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Master 2 : Analyse et Management des Etablissements de santé Option A : Gestion des Systèmes de soin hospitaliers (GSSH) Manager le développement durable, un défi pour l’hôpital public au XXIème siècle Etude de cas : l’AP-HP et la gestion des déchets Marine TONDELIER Docteur Stéphane DAVID Développement Professionnel Continu Médical / Siège AP-HP Directeur de Mémoire Pascal HOOP Chef du département de la politique logistique Secrétariat général / Siège AP-HP Directeur de stage

Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

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Page 1: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

Master 2 : Analyse et Management des Etablissements de santé Option A : Gestion des Systèmes de soin hospitaliers (GSSH)

Manager le développement durable, un défi pour l’hôpital public au

XXIème siècle

Etude de cas : l’AP-HP et la gestion des déchets

Marine TONDELIER

Docteur Stéphane DAVID Développement Professionnel Continu

Médical / Siège AP-HP

Directeur de Mémoire

Pascal HOOP Chef du département de la politique logistique

Secrétariat général / Siège AP-HP

Directeur de stage

Page 2: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle
Page 3: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

3

« La terre, jadis notre mère, est devenue notre fille »

Michel Serres

Page 4: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

4

Page 5: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

5

Glossaire

AP-HP

AGEPS

ARS

ADEME

C2DS

CLIN

CHSCT

CMR

CNIID

CNUEH

COV

DALY

DAS

DASR

DASRI

DASRIA

DAOM

DEHP

DPL

EVCI

FHF

Assistance Publique – Hôpitaux de Paris

Agence générale des équipements et produits de santé

Agence régionale de santé

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

Comité du développement durable en santé

Comité de lutte contre les infections nosocomiales

Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail

Cancérogène, mutagène et reprotoxique

Centre national d’information indépendante sur les déchets

Conférence des Nations Unies sur l’Environnement Humain

Composé organique volatil

Disability-adjusted life year (année de vie ajustée sur

l'incapacité)

Déchet d’activité de soin

Déchet d’activité de soin à risque

Déchet d’activité de soin à risque infectieux

Déchets d’activité de soin à risque infectieux et assimilés

Déchets assimilés aux déchets ménagers

Di(2-ethylhexyl) phtalate

Direction de la politique logistique

Espérance de vie corrigée de l'incapacité ()

Fédération hospitalière de France

Page 6: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

6

GH

GRV

HAS

HQE

IFOP

MCO

NHS

ODD

OMS

ONG

PAMD

PAOH

PCC

PCT

PDA

PDE

PNSE

PVC

SCENIR

SEDD

SFHH

SNDD

VHB

VHC

VIH

Groupe hospitalier

Grand récipient vrac

Haute autorité de santé

Haute qualité environnementale

Institut français d’opinion publique

Médecine – chirurgie – obstétrique

National health service, système de santé public du Royaume-Uni.

Observatoire IFOP du développement durable

Organisation mondiale de la Santé

Organisation non gouvernementale

Plan d’action management durable

Pièce anatomique d’origine humaine

Précaution complémentaire contact

Piquant, coupant, tranchant

Plan de déplacement des Administrations

Plan de déplacement de l’entreprise

Plan National Santé Environnement

Polychlorure de vinyle

Scientific committee on emerging and newly-identified health risks

(Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux)

Stratégie européenne du développement durable

Société française d’hygiène hospitalière

Stratégie nationale du développement durable

Virus de l’hépatite B

Virus de l’hépatite C

Virus de l’immunodéficience humaine (SIDA)

Page 7: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

7

Remerciements

En premier lieu, ma reconnaissance s’adresse conjointement à Pascal Hoop, chef du

Département de la politique Logistique au siège de l’Assistance Hôpitaux de Paris (AP-HP) et au

Professeur Stéphane David, enseignant au sein du Master Analyse et Management des systèmes de

santé de l’Université Paris 7. Ils ont en effet tous les deux accepté de me suivre tout au long de mon

stage de fin d’étude et de la rédaction de ce mémoire, et ont enrichi ma réflexion de leurs conseils

avisés.

Mes remerciements vont ensuite à Didier Cazejust et Jean-Rémy Bitaud, respectivement Directeur

adjoint au Secrétariat général - en charge du patrimoine, de la logistique et du logement-, et Directeur

du projet « Management durable » à l’AP-HP. Ils ont su, tout comme Pascal et Stéphane, faire preuve

d’une grande disponibilité et me donner les moyens de mener à bien mes recherches.

Ce travail n’aurait pas pu aboutir sans le partage d’expérience auquel se sont également régulièrement

prêtés mes collègues de l’AP-HP Catherine, Martine, Marina, Sophie, Caroline, Sophie, Denis, Pierre,

Richard et Héléna. Que ce soit à l’occasion de visites technique ou au cours des repas partagés, ils ont

alimenté mon analyse de leurs précieux commentaires tout au long de mon stage.

C’est avec gratitude que je remercie les relecteurs attentifs de ce mémoire : Emmanuelle, Catherine,

Isabelle, Aurélie, Martine, Pascal Hoop et Stéphane David, et quelques adeptes altruistes des réseaux

sociaux.

Mes remerciements vont enfin à ma famille et à mes proches pour leur soutien, à mes condisciples du

Master pour leur bonne humeur.

Page 8: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

8

Page 9: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

9

Sommaire

Glossaire _______________________________________________________5

Remerciements __________________________________________________7

Sommaire ______________________________________________________9

Introduction ___________________________________________________14

La fable du colibri _______________________________________________________________ 14

De la prise de conscience écologiste à la recherche de solutions ___________________________ 15

L’émergence très progressive du concept de développement durable________________________ 15

L’arrivée du développement durable dans les politiques publiques _________________________ 16

Une révolution copernicienne ______________________________________________________ 17

Du développement durable au management durable _____________________________________ 18

La spécificité des hôpitaux publics __________________________________________________ 18

Définir le développement durable __________________________________22

Page 10: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

10

1. Hôpitaux publics et développement durable : genèse et état des lieux ___26

1.1 Le développement durable dans les hôpitaux publics: une « évidence paradoxale » _ 27

1.1.1 Le développement durable, objectif consubstantiel aux missions et au statut de l'hôpital public_ 27

1.1.1.1 D’abord ne pas nuire, ensuite soigner__________________________________________ 28

1.1.1.2 Un impact économique et environnemental majeur.. ______________________________ 30

1.1.1.3 Service public hospitalier et exemplarité _______________________________________ 33

1.1.2 Le management durable comme défi pour l'hôpital public ______________________________ 35

1.2 Le développement durable à l’hôpital public, de la mise en conformité à la politique

volontariste___________________________________________________________________ 38

1.2.1 Les évolutions de la réglementation _______________________________________________ 38

1.2.1.1 L’exemple de la réglementation des déchets dits dangereux ________________________ 38

1.2.1.2 Les autres évolutions de la réglementation portant le développement durable à l’hôpital public

39

1.2.1.3 Le développement durable dans la certification des établissements de santé____________ 41

1.2.1.4 La convention du 27 octobre 2009 portant engagements mutuels dans le cadre du Grenelle de

l’Environnement avec les fédérations hospitalières ________________________________________ 43

1.2.2 Les outils accompagnant les hôpitaux dans leur aspiration à un management plus durable ____ 45

1.2.2.1 Les outils d’aide à l'évaluation _______________________________________________ 45

1.2.2.2 Les outils d’aide à l’information et à la prise de décision __________________________ 46

1.2.2.3 Les outils d’aide à la mise en œuvre___________________________________________ 47

1.2.3 Les initiatives volontaristes innovantes des hôpitaux publics ____________________________ 48

2. Cas pratique : l’impulsion du management durable à l’AP-HP et

l’exemple des déchets infectieux et de la filière carton __________________51

Méthodologie___________________________________________________________________ 52

2.1 L’engagement progressif de l’AP-HP dans une démarche de développement durable 53

2.1.1 Une institution dont la singularité ne favorise pas le management durable_________________ 53

2.1.1.1 La problématique de la taille poussée à son paroxysme____________________________ 54

2.1.1.2 L’hétérogénéité de l’institution ______________________________________________ 55

2.1.1.3 Le contexte budgétaire et la réorganisation de l’AP-HP ___________________________ 57

2.1.2 Relever le défi du management durable à l’AP-HP ___________________________________ 58

2.1.2.1 La mise en place progressive du développement durable à l’AP-HP __________________ 59

Page 11: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

11

2.1.2.2 La méthode______________________________________________________________ 60

2.1.2.3 Le « Plan d’action management durable » (PAMD) et son bilan _____________________ 61

2.2 Etude de cas : la politique des déchets à l’AP-HP _____________________________ 62

1.1 Les déchets d’activité de soin à risque infectieux et assimilés (DASRIA) à l’AP-HP __________ 63

1.1.1 Des déchets à la gestion étroitement réglementée___________________________________ 64

La réglementation de l’entreposage des DASRI ________________________________________ 65

Visite technique de l’hôpital xxx et vérification du respect de la réglementation _______________ 66

1.1.2 Une problématique économique majeure _________________________________________ 68

L’importance du tri à la source _____________________________________________________ 68

Sur-tri et pratiques professionnelles _________________________________________________ 69

1.2 La filière carton_______________________________________________________________ 72

1.2.1 Les enjeux de la filière carton__________________________________________________ 73

1.2.2 La mise en place de la filière carton à l’APHP _____________________________________ 74

3. Bilan et propositions : quelles perspectives pour le management durable

de la santé ? ___________________________________________________79

3.1 La politique des déchets à l’AP-HP : bilan et perspectives ______________________ 80

3.1.1 La politique des déchets et la mise en œuvre opérationnelle du développement durable _______ 80

3.1.2 Des pistes pour améliorer les résultats de la politique des déchets _______________________ 81

3.1.2.1 Sensibiliser ______________________________________________________________ 81

3.1.2.2 Donner les moyens de bien faire _____________________________________________ 82

3.1.2.3 Former _________________________________________________________________ 83

3.1.2.4 Informer ________________________________________________________________ 84

3.1.3 Elargir la réflexion à d'autres champs de la vie hospitalière ____________________________ 84

3.1.3.1 Le meilleur déchet, c'est celui qu'on ne produit pas _______________________________ 85

3.1.3.2 Adapter les infrastructures __________________________________________________ 85

3.2 Quel avenir pour le management durable à l’AP-HP et dans les hôpitaux publics ? _ 86

3.2.1 Le management durable dans les établissements publics: point d'étape____________________ 87

3.2.1.1 Une problématique désormais intégrée par les établissements hospitaliers _____________ 87

3.2.1.2 Des résultats concrets encore insuffisants ______________________________________ 88

3.2.2 Points d'achoppement et points de blocages et marges de progression ____________________ 89

3.2.2.1 Le développement durable, une notion encore floue pour beaucoup d'acteurs hospitaliers _ 89

3.2.2.2 Les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre concrète du management durable _____ 92

3.2.3 Marges de progression et leviers d'action : du développement durable au management durable 93

Page 12: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

12

3.2.3.1 La problématique économique, frein ou levier? __________________________________ 93

3.2.3.2 Volontarisme politique et pilotage du management durable ________________________ 95

3.2.3.3 Un besoin de formation et d'information _______________________________________ 96

3.2.3.4 Les leviers externes et le dynamisme du contexte de l'hôpital _______________________ 97

3.2.3.5 Créer des synergies et présenter les choses de manière positive _____________________ 98

3.2.4 Perspectives : quel hôpital durable dans 50 ans ? ____________________________________ 99

3.3 Une santé plus durable en 2060 ?__________________________________________ 102

Conclusion ___________________________________________________107

Bibliographie _________________________________________________109

Ouvrages _____________________________________________________________________ 109

Articles de périodiques __________________________________________________________ 109

Rapports et documents officiels____________________________________________________ 111

Travaux de recherche____________________________________________________________ 113

Congrès et séminaires ___________________________________________________________ 114

Textes de loi __________________________________________________________________ 114

Sites internet __________________________________________________________________ 115

Entretiens_____________________________________________________________________ 116

Page 13: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

13

Page 14: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

14

Introduction

La fable du colibri

La fable dite « du colibri » a pour décor une forêt tropicale, ravagée par un gigantesque

incendie. Tous les animaux sont affolés, et dans un brouhaha de cris, de pleurs et de lamentations, ils

prennent la poudre d’escampette, ou alors se terrent, incapables de réagir à la destruction de leur

environnement. Seul un petit colibri tente d’éteindre le brasier, s’échinant à enchaîner les aller-retour

jusqu’à la rivière, d’où il revient une goutte d’eau dans le bec qu’il jette dans les flammes. Un toucan,

inerte, l’interpelle : « Tu es fou Colibri ! Toi, si petit, tu n’arriveras jamais à éteindre le feu tout

seul ! ». Et le gracile oiseau de lui répondre : « Je sais, mais je fais ma part »1.

L’agriculteur, philosophe et écologiste Pierre Rabhi raconte souvent cette légende amérindienne lors

de ses conférences, et s’en est même inspiré pour créer le « Mouvement Colibris », qui constitue une

plate-forme de rencontre et d’échange à destination de tous ceux qui veulent eux aussi « faire leur

part ». L’idée est qu’il n’y a pas de petits gestes si nous les faisons tous.

1 YAHGULANAAS Michael Nicoll, Le vol du Colibri

Page 15: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

15

De la prise de conscience écologiste à la recherche de solutions

Une métaphore s’impose entre l’incendie de la fable du colibri et le carrefour de crises que

traverse notre société actuelle : réchauffement climatique, crises financière, économique et sociale,

recul de la biodiversité, épuisement des ressources naturelles, pollutions, explosion des maladies

chroniques dites de civilisation (cancers, affections respiratoires, obésité, maladies cardio-vasculaires,

etc). Et la question se pose forcément de savoir quelles réponses peuvent y être apportées.

Comme dans la fable du colibri, il semble qu’il n’y ait pas de solution miraculeuse, automatique ou

même simplement évidente au creusement des inégalités et à la détérioration de notre environnement.

Ce sont chacune de nos activités qui, agrégées, sont à l’origine de ces tendances, et seule la

modification collective de nos comportements individuels est susceptible de les infléchir. C’est bien le

sens de la célèbre formule « Agir local, penser global », employée pour la première fois lors du

Sommet de l’environnement de 1972 par René Dubos, agronome et biologiste français.

C’est au début des années 1970 que remontent les prémices d’une réelle prise de conscience

écologiste : en 1972 parait le rapport Halte à la croissance - aussi appelé Rapport Meadows - du Club

de Rome, groupe de réflexion réunissant des scientifiques, industriels, économiques et hauts

fonctionnaires issus de 53 pays et préoccupés par les problèmes complexes auxquels font face leurs

sociétés. La même année a lieu à Stockholm la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement

Humain (CNUEH) - rétrospectivement qualifié de premier Sommet de la Terre -, qui place pour la

première fois les questions écologiques au rang des préoccupations internationales.

Dès le départ, l’écologie est traitée dans son sens large, c’est-à-dire comme le rapport entre un ou des

individus et leur entourage, qu’il soit minéral, végétal, animal ou même humain. L’écologie n’est donc

pas juste environnementaliste : elle est aussi profondément économique et sociale, les trois

problématiques étant intimement liées.

L’émergence très progressive du concept de développement durable

C’est dans ce même état d’esprit qu’émerge dans les années 1980 le concept de

développement durable. Traduction de l’anglais « sustainable development », le terme apparait pour la

première fois dans un rapport de l’Union internationale pour la conservation de la nature de 1980

intitulé La stratégie mondiale pour la conservation, avant d’être repris, défini et popularisé par le

Rapport Brundtland de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement en 1987,

Page 16: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

16

comme « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la

capacité des générations futures à répondre aux leurs »2.

Le concept de développement durable - bien qu’utilisé par Edith Cresson dans son discours de

politique générale le 22 mai 1991 à l’occasion de la création du premier Ministère français de

l’Environnement -, ne sera largement médiatisé auprès du grand public qu’en 1992, à l’occasion du

deuxième sommet de la Terre à Rio de Janeiro, qui se termine par l’adoption de la Déclaration de

Rio3 et de l’Agenda 214, et officialise la prise en compte des trois piliers du développement durable :

progrès économique, justice sociale et préservation de l’environnement.

L’arrivée du développement durable dans les politiques publiques

La fin du XXe siècle est donc celui de la prise de conscience écologiste et de l’avènement d’un

nouvel outil pour faire face aux crises économique, sociale et environnementale : le développement

durable. Mais la déclinaison locale qu’il sous-tend est lente à se mettre en place, et c’est seulement au

début du XXIe siècle que l’impact du développement durable sur les politiques publiques commence à

se ressentir.

En 2005 en effet, trois ans après que Jacques Chirac se soit exclamé au sommet mondial de

Johannesburg que « Notre maison brûle et [que] nous regardons ailleurs », la Charte de

l’environnement entre dans la Constitution française, consacrant un nouveau droit individuel : le

« droit de chacun à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de sa santé »5.

L’influence du développement durable sur les politiques publiques se concrétisera ensuite en 2007 lors

du Grenelle de l’Environnement, puis le 3 décembre 2008 lors de la signature d’une circulaire pour un

Etat exemplaire en matière de développement durable par le Premier ministre, et enfin deux ans plus

tard, à l’occasion de l’adoption d’une Stratégie Nationale du développement durable.

2 COMMISSION ET LE DEVELOPPEMENT, Notre avenir à tous, dit Rapport Brudtland, Partie 1, chapitre 2 3 La « Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement » est un texte fondateur de 27 principes qui précise la notion de développement durable. La déclaration n’est pas juridiquement contraignante, l’objectif étant plutôt que les gouvernements se sentent moralement obligés d'adhérer à ses principes. 4 L'Agenda 21 est un plan d'action pour le XXIème siècle adopté par 173 chefs d'État lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992. Avec ses 40 chapitres, ce plan d'action décrit les secteurs où le développement durable doit s’appliquer dans le cadre des collectivités territoriales mais également par des entreprises, des collèges ou des lycées, et même des hôpitaux. Il formule des recommandations dans des domaines aussi variés que la pauvreté, la santé, le logement, la pollution de l’air, la gestion des mers, des forêts et des montagnes, la gestion de l’eau, de l’agriculture et la gestion des déchets. 5 CHARTE DE L’ENVIRONNEMENT , article 1er

Page 17: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

17

Une révolution copernicienne

Aujourd’hui, le développement durable est donc réellement intégré aux politiques publiques

en France. Mais la chronologie qui vient d’être exposée montre que le développement durable s’est

mis en place très progressivement. Cette lenteur résulte du fait qu’il constitue une véritable révolution

copernicienne pour nos sociétés.

Le développement durable impose en effet un nouveau regard sur l’action publique et privée. Pour se

conformer à l’objectif de durabilité, nos actions doivent désormais être examinées au travers d’un

triple prisme : économique, social et environnemental. C’est le sens du célèbre schéma reproduit ci-

dessous, qui met en valeur les interdépendances existant entre les trois piliers du développement

durable.

De surcroît, le « Penser global, agir local » nécessite, outre de décliner les actions durables

sur chaque territoire, de faire en sorte que ces actions soient transversales, et transcendent tous les

secteurs, toutes les politiques, tous les champs de la vie sociale.

C’est dans cette optique que les établissements de santé, qui rappelons le représentent 4000

établissements répartis sur tout le territoire, près d’un million de professionnels, 60 millions de m2 de

Figure 1- Schéma des trois piliers du développement durable

Page 18: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

18

locaux, et sont visités chaque année par un français sur deux, ne peuvent pas se soustraire à la logique

du développement durable6.

Du développement durable au management durable

Le développement durable constitue donc un nouveau paradigme à l’échelle internationale, et

sa représentation simple ne doit pas masquer la complexité de sa mise en œuvre. Or si souvent, « il y a

pléthore de théories et de concepts et déficit de réalisation » - pour reprendre les termes de Pierre

Rabhi -, les menaces pesant sur la planète et la cohésion sociale interdisent au développement durable

de rester lettre morte.

Pour cette raison, ce concept a priori plutôt universel et abstrait doit être rendu opérationnel, et donc se

traduire en langage managérial. C’est pour cette raison que se démocratise aujourd’hui la notion de

« management durable », qui consiste à intégrer dans la prise de décision, et à prendre en compte dans

la gestion et la gouvernance d’une institution, les principes du développement durable.

Or si l’adhésion est aujourd’hui massive sur le constat des crises économiques, environnementales et

sociales et sur le bien fondé du développement durable, il y a toujours un décalage important entre la

communication, « l’affichage » de mesures, et leur mise en œuvre opérationnelle. La question la plus

importante aujourd’hui est donc de savoir comment passer des intentions aux actes.

La spécificité des hôpitaux publics

Ce mémoire s’inscrivant dans le cadre de la validation d’un Master 2 « Analyse et

Management des établissements de santé », il traitera donc cette problématique sous l’angle plus

spécifique des établissements de santé, et plus précisément des hôpitaux publics.

Pour avoir rédigé il y a trois ans un mémoire de sociologie des organisations sur les conflits d’acteurs

à l’hôpital public7, l’auteur de ce mémoire sait que ce dernier est une institution complexe à piloter –

du fait à la fois de ses missions, des lourdes et légitimes exigences qui y prévalent en matière de

sécurité, de sa sociologie, mais aussi des réorganisations, restructurations et restrictions budgétaires

qu’il subit. Analyser le management durable des hôpitaux publics offrira donc un éclairage tout

6 MINISTERE DE L’ECOLOGIE, DE L’ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER, MINISTERE DE LA SANTE ET DES SPORTS, Dossier de presse : signature de la convention portant engagements mutuels dans le cadre du Grenelle Environnement avec les fédérations hospitalières, page 4 7 Marine TONDELIER, Les conflits d’acteurs à l’hôpital public à l’épreuve de la nouvelle gouvernance hospitalière : le cas de la mise en œuvre des pôles d’activité et du conseil exécutif

Page 19: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

19

particulier sur la question de la mise en œuvre opérationnelle du développement durable. En quoi est-il

particulièrement important que les hôpitaux publics adoptent un management durable ? Etant donné

que le soin reste bien sûr la mission centrale des établissements de santé, quelles marges de manœuvre

reste-t-il pour le management durable et comment le concilier avec les contraintes budgétaires propres

à l’hôpital tout en restant intransigeants sur la qualité des soins et la sécurité ? Quels sont les freins,

mais aussi les leviers existant à l’hôpital, susceptibles de faciliter la mise en œuvre du management

durable, et quelles sont les perspectives pour le développement durable à l’hôpital public à court,

moyen et long termes ?

Afin de répondre à cette problématique, il a été procédé un examen approfondi de la littérature

existante, afin que le présent mémoire s’appuie aussi bien sur le corpus législatif et réglementaire en

vigueur que sur les revues spécialisées, les rapports et guides officiels et les travaux de recherche ayant

déjà été réalisés. Quelques entretiens ont également été menés avec des acteurs clés de la mise en

œuvre du développement durable dans les hôpitaux publics. Enfin, le présent travail a été rédigé

parallèlement à un stage de trois mois au sein du Département de la politique logistique du siège de

l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, qui a été l’occasion de multiples échanges sur le sujet et un

terrain d’étude privilégié, notamment sur la question de la gestion des déchets hospitaliers, qui sont au

centre des préoccupations économiques, écologiques et de sécurité de tous les établissements de santé.

Il a en outre été procédé au cours de ce stage à une enquête auprès des 12 directeurs de groupements

hospitaliers que compte l’institution (ou de leur adjoint, le cas échéant), réalisée au moyen d’entretiens

téléphoniques et selon la méthode du questionnaire.

*

* *

Page 20: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

20

Les réflexions inspirées par ces différentes sources permettront de répondre aux

problématiques soulevées par le sujet en trois temps.

L’analyse se concentrera dans une première partie sur les raisons et les manifestations de l’implication

des hôpitaux dans une stratégie de management durable. Il s’agira notamment de réfléchir au paradoxe

selon lequel le statut, les missions et le poids du secteur public hospitalier y rendent le management

durable à la fois nécessaire et complexe à mettre en œuvre.

Une fois ce contexte appréhendé, le mémoire se focalisera sur la situation spécifique de l’AP-HP et sur

un cas pratique étudié en cours de stage : la politique des déchets, et plus particulièrement le traitement

des déchets à risques infectieux et l’installation d’une filière carton. Cette analyse offrira un exemple

concret des spécificités de la mise en œuvre pratique du développement durable au quotidien dans un

service hospitalier.

Finalement, la troisième et dernière partie dressera le bilan à la fois de l’analyse générale menée en

première partie et du cas pratique examiné en seconde partie, ce qui permettra de réfléchir aux freins,

aux leviers et aux perspectives du management durable à l’hôpital public.

Page 21: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

21

Page 22: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

22

Propos préliminaires :

Définir le développement durable

Sur le moteur de recherche Google, on trouve 15 800 000 résultats francophones à la requête

« développement durable », ce qui - cumulé au nombre de séminaires et colloques organisés chaque

année sur le thème et à la place qu’a pris ce concept dans tous les champs de la société, du marketing à

l’immobilier en passant par le tourisme et l’énergie -, montre le succès d’un terme qui n’a pourtant que

vingt-cinq ans.

Un sondage réalisé en mars 2009 pour le Comité 21, l’Institut LH2 a d’ailleurs souligné que 9 français

sur 10 déclarent avoir déjà entendu parler du développement durable (ce qui représentait un gain de 13

points par rapport à une mesure identique réalisée l’année précédente et de 36 points par rapport à

2004)8.

On entend, lit et utilise donc de plus en plus le terme de « développement durable ». Pourtant,

le sens exact de cette expression est relativement méconnu du grand public. Le sondage précité a en

effet démontré que si le développement durable est désormais inscrit dans le champ lexical des

Français quels que soient leur sexe, leur origine sociale et leur âge, il n’en est pas de même pour son

8 Institut LH2, Les français et le développement durable : Entre désir d’y croire et volonté de faire, sondage réalisé par téléphone les 27 et 28 mars 2009, échantillon de 1058 personnes, représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus, selon la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, profession du chef de famille, après stratification par région et catégorie d'agglomération.

Page 23: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

23

contenu. En effet, seuls 35% des sondés avaient alors affirmé pouvoir en donner une définition

précise, le sondeur rappelant que cela équivaut aux scores de 2005/2006, alors que les Français

semblaient avoir mieux intégré les principes de ce nouveau paradigme lors des débats du Grenelle de

l’environnement en 2008.

De surcroît, ce chiffre de 35% n’est pas le chiffre de ceux qui sont effectivement à même de

définir précisément la notion, mais le chiffre de ceux qui affirment pouvoir le faire. Or si l’on avait

demandé à ces personnes d’exprimer la définition qu’ils avaient en tête, on aurait à coup sûr constaté

que la plupart d’entre eux en avaient une perception quasi exclusivement environnementale. Toutes les

études conduites sur le sujet révèlent en effet que lorsque l’on demande aux sondés d’expliciter ce

qu’ils entendent par « développement durable », c’est le seul pilier environnemental qui est le plus

souvent cité.

Cette tendance a d’ailleurs été vérifiée au cours du travail préparatoire à la rédaction de ce mémoire,

puisque dans la plupart des entretiens semi-directifs, la discussion s’est focalisée sur l’aspect

environnemental du concept jusqu’à ce que les questions posées finissent par amener l’entretien sur le

pilier social.

Aussi un petit travail de mise au point et de définition du concept est-il nécessaire avant

d’entamer la réflexion sur le management durable des hôpitaux publics.

Le développement durable associe indissociablement trois piliers : l’économique, le social et

l’environnemental, même s’il a tout d'abord été défini de manière assez restrictive.

La notion, telle que la présente le Rapport Brundtland de 1987, est en effet présentée de manière assez

vague (« un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des

générations futures à répondre aux leurs »), mais renvoie surtout à des préoccupations

environnementales. Or le constat qui participe de l'émergence de la notion de développement durable

est double - la fracture Nord/Sud et la recherche d’un développement humain, ainsi que la crise

écologique accompagnée de l’urgence de sauvegarder l’environnement - et ne se cantonne donc pas à

la volonté de « protéger la planète ».

D’une part, le terme de « développement » renvoie en effet à un processus conduisant à l'amélioration

du bien-être des humains, dans lequel l'activité économique et le bien-être matériel demeurent

essentiels mais qui prend par exemple tout autant en compte la santé, l'éducation, la préservation de

l'environnement, l'intégrité culturelle, etc. Tandis que d'autre part, l'adjectif « durable » insiste sur la

Page 24: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

24

notion de temps c'est-à-dire pour une amélioration sur le long terme du bien-être de tous (y compris les

générations futures).

Logiquement, la définition communément admise du développement durable s’est donc –

depuis 1987 -, élargie aux aspects économiques et sociaux, et notamment à la gestion rationnelle des

ressources humaines, naturelles et économiques qui vise à satisfaire les besoins fondamentaux de

l’humanité.

Le développement durable – et c’est cette définition qui servira de base aux réflexions à suivre -, est

donc une notion globale, conçue comme une rupture avec d'autres modes de développement qui ont

conduit, et conduisent encore, à des dégâts sociaux et écologiques considérables, tant au niveau

mondial que local.

Le management durable fait quant à lui référence à la manière dont le développement durable est

intégré à la prise de décision, quelle que soit l’échelle concernée.

Page 25: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

25

Page 26: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

26

1. Hôpitaux publics et

développement durable : genèse

et état des lieux

« Primum non nocere, deinde curare »*

Hippocrate

* D’abord ne pas nuire, ensuite soigner

En septembre 2005, les décideurs hospitaliers se sont engagés en faveur du développement

durable à l’occasion du 34ème Congrès de la Fédération internationale des hôpitaux, en affirmant que

« l’hôpital a par sa vocation, ses missions et ses activités, une plus grande responsabilité et un devoir

d’exemplarité dans la mise en place d’une stratégie de développement durable ».

Mais le caractère consubstantiel des établissements de santé et du développement durable est assez

paradoxal : les éléments qui font aujourd’hui de l’engagement des hôpitaux publics pour le

développement durable une évidence sont les mêmes qui font du management durable une démarche

peu aisée (1.1). Malgré tout, les hôpitaux publics se sont engagés depuis quelques années dans cette

voie, sous l'effet conjoint d'évolutions de la réglementation et d'initiatives volontaristes de certains

établissements (1.2).

Page 27: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

27

1.1 Le développement durable dans les hôpitaux publics: une

« évidence paradoxale »

Les horaires décalés et les conditions de travail stressantes, l’utilisation massive de dispositifs

à usage unique, la lutte contre les infections nosocomiales, une grande consommation d’eau ou encore

une production de déchets importante sont autant de caractéristiques propres aux établissements de

soin, qui semblent a priori peu compatibles avec le développement durable.

Malgré cela, la déontologie médicale et le développement durable forment une « communauté de

pensées », pour reprendre l’expression de Marie Christine Burnier, chargée du développement durable

à la Fédération Hospitalière de France9. C’est là toute l’évidence paradoxale du développement

durable, consubstantiel aux missions du secteur hospitalier public (1.1.1), mais souvent difficile à

concilier avec ses exigences (1.1.2).

1.1.1 Le développement durable, objectif consubstantiel

aux missions et au statut de l'hôpital public

Par sa vocation, l’hôpital fait du confort et de la santé de ses utilisateurs une priorité absolue.

Prendre soin, améliorer le quotidien, la qualité de vie et la santé, prévenir et guérir, penser à l’avenir,

s’occuper de tous sans discrimination : ces quelques piliers du système de soin français sonnent

comme un prolongement naturel de l’esprit qui anime le développement durable.

Plus que compatibles, le développement durable et les hôpitaux publics semblent donc a priori

complémentaires. Cette complémentarité s’exprime tout d’abord du point de vue de la santé publique

et de la santé environnementale (1.1.1.1). Mais elle est également liée au poids économique des

établissements de santé et au formidable potentiel d’entraînement qu’ils représentent (1.1.1.2), ainsi

qu’à leur participation au service public (1.1.1.3).

9 LEBRUN-MERRANT Florence, « Grenelle de l’environnement et hôpital », p.62

Page 28: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

28

1.1.1.1 D’abord ne pas nuire, ensuite soigner

Le préambule de la Convention du 27 octobre 2009 portant engagements mutuels dans le

cadre du Grenelle de l’Environnement avec les fédérations hospitalières commence en ces termes :

« engagés dans une mission de soins, les professionnels de santé se réfèrent à des valeurs qui sont

proches de celles véhiculées par le développement durable »10.

La médecine agit en effet selon un principe de bienfaisance auquel Hippocrate a attaché définitivement

le principe de non-malfaisance , comme l’indique sa fameuse formule « Primum non nocere, deinde

curare » (d’abord ne pas nuire, ensuite soigner), dont la plus ancienne trace remonte au Traité des

Épidémies (I, 5, 410 av. JC). Le texte original du traité d’Hippocrate, sur lequel les médecins prêtent

traditionnellement serment en Occident, leur a longtemps fait déclarer : « dans toute la mesure de mes

forces et de mes connaissances, je conseillerai aux malades le régime de vie capable de les soulager et

j'écarterai d'eux tout ce qui peut leur être contraire ou nuisible »11. Dans sa version actuelle – il y a

bien des années que les médecins ne prêtent plus le serment d’Hipprocrate d’origine -, le « serment

médical » fait jurer aux futurs médecins : « Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de

promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. »12.

A l’hôpital, l’application de ce principe revient entre autres à se préoccuper des risques

sanitaires et environnementaux : chimiques, bactériologiques, viraux, nucléaires, etc. La santé des

personnes fréquentant les services hospitaliers doit par exemple être préservée de la menace que peut

représenter la qualité de l’air, qui affecte particulièrement les patients du fait de leur vulnérabilité et les

professionnels du fait de la durée et du caractère répétitif de leur exposition. Or la qualité de l’air est

une vraie problématique à l’hôpital, sujet à la présence éventuelle de moisissures, aux infections

nosocomiales transmises par les systèmes de distribution d’air, mais aussi aux produits chimiques

(désinfectants, antiseptiques, médicaments, détergents, désodorisants, etc).13

Sous la pression de diverses associations comme le Comité du Développement durable en Santé

(C2DS) et le Centre national d’information indépendante sur les déchets (CNIID), certains hôpitaux

sont également en train de réévaluer leur utilisation du PVC (polychlorure de vinyle), omniprésent

10 MINISTERE DE L’ECOLOGIE, DE L’ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER, MINISTERE DE LA SANTE ET DES SPORTS, Convention portant engagements mutuels dans le cadre du Grenelle Environnement avec les fédérations hospitalières, 27 octobre 2009, p.5 11 Serment d’Hippocrate, traduction attribuée à Emile Littré 12 Formule du 18 octobre 1995 adoptée par le conseil national de l’ordre des médecins 13 GAUTHIER Pierre, « Qualité de l’air intérieur : comment obtenir et maintenir une bonne qualité de l’air intérieur dans les établissements de santé », p. 47 à 53

Page 29: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

29

dans les établissements de santé aussi bien sous la forme de matériaux de construction et de

revêtements de sol que de dispositifs médicaux ou de produits de consommation courante. Dans

nombre de ses applications, le PVC est plastifié au DEHP, une forme de phtalate classée CMR

(cancérogène, mutagène et reprotoxique) de catégorie 2 par l’Union Européenne, au point qu’il est

interdit depuis quelques années dans les jouets destinés aux enfants de moins de 3 ans14. Toutefois, il

entre actuellement pour plus de 50% dans la composition des plastiques à usage médical15, or il est

prouvé que le DEHP n’est pas chimiquement lié au PVC, et donc s’en échappe en continu, qu’il est

d’une grande liposolubilité, est particulièrement bien absorbé par voie orale et pulmonaire, et que dans

l’organisme, sa distribution est rapide vers les poumons, la rate, et les tissus adipeux. En 2008, le

rapport du Scenihr (Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux) a d’ailleurs

proposé une liste de procédures médicales à haut potentiel d’exposition au DEHP, et a fait état de

risques particuliers d’intoxication aigue en soins intensifs de néonatalogie, où les nouveaux nés

reçoivent des doses de DEHP pouvant atteindre jusque 20 fois la dose journalière tolérable

(3mg/Kg/jour pour un enfant de 4 kg) 16.

Plus globalement, l’hôpital, acteur du système de santé, doit logiquement se sentir concerné

par la crise environnementale, qui a un gros impact sur la santé publique.

Les diverses pollutions sont tout d’abord une source de mortalité majeure : selon l’OMS, 13 millions

de décès et 24% des maladies sont en effet dues chaque année à une exposition à un environnement

dégradé qui pourrait être évitée17, et la commission européenne avance le chiffre de 369 000 morts

prématurées par an en Europe dus à la pollution de l’air.18

A la fois symptôme et conséquence de cette crise environnementale, le réchauffement climatique a

également des conséquences dramatiques sur la santé. Une commission mise sur pieds par la revue

scientifique médicale britannique The Lancet19 a ainsi conclu en 2009 qu’il est « au 21ème siècle la plus

grosse menace sanitaire mondiale »20. En 2008, la journée mondiale de la Santé était d’ailleurs

14 Directive 2005/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2005 modifiant pour la vingt-deuxième fois la directive 76/769/CEE du Conseil concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la limitation de la mise sur le marché et de l’emploi de certaines substances et préparations dangereuses 15 AFFSAPS, Recommandations portant sur les phtalates dans les dispositifs médicaux, p. 2 16 SCENIHR, Opinion on the safety of medical devices containing DEHP-plasticized PVC or other plasticizers on neonates and groups possibly at risk 17 WORLD HEALTH ORGANISATION, Preventing disease through healthy environments: towards an estimate of the environmenta burden of disease 18 AMANN M. et al., Baseline Scenarios for the Clean Air for Europe (CAFÉ) Programm Final Report 19 COSTELLO A., ABBAS M. et al., « Managing the health effects of climate change » 20 HARTON Richard., « The climate dividend », THE LANCET, p. 1869

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30

consacrée à la nécessité de protéger la santé des effets néfastes du changement climatique, journée par

laquelle l'OMS a voulu reconnaître que le changement climatique s'accompagne de risques croissants

pour la sécurité sanitaire internationale. En effet, plusieurs conséquences du réchauffement climatique

sur la santé ont été identifiées, comme la malnutrition et ses effets dévastateurs sur les enfants, les

inondations, sécheresses, tempêtes et vagues de chaleur, la modification de la distribution

géographique des vecteurs épidémiques (et notamment des insectes propageant la malaria et la

dengue)21. En cela, le réchauffement climatique est loin d’être une menace lointaine, et dans l’espace –

il a un impact certain sur la santé des gens, y compris en Europe22, et dans le temps – l’OMS, dans son

rapport annuel de 2002, estime que le réchauffement climatique a causé la perte de 5,5 millions années

de vies pondérées par l’incapacité (DALY)23, et que le bilan s’aggrave d’années en années24. Le

réchauffement climatique cause donc déjà des millions de décès chaque année à travers le monde, et

ces problèmes ne feront que s’intensifier si des mesures ne sont pas prises pour endiguer le

changement climatique.

Afin de respecter son engagement de « d’abord, ne pas nuire », l’hôpital public a donc la

responsabilité de prendre en compte les dangers auxquels il expose à la fois les personnes qui le

fréquentent et les victimes des externalités négatives (réchauffement climatique, pollutions diverses,

etc) que son activité génère.

1.1.1.2 Un impact économique et environnemental majeur..

Or les quelques 3000 établissements hospitaliers que compte la France sont loin d’être des

« colibris », pour reprendre la métaphore de Pierre Rabhi dans sa fable citée en introduction25.

Gros investisseurs et générateurs de nombreux emplois directs et indirects, il sont également

des agents particulièrement agressifs pour l’environnement, à la fois du fait de la toxicité et de

21 CHAN Margaret, “Cutting carbon, improving health”, THE LANCET, p. 1870 22 HOLLAND Mike, Acting now for better health, a 30% reduction target for EU climate policy, page 2 23 L’' espérance de vie corrigée de l'incapacité (EVCI), Disability Adjusted Life Year (DALY) en anglais, est un mode d'évaluation de l’OMS qui mesure le nombre d’années passées en bonne santé. 24 WORLD HEALTH ORGANISATION, The World health report 2002: reducing risks, promoting healthy life, p 72 25 YAHGULANAAS Michael Nicoll, Le vol du Colibri

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31

l’importance quantitative de leur activité. Le NHS britannique a ainsi calculé que son empreinte

carbone était supérieure à 18 tonnes de CO2 par an, soit 25% du total des émissions du secteur

public.26

Les établissements hospitaliers sont notamment d’importants générateurs de déchets, dont certains

sont particulièrement dangereux : les DASRIA (déchets d’activité de soin à risque infectieux et

assimilés), les déchets chimiques, ou encore les déchets nucléaires. A titre d’exemple, le centre

médical de San Fransisco produit environ 6 tonnes de déchets par an27, et au Royaume Uni, une tonne

sur 100 de déchets est le fait du NHS (National Health Service, le système public national de santé).28

Egalement, leur activité est particulièrement énergivore, puisque les hôpitaux utilisent en moyenne

deux fois plus d’énergie par m2 que les bureaux traditionnels29. Cela est le fait à la fois des divers

équipements médicaux et informatiques, mais aussi et surtout des énormes besoins en chauffage et en

climatisation : les établissements de santé publics représentent un patrimoine immobilier de plus de 60

millions de m2 30, et les secteurs de soin - fonctionnant 24h/24h -, sont particulièrement exigeants du

point de vue de la température intérieure. Au total, on estime que les établissements de santé

représentent 10,6% de la totalité de la consommation énergétique à usage commercial du Brésil31, et

sont le second secteur commercial le plus dépensier en énergie aux Etats-Unis (8,5 milliards de dollars

par an). Le secteur de la santé peut ainsi jouer un rôle essentiel dans l’atténuation des effets du

changement climatique, en prenant des mesures pour limiter sa propre empreinte climatique.32 En

France, 15% des consommations énergétiques du secteur tertiaire sont par exemple le fait des

hôpitaux33, en sachant que le chauffage représente 2/3 de ces consommations et que les

consommations par lit ont augmenté de pratiquement 25% en 10 ans pour l’énergie et de 50% pour

26 NATIONAL HEALTH SERVICE, Saving carbon, improving health : NHS carbon reduction strategy 27 WORLD HEALTH ORGANISATION, Healthy hospitals, healthy planet, healthy people – Adressing climate change in health care settings, p. 20 28 WORLD HEALTH ORGANISATION, Healthy hospitals, healthy planet, healthy people – Adressing climate change in health care settings, p. 20 29 UNITED STATES DEPARTMENT OF ENERGY, Commercial Buildings Energy Consumption Survey (CBECS), adjusted for inflation to 2009 dollars 30 MINISTERE DE L’ECOLOGIE, DE L’ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER, MINISTERE DE LA SANTE ET DES SPORTS, Dossier de presse : signature de la convention portant engagements mutuels dans le cadre du Grenelle Environnement avec les fédérations hospitalières, p. 4 31 SZKLO A., SOARES J. TOLMASQUI M., Energy consumption indicators and CHP technical potential in the Brazilian hospital sector 32 WORLD HEALTH ORGANISATION, Healthy hospitals, healthy planet, healthy people – Adressing climate change in health care settings, page 5 33 FOUQUIER Florence, « La responsabilité sociale dans les établissements de santé : quels enjeux ? », TECHNIQUES HOSPITALIERES, pages 17 à 19

Page 32: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

32

l’électricité, en raison des progrès technologiques mais aussi de l’augmentation du confort et de la

généralisation du conditionnement d’air et de la climatisation.

S’ajoutent à cela les impacts liés aux transports en terme de pollution de l’air et de gaz à effet de serre,

notamment pour la circulation des patients – on compte plus de 13 millions d’entrées dans les hôpitaux

chaque année -, du personnel et des visiteurs, mais également de toute la logistique (livraisons de

matériel, de repas et de linge propre, enlèvement de déchets d’activité de soin et de linge souillé, etc).

Vu leur impact environnemental et à l’heure où tout le monde est invité à « faire sa part », notamment

par le protocole de Kyoto ou plus récemment et en France par la stratégie nationale de développement

durable adoptée pour la première fois en 2003 et révisée en 2010, les établissements de santé, ne

peuvent donc faire l’économie d’une politique de management durable, et cela d’autant plus que cette

politique est consubstantielle à la volonté de « ne pas nuire », censée guider les soignants.

L'importance du secteur hospitalier ne se caractérise heureusement pas simplement que du

point de vue de son impact environnemental. Les établissements de santé sont également – et les deux

sont d'ailleurs liés – des acteurs économiques majeurs qui emploient par exemple 1,3 millions de

personnes au niveau national, et dépensent près de 70 milliards d'euros par an34.

En termes économiques, les établissements de santé ne répondent donc pas aux critères de

l'atomicité35, et sont donc en mesure d’influencer différents marchés: ils sont souvent le principal

employeur des communes où ils sont implantés, et sont de gros investisseurs et de gros acheteurs, et

donc un formidable levier potentiel pour le développement durable.

En effet, les établissements de santé sont susceptibles de provoquer un effet d'entraînement sur le reste

de la société. Ils sont en capacité de mettre les millions de patients, visiteurs et personnels qui le

fréquentent – soit un français sur deux chaque année -, en contact avec le développement durable s'ils

choisissent de le mettre en œuvre. Egalement, en adoptant des appels d'offre plus exigeants du point de

vue économique (prix), environnemental (provenance, transport, matériaux, prise en compte du cycle

de vie et notamment de la destruction) et social (recours à des entreprises employant une majorité de

personnes en situation de handicap ou en insertion professionnelle), il leur est possible de favoriser

l'émergence d'une offre plus responsable de la part de leurs fournisseurs. La pondération du

développement durable dans les critères de jugement des offres est encore très faible cependant, et la

concurrence n'existe pas toujours, comme dans le cas des dispositifs médicaux stériles par exemple.

34 DHOS, Les chiffres clé 35 L'atomicité correspond au fait que les acteurs économiques d'un marché soient de trop petite taille pour

influencer le marché sur lequel ils évoluent.

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33

Mais à titre d'exemple, on peut supposer que si une partie des établissements de santé mondiaux

décidaient de favoriser l'achat de dispositifs médicaux sans phtalates – comme le fait par exemple déjà

la clinique Champeau de Bézier -, les établissements de santé encourageraient la recherche d'autres

composés moins nocifs et abaisseraient (par un effet levier sur la quantité et donc les prix) le coût des

dispositifs médicaux sans phtalates, qui reste relativement élevé pour le moment.

Si la formule « d'abord ne pas nuire, ensuite soigner » et tout ce qu'elle sous-tend démontre

que les valeurs du développement durable et de la santé semblent compatibles, le poids économique et

l'impact environnemental des établissements de santé indiquent que santé et développement durable

sont en plus complémentaires.

Les acteurs de la santé ont d'ailleurs commencé à se mobiliser au niveau mondial, au travers

notamment de nouvelles organisations. Le Conseil pour le climat et la santé, réseau de professionnels

de la santé qui informent et promeuvent les bienfaits pour la santé de modes de vie plus durables, et

l’urgence qu’il y a d’endiguer le changement climatique36. La déclaration mondiale sur la santé et les

changements climatiques, adoptée par l’Association Médicale Mondiale de Adoptée à New Delhi le 17

octobre 2009 en est l’un des symboles.

1.1.1.3 Service public hospitalier et exemplarité

Santé et développement durable sont donc compatibles et complémentaires, caractéristique

encore plus signifiante dans le cas des établissements publics de santé.

L'hôpital public se conforme en effet, outre aux valeurs traditionnelles des établissements de

santé, aux valeurs du service public telles qu'elles ont été formalisées tout au long du XXème siècle.

Or ces valeurs correspondent parfaitement à la lettre du développement durable.

Notamment, le respect des générations futures semble faire partie intégrante de l'intérêt général dans

lequel est censé être organisé tout service public. De surcroît, le principe d'adaptabilité, qui stipule que

les réorganisations et les mutations du service en question sont étudiées et réalisées en vue des besoins

de la population, s'inscrit également clairement dans l'esprit du développement durable.

36 WORLD HEALTH ORGANISATION, Preventing disease through healthy environments: towards an estimate of the environmenta burden of disease

Page 34: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

34

En plus de ces valeurs générales qui les animent, les établissements publics de santé assurent

également, tout comme certains établissements de santé privés et les centres régionaux de lutte contre

le cancer, des missions de service public définies à l'article L.6112-1 du Code de la santé publique37.

Parmi ces 14 missions, la plupart forment clairement une communauté de pensée avec l’esprit du

développement durable et notamment son pilier social : le développement professionnel continu,

l’éducation et la prévention pour la santé, la lutte contre l'exclusion sociale, les actions de santé

publique, etc.

Par ailleurs, en tant qu’établissements publics de santé, les hôpitaux publics sont soumis au

contrôle de l'État via les Agences régionales de santé. Or lors de la restitution des conclusions du

Grenelle de l’Environnement le 25 octobre 2007, le Président de la République a insisté sur le rôle

exemplaire que l’Etat doit jouer pour assurer le développement durable de notre économie.38 Le

Grenelle de l’environnement, lancé quelques semaines plus tôt, impose en effet l’implication de tous

les acteurs, puisqu’au-delà de l’adoption des mesures législatives des différents projets de loi, son

succès repose surtout sur la mobilisation des différents acteurs économiques. L’Etat, qui aurait

difficilement pu s’exempter de montrer le bon exemple, s’est ainsi engagé le 3 septembre 2008 par une

circulaire du Premier ministre relative au rôle exemplaire de l’Etat en matière de développement

durable.39

Partant du principe que l’Etat « se doit en particulier d’utiliser ses propres moyens de fonctionnement

pour renforcer et favoriser l’émergence des modes de production et de consommation plus durables »

et que l’Etat ne peut ignorer dans sa gestion quotidienne les objectifs de développement durable qu’il

souhaite voir pris en compte par les entreprises et les consommateurs, la circulaire préconise par

exemple d’inciter les agents de l’Etat à adopter une conduite automobile économe en énergie

susceptible de générer un minimum de 10% de gain en carburant, une diminution des émissions

polluantes et une amélioration de la sécurité routière.40

Concernant la consommation impressionnante de papier et de cartouches d’encre, la circulaire

recommande pour 2010 la suppression des imprimantes à jet d’encre, le non remplacement de 80% des

37 Article L6112-1 du Code de la santé publique modifié par la loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires – article 1 (V) 38 PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE, Discours à l’occasion de la restitution des conclusions du grenelle de l’environnement, 25 octobre 2007 39 Circulaire n° 5351/SG du 3 décembre 2008 relative à l’exemplarité de l’Etat au regard du développement durable dans le fonctionnement de ses services et de ses établissements publics (JO du 12 février 2009) 40 Circulaire n° 5351/SG du 3 décembre 2008, fiche n°13 relative à la formation et à la sensibilisation à l’éco-conduite

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35

imprimantes individuelles, le développement des copieurs multifonction, la reprise de 100% des

cartouches d’impression usagées par les prestataires ou par des structures d’insertion des personnes

éloignées de l’emploi ou employant une majorité de personnes handicapées.41 La circulaire préconise

également la généralisation de l’usage du papier éco-responsable et la réduction de 50% de la

consommation de papier des administrations d’Etat, que permettrait l'impression systématique en

recto-verso, la communication sur le nombre de ramettes consommées annuellement par agent et la

mise en place de systèmes de collecte sélective.42

L'hôpital public participe donc, de concert avec les autres services publics, à la mise en oeuvre du

volet « Etat exemplaire », qui permet à la fois de renforcer la responsabilité sociale de l’Etat, de

diminuer les impacts liés aux activités de l’Etat et de contribuer à l’atteinte des objectifs de réduction

d’émissions de gaz à effet de serre, mais également de renforcer et de favoriser l’émergence de modes

de production et consommation durables.

Le développement durable apparaît donc, du fait de leur impact, de leurs valeurs, de leurs

missions et de leur statut, comme consubstantiel aux hôpitaux publics. Mais les raisons qui font des

hôpitaux publics des acteurs obligés du développement durable sont également les premières à rendre

le management durable assez complexe en leur sein.

1.1.2 Le management durable comme défi pour l'hôpital

public

Le développement durable est un principe plutôt universel et abstrait, qu'il s'agit de rendre

concret et opérationnel. C'est tout le rôle du management durable, qui représente la mise en application

du développement durable, son intégration à la prise de décision et sa prise en compte dans la gestion

et la gouvernance d'une institution.

Or en ce qui concerne l'hôpital public, la légitimité de l'adoption d'une démarche de développement

durable semble bien plus évidente que sa conduite opérationnelle.

41 Circulaire n° 5351/SG du 3 décembre 2008, fiche n°2 relative aux solutions d’impression 42 Circulaire n° 5351/SG du 3 décembre 2008, fiche n°2 relative au papier

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36

Tout d'abord, aussi favorable au développement durable que soient les valeurs de la santé et le

« primum non nocere » d'Hippocrate, il n'en demeure pas moins que le cœur de métier de l'hôpital

public reste le soin, et que dans le contexte actuel de forte contrainte budgétaire, il est normal que cette

mission fondamentale reste privilégiée et que certains arbitrages se fassent parfois au détriment du

développement durable.

Comme l’a d’ailleurs rappelé Jean-Rémy Bitaud - Directeur du projet management durable de l'AP-HP

(Assistance Publique – Hôpitaux de Paris) -, « la première préoccupation des patients est d’être bien

soignés », et il est fort à parier que très peu accepteraient que le corollaire du développement durable à

l’hôpital soit un risque accru pour les patients. Du fait du public particulièrement vulnérable qui le

fréquente, l’hôpital public ne peut donc pas appliquer les principes du développement durable « à la

lettre ».

C'est ainsi que l'usage unique est par exemple quasiment devenu la norme à l'hôpital public, à la fois

pour les dispositifs médicaux (canules d'intubation, sondes, etc), pour la vaisselle et pour certaines

tenues destinées aux patients ou au personnel. La matériel jetable à usage unique est aujourd’hui

présenté comme l’un des piliers de la sécurité des soins dans les établissements de santé, alors que

cette pratique a un lourd impact écologique tant du fait de la surconsommation de matières premières

qu’elle suppose que du point de vue de la masse de déchets qu’elle génère.

Autre exemple, la température intérieure traditionnellement retenue pour les bâtiments dits « basse

consommation » est de 19 degrés, or il est difficile de descendre en dessous de 21 degrés à l'hôpital.

Ensuite, le fait que les hôpitaux publics partagent une communauté de missions et de valeurs

avec le développement durable est certes un avantage, mais le statut « public » de ces établissements

les rend également plus complexes à piloter. Interrogé sur cet aspect, Olivier Toma - Président du

C2DS (Comité pour le développement durable en santé) -, affirme que « la structure privée facilite la

prise de décision : le service administratif des structures publiques est beaucoup plus lourd alors que

dans le privé, lorsque le manager veut décider avec son équipe, il peut le faire directement ».

Assurément, un certain nombre de contraintes administratives jouent en effet, qui ne rendent pas

toujours les choses très faciles notamment en termes de gouvernance interne et de procédures d’achat,

a par exemple expliqué Virginie Valentin, Secrétaire Générale du CHU de Bordeaux, lors de son

entretien. Elle a néanmoins nuancé ses propos en reconnaissant qu’ « il y a quand même des

établissements publics qui sont capables d’être tout a fait sur des logiques de développement durable

avec circuits courts, des aliments biologiques, etc ».

Les établissements publics, même s’ils connaissent une communauté de valeurs avec le

développement durable, n’ont donc « pas forcément la même souplesse que les établissements privés »

pour le mettre en œuvre opérationnellement, pour reprendre les termes de Jean-Rémy Bitaud. Cela ne

Page 37: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

37

rend toutefois pas le management durable impossible pour autant, mais du moins plus difficile à

manœuvrer.

Enfin, même si le poids économique et l'impact environnemental des hôpitaux publics les

invitent – tout comme les autres établissements de santé – à adopter une politique de développement

durable, la taille de ces établissements est parfois un obstacle au management durable. En effet, plus

que le statut - public ou privé – d’un établissement de santé, c’est surtout « l’effet de taille » qui

compte, ont tous les trois reconnu Virginie Valentin, Olivier Toma et Jean-Rémy Bitaud. Adopter un

plan de déplacement en entreprise est par exemple infiniment plus simple pour un petit hôpital local

monobloc que pour un CHU comme celui de Bordeaux, organisé sur plusieurs sites, dont certains sont

implantés en plein cœur du centre ville et très bien desservis par les transports en commun et les

stations de vélos partagés, tandis que d’autres, en bordure de l’agglomération, sont en queue de réseau

avec des cadencements assez longs.

Dans le même ordre d’idée, les mesures durables impliquant des procédures d’achat doivent prendre

en compte l’état de l’offre. Car si un gros établissement est capable d’influencer un marché, il est aussi

tributaire de certaines limites techniques. Il ne serait par exemple pas envisageable que l’AP-HP passe

tout à coup à l’alimentation biologique, car cela supposerait de trouver assez de matière première pour

permettre aux 80 000 repas servis chaque jour au sein de l’institution de comporter un ou plusieurs

ingrédients biologiques.

La taille des établissements ne rend donc pas le développement durable impossible à mettre en œuvre

en leur sein, mais il complexifie cependant le management durable.

Le développement durable à l'hôpital public est bien une « évidence paradoxale »,

mais même si le management durable est l'objet de plusieurs contraintes à l'hôpital public, il n’en

demeure pas moins que le développement durable est consubstantiel aux missions et au statut de ces

établissements de santé.

L’OMS et l’ONG Health Care Without Harm ont d’ailleurs publié en 2008 un rapport intitulé Healhty

hosplitals, healthy planet, healthy people43, qui part du constat que le changement climatique menace

la santé publique et que les hôpitaux y contribuent substantiellement, et donc se rendent par là même

responsables de maladies respiratoires et autres. Le rapport propose un plan en sept axes (l’efficience

43 Traduction : des hôpitaux sains, une planète préservée, des gens en bonne santé

Page 38: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

38

énergétique, l’architecture « verte », le recours à des énergies renouvelables, les transports, la

nourriture, les déchets et l’eau) pour des « hôpitaux neutres pour le climat » , Mais compte tenu de la

complexité du management durable des établissements de santé, comment les inciter à faire les efforts

nécessaires ?

1.2 Le développement durable à l’hôpital public, de la mise en

conformité à la politique volontariste

Si le développement durable est une évidence, le management durable représente donc un

véritable défi pour l'hôpital public, que celui-ci s'attelle à relever depuis quelques années. Certains

établissements ont certes été précurseurs, mais c'est bien l'évolution de la réglementation (1.2.1) et la

mise à disposition des établissements de santé d'un ensemble d'outils (1.2.2) qui a marqué un tournant

significatif dans la prise en compte du principe de durabilité par les différents établissements de santé,

ce qui n'empêche pas certains établissements publics de prendre des initiatives en matière de

développement durable et de mener des politiques volontaristes innovantes en la matière (1.2.3).

1.2.1 Les évolutions de la réglementation

Un peu comme Monsieur Jourdain, qui dans le deuxième acte du Bourgeois gentilhomme

apprend au cours d'un échange avec son maître de philosophie qu'il dit de la prose depuis longtemps

sans le savoir, les hôpitaux publics ont pratiqué le développement durable bien avant même que ne soit

inventé le terme en 1987. Les établissements de santé sont en effet animés depuis longtemps par des

principes qui font partie intégrante du développement durable (soin, prévention, éducation, bien-être),

et la réglementation les a très tôt incités à prendre en compte leur environnement naturel et humain.

1.2.1.1 L’exemple de la réglementation des déchets dits dangereux

Les activités liées aux soins de santé - qu’il s’agisse par exemple d’épreuves diagnostiques,

d'interventions chirurgicales ou de soins dits de « nursing » donnent lieu à la production de déchets,

que l’on dénomme les « déchets d’activité de soin » (DAS).

Page 39: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

39

Si à peu près 75% d'entre eux ne sont pas dangereux, ce n'est pas le cas des 25% restant qui peuvent

être infectieux, chimiques, toxiques ou encore radioactifs. Ces déchets et sous-produits dangereux

couvrent un large éventail de matériels, dont par exemple les déchets de malades infectieux, les

déchets contaminés par le sang et les dérivés sanguins, les objets pointus et tranchants, les produits

chimiques, certains produits pharmaceutiques, les produits cytotoxiques utilisés dans le traitement du

cancer et leurs métabolites, les produits radioactifs, les déchets à forte teneur en métaux lourds, etc.

Ces déchets liés aux soins de santé constituent un réservoir de micro-organismes potentiellement

dangereux susceptibles d’infecter les malades hospitalisés, les agents de santé et le grand public, mais

aussi un risque de propagation à l’extérieur de micro-organismes parfois résistants présents dans les

établissements de soins - phénomène encore mal étudié à ce jour. Les déchets et les sous-produits

peuvent également provoquer des traumatismes, par exemple des brûlures chimiques ou par radiation,

des blessures provoquées par des objets pointus ou tranchants, des intoxications et diverses pollutions.

Dès 1975, la réglementation est venue renforcer les conditions de tri, de collecte, de transport,

de stockage, de traitement et d'élimination de ces déchets, s'inscrivant ainsi, avant même le Rapport

Brundtland, dans une démarche de développement durable car protégeant le l'environnement et les

personnes (malades hospitalisés, agents de santé, personnes amenées à manipuler ces déchets mais

aussi grand public).

Toute une série de décrets et d'arrêtés sont depuis venus compléter cette loi, et les déchets d'activité de

soin dits dangereux, que ce soit en raison de risques chimiques, infectieux ou nucléaires, sont

aujourd'hui très strictement encadrés : les hôpitaux sont tenus de les éliminer en respectant les

dispositions relatives à la traçabilité, à l'entreposage, au transport et à l'élimination des déchets.

1.2.1.2 Les autres évolutions de la réglementation portant le développement

durable à l’hôpital public

A l'image de la réglementation des déchets à risque, un certain nombre de réglementations qui

ont contribué et contribuent encore à mettre les hôpitaux publics sur la voix du développement durable

ne leur sont pas propres.

Toute une série de normes techniques spécifiques, contenues notamment par le Code de la

construction et de l’habitation, garantissent par exemple l'accessibilité des établissements recevant du

Page 40: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

40

public44 - dont les hôpitaux -, tandis que le Code de la construction et de l’urbanisme fixe certaines

caractéristiques thermiques et de performances énergétiques pour les bâtiments45 et que le Code du

patrimoine édicte des règles censées protéger les monuments historiques et sites naturels, qui

s'appliquent aux établissements hospitaliers comme aux autres types de constructions. Des dispositions

existent également qui participent par exemple de le prévention de la légionellose46, de la lutte contre

le bruit47 ou encore de la prévention des risques sanitaires liés à l’environnement et au travail48 et la

qualité des eaux destinées à la consommation humaine

Du côté du volet environnemental du développement durable, les hôpitaux sont

spécifiquement concernés par diverses réglementations encadrant le traitement et la maîtrise de la

qualité de l'air49, l'installation de climatisation et la prévention et lutte contre les fortes chaleurs50 ou

encore la gestion des eaux usées.51 Le second Plan national de santé environnemental (PNSE) prend

notamment en compte les orientations du Grenelle de l’environnement, par exemple en matière de

qualité sanitaire des matériaux et d’amélioration de la gestion des effluents hospitaliers.

Mais les hôpitaux sont également concernés par des dispositifs plus généraux, qui les amènent à faire

des efforts en matière de développement durable. Notamment, vingt-deux établissements (il s'agit

généralement d'établissements de grande taille, de type CHU), sont concernés, comme les autres

acteurs économiques, par le plan national des quotas d’émission de CO2. En cas de dépassement des

quotas alloués, les établissements peuvent racheter ou bien échanger leurs quotas. Les hôpitaux sont

44 Entre autres l'arrêté du 31 mai 1994 fixant les dispositions techniques destinées à rendre accessibles aux personnes handicapées les établissements recevant du public et les installations ouvertes au public lors de leur construction, leur création ou leur modification et le décret n° 2009-500 du 30 avril 2009 relatif à l'accessibilité des établissements recevant du public et des bâtiments à usage d’habitation. 45 Code de la construction et de l’urbanisme – Construction des bâtiments – Caractéristiques thermiques et performances énergétiques : articles L.111-9 à L.111-10-1 et R.111-20 à R-111- 21-1 ; Diagnostic de performance énergétique : articles L.134-1 à L.134-5 et R.131-25 à R.131-28. 46 Circulaire DGS/VS 4 n° 98-771 du 31 décembre 1998 relative à la mise en œuvre de bonnes pratiques d'entretien des réseaux d'eau dans les établissements de santé et aux moyens de prévention du risque lié aux légionelles. 47 Loi du 31 décembre 1992 relative à la Lutte contre le bruit. 48 Code de la Santé Publique – Prévention des risques sanitaires liés à l’environnement et au travail – Lutte contre la présence de plomb ou d’amiante : Articles. L. 1334-1 à L. 1334-13. Code de la Santé Publique - Lutte contre la présence de plomb ou d’amiante – Exposition à l’amiante dans les immeubles bâtis : 49 Norme NF S 90-351 de juillet 2003 relative à l’installation de traitement et de maîtrise de l'air dans les établissements de santé. 50 Décret n° 2005-778 du 11 juillet 2005 relatif aux conditions techniques de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les établissements de santé pour les rafraîchissements de l’air des locaux. 51 Circulaire n° 429 du 8 avril 1975 relative à la gestion des eaux usées des établissements de santé avant élimination dans les canalisations communales.

Page 41: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

41

par ailleurs tous priés de s’aligner sur la directive nationale qui prescrit une baisse de 20% des

émissions de CO2 d’ici à 2020.

Les établissements hospitaliers sont également concernés par un certain nombre de règles plus ou

moins contraignantes concernant la santé au travail. Le Code de la Santé Publique s'applique par

exemple à eux en ce qui concerne la radioprotection et la prévention au risque d'exposition aux

rayonnements ionisants52, tandis que le Plan Santé au Travail 2010-2014 a pour objectif de

développer la santé et le bien-être au travail, et d’améliorer les conditions de travail, ce qui est un

facteur de progrès économique et social. Pour finir, le pilier social du développement durable est

également imposé d'une certaine manière aux hôpitaux publics, qui doivent payer des amendes s'ils

n'atteignent pas une cible de 6% de travailleurs handicapés parmi leur masse salariale.

1.2.1.3 Le développement durable dans la certification des établissements de

santé

La certification des hôpitaux à laquelle procède régulièrement la Haute autorité de santé

(HAS) a pour objectif de concourir à l’amélioration de la prise en charge des patients dans les hôpitaux

et cliniques sur l’ensemble du territoire français. Elle consiste en une auto –évaluation, suivie d’une

visite réalisée par des professionnels de santé extérieurs à l’établissement (experts visiteurs) et intègre

un dispositif de suivi qui vise à conforter l’engagement des professionnels de l'établissement dans une

démarche qualité durable.

La certification est donc par essence très liée à l'état d'esprit du développement durable. Mais depuis

l’adoption le 9 décembre 2008 du nouveau référentiel « V2010 », le développement durable est intégré

dans les critères de certification des établissements de santé grâce à un volet « management du

développement durable », qui se décline en 8 critères, dont la liste figure dans le tableau ci-dessous.

De manière moins restrictive que ces quelques critères forcément réducteurs, la HAS estime

également que « le développement durable est un principe directeur » et que « les établissements ne

doivent pas s’empêcher de se questionner sur le développement durable à travers les autres critères ».

52 Code du travail – Hygiène, sécurité et conditions de travail – Prévention du risque d’exposition aux rayonnements ionisants : Articles L.4451-1 à L.4451-2. Décret n° 2001-215 du 8 mars 2001 modifiant le décret n° 66-450 du 20 juin 1966 relatif aux principes généraux de protection contre les rayonnements ionisants.

Page 42: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

42

Référence 1 – la stratégie de l’établissement

Critère 1b Engagement dans le développement durable

Référence 3 – la gestion des ressources humaines

Critère 3d Qualité de vie au travail

Référence 6 – la gestion des fonctions logistiques et des

infrastructures Critère 6f

Achats éco-responsables et approvisionnements

Critère 7a Gestion de l’eau

Critère 7b Gestion de l’air

Critère 7c Gestion de l’énergie

Critère 7d Hygiène des locaux

Référence 7 – la qualité et la sécurité de l’environnement

Critère 7e Gestion des déchets

La certification tient donc compte du management durable depuis peu, ce qui, de l’avis des

différentes personnes interrogées dans le cadre de ce mémoire, a constitué un formidable effet levier

dans l’adoption par les établissements de santé d’une politique « durable ».

L’introduction du volet « management du développement durable » au nouveau référentiel de la HAS

prend cependant en compte les difficultés des établissements de santé à se conformer aux nouveaux

objectifs fixés. La HAS précise ainsi sur son site internet que « les décisions de certification

concernant les critères relatifs au développement durable tiendront compte du caractère novateur des

exigences qui s’y rapportent. » Autrement dit, la HAS fait pour l’instant preuve de clémence sur ces

critères, ce que Yasmina Sami, Chef de mission « développement durable » à la HAS, a d’ailleurs

confirmé en privé lors de son entretien et à nouveau à l’occasion du « Développement durable en

établissement de santé » du 5 avril 2011 devant des centaines d’acteurs hospitaliers.

Figure 2- Récapitulatif des critères de management durable dans le nouveau

référentiel de la HAS

Page 43: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

43

1.2.1.4 La convention du 27 octobre 2009 portant engagements mutuels dans le

cadre du Grenelle de l’Environnement avec les fédérations hospitalières

Comme le rappelle le dossier de presse distribué à l’occasion de la signature de la convention

du 27 octobre 2009, le Grenelle Environnement impose l’implication de tous les acteurs : au-delà de

l’adoption des mesures législatives des différents projets de loi, son succès repose donc également sur

la mobilisation des acteurs économiques, notamment sous forme d’engagements pris volontairement

par les secteurs professionnels.53

Les conventions qui en résultent, intitulées « conventions sur les engagements pris par des secteurs

professionnels dans le cadre du Grenelle Environnement » ou plus simplement « Conventions

d’engagements Grenelle », sont une forme d’engagement particulier qui constituent la feuille de route

d’une profession ou d’un secteur donné. Elaborées en lien étroit avec le ministère du développement

durable, elles ont donc pour objet l’appropriation, la déclinaison et la démultiplication des mesures

non réglementaires du Grenelle. Elles peuvent également anticiper l’application de mesures

réglementaires mais ne se substituent pas à ces mesures ni à toute autre évolution réglementaire.

Comme beaucoup d’autres acteurs, les établissements hospitaliers ont donc leur « Convention

d’engagement Grenelle », signée le 27 octobre 2009.

Les fédérations hospitalières ont donc souhaité formaliser leur engagement dans une démarche de

développement durable par la signature d’une convention. Tout comme le nouveau référentiel de la

HAS, ce texte ambitieux a pour but de donner un signe fort d’encouragement aux établissements déjà

engagés et pionniers mais également d’inciter les autres à s’interroger et à modifier leurs pratiques. Le

dossier de presse distribué à l'occasion de la signature de la convention précise en effet que

« l’engagement des ministères du développement durable et de la santé, ainsi que de l’ADEME, aux

côtés de ces deux fédérations hospitalières constitue une reconnaissance des efforts importants

accomplis en matière de développement durable par un certain nombre d’établissements et une

invitation pour ceux qui ne se sont pas encore engagés, à une prise de conscience de leur impact

social et environnemental »54

53 MINISTERE DE L’ECOLOGIE, DE L’ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER, MINISTERE DE LA SANTE ET DES SPORTS, Dossier de presse : signature de la convention portant engagements mutuels dans le cadre du Grenelle Environnement avec les fédérations hospitalières, page 11 54 MINISTERE DE L’ECOLOGIE, DE L’ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER, MINISTERE DE LA SANTE ET DES SPORTS, Dossier de presse : signature de la convention portant engagements mutuels dans le cadre du Grenelle Environnement avec les fédérations hospitalières, page 2

Page 44: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

44

La convention établit clairement le développement durable comme un élément stratégique de l’activité

et du fonctionnement des hôpitaux. Son objectif est notamment d’intégrer les enjeux du

développement durable dans les pratiques professionnelles des acteurs de santé et de prendre en

compte systématiquement ces enjeux dans l’évaluation des projets et dans les processus de décision,

mais ne s’y réduit pas. La convention évoque aussi par exemple l’intégration des critères de

« performance développement durable » dans le management, l’amplification du programme de

formation et les actions de sensibilisation, et une nouvelle prise en compte par les établissements de

santé de leur territoire d’installation et d’influence dans le cadre d’un dialogue renforcé avec les

acteurs locaux.

Le Grenelle de l’environnement a donc eu un impact sur les hôpitaux publics du fait de la

convention du 27 octobre 2009, mais également grâce à la circulaire du 3 décembre 2008 relative à

l’exemplarité de l’Etat au regard du développement durable, adoptée quelques semaines après le

Grenelle de l’environnement, et qui concerne également les hôpitaux publics.

De même, des décrets de décembre 2008 ont amendé.le Code des marchés publics entré en vigueur le

1er septembre 2006 de manière à permettre aux personnes publiques d’assurer pleinement dans leurs

commandes leur responsabilité sociale et environnementale55.

Les récentes évolutions de la réglementation s’appliquant aux hôpitaux publics et les nouvelles

règles de certification de la HAS invitent donc logiquement les établissements publics de santé à

adopter un management durable de leurs politiques, à la fois en les y obligeant, en les y incitant et en

leur en donnant les moyens.

55 MAES Chantal, VERNET Barbara, « Développement durable et établissements de santé : une dynamique européenne et nationale relayée et soutenue par les acteurs de santé », TECHNIQUES HIOSPITALIERES n°719, pages 47 à 49

Page 45: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

45

1.2.2 Les outils accompagnant les hôpitaux dans leur

aspiration à un management plus durable

Tout une série de dispositifs sont mis à la disposition des hôpitaux publics, amenés à relever le

défi du management durable. Il s'agit tout d'abord d’outils d’aide à l'évaluation (1.2.2.1), à

l’information et à la prise de décision (1.2.2.2), mais également d'outils d’aide à la mise en œuvre

(1.2.2.3).

1.2.2.1 Les outils d’aide à l'évaluation

Tout d’abord, il est important d’évaluer la situation d’un établissement pour à la fois

déterminer un plan d’action et pouvoir mesurer et contrôler sa mise en œuvre. Si chaque établissement

établit bien sûr ses propres indicateurs, deux outils existent au niveau national, qui permettent des

comparaisons.

Il s’agit notamment de « l’indicateur durable de santé », auto-diagnostic développé au sein du

C2DS (Comité du développement durable en santé) par un groupe de travail composé d'experts et de

directeurs d'établissements adhérents. Il comporte 350 critères qui balisent de manière exhaustive les

domaines fondamentaux du développement (humains, environnementaux et économiques), pour une

meilleure santé.

C'est un outil managérial qui fonctionne comme un tableau de bord fait d'indicateurs permettant

d'évaluer, de mesurer et d'encourager les progrès des actions mises en œuvre par l'établissement. Mis

gratuitement à la disposition des professionnels de santé, il est aujourd’hui adopté par près de 750

établissements de santé, ce qui en fait un observatoire national qui permet à chacun de produire les

indicateurs nécessaires pour se situer dans son action.

Le baromètre du développement durable en établissement de santé est un autre indicateur qui

permet d’obtenir une photographie des actions éco-responsables entreprises par les hôpitaux, et évalue

la perception des enjeux d’un nouveau mode de fonctionnement.

Crée en 2008, il est mentionné par la convention du 28 octobre 2009 dont le principe numéro 1

est d’« évaluer objectivement la performance [des établissements de santé] en matière de

développement durable » et qui précise que « les fédérations s’engagent à quantifier leurs progrès en

Page 46: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

46

s’appuyant sur des indicateurs mesurables, opposables et évaluables concentrés dans le Baromètre du

développement durable dans les établissements de santé, conçu par un comité de professionnels de la

santé, des fédérations hospitalières et un représentant du Ministère de la santé, de l’ADEME, avec le

concours de l’EHESP » .

Evaluant la pénétration de la démarche « développement durable » au sein des établissements de santé

par le taux de participation au baromètre et par l’amélioration progressive des pratiques.interrogées, il

permet également à chaque établissement de se situer par rapport aux autres et d’identifier ses axes

d’amélioration.

Chaque année, les établissements les plus avancés sur la voie du développement durable sont mis à

l’honneur lors de la remise du « DDH Awards » organisée par le groupe PG promotion, société de

communication spécialisée dans le domaine hospitalier.

1.2.2.2 Les outils d’aide à l’information et à la prise de décision

Evaluer pour évoluer est donc important, à condition d’avoir les moyens de trouver des

solutions à partir du diagnostique établi. C’est le rôle de nombreuses structures qui informent et

accompagnent les établissements de santé dans leur mise en œuvre du développement durable.

Tout d’abord, la FHF (Fédération hospitalière de France) joue un rôle de conseil face aux

nombreux problèmes concrets qui peuvent survenir dans la vie quotidienne d’un établissement public

de santé, dont celles qui concernent le développement durable. Elle met notamment à disposition de

ces structures de nombreux outils comme son site internet et sa revue spécialisée Techniques

Hospitalières, qui dans chaque numéro, publie des brèves ou des articles sur l’environnement et le

développement durable.

Les établissements de santé désireux d’élargir leurs sources d’information peuvent également trouver

toutes les informations dont ils sont besoin auprès de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la

maîtrise de l’énergie) de leur région, ou encore du C2DS (Centre du développement durable en Santé),

qui publie d’ailleurs chaque année un Guide des pratiques vertueuses dont les établissements peuvent

s’inspirer.

De nombreux évènements sont également régulièrement organisés qui permettent de

s’informer et d’échanger sur le management durable. Depuis 2006, le rendez-vous professionnel

Page 47: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

47

biennal Hopital Expo dédie un espace spécifique à la thématique, « la bulle du développement

durable », et un prix du stand éco-responsable est même traditionnellement décerné.

Les colloques se multiplient également sur la question. Les 22 et 23 mars 2007, l’ADH (Association

des directeurs d’hôpital) a par exemple organisé un colloque intitulé « performance hospitalière et

développement durable », puis PG promotion un autre colloque intitulé « Grenelle de l’Environnement

à l’hôpital, quels enjeux ? Quelle mise en œuvre ? » en 2009. Les colloques professionnels

(pharmaciens, hygiénistes, laboratoires) sont également de plus en plus nombreux.

Ces évènements donnent souvent lieu à des partages d’expérience, qui sont l’occasion de présenter des

projets et des réalisations présentés par les établissements déjà engagés dans la démarche de

développement durable et donc de prouver leur faisabilité, et qui permettent également aux

participants qui souhaitent s’engager dans une démarche de développement durable de découvrir des

exemples de solutions concrètes.

1.2.2.3 Les outils d’aide à la mise en œuvre

Enfin, une fois les axes de progression définis et les moyens d’action arrêtés, les

établissements de santé peuvent également compter sur des aides à la mise en œuvre de ces solutions.

Ces aides peuvent être financières, comme celles que met en œuvre le Plan hôpital 2012. Ce

plan de 5 milliards d’euros oriente en effet les investissements immobiliers, notamment les projets de

construction ou de rénovation des bâtiments,, dans la logique du développement durable : l’éligibilité

des projets porte tout autant sur la capacité à résoudre des questions techniques qu’à s’inscrire dans un

véritable processus d’assurance de la qualité environnementale.

L’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) apporte aussi une aide

financière mais également une aide à la décision, de l’expertise et de l’assistance aux hôpitaux qui

entrent en contact avec ses délégations régionales. Elle met notamment à la disposition des acteurs un

certain nombre d'outils pédagogiques, et Virginie Valentin, Secrétaire Générale du CHU de Bordeaux

et en charge de la politique de développement durable de l'institution, a par exemple expliqué lors de

son entretien se servir de « Clic ADEME », un CD-Rom contenant de multiples images, messages,

affiches types, et destinés à produire des documents de communication interne. Cet outil, a-t-elle

déclaré, « est intéressant car il n'est pas hyper personnalisé 'santé'. Il est facilement utilisable par

n'importe qui, et permet même de co-élaborer des documents en groupe de travail ».

Page 48: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

48

Les établissements de santé prennent donc de plus en plus en compte le développement

durable dans leur fonctionnement, à la fois du fait de l’évolution de la règlementation et de la kyrielle

d’outils et d’aides mis à leur disposition. Mais il arrive également que les hôpitaux publics fassent

preuve d’initiatives volontaristes innovantes.

1.2.3 Les initiatives volontaristes innovantes des hôpitaux

publics

De récentes controverses montrent que les établissements de santé, à l’instar des entreprises

privées, sont désormais interpellés par leurs parties prenantes, celles-ci faisant pression pour qu’ils

agissent et rendent compte de leurs initiatives relatives au développement durable. S’en tenir au strict

respect de la réglementation applicable ne suffit donc plus.

Certains hôpitaux publics prennent donc l’initiative d’aller plus loin que leurs simples

obligations en matière de développement durable, et mettent parfois en œuvre des politiques

particulièrement innovantes.

Le CHU de Rouen est par exemple particulièrement innovant sur les questions de déplacement, et

suite à une enquête PDE (Plan de déplacement en entreprise) en 2009, a proposé à tous ses agents un

stage d’éco-conduite. La création d’un parking inter-site garanti aux agents des autres sites du CHU,

en poste à temps partiel sur le site principal saturé, de trouver une place à toute heure par un simple

système de réservation et de jetons. Une convention a été signée entre la communauté d’agglomération

et le CHU, qui permet de proposer des tarifs très attractifs pour les abonnements aux transports en

commun avec un total de prise en charge à 65%, et l’agglomération a participé financièrement à

l’achat de vélos à assistance électrique et de vélos pliants. Le recours à la visioconférence a également

été généralisé.56

D’autres établissements (les CHU de Bordeaux et de Brest par exemple) ont choisi de mener à bien

des projets d’Agenda 2157, ou encore d’adopter des mesures innovantes en matière d’économies

56 AUTARD Marie-Laure, « Développement durable : des comportements citoyens à l’hôpital », GESTIONS HOSPITALIERES, n°498, pages 457 à 462 57 L'Agenda 21 est un plan d'action pour le XXIème siècle adopté par 173 chefs d'État lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992. Avec ses 40 chapitres, ce plan d'action décrit les secteurs où le développement durable doit s’appliquer dans le cadre des collectivités territoriales mais également par des entreprises, des collèges ou des lycées, et même des hôpitaux. Il formule des recommandations dans des domaines aussi variés que la pauvreté, la santé, le logement, la pollution de l’air, la gestion des mers, des forêts et des montagnes, la gestion de l’eau, de l’agriculture et la gestion des déchets.

Page 49: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

49

d’énergie ou de production d’énergie renouvelable, de valorisation des déchets, de gestion durable des

ressources humaines, de bien-être des patients ou encore de gestion des espaces verts.

*

* *

Trouver le meilleur compromis entre les impératifs de bien être des patients et du personnel

soignant, les besoins fonctionnels (réglementation, technique, usage) et l’équilibre économique est

déjà le quotidien des établissements de santé. En affichant son désir de relever les grands défis

environnementaux et sociaux de notre société, le secteur hospitalier ne se simplifie pas la tâche, mais

habitué à croiser de multiples exigences et contraintes souvent contradictoires, à penser à la fois à

court et à long terme et à positionner les hommes au cœur de ses actions, l’hôpital est déjà bien engagé

dans la logique du développement durable, parfois même sans le savoir.

Or cette démarche de développement durable ne doit vraiment pas être uniquement perçue comme un

effort supplémentaire à fournir. Elle est également source d’externalités positives, au rang desquelles

les économies permises par les économies d’énergie, une ambiance de travail améliorée, ou encore le

fait d’être moins vulnérables aux coupures d'éléctricité en cas de catastrophe naturelle pour les

établissements ayant opté pour la production durable d’énergie.

A présent que le contexte de la mise en œuvre du développement durable dans les hôpitaux

publics est appréhendé, il s’agit de se concentrer sur un cas pratique, qui permettra de réellement saisir

la complexité de la mise en œuvre du développement durable au quotidien dans les services

hospitaliers.

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50

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51

2. Cas pratique : l’impulsion du

management durable à l’AP-HP

et l’exemple des déchets

infectieux et de la filière carton

« Il faut créer l’action, parce que l’action crée le mouvement et que le

mouvement entraîne les individus »

Christian le Guillochet

Directeur de théâtre, auteur et artiste dramatique

La première partie de ce mémoire a démontré que le management durable est un défi pour les

hôpitaux publics. Mais elle a également souligné à quel point il est important que ces établissements

« fassent leur part », à la fois parce que l’action de chacun est nécessaire, mais également parce

qu’une communauté de pensée existe entre développement durable et établissements de santé. Et enfin

parce que d’une part les établissements de santé sont aujourd’hui responsables de beaucoup

d’externalités négatives (nuisances, pollutions), et que d’autre part ils ont à en traiter les conséquences

au quotidien en tant qu’établissement de santé.

Analyser comment ce défi se manifeste en pratique et dans quelle mesure il est possible de le relever

nécessite de ne pas se contenter d’analyses générales, mais bien de constater la réalité du terrain, et les

difficultés auxquelles sont quotidiennement confrontés les acteurs de l’hôpital pour y faire face. C’est

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52

bien le but de cette partie, qui se veut pratique et illustrative, et rend compte d’un travail de terrain

effectué au sein de l’AP-HP (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris).

Méthodologie

La phase d’observation s’est déroulée d’avril à juin 2011, à l’occasion d’un stage au siège de

l’AP-HP, dans le Département de la politique logistique (DPL). Plusieurs types de méthodes ont été

utilisées.

Tout d’abord, la réalisation d’entretiens semi-directifs avec les principaux protagonistes de la

politique du développement durable et des déchets a permis de saisir le cadre général. Ont notamment

été interrogés Pascal Hoop - Directeur de stage et chef du Département de la politique logistique -,

Didier Cazejust - Directeur adjoint au Secrétariat général en charge du patrimoine, de la logistique et

du logement -, Jean-Rémy Bitaud (annexe n°1) - Directeur du projet « Management durable » de

l’AP-HP, et Catherine Chevalier, Ingénieur environnement dans le département de Pascal Hoop.

Une fois l’esprit général de la politique de management durable de l’institution intégré, le travail s’est

porté sur des visites techniques visant plusieurs sites dont la gestion des déchets représentait un enjeu

spécifique, soit du fait de la dangerosité particulière des déchets produits – à l’AGEPS (Agence

Générale des Equipements et Produits de Santé) notamment -, soit du fait de difficultés majeures

rencontrées sur certains sites, qui pour des raisons de confidentialité seront ici anonymisés.

Les visites ont premièrement porté sur le tri à la source des déchets, et donc sur les pratiques

professionnelles, et plusieurs demi-journées ont ainsi été passées dans les services (trois demi-journées

dans les services de réanimation de trois hôpitaux, une demi-journée dans un bloc de neurochirurgie

pour suivre l’enlèvement d’un gliome frontal et dans un bloc d’orthopédie, et enfin une demi-journée

en salle de naissance). Ces phases d’observation directe, analysées au moyen de grilles d’observation

du tri des déchets d’activité de soins (annexe n°2), ont été complétées par des questionnaires d’auto-

évaluation (annexe n°3) remplis par les personnels des services concernés.

Les visites ont ensuite porté, pour les trois mêmes hôpitaux, sur l’entreposage des déchets, très

strictement encadré par un arrêté du 7 septembre 1999, en se basant aussi bien sur des critères

règlementaires (annexe n°4) que sur des critères de sécurité et de fonctionnalité (annexe n°5)

En parallèle, il a été procédé à une enquête par questionnaire (annexes 6 et 7) portant sur la perception

que les managers hospitaliers ont du développement durable, et soumis par téléphone aux douze

directeurs de groupes hospitaliers (GH) que compte l’AP-HP (dans quelques cas, les responsables de

Page 53: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

53

GH étant très occupés, ce sont des adjoints qui se sont prêtés à l’entretien à leur place). La grille a été

convenablement testée avant l’enquête.

La première partie de ce mémoire a rappelé que les avancées enregistrées dans les hôpitaux

publics en terme de développement durable étaient à la fois le fruit d’évolutions de la réglementation

et d’initiatives volontaristes de certains hôpitaux. Après avoir précisé le contexte de la politique de

management durable de l’AP-HP (2.1), il s’agira donc d’étudier un exemple de ces deux situations.

Tout d’abord, la réflexion se concentrera sur la problématique des déchets d’activité de soin à risque

infectieux (DASRI), dont la gestion est étroitement encadrée par la loi (2.2.2). Puis l’analyse se

portera sur la filière carton, qui relève quant à elle d’une initiative volontariste de l’AP-HP (2..2.3).

2.1 L’engagement progressif de l’AP-HP dans une démarche de

développement durable

L’AP-HP a été un terrain d’étude privilégié, car la spécificité et la taille de l’institution y

rendent le management durable particulièrement délicat (2.1.1), ce qui n’empêche pas le siège

d’impulser une véritable politique transversale en la matière depuis quelques années (2.1.2).

2.1.1 Une institution dont la singularité ne favorise pas le

management durable

En tant qu’établissement public de santé, l’AP-HP est confrontée aux mêmes difficultés que les

autres hôpitaux publics dans sa mise en œuvre du développement durable. S’ajoutent à cela d’autres

difficultés spécifiques ou particulièrement exacerbées à l’AP-HP : la problématique de la taille de

l’établissement, poussée à son paroxysme (2.1.1.1), l’hétérogénéité des différents sites que compte de

l’institution (2.1.1.2), et enfin le contexte actuel de restrictions budgétaires et de réorganisation, estimé

par la plupart des personnes interrogées comme étant particulièrement contraignants pour le

management durable (2.1.1.3).

Page 54: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

54

2.1.1.1 La problématique de la taille poussée à son paroxysme

La première partie de ce mémoire a souligné que plus encore que le statut public ou privé d’un

établissement de santé, c’est sa taille qui constitue souvent une contrainte supplémentaire pour le

management durable. Or à l’AP-HP, la problématique de la taille est poussée à son paroxysme, ce que

ces quelques chiffres tirés des plaquettes de communication de l’institution démontrent58 :

L’AP-HP, c’est en effet 37 hôpitaux regroupés en 12 groupes hospitaliers (GH), organisés depuis

janvier 2007 en 720 services médicaux et en 176 pôles, et représentant 52 disciplines médicales. Au

total, la structure offre environ 22 500 lits, ainsi que 1700 places d’hospitalisation de jour

(chimiothérapie, dialyse, rééducation…) et 820 places d’hospitalisation à domicile.

On imagine aisément que la gestion du flux annuel de patients et des milliers de fiches de paie

établies chaque mois est assez lourde, et que la moindre mesure nouvelle suppose des ajustements

conséquents.

L’AP-HP accueille en effet chaque année plus de 6 millions de patients, dont 1 million de prises en

charge en court séjour, 4,686 millions de consultations. Elle reçoit de surcroît 1 million d'urgences par

an - soit en moyenne une toutes les 29 secondes -, et 36 000 naissances y ont lieu chaque année.

L’AP-HP, c’est également des dépenses annuelles de personnel de 3,98 milliards, sur un budget total

d’environ 6,5 milliards. L’institution emploie en effet plus de 90 000 personnes, dont 20 000 médecins

et 16 700 infirmiers.

Si l’on se concentre sur une approche plus « environnementale » du développement durable,

on constate également l’ampleur de la tâche, puisque le service central des blanchisseries de l’AP-HP

gère chaque jour plus de 60 tonnes de linge, que 32 millions de repas sont servis par an, et que les

activités de l’institution génèrent par ailleurs annuellement plus de 46 800 tonnes de déchets.

L’impact environnemental de l’AP-HP est donc très conséquent, d’autant plus que du côté immobilier,

l’AP-HP représente plus de 3,5 millions de m² de bâtiments hospitaliers, répartis sur 460 hectares, et

donc autant de surfaces à chauffer. En plus de ces bâtiments réservés au soin, l’institution est le 4ème

58 AP-HP, L’AP-HP, une institution de référence : proximité, modernité, excellence et Faits et Chiffres

Page 55: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

55

propriétaire foncier d’Ile de France, et gère un patrimoine très étendu et diversifié implanté sur 29

départements en France métropolitaine et 127 communes.

Le défi est donc d’ampleur à l’AP-HP, et une simple mesure de développement durable

nécessite une logistique importante pour être déployée. Mais le corolaire est que l’impact de ces

mesures est lui aussi quantitativement important, et que l’effet de levier à la clef est donc prometteur et

motivant.

2.1.1.2 L’hétérogénéité de l’institution

La grande hétérogénéité de l’institution est un défi supplémentaire que la spécificité de l’AP-

HP pose au management durable. Et cette hétérogénéité s’exprime dans différents domaines, de la

conception architecturale des différents bâtiments aux activités qui y sont pratiquées.

Au niveau architectural tout d’abord, l’AP-HP compte des bâtiments à l’ancienneté et à la

configuration très diverses, dont les enjeux en terme de « développement durable » ne sont pas les

mêmes. L’hôpital Lariboisière a par exemple été conçu selon les principes architecturaux et

fonctionnels prônés dès la fin du XVIIIe siècle (segmentation des bâtiments indépendants mais reliés

par des galeries, refus des grandes concentrations, attention portée aux problèmes de ventilation, etc)

Quant à l’hôpital pédiatrique de Trousseau (1901), il répond à la catégorie des « hôpitaux

pavillonaires », car la découverte de la transmission des germes est venue entre temps révolutionner la

conception hospitalière, et favoriser les compositions architecturales mieux intégrées dans leur

environnement, avec notamment des hôpitaux conçus comme de petits quartiers ou même des cités-

jardins.

A l’opposé, les hôpitaux de la première moitié du XXe siècle ont été conçus après les premières

grandes victoires contre la contagion hospitalière, venues remettre en cause le principe de l'isolement

et de la limitation des étages. La découverte des antibiotiques a progressivement eu raison des

hôpitaux villas, et à Beaujon (1932) par exemple, les pavillons se superposent pour donner naissance

aux niveaux. C’est l’ère de l'hôpital bloc, qui s’intègre certes souvent moins bien dans son

environnement mais est par exemple plus facile à chauffer.

Suit l’ère des bâtiments très fortement technologiques comme Henri Mondor (1969) ou encore

Antoine Béclère (1971), qui succèdent à la réforme hospitalo-universitaire de 1958 qui fait de l'hôpital

un lieu de soins, de recherche et d'enseignement. Enfin, après les années 1980, les architectures sont

davantage conformes à « l’esprit » du développement durable, puisque, les concepteurs d'hôpitaux

Page 56: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

56

tentent de concilier la fonctionnalité et l'humanisation. Ils choisissent par exemple de prolonger la ville

dans l'hôpital en organisant les fonctions le long d'une vaste rue intérieure, comme à l’hôpital Robert

Debré (1982), où un soin particulier est apporté à l'ambiance interne et à l'éclairage naturel. Ou encore

d’imaginer un ensemble de bâtiments reliés les uns aux autres par des cours intérieures, comme à

l’hôpital européen George Pompidou (2001), qui s’organise autour d’une rue hospitalière piétonne

couverte d'une verrière reliant les trois entrées de l'établissement, et s'appuie sur quatre principes

majeurs : ouverture, fonctionnalité, confort, sécurité.

L'hétérogénéité de l'AP-HP concerne également la situation géographique des différents sites.

Plus de mille kilomètres séparent en effet le site de Berck dans le Pas de Calais du site de Hendaye,

dans les Pyrénées Atlantiques. Outre l'éloignement, les différences de situations locales jouent

également. La problématique n'est en effet pas du tout la même pour les hôpitaux situés en plein cœur

de Paris qui connaissent des problématiques de surface – qui compliquent l'entreposage et la mise en

place de nouvelles filières déchet - mais sont souvent très bien desservis par les transports en commun,

et les hôpitaux situés dans des zones moins densément construites et desservies.

Enfin, les activités des différents hôpitaux sont également très variées, et ne posent pas les

mêmes problématiques. Les sites dont les activités MCO (médecine – chirurgie – obstétrique)

représentent entre 0 et 10% de l'activité totale (12 sites sur 37) sont par exemple beaucoup moins

consommateurs d'énergie par lit, et de matériel à usage unique et donc en moyenne moins producteurs

de déchets que les sites axés sur une activité de court séjour et dont 60% à 100% de l'activité est

médicale, chirurgicale ou obstétrique.

L’AP-HP compte également des sites très spécialisés et dont les problématiques en termes de

développement durable sont donc tout à fait spécifiques. C’est le cas par exemple de l’AGEPS

(Agence Générale des Equipements et Produits de Santé), chargée de l’évaluation et de l’achat des

produits de santé utilisés par les 37 hôpitaux de l’institution, mais également de la recherche, de la

fabrication et du contrôle de médicaments indispensables mais non proposés par l’industrie

pharmaceutiques, souvent parce qu’ils concernent des maladies rares et ne sont donc pas jugés

rentables par les laboratoires pharmaceutiques. L’AGEPS génère par exemple des déchets chimiques

particulièrement toxiques, ainsi que des déchets anatomiques, puisque l’école de chirurgie de l’AP-HP

y est rattachée fonctionnellement. L’AP-HP comprend également deux sites de blanchisserie, dont

l’activité et l’organisation du travail correspondent à une activité industrielle.

Page 57: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

57

Enfin, les sites purement administratifs, comme c’est le cas du siège situé en face de l’Hôtel de ville à

Paris, représentent également un enjeu tout autre du point de vue environnemental : il est vide la nuit,

ne produit pas de déchets infectieux, etc.

2.1.1.3 Le contexte budgétaire et la réorganisation de l’AP-HP

Outre le gigantisme et la grande hétérogénéité de l'institution, le contexte actuel est également

très peu propice au développement durable à l'AP-HP, du fait à la fois des restrictions budgétaires et

de la réorganisation de l'AP-HP en cours.

Avec un déficit de plus de 96 millions d'euros en 2009, l'AP-HP a en effet annoncé en janvier

2010 un plan d'économie qui vise à économiser entre 90 et 100 millions d'euros par an d'ici 2012 dans

l'optique de parvenir à l'équilibre budgétaire, et qui repose notamment sur la suppression de 3000 à

4000 postes.

Or la contrainte financière a été brandie comme le principal obstacle au développement durable par la

quasi totalité des directeurs de groupements hospitaliers interrogés: « Il y a bien une limitation

financière: les dotations du plan de travaux ont été divisées par cinq et celles du plan d’équipement

par quatre.» a expliqué l'un d'entre eux, d'autres directeurs reconnaissant également que « le contexte

budgétaire actuel ne facilite pas forcément la rencontre des deux problématique » ou encore que « le

développement durable est une problématique importante mais [qu']en même temps, dans une logique

de décroissance des ressources, c'est très compliqué d'en faire un principe clé ».

Jean-Rémy Bitaud, le directeur du projet « management durable » de l’AP-HP, a d’ailleurs lui-même

précisé que « le frein est la problématique économique : c’est le pilier qu’on nous oppose le plus

souvent, c’est celui sur lequel tout n’est pas si simple ».

En plus des restrictions budgétaires, l'AP-HP est également actuellement sujette à de

nombreuses réorganisations internes. La création de 12 groupes hospitaliers a notamment été finalisée

en novembre 2010 et devrait être pleinement opérationnelle à l'horizon 2011, et doit permettre un

meilleur pilotage de l'institution, une meilleure visibilité pour la population et les professionnels de

santé et une cohérence accrue sur le plan des filières de soins et de leur ancrage territorial.

Par ailleurs, d'ici à 2020, l'AP-HP pourrait réduire de quelques sites le nombre de ses hôpitaux. De

nombreuses réorganisations sont envisagées, dont le regroupement des services de chirurgie de

Page 58: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

58

l'Hôpital Cochin et de l'Hôtel Dieu, ou encore les services ORL de l'Hôpital Saint-Louis et de

Lariboisière.

Ces réorganisations sont aussi de nature à détourner les acteurs hospitaliers de l’objectif du

développement durable, car elles sont très chronophages et demandeuses d’attention et d’énergie. L'un

des directeurs de GH interrogé a ainsi déclaré : « pour être très honnête, je suis en ce moment

franchement plus concentré sur des grosses réorientations stratégiques que sur la question du

développement durable ».

Egalement, les réorganisations entraînent des ajustements en termes de ressources humaines, peu

favorables au management durable. Un directeur de groupe hospitalier a ainsi affirmé que « la

constitution des groupes hospitaliers et les suppressions de postes amènent à repositionner des agents,

parfois sur des thèmes qu'ils ne maîtrisent pas ». De surcroît, certains postes de management sont

dorénavant centralisés au niveau du groupe hospitalier et non plus au niveau des sites, ce qui permet

de réduire les effectifs, mais pose des problèmes au niveau du suivi sur le terrain des activités, puisque

les personnes en question doivent en permanence se partager entre plusieurs sites. Cela pose d’ailleurs

également un problème en termes de conditions de travail, car l'objectif de maîtrise de la masse

salariale génère des suppressions de poste avec report de la charge de travail.

De nombreux obstacles existent donc à la conduite du management durable à l’AP-HP, sans

pour autant éliminer toute marge de manœuvre. C’est ce qu’illustre notamment les propos de ce

directeur de groupement hospitalier, déclarant que son budget a été divisé par 4 entre 2010 et 2011, et

qu'il en a touché la moitié à peine au mois de mai, et donc « pare forcément au plus pressé », mais

affirmant ne pas rester pour autant les bras croisés : « on remplace par exemple toutes les ampoules

par de la basse consommation ».

Les difficultés supplémentaires que rencontrent l’AP-AP dans sa politique de management durable ne

sont donc pas une fatalité, et invitent au contraire à être d’autant plus méthodique et créatif.

2.1.2 Relever le défi du management durable à l’AP-HP

L'ambition est clairement affichée de ne pas faire « du cosmétique pour faire 'positif' au milieu

du bouleversement actuel de l'AP-HP : ce sont des préoccupations réellement importantes » a rappelé

Jean-Rémy Bitaud le 4 avril 2011, en ouverture d'une après-midi de travail réunissant les référents

développement durable des différents groupements hospitaliers de l'AP-HP.

Page 59: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

59

La démarche de management durable de l’AP-HP repose en effet sur plusieurs années de travail

(2.1.2.1), sur une méthode bien définie (2.1.2.2) et sur un plan ambitieux (2.1.2.3).

2.1.2.1 La mise en place progressive du développement durable à l’AP-HP

Selon Jean-Rémy Bitaud, l’un des éléments déclencheurs a été le colloque « performance

hospitalière et management durable: faire plus avec moins ? » organisé par l'association des anciens

élèves de l'EHESP en 2007. Quelques semaines plus tard, le Directeur Général de l'époque Benoît

Leclerc – qui vient alors de l'hôpital de Lyon où il a eu l'occasion d'initier quelques projets, dont un

Plan de Déplacement en Entreprise -, lui propose de réfléchir à une politique de management pour

l'AP-HP.

Les années 2007/2008 sont donc celles de l'initialisation du management durable à l'AP-HP: un « Plan

d’action management durable » est mis sur pieds et la méthodologie est définie. Puis l’année 2009

figure la phase de consolidation, au cours de laquelle les signes tangibles d'une nouvelle attitude

apparaissent, à l’image du papier recyclé. De nouvelles stratégies sont également mises en œuvre en

référence au développement durable, qui concernent notamment la gestion du patrimoine (dépendance

énergétique, bilan carbone, référentiels/standards...) et la gestion logistique (déchets, blanchisserie,

flotte automobile).

L'année 2010, est ensuite placée sous le signe de l'extension de la démarche et de sa transcription dans

le corpus de gestion : les référents « développement durable » de chaque groupement hospitalier

préparent un Plan d'Action Local qui sera opposable aux visiteurs de la HAS, la communication et

l'information des instances (CTEC, CHSCT, etc) est améliorée, et un site Intranet « Management

Durable » est ouvert, qui se veut un lieu de partage d'expérience. L’impulsion est donnée par le

Directeur Général, qui écrit dans une note à l’attention des Directeurs de groupes hospitaliers : « il

nous faut aujourd’hui aller plus loin et plus vite dans notre engagement. L’état des lieux montre en

effet une réalité contrastée. De nouvelles orientations s’imposent pour ancrer le management durable

dans notre corpus de gestion ».

Pour finir, l'accent est mis en 2011 sur la décentralisation et le prolongement de l'action initiée. L'idée

est de mobiliser, d'accélérer et de consolider la démarche, notamment grâce à la formation. Et de

transcrire les évolutions du contexte hospitalier : lois du Grenelle de l'Environnement, deuxième plan

national santé environnement, certification V2010 qui commence cette année à l'AP-HP et durera

jusque 2013, convention conclue entre le ministère du développement durable et les fédérations

hospitalières, etc.

Page 60: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

60

2.1.2.2 La méthode

La politique de Management Durable a donc été progressivement mise en place depuis 2008,

selon une méthode bien précise.

Tout d’abord, le « Plan d’action management Durable de 2008 » précise qu’elle se concentre sur 5

objectifs clairement énoncés : atteindre la Haute Qualité Environnementale (HQE) ; maitriser les

énergies ; maitriser et valoriser les déchets, développer une politique d’achats éco-responsables et

enfin intégrer la dimension sociale.

Le travail sur ces objectifs s’appuie par ailleurs sur trois leviers. Premièrement, le plan stratégique, qui

se veut inspiré et imprégné des principes du développement durable. Deuxièmement, le management,

qui a vocation à être développé par le recours aux moyens modernes de communication (e-

management). Et troisièmement, la communication de l’institution, dont l’objectif est d’adopter les

règles de l’éco-communication, en concevant, réalisant et imprimant notamment toutes les

publications dans une démarche environnementale (format, papier recyclé, encres, film de protection

biodégradable, etc).

Le mode de pilotage adopté a été résumé par Jean-Rémy Bitaud en deux mots lors de son

entretien : « Humilité et Modestie ». Il s’agit de mener une politique volontariste qui ne passe pas pour

autant par la contrainte, et d’avoir une conduite de projet allégée, qui prenne appui sur l’existant.

En 2010, la gouvernance du projet management durable a été formalisée autour d’un Comité de

Pilotage Management Durable présidé par le Directeur Général et composé du directeur de projet

(Jean-Rémy Bitaud), des directeurs ou de leurs représentants directement impliqués, des directions

fonctionnelles parties prenantes au plan d’action (DITMS, DPFLL, DRH, DPM, DEF), et enfin des

représentants des groupes hospitaliers « choisis dans un premier temps parmi les plus engagés ». Ce

comité a pour rôle de valider les orientations nouvelles de notre politique et d’en évaluer les impacts,

d’impulser l’action, de servir de relais.

Chaque directeur est par ailleurs invité à constituer dans son groupe une instance de pilotage du même

type, et à désigner au sein de son équipe de direction un « coordonateur du développement durable »,

qui soit un interlocuteur identifié pour le chef de projet « Développement durable » de l’AP-HP. Un

« réseau de référents développement durable » a ainsi été constitué, qui se réunit régulièrement sous la

présidence de Jean-Rémy Bitaud, et tient lieu à la fois de relais d’action et de vecteur de projets. Afin

de capter toutes les bonnes volontés, ce réseau est ouvert à tous ceux qui souhaitent y apporter une

contribution.

Page 61: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

61

Les directeurs sont enfin priés d’élaborer un plan de développement durable à l’échelle de leur

groupe hospitalier, dont la mise en œuvre a vocation à être coordonnée par le « référent

développement durable » désigné au sein de l’équipe de direction. La consigne donnée par le directeur

général dans sa note de juillet 2010 est sans ambigüité et reprend les trois piliers du développement

durable : « Cette déclinaison locale doit s’inscrire dans la recherche d’une conjugaison réussie des

approches économiques et environnementales, telles que la maitrise des énergies, la politique de

l’eau, la politique éditique (maitrise des consommations de papier, réduction du nombre

d’imprimantes…), la valorisation et la maitrise des déchets, la rationalisation de la flotte

automobile… Elle prendra également en compte la dimension sociale, au travers notamment d’un

Plan Déplacement d’Entreprise (PDE) de groupe hospitalier. »

2.1.2.3 Le « Plan d’action management durable » (PAMD) et son bilan

Au regard des enjeux et de la spécificité de l’institution, une approche centralisée et un mode de

pilotage souple ont donc été retenus.

Présenté en décembre 2007 à l’occasion du séminaire du Conseil d’administration de l’AP-HP, le

PAMD, plan d’action pluriannuel, a été placé sous la responsabilité opérationnelle des directions

centrales, et déployé en avril 2008. Il prévoyait à l’époque une quarantaine d’actions, classées en 8

catégories (5 objectifs et 3 leviers). Ambitieux, il a pour partie atteint ses objectifs, et a donc été ajusté

en 2010. Le PAMD 2010 est ainsi recentré sur 7 objectifs (le plan stratégique, adopté en 2010, ne

faisant plus partie des leviers disponibles).

La troisième et dernière partie de ce mémoire dressera un bilan global de la politique de

management durable de l’AP-HP, mais il convient, avant de passer aux observations de terrain,

d’évaluer l'état de mise en œuvre du PAMD.

La note signée en juillet 2010 par le directeur général de l’époque Benoît Leclerc résume assez bien la

situation : « le PAMD engagé en 2008 affirmait une ambition forte. Il a permis de changer d’attitude

mais présente des résultats contrastés ».

L’institution a en effet adopté une attitude engagée, et ce sur plusieurs points : les achats centraux

intègrent dorénavant des critères de développement durable, la dématérialisation progresse, la HQE est

intégrée en matière de construction, le Plan Stratégique 2010-2014 comporte plusieurs références

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62

formelles au développement durable dans ses volets management , ressources humaines , logistique et

immobilier, l’APHP a engagé une démarche de Plan Déplacement d’Entreprise (PDE) et un bilan

carbone a été engagé fin 2009 concernant le Siège, la fonction linge et la maternité de Bicêtre, dans le

but de doter l’AP-HP de méthodes et d’outils spécifiques et généralisables.

L’attitude et les démarches des sites au regard du développement durable sont cependant très

hétérogènes, et la culture du management durable peine encore à s’imposer. La note de juillet 2010

rappelle notamment que « le score 2010 du baromètre du développement durable de l’AP-HP, bien

qu’honorable, montre le chemin restant à parcourir pour ancrer le management durable dans notre

corpus de gestion. ». Elle cite également toute une série de domaines (déchets, rationalisation de la

flotte automobile, maitrise de la consommation d’énergie) pour lesquels la démarche développement

durable reste à concrétiser, avant de préciser qu’ « il nous faut dans ces domaines agir de manière

plus volontariste » et « qu’ils ne sont pas les seuls ».

L’AP-HP semble dont être au milieu du gué : les objectifs sont définis, la méthode précisée et

les projets lancés, mais les résultats concrets sur le terrain tardent à se faire ressentir. Comme l’a

expliqué l’un des directeurs de groupe hospitalier interrogé par téléphone : « on ne peux pas dire qu’il

y ait eu un changement colossal. Si changement il y a, il concerne plus l’état d’esprit et les mentalités,

pas les actes ».

Pour déterminer l’importance de l’écart entre les objectifs et la réalité, seul un travail de terrain permet

de départir l’intuition des faits objectifs. C’est l’objet de l’étude de cas présentée ci-après, qui porte sur

la politique des déchets de l’AP-HP, et plus précisément sur les déchets infectieux et sur le carton.

2.2 Etude de cas : la politique des déchets à l’AP-HP

Les déchets sont une des problématiques essentielles du développement durable en

établissement de santé, et « maîtriser et valoriser les déchets » fait d’ailleurs partie des 5 objectifs du

Plan d’Action Management Durable de l’AP-HP. Par ailleurs, la thématique des déchets est intégrée

dans un programme institutionnel sur la performance des fonctions logistiques, piloté par le siège en

Page 63: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

63

étroite collaboration avec les groupes hospitaliers. En plus d’être l’un des critères de la certification

des établissements de santé, la gestion des déchets constitue un réel enjeu économique, écologique et

de sécurité des personnels de santé et plus largement du grand public.

Tout d’abord, l’enjeu économique est manifeste : l’AP-HP produit annuellement 46 800 tonnes de

déchets, et dépense entre 13 et 14 millions d’euros par an pour leur traitement. Mais les déchets sont

également un enjeu environnemental, puisque comme cela a déjà été évoqué dans la première partie,

une grosse partie des déchets générés par l’activité hospitalière est dangereuse pour l’environnement,

et ce sans compter que tous les déchets, même ceux qui sont jugés non-dangereux, ont un impact

environnemental direct ou indirect : celui de leur transport et de leur traitement en aval, celui des

ressources ayant été mobilisées, voire détruites dans leur processus de production en amont. Enfin, la

problématique sociale existe également en matière de déchets d’activité de soin, puisque la maîtrise de

l’hygiène dans les unités de soins et celle de la sécurité des personnes entrant en contact avec ces

déchets tout au long de la filière y sont étroitement liés

Il existe plusieurs catégories de déchets. En fonction de leurs caractéristiques, les enjeux se

posent et se hiérarchisent de manière très différente. Deux types de déchets seront ici analysés : les

DASRI, et un déchet ménager valorisable : le carton.

1.1 Les déchets d’activité de soin à risque infectieux et assimilés

(DASRIA) à l’AP-HP

Les déchets d’activité des soins sont des « déchets issus des activités de diagnostic, de suivi et

de traitement préventif, curatif ou palliatif, dans les domaines de la médecine humaine et

vétérinaire »59. Il se divisent en plusieurs catégories, parmi lesquels les déchets assimilables aux

ordures ménagères, les déchets à risque chimique ou toxique, les déchets radioactifs, les déchets

industriels banals et les déchets d’activité de soin à risque infectieux et assimilés (DASRIA), sur

lesquels vont porter les réflexions à suivre.

Les DASRIA sont des déchets d’activité de soins qui « présentent un risque infectieux, du fait qu’ils

contiennent des micro-organismes viables ou leurs toxines, dont on sait ou dont on a de bonnes

raisons de croire qu’en raison de leur nature, de leur quantité ou de leur métabolisme, ils causent la

59 Art R.1335-1 du Code de la santé publique

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64

maladie chez l’homme ou chez d’autres organismes vivants »60 Le Code de la Santé publique précise

également que même en l’absence de risque infectieux, les matériels ou matériaux piquants, coupants,

ou tranchants (PCT), les produits sanguins à usage thérapeutique et les déchets anatomiques humains

sont considérés comme des DASRIA.

Les DASRIA sont donc soit des PCT, soit des déchets qui constituent, de par leur caractère infectieux,

un réservoir de micro-organismes potentiellement dangereux susceptibles d’infecter non seulement les

malades hospitalisés et les agents de santé, mais également le grand public. Les DASRIA peuvent

entraîner une contamination éventuelle de la personne exposée par un contact manuel (infection sur la

peau lésée, contamination de la muqueuse digestive), ou par inoculation lors d’une blessure. Il existe

également un risque traumatique lié à une lésion de la peau (coupure, piqure) en l’absence de germe

pathogène. Le risque psycho émotionnel, souvent négligé, est lié à l’angoisse ressentie par les

personnes confrontées à l’éventualité d’une contamination par des matériels souillés ou par du sang

(Tétanos, VHB, VHC, VIH).

1.1.1 Des déchets à la gestion étroitement réglementée

S’ils constituent une part mineure de la production annuelle de déchets (environ 160 000

tonnes, soit 20% du gisement global de déchets produits en France), les risques qu’ils représentent en

termes de santé humaine et d’impact environnemental impliquent que les DASRIA soient identifiés

comme des déchets dangereux et orientés vers des filières d’élimination spécifiques étroitement

encadrées par le Code de l’environnement61 et le Code de la Santé Publique62, qui régissent à la fois

leurs conditions d’entreposage, d’enlèvement, de transport et de traitement.

L’hôpital est responsable de ses déchets jusqu’à leur élimination, même si les opérations

d’enlèvement, de transport et de traitement sont la plupart du temps externalisées ou gérées sus le

mode de marchés de concession. C’est donc l’entreposage et les circuits qui requièrent plus

particulièrement l’attention des acteurs hospitaliers.

60 R 1335-1 du Code de la santé publique 61 Article 541-2 62 Articles R 1335-1 et suivants

Page 65: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

65

La réglementation de l’entreposage des DASRI

La réglementation relative aux modalités d'entreposage des déchets d'activités de soin à

risques infectieux et assimilés (DASRIA) est fixée par un arrêté du 7 septembre 1999. Depuis 2001,

ces locaux doivent respecter un certain nombre de règles techniques.63

En plus de devoir respecter le délai légal de 72 heures maximum entre la production effective des

DASRIA et leur incinération ou prétraitement par désinfection (article 2), les DASRI doivent être

entreposés dans des locaux répondant aux caractéristiques suivantes :

• Etre réservé à l'entreposage des déchets (et pouvant servir, le cas échéant, à l'entreposage des

produits souillés ou contaminés)

• Comporter, sur la porte, une inscription mentionnant leur usage (cette inscription doit être

apposée de manière apparente)

• Disposer d’une surface adaptée à la quantité de déchets et produits à entreposer ;

• Ne recevoir que des déchets préalablement emballés.

• Faire l’objet d’une distinction «évidente » entre les emballages contenant des déchets

d'activités de soins à risques infectieux et assimilés et les emballages contenant d'autres types

de déchets

• Etre implantés, construits, aménagés et exploités dans des conditions offrant une sécurité

optimale contre les risques de dégradation et de vol ;

• Etre identifiés comme à risques particuliers au sens du règlement de sécurité contre les risques

d'incendie ;

• Etre correctement ventilés

• Etre correctement éclairés

• Permettre une protection des déchets contre les intempéries et la chaleur ;

• Etre munis de dispositifs appropriés pour prévenir la pénétration des animaux ;

• Disposer d’un sol et de parois lavables ;

• Faire l'objet d'un nettoyage régulier et chaque fois que cela est nécessaire.

63 L’article 14 de l’arrêté du 7 septembre 1999 précise en effet que les locaux d’entreposage intermédiaire des déchets « doivent être conformes aux dispositions de cet article 8 dans un délai maximum de deux ans après la publication du présent arrêté au Journal officiel de la République française ».

Page 66: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

66

Par ailleurs, les locaux d’entreposage ne se situant pas à l’intérieur des unités de soins des

établissements de santé doivent être dotés d'une arrivée d'eau et d'une évacuation des eaux de lavage

vers le réseau des eaux usées dotée d'un dispositif d'occlusion hydraulique conformes aux normes en

vigueur. Le robinet de puisage doit également être pourvu d'un disconnecteur permettant d'empêcher

les retours d'eau.

Visite technique de l’hôpital xxx et vérification du respect de la

réglementation

Dans le cadre d’une étude portant sur la conformité des locaux et autres lieux d’entreposage

des déchets du site, deux visites techniques ont été effectuées – durant la période réglementaire du

stage - à l’hôpital xxx.64

La réglementation étant assez floue sur différents points, il a tout d’abord fallu procéder à des

interprétations. Il a ainsi été considéré qu’un « nettoyage régulier et chaque fois que cela est

nécessaire » correspondrait à un bio nettoyage du sol et des poignées de porte une fois par jour et des

murs une fois par mois ; et qu’un local serait considéré comme « offrant les conditions d’une sécurité

optimale » s’il était fermé à clef ou protégé par un digicode.

L'annexe n°5 détaille les observations et les conclusions de l'audit interne. Il a été recensé une

zone d’entreposage centralisée des GRV et vingt-deux zones d’entreposage intermédiaire des

DASRIA. Or un examen attentif de chaque zone au moyen d’une grille d’analyse (annexe n°4) a

révélé qu'aucune d'entre elles n'était conforme à la réglementation.

Les six zones d'entreposage intermédiaire situées en extérieur sont tout d'abord totalement accessibles

(les GRV sont laissé dehors, sans aucune protection, et sont même la plupart du temps laissé grand

ouverts), ce qui pose des problèmes évidents de sécurité.

Sur les seize autres zones d'entreposage intermédiaires, qui sont donc localisées à l'intérieur des

bâtiments, neuf concernent des dépôts de déchets infectieux dits « dans les circulations », c'est à dire

64 Cet hôpital de l’AP-HP restera anonyme tout au long de l’étude pour des raisons de confidentialité de cette enquête interne à l’institution.

Page 67: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

67

que les sacs sont déposés dans des GRV mais que ces GRV ne sont pas entreposés dans un local mais

dans un couloir, sans aucune protection, ce qui est également non conforme.

Pour les sept entreposages intermédiaires restants, ils sont bien situés dans des locaux, mais aucun ne

respecte toutes les dispositions fixées par l'arrêté du 7 septembre 1999. Aucun n'est par exemple

« aménagé dans des conditions offrant une sécurité optimale contre les risques de dégradation et de

vol » (article 8 alinéa 3) puisqu'aucun ne ferme à clef ni n'est muni d'un digicode. Deux sont même en

permanence laissés grand ouvert : l'un parce que la mauvaise disposition des GRV bloque la fermeture

de la porte ; l'autre parce que sa porte est maintenue ouverte par une ventouse, car c'est une porte

coupe feu (ce qui est totalement inapproprié et souligne l'incohérence qui existe parfois entre sécurité

incendie et sécurité sanitaire.). De même, si la plupart des locaux sont correctement éclairés, protégés

contre les intempérie, la chaleur et la pénétration des animaux, les parois des locaux posent dans cinq

cas sur six un problème de conformité, en raison de l’état très moyen de leur peinture, ainsi que du sol

pour l’un d’entre deux. Enfin, bien que le ménage soit en théorie fait tous les jours dans les locaux,

l’état de certains d’entre eux au moment de la visite laisse à penser que cette fréquence n’est pas

respectée.

L’hôpital xxx pose donc un problème de conformité dans l’entreposage de ses DASRIA, ce

qui n’a d’ailleurs pas été relevé par la HAS au moment de sa visite. Il est clair que les conditions de

propreté des locaux ont par exemple pu être meilleures à cette occasion, mais le fait que seulement six

zones d’entreposage sur vingt-deux se situent effectivement dans un local aurait du alerter l’organe de

certification, ce qui interroge sur la perspicacité des auditeurs et sur l’honnêteté de l’auto-évaluation

rendue par l’hôpital à l’époque.

Ce cas pratique souligne en tout cas que même si les hôpitaux publics sont censés avoir une gestion

durable de leurs déchets infectieux du fait d’une réglementation vielle de plus de dix ans, leurs

pratiques sont encore améliorables en la matière. Certes, un exemple ne fait pas la règle, mais sur les

trois sites visités en cours de stage, aucun ne comportait en effet une majorité de locaux en conformité,

et cette observation est loin d’être spécifique à l’AP-HP.

Toutefois, il faut reconnaître que des efforts ont été faits depuis la loi de 1975 – la première à régir les

déchets infectieux -, et les hôpitaux publics ont donc bel et bien fait du développement durable avant

d’en avoir conscience, tel Monsieur Jourdain avec la prose.

Page 68: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

68

1.1.2 Une problématique économique majeure

Au même titre que l’entreposage, le tri est au centre des préoccupations des « responsables

déchets » des différents sites hospitaliers.

Le tri à la source consiste, dans les filières de soin et pour tous les personnels médicaux et soignants, à

séparer ses déchets entre les sacs jaunes destinés aux déchets infectieux et les sacs noirs destinés aux

DAOM. Les PCT sont par ailleurs récupérés dans de petits containers en plastique, afin d’éviter que

les sacs ne soient transpercés ou que les agents ne se blessent en les transportant.

L’importance du tri à la source

Aujourd’hui, rares sont les accidents d’expositions à un risque infectieux dus à la présence de

déchets à risque infectieux dans les ordures ménagères. La présence des sacs jaunes et l’obligation de

jeter les déchets infectieux à l’intérieur semble en effet tout à fait intégrée par les personnels

hospitaliers. Cependant, la qualité du tri à la source est devenu un enjeu majeur dans les hôpitaux

publics.

En effet, le problème du tri a laissé place à un problème de sur-tri : trop souvent, des déchets

assimilables aux ordures ménagères sont jetés dans les sacs réservés aux DASRI. Cela ne représente

certes pas de danger immédiat : les déchets concernés font au contraire l’objet de plus de précautions

que cela n’aurait été nécessaire. Mais le sur-tri est toutefois dommageable, et ce à deux titres.

D’une part, ces déchets feront l’objet d’une attention inutile (transport et manutention extrêmement

sécurisés, incinération à 850 degrés contre 300 à 500 degrés s’ils avaient été jetés dans un sac noir).

Cela engendre donc un gaspillage d’énergie (y compris d’énergie humaine), qui s’inscrit forcément en

faux vis-à-vis du développement durable.

D’autre part (et cela en est la conséquence directe) ; l’impact économique du sur-tri est très lourd pour

les hôpitaux. On estime en effet qu’une tonne de DAOM coûte à l’hôpital 130 euros pour son

élimination, tandis que ce coût s’élève à plus de 600 euros pour une tonne de DASRI : c’est 8 millions

d’euros que l’AP-HP consacre chaque année à l’élimination de ses DASRI, contre 4,5 millions pour

l’élimination de ses DAOM. Les DASRI représentent en conséquence 49,5% des dépenses

annuellement consacrées par l’institution pour ses déchets, alors qu’ils ne représentent que 17,5% des

déchets produits.

Page 69: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

69

Etant donné la vigueur avec laquelle se manifeste actuellement la contrainte budgétaire à

l’APHP comme dans les autres hôpitaux publics, les DASRI sont donc devenus un enjeu

particulièrement surveillé, ce qui amène les établissements de santé à traiter – même indirectement - la

question du développement durable, qui rappelons-le comprends l’idée de bonne utilisation des

ressources (naturelles comme financières).

A l’AP-HP, on estime que les DASRIA représentent un potentiel d’économies de 800 à 900 000 euros

par an pourvu que la qualité du tri dans les services s’améliore, ce qui amène la Département de la

politique logistique et les services économiques des hôpitaux à se pencher sur la question.

Sur-tri et pratiques professionnelles

Un audit a ainsi été initié à l’AP-HP, avec pour objectif d’améliorer les pratiques

professionnelles de tri dans différents établissements de l’institution. L’objectif, dans les

établissements où les activités MCO sont majoritaires, est d’arriver à un taux de tri65 de 20%

La démarche se concentre sur les sept hôpitaux où l’on observe les taux de tri les plus élevés (et que

l’on considère donc en situation de « sur-tri »), car ce sont ceux dont le potentiel de progression - et

donc d’économies -, est le plus élevé.

Par ailleurs, afin de ne pas se contenter de fixer des objectifs, la DPL s’est lancée dans un travail

minutieux d’audit des secteurs de soins des hôpitaux concernés, afin de dresser un diagnostic complet

de la situation et de proposer des plans d’action aux acteurs des hôpitaux.

L’audit de ces sept sites prend la forme de demi-journées d’observation des soins (reportées

sur des grilles telle que celle qui figure en annexe n°2) dans des services sélectionnés en fonction de

leur diversité mais également de l’accord de leurs responsables. Ces observations sont doublées de

questionnaires d’autoévaluation remplis par les personnels des services audités.

Au total, si l’on se concentre sur l’hôpital xxx – qui faisait également partie du panel -, cinq demi-

journées ont été passées dans les services suivants : réanimation, hépato-gastrologie, bloc orthopédie,

65 Le taux de tri est calculé de la manière suivante : ratio comportant au numérateur le tonnage de DASRi et au dénominateur le tonnage total de cartons, DAOM, papier et DASRI.

Page 70: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

70

bloc neuroradiologique et enfin salle de naissance. Sur les 90 questionnaires prévus, soixante-dix-sept

ont été récoltés et analysés.

L’analyse des grilles d’observation comme des questionnaires d’auto-évaluation laisse

apparaître des résultats plutôt mitigés.

En ce qui concerne la question très peu ambigüe des déchets type « emballages », qui sont à jeter dans

les sacs poubelles DAOM, seuls 64% des répondants à ce point de l’auto-évaluation (46 personnes)

ont affirmé les traiter comme des ordures ménagères. Cela signifie donc que plus de 25% des

personnels jettent leurs emballages dans les sacs jaunes réservés aux DASRI, ce qui a été corroboré

par l’observation dans les services car sur les dix-sept jets d’emballages observés, seulement douze ont

été conformes. La cas des emballages est important, car ils font partie des déchets pour lesquels le taux

de conformité pourrait être très facilement amélioré, les emballages ne posant aucune difficulté à être

repérés et triés au moment du geste de soin. En effet, l’emballage est souvent retiré avant le soin, et

donc à un moment où l’attention peut être très bonne. Les fautes relèvent en fait souvent d’erreurs

d’attention (des personnels ont été observés en train de jeter successivement dans des poubelles

différentes le même type de déchet, sans raison particulière) ou alors du manque de supports de tri à

proximité (présence uniquement d’un sac jaune).

D'autres « mauvais scores » s'expliquent par la relative ambigüité du protocole de tri des déchets

l'établissement à leur sujet : 66% des répondants au questionnaire d'auto-évaluation ont ainsi affirmé

jeter les poches à urine vides dans les sacs jaunes (DASRI), alors que cela ne se justifie pas. Or le

protocole n'offre pas de consignes claires concernant ce dispositif.

De surcroît, la méconnaissance du protocole est aussi soulevée. On constate en effet par exemple que

les déchets des protections féminines et des couches – mentionnées dans le protocole comme relevant

des DAOM – sont jetés dans les DASRI par un répondant sur deux pour les protections féminines, et

par 43% des répondants pour les couches. La réglementation est en fait assez subtile en ce qui

concerne les déchets souillés de sang, car elle instaure une distinction entre les saignements dits

« naturels » de ceux qui ne sont pas habituels. Les saignements très abondants ainsi que les

saignements résultant d'une activité chirurgicale ou de soin transforment donc tout ce avec quoi ils

entrent en contact, en futurs DASRI ; Les protections féminines doivent donc, comme c'est le cas chez

les particuliers, être considérés comme des ordures ménagères.

Il faut l'avouer, cette démarche peut paraître ambiguë, et une casaque stérile ou un champ opératoire

pratiquement vierges seront parfois jetés dans un sac jaune sans inspection préalable (par manque de

temps) car ils risquent d'avoir été légèrement souillés par quelques impacts de sang.

Page 71: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

71

Du fait du caractère peu précis de la réglementation et par conséquent des protocoles de tri des

déchets des établissements de santé, un flou se crée chez les soignants, accentué par une insuffisance

avérée de formation. Seuls 10% des personnes interrogées ont en effet affirmé avoir reçu une

formation sur le tri des déchets d'activité de soin. Et ce flou ouvre la porte à de multiples

recompositions, chacun ayant à l’esprit sa propre interprétation des règles de tri.

Un exemple de cette confusion sur lequel même les hygiénistes ont du mal à donner des consignes

claires et intangibles est la poche de perfusion vide. Sur 63 répondants, 28 ont en effet déclaré les jeter

avec les DAOM, et 35 les traiter comme des DASRI. En théorie, ce sont des médicaments dilués, et

même parmi les traces restantes du contenant, la concentration médicamenteuse est donc très faible. Ils

devraient donc être considérés comme des DAOM, sauf dans le cas où la tubulure y est encore

attachée (qui elle est considérée comme un DASRI au titre au risque psycho-émotionnel), ou encore

dans les cas où un problème de piquant se pose. Le problème est qu'aucun protocole national précis

n'existe, et que chaque hôpital élabore son protocole selon son interprétation au regard de l’analyse

qu’il fait du risque. Cela explique la relative indécision des personnels quant à cette catégorie de

déchets de soin lors de leur auto-évaluation : 8 ne se sont pas prononcés (cette question recevant le

nombre le plus élevé de non réponse du questionnaire), 35 ont affirmé les jeter dans les DASRI et 28

dans les DAOM.

Quoi qu'il en soit, il y a également un problème d'appropriation et de transcription sur le

terrain des recommandations. La SFHH (société française d’hygiène hospitalière) a ainsi émis en 2009

de nouvelles recommandations dites PCC pour « précaution complémentaire contact »66, qui précisent

qu'il n’est pas nécessaire de mettre systématiquement dans les DASRI les déchets qui ont été au

contact des patients en « isolement ».

Or à l'occasion des observations, la question a été posée à une vingtaine de personnels soignants, dont

aucun n'a déclaré trier les déchets des patients placés en précaution complémentaire contact entre

DAOM et DASRI : tout est systématiquement rassemblé dans des sacs jaunes, ce que corroborent les

réponses récoltées par le biais de l'autoévaluation.

66 SFHH, Prévention de la transmission croisée : précautions complémentaires contact- Recommandations nationales par un consensus formalisé d’experts, avril 2009

Page 72: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

72

Certaines observations ont cependant été plus positives: seulement 11 personnels sur les 90

interrogées ont déclaré jeter les essuie-main (qui sont des DAOM car ont simplement servi à sécher les

mains après leur lavage) dans les DASRI , et 8 conformités sur 13 ont été constatées à ce sujet lors des

observations de terrain. De même, seulement 10 ont déclaré jeter les charlottes dans les DASRI et 14

pour les masques, 10 pour les blouses à usage unique et 11 pour les compresses non souillées. Ces

chiffres sont encourageants, mais laissent tout de même encore apparaître des marges de progression

non négligeables, afin que les bons gestes de tri à la source deviennent un réflexe.

La mise en parallèle des résultats de l’audit sur les zones d’entreposage des DASRI et de celui sur le

tri des déchets d’activité de soin met plus largement en lumière de fortes marges de progression pour

l’hôpital xxx, ce qui donnera lieu à des réflexions ultérieures.

Mais il s’agit auparavant, après avoir étudié le cas des DASRIA - exemple d’axe de management

durable rendu obligatoire par la règlementation, d’étudier un exemple de politique de développement

durable volontariste : la mise en place d’une filière carton.

1.2 La filière carton

La filière DASRIA est une filière de tri des déchets que les hôpitaux sont règlementairement

obligés de mettre en place. Parallèlement, les hôpitaux mettent en œuvre toute une série de filières de

tri, certaines de manière obligatoire, d'autres de manière volontariste, dont la filière carton fait partie.

Il existe par exemple vingt-deux filières67 de tri en tout à l'APHP, réparties en 50 marchés.

Figure 3: Liste des filières de tri en place à l’AP-HP

Déchets assimilés aux déchets ménagers (DAOM)

Consommables informatiques et bureautiques en fin de vie

Déchets d’activité de soins à risque infectieux et assimilés (DASRIA)

Déchets issus des équipements électriques et électroniques (DEEE)

67 Ces vingt-deux filières ne sont pas présentes dans leur intégralité sur chaque site, mais l’hôpital de la

Pitié Salpêtrière les recense par exemple toutes.

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73

Papiers (dont papiers confidentiels) Déchets chimiques dangereux (DCD)

Cartons Tubes et lampes usagées

Verres Piles, batteries, accumulateurs et pacemaker

Bois Pièces anatomiques

Palettes Huiles techniques

Déchets verts Huiles alimentaires

Gravats Déchets issus du secteur dentaire

Métaux (ferraille etc.) Déchets issus du secteur radiologique

Multi matériaux – encombrants (DIB) Déchets radioactifs

On estime aujourd'hui que l'AP-HP trie 18,8% (en poids) de ce qui est non-dangereux, c'est à

dire de la totalité de ses déchets hors DASRIA, déchets chimiques et déchets radioactifs. Cela est une

bonne base, mais que l'institution s'est fixé comme objectif de faire progresser par la mise en œuvre de

nouvelles filières et par l'augmentation des gisements captés par les filières existantes. L'étude de la

mise en place de la filière carton offre un bon aperçu de la manière dont cet objectif est mis en œuvre

et des difficultés qu'il soulève.

1.2.1 Les enjeux de la filière carton

Le recyclage des cartons est comme pour le papier et le plastique essentiellement orienté vers

la réintroduction de matière dans les circuits de fabrication. En effet, produire du carton à partir de

matériaux nobles neufs – c'est-à-dire du bois et des fibres végétales -, consomme beaucoup d'énergie et

génère des impacts environnementaux importants, ce qui conduit les industriels à réduire les intrants

nobles au profit de matières recyclées qui nécessitent beaucoup moins de transformation.

Les papetiers sont ainsi à la base d'un marché international très actif qui soutient une demande forte

pour les papiers et cartons propres et secs, triés par catégorie, broyés et mis en balle.

Cette filière de recyclage permet aujourd'hui aux papetiers d'intégrer dans les produits neufs entre 40

et 60% de matière issue du recyclage des papiers et cartons, ce qui a un impact favorable sur

l'environnement et sur les ressources naturelles. En effet, grâce à cet apport en matériaux recyclés, les

forêts dédiées au bois de trituration sont en décroissance nette, ce qui est positif car elles sont mono

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74

spécifiques, donc à très faible biodiversité et soumises à coupes rases, ce qui est dommageable aux

sols et aux rivières.

L’enjeu est donc technique, économique et environnemental (on estime que pour une tonne recyclée,

on économise 2,5 tonnes de bois). Il est aussi un enjeu budgétaire pour les hôpitaux, car le carton fait

partie des déchets dits « valorisables », qu’il est possible de revendre à des sommes certes pas très

élevées (environ 70 euros la tonne reversés à l’hôpital), mais qui ne sont pas négligeables étant donné

la situation financière des hôpitaux et vu la quantité de carton qu’ils génèrent annuellement.

1.2.2 La mise en place de la filière carton à l’APHP

Pour toutes ces raisons, l'AP-HP s’est fixé comme objectif l'augmentation du potentiel de

déchets valorisés et recyclés au sein de l’institution, et notamment celle du poids des déchets valorisés

sur la filière carton. L’idée est donc à la fois de faire évoluer le nombre de sites triant le carton (vingt-

quatre sur trente-sept pour l’instant), et d’augmenter le volume moyen valorisé par site.

Le taux de tri du carton, qui correspond au volume de carton trié (et valorisé)68 divisé par la somme

des volumes de cartons, de DAOM et de papier de l’institution, stagne depuis 3 ans aux alentours de

5%. Actuellement de 4,34%, il grimperait à 12% si les objectifs fixés étaient réalisés. Or cela ne paraît

hors de portée : cinq sites de l’AP-HP enregistrent d’ores et déjà des taux de tri du carton de plus de

10%. Mais d’autres sont au point mort, ou à quelques dixièmes, qui signifient en fait que la filière

n’existe pas mais qu’à l’occasion de travaux ou de renouvellement de matériel par exemple, l’hôpital a

fait venir une benne spécialement et donc de manière ponctuelle pour enlever une masse importante de

cartons.

Si l’on analyse les taux de tri du carton de chaque hôpital en relation avec sa situation locale,

on observe tout d’abord que trois facteurs clef jouent : la manière dont est mise en œuvre la filière,

bien-sûr, mais également, la consommation de carton de l’établissement et le volume de DAOM (hors

cartons) qu’il génère.

En effet, parmi les hôpitaux dont le taux de tri du carton est nul ou pratiquement nul, on observe

souvent une incapacité technique à mettre en œuvre la filière carton, par exemple parce que le site est

68 Les bennes de carton qui sont déclassées par le prestataire en raison de la mauvaise qualité de leur

contenant ne sont donc pas comptabilisées dans le taux de tri

Page 75: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

75

exigu et ne permettrait pas l’hébergement d’une benne ou d’un compacteur réservé aux cartons (c’est

notamment le cas de l’hôpital Jean Verdier). Pour d’autres sites où le tri du carton n’existe pas, le fait

est que le tri d’autres types de déchets (et des DASRIA notamment) occupe énormément les esprits, et

demande déjà que l’on trouve des solutions de mise en conformité. Le carton n’y est donc pas (encore)

une priorité. Mais on réalise que la corrélation n’est pas pour autant systématique entre bonne gestion

des DASRIA et taux de tri des cartons. Notamment, l’hôpital xxx, dont la filière DASRIA étudiée

précédemment a révélé bien des lacunes, est par exemple l’un des « bons élèves » de l’AP-HP en

matière de tri du carton (taux de tri de 11,5%). Alors que les DASRIA relèvent des métiers du soin, le

carton est en effet plutôt géré au sein de la filière logistique, et notamment des magasins, au moment

du « dé-cartonnage ». Dans le cas précis de l’hôpital xxx, il apparaît également que le manque de place

oblige les agents à plier et évacuer immédiatement leurs cartons, ce qui participe incontestablement du

succès de la filière.

On constate par conséquent que la mise en place de la filière de tri sélectif interne dépend à la fois de

la manière dont se répartissent les gisements de carton au sein de l’hôpital (magasins hôteliers,

pharmacie, restauration), de l’organisation de l’approvisionnement (dé-cartonnage centralisé en

magasin ou décentralisé dans les services, dé-cartonnage avant la mise en réserve) et de la proximité

ou même de la simple présence de lieux de stockage intermédiaire des déchets. L’hôpital Henri

Mondor, qui enregistre un excellent taux de tri du carton, possède ainsi au sein du bloc une salle de dé-

cartonnage de tous les médicaments, attenante à la réserve. Ce dispositif est extrêmement bénéfique à

la filière carton de l’établissement, car cela permet de capter une part plus importante du gisement

potentiel de carton que si les seuls emballages secondaires (cartons regroupant plusieurs unités ou lots)

étaient triés, en magasin.

La production de carton et de DAOM d’un hôpital a également un impact sur son taux de tri du carton,

du fait de la manière dont celui-ci est calculé : plus le gisement potentiel de carton d’un site est élevé,

plus le volume de carton valorisé divisé par la somme des volumes de cartons, de DAOM et de papier

de l’institution a de possibilités de l’être. A l’inverse, plus un hôpital génère de DAOM hors cartons,

plus son taux de tri du carton sera plombé par son dénominateur. C’est ainsi que la part de l’activité

MCO, particulièrement consommatrice de dispositifs médicaux à usage unique et donc de DAOM

(emballages) doit être prise en compte, ainsi que le mode de restauration (le site prend-il en charge la

préparation de repas destinés à d’autres sites ?).

Ces quelques observations permettent d’engager une démarche qualité visant à optimiser la

filière carton de l’AP-HP.

Elles préfigurent des pistes d’amélioration, mais qui doivent être testées et adaptées en fonction des

spécificités de chaque site. Un audit interne est donc en cours sur le sujet, qui se propose notamment

Page 76: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

76

de réfléchir à une organisation optimale de la filière, mais également aux marges de progression liées à

l’optimisation du matériel utilisé.

Dans certains hôpitaux, le compacteur de collecte des cartons du site est par exemple régulièrement

enlevé à moitié vide, pour un coût d’environ 100 euros. Un espacement des enlèvements permettrait

leur optimisation et donc des économies et un moindre impact carbone lié au transport des déchets en

question. Une autre solution peut aussi consister à réduire la taille du compacteur ou à le remplacer par

une benne (dont le coût mensuel de la location est environ quatre fois inférieur, mais dont la

contenance est fortement restreinte, surtout si les cartons sont mal « pliés » par les agents, car il ne

sont plus compactés lorsqu’ils sont transportés dans une benne).

Le Département de la politique logistique a ainsi estimé qu’un gain de 15 euros à la tonne était

envisageable par ce simple biais. Une solution qui consisterait à rassembler dans le même compacteur

cartons et papiers ou cartons et plastique est également à l’étude.

*

* *

Au-delà des exigences réglementaires, l’instauration de certaines filières de tri à l’hôpital peut

donc permettre de faire des économies (baisse du volume et donc du coût d’enlèvement et de

traitement des DAOM, accompagné de la réversion à l’hôpital d’une somme correspondant à la

revente du carton moins commission du prestataire) tout en protégeant l’environnement. C’est aussi

l’occasion de repenser les pratiques professionnelles et l’organisation des services, et également

d’avoir une vision plus globale des achats, qui anticipe notamment les déchets générés en aval et leur

valorisation. Mais l’exercice est souvent délicat, et doit constamment s’adapter aux spécificités de

chaque site, qui conditionnent le choix de telle ou telle solution.

A travers la politique des déchets comme d’autres objectifs du PAMD, une politique de management

durable est donc en œuvre à l’AP-HP. Mais malgré cette impulsion, les directeurs de groupes

hospitaliers, interrogés au moyen d’entretiens téléphoniques, semblent encore assez loin de ces

préoccupations. L’un d’entre eux énonce ainsi ce que pratiquement tous ont semblé esquisser : « on

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77

ne peut pas dire que ce soit une préoccupation quotidienne parce que la préoccupation

quotidienne est de faire des économies ». Toutes les mesures de développement durable ne sont en

effet pas aussi économes que le tri du carton ou l’isolation des fenêtres. Mais la contrainte financière

est-elle vraiment un obstacle majeur à la mise en œuvre du développement durable ? Quels autres

freins entravent aujourd’hui la mise en œuvre du développement durable à l’hôpital public ? Quels

leviers d’action sont au contraire susceptibles d’en amplifier la portée ? Quelle perspective pour le

management durable dans les hôpitaux publics et plus largement dans le secteur de la santé ?

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78

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79

3. Bilan et propositions : quelles

perspectives pour le management

durable de la santé ?

« L’expérience est une observation provoquée dans le

but de faire naître une idée »

Claude Bernard

Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Après une partie introductive destinée à retracer les raisons d’être, la place et le contexte de

mise en œuvre du développement durable à l’hôpital public, la seconde partie de ce mémoire a donc

donné un exemple très concret de management durable hospitalier : celui des déchets à l’AP-HP.

Il a été procédé à des études de terrain, qui ont notamment laissé transparaître plusieurs difficultés et

axes d’amélioration. Mais comme le rappelle Claude Bernard dans la citation ci-dessus, la recherche et

l’observation, n’ont de sens que s’ils trouvent leur concrétisation dans des idées, des propositions, des

solutions.

Avant de conclure ce travail, il s’agit donc de faire le bilan de notre analyse sur le développement

durable dans les hôpitaux, non seulement pour mettre en exergue les freins et les leviers entrant en jeu,

mais également pour imaginer quelques perspectives pour l’avenir.

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80

Cette partie s’articulera en trois temps, et s’attachera tout d’abord à tirer les conclusions du cas

pratique sur la gestion des déchets à l’AP-HP (3.1), puis à imaginer l’avenir du management durable

hospitalier (3.2), et enfin à dessiner les perspectives d’une approche plus durable de la santé en

général.

3.1 La politique des déchets à l’AP-HP : bilan et perspectives

Concrètement, le développement durable oblige à prendre en compte trois piliers au niveau de la

gouvernance globale de la santé : une gestion économique fiable et solide, un établissement

socialement intégré et écologiquement respectueux. La gestion des déchets hospitaliers s’intègre

parfaitement dans ce cadre.

3.1.1 La politique des déchets et la mise en œuvre

opérationnelle du développement durable

La problématique économique liée aux déchets est tout d’abord très bien prise en compte par

les hôpitaux, qui ont à l’esprit que l’enlèvement des déchets, et notamment des déchets dangereux, est

un poste budgétaire important et sur lequel il est possible de faire des économies conséquentes en

renégociant les marchés avec les prestataires, en triant mieux, et en mettant en place des filières

spécifiques pour plusieurs catégories de déchets valorisables : carton, papier, piles, néons, plastique,

bois, etc, qui viennent alléger la production annuelle de DAOM.

La problématique environnementale est également prise en compte par les établissements de santé.

Tout d’abord parce qu’ils y sont obligées, notamment du fait de la réglementation qui régit les déchets

infectieux mais aussi les déchets chimiques ou encore les déchets nucléaires. Mais également parce

que la prise en compte de la problématique économique amène certains hôpitaux à faire des choix

écologiques. Le sens du lien de causalité qui lie prise en compte de l’aspect environnemental et

économique et la problématique des déchets hospitaliers est discutable, il en sera question dans la suite

du raisonnement.

Par contre, l’impact social du traitement des déchets semble pour le moment beaucoup moins pris en

compte. L’enlèvement des déchets est par exemple très bruyant pour les riverains, et a souvent lieu le

matin, et parfois même la nuit. Dans l’un des sites visités, la plateforme de centralisation des déchets

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81

et ses deux compacteurs (un pour les DAOM et un pour les cartons) est située en périphérie de

l’hôpital, et les immeubles voisins ont donc vue sur les flux de bacs et leur station de nettoyage. Alors

que de la végétation sépare la plateforme des autres bâtiments hospitaliers, et les isole donc en partie

des nuisances engendrées, le mur extérieur de l’hôpital, qui sépare la plateforme de la rue et des

habitations voisines, est suffisamment élevé pour protéger de la vue des déchets le rez-de-chaussée et

le premier étage, mais pas les suivants.

L’impact social du traitement des déchets, c’est également la prise en compte des difficultés qu’il pose

aux personnels, et notamment aux professionnels de santé. La multiplication des filières de tri à

l’hôpital, qui répond à des impératifs économiques et environnementaux, ne doit en effet pas se faire

au détriment de la qualité de vie au travail. Cela signifie que de vraies solutions et motivations doivent

êtres présentées aux personnels, afin que le tri des déchets ne soit pas un fardeau supplémentaire.

3.1.2 Des pistes pour améliorer les résultats de la politique

des déchets

La formation et l’organisation du travail et des services ont ici une importance cruciale, pour

inciter les acteurs et leur permettre de procéder correctement au tri.

3.1.2.1 Sensibiliser

Tout d’abord, un tri efficace (entre DAOM et DASRIA mais également pour les autres

filières) passe tout d’abord par la sensibilisation des personnels concernés. Par des réunions

d’information, des plaquettes de communication ou de l’affichage, il est en effet possible de favoriser

la prise de conscience de l’utilité de la démarche. Des chiffres marquants doivent être mis en avant :

« une tonne de plastique recyclée = 700 kilos de pétrole économisés », « un kilo de DASRIA coûte 4

fois plus cher à traiter qu’un kilo de DAOM ». La réceptivité aux arguments économiques,

écologiques ou de qualité des soins et de sécurité varie certes selon les personnalités, mais en

multipliant les arguments et en les exposant de façon claire, l’effet potentiel de la communication est

renforcé.

La sensibilisation n’est cependant pas suffisante, au risque d’être source d’injonctions contradictoires.

Convaincre un employé que le tri des déchets est extrêmement important et ne pas lui donner les

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82

moyens de procéder correctement au tri est en effet une source potentielle de stress au travail, et peu

participer d’un burn-out ou d’un syndrome dépressif.

Donner aux personnels de santé les « moyens » d’agir, en plus de les sensibiliser, passe par

plusieurs canaux.

3.1.2.2 Donner les moyens de bien faire

Il s’agit tout d’abord de s’assurer que les personnels aient le temps de procéder aux quelques

gestes supplémentaires nécessaires. Soit en faisant en sorte que l’action de tri ne demande pas

beaucoup plus de temps et donc en facilitant la tâche aux personnes concernées, soit en allégeant leurs

autres missions. La deuxième solution parait peu envisageable, notamment pour les personnels de soin

dont le tri n’est – il faut bien l’avouer – pas au centre des préoccupations. Il faut donc faire en sorte

que le tri des déchets soit ergonomique et commode, et ne demande pas beaucoup de temps ni

d’efforts, sous peine de résultats nuls, voir contreproductifs.

En effet, si le tri est trop compliqué, chronophage ou fastidieux, il risque d’accentuer le stress des

personnels, qui serviront – dans le cas très probable où leurs missions ne sont pas allégées pour autant

– de variable d’ajustement. Parfois, s’il est difficile voir impossible de respecter à la fois tous les

protocoles réglementant l’activité professionnelle (protocole de soin, protocole de tri des déchets, etc),

les personnes finiront par les transgresser, et il est vraisemblable que ce soit l’activité de tri et non

l’activité de soin, la plupart du temps jugée prioritaire, qui fasse l’objet d’une déconstruction et d’une

adaptation plus ou moins personnalisée.

A l’occasion d’une visite dans un service de réanimation de l’un des hôpitaux de l’AP-HP, la cadre de

santé a par exemple expliqué qu’elle demandait depuis plus de 4 ans des « doubles supports sacs »,

permettant d’y accrocher à la fois un sac noir et un sac jaune, et donc de procéder au tri directement

dans les chambres. Après quatre ans de vaines demandes, le service fonctionne toujours uniquement

avec des sacs jaunes, et tous les déchets produits dans les chambres sont donc jetés et traités comme

des DASRIA. Quelques mètres plus loin, un important dépôt sauvage de cartons situé devant les

ascenseurs existe depuis plusieurs années, qui pose des problèmes esthétiques aussi bien que de

sécurité incendie. Mais l’entreposage officiel des cartons est jugé trop éloigné par certains personnels

qui refusent de les transporter jusqu’à lui, surtout la nuit.

Le problème existe à la fois en matière de tri et d’entreposage des déchets. Les containers accueillant

les DASRIA sont par exemple censés être maintenus fermés dans les locaux. Dans le service de

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83

réanimation en question, il déborde la plupart du temps, ce qui empêche sa fermeture et oblige l’agent

à manutentionner les sacs ou à les compresser à la main pour pouvoir rabattre le couvercle. Les

personnels amenant les déchets reconnaissent que cela est anormal, mais expliquent également que

quand ils arrivent avec leur charriot rempli de sacs jaunes, « il faut bien qu’ils les mettent quelque

part », même quand le bac est déjà plein. Le vrai problème est en fait l’exigüité du local de stockage

intermédiaire des déchets, qui ne permet pas l’installation d’un deuxième GRV (grand récipient vrac).

Dans le même état d’esprit, des tâches de sang ont été relevées au fond d’un GRV lors de la visite de

la zone d’entreposage intermédiaire des déchets du service de maternité de l’hôpital xxx. Le dépôt de

déchets se situe tout au bout d’un couloir sans issue, face à des ascenseurs, dans un espace

extrêmement exigu, obligeant l’agent qui les ramasse deux fois par jour à sortir les quatre bacs de 750

litres accueillant les DAOM pour pouvoir accéder aux bacs DASRI. L’extraction des GRV, pour les

amener à la zone d’entreposage centralisée d’où ils seront enlevés pour être traités, est donc

fastidieuse. Et il est apparu que l’agent avait en fait ramassé les sacs jaunes du second bac pour les

transvaser (à la main) dans le premier, et n’avoir à en extraire et à en transporter qu’un seul. Le résultat

est que le GRV restant - censé comme les autres être remplacé et désinfecté à chaque rotation -, ne

l’avait pas été, ce qui est à la fois non conforme au protocole et non hygiénique.

Le problème avec les transgressions du protocole ou des bonnes pratiques, c’est que même si elles

paraissent anodines, elles finissent, lorsqu’elles s’accumulent, par être source de risques. Le plus

prudent est donc de faire en sorte d’adapter l’organisation du travail afin que les consignes de tri soient

claires, facilement applicables et pas trop fastidieuse. Cela revient par exemple à positionner des

doubles supports sac (un jaune et un noir) au plus près de chaque soin, à trouver des solutions pour

aménager des locaux de stockage des déchets suffisamment spacieux et qui ne soient pas trop isolés

des services, ou encore à installer des zones de dé-cartonnage, avec un stockage intermédiaire de

déchets carton à proximité.

3.1.2.3 Former

La formation est incontestablement un autre levier d’amélioration du tri des déchets à

l’hôpital. Outre le fait qu’elle puisse être l’occasion de sensibiliser les personnels, elle est également

l’occasion de clarifier les règles et les bonnes pratiques en vigueur.

La formation au tri des déchets est par exemple un vrai point faible à l’hôpital xxx. Au cours des

observations dans ses différents services et sur 15 personnels suivis pendant qu’ils prodiguaient des

soins, aucun n’avait reçu de formation sur le tri des déchets, ni au cours de sa formation initiale, ni au

cours de formation continue. Aucun n’avait non plus connaissance de l’existence d’un protocole de tri

Page 84: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

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des déchets. Dans les questionnaires d’auto-évaluation, 8 seulement (soit 10%) se sont souvenus avoir

été formés à ce sujet, dont 5 en 2008 et 3 en institut pendant leur formation initiale.

L’absence de formations, au vu de l’écart par ailleurs constaté entre les pratiques de tri et le protocole

les concernant, parait donc être une grosse lacune qu’il s’agit de combler rapidement. Elle doit

s’accompagner d’échanges avec les soignants pour identifier les déchets pour lesquels la consigne

n’est pas assez claire, et affiner le protocole de manière participative.

3.1.2.4 Informer

La profusion de règles et de protocoles à l’hôpital rend par ailleurs la formation insuffisante, et

les connaissances ainsi acquises doivent donc être régulièrement rappelées. L’affichage permet par

exemple de s’assurer que les règles resteront à l’esprit des personnels. Il doit être attrayant et clair

(pour permettre une lecture rapide et ne pas risquer d’être incompris). A l’hôpital xxx, au lieu de

schémas clairs, c’est le protocole (en trois colonnes très serrées et à la police très petite) qui était

discrètement affiché dans chaque local déchet. Certains locaux possédaient des schémas un peu plus

attrayants, mais dans d’autres lieux d’entreposage des déchets, c’étaient de vieux panneaux qui étaient

encore accrochés, évoquant les « déchets septiques » (ancienne appellation des DASRIA). L’affichage

est donc un bon outil de management durable, pour les déchets comme pour d’autres sujets, à

condition bien sûr de respecter quelques règles élémentaires de contenu et de présentation.

Il est par ailleurs évident que les yeux s’habituent à l’affichage, ce qui restreint son efficacité. Mais

même dans ce cas, l’affiche peut servir d’aide mémoire et sera donc consultée en cas de besoin (oubli

de la règle, doute). Etant donné la complexité des protocoles de tri des déchets en vigueur, un tableau

récapitulatif de la liste des DAOM et des DASRI (avec photos par exemple) placé au dessus de tous

les supports sacs permettrait à coup sur d’améliorer les pratiques de tri des personnels, pourvu qu’ils y

aient été sensibilisés.

3.1.3 Elargir la réflexion à d'autres champs de la vie

hospitalière

Enfin, la politique des déchets est une problématique bien plus large que leur tri, leur

entreposage, leur enlèvement et leur valorisation. La vraie question est en effet la quantité de déchets

Page 85: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

85

produite, et non pas leur nature. Or mieux trier et valoriser ne réduit pas la production de déchets. Cela

modifie en effet simplement la répartition de ces déchets au sein des différentes filières.

3.1.3.1 Le meilleur déchet, c'est celui qu'on ne produit pas

Un déchet DAOM coûte certes moins cher à traiter qu’un déchet DASRI. Mais

l’enlèvement et le traitement des DAOM coûte quand même une somme plus que significative lorsque

l’on considère la masse de DAOM produite chaque année par les hôpitaux. Par ailleurs, tous les

déchets, qu’ils soient traités en suivant la filière DAOM, DASRI, carton ou plastique, va nécessiter de

l’énergie pour son transport, son élimination ou sa valorisation. Une approche en termes de cycle de

vie du produit amène également à prendre en compte les ressources ayant été consommées dans le

processus de production du déchet en question.

En résumé, le meilleur déchet est donc celui qu’on ne produit pas. Et la problématique des déchets

questionne donc celle de certaines pratiques professionnelles, et notamment le développement de

l’usage unique qui est quasiment devenu la règle. Baisser le volume de déchets produits par un hôpital

revient en fait à s’interroger sur les différents gisements de déchets de l’hôpital et sur la manière dont

on pourrait les limiter.

C’est ce qu’Ilke Winkler, animatrice parisienne du C2DS interrogée dans le cadre de ce mémoire, a

voulu exprimer en déclarant : « qui achète mal en amont aura des problèmes avec ses déchets ». Une

réflexion est donc à mener sur les produits que l’hôpital achète, leur durée de vie, leur valorisation ou

le coût de leur élimination.

3.1.3.2 Adapter les infrastructures

De même, si le cas de l’hôpital xxx a prouvé que l’aménagement des bâtiments anciens

pour y créer des locaux déchets conformes est parfois problématique, les nouveaux bâtiments doivent

systématiquement prendre en compte la collecte des déchets dès leur conception. Il n’est par exemple

pas normal que le nouveau service actuellement en construction dans l’hôpital en question ne

comporte pas, sur les plans, de local déchet.

En ce qui concerne les bâtiments déjà construits, il est important de prioriser les besoins en espace et

de comprendre que les déchets sont au sommet de la hiérarchie des priorités car ils font l’objet d’une

réglementation spécifique depuis plus de dix ans.

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86

Des arbitrages peu évidents doivent être faits : on peu comprendre qu’il soit délicat en pratique de

sacrifier une salle de staff ou une salle de détente des personnels, mais le déplacement d’un local de

stockage d’archives semble par exemple relever du possible.

En conclusion, il semble que les déchets soient une problématique sensible pour beaucoup

d’hôpitaux, et l’hôpital xxx ne doit donc pas être stigmatisé ni considéré comme un mauvais élève

récalcitrant. L’important est que la plupart des hôpitaux aient aujourd’hui pris conscience de

l’importance de la question, et même si le motif de leur intérêt est souvent plus économique

qu’écologique, cela importe peu lorsque l’on se concentre sur les résultats.

Des actions concrètes et utiles doivent être mises en œuvre pour améliorer les pratiques

professionnelles liées aux déchets. L’avantage est que pour reprendre les termes d’Olivier Toma, le

président du C2DS : « les déchets sont un domaine transversal qui touche tous les acteurs de la

clinique, des bureaux au bloc opératoires ». La question peut donc être fédératrice, et a l’avantage de

permettre aux services administratifs de faire preuve d’exemplarité en la matière. Tous les services

étant concernés, c’est également l’occasion de les motiver en mettant régulièrement en valeur les bons

élèves et en les récompensant de quelque manière que ce soit. On pourrait par exemple imaginer que

leur soit versé sous forme de crédits d’équipement la moitié des sommes économisées grâce aux

efforts fournis.

3.2 Quel avenir pour le management durable à l’AP-HP et dans

les hôpitaux publics ?

Comme l'a expliqué Jean-Rémy Bitaud lors de son entretien, la période 2005-2010 a été celle

de la prise de conscience du milieu hospitalier quant au développement durable. Tous les

établissements sont aujourd'hui dans une démarche de management durable, certes plus ou moins bien

intégrée et structurée.

Cela semble ne pas se résumer à un effet de mode: « lorsque l'on regarde les choses de plus prêt, on se

demande au contraire pourquoi on n'y a pas pensé plus tôt » explique-t-il. Mais où en est-on

exactement? (3.2.1) Quels sont les points de blocage (3.2.2) et comment les surmonter (3.2.3)? Quelles

perspectives peut-on imaginer pour les décennies à venir? (3.2.4)

Page 87: Manager le développement durable un défi pour l'hôpital public au XXIème siècle

87

3.2.1 Le management durable dans les établissements

publics: point d'étape

En 2011, l'association EHESP Conseil des élèves de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé

Publique s'est vue confier pour la quatrième année consécutive l'analyse des résultats du baromètre du

développement durable en établissement de santé. Sur 6725 questionnaires envoyés, 498 ont été

complétés, contre 279 en 2010. Cette progression du nombre de répondants de 64% souligne un

ancrage croissant du développement durable dans les établissements de santé, ce que confirment les

données collectées: 89% des hôpitaux ayant retourné le questionnaire considèrent le développement

durable comme un objectif stratégique, tous statuts et activités confondus.

3.2.1.1 Une problématique désormais intégrée par les établissements

hospitaliers

Une réelle volonté semble donc émaner des établissements de santé et donc de leurs dirigeants.

L'enquête réalisée par téléphone auprès des directeurs des douze groupes hospitaliers que compte l'AP-

HP a d'ailleurs souligné l'intérêt de ces derniers pour la question. A la question « vous sentez vous

concernés par le management durable ? », sept directeurs sur douze ont répondu « oui », un « oui,

bien évidemment », un « on l'est tous comme des citoyens et ensuite comme des managers » et un autre

« tout à fait absolument ». L'un d'entre eux s'est également montré plus prolixe, expliquant qu'il se

sentait effectivement concerné, « et à double titre: en tant que responsable de la manière dont je

laisserai mon hôpital quand je partirai, et en tant que responsable de la manière dont j'ai une action

sur la manière dont les choses se passent en fonction de mes moyens et de mes possibilités ». En fin de

compte, seul une des répondantes a répondu très franchement « non, pas du tout ».

Les résultats du baromètre 2011 sont d'ailleurs en partie encourageant, même s'il faut avoir à l'esprit

que les résultats sont par définition entachés d'un biais de sélection indépendant de la volonté de ses

concepteurs. Les données étant établies d'après les réponses de seulement 458 questionnaires (les

seuls retournés et entièrement complétés) sur 6725, on peut en effet imaginer que les résultats soient

surévalués, du fait que les établissements qui prennent le temps de répondre sont le plus souvent ceux

qui s'intéressent à la question, et veulent en profiter pour s'évaluer, ou tenter de décrocher un

« award ».

Néanmoins, le baromètre constitue un formidable outil de mesure de l'évolution des pratiques des

hôpitaux publics d'une année sur l'autre. Et l'édition 2011 montre que le thème des achats durables

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88

progresse et que le recours à des techniques prenant en compte le développement durable semble

globalement s'automatiser (70% des établissements ont déclaré intégrer des critères de développement

durable dans leurs cahiers des charges contre 58% en 2010). D'autre part, 23% des établissements ont

réalisé le Diagnostic de Performance Energétique. Ce chiffre est assez bas, surtout pour une démarche

pourtant obligatoire, mais est en nette progression par rapport à 2010.

3.2.1.2 Des résultats concrets encore insuffisants

Cet intérêt pour la question n'empêche pas les difficultés, et les directeurs l’ont exprimé dans

leurs réponses à la question suivante du questionnaire : « pensez vous que cela est important ? ». Plus

de la moitié des directeurs interrogés ont répondu de façon positive: « très important, car cela a des

vertus éducatives et économiques, même si le management durable génère un investissement au

départ », « oui, tout à fait », « c'est important à l'hôpital comme dans tout endroit », « c'est important

car cela permet à l'hôpital de ne pas être uniquement dans les sujets de réduction de moyens », « j'y

suis sensible à titre individuel, cela fait partie des priorités de l'institution », « absolument, parce que

c'est un choix d'exigence, et parce que c 'est aussi un levier positif pour mobiliser les équipes », « c'est

important à l'hôpital car on est de gros producteur de déchets, de gros investisseurs, etc ».

Les autres directeurs répondants avaient cependant les difficultés de l'exercice bien à l'esprit et les ont

exprimées dès ce stade du questionnaire (quatrième question). L'un a par exemple affirmé que « oui,

c'est important sur les principes, mais [que] passer des principes à la réalité est plus compliqué » et un

autre a déclaré « je pense que c'est une démarche qui peut intéresser parce que les hospitaliers de

manière générale sont des gens qui prennent soin des gens au quotidien: ça n'est pas étranger à leur

univers et à leurs préoccupations, et ça résonne dans leur état d'esprit » avant de concéder « mais la

conciliation avec les contraintes est un peu compliquée ». Lucide, un dernier a expliqué « ce que je

perçois, c'est que l'on n'est pas trop en avance, et même très en retard ».

Au départ confidentielle (non pas que rien n'était fait, mais plutôt que les établissements ne

communiquaient pas beaucoup sur ce qu’ils faisaient), l'implication des établissements de santé dans

une démarche de développement durable s'est certes diffusée et amplifiée. Mais le baromètre 2011

souligne également que le chemin à parcourir reste énorme, et que les intentions annoncées dans les

projets d'établissements et dans les plans stratégiques ne sont pas encore assez systématiquement

suivies d'effets.

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89

Seulement 27% des établissements ont par exemple acquis des véhicules propres et économes, et 10%

ont mis en place un plan de déplacement. De même, seulement la moitié des établissements ont

entrepris une démarche de réduction des consommations d'eau, et seuls 25% d’entre eux ont réalisé ou

sont en cours de réalisation d'un bilan carbone, ce qui est d'autant plus décevant qu'ils étaient 30% en

2010 (cette baisse s'explique par le doublement du nombre de répondants et l'élargissement de

l'échantillon qui en résulte).

3.2.2 Points d'achoppement et points de blocages et marges

de progression

Les directeurs interrogés à l'AP-HP – mais le travail de recherche a prouvé que cette

préoccupation est commune à beaucoup de directeurs d'hôpitaux publics -, sont donc globalement

favorables au développement durable, à titre personnel comme à titre professionnel.

Cependant, un fossé existe entre leurs intentions et leurs réalisation. A la question « comment prenez-

vous en compte le développement durable dans vos décisions managériales quotidienne », les réponses

sont en effet beaucoup moins enthousiastes. Une des directrices interrogées a par exemple affirmé

avec humour « oui bien sûr, dans le contexte actuel, on ne pense qu'à ça », avant d'enchaîner « dans

nos décisions à ce jour, on ne le prend pas suffisamment en compte, dans la mesure où nous avons à

mettre en oeuvre de manière cohérente, efficiente, qualitative et intelligente un nombre de politiques

nationales, régionales, institutionnelles ou locales tellement importantes, par rapport au

développement durable qui vient juste d'arriver ». Un autre complète: « Je l'ai à l'esprit [le

management durable], mais c'est souvent le budget qui nous fait choisir des solutions qui ne sont pas

toujours dans l'axe du développement durable ».

3.2.2.1 Le développement durable, une notion encore floue pour beaucoup

d'acteurs hospitaliers

Les difficultés rencontrées sont de plusieurs natures. Premièrement, le fait est que la notion de

« développement durable » semble encore très floue aux les directeurs d'hôpitaux, mais aussi aux

personnels hospitaliers en général.

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90

En effet, si les gens ont globalement en tête que le développement durable a un lien avec

l'environnement, le pan économique, et encore plus le pan social de la problématique sont souvent

beaucoup moins évident dans l'esprit des hospitaliers.

Par exemple, les réponses à la première question du questionnaire « pour vous, à quoi fait référence le

développement durable » sont très éclairantes. La formulation de la question était volontairement très

générale, beaucoup plus que « connaissez vous les trois piliers du développement durable » par

exemple, car l'objectif était justement d'apprécier si les trois piliers du développement durable venaient

spontanément à l'esprit des personnes interrogées. Les réponses confirment que le volet social n'est

que rarement cité, et les directeurs ont par ailleurs souvent cherché leurs mots, avant de répondre par

des exemples plutôt que par une définition globale, la notion – surement imparfaitement appréhendée

– leur paraissant apparemment peu commode à résumer. C'est ce qu'illustre la plupart des réponses:

« ça fait rapport à la sauvegarde de la planète », « de manière générale, à l'écologie, au respect de

l'environnement de manière pratique et technique: le tri des déchets, l'usage du papier », « à

différentes thématiques: maîtrise des énergies, haute qualité environnementale, politiques d'achat éco-

responsables, aspect valorisation des déchets », « cela fait référence à un certain nombre de concepts

très 'up to date'69 : on s'inscrit dans la continuité de la préservation de la planète, de l'écosystème, sur

une croissance économique maîtrisée sur le plan environnemental. », « tout un tas de réflexes, mais

aussi de dispositions réglementaires pour intégrer dans nos pratiques et dans nos choix

(architecturaux ou techniques) des précautions de développement durable. On construit, on détruit, on

éclaire, on chauffe, on refroidit, on recycle nos déchets. Intégrer au quotidien ces réflexes ».

D'autres réponses, bien que restant très floues, montrent la connaissance par leurs auteurs de certains

éléments de culture générale: « c'est tout ce qui s'inscrit dans la politique globale suite aux accords de

grenelle » ou encore « le développement durable fait référence au Rapport Brundtland et à tout ce qui

en a découlé depuis 15 ans ». Même si les propos préliminaires ont souligné que la définition fournie

par le Rapport Brundtland – qui date en réalité de 1987, soit il y a 24 ans -, était assez incomplète, il

lui a été fait référence à deux reprises parmi les réponses recueillies: « C'est consommer sans détruire

pour les générations futures » et « cela suppose de réfléchir à nos propres comportements pour ne pas

pénaliser les générations futures ».

Deux très bonnes réponses à la question indiquent par ailleurs une réelle connaissance du sujet par leur

auteur. Tout d'abord, l'un d'entre eux a expliqué que pour lui, le développement durable comporte

« une dimension globale qui couvre l'ensemble des secteurs d'activité et doit viser économies

d'énergie, recyclage, etc. Et une autre dimension qui intègre un certain nombre de pratiques de

management, l'équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle, etc ». Un autre a relaté :

69 Traduction : en vogue, dans le vent, à la mode.

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91

« quand on a commencé à m'en parler, j'y ai essentiellement vu une approche qui concernait les

services techniques et logistiques (déchets, énergie, environnement), or en travaillant sur la

certification pour l'année prochaine, j'ai appris que ça n'était pas que ces choses que l'on voit dans les

médias: c'est aussi les ressources humaines, par exemple ».

Il faut par ailleurs préciser que parmi les directeurs n'ayant pas abordé le volet social du

développement durable dès la première question, certains ont tenu des propos éclairés sur la question,

la problématique leur revenant alors à l'esprit. Simplement, ce n'est pas un aspect de la question auquel

ils pensent tout de suite. Le directeur de groupe hospitalier qui s'était contenté de répondre « la

réduction de la consommation énergétique, des émissions liées à la consommation énergétique et du

volume de déchets » à la première question a par exemple précisé, en répondant à la sixième question

qui portait sur la prise en compte du développement durable dans ses décisions managériales

quotidiennes: « on essaie de le prendre en compte de plus en plus dans nos processus de travaux, dans

notre politique d'espaces verts, et au quotidien dans notre politique de ressources humaines

(redéploiement, restructuration, politique de communication positive) », preuve que le volet social du

développement durable ne lui est pas inconnu.

Cette évocation clairement moins fréquente des problématiques sociales liées au développement

durable est peut-être due au fait qu'elles semblent moins concrètes. Les mesures environnementales

sont bien connues, car elles font référence à plusieurs types de politiques assez bien connues car

médiatisées: isolation des bâtiments, énergies renouvelables, meilleure politique des déchets, etc. Ce

sont également les mesures qui génèrent le plus d'économies, un autre des trois piliers du

développement durable, qui a un écho particulier à l'hôpital du fait de la contrainte financière très

prégnante actuellement. La réponse de l'un des directeurs à la question « quels sont d'après vous les

principaux objectifs du management durable ? » est de ce point de vue très éclairante. Il a ainsi

expliqué que « dans le cadre de la vie hospitalière, les principaux objectifs sont quand même très

ciblés sur les problématiques énergétiques et les déchets. Les endroits où l'on peut faire le plus de

développement durable sont les processus de construction. Ensuite, si on veut faire du politiquement

correct, on peut également dire que c'est de faire en sorte que tout le monde se sente bien, de faire du

psycho social, et finalement de faire en sorte que les gens durent dans l'hôpital », reconnaissant que

c'est « la deuxième action la plus importante » mais également la moins évidente à mettre en œuvre.

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92

3.2.2.2 Les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre concrète du

management durable

Hormis cette difficulté à cerner une notion dont on parle beaucoup de nos jours sans que ses

contours ne soient souvent clairement définis, d'autres obstacles rencontrés dans la mise en œuvre du

développement durable dans les hôpitaux publics ont émergé des entretiens téléphoniques avec les

directeurs de groupe hospitalier.

Certains n'ont certes pas fait mention de difficultés particulières: « je ne vois pas vraiment d'obstacles,

on arrive à des actions très concrètes comme diminuer le nombre de bouteilles d'eau et mettre des

carafes, trier le carton », mais cela reflétait parfois le manque de mise en oeuvre concrète: « je ne

rencontre pas spécialement de difficultés parce que je ne l'applique pas trop non plus ».

Le fait que le développement durable ne soit pas la priorité parmi toutes les obligations qui

préoccupent les hospitaliers a par contre souvent été évoqué: « le moment n'est pas opportun pour

aller au contact des équipes. Elles ont trop d'autres préoccupations, or si on veut avancer sur le sujet,

il faut bien le faire avec les soignants! », « l'hôpital est pétri de règles, de réglementations, de normes

à respecter. Difficile de concilier toutes les normes entre elles, alors en rajouter de nouvelles... », « je

suis très pragmatique: on n'aura pas de certification si on n'est pas en sécurisation incendie: il faut

donc faire des choix ».

Le manque d'experts sur le sujet, et de ressources humaines y étant consacré, a également été évoqué:

« On a des gens que la problématique intéresse (responsable déchets, logistique, technique), mais on

n'a pas d'expert métier », ainsi que le manque de ligne claire: « je sens une très forte dé-corrélation

entre les siège et les groupes sur le sujet: plusieurs directions ne se concertent pas entre elles, ce qui

crée de la confusion dans les lignes à suivre ».

Le point de vue de la direction ne suffit pas à cerner les difficultés que pose la mise en œuvre

du développement durable. Le cas pratique sur les déchets a notamment démontré que l'appropriation

par les services des protocoles et des orientations stratégiques retenus par la direction était souvent

problématique, et qu'il ne suffit pas de décréter une mesure pour qu'elle soit mise en œuvre.

Se préoccuper de la question du développement durable ne suffit donc pas. L'important est de prendre

des mesures concrètes, et surtout d'en surveiller attentivement et d'en évaluer l'application, afin de

vérifier que ces mesures sont adaptées, utiles et effectivement mises en œuvre, et éventuellement de

les ajuster.

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93

C'est toute la problématique du management durable, qui ne se résume pas aux principes mais à leur

mise en application opérationnelle et leur prise en compte dans la gestion et dans toutes les décisions

quotidiennes. Et les déclarations de ce directeur de groupe hospitalier constitue une excellente

transition : « la difficulté est de rendre concret un concept qui peut être creux, et d'essayer de le

décliner de la manière la plus concrète et la plus opérationnelle possible ». Comment passer d'un

vœu pieux à une application bien pragmatique ?

3.2.3 Marges de progression et leviers d'action : du

développement durable au management durable

Grâce notamment à l'évolution de la réglementation, des critères de certification de la HAS et

des mentalités, une dynamique de management durable est bien amorcée à l'hôpital public, qu'il s'agit

d'accompagner et d'amplifier. L'idée est vraiment de passer des bonnes intentions aux actes concrets.

Si le développement durable reposait sur trois piliers, le management durable hospitalier – qui

représente sa mise en œuvre opérationnelle -, est lui fondé sur cinq piliers. Aux aspects économiques,

sociaux et environnementaux s'ajoutent ainsi la prise en compte des risques et l’adhésion des acteurs à

l’esprit du projet.

Se poser la question du développement durable à l'hôpital public, c'est donc s'interroger sur les leviers

d'actions susceptibles de dépasser les difficultés exposées précédemment, sans remettre en question

les principes fondamentaux que sont la sécurité et la qualité des soins.

3.2.3.1 La problématique économique, frein ou levier?

Il s'agit tout d'abord de revenir sur la problématique économique que soulève le

développement durable. L'hypothèse que le développement durable soit compliqué à mettre en œuvre

du fait du manque de moyens financiers et aussi par conséquent humains a été avancée par plusieurs

des directeurs interrogés: « le problème est que tout tourne toujours quoi qu'il arrive autour de

l'objectif économique », ou encore « quelqu'un qui travaille à plein temps sur la problématique serait

vraiment très utile, mais on n'est pas assez riches pour ça ».

Si les difficultés économiques des hôpitaux publics – et notamment de l'AP-HP – sont incontestables,

il y a toutefois lieu de se demander si le fait de justifier par des arguments économiques le manque

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94

d'initiatives en matière de développement durable n'est pas en fait un discours ou une excuse, plutôt

qu'une justification tangible.

En effet, le cas pratique sur les déchets a par exemple montré que le développement durable

peut être source d'économies, ce qui est également le cas des démarches d'isolation qui permettent de

baisser de manière significative les dépenses de chauffage ou l'installation d'ampoules et de néons

basse consommation et de minuteries ou de détecteurs de mouvement dans les couloirs et les cages

d'escalier, qui diminuent également la facture d'électricité.

Le développement durable ne doit donc pas être perçu uniquement comme un fardeau pour les

finances d'un établissement. Au contraire, un directeur a même judicieusement rappelé que « cela

permet à l'hôpital de ne pas être uniquement dans les sujets de réduction de moyens ». En effet, le

développement durable apporte selon plusieurs personnes interrogées un supplément d'âme à l'activité

hospitalière, à une époque où beaucoup dénoncent « l'industrialisation du soin » et « l'hôpital

entreprise » incarnés par la tarification à l'activité et le poids croissant des objectifs de rentabilité à

l'hôpital. Or le développement durable, bien qu'intégrant la dimension économique, l'allie a des

impératifs environnementaux et sociaux, ce qui rend la question de la bonne gestion des ressources

plus facilement recevable des personnels.

Il semble en définitive que les moyens financiers ne doivent pas être considérés comme la

problématique fondamentale du management durable hospitalier. D'une part parce que si certaines

actions « développement durable » peuvent permettre d'économiser de l'argent, les moyens à investir

au départ (pour installer un nouveau système de chauffage par exemple) sont souvent conséquents, et

que les économies permises sont rarement miraculeuses (quelques centaines d'euros par an pour un

couloir éclairé par des néons basse consommation par exemple) et que l'argument économique n'est

donc pas susceptible de déclencher à lui seul l'action.

D'autre part, dans les cas où le développement durable n'est pas mis en oeuvre, il apparaît bien souvent

que l'argent ne soit en fait pas le vrai problème, ce qu'avoue très honnêtement ce directeur: « à mon

avis, l'argent n'est pas le sujet. C'est la volonté politique, c'est la mentalité, c'est avant tout une envie

politique. Si j'avais de l'argent, ça n'est pas là que je le mettrais ».

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3.2.3.2 Volontarisme politique et pilotage du management durable

La vraie question ne semble donc pas être l'argent, mais la volonté politique, qui peut

s'exprimer à la fois au niveau national (ce qui commence à être le cas) mais également au niveau de la

direction de l'établissement et de manière décentralisée au niveau des pôles et des services.

Au sein d'un même établissement, on repère par exemple souvent de gros écarts entre les taux de tri

des différents services, qui ne sont pas uniquement la conséquence des différences d'activité. L'accent

est simplement d'avantage mis sur la question par les cadres concernés. Et les études de terrain

montrent que la question est en fait très personne-dépendante.

Le principe clé - plutôt que la question des moyens -, semble dont être le crédo « quand on

veux on peut ». Le plus souvent, les solutions existent, et le vrai défi consiste à prendre le temps de les

chercher et à concentrer ses forces sur leur réalisation. Certes, les dirigeants hospitaliers sont accaparés

par énormément de questions, toutes prioritaires à leur manière. Mais c'est bien là le sens du

volontarisme en matière de développement durable, qui consiste à tout mettre en œuvre pour faire en

sorte que la question soit traitée.

La question du pilotage du management durable a aussi souvent été pointée du doigt par les directeurs

des groupes hospitaliers de l'AP-HP. Des référents « développement durable » ont certes été nommés

dans chaque groupe, mais peu sont vraiment experts en la matière. On a en fait souvent recherché

quelqu'un qui s'intéressait à la question, pour lui rajouter ce rôle en plus de ces missions

traditionnelles. Ce qu'a proposé l'un des directeurs, c'est – pour que la question soit efficacement

traitée – que l'AP-HP recrute quatre ou cinq personnes expertes du sujet. Ces personnes ne seraient pas

arrimées au siège - « sinon on ne les voit jamais » a-t-il justifié -, mais seraient réparties entre les

groupes hospitaliers (un pour trois groupes par exemple). Cela leur permettrait d'avoir une vraie

connaissance du terrain et des acteurs en présence, d'être très joignables et d'avoir du temps pour faire

avancer les projets.

D'autres directeurs ont fait le vœu que le siège, qui pilote au niveau de l'AP-HP la politique de

management durable, leur fournisse plus de projets « clé en main », avec par exemple deux ou trois

mesures très concrètes, qui puissent être déclinées sans que cela ne se transforme en usine à gaz.

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3.2.3.3 Un besoin de formation et d'information

Car plus que de l'argent, c'est de formation et d'information qu'ont besoin les hospitaliers, pour

que le management durable soit efficace. Le cas pratique sur la gestion des déchets l'a démontré, il

arrive que la règle ou le protocole soit ignorés ou incompris. Ou encore qu'ils soient contournés car on

n'en voit pas vraiment l'intérêt, et que le bilan « effort-avantage » qu'en fait le personnel n'incite pas à

adopter une conduite durable.

Communiquer autour d'une démarche de mobilisation interne envers le développement durable est

donc important, à la fois pour faire connaître et partager la vision du projet par tous les acteurs

concernés (les objectifs, les moyens mis en oeuvre, etc) et pour rassurer sur le bien fondé et la

cohérence de la démarche adoptée, en mettant en avant les bénéfices et les améliorations attendus. Le

déroulement du processus et la contribution de chacun doivent également être clarifiés.

Au cours de leurs entretiens, plusieurs directeurs de l'AP-HP ont d'ailleurs signalé à l'occasion

de la question « de quels outils auriez vous besoin » que des outils de communication bien faits

seraient susceptibles de les aider: « un petit manuel sur toutes les possibilités qui s'offrent à nous

serait important », « de la communication sur des mesures palpables, pour que ça ne reste pas

abstrait », « des outils de communication pour valoriser l'impact économique positif du

développement durable, pour qu'on arrive à beaucoup plus à 'vendre' des actions comme le

changement du système de chauffage ». Un des directeurs résume: « Il y a de la communication qui

serait indispensable pour que ça sorte des bureaux et que ça aille vers les services, on est très peu

aidés là dessus ».

La communication doit être adaptée au fur et à mesure de la démarche : si dans un premier

temps, il s'agit par exemple surtout d'anticiper, voir de résoudre les difficultés, il s'agit ensuite surtout

de valoriser les efforts faits par les collaborateurs, et surtout de faire vivre l'action dans le temps.

L'enjeu est de toucher l'ensemble des parties prenantes concernées, en interne comme en externe

(personnel, fournisseurs, citoyens, partenaires, patients, familles, fournisseurs, citoyens). Il est de plus

important d'utiliser différents canaux pour se distinguer du « bruit ambiant » dans l'organisation : on

connaît la masse d'information mensuellement transmise aux personnels hospitaliers, qui nécessite de

multiplier les supports: dépliants et plaquettes, lettres internes et notes de service, journaux et

magazines internes, affiches, stickers, expositions, pancartes, chartes, codes ou guides. Des modes de

diffusion interactifs sont également envisageables, qui s'ils ne sont pas trop chronophages pour les

personnels peuvent engendrer de bons résultats: On pourrait par exemple imaginer que des petits

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97

déjeuners de présentation de la démarche « développement durable » soient organisés dans chaque

service, qui proposent aux personnels, dans un cadre convivial, une courte vidéo qui décrive les enjeux

de la démarche et propose quelques chiffres clé. Un court débat serait ensuite organisé, pour recueillir

leurs remarques, leurs inquiétudes, leurs témoignages et leurs difficultés, qui pourraient ainsi être

mieux pris en compte.

Une méthode qui a aussi fait ses preuves est la création par certains établissements de santé d'une

‘mascotte développement durable’. C'est la solution qu'ont entre autres mis en œuvre le Centre

Hospitalier de Ham et le Centre Hospitalier Universitaire de Rouen, où Louison, femelle hérisson, est

l'animatrice officielle de tous les outils de communication du projet développement durable.

3.2.3.4 Les leviers externes et le dynamisme du contexte de l'hôpital

Le volontarisme des établissements de santé peut également être lié au dynamisme des

politiques de développement durable des collectivités territoriales auxquelles ils sont rattachés,

clairement susceptibles de favoriser et de faciliter l'action de l'hôpital concerné. Notamment, les

collectivités territoriales ont par exemple des représentants au conseil de surveillance de

l'établissement, et se prononcent donc sur la stratégie de l'hôpital en même temps qu'ils participent au

contrôle de sa gestion.

Les collectivités territoriales peuvent également aider les établissements à mettre en œuvre certaines

mesures « durables », à l'image de la Ville de Brest qui a contracté un accord avec son CHU qui

permet à l'hôpital de la Cavale blanche d’être chauffé par l’eau chaude que produit l’usine

d’incinération des déchets de la ville.

Le CHU de Bordeaux est également très aidé par son contexte local. Virginie Valentin, Secrétaire

générale et également chargée de la question du développement durable, a par exemple rappelé

qu'Alain Juppé, en tant que président du Conseil de surveillance, a mis le sujet du développement

durable en avant, en insistant souvent dessus au cours des réunions, et en aidant à la création de liens

avec l’extérieur. En ce moment, un travail a par exemple lieu avec le Conseil général de Gironde et la

communauté urbaine de Bordeaux (800 000 habitants) sur la notion d’achat responsable, et des

démarches ont été entamées pour la mise en place des produits éco labellisés qui s’accommodent tout

à fait des démarches de marchés publics. De même, en tant que Vice Président de la communauté

urbaine de Bordeaux, il a crée les liens nécessaires pour que des bornes de vélo partage soient

installées à proximité des différents sites du CHU.

Virginie Valentin a également expliqué que les quatre communes qui hébergent des sites du CHU ont

toutes initié une démarche d'Agenda 21 à l'échelle municipale. Le développement durable est un thème

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qui les intéresse au niveau politique, ce qui crée un contexte très favorable. De même, elle a rappelé

que le dynamisme de l'ADEME locale était également important, et que dans le même ordre idée, le

fait que l'ARS locale ne soit pas du tout intéressée par la question n'aurait pas été facilitant. De

surcroît, l'implication des entreprises locales peut être très utile.

3.2.3.5 Créer des synergies et présenter les choses de manière positive

Finalement, le développement durable est vraiment une question de synergie. D'une part de

synergies au niveau 'macro', puisque l'idée est vraiment que la sommation d'actions individuelles

procure plus de bien-être environnemental, économique et social au niveau collectif. Mais aussi de

synergies au niveau 'micro', puisque l'action de chacun est nécessaire dans une structure pour que le

management durable fonctionne.

Un des directeurs interrogé a expliqué que le développement durable était une idée « assez

populaire, assez partagée. Avant, quand on mettait des affichettes pour l'électricité ('pensez à éteindre

la lumière'), c'était souvent pris de manière narquoise. Maintenant, c'est plutôt bien perçu. Mais peut

être que ce sera plus compliqué quand il faudra contraindre les comportements ». Le développement

durable bénéficie donc d'une aura de plus en plus positive. Et cela constitue un formidable levier à

valoriser.

Le risque serait en effet que la démarche, si elle devient trop contraignante, finisse par agacer. Il ne

faut donc pas considérer cette réception positive du concept par les acteurs hospitaliers comme un

acquis mais toujours chercher à la renforcer.

Par exemple, un levier d'action très positif est de mettre en avant le bien-être que procure le

développement durable, en plus de l'effet fédérateur que le management durable peut initier. C'est

notamment dans cette perspective que doit être valorisé le pilier social du développement durable,

souvent négligé au profit des volets économique et social. La démarche 'développement durable'

adoptée par les hôpitaux est en effet susceptible d'améliorer les conditions de travail des personnels de

santé, en leur offrant un cadre de travail plus sain, en revalorisant l'aspect humain de leur mission de

soin que beaucoup déclarent parfois perdre de vue. Le management durable peut permettre aux

soignants de retrouver une opinion positive de leur métier et de s'épanouir davantage dans leurs

missions.

Tout est en fait une question de présentation des choses : le développement durable ne doit être ni

présenté, ni perçu comme une contrainte supplémentaire. Au contraire, le développement durable peut

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99

être un « supplément d'âme », qui recentre l'hôpital sur sa valeur première : d'abord ne pas nuire,

ensuite soigner.

Si le management durable est aujourd'hui un véritable défi à l'hôpital public, il n'empêche que

de nombreux leviers existent, susceptibles de permettre des progrès rapides dans son déploiement et

son enracinement dans les pratiques hospitalières.

Il n'empêche que pour l'instant, la démarche n'en n'est qu'à ses balbutiements, ce que plusieurs

directeurs de l'AP-HP interrogés ont souligné: « la démarche est pour l'instant très progressive », « je

crois que ça a émergé, cette problématique est en train d'être intégrée par les décideurs hospitaliers »

ou encore « pour l'instant, je la perçois de manière un peu balbutiante. Un cadre a été défini, et on est

en train de le construire ».

3.2.4 Perspectives : quel hôpital durable dans 50 ans ?

On a vu qu'à court terme, il existe beaucoup de contraintes qui freinent la mise en œuvre du

développement durable. Même si des leviers d'action existent par ailleurs, il est difficile d'imaginer

que la situation évolue profondément en quelques années. Du temps est en effet nécessaire, pour que

les acteurs s'imprègnent de la problématique, pour que les protocoles évoluent et soient intégrés par les

personnels, pour que les investissements soient programmés et mis en œuvre, pour que les fournisseurs

s'adaptent à l'évolution de la demande, etc.

Le développement durable n'en est donc qu'à ses balbutiements, mais n'en est pas pour autant

réductible à un effet de mode. La démarche semble bel et bien aller dans le sens de l'histoire, et

répondre à une nouvelle ère dont notre société entame la traversée : celle de la rareté, qui fait suite à la

période des révolutions industrielles qui a amené nos économies développées à atteindre leur taille

critique : la phase asymptotique du modèle de Solow, caractérisée par une croissance très faible.

Parce que cette tendance du développement durable a vocation à perdurer et à s'amplifier, il est donc

permis d'imaginer ce que sera l'hôpital de l'avenir. A quel hôpital durable auront nous affaire dans 50

ans ?

La question a été posée à la plupart des personnes interrogées, et présentée comme un exercice

de politique fiction. L'idée n'était pas d'adopter un raisonnement scientifique, de s'appuyer sur des

preuves tangibles ou des prévisions officielles. Au contraire l'objectif était d'activer la pensée créative

des uns et des autres, et d'imaginer ensemble l'hôpital de demain.

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La question en a dérouté plus d'un: « je me méfie beaucoup des visions à 50 ans. J'ai déjà beaucoup de

mal à avoir une vision à cinq ans, par expérience », ou encore « je ne suis pas assez visionnaire pour

ça. Je gère le quotidien. Ceux qui donnent des idées, souvent, ne les appliquent pas. L'AP-HP se gère

avec des plans stratégiques de cinq ans. On a une vision stratégique à deux ans maximum ». Ces

arguments sont recevables, mais il n'en demeure pas moins que le développement durable suppose une

vision de long terme, qui prenne en compte les générations futures. Comment mener un projet

ambitieux sans savoir ce vers quoi l'on se dirige? « la question est très intéressante mais très

compliquée à imaginer » a résumé l'un des directeurs.

En procédant par étape, il est premièrement possible de sélectionner des « bonnes pratiques »

dont on estime qu'elles se seront démocratisées dans cinquante ans : le système de cogénération70 mis

en place à l'hôpital Avicenne, le mur végétalisé de l'hôpital Robert Debré, la gestion écologique des

espaces verts de l'hôpital Broca, etc

La clinique Champeau, à Béziers, est particulièrement innovante en la matière et préfigure peut être

l'hôpital de demain : les dispositifs médicaux sans phtalates sont les plus nombreux possible, les

trousses de maternités remises à la naissance aux mamans ne sont pas des cocktails chimiques, les

déchets fermentescibles sont compostés, etc.

Il est également parfois utile de se tourner vers l'étranger pour s'imprégner de pratiques innovantes.

L'hôpital de Sunderby en Laponie suédoise – où l'auteur de ce mémoire a eu l'occasion d'effectuer un

voyage d'étude en 2006 -, est par exemple une source d'inspiration parfaite pour qui veut réfléchir au

bien-être des patients et des personnels d'un établissement de santé. Conçue dans les années 1990,

l'architecture de cet hôpital est révolutionnaire en ce qu'elle a été élaborée selon l'hypothèse que les

sens sont réceptifs et réagissent à ce qui nous entourent. Le bâtiment est donc bien sûr totalement

fonctionnel, mais une dimension spirituelle lui a été ajoutée, selon l'idée que l'architecture et l'art

doivent participer au bien être des patients et des visiteurs au même titre que les personnels de santé.

Le concept est donc que l'hôpital évoque le moins possible à ses occupants le soin et la maladie, afin

qu’il ne soit pas anxiogène. Les couloirs ont des noms de rue, les lieux collectifs sont conçus comme

des places, et aménagés par du matériel urbain (bancs publics, kiosques). Les services prennent la

forme de petits immeubles, et certaines pièces disposent sur de balcons donnant sur les ‘rues’.

L'enveloppe extérieure de l'hôpital est en fait une immense verrière, qui fait que l'on a l'impression, été

70 Système de production simultanée d'électricité de de chaleur, la chaleur étant issue de la production électrique ou l'inverse. La cogénération fait partie des techniques les plus efficaces énergétiquement pour l'utilisation des énergies fossiles et renouvelables

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comme hiver, de se promener en extérieur, et qui permet aux occupants de suivre les saisons, très

marquées tant au niveau de la température que de la luminosité en cette région septentrionale.

Tout est en fait réuni pour accélérer la guérison du patient, tout en fournissant confort et stimulation à

toute personne passant du temps à l'hôpital. L'art peut notamment avoir un effet apaisant, et les

gravures accrochées dans les couloirs ou patientent les personnes devant subir un examen ou une

opération ont par exemple été sélectionnées en ce sens.

Beaucoup d'hôpitaux mettent en fait d'ores et déjà en œuvre des principes dont on se prend à

rêver qu'ils pourraient devenir la norme: un système qui ne vise pas simplement le soin mais la santé,

pas simplement la guérison mais le bien-être, pas simplement la technique mais l'humain.

Mais en 2050, le cadre général hospitalier pourrait bien avoir changé, l'obligeant à évoluer. C'est ce

qu'ont signalé plusieurs des directeurs de groupe de l'AP-HP. « Il ressemblera à un hôpital dont le

dimensionnement en terme de périmètre sera considérablement réduit puisque hormis les pathologies

très lourdes, la prise en charge des patients sera beaucoup plus courte » a expliqué l'un d'entre eux,

un autre imaginant que « dans 50 ans, la médecine sera probablement très différente de celle que l'on

exerce aujourd'hui, les patients auront un autre suivi, la thérapie génique sera très fréquente, etc ». Le

fait est que la médecine évolue tellement vite qu'il est difficile de cerner la forme qu'elle prendra dans

50 ans et les conséquences que cela aura sur l'organisation de l'hôpital: « Il est utile de se projeter,

mais je pense qu'il est inutile de trop réfléchir à des solutions concernant par exemple l'activité des

blocs opératoires, dont il est pratiquement impossible de savoir quelle forme elle aura dans 50 ans ».

Dans tous les cas, la plupart des personnes interrogées se sont montrées optimistes. Jean-Rémy

Bitaud a par exemple déclaré espérer que dans 50 ans, les hôpitaux n'auront plus besoin de référents

développement durable, parce celui-ci sera automatiquement inscrit dans la matrice décisionnelle, et

Virginie Valentin que « le développement durable sera tellement intégré qu’on aura pas besoin de

sensibiliser autant dessus » et que l'exposition au risque chimique et toxique sera minimisé, car la

question de l'éventuelle toxicité des médicaments, dispositifs médicaux, matériels de construction ou

produit d'entretien sera dépassée.

Plus concrètement, plusieurs directeurs ont estimé que « tous les bâtiments seront HQE et produiront

leur propre énergie », ou encore que « toutes les flottes automobile, et notamment les ambulances

seront des véhicules électriques ».

Mais en imaginant l'hôpital durable de l'avenir, beaucoup des personnes interrogées ont également

rappelé que le destin du management durable hospitalier ne peut se concevoir sans intégrer plus

largement le système de santé dans son ensemble à la réflexion. Jean-Rémy Bitaud a par exemple

évoqué dans la réponse à sa question la santé environnementale, y compris pour les agents

hospitaliers, et Virginie Valentin a affirmé espérer « que l'approche environnementale serait intégrée

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102

dans toutes les politiques publiques », tout comme une directrice a évoqué la possible « place

beaucoup plus importante prise par la prévention et l'éducation thérapeutique ».

3.3 Une santé plus durable en 2060 ?

Comme cela a déjà été évoqué, le développement durable est une question de synergie: c'est

un système de pensée, une démarche qui se renforce à mesure que tous les acteurs, tous les secteurs,

tous les pays l'adoptent.

A l'échelle de la santé, on ne peut par exemple pas imaginer que seuls les hôpitaux – et a fortiori que

seuls les hôpitaux publics – adoptent le management durable. En matière de déchets infectieux par

exemple - pour reprendre le thème qui a servi à illustrer la démonstration tout au long de ce mémoire ,

les hôpitaux publics ne sont actuellement pas les plus dangereux. Car même si leur pratique n'est pas

tout à fait conforme, on sait que très peu de déchets infectieux échappent à la filière d'élimination qui

leur est réservée. Le PREDAS (Plan d'élimination des déchets d'activité de soin) d'Ile de France

indique par exemple qu'aujourd'hui, le problème provient avant tout de l'hospitalisation à domicile et

des déchets infectieux dits « diffus » (les seringues des diabétiques en auto-traitement par exemple,

dont beaucoup sont éliminées avec leurs ordures ménagères).

Les enjeux sont donc imbriqués, et une meilleure prise en compte de la prévention et de la

santé environnementale implique par exemple l'intervention de plus d'acteurs que les simples

établissements de santé.

Les quelques propositions qui suivent ne sont pas des vérités assénées de manière péremptoire sur le

ton de la leçon de morale. Ce sont des pistes, des idées lancées pour inviter le lecteur à poursuivre et à

élargir la réflexion.

Les causes de mortalité ont considérablement évolué en un siècle. Alors que les pathologies

infectieuses étaient autrefois dominantes, elles sont aujourd'hui supplantées par les pathologies

chroniques : en France, cela se traduit par une incidence croissante des affections dites «de longue

durée », qui concernent en 2011 près de 15% de la population (et sont à la base de 90 % de la

croissance des dépenses de santé), contre 10% en 1996. Un homme sur deux et une femme sur trois

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103

souffrent du cancer, et les maladies cardio-vasculaires et le diabète touchent également une part

croissante de la population.

Ce n'est donc pas un comportement « dépensier », voire « irresponsable » des malades qui est à la base

de la hausse des dépenses de la branche santé de l'Assurance Maladie. La raison première est bel et

bien l'environnement dégradé dans lequel nous vivons : l'eau et l'air pollué que nous buvons et

respirons, les composés chimiques devenus omniprésents dans notre entourage immédiat, y compris

dans les aliments que nous ingérons et dans les cosmétiques que nous nous appliquons, etc. Notre

société est devenue pathogène. L'hypertension, le cancer, les allergies, le diabète, l'obésité ou encore

l'asthme sont des maladies liées au mode de vie.

C'est bel et bien d'une vision à long terme de la santé dont nous avons besoin. « Nous devons

aujourd’hui dans chacune de nos décisions prendre en considération les impacts sanitaires,

écologiques, sociaux et économique » a expliqué Olivier Toma lors de son entretien, Virginie Valentin

mentionnant également qu'il fallait que « l'approche environnementale [soit désormais] intégrée dans

toutes les politiques publiques ». Or ce n'est clairement pas le cas.

Le plan Hôpital 2012 prévoit par exemple un budget de 10 milliards d’euros consacrés à la

reconstruction et à la rénovation de bâtiments hospitaliers. Mais les travaux ont lieu en ce moment

même, alors que l’étiquetage des Composés Organiques Volatils (COV), des produits Cancérigènes,

Mutagènes et Reprotoxiques (CMR) et des nanoparticules ne seront vraisemblablement obligatoires

que dans quelques années. On prend donc quotidiennement le risque de construire avec de l’argent

public des bâtiments qui participeront à créer les maladies de demain, alors que nous sommes

aujourd'hui conscients du risque et savons comment l'éviter.

De même, des matériaux de construction et de décoration fabriqués à base de dioxyde de titane sous

forme nano-particulaire, classée CMR pour l’homme, sont en vente dans le secteur hospitalier. Leurs

fabricants vont même jusqu'à vanter leur côté « magique » et « révolutionnaires » car ils ne nécessitent

pas d'entretien, mais ces produits sont dangereux pour la santé humaine. Le C2DS propose ainsi par

exemple de créer une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) spécifique aux produits de

construction.

Ce genre de mesure est durable tant du point de vue environnemental et social qu'économique.

Le « déficit de l'Assurance Maladie » est en effet un problème très médiatisé, auquel les réformes

successives des derniers gouvernements ont répondu par des réformes de son financement, des

déremboursements et l'instauration de franchises médicales sont considérés comme la seule solution

pour restaurer des finances dégradées. Or cette approche est injuste et même contreproductive. En

effet, les déremboursements successifs font par exemple reposer l'incitation financière à consommer

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moins de médicaments sur le patient, qui n'est ni responsable de la dégradation de l'environnement qui

le rend malade, ni le prescripteur des médicaments en question. Elle consacre donc une rupture

inacceptable avec le principe fondateur de la Sécurité sociale selon lequel chacun paye selon ses

moyens et reçoit selon ses besoins.

De plus, les mesures successives de « réforme » de l'assurance maladie ont un effet désastreux sur le

non-recours aux soins : de plus en plus de personnes – et pas seulement chez les plus précaires, sont

incitées à faire l'impasse sur certains soins dont ils estiment pouvoir se passer (soins dentaires, soins

préventifs, soins ophtalmologiques, etc). Finalement, on laisse son état se dégrader et l'on intervient

sur la maladie beaucoup plus tard, lorsque les besoins en personnels, gestes et médicaments sont plus

lourds et donc plus coûteux. Au final, ce système est – en plus d'accentuer les inégalités d'accès à la

santé - doublement contre-productif : et sur la santé de la population, et sur les finances de la Sécurité

Sociale.

Preuve que la solution apportée n'est pas une réponse adaptée, le déficit de l’Assurance Maladie

continue de se creuser, sans pour autant que ne soit enrayée l’augmentation de l'incidence des cancers,

du diabète, de l’asthme ou des maladies cardiovasculaires.

Le véritable enjeu aujourd'hui est donc de faire le bon diagnostique, et de considérer que c'est

de la crise sanitaire que découle la crise de l'assurance maladie. Et que l'augmentation des maladies

chroniques doit être classée comme une crise environnementale, au même titre que l'épuisement des

ressources naturelles ou encore l'érosion de la biodiversité. Et enfin que l'on ne résoudra la crise de

notre système de soin et de son financement que si l'on agit à la source sur les causes des grandes

maladies chroniques actuelles : le stress, la pollution, les conditions de travail, l'alimentation, et plus

largement notre modèle de société et de développement, qui a atteint ses limites. Notre système de

santé ne peut plus se limiter à réparer les conséquences de la dégradation de l'environnement. Nous

devons passer d'une logique uniquement curative à un système alliant soin, prévention et éducation à

la santé.

*

* *

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Bien sur, quelques paragraphes ne suffisent pas à être exhaustif, et il y aurait encore beaucoup

à dire sur l'organisation du système de soin, les nouveaux types d'exercices médicaux, la revalorisation

des formations sanitaires et sociales, la remise en cause du paiement à l’acte, la santé au travail, la

promotion des éco-médecines, plus respectueuses de nos organismes et de notre environnement, etc.

Mais voici en tout cas dressé le cadre d'une politique ‘durable’ de la santé. Qui ne doit pas pour autant

faire perdre de vue que la santé environnementale , c'est également la prise en compte du cadre de vie,

de l'urbanisme et de tout ce qui épanouit le quotidien comme facteur de santé publique. Car la santé

environnementale a comme objectif un état de bien-être, à la fois physique et psychologique.

S’engager dans cette voie signifie travailler sur les facteurs environnementaux, sociaux et

économiques, mais aussi sur les comportements et sur les politiques publiques.

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Conclusion

La mise en œuvre du développement durable dans les hôpitaux publics participe de la

réalisation d’un modèle de société qui soit à la fois viable, vivable et équitable. La participation des

établissements de santé à la démarche n’est certes pas suffisante, mais elle est nécessaire : tous les

acteurs doivent ‘faire leur part’.

Au cours des entretiens et des visites techniques menées dans le cadre de ce travail, un certain

enthousiasme a été ressenti pour la question. La plupart des personnes rencontrées ont fait preuve

d’intérêt pour le travail en cours, et les personnes faisant état de difficultés à mettre en œuvre le

management durable étaient en fait plus à la recherche de solutions qu’au bord de la démission : « on

est toujours partant pour des choses intelligentes » a déclaré l’une des directrices interrogées.

Seulement, avec le développement durable, on est souvent en proie à des contradictions :

gestion à court terme et calcul du bilan économique à long terme, économie et sécurité des soins, etc.

La question centrale, c’est en fait de se demander quel est l’élément qui permet en définitive de faire

pencher la balance d’un côté ou de l’autre .

Il semble que la tendance actuelle soit à se concentrer sur les questions financières à l’hôpital public, y

compris à privilégier les mesures de court terme en matière budgétaire. Mais il est possible que cela

change, du fait par exemple de l’évolution réglementaire, de la rigidification de la contrainte

énergétique et climatique, ou d’une évolution culturelle couplée de pressions croissantes des

consommateurs.

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Ouvrages

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Deuxième congrès national « Développement durable en établissement de santé », 5 avril 2011, Cité Universitaire, Paris. Congrès organisé par PG promotion, en collaboration avec le comité de pilotage « Manager le développement durable en établissement de santé » composé des fédérations hospitalières (FHF, FEHAP, FHP), des Ministères de la santé et du développement durable, de l’ADEME, de l’ANAP, d’associations professionnelles hospitalières (IHF, UniHA, ResaH Idf…) et de représentants d’établissements témoin. La santé respire en Ile de France, 20 mai 2011, Conseil Régional Ile de France, Paris Congrès organisé par le Conseil Régional d’Ile de France sur les éco-médecines

Textes de loi

Circulaire n° 5351/SG du 3 décembre 2008 n° 5351/SG relative à l’exemplarité de l’Etat au regard du développement durable dans le fonctionnement de ses services et de ses établissements publics (JO du 12 février 2009)

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Entretiens

Allain Véronique, AP/HP / Hôpital Bicêtre, Cadre de santé

Bitaud Jean-Rémy, AP-HP / Siège, Directeur d’hôpital, Directeur de projet management durable Chevallier Catherine, AP-HP / Siège, Ingénieur environnement, chargée de mission déchets au sein du secteur « Ecologie Hospitalière »

Gralle Monique, AP-HP – Groupement hospitalier Lariboisière, Responsable de la qualité des prestations à la Direction des services économiques, logistiques et de l'écologie Hospitalière de l’hôpital Herrati Nadine, AP-HP / Hôpital Tenon, Cadre supérieure Hopp Pascal, AP-HP / Siège, Chef du département Logistique et écologie hospitalière au siège de l’AP-HP Sami Yasmina, HAS, Chef de mission « développement durable » Toma Olivier, C2DS, Directeur, Ancien directeur de la clinique Champeau à Béziers (34) Valentin Virginie, CHU – Hôpitaux de Bordeaux, Secrétaire générale et Directeur de la coopération et du développement durable

Winkler Wiebke, C2DS, Chargée de mission réseau