre 1951. Il y restera jusqu' en 1976, année de son départ à la retraite.

179. On emploi couramment le terme de « secrétaire général de l'Élysée ».

89

d’orientation de l’enseignement serait : « la disparition de l’héritage intellectuel, moral et

matériel de l’Université, cette disposition étant particulièrement dramatique pour la Sorbonne,

de beaucoup la plus importante, la plus célèbre, la plus riche en bien matériels et en souvenirs

précieux (…)

Il semble qu’il n’y ait qu’un remède à cette solution : la création, sous une forme juridique à

déterminer, d’un établissement public distinct des nouvelles universités qui hériterait de tout

ce qui, dans le patrimoine de la vielle Sorbonne, est à la fois indivisible et imprescriptible ».

N’ayant pas de réponse, Pierre Bartoli va se tourner en la personne de Jean Berthoin (1895-

1979) ancien ministre de l’éducation nationale, et sénateur de l’Isère. Ils vont tous deux

travailler ensemble afin de proposer un amendement. Pierre Bartoli va se charger de la rédaction

de l’amendement et Jean Berthoin va avoir pour mission de la faire voter au Parlement180.

2 – La création de la Chancellerie des universités

L’amendement proposé par Pierre Bartoli porte sur l’article 11 du projet de loi aménageant

certaines dispositions de la loi du 12 novembre 1968 d'orientation de l'enseignement supérieur.

L’idée initiale de mettre en place un établissement public de Bartoli resurgit, mais cette fois ci

il va donner plus de détails quant au statut de l’éventuel établissement, il devra être placé sous

l’autorité du recteur et fixé par décret.

Jean Berthoin procède au dépôt de l’amendement sur l'article 11 du projet de loi. Cet

amendement a ensuite été repris par la commission des affaires culturelles181. Le ministre de

l’Éducation Nationale, Olivier Guichard va s’opposer au vote de l’amendement, en vain, car il

aura finalement été adopté182.

180. « De l'Université de Paris à la chancellerie des universités de Paris - Le rôle de Pierre Bartoli (1951-1978) »,

Marie Claude Delmas, in De l'Université de Paris aux universités d'Ile-de-France (Dir.) Florence Bourillon,

Eléonore Marantz, Stéphanie Méchine et Loïc Vadelorge, Presses Universitaires de Rennes, 2016.

181. Amendement n°30 de la commission des affaires culturelles.

182. Pour voir le débat autour de l'amendement en détail, il figure au compte rendu des débats du 28 juin 1971,

pp. 1420-1421. Ce document a été numérisé et est consultable sur le site du Sénat, dans la rubrique comptes rendus

(antérieur à 1996).

90

Le texte de l'amendement va compléter, l'article 42 de la loi du 12 novembre 1968 par un nouvel

alinéa qui dispose que : « Toutefois, les biens et les charges des anciens établissements

provenant de libéralités et qui, par leur nature ou par la volonté des auteurs de libéralités, ne

sont pas susceptibles de division seront, dans le cas où le transfert prévu à l'alinéa précédent

aboutirait à un partage de propriété, administrés par un établissement public placé sous

l'autorité du recteur ; les attributions et les règles de fonctionnement de cet établissement public

seront fixées par décret ». La proposition d’amendement qui avait été rédigée par Pierre Bartoli

est ici reprise dans son intégralité, au mot près183.

Six mois après le vote de l’amendement, le décret n°71-1105 du 30 décembre 1971 relatif aux

chancelleries est publié. La mission des chancelleries est définie au second article du décret

n°71-1105 du 30 décembre 1971. La Chancellerie de Paris aura donc pour mission de gérer les

biens en indivision des treize universités franciliennes. La chancellerie de Paris tout comme les

autres chancelleries est administrée par un conseil d’administration et dirigée par un recteur.

Il faut bien faire attention à ne pas confondre et surtout bien distinguer le rôle du recteur, ici

dans le cadre de la Chancellerie, il agit en en tant que chancelier. Il est uniquement chargé d’une

part d’assurer le partage des biens qui sont cessibles entre les treize nouvelles universités et

d’autre part d’assurer la gestion et la conservation des biens qui sont inaliénables. Il en est

chargé en tant que responsable de la personne morale de la chancellerie.

Pour la question du partage des locaux de l’Université de Paris, le recteur reprend un autre rôle,

il assure le partage des locaux universitaires et administratifs en sa qualité de délégué du

ministre de l’éducation nationale. C’est justement le partage des locaux de l’ancienne

Université de Paris et de manière plus approfondie de la Faculté de Droit de Paris que nous

allons étudier.

B – Le partage des locaux de la Faculté de Droit de Paris

Nous allons voir dans cette dernière partie, comment l’ancienne Faculté de Droit de Paris a-t-

elle été divisée, entre les deux universités héritières (1), et comment a été opéré le partage du

Centre historique, Le Panthéon (2).

183. Marie Claude Delmas, Op. Cit., p.139.

91

1– Les héritières de la Faculté de droit de Paris

On ne peut absolument pas le contester, Paris I et Paris II sont indéniablement les universités

héritières directes de l’ancienne Faculté de Droit et des Sciences Economique de Paris. On peut

le vérifier en regardant les UER des deux universités, en effet, parmi les treize universités

franciliennes, ces sont les seules à avoir le plus grand nombre d’UER dans le domaine juridique

et économique.

L’université Paris I se proclame être une université pluridisciplinaire, cela est visible dès les

premières lignes des statuts de l’université de 1970 et en caractère gras : « L’université de

PARIS I pluridisciplinaire184». Les statuts énoncent également qu’il s’agit d’une université plus

orientée dans l’ensemble des sciences sociales. En raison de de sa pluridisciplinarité, Paris I est

donc en plus du Panthéon prétendante à autre bâtiment universitaires parisien, la Sorbonne. Elle

choisira le nom Panthéon-Sorbonne afin de confirmer ses deux héritages, celui de la Faculté de

Droit et des Sciences Economique de Paris d’une part et de l’autre la Faculté des Lettres et

Sciences Humaines de Paris d’autre part. Le nom Panthéon-Sorbonne rassemblant la

dénomination des anciens bâtiments des deux anciennes facultés.

En revanche l’université Paris II se positionne à l’inverse d’emblée comme l’université de

« droit, économie et sciences sociales de Paris », toutes ses UER sont juridiques et

économiques à l’exception de son institut de presse et son institut universitaire de technologie.

Paris II semble s’accrocher à la Faculté de Droit de et des Sciences Economique de Paris, il n’y

a au sein de cette université aucune UER de lettres, ou de sciences qui est proposée afin de

diversifier son domaine d’enseignement.

Une question est en suspens, à quelle université va revenir le centre Panthéon, et son antenne à

la rue d’Assas ? Les négociations ont donc débuté dès 1970 avec les deux présidents

d’universités François Luchaire (Paris I) et George Vedel (Paris II) avec au centre le recteur,

chargé de la gestion de la répartition des locaux.

Aucune des deux universités n’a souhaité renier son appartenance à l’ancienne Faculté de Droit

de Paris, cela revenait à laisser son siège à « l’adversaire », il a donc été conclu, en raison de

184. Annexe 15.

92

leur nouvelle configuration et cela de manière tout à fait légitime voir logique qu’il y ait deux

sièges au fameux « 12 place du Panthéon », c’est à ce moment-là que débute le partage des

locaux185.

2 – Le partage du Panthéon

Le partage du panthéon a été une affaire délicate186, il ne s’agit pas que d’un simple bâtiment

universitaire, il s’agit de la maison mère des juristes parisiens, une construction chargée

d’histoire et qui a été érigée presque deux siècles avant la création des universités et

spécialement pour l’enseignement du droit. Néanmoins le partage ne s’est pas fait dans la

violence, les deux présidents ont chacun fait des concessions afin que ce partage puisse se faire

dans les meilleures conditions.

Cet effort va être féliciter par le ministre de l’éducation nationale dans une lettre : « Vous avez

bien voulu me faire connaitre les solutions que vous aviez arrêtées en commun en vue d’utiliser,

dans les meilleures conditions, les locaux mis à votre disposition pour l’année universitaire

1970-1971. Je ne puis que me féliciter de ce climat de collaboration qui laisse bien augurer de

l’avenir de vos universités187 ».

Le partage des locaux s’est déroulé par l’intermédiaire de lettres interposées entre les présidents

des universités et le recteur d’Académie de Paris mais aussi par le biais de réunion au sein du

cabinet du recteur avec parfois les représentants des universités.

La répartition des locaux s’est fait de manière très précise, au mètre carré près, avec des

pondérations, des calculs des effectif afin de repartir l’ensemble de l’ancienne faculté de droit

et des sciences économiques de Paris de manière juste et équitable. On pourrait penser que le

185. L’Université Paris I va installer sa Présidence aux coté de Paris II au Centre Panthéon et sa Vice-Présidence

à la Sorbonne aux côtés des universités Paris III et Paris IV. (Annexe 15).

186. C’est d’ailleurs toujours le cas, plus de quarante ans après la création de ces deux universités, la question du

partage des locaux n’est toujours pas définitivement arrêtée.

187. Lettre SP 1860, du 5 octobre 1970 destiné aux présidents des assemblées constitutives des Universités de

Paris I et Paris II en réponse à leur lettre conjointement adressé du 25 septembre 1970.

93

partage allait être simple, diviser le Panthéon en deux et faire moitié moitié. En revanche en

procédant à une telle division on omettait un détail, Paris I avait plus d’étudiants que Paris II.

L’université Paris I demandait à ce que le partage du Panthéon soit pondérée par rapport

l’effectif des étudiants et proposait un partage 60/40. L’université de Paris II proteste et

demande une répartition égalitaire, pour Paris II « La division par moitié doit demeurer la

règle ».

Le ministre énonce dans une lettre au recteur que les propositions faites aux présidents ne sont

pas définitive et qu’il « souhaite que chaque université puisse disposer des locaux dont elle

aurait la responsabilité propre », des modifications seront alors possible au fur et à mesure que

les nouvelles surfaces soient en service188.

De nombreux courriers ont été échangés entre le recteur et les présidents afin de trouver une

entente. Le nombre d’étudiant ne cessant d’augmenter, il a été décidé d’utiliser un nouveau

centre, celui Clignancourt et d’en crée un nouveau, le centre Tolbiac afin de gérer la masse des

étudiants et du personnel administratif, de Paris I.

Cependant Paris I refuse le centre Clignancourt au motif que le centre « est peu utilisable à des

fins administratifs ». L’université préfère attendre la construction de Tolbiac. Paris II conscient

du problème des effectifs de Paris I, propose d’accueillir provisoirement l’université au sein du

centre Assas à condition que le partage du Panthéon soit égalitaire.

Paris II va obtenir l’angle Soufflot189, et sa présidence se trouvera dans les anciens cabinets

décanaux, tandis que Paris I, obtiendra La partie de l’aile Cujas (les nouveaux locaux) et sa

présidence au 4e étage.

Dans un but de simplification et d’unité de gestion, une convention entre les présidents François

Luchaire et Jean Boulouis190 a été signée le 10 octobre 1971.

188. Lettre SP 1859, du 5 octobre 1970.

189. Il s’agit de la partie la plus prestigieuse du Centre Panthéon.

190. Jean Boulouis (1927-1997) professeur de droit public et expert en droit communautaire, est élu à la présidence

de Paris II en 1971.

94

Des règles vont être fixées quant à la gestion des locaux du Panthéon191. Les salles gérées à

100% sont gérées directement par les universités intéressées par exemple, les salles de droit

privé d’Afrique et d’outre-mer, de science sociale du travail, d’économie politique, le centre

d’étude du tourisme revenait à Paris I, et les salles de droit international privé, droit pénal, les

instituts de droit romain, de criminologie, de droit comparé revenait à Paris II. Une liste était

dressée avec le numéro de la salle, le nom de la salle, et le pourcentage de gestion.

Pour les centres et les salles gérés à part égale par chacune des deux universités, il fallait voir à

quelle université appartenait le directeur de la salle. Pour les autres salles, elles revenaient à

l’université ayant la plus importante participation192.

Cependant, pour la salle Goullencourt et de droit public, la participation des universités était

égale. La gestion se faisait donc par alternance bi annuelle. La salle de Goullencourt revenait à

Paris II pour l’année 1972-1973 et la salle de droit public à Paris I pour la même année.

Il s’agit donc plus d’un partage qu’une division de locaux, le problème est sans cesse renouvelé

chaque année. Pour la question de l’ancienne bibliothèque de la Faculté de droit et des sciences

économiques de Paris, Cujas qui a été ouverte en 1829, à la suite des évènements de mai, été

intégrée parmi les bibliothèques interuniversitaires avant de revenir à Paris I et Paris II.

La loi Faure aura eu pour conséquence de moderniser les universités, de les rendre plus libres,

plus accessibles, plus humaines. Elle a opéré de nombreux changement même s’ils n’ont été

que minimes au début. La loi Faure est à voir comme un élan, une première pierre que l’on

pose.

191. Annexe 16.

192. Il s’agit d’une participation financière.

95

Conclusion

Les évènements de mai 1968, comme nous l’avons vu ont profondément bouleversé l’ensemble

des facultés de France, sans épargner la très grande Faculté de droit de Paris. En effet, la Faculté

de droit de Paris a changé dans sa structure, et a été décimée dans plusieurs bâtiments tout en

gardant son siège sur la Montagne Sainte-Geneviève, au cœur du Quartier Latin. Enseignants

et enseignés ont également été les premiers touchés par ce changement. Ces derniers ont vu

leurs rôles se modifier mais surtout évoluer au sein de l’Université.

Liberté, démocratie, pluridisciplinarité, autonomie, modernité et deux universités Paris I

Panthéon-Sorbonne et Paris II Panthéon-Assas, voici l’héritage que Mai 68 a légué à l’ancienne

Faculté de droit de Paris.

Ce changement n’aurait sans doute pas été possible sans l’intervention de la loi d'orientation de

l'enseignement supérieur du 12 novembre 1968 qui peut être considérée comme la loi la plus

marquante et importante du XXe siècle concernant les universités. Cette loi a eu un impact sans

précédent et pourtant il ne s’agit que d’une demi réussite car ses effets n’ont pas été

immédiatement visibles, et ont été très limités au sein des universités.

Néanmoins, la loi d’orientation a réussi l’un de ses principaux objectifs, celui d’assurer la

rentrée universitaire de l’année 1968-1969. Il faudra cependant attendre une quinzaine d’années

pour que les dispositions mises en place par la loi Faure soit renforcées et complétées par la loi

Savary193.

Par exemple, les UER vont devenir des UFR, les universités qui sous la loi Faure étaient « des

établissements publics à caractère scientifique et culturel, jouissant de la personnalité morale

et de l'autonomie financière » deviennent sous la loi Savary des « établissements publics à

caractère scientifique, culturel et professionnel (…) jouissant de la personnalité morale et de

l'autonomie pédagogique et scientifique, administrative et financière ».

193. Loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur.

96

L’autonomie universitaire discutée dès la fin du XIXe siècle avait sous l’impulsion de la loi

Faure pris une autre dimension, tout en étant assez limitée, la loi Savary avait aussi voulu

compléter ce dispositif, mais c’est la Loi n°2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et

responsabilités des universités, dite loi LRU qui va mettre au sein des universités une réelle

autonomie. Désormais la loi Faure est perçue comme celle ayant posée les premières bases de

l’université moderne.

Plusieurs problèmes étaient au cœur des facultés, le débat autour de la sélection, la massification

étudiante, le manque de place dans les amphithéâtres, quarante-huit années plus tard, ces mêmes

problèmes sont toujours d’actualité.

Pour la sélection qui avait été refusée par Edgar Faure mais soutenue par Charles de Gaulle,

désormais la sélection se fait à l’entrée de l’université pour certains diplômes, par exemple pour

les universités Paris I et Paris II, certaines de leurs formations juridiques proposées, et ce dès la

première année de licence sont soumises à l’étude de dossier des candidats au préalable, il y a

également une sélection « rude » et nationale au niveau des masters 2, surtout auprès de ces

deux universités en raison de leur grande renommée, et plus spécialement pour leurs masters

juridiques qui font partis des formations les plus convoitées.

Les amphithéâtres de l’ancienne Faculté de droit de Paris, se trouvent ne plus être adaptés au

regard du nombre d’étudiants qui ne cesse d’accroitre chaque année. L’université Paris I

Panthéon-Sorbonne représente 42 000 étudiants, 1430 enseignants et enseignants-chercheurs et

1150 membres du personnel administratif répartis dans 25 centres194, tandis qu’à l’Université

Paris II Panthéon-Assas, on compte 19 086 étudiants195, 2 048 enseignants et 364 personnels

administratifs répartis sur 19 sites196. Nous sommes bien loin des universités à « taille

humaine » que le ministre Faure souhaitait instaurer.

Mai 68 a accentué cette volonté, qui était déjà présente, de diviser les établissements afin de

limiter la trop grande concentration étudiante au sein d’un même établissement ou dans une aire

194. Panthéon Sorbonne en chiffre, avril 2015.

195. Dont 14 847 étudiants inscrit dans une formation juridique.

196. Université Paris II Panthéon Assas, les chiffres clés (2013-2014).

97

géographique « étudiante », mais on assiste aujourd’hui à un retour en arrière qui a débuté en

2006 avec la création des PRES. Ce sont des groupements d’universités et d’établissements

d’enseignement supérieur qui visaient à renforcer l’efficacité, la visibilité et l’attractivité du

système d’enseignement supérieur et de recherche français à l’étranger. Ils ont été remplacés

par les COMUE par une loi du 22 juillet 2013. Les grandes écoles qui historiquement sont les

concurrentes directes des universités, se trouvent désormais regroupées.

Ce qui semble étonnant c’est que l’une des revendications de Mai 68 était d’en finir avec

l’université élitiste, et surtout désacraliser la Sorbonne. Il y avait un rejet total de la Sorbonne.

Dès leurs créations, certaines universités franciliennes voulaient prendre leur indépendance à

l’exception des universités Paris I, Paris III et Paris IV qui avaient ajouté la marque Sorbonne

à leur nom.

On peut aujourd’hui observer que sur les quatre COMUE de l’Académie de Paris, il y en a trois

qui portent le nom « Sorbonne » : Sorbonne Paris Cité, HeSam Université (Hautes études

Sorbonne arts et métiers) dont fait partie l’Université Paris I, et Sorbonne Universités dont fait

partie l’Université Paris II.

La Sorbonne étant mondialement connu, le fait d’être rattaché à cette dernière permet aux

établissements d’être beaucoup plus visibles à l'international, ce rattachement va par la même

occasion permettre d’atteindre les meilleures places dans les classements des établissements

supérieurs français mais aussi dans les classements internationaux.

L’Université Paris II qui avait « claqué la porte » du PRES et refusé d’entrer dans une COMUE

a fait marche arrière et a rejoint la COMUE Sorbonne Universités197. En 2014 il y avait même

une discussion qui avait amené les deux universités Paris I et Paris II à un éventuel

rapprochement. Le président de l’Université Paris II, Guillaume Leyte avait énoncé en 2014

que le rapprochement entre les deux universités aurait « permis de faire émerger une très

grande université juridique, la première de France, avec une forte visibilité à

l’international198 ».

197. Educpros, interview du 19 septembre 2013.

198. Educpros, interview du 18 novembre 2014.

98

Cependant le rapprochement n’a pas abouti, mais le 24 mai 2016, un nouvel accord de

partenariat a été signé entre l’Université nationale du Vietnam à Ho Chi Minh Ville, et les deux

universités rivales mais appartenant pourtant à la même maison Paris II et Paris I en vue de la

création de deux formations d'excellence dans le droit privé français.

Jean Claude Colliard, avait énoncé que pendant longtemps le terme droit et Sorbonne était

presque incompatible, il avait énoncé que « le Droit n’était pas la Sorbonne et la Sorbonne

n’était pas le Droit199 ». Ces paroles sont donc aujourd’hui à nuancer, désormais avec Paris I et

Paris II se trouvent au sein de deux COMUE « Sorbonne », plus que jamais le droit est

définitivement présent à la Sorbonne.

On peut retenir que Mai 68 a eu pour conséquence la disparition de la Faculté de Droit de Paris,

mais il n’est pas impossible qu’un jour la faculté de droit puisse renaitre de ces cendres,

d’ailleurs sa plaque gravée « UNIVERSITE DE PARIS FACULTE DE DROIT » se trouve

toujours à l’entrée principale du Panthéon.

199. Jean Claude Colliard, « Avant-propos », L’école de droit de la Sorbonne dans la Cité (Pascale Gonod, Anne

Rousselet-Pimont, Loïc Cadiet Dir.), Paris : IRJS-Editions, 2012, p. 21.

99

Table des Annexes

Annexe n°1 ............................................................................................................................... 99

Annexe n°2 ............................................................................................................................. 100

Annexe n°3.............................................................................................................................. 101

Annexe n°4 ............................................................................................................................. 102

Annexe n°5 ............................................................................................................................. 103

Annexe n°6 ............................................................................................................................. 104

Annexe n°7.............................................................................................................................. 105

Annexe n°8 ............................................................................................................................. 106

Annexe n°9 ............................................................................................................................. 107

Annexe n°10............................................................................................................................ 108

Annexe n°11............................................................................................................................ 109

Annexe n°12............................................................................................................................ 110

Annexe n°13............................................................................................................................ 111

Annexe n°14............................................................................................................................ 112

Annexe n°15............................................................................................................................ 113

Annexe n°16............................................................................................................................ 114

100

Annexe n° 1

Tableau 1. Effectifs dans les universités françaises par cursus.

Tableau 2. Effectifs dans les universités françaises par groupes disciplinaires.

Source

Site du Ministère de l’Éducation Nationale, les effectifs universitaires en 2015-2016. Mai 2016

101

Annexe n° 2

Source

Site de la Chancellerie des Universités de Paris

102

Annexe n°3

Source

Site du collège de France

Portrait de Jean Roche (1901-1992).

103

Annexe n°4

Source

Cahiers d'économie politique Année 1996, Volume 26 Numéro 1 pp. 610

Portrait d'Alain Barrère (1910-1995).

104

Annexe n° 5

Nombre de professeurs et d'assistants ou maitres-assistants dans les universités françaises

(1950-1971).

Source

Antoine Prost, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, Tome 4, Paris,

Nouvelle librairie française, 1982. p 280.

105

Annexe n° 6

Source

Antoine Prost, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, Tome 4, Paris,

Nouvelle librairie française, 1982. p 265.

Effectif des universités française (1950-1970) en milliers d'étudiants.

106

Annexe n° 7

Barricades devant la Sorbonne.

Source

Site du photographe Marc Riboud

107

Annexe n° 8

Source

Gallica

Affiche - Jean Roche Recteur de la Répression.

108

Annexe n° 9

Nuit du 10-11 mai 1968, le CRS sur le pied de guerre dans le Quartier Latin.

Source

Site du photographe Marc Riboud

109

Annexe n°10

Tract du CLIF

Source

BDIC

110

Annexe n°11

Tract de l’amphi 100

Source

BDIC

111

Annexe n°12

Tract du G.A.E.D.

Source

BDIC

112

Annexe n° 13

Affiches de l'UNEF sur la Participation.

Affiche de 1969-1970 Affiche de 1970

Source

Site esu-psu-unef

113

Annexe n° 14

De gauche à droite : Alain Geismar, Jacques Sauvageot, Daniel Cohn Bendit.

Source

Blog du photographe Jean Pierre Ray

114

Annexe n°15

Statuts de l’Université Paris I

Source

Archives de l’Université Paris I

115

Annexe n°16

Convention entre les universités Paris I et Paris II

Source

Archives de l’Université Paris I

116

Bibliographie

Ouvrages.

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novation à l'Université, Paris : Calmann-Lévy, 1966, 289 p.

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- De Certeau Michel, La prise de parole, pour une nouvelle culture, Paris : Desclée de

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Journaux.

- Le Monde, du 24 décembre 1967.

- Le Monde, du 3 mai 1968.

- Le Monde, du 13 mai 1968.

- Le Monde, du 17 mai 1968.

- Le Monde, du 23 septembre 1968.

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- Le Monde, du 11 mai 2012.

Dictionnaires.

- Dictionnaire de l'histoire de France, Larousse, 2006.

- Dictionnaire historique de la langue française, Dictionnaire Le Robert, 2010.

- Dictionnaire Le Robert, 2011.

Décret.

- Décret du 17 mars 1808, portant sur l’organisation de l’Université.

- Décret impérial du 31 juillet 1809, concernant les costumes des membres de

l'Université.

- Décret du 9 mars 1852, sur l’instruction publique.

- Décret impérial du 22 août 1854, sur l'organisation des académies.

- Décret du 28 décembre 1885, concernant l’organisation des facultés et écoles

d’enseignement supérieur.

- Décret n°54-343 du 27 mars 1954, modifiant le régime des études et des examens en

vue de la licence en droit.

- Décret n°57-969 du 26 août 1957, modifiant la dénomination des facultés de droit des

universités.

- Décret n°61-187 du 18 février 1961, relatif à la nomination de deux assesseurs auprès

des doyens des facultés.

- Décret n° 62-114 du 27 janvier 1962, portant statut particulier des maîtres assistants des

facultés de droit.

- Décret du 29 mars 1963, relatif à l’attribution du titre de maitre de conférences agrégé

aux agrégés des facultés de droit et des sciences économiques.

- Décret n°66-468 du 1er juillet 1966, portant sur la suppression et création d’emplois au

ministère de l’éducation.

121

- Décret du 1er février 1967, portant sur la nomination du recteur d’Académie adjoint au

recteur de l’Académie de Paris.

- Décret n°67-657 du 31 juillet 1967, relatif à la nomination d'un troisième assesseur

auprès du doyen de la faculté de droit et des sciences économiques de l'Université de

Paris.

- Décret n°70-246 du 21 mars 1970, relatif à la mise en place des universités.

- Décret n°71-1105 du 30 décembre 1971, relatif aux chancelleries.

Lois.

- Constitution du 27 octobre 1946

- Constitution du 4 octobre 1958

- Loi du 15 mars 1850, relative à l'enseignement.

- Loi n°55-425 du 16 avril 1955, portant sur la réorganisation des services des œuvres

sociales en faveur des étudiants.

- Loi n°68-978 du 12 novembre 1968, d'orientation de l'enseignement supérieur.

- Loi n° 84-52 du 26 janvier 1984, sur l'enseignement supérieur.

- Loi n°2007-1199 du 10 août 2007, relative aux libertés et responsabilités des

universités.

- Loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013, relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.

Site Internet.

- Site de l’Assemblée Nationale : www.assemblee-nationale.fr

- Site de l’Association Edgar Faure : www.edgarfaure.fr

- Site de la Chancellerie des Université de Paris : www.sorbonne.fr

- Site de l’Europresse : www.europresse.com

- Site de la Fondation de Gaulle : www.charles-de-gaulle.org

- Site de l’INA : www.ina.fr

- Site de Légifrance : www.legifrance.gouv.fr

- Site du Ministère de l’Éducation : www.education.gouv.fr

- Site du Senat : www.senat.fr

- Site de l’Université Paris 1 : www.univ-paris1.fr

- Site de l’Université Paris 2 : www.u-paris2.fr

122

Table des matières

Remerciements ___________________________________________________________ 2

Glossaire des abréviations utilisées __________________________________________ 3

Sommaire _______________________________________________________________ 5

Introduction _____________________________________________________________ 7

PREMIERE PARTIE - LA FACULTE DE DROIT DE PARIS EN MAI 1968 _____ 14

Chapitre 1 - Les acteurs de la Faculté de droit de Paris ________________________ 15

I - Les membres de droit __________________________________________________ 15

A - Le recteur de l’Académie de Paris et son recteur adjoint _______________________ 15

1 – Le recteur de l’Académie ________________________________________________ 15

2 - Le recteur adjoint, recteur d’Académie ____________________________________ 18

B – Le doyen, le chef de la faculté ___________________________________________ 19

1 – Le statut du doyen _____________________________________________________ 19

2 – Le doyen de la Faculté de droit de Paris ____________________________________ 20

II– Les corps de la Faculté ________________________________________________ 22

A– Les corps enseignants __________________________________________________ 22

1 – Les professeurs d’université _____________________________________________ 23

2 – Les autres professeurs de l’université ______________________________________ 23

B – Les étudiants _________________________________________________________ 25

1 – Le statut des étudiants de la Faculté de droit de Paris _________________________ 25

2 - Les associations étudiantes de la faculté de droit de Paris ______________________ 28

Chapitre 2 - La Faculté de droit de Paris face à la contestation étudiante _________ 30

I – Les affrontements de étudiants de la Faculté de droit de Paris ________________ 30

A - Les affrontements aux Quartier Latin ______________________________________ 30

1 - Les journées de mai au Quartier Latin _____________________________________ 30

2 - Le soutien des professeurs de droit ________________________________________ 34

B – Les affrontements au sein de la Faculté de droit de Paris _______________________ 36

II – Les revendications des étudiants de la Faculté de droit de Paris ______________ 37

123

A – Les revendications relatives à la faculté de droit _____________________________ 37

1 – Les commissions générales ______________________________________________ 37

2 – Les commissions « études » ______________________________________________ 38

B – La question de la cogestion ______________________________________________ 39

1 – Les prémices de la cogestion _____________________________________________ 40

2 – une cogestion contestée _________________________________________________ 41

DEUXIEME PARTIE - L’ADOPTION DE LA LOI FAURE ___________________ 43

Chapitre 1 - L’adoption du projet de la loi d’orientation _______________________ 44

I – La nécessité d’une réforme de l’enseignement supérieur_____________________ 44

A – Les réflexions sur l’enseignement supérieur antérieur à 68 _____________________ 44

1 – Charles de Gaulle et l’Université _________________________________________ 45

2 – Les Colloques de Caen _________________________________________________ 47

B – Un nouveau ministre pour une nouvelle loi _________________________________ 48

1 – Edgar Faure : l’homme _________________________________________________ 49

2 – La pensée d’Edgar Faure _______________________________________________ 50

II – L’élaboration du projet de loi __________________________________________ 52

A – La phase de préparation ________________________________________________ 52

1 - La composition de l’équipe rue Grenelle ____________________________________ 53

2 - Le projet de la loi Faure ________________________________________________ 55

B – Le vote de la loi_______________________________________________________ 57

1 – Le débat au parlement : une loi de circonstance ? ____________________________ 57

2 – L’adoption définitive de la loi ____________________________________________ 59

Chapitre 2 -La réception de la loi Faure dans le milieu universitaire _____________ 61

I – Les syndicats universitaires et la participation _____________________________ 61

A– L’UNI et la participation ________________________________________________ 61

B – L’UNEF et la participation ______________________________________________ 63

II – La loi Faure et les syndicats enseignants _________________________________ 65

A – SGEN-CFDT : le Syndicat enseignant favorable à la loi d’orientation ____________ 65

B - Les syndicats enseignants opposés de la loi Faure ____________________________ 67

124

TROISIEME PARTIE - LES CONSEQUENCES DE LA LOI FAURE ___________ 70

Chapitre 1 - La fin de l’Université napoléonienne _____________________________ 71

I – Les principaux piliers de la loi Faure _____________________________________ 71

A - Une université autonome ________________________________________________ 71

B - Une université pluridisciplinaire __________________________________________ 73

C – Une université démocratique ____________________________________________ 75

II – Des nouveaux rôles pour des nouvelles universités _________________________ 77

A - Le nouveau recteur ____________________________________________________ 77

B - Le président de l’université ______________________________________________ 78

C - Le directeur d’UER ____________________________________________________ 79

Chapitre 2 - Le démembrement de la Faculté de droit de Paris __________________ 81

I – Des cinq facultés aux treize universités ___________________________________ 81

A – La mise en place des UER ______________________________________________ 81

B – La création de treize universités __________________________________________ 85

II – Entre la division et le partage de l’ancienne Université de Paris ______________ 87

A – Le partage des biens de l’ancienne Université de Paris ________________________ 87

1 - La volonté d’un établissement distinct ______________________________________ 88

2 – La création de la Chancellerie des universités _______________________________ 89

B – Le partage des locaux de la Faculté de Droit de Paris _________________________ 90

1– Les héritières de la Faculté de droit de Paris ________________________________ 91

2 – Le partage du Panthéon ________________________________________________ 92

Conclusion _____________________________________________________________ 95

Table des Annexes _______________________________________________________ 99

Bibliographie __________________________________________________________ 116

125