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MASTER 2 DE RECHERCHE
Mention : Sciences Sociales
Spécialité : Recherche en Sociologie
L’automobile : usages et avenirs possibles dans les
solutions de mobilité en région Ile-de-France
Préparé sous la direction du Professeur François CUSIN
Matthieu RATER Promotion : 2011-2012 Soutenu le :
2
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier celles et ceux, qui par leur soutien, leur écoute et leurs conseils m’ont
aidé tout au long de la rédaction de ce mémoire.
Tout d’abord je tiens à remercier Monsieur François CUSIN qui a accepté de superviser
ce travail et dont les paroles encourageantes m’ont aidé à avancer sereinement dans ce
dernier travail universitaire.
Je tiens également à remercier ici Monsieur Patrice-Henry DUCHENE qui m’a donné la
possibilité d’approcher « le monde de l’automobile » de plus près, lequel me passionne
depuis toujours. La mobilité au sens large est un sujet inépuisable et sans ce stage je
n’aurais pas eu l’idée d’en faire le thème principal de ce travail. Mes pensées vont maintenant à mes collègues qui, lors de mon stage, ont écouté avec
patience mes doutes, mes ressassements ; qui m’ont soutenu et réconforté. Je pense tout
particulièrement à Antonia KRPINA sans qui je n’aurais pas eu le courage de persévérer
jusqu’au bout, et puis il est toujours plus agréable et facile de découvrir l’inconnu avec
une personne qui vous guide. Enfin, je tiens à remercier mes parents. Ce mémoire représente la fin de mes études et je
souhaite leur affirmer ma reconnaissance. Pour leur confiance en moi, leur soutien, la
liberté qu’ils ont toujours su me laisser : merci.
Merci aussi aux différentes personnes qui ont accepté de me donner de leur temps pour
répondre au questionnaire.
3
SOMMAIRE
Introduction Chapitre I : Tendances de la mobilité urbaine 1. Quand l’automobile était « à la mode » ............................................ 10
1.1. L’évolution des tendances de la mobilité ..................................................... 13 1.1.1. L’évolution dans l’usage des transports ...................................................... 13 1.1.2. L’automobile : un modèle de déplacement dominant ................................. 15
1.2. Les enjeux de la mobilité aujourd’hui .......................................................... 17 1.2.1. Au niveau écologique, au niveau économique et au niveau social/usager . 17 1.2.2. Inévitablement vers une mobilité durable ? ................................................ 19
2. L’émergence la préoccupation environnementale, ou en existe-t-elle une vraiment dans le domaine de l’automobile ? ........................................... 20
2.1. L’évolution des acteurs ................................................................................ 21 2.1.1. Adapter les modes de mobilité aux nouveaux besoins ............................... 21 2.1.2. Une prise de conscience trop lente des usagers finaux (un effort économique trop important) ...................................................................................... 23
2.2. Le danger du « Greenwashing » ................................................................... 25 2.2.1. L’arrivée peu réussie du véhicule électrique? ............................................. 26 2.2.2. Exposition à la sensibilisation environnementale ....................................... 28
Chapitre II : Utilisation et Propriété – La transformation de la propriété par l’usage 1. Vers un changement des comportements pour l’usage de l’automobile 30
1.1. Le besoin doit devenir rationnel ................................................................... 30 1.1.1. Le pour et le contre d’être propriétaire d’une automobile aujourd’hui ...... 30 1.1.2. Les nouveaux objectifs de l’utilisateur ....................................................... 32
2. La transformation subie par l’automobile ........................................ 33 2.1 Sa Valeur ...................................................................................................... 33
2.1.1. L’imaginaire de l’automobile : toujours présent, mais en évolution .......... 33 2.1.1. La signification sociale derrière l’automobile ............................................ 35
2.2. Son utilisation ............................................................................................... 36
4
2.1.1. Construction ou destruction de l’individualisme ? ..................................... 36 2.1.1. Erosion radicale de la notion de propriété : du passage de la voiture individuelle à la voiture servicielle ........................................................................... 38
Chapitre III : L’arrivée des nouveaux services de mobilité 1. Les transformations modales ............................................................ 41
1.1. La multi-modalité ......................................................................................... 41 1.1.1. La location .................................................................................................. 41 1.1.2. Le co-voiturage ........................................................................................... 42 1.1.3. L’auto-partage ............................................................................................. 43
1.2. L’inter-modalité ........................................................................................... 45 1.2.1. Multicity ...................................................................................................... 45 1.2.2. La place de l’automobile dans les services de fonctionnalité ..................... 47
2. Les visions du futur .......................................................................... 48 2.1. Quelles perspectives pour l’automobile de l’après-demain ? ....................... 48
2.1.1. Le développement des nouveaux outils numériques et électroniques ........ 48 2.2. Les constructeurs seront-ils dépassés par d’autres acteurs de la mobilité ? . 49
2.1.1. La Google Car et d’autres exemples ........................................................... 50 Conclusion Générale Bibliographie Annexes
5
INTRODUCTION La mobilité est la première réponse au besoin primaire de communication entre
les hommes. Quand notre voix ne suffit pas pour échanger avec autrui, quand elle ne
suffit pas à nous permettre d’atteindre notre but, nous marchons, nous courrons, nous
nous déplaçons pour atteindre le but que nous nous sommes fixé. Les développements
techniques des solutions de mobilité ont permis, depuis bien longtemps, aux hommes de
se déplacer plus loin, plus facilement, pour atteindre leurs buts et se réaliser pleinement,
en tant qu’individu et société. C’est ainsi que les hommes, regroupés en société dans des
lieux délimités ont pu développer leurs échanges avec d’autres groupements pour assurer
leur survie et développement. Avec le développement des moyens de déplacement, les
sociétés humaines ont pu se regrouper de manière plus importante dans un seul et même
lieu, la ville, puisqu’elles ont les moyens d’aller de plus en plus loin, pour satisfaire leurs
besoins.
La mobilité urbaine connait une croissance incontestable, et ce, à un niveau
international. Les nombreux usages, outils, services et acteurs qui caractérisent ce type de
mobilité ont beaucoup évolué au fil des années, notamment au sein de l’agglomération
parisienne (que nous étudierons en partie ici). La France, pays encore très centralisé, a
toujours vu sa capitale plus attractive que ses autres grandes villes : tandis que toujours
plus de citoyens se dirigent – pour des raisons économiques, socio-culturelles ou
politiques, vers la capitale ; les pouvoirs publics, les acteurs privés (constructeurs
automobiles, loueurs, nouvelles start-ups, etc.) ou publics (RATP, SNCF, etc.) de la
mobilité doivent répondre à leurs besoins protéiformes et évolutifs en matière de
mobilité.
Les solutions apportées à cette exigence d’exhaustivité en termes de solutions
offertes à l’usager sont en constante évolution, notamment du fait du phénomène
grandissant de périurbanisation1. La tendance des citoyens à s’éloigner du centre-ville
(pour une meilleure qualité de vie, en raison des difficultés de logement à Paris, etc.) a 1 Cf. Annexe I : Réseau ferré et réseau routier en Île-de-France
6
ainsi contribué à la transformation des espaces limitrophes de Paris. Les déplacements se
multiplient, les modes de déplacements également. L’éventail des solutions de transports
doit accompagner ce mouvement, pour satisfaire à cette exigence de mobilité facile,
intrinsèque à la notion même de ville. D’ailleurs, cette notion est très symbolique. La
ville est un lieu d’expérimentation, d’innovation. C’est aussi le lieu de la coprésence où
tout est à proximité, où tout est superposé. Ainsi, le territoire formé par la ville, qui attire
plus de la moitié de la population mondiale, facilite les nombreux échanges qui peuvent
s’y opérer. La ville est un lieu de démocratie, dans lequel a eu lieu la démocratisation de
la mobilité. Elle est aussi un espace riche en densité où se trouve un foisonnement
d’offres de services et de produits. C’est une opportunité pour la mobilité de s’y
développer. Au cœur de ces évolutions, nous trouvons l’automobile – mode de
déplacement pensé pour être individuel. Symbole de réussite sociale, objet de prestige,
synonyme de liberté (autonomie individuelle), l’automobile fait néanmoins face
aujourd’hui à de fortes contraintes, principalement liées aux usages que nous avions
conçus pour elle à ses débuts. En effet, comment penser l’automobile dans un monde où
la forte densité sur les routes limite l’intérêt de cette solution de déplacement ? Comment
penser l’automobile, à l’heure où la conscience environnementale grandissante dans nos
sociétés stigmatise l’automobile comme le symbole de l’archaïsme des solutions de
mobilité offertes au citoyen ?
L’enjeu principal pour l’ensemble des acteurs – inventeurs de la mobilité de
demain (usagers, acteurs publics mais aussi privés) est de penser des solutions qui
utilisent les mêmes objets pour améliorer la fluidité des déplacements en ville (et en zone
périurbaine) tout en répondant à des exigences en termes de liberté individuelle et de
respect de l’environnement qui évoluent sans cesse.
L’intérêt de cette étude se situe dans le regard particulier (puisqu’elle ne porte
que sur les déplacements et solutions de mobilité dans la ville de Paris et de sa région)
que nous porterons sur les déplacements et solutions de mobilité développés en ville
d’une manière générale.
7
La problématique qui sous-tendra toute l’analyse de cette étude englobe les trois
écueils majeurs auxquels les acteurs de la mobilité doivent faire face : autonomie
individuelle d’une part, et exigence environnementale de la société d’autre part. Sans
oublier, bien évidemment, la nécessité de créer un modèle économique viable pour
chaque solution de mobilité proposée aux citoyens. Face à ces trois enjeux, nous pouvons
penser la problématique suivante : Quelle est la place que nous laisserons à
l’automobile dans les nouvelles solutions de mobilité de demain ?
Afin de répondre à la problématique, nous avançons trois pistes de recherche qui
seront les hypothèses que nous vérifierons dans notre travail d’analyse :
1. L’usager a une conscience écologique déterminante dans son choix de solution de
mobilité et les acteurs des solutions de mobilité (dont font partie les constructeurs
automobiles) doivent prendre en considération cette exigence forte.
2. L’usager porte un nouveau regard sur l’automobile car il porte un nouveau regard
sur le fait de posséder une voiture. Avoir une voiture ne signifie plus avoir sa
voiture dans son garage, mais plus, avoir la jouissance d’une voiture quand on en
a besoin (pour un temps donné, estimé à l’avance).
3. L’usager ne considère plus la voiture comme la solution de déplacement la plus
aboutie et efficace mais comme une composante d’un panel de solutions de
mobilité auquel il doit toujours avoir accès.
Pour répondre à cette question, nous avons choisi de nous adosser à une
méthodologie qualitative, reposant sur deux piliers : la lecture et l’analyse de nombreuses
études et travaux de recherche d’une part2, la conduite d’entretiens qualitatifs d’autre
part3. L’analyse d’études des enjeux de mobilité en ville nous permet d’en dresser un
historique afin d’en percevoir les fondements, les usages et les modèles économiques
associés. Les entretiens qualitatifs, menés auprès d’experts de la mobilité, d’acteurs du
monde économique et public nous ont facilité la tâche pour comprendre les tendances
2 Cf. Bibliographie 3 Cf. Annexe II : Guide d’entretien qualitatif semi-directif
8
émergentes aujourd’hui, répondant au panel large et presque exhaustif des enjeux de
demain.
De manière générale, l’objectif de l’entretien dans le cadre d’une recherche, est
d’apprendre le sens que les acteurs donnent à leurs pratiques et de comprendre leur
propre interprétation des situations d’évolution liées au sujet de recherche. Pour ce
travail, il s’agissait d’entretiens qualitatifs semi-directifs. Les questions restaient
générales, et l’interviewé n’était pas interrompu si il abordait naturellement d’autres
thèmes de questions (qui étaient préalablement prévus). Ainsi, il se pouvait que l’ordre
des questions se déroule en fonction de l’échange qui suivait la réponse à la première
question. L’interviewé pouvait parler ouvertement. S’il mettait du temps à formuler sa
réponse, plus de temps le lui était consacré. Dans certains cas, l’interlocuteur a dû être
redirigé vers les sujets que nous voulions aborder. L’ensemble de réponses aux questions
posées n’avait pas pour but d’être représentatif, l’objectif ayant été de récupérer un
maximum d’informations pour reconstruire le contexte de mobilité dans lequel se trouve
l’automobile et de retracer les processus d’évolution que les interlocuteurs avaient
observé.
Finalement, il faut noter que l’entretien renvoyait fortement à l’expérience des
interlocuteurs, ce qui a facilité notre approche vers eux. Aussi, il était de plus en plus
facile de mener une réflexion logique sur les thèmes abordés au fil des rencontres. Ainsi,
nous avons pu nous faire une idée des réponses aux questions que nous nous posions
avant les entretiens : « Quels usages dans la ville ? Comment les usages modifient-ils la
mobilité ? Et par conséquent modifient les offres de mobilité ? »
Nous aurions pu réaliser une étude quantitative, basée sur l’analyse des habitudes
et attentes des usagers. Mais le temps et les moyens nous ont manqué pour présenter un
corpus valable. Notre analyse se fondera donc sur une analyse de données ainsi que des
tendances présentées par des experts.
Par conséquent, notre étude s’articulera sur trois axes qui vérifieront la validité
des hypothèses posées.
Dans un premier temps, nous nous pencherons sur les tendances de la mobilité
urbaine, dans leur rapport à l’exigence de respect de l’environnement.
9
Puis, nous pourrons voir comment la place de la voiture dans nos solutions de
mobilité évolue, du fait du rapport des citoyens à la notion de propriété.
Enfin, nous nous attacherons à analyser les nouveaux services de mobilité –
économiquement viables, développés et/ou en cours de développement, répondant aux
exigences de liberté et d’efficacité des citoyens.
10
Chapitre I : Tendances de la mobilité urbaine
1. Quand l’automobile était « à la mode »
Afin de comprendre la place que l’automobile occupe aujourd’hui au milieu de
toutes les solutions de déplacements, il est important de rappeler la notion de mobilité et
de reprendre le contexte historique dans lequel cette notion a évolué. De plus, afin de
poser des limites dans l’analyse du cycle de l’histoire de l’automobile, nous prendrons
pour base dans ce travail le début du XXe siècle puisque c’est le siècle de l’appropriation
de masse de cet objet.
• La mobilité au sein d’un urbanisme qui évolue
A qui et à quoi répond-la mobilité? Dans quel contexte se place-t-elle ? Jean-Pierre
Orfeuil, ingénieur des mines et docteur en statistiques, définit la mobilité comme étant
« le comportement de déplacement des hommes dans l’espace qu’il s’agisse des
déplacements fréquents de la vie de tous les jours ; des déplacements de rupture du
quotidien comme le tourisme ou encore des changements résidentiels qui impliquent un
changement de territoire vécu. »4
La mobilité représente le résultat de la confrontation entre les multiples intérêts
individuels afin de les réaliser tous. Par le fait de contribuer au processus de mobilité,
nous définissons nos modes de vies et les espaces qui nous entourent. Dans la plupart des
cas, la mobilité peut être considérée comme un levier de développement et facilite ainsi
l’intégration sociale, permettant également aux hommes mobiles de réaliser leurs
aspirations individuelles et collectives.
Sous forme de services, les modes de déplacements ont été appropriés de
manières différentes par les citoyens. Avec cette offre de services de mobilité très variée,
la mobilité est aussi devenue le résultat du développement des stratégies spatiales des
4 ORFEUIL, Jean-Pierre et MASSOT Marie-Hélène. (2005) Penser les mobilités de demain, essai de clairvoyance prospective. Centre de Recherche Espace Transport Environnement et Institutions locales. (p.2)
11
grands employeurs et fournisseurs de services5. C’est ainsi que « la capacité de mobilité
des uns est ici instituée en pouvoir organisateur de l’espace et des modes de vie pour
tous, y compris celles et ceux dont les capacités de mobilité demeurent assez faibles »6.
La métamorphose de l’espace urbain a contribuée de manière importante à cette
transformation qu’a connue notre société de mobilité. Yves Crozet, spécialiste de
l’économie des transports, affirme que « la structure urbaine et la mobilité sont fortement
liées. »7 En effet, la localisation des différentes activités impacte les comportements de
mobilité. La concentration d’opportunités de travail dans Paris au début du XXe siècle a
attiré presque trois millions de personnes. Pendant cette période, la petite et la grande
couronne commencent également à voir leurs populations augmenter8. Ceci a un effet
direct sur le nombre de déplacements vers les territoires périurbains.
L’utilisation de l’automobile devient de plus en plus populaire avec le phénomène
du fordisme, et les transports publics ne font que débuter9. Mais les distances restent
encore courtes : les citadins se déplacent principalement à pied, ou en mobylette, sur des
distances moyennes qui ne dépassent pas encore 3 kms10.
Cependant, les tendances vont évoluer au cours du siècle. L’ère industrielle jadis
caractérisée par une accumulation de capital et de division du travail se transforme petit à
petit. Les possibilités d’emplois s’accumulent mais cette fois en dehors des frontières de
Paris. En effet, le nombre d’emplois en petite et grande couronnes ne cesse d’augmenter.
Par exemple, il y a une évolution de l’emploi de plus de 50% en grande couronne
entre 1982 et 2008 tandis que l’évolution de l’emploi sur la même période à Paris est
quasi-nulle11. La société est en train de connaître le phénomène de périurbanisation.
5 ORFEUIL, Jean-Pierre et MASSOT Marie-Hélène. (2005) «Penser les mobilités de demain, essai de clairvoyance prospective ». Centre de Recherche Espace Transport Environnement et Institutions locales. 6 ibid (p.5) 7 CROZET Yves. (2005). « Le temps et les transports de voyageurs ». Table Ronde 127, ECMT. (p.60) 8 Vinci Autoroutes. (2012). « Révision du SDRIF - Contribution de Vinci Autoroutes ». Mars. (diapo #3) 9 La première ligne de métro ouvre à Paris en Juillet 1900, les premiers autobus en 1906 : http://www.amtuir.org/ 10 ORFEUIL, Jean-Pierre. (2010). « La mobilité, nouvelle question sociale ? » 11 Vinci Autoroutes. (2012). « Révision du SDRIF - Contribution de Vinci Autoroutes ». Mars (diapo #9)
12
• Alors que les vitesses des transports s’améliorent, les distances s’agrandissent.
L’étalement urbain est sans doute lié à la performance des modes de transports en
termes de vitesse : Et « une conséquence de l’amélioration des vitesses de déplacements
est la hausse des distances parcourues. » 12 En effet, nous pouvons confirmer ce
phénomène par l’observation d’une augmentation nette dans les déplacements effectués
au quotidien.13
De plus, ces déplacements sont de plus en plus longs. Ces évolutions que connaît
la société sont en accord avec l’agrandissement des distances domicile-travail. Par
exemple, entre 1975 et 2001, ce type de distance est passé de 6 à 10 km environ14. Alors
que le lieu de travail se trouve de plus en plus loin, les échanges entre agglomérations
proches augmentent considérablement : ils croissent au rythme de 3,5% par an15. En
termes de mobilité, le centre des espaces périurbains et des banlieues nouvelles accueille
de nouveaux modes de transport, caractérisant les nouveaux espaces d’échange et de
socialisation. La métropolisation ne se constitue plus nécessairement par l’entassement de
ménages à partir d’un seul milieu urbain mais par l’adoption d’agglomérations voisines.
C’est ainsi que les déplacements entre les périphéries et le centre-ville ne cessent de
s’accumuler. On observe une explosion des flux qui se font hors de Paris avec une
augmentation de plus de 50% depuis presque 50 ans.
Les déplacements dans le cadre de rencontres familiales ou des loisirs connaissent
une forte croissance également. En 2004, plus de 40% des distances parcourues sont des
déplacements à longue distance. Les longues distances sont généralement faites par les
actifs, surtout les cadres, « qui organisent leurs réduction de temps de travail en
prévoyant de longs weekends »16. J.P Orfeuil remarque ce phénomène dans le Paris
gentrifié où les « actifs résidents » vont travailler en banlieue et effectuent un nombre (en
hausse) de distances longues pendant les weekends. D’ailleurs, plus de la moitié des
distances parcourues en mobilité locale sont représentées par des longues distances pour
12 CROZET Yves. (2005). « Le temps et les transports de voyageurs ». Table Ronde 127, ECMT. (p.61) 13 STIF. (2012). « Enquête Globale Transport – La mobilité en Ile-de France». OMNIL. Juillet. (p.9) 14 Vinci Autoroutes. (2012). « Révision du SDRIF - Contribution de Vinci Autoroutes ». Mars. (diapo #10) 15 ORFEUIL, Jean-Pierre. (2004). «Accessibilité, mobilité, inégalité: regards sur la question en France aujourd’hui », Eteil, Université Paris XII. 16 ibid.
13
les loisirs ou les visites. Selon l’Etude du STIF17, la mobilité est affectée par cette
évolution des modes de vie et par les effets de génération.
L’objectif d’avoir rappelé les tendances des distances et de déplacements est de
mieux comprendre l’évolution qu’a connu le processus de mobilité et le contexte dans
lequel se place l’automobile aujourd’hui.
1.1. L’évolution des tendances de la mobilité
1.1.1. L’évolution dans l’usage des transports Le terme d’usage est indispensable à la compréhension de notre sujet car il nous
permet de définir les stratégies mises en place par les individus et les collectivités pour se
réaliser. Par usage, nous entendons la pratique imaginée par les acteurs - fournisseurs des
objets de mobilité (dont l’automobile) tout autant que la pratique effective réalisée par les
utilisateurs finaux. Par exemple, un constructeur automobile prévoit quelques usages pour
un véhicule qu’il lance sur le marché : le client final possède le véhicule et l’utilise, avec
son cercle familial restreint, pour se déplacer quotidiennement sur des distances courtes
et épisodiquement sur des distances plus longues (vacances). Alors qu’avec le même
objet, un fournisseur d’auto-partage proposera au propriétaire du véhicule d’analyser son
cycle d’utilisation et de partager son bien avec des inconnus pour capitaliser sur les
moments où son bien ne lui sera pas nécessaire.
Au fil des dernières décennies, plusieurs enquêtes sur les tendances de mobilité ont
été réalisées pour suivre et interpréter l’évolution des pratiques des franciliens en matière
de déplacement. L’enquête globale de transport (EGT) en est un parfait exemple. Elle
résume : « Les politiques de déplacements mises en œuvre ces dernières années en Ile de
France couplées à l’évolution des modes de vie ont permis de réels changements dans
l’utilisation des différents modes de déplacements et l’utilisation des réseaux de
transport. »18
Nous pouvons donc remarquer que la part des déplacements en transports collectifs a
fortement progressée. Alors que les trajets deviennent plus longs, plusieurs modes de
transport publics sont les principaux modes de transport utilisés. Grâce à une
amélioration constante de ces services collectifs, (en particulier les transports en commun
17 STIF. (2012). « Enquête Globale Transport – La mobilité en Ile-de France». OMNIL. Juillet. 18 ibid (p. 11)
14
sur rail), l’utilisation de ce mode connaît une forte croissance. Ainsi, l’accessibilité aux
lieux, et en particulier en ville, est plus étendue et variée. Les services de transports
publics présentent de nombreux avantages et deviennent dans certains cas indispensables.
D’ailleurs, l’offre d’un prix d’usage continuellement en baisse permet à ces modes de
déplacements collectifs d’accroitre leur popularité et d’assurer des services de plus en
plus appréciés du public. Ainsi, le nombre de déplacements par jour est passé de 6
millions en 1976 à 8,3 millions en 201019. Entre 2001 et 2010, une croissance de 21% a
été observée. La majeure partie des déplacements collectifs s’effectue en lien avec le
cœur de l’agglomération, tandis que plus du quart des déplacements en transports
collectifs s’effectuent au sein de la capitale.
Ce service devient à l’époque une vraie alternative à l’usage de l’automobile.
Cependant, il présente certaines limites quand les espaces à desservir se trouvent de plus
en plus loin de la capitale. Étant trop peu denses (c’est à dire qu’il y a un nombre trop
faible de personnes susceptibles de l’utiliser), ces espaces ne sont pas généralement
pratiques à atteindre en dehors de l’usage d’une voiture. Ceci explique sans doute
pourquoi parmi les 41 millions de déplacements réalisées quotidiennement en Ile-de-
France en 2010, seulement 20% sont effectués en transports collectifs contre 38% en
voiture et 39% à pied20. Les chiffres entre l’automobile et les transports collectifs vont-ils
s’inverser suite aux nouvelles intentions de procéder à la densification autour des axes de
transport collectifs?
Finalement, nous pouvons aussi noter deux tendances récentes caractéristiques du
XXIe siècle, c’est l’usage des deux-roues motorisés et du vélo. En effet, le premier a
augmenté de plus de 34% tandis que l’usage du vélo pour les déplacements quotidiens a
doublé, toujours entre 2001 et 201021. Nous estimons d’ailleurs que ces nouvelles
tendances peuvent remplacer une partie des déplacements réalisés en voiture, surtout au
centre de l’agglomération. Toutefois, il semble que la part de l’automobile parmi les
solutions de transport reste fort présente, et essentiellement en grande couronne. Dans
19 ibid (p. 12) 20 ibid (p. 11) 21 ibid (p. 16)
15
une analyse sur l’automobile en France22, J.P Orfeuil observe en effet une progression
relativement constante de l’utilisation du bien aux quatre roues. L’auteur note d’ailleurs
que cet usage croissant de l’automobile est en partie dû au transport de plus en plus
fréquent des enfants et adolescents vers leurs lieux d’étude ou de loisir. Effectivement,
les déplacements en dehors de la catégorie domicile-travail (secondaires liés au travail ou
domicile-loisirs) sont ceux qui ont doublés depuis dix ans.
1.1.2. L’automobile : un modèle de déplacement dominant La nouvelle théorie de Frederick Winslow Taylor sur l’organisation scientifique
du travail, adoptée par le célèbre constructeur américain Ford au début du XXe siècle,
marque un réel tournant dans l’histoire de l’automobile. Mis à part le rôle important
qu’elle jouera pendant les guerres (sous forme d’automitrailleuses par exemple),
l’automobile devient un véritable symbole de progrès auprès des populations
américaines, puis européennes. Elle contribue à la croissance économique d’ensemble23.
Par conséquent, le modèle américain influencera de manière considérable les
constructeurs français, notamment Citroën qui n’hésitera pas à instaurer le système de
production de masse en France24. Ceci marque le début d’une société passionnée par le
bien aux quatre roues, produit pendant une période caractérisée par la consommation de
masse. Lors des trente glorieuses, les ménages étaient amenés à se déplacer de manière
complètement autonome. C’est une période clé de l’évolution de notre société durant
laquelle on achetait des véhicules standards massivement. Alors que la condition de vie
de chacun des citoyens s’améliore, les villes s’adaptent, et le bien par son usage devient
le nouveau service de l’autonomie dans le cadre de la mobilité quotidienne.
« La propriété était le signe manifeste du succès individuel dans le monde », selon
John Locke25. La notion de propriété de l’automobile (puisque c’est sur celle-là qu’une
partie de notre étude se concentre) évolue avec les usages de l’automobile en ville, au
quotidien. Si l’automobile a été le symbole significatif d’un certain succès social, elle a
22 ORFEUIL, Jean-Pierre. (2001). « L’automobile en France : comportements, perceptions, problèmes, perspectives », Colloque international de l’Institut pour la Ville en Mouvement, Marne la Vallée. Juin. 23 ORFEUIL, Jean-Pierre. (2004). «Accessibilité, mobilité, inégalité: regards sur la question en France aujourd’hui, Eteil, Université Paris XII. 24 Documentaire France 3. (2011). « Louis Renault et André Citroën, la course du siècle ». 14 Décembre. 25 Dans CUSIN, François. (2010). « De la fonctionnalité à l’accès. Vers le remplacement des biens matériels par des services en réseau ? », Futuribles, n°360, février 2010, p. 5-20.
16
connu quelques rebondissements dans les usages qu’on lui a attribués, tout en restant
toujours un objet de masse, massivement utilisé. Effectivement, nous pouvons voir une
croissance constante de l’équipement des ménages en automobiles depuis 1960 dans
l’hexagone. Il y a plus de cinquante ans, entre 30 et 40% des ménages possédaient au
moins une voiture, un chiffre qui a doublé pour atteindre plus de 80% en 201026. Au
début de son cycle de vie, l’automobile est « le produit phare de la modernité, et il
cimente les rêves des Français de toutes conditions» explique J.P Orfeuil27. Elle devient
également un outil stratégique pour accéder aux différents marchés urbains28. Nous
pouvons rappeler qu’étant donné que les distances se sont rallongées, l’usage de la
voiture est devenu primordial pour l’accès à l’emploi. Pour soutenir cette idée, J.P Orfeuil
explique que « le nombre d’emplois accessibles en voiture est très supérieur à celui
qu’on peut atteindre en transport public dans la même durée. »29 L’effet de croissance de
la motorisation chez les ménages et beaucoup plus tard la diffusion de plus en plus
importante du permis de conduire chez les femmes et les seniors ont en partie contribués
à cette croissance30.
En ce qui concerne les comportements des citadins en région Ile de France,
l’automobile connaît une croissance raisonnable dans les espaces périurbains entre les
années 2001 et 2010 : « dans l’espace rural et les agglomérations secondaires, les
déplacements par personne et par jour passent de 2,21 à 2,38» et son usage reste stable «
dans les zones denses de la grande couronne (de 1,98 à 2,03 déplacements par personne
et par jour). »31
Néanmoins, durant le dernier quart du XXe siècle, elle a vu sa part diminuer pour
la première fois dans la mobilité quotidienne à Paris et en petite couronne où les modes
alternatifs à la voiture ont pris l’avantage. L’existence de l’automobile commence à être
remise en question au sein de la capitale. De plus, le parc automobile neuf se vieillit : la
26 Union Routière de France. (2011). « Faits et Chiffres : Statistiques des Transports en France et en Europe ». Octobre. (p. 36) 27 ORFEUIL, Jean-Pierre et MASSOT Marie-Hélène. (2005) «Penser les mobilités de demain, essai de clairvoyance prospective ». Centre de Recherche Espace Transport Environnement et Institutions locales. (p. 2) 28 ORFEUIL, Jean-Pierre. (2001). « L’automobile en France : comportements, perceptions, problèmes, perspectives », Colloque international de l’Institut pour la Ville en Mouvement, Marne la Vallée. Juin. 29 ibid 30 STIF. (2012). « Enquête Globale Transport – La mobilité en Ile-de France». OMNIL. Juillet. (p. 5) 31 STIF. (2012). « Enquête Globale Transport – La mobilité en Ile-de France». OMNIL. Juillet.
17
voiture “ moyenne ” a un an de plus qu’il y a dix ans et plus de 80 000 kilomètres au
compteur. L’image donnée à la motorisation connaît une transformation (pour rappel,
nous le montrerons en deuxième chapitre de ce mémoire). Plusieurs nouveaux enjeux
auxquels la société doit faire face viennent s’ajouter à cette dépression. Nous verrons que
ceux-ci vont menacer en premier lieu l’image de l’automobile en ville principalement,
peut être au point de conclure cette évolution par le sentiment que J.P Orfeuil évoque : «
la croissance des parcs est derrière nous et la conquête de la mobilité autonome par
l’accès à la voiture est aboutie. »32
1.2. Les enjeux de la mobilité aujourd’hui
1.2.1. Au niveau écologique, au niveau économique et au niveau social/usager
Pendant très longtemps, le processus de mobilité a caractérisé une demande de
transport très importante en tenant compte de tendances économiques, sociales et
démographiques. Aujourd’hui, nous pouvons nous demander comment il est possible de
répondre à ces enjeux une fois qu’ils ont été identifiés. L’émergence d’un nouvel enjeu
au plan écologique semble faire également partie de l’ensemble des enjeux qu’il faut
considérer.
Le terme d’écologie peut avoir plusieurs définitions. En effet, au sens général et
strict, il s’agit « d’une science qui prend pour objet les relations des êtres vivants
(animaux, végétaux, micro-organismes) avec leur environnement, ainsi qu'avec les autres
êtres vivants33». Dans le cadre de ce travail, il sera plus intéressant d’appliquer le
deuxième sens de cette notion, plus courant. Celui-ci est lié à la préoccupation
environnementale qui résulte de l’observation des changements climatiques. Le fait de
prendre en compte les actions de l’homme sur son environnement, parce qu’elles peuvent
s’avérer destructrices pour l’avenir de la planète, rentre dans le cadre de l’écologie dont
nous parlons. De plus en plus de problèmes liés à l’environnement soulèvent une
conscience grandissante de l’impact que l’homme a sur l’ensemble des écosystèmes qui
32 ORFEUIL, Jean-Pierre et MASSOT Marie-Hélène. (2005) «Penser les mobilités de demain, essai de clairvoyance prospective ». Centre de Recherche Espace Transport Environnement et Institutions locales. (p. 8) 33 Dictionnaire Larousse : http://www.larousse.com/en/dictionnaires/francais/%C3%A9cologie/27614
18
assurent pourtant la préservation de la vie sur terre. Ainsi, « […] l’enjeu déjà ancien des
diverses formes de pollution, la lutte contre l’effet de serre et les émissions de CO2 est
devenue une cause mondiale et l’un des nouveaux champs de business en ce début de
siècle. »34
Dans le cadre de l’entretien mené auprès de différents interlocuteurs, nous
pouvons remarquer qu’aucun d’entre eux ne nie la présence d’un enjeu au plan
écologique. De manière générale, il semblerait que les différents enjeux, quel que soit le
plan où ils se situent, soient liés entre eux. Autrement dit, nous ne pouvons pas parler
d’enjeu au plan écologique sans évoquer les enjeux aux plans économique ou social.
Après la retranscription des échanges menés, nous avons tenté de les définir :
Julien de Labaca35, chargé d’étude mobilité au sein d’une agence d’urbanisme et
auteur du blog « Facilitateur de Mobilité »36, affirme que sur le plan écologique, « il y a
un enjeu principal qui est de diminuer les émissions de CO2 ». Sylvaine Maury37,
responsable Innovation Marketing Services et Digital chez Citroën, partage cet avis.
L’impératif pour les constructeurs automobiles de limiter la pollution de l’automobile mis
à part, aucun autre de nos intervenants n’a su mettre en avant un enjeu écologique
déterminant qui fédérerait l’ensemble des acteurs de la mobilité. La conscience
écologique des autres acteurs (Etat, collectivités, utilisateurs finaux) se trouve liée à
l’effort financier demandé. L’enjeu écologique de l’automobile repose entièrement sur les
constructeurs automobiles. L’effort financier des utilisateurs finaux serait trop important
pour exiger un changement de comportement : la conscience écologique a pour limite le
pouvoir d’achat des ménages. Avec l’envolée du prix de l’essence, l’automobile devient
de plus en plus coûteuse. Elle constitue le premier poste de dépenses en termes de
transports. Ceci nous amène à l’enjeu économique qui est de donner l’accès à la mobilité
à tous, c'est-à-dire qu’il ne faut pas oublier qu’il est impératif de prendre soin des
populations les plus fragiles, note Gabriel Plassat38, Ingénieur Energies et Prospectives,
Transports & Mobilités à l’Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie
34 AMAR, Georges. (2010). « Homo Mobilis – Le nouvel âge de la mobilité ». Éloge de la Reliance. FYP Editions (p. 80) 35 Cf. Entretien mené avec Julien DE LABACA le 26/08/12 - Annexe III 36 http://www.juliendelabaca.fr/ 37 Cf. Entretien mené avec Sylvaine MAURY le 04/09/12 – Annexe IV 38 Cf. Entretien mené avec Gabriel PLASSAT le 16/08/12 – Annexe V
19
(ADEME). Effectivement, S. Maury explique qu’« il est nécessaire d’assurer pour tous
au moins un mode de transport ». C’est un véritable enjeu sachant que l’automobile reste
encore très chère. Le budget est sous-évalué (chaque année) par les ménages ajoute-t-elle.
Finalement, il y a l’enjeu social/usager qui s’ajoute aux deux enjeux évoqués
précédemment. « Préserver pour le citoyen cette liberté primordiale qui est de pouvoir se
déplacer. La mobilité est une liberté fondamentale où il convient qu’il n’y ait pas de
contraintes pour restreindre cette mobilité » explique Patrice-Henry Duchêne39, délégué
au Développement Durable au sein de la direction de la communication du Groupe PSA
Peugeot Citroën. Selon notre interlocuteur, c’est le numéro un des enjeux pour la Région
Ile-de-France.
1.2.2. Inévitablement vers une mobilité durable ?40 La confrontation entre les enjeux et la société de mobilité nous entrainent vers un
tournant dans l’évolution de l’urbanisme. Afin que les tendances de mobilité adoptent un
caractère plus durable, il est nécessaire d’apporter de nouveaux aménagements aux
territoires notamment. Pour la région Ile de France, il est impératif de penser à de
nouveaux aménagements territoriaux qui vont dans le sens d’une nouvelle culture de la
mobilité urbaine. Avec le développement des transports collectifs, les hommes mobiles
sont entrainés à abandonner leur voiture pour les utiliser d’avantage. En parallèle, c’est
dans le sens d’une logique de mobilité durable que la politique de la ville de Paris a pour
objectif de couper de manière très significative l’accès à la voiture (par exemple, à
commencer par les bords de seine qui ont récemment été aménagés pour favoriser l’accès
aux piétons). De plus, l’existence des voies d’accès aux bus, vélos et taxis, démontrent
que l’objectif de réduire la place de la voiture en ville est conduit sérieusement.
L’accroissement de places de parking payantes sur l’ensemble de l’espace municipal de
la ville ainsi que le déploiement des permis « résidents » pour les places de parking incite
les visiteurs extérieurs à venir vers le centre de Paris en transports en commun.
39 Cf. Entretien mené avec Patrice-Henry DUCHENE le 16/09/12 – Annexe VI 40 Dans KAPLAN D, MARZLOFF, B. (2008). «Pour une mobilité plus libre et plus durable » Editions FYP La fabrique des possibles. Novembre (p. 24) : « La mobilité durable désigne une mobilité peu polluante, peu consommatrice d’énergie et d’espace, mais qui remplit dans le même temps les fonctions essentielles de la mobilité : le lien social, l’accès aux ressources de la ville, le développement des échanges économiques… »
20
Cependant, il y a eu de nombreuses objections de la part des banlieues proches
face à ces nouvelles politiques car le trafic y est maintenant plus dense, et les places de
parking sont de plus en plus occupées par des voitures non utilisées durant la journée. En
effet, quelques personnes travaillant en ville laissent leur voiture à l’extérieur des murs de
la capitale et prennent les transports en commun. Comme J.P Orfeuil le mentionne41, ceci
favorise le développement des plateformes de mobilité (nous verrons de quoi il s’agit
dans le chapitre 3), mais ceci au détriment des banlieues qui souffrent de la présence du
nombre croissant de voitures (pollution sonore, pollution spatiale, manque d’espace pour
piétons). De manière plus générale, il faut aussi considérer les buts poursuivis par les
villes dans le centre de la région qui sont liés à la construction d’identité et à la qualité de
vie des résidents, reflétée dans l’objectif simple de réduire la pression causée par
l’automobile sur leurs territoires.
Les transformations qui affectent le paysage urbain sont-elles la cause d’une
nouvelle conscience liée aux problèmes environnementaux ? Pouvons-nous parler de
l’émergence d’une préoccupation environnementale plus forte ?
2. L’émergence la préoccupation environnementale, ou en existe-t-elle une vraiment dans le domaine de l’automobile ?
A première impression il existerait bien une préoccupation environnementale
grandissante aujourd’hui en France. D’après une étude récente d’Ethicity42, de plus en
plus de groupes de personnes seraient concernés par les problèmes liés à l’environnement
et se tourneraient ainsi vers des pratiques quotidiennes plus « eco-friendly ». Cette
tendance est caractérisée par l’adoption d’une manière de consommer plus qualitative,
plus responsable. Mais s’applique-t-elle au domaine automobile ?
Aux premiers abords, oui. Effectivement, nous observons une métamorphose
continuelle des espaces urbains, un développement des transports pour une mobilité plus
durable, et une offre automobile de plus en plus « green » (en référence à l’émergence du
marché de l’Hybrid Diesel HY4 et de l’électrique sur lesquels nous reviendrons). Si la
41 ORFEUIL Jean-Pierre (2012) « The General Context of the IDF Region » dans « La Fabrique du Mouvement – the Making of Movement ». Institut de la Ville en Mouvement. (27 Mars). (p. 62) 42 Conférence Ethicity « La Typologie des Consommateurs » le 18/09/12
21
nouvelle tendance est de se préoccuper plus de l’environnement, alors il semblerait que
les constructeurs en font partie.
Pourtant, la plupart des interlocuteurs remettent en question la préoccupation
environnementale dans le domaine automobile. Pourquoi ? Les
consommateurs/usagers/citadins ne sont-ils pas réellement plus éco-responsables ?
2.1. L’évolution des acteurs
2.1.1. Adapter les modes de mobilité aux nouveaux besoins Nous identifions dans cette partie tous les acteurs accompagnés des nouvelles
pratiques qu’ils mettent en place aujourd’hui:
Les constructeurs automobiles passent de la compétition traditionnelle (qu’ils
suivent depuis toujours) à la fourniture de nouveaux services de mobilité ou modes de
transports. Dans certains cas d’ailleurs, certains d’entre eux nouent des alliances avec de
nouveaux acteurs (nous observerons le cas de Citroën et de Zilok Auto au troisième
chapitre). En somme, leur stratégie est d’ouvrir le panel des opportunités et de nouveaux
entrants afin de pouvoir être capable de s’adapter sans rupture aux nouveaux besoins et
intérêts des clients. Dans ce cadre, leur gamme de produits et services s’étend sur des
marchés émergents. De leur côté, les opérateurs d’infrastructures gèrent le
développement des routes (aménagement des voies réservées aux bus et aux vélos,
stationnement dédiés à l’auto partage…) et donnent l’impression de beaucoup miser sur
la réduction de l’usage individuel de l’automobile en ville. Effectivement, avec une
teneur de l’air en dioxyde d’azote généralement deux fois supérieure à la normale à
proximité des zones de trafic routier et étant donné que « les transports sont responsables
de 30% de la pollution en Ile de France », la bonne vieille voiture à essence ou diesel est
la première visée. Ils doivent notamment repenser aux nouveaux moyens de fournir de
l’énergie aux modes « propres » de mobilité.43
Ces nouvelles tendances facilitent l’arrivée de nouveaux acteurs dans le processus
d’évolution de la mobilité comme les développeurs. Ces experts, souvent spécialisés
dans d’autres domaines (IBM avec l’informatique, Cisco avec le networking),
s’impliquent de plus en plus dans la réflexion sur les nouvelles solutions de mobilité
43 Bilan AIRPARIF : http://www.airparif.asso.fr/actualite/detail/id/54
22
innovantes. C’est le cas par exemple d’IBM (qui à la base est expert en logiciels
informatiques mais qui développe des programmes de recherche pour des batteries
longue autonomie pour les voitures électriques44), ou de petites et moyennes entreprises
innovantes (nous aurons aussi l’occasion de revenir vers elles au troisième chapitre).
D’autres acteurs de la mobilité qui doivent re-conceptualiser les besoins en mobilités sont
les opérateurs de mobilités. Ceux-ci considèrent que le véhicule individuel est un
maillon de la chaine de mobilité et doivent gérer la particularité de ses interfaces et de
son modèle économique. La SCNF pense par exemple à des systèmes de co-voiturage
autour de ses gares franciliennes.
Finalement, il faut bien entendu prendre en compte les clients/utilisateurs du
mode de transport. Comme nous l’évoquions toute à l’heure, ils semblent être de plus en
plus éco-responsable. Leurs besoins changent constamment, le sens qu’ils donnent à
l’usage des différents modes aussi. D’ailleurs, le sociologue Gerard Mermet explique que
les conducteurs d’automobiles cherchent des voitures plus propres et que leurs
comportements changent.45 Ils ne sont plus seulement consommateurs mais aussi acteurs
de la mobilité. Il poursuit en disant que ces acteurs « souhaitent désormais faire de leur
voiture un acte écologique : notre rapport à la voiture a changé, nous sommes en train
de basculer de “l’ego-mobile” à “l’éco mobile” économe économiquement mais aussi
économe en termes de respect de l’environnement ».46 Car l’automobile est maintenant
synonyme de pollution. De nombreuses campagnes pestent contre son existence et la
conséquence qu’elle a sur la santé des citadins (comme la campagne de France Nature
Environnement47).
44 http://www.generation-nt.com/voitures-electriques-autonomie-batterie-lithium-air-actualite-1535161.html 45 DEMOZ, Francis. (2010). « La voiture de demain: La révolution automobile a commencé ». Editions Nouveau Monde. (Chapitre 2) 46 ibid (Chapitre 2) 47 http://www.fne.asso.fr/fr/nos-dossiers/transports--mobilite-durable/le-diesel-tue/
23
2.1.2. Une prise de conscience trop lente des usagers finaux (un effort économique trop important)
Des articles récents trouvés dans la presse annoncent que nous avons déjà dépassé
la capacité de charge de la planète48. Et J.P Orfeuil le citait déjà en 200849: « L’empreinte
écologique (ensemble de demandes exercées par l’homme envers les services écologiques
que peut fournir la nature) de l’humanité serait supérieure à la superficie des terres
émergées. » Qu’attendons-nous pour réagir ? En fait, le processus est en marche, mais il
est lent. George Amar le confirme : « les comportements évoluent assez lentement »50. La
nouvelle forme de civisme qui doit être adoptée est au ralenti. Il n’existerait donc pas
encore de réelle préoccupation environnementale. Ludovic BU51, président de Voiture &
Co et co-auteur, affirme : «Pour moi la préoccupation environnementale, c’est la
dernière roue du carrosse. » Lors des autres entretiens menés, c’est d’ailleurs le genre de
propos qu’on retient le mieux. J. de LaBaca explique que « la part de préoccupation
environnementale est quasiment inexistante » et G. Plassat juge que « la part est très
faible ».
La sensibilité à l’écologie augmente si nous nous tenons à l’étude d’Ethicity, les
gens sont donc au courant, mais ils réagissent trop lentement. Ils ont pris conscience du
réchauffement climatique et de la responsabilité de l’industrie automobile dans les
émissions polluantes mais ils n’agissent pas encore de manière collective, ce qui met du
temps pour le processus de se mettre en marche. Au cours des entretiens, nous avons
réalisés petit à petit que nous étions actuellement dans une transition (très) longue entre
deux comportements différents : le comportement « égo » et le comportement « éco ».
L. Bu explique que la faible volonté politique est l’une des causes de la lenteur de
cette prise de conscience dont nous parlons :
« Je voulais parler du cas des ZAPA – les Zones d’Action Prioritaires pour l’Air
– [interruption extérieure] Donc alors en fait ça a été une loi qui a été faite sous
48 DI NAPOLI, Albelle. (2012). « Mercredi 22 Aout, l’humanité a déjà épuisé son crédit annuel de ressources naturelles ». Le Monde. 49 ORFEUIL, Jean-Pierre. (2008). « Mobilités Urbaines - L’âge des possibles » Editeur Carnet Info (Novembre) (p. 33) 50 AMAR, Georges. (2010). « Homo Mobilis – Le nouvel âge de la mobilité ». Éloge de la Reliance. FYP Editions (p. 82) 51 Cf. Entretien mené avec Ludovic BU le 17/08/12 – Annexe VII
24
la contrainte de l’Union Européenne, parce que on a un tel surplus de pollution
lié à notre suréquipement de diesel. Les gouvernements ont largement aidé
l’industrie automobile à s’équiper en Diesel. Donc l’Union Européenne nous
condamne si on ne fait pas des mesures […] dans le cadre du Grenelle
maintenant, donc on testerait des zones où on interdirait les véhicules les plus
polluants à particules fines, donc diesel, de circuler. Huit villes candidates pour
être un terrain d’expérimentation, une abandonne avant même la date limite du
dépôt de dossier (Lille) et les sept autres ont demandé un délai supplémentaire
pour étudier le dossier. Ça montre bien qu’on n’est pas complètement mûr sur
« comment on va faire pour se débarrasser de la pollution générée par nos
véhicules ». Pourtant dans les sept, Paris en fait partie ! Globalement, si il y avait
une volonté politique très forte, et limite suicidaire, on pourrait dire dans Paris
pourquoi pas. Mais ce n’est pas le cas. On sait qu’il faut le faire, mais on n’y va
pas.»
D’autres interlocuteurs expliquent les raisons pour lesquelles les comportements
sont longs à changer. En somme, l’environnement n’est pas la cause majeure des achats
d’un véhicule « plus vert » ou de l’augmentation de l’utilisation de transports collectifs.
« Le citoyen croit de moins en moins que son comportement individuel peut influencer la
macro-réalité de l’environnement et il n’est pas prêt à faire de gros sacrifices sur son
niveau de vie globale, et il n’est pas prêt à payer » explique P.H Duchêne. « Je pense
que tous les gens qui viennent sur de nouvelles formes de mobilité le font d’abord parce
que ça très égoïstement rapporte de l’argent » rapporte Nicolas Ledouarec 52 , co-
fondateur de CityzenCar (un service d’auto-partage entre particuliers). Les gens utilisent
des solutions de mobilité plus « douces » parce que c’est dans leur intérêt égoïste, et non
celui de l’environnement. Par exemple, l’utilisation du vélo est un bon moyen de
préserver la santé, ou le covoiturage pour réduire le budget trajet ajoute G. Plassat.
Ainsi, les pratiques des usagers sont égoïstes et ne relèvent aucunement d’un intérêt pour
l’environnement.
52 Cf. Entretien mené avec Nicolas LEDOUAREC le 04/09/12 – Annexe VIII
25
J.P Orfeuil évoquait un espoir : « Face aux contraintes énergétiques et
climatiques, on peut rêver que les constructeurs sauront améliorer l’efficacité
énergétique des voitures et développer une alternative au pétrole et aux émissions de gaz
carbonique »53. Avec l’éventail de solutions proposées par les constructeurs, nous
pourrions penser que le problème est en train de se régler. Mais ils emblerait qu’on en
soit seulement au début…et que ce soit un mauvais début.
2.2. Le danger du « Greenwashing »54 Au fil des années, les constructeurs ont incontestablement améliorés leurs
véhicules. Effectivement, ils sont plus verts, plus légers, et plus efficients en terme
d’impact sur l’environnement (30% de matériaux verts dans les polymères issus de
recyclage, biosourcés ou naturels, 40% au moins d’acier recyclé pour la nouvelle 208 par
exemple). Leurs moteurs thermiques sont largement améliorés (moteurs essence à trois
cylindres, généralisation des systèmes « Stop and Start »), accompagnés même du dernier
filtre à particule (FAP), une innovation du Groupe PSA Peugeot Citroën. Les marchés se
sont alors étendus vers l’hybride Diesel en 2010, HY4 (une première mondiale pour le
constructeur français), ainsi que vers le véhicule électrique. D’après les constructeurs
français, les parts du marché total Européen devraient atteindre entre 5 et 10% d’ici à
2020. Cependant, nous pourrions être laissé à penser que ces objectifs sont bien trop
ambitieux (en tout cas pour l’électrique). Effectivement, nous observons que le nombre
d’immatriculations de véhicules particuliers en 2011 a pris du temps à décoller pour
aboutir à un total de 2629, un chiffre bien en dessous des 10 000 attendus55. Et puis il y a
les contraintes environnementales (Euro 4, Euro 5, Euro 6) qui les poussent à faire
toujours plus. Au final, la volonté des constructeurs à diversifier leurs flottes en faveur de
l’environnement est-elle une vraie alternative qui a du mal à se mettre en place ou une
simple illusion ?
53 ORFEUIL, Jean-Pierre et MASSOT Marie-Hélène. (2005) «Penser les mobilités de demain, essai de clairvoyance prospective ». Centre de Recherche Espace Transport Environnement et Institutions locales. (p. 8) 54 Une entreprise entreprend du « greenwashing » quand elle mène une campagne de publicité dans le but de se donner une image d’entreprise écologiquement responsable alors qu’elle investit plus dans la publicité qu’en faveur de l’environnement. 55 Cf. Annexe IX– Observatoire du véhicule d’entreprise – Immatriculations VPVE et hybrides 2011
26
2.2.1. L’arrivée peu réussie du véhicule électrique?56 En vérité, la voiture électrique est née avec l’automobile. La première à voir le
jour est le prototype électrique baptisé « la jamais contente », en 1899. 57 De plus, elle
battait ses « cousines à moteur thermique » avec des records de vitesse au-dessus de
100km/h. L’histoire du véhicule électrique a été depuis marquée par des projets
expérimentaux à travers de nombreuses années de vide commercial. Seulement depuis
quelques années, on assiste à l’émergence d’un véritable marché de la voiture électrique.
La première cible de ce marché est le milieu de l’entreprise. En effet, cette alternative au
véhicule utilitaire vieillissant, couteux, et polluant, séduit de plus en plus les entreprises
comme La Poste ou EDF.
En ce qui concerne le milieu des particuliers, l’électrique répond principalement à
deux nécessités : anticiper l’épuisement progressif des ressources et réduire les émissions
de CO2. Il peut très bien répondre à un usage de moins de 60km par jour (80% des
conducteurs parcourent en général moins que cette distance)58 et il contribue en plus de
manière considérable à la réduction des nuisances sonores. Le véhicule électrique
présente ainsi de nombreux atouts en faveur de l’environnement et du citoyen. Mais la
méthode qui a été introduite à Paris est-elle la bonne ? A-t-elle été une réussite ?
Nous pouvons comprendre dans quel contexte les constructeurs avaient prévu de
faire une entrée fracassante avec leurs nouvelles offres de voitures électriques. C’est un
confort de vie, mais auquel la plupart d’entre nous doivent s’adapter. Malheureusement,
les résultats n’ont pas été ceux tant attendus et les avis sur les nouvelles solutions
électriques sont partagés. Par exemple, PSA Peugeot Citroën a rassemblé trop de stocks
de voitures électriques en Aout et se doit de couper temporairement ses commandes
auprès de son partenaire nippon Mitsubishi.
En ce qui concerne l’offre de la ville de Paris avec le déploiement des voitures
autolib de Boloré un peu partout dans la ville, le succès ne fait pas l’unanimité. L. Bu
s’explique : « […] pour que la tendance change réellement, il aurait fallu mettre 30 000
véhicules en libre-service et pas 3000 dans Paris.[…] Pour 5 Euros la demi-heure, on est
sur l’idée que les bobos vont se faire plaisir en prenant une voiture électrique. […] On a 56 Quand on parle de la voiture électrique, nous entendons par là le 100% full electric. 57 FLUX Magazine. (2011). « Nouvelles Technologies de l’automobile ». Les Supélec. (# 266 – Sept et Oct) (p. 22) 58 ibid (p. 23)
27
fait un truc qu’on a rajouté à tout le reste. » Avec cette description du service seulement
accessible aux bobos, nous repensons aux propos de G. Plassat qui nous avaient rappelé
qu’il fallait penser à des solutions pour tout le monde, sans épargner les populations les
plus fragiles. Si nous voulons changer les tendances, et que les gens suivent les
tendances, il faut donc améliorer les systèmes proposés.
D’ailleurs, il n’y a pas que l’homme mobile qui doit cette adaptation, mais aussi
l’environnement dans lequel il vit. Dans le cadre de la ville, offrir ce nouveau mode de
mobilité, c’est devoir repenser la gestion de la mobilité. Un des freins au développement
de d’avantage de véhicules électriques est qu’il y a peu d’infrastructures présentes pour
répondre au besoin de fournir en énergie. La vision du véhicule électrique doit s’étendre
au-delà de la motorisation. La solution semble être la valeur collective adoptée, citée par
G. Amar : « c’est la valeur collective, le passage de la logique produit à une logique
service, le rapport à la ville, qui donneront au VE toute sa signification et son impact
d’innovation sur la mobilité. »59
Si tous ces exemples prennent forment, la société de mobilité pourrait ressemblée
à celle envisagée par Continental qui nous présente les futures tendances de la part du
véhicule électrique : Alors qu’en 2015 cette part reste très faible, elle augmentera très
fortement au fil des années jusqu’à en 2050 où elle atteindra plus de 50% des nouvelles
voitures particulières vendues.60 Aujourd’hui, nous pouvons Il est donc peut être un peu
tôt pour tirer de grandes conclusions sur l’avenir de l’électrique. Attendons que Twizy
s’installe définitivement ?
Pour clore cette partie sur l’électro mobilité, bien que le véhicule particulier ait du
mal à démarrer, l’électrique touche à plusieurs autres modes de déplacements. Mis à part
le bus, qui ressemblerait au trolley selon G. Amar, n’oublions pas le vélo électrique qui
est en plein essor: 40 000 ventes en 2011 pour le Groupe PSA. Serait-ce le nouveau mode
individuel le plus prometteur dans les années à venir?
59 AMAR, Georges. (2010). « Homo Mobilis – Le nouvel âge de la mobilité ». Éloge de la Reliance. FYP Editions (p. 84) 60 DOUCET, Dominique. (2012). « Nouvelles Mobilités & Véhicule Individuel ». CONTINENTAL (diapo #11)
28
2.2.2. Exposition à la sensibilisation environnementale Nous ne pouvons pas dire que le travail communicationnel en termes de
performances environnementales des nouvelles voitures soit absent. En particulier avec
l’aide d’outils comme les NTIC, l’industrie automobile nous noie constamment dans les
annonces de publicité liées à leurs gammes de véhicules « verts ». Cette exposition de
plus en plus envahissante, visible où que l’on soit situé en ville, agit bien sur les hommes
« mobiles » puisqu’ils sont de plus en plus attirer par les avantages que présentent les
nouveaux véhicules en termes d’impact sur l’environnement (malgré leur prix). Ceci
bénéficie largement les constructeurs automobiles qui souhaitent naturellement faire
perdurer leur production de voitures symbole de liberté et de puissance sociale. Petit à
petit, ils contribuent à la mise en place de cette nouvelle mode d’achat responsable qui
réduit la mauvaise image (de pollueurs) qu’ils rejettent. Mais ces pratiques ne seraient-
elles pas trop proches du phénomène du greenwashing ?
C’est l’avis de notre interlocuteur, J. de Labaca : « Moi je pense qu’on est plutôt dans du
greenwashing. Si demain par exemple un constructeur automobile veut avancer sur le
développement durable, je pense qu’il y a trois raisons essentielles : c’est que un il est
obligé, il va devoir répondre à des lois Euro 3, Euro 4, Euro 5, également il y a la
question de la réputation, et aujourd’hui notre société est basée sur la réputation et
l’usage et troisièmement si il ne le fait pas il ne vend plus.[…] Je suis peut-être un peu
dur mais globalement je pense qu’on est dans cette idée-là. » Cette communication, qui
de manière générale est donc maintenant très portée sur l’environnement, répond avant
tout aux besoins de l’individu et en plus (comme un bonus non obligatoirement existant)
présente un aspect « ecofriendly ». C’est l’idée que nous évoque L. Bu.
Pour conclure ce chapitre, les collectivités et acteurs professionnels ont un
discours écologique très développé alors que les usagers finaux en sont encore aux
balbutiements de la conscience écologique personnelle. Même si au niveau du discours, il
y a une prise de conscience collective, au niveau individuel, on ne voit pas encore de
changement de comportement significatif. L’argent est encore le point majeur de décision
dans la décision d’achat d’une voiture. Étant donné que nous observons une transition, il
29
y a tout de même un changement progressif dans la tendance d’aborder le sujet. Il s’agit
là plus d’une évolution que d’une révolution.
Selon les arguments que nous avons fournis suite aux entretiens menés et études
analysées, nous estimons qu’il est évident de réfuter la première hypothèse émise :
L’usager n’a pas encore une conscience écologique déterminante dans son choix de
solution de mobilité et les acteurs des solutions de mobilité (dont font partie les
constructeurs automobiles) ne doivent pas prendre en considération cette exigence
forte.
Après avoir démontré que le symbole du modèle automobile se confronte à des nouveaux
enjeux et de nouvelles contraintes, nous allons maintenant exposer dans ce deuxième
chapitre les changements que l’automobile subie au niveau de sa valeur et de son usage,
ceci ayant d’ailleurs un impact sur la notion de propriété.
30
Chapitre II : Utilisation et Propriété – La transformation de la propriété par l’usage
1. Vers un changement des comportements pour l’usage de l’automobile
Aujourd’hui, face aux contraintes budgétaires principalement, les propriétaires
« mobiles » sont de plus en plus amenés à repenser l’usage de leur automobile autant lors
de leur déplacement que lorsqu’elles sont stationnées pendant de longues heures. Quelles
sont les raisons qui poussent les propriétaires à vouloir garder cette capacité à se mouvoir
librement, et quelles sont les solutions que les propriétaires déjà engagés dans la
démarche du changement cherchent à adopter?
1.1. Le besoin doit devenir rationnel
1.1.1. Le pour et le contre d’être propriétaire d’une automobile aujourd’hui Lors des « belles années » de l’automobile, nous ne nous demandions pas autant
quels étaient les avantages ou les inconvénients à être propriétaire d’une automobile. Si
l’individu avait les moyens, il s’en procurait une, et s’il ne les avait pas encore, il faisait
tout pour les avoir. Effectivement, le fait d’être propriétaire rapportait (et rapporte
toujours) beaucoup d’avantages qui facilitaient la vie de tous les jours. Nous pouvons
reprendre les arguments de J.P Orfeuil61 qui vont dans ce sens: Il y a une disponibilité
immédiate du produit – «Je l’utilise quand je veux », une autonomie dans l’usage du
produit sans l’intervention d’autrui – « Je l’utilise et personne ne me dit comment je dois
l’utiliser et ce que je dois faire », le propriétaire crée une relation particulière avec le bien
– « Bichonnage, personnalisation du produit… » Et finalement caractérisé par un
sentiment de sécurité (dans le cadre d’effectuer des déplacements urgents), l’avantage
61 ORFEUIL, Jean-Pierre. (2008). « Mobilités Urbaines - L’âge des possibles » Editeur Carnet Info (Novembre) (p. 87)
31
d’être propriétaire nous donne aussi la possibilité d’avoir le choix de prêter ou donner son
véhicule. Tous ces avantages s’ajoutent aux définitions données à la voiture en première
partie : La voiture s’inscrit tout de suite dans l’imaginaire collectif comme un symbole de
réussite sociale, indissociable de l’idée de prospérité, synonyme de liberté individuelle,
d’indépendance et d’autonomie, vitesse, de la découverte, des vacances et des congés
payés.
Cependant, les nouveaux enjeux et les contraintes récentes (en particulier au plan
économique et écologique) auxquelles notre société doit faire face, entrainent les hommes
à repenser l’intérêt du privilège de propriété qu’ils entretiennent depuis longtemps. Est-il
vraiment nécessaire de posséder un bien alors qu’il coute de plus en plus cher? Ainsi, un
nombre grandissant d’usagers propriétaires repense l’usage qu’ils font de leur
automobile. En effet, elle était au début pensée pour le plaisir, mais ces avantages comme
le souligne J.P Orfeuil62 sont « tels qu’elle ne tarde pas à être utilisée en routine dans la
banalité du quotidien ». Pour certains, l’automobile est devenue une vulgaire commodité.
Les arguments contre la propriété d’un véhicule viennent alors facilement contrer
les avantages que nous avons énumérés précédemment. Par exemple, nous avons plus de
difficulté à y accéder à cause de son coût (autant pour l’achat mais aussi pour
l’assurance), et il y a un souci de maintenance, de gestion, et de charge psychologique à
prendre en considération. Si nous sommes propriétaire d’un bien, nous avons obligation
de bien l’entretenir si nous souhaitons qu’il dure sur le long terme. Eventuellement, nous
pouvons même y être tellement attachés au point de ne plus pouvoir nous en séparer, ce
qui peut s’avérer être un inconvénient supplémentaire. Par ailleurs, selon Peter Freund
and George Martin63, l’automobile est un phénomène qui amplifie et crée des inégalités
sociales. Elle a aussi un impact majeur sur les ressources naturelles et l’utilisation du
territoire (ce que nous avons démontré à présent). Finalement, les auteurs trouvent de
manière exagérée (à notre goût) que l’automobile nous enferme littéralement,
physiquement, mentalement, symboliquement, dans un cocon où seul l’individu existe et
où le social est escamoté. Nous considérons ces propos de manière objective, mais nous
62 ORFEUIL, Jean-Pierre. (2004). «Accessibilité, mobilité, inégalité: regards sur la question en France aujourd’hui, Eteil, Université Paris XII. 63 FREUND, G et MARTIN G. (1994) « The Ecology of the Automobile”. Black Rose Books
32
trouvons qu’il est plus important de se focaliser sur les nouveaux objectifs des usagers
qui ont transformés la valeur et l’usage du bien.
1.1.2. Les nouveaux objectifs de l’utilisateur Peser le pour et le contre pour la possession de son propre véhicule en ville
signifie que les hommes mobiles ont de nouveaux besoins qui remettent en question la
tendance forte qui avait existée au cours du XXe siècle. Les solutions de ce siècle passé
ne suffisent plus à un XXIe « devenu majoritairement urbain, intensément mobile,
écologiquement vulnérable et pauvre en pétrole » 64 . Ceux et celles qui jusque-là
justifiaient le fait de posséder une voiture, sont aujourd’hui en position de repenser de
manière plus rationnelle leurs objectifs. En conséquence, cela implique une diminution
dans le recours à la propriété. François Cusin, Maitre de conférences en sociologie à
l’Université Paris Dauphine et chercheur à l’Institut de recherche interdisciplinaire en
sciences sociales, explique que la priorité n’est plus de posséder des biens mais de
pouvoir disposer pleinement de leur usage65. Dans ce sens, commence une réelle volonté
(mais toujours en phase de développement) à vouloir substituer l’achat des biens l’accès
aux usages de ces biens (nous observerons en troisième chapitre les solutions disponibles
répondant à cette volonté). C’est le début de l’érosion de la notion de propriété.
Ceci est lié aux objectifs pensés en premier lieu par les usagers qui sont de réduire
le coût et de minimiser le temps passé lors du déplacement. La propriété ne figure plus
parmi les solutions en ville afin de répondre à ces objectifs. De nos jours, avec une
congestion de trafic perturbante, il est évident que ce mode de déplacement pour se
déplacer au sein de Paris ne soit plus avantageux et efficace. En ce qui concerne les
déplacements vers la ville, s’ajoute la question de l’instauration des péages urbains qui
pourraient bien faire accélérer le changement de comportement dans l’usage (ce sont des
péages qui sont placés à l’entrée des villes). Ce système existe déjà en Europe à
Stockholm, à Londres et à Singapour. Par conséquent, on repense l’usage de l’automobile
au sein de la ville. Finira-t-il par se mettre en place aux portes de Paris ?
En ce qui concerne les déplacements en région périurbaine, la situation est
différente. La place de l’automobile reste prédominante. L’usage n’a donc pas connu de 64 AMAR, Georges. (2006). « La transmodalité : une mutation des transports urbains ». RATP (p. 4) 65 CUSIN, François. (2010). « De la fonctionnalité à l’accès. Vers le remplacement des biens matériels par des services en réseau ? », Futuribles, n°360, février 2010, p. 5-20.
33
réelle transformation lorsqu’il s’agit des distances qui s’agrandissent. Il reste une priorité
dans les espaces péri-urbains car dans la majeure partie des situations, elle est le seul
mode de déplacement qui peut répondre à la nécessité d’effectuer un trajet considéré long
(quand la marche prend trop de temps et quand les transports en commun ne sont pas
présents pour répondre aux besoins de déplacement).
Or mis le contexte des vastes territoires de la région, nous ne pouvons pas exclure
que de manière générale posséder une voiture est devenu anachronique. J.P Orfeuil, dans
son œuvre « Mobilités urbaines : l’Age des possibles »66 affirme que: « la possession de
biens n’est plus un préalable aux usages ». N. Ledouarec partage son opinion sur le
sujet : « la notion de propriété : avant c’était soit l’un soit l’autre, il n’y avait pas de
milieu. Sauf quand il y avait possibilité de location de voiture. Aujourd’hui, ce qui se
passe c’est qu’on a la possibilité d’être un peu moins propriétaire. C’est un changement
assez important. »
Cette nouvelle mutation progressive des besoins, pour une partie de la population de la
région, entraine de nouvelles formes de l’échange mais aussi une relation à l’automobile
dissociable de ce qu’elle était pendant très longtemps.
2. La transformation subie par l’automobile
Aujourd’hui, les jeunes ménages possèdent de moins en moins un permis de conduire
et la part des ménages qui possède au moins une voiture se trouve majoritairement entre
40 et 59 ans67. Ainsi, on peut se poser tout naturellement la question de la possession :
quelle est la signification aujourd’hui d’avoir une voiture ?
2.1 Sa Valeur
2.1.1. L’imaginaire de l’automobile : toujours présent, mais en évolution Nous avons souhaité avoir l’avis de nos interlocuteurs sur ce qu’était pour eux
l’imaginaire de l’automobile. Étant donné que la plupart d’entre eux ont affirmés ce que
66 ORFEUIL, Jean-Pierre (p. 6) 67 Union Routière de France. (2011). « Faits et Chiffres : Statistiques des Transports en France et en Europe ». Octobre. (p. 37)
34
nous avons précédemment évoqués sur ses avantages et l’image qu’elle renvoi, nous
avons voulu savoir si aujourd’hui cet imaginaire (qui est donné depuis tant d’années) était
perçu différemment aujourd’hui. Nous observerons ci-dessous que les avis donnés sont
globalement les mêmes, mais que certains reflètent plus que d’autres une attache
particulière à cet imaginaire.
J. de Labaca nous dit que « l’imaginaire de la voiture reste un curseur social, ca
reste un objet de convoitise, un objet de design. » Cependant, la différence aujourd’hui
est qu’il faut « rester rationnel avec ». Cela nous rappelle ce que nous avions montré en
première partie de ce chapitre. De son côté, N. Ledouarec pense que « l’imaginaire a bien
changé en effet. La couleur de la carrosserie, la puissance… On arrive a un autre type de
liberté c’est de se dire qu’on est plus prisonnier de sa voiture. Prisonnier de cette voiture
mais j’ai à disposition près de chez moi un cabriolet, une berline, un espace, une
électrique…en fonction de mes besoins, je prends ce que je veux. On est dans une
mentalité ou le dualisme propriétaire ou pas propriétaire est réduit. » Dans ce cas, la
notion de propriété est donc bien menacée de disparaître car le rapport à l’automobile
évolue.
Pour sa part, S. Maury ne fait pas de généralisation et note tout de même que cet
imaginaire change selon les personnes qui font usage de l’automobile. Elle observe que
l’imaginaire initial, celui caractérisé par la puissance et la liberté, n’est plus trop
d’actualité aujourd’hui :
« […] La vitesse, on en parle plus parce que de toute façon c’est un imaginaire
qui est extrêmement transgressif dans le sens où on parle de plus en plus de
ralentissement. […] L’imaginaire liberté est de plus en plus concurrencé parce
qu’il n’assure plus, l’automobile n’assure plus le fait d’arriver à l’heure à un
rendez-vous, maintenant c’est plutôt les transports en commun, donc en terme de
liberté avec toutes les phases de congestion, il est remis en question. Il y a tout un
imaginaire à reconstruire. Je crois vraiment au réseau, au partage. En fait je
pense que l’automobile dans son imaginaire peut jouer sur des tensions entre
partage (aspect collectif) et d’individualisme (aspect individuel qui ressort
principalement pendant le weekend). »
35
Selon ces derniers dires, l’imaginaire que renvoi l’automobile a bien connu une
transformation dû aux évolutions des enjeux, des contraintes, et des besoins dans les
déplacements, créant par conséquent un impact sur la notion de propriété, affaiblie.
Les auteurs ont également partagés des avis sur le sujet qui vont dans le même
sens. D’une part, J.P Orfeuil qualifie l’automobile de « seconde peau » dans certains
contextes. Ce bien occupe encore une place importante dans la vie des citoyens mais
l’arrivée des nouveaux services dont nous parlerons dans le prochain chapitre établissent
un rapport moins étroit au produit : un rapport où la propriété (une fois de plus) n’est pas
la forme principale d’accès aux choses. D’autre part, John Urry, sociologue anglais et
professeur à l’université de Lancaster, qualifie la voiture de « sanctuaire »68 assimilé à
une zone de protection où l’usager peut se réfugier lors d’un trajet. Effectivement, pour
certains l’usage de l’automobile peut être un moyen plus sécuritaire de déplacement pour
effectuer des trajets. Nous pensons en particulier aux espaces périurbains qui sont parfois
peu aménagés, voir même pas du tout, afin de faciliter l’usage d’autres modes de
transport individuels comme le vélo par exemple.
Si l’imaginaire lié à l’automobile est toujours présent, alors il conserve sa signification
sociale. De quoi s’agit-il ? Aussi, si cet imaginaire est en évolution, par conséquent cela
va entrainer une évolution de la signification sociale. Quelles perspectives s’offrent à
l’aspect social de la voiture ?
2.1.1. La signification sociale derrière l’automobile L'absence de voiture peut éveiller des sentiments d'exclusion sociale. Dans une
société où il est devenu impératif d’être mobile pour rencontrer, socialiser, la place de la
voiture s’est avérée primordiale. Sa part grandissante dans notre vie quotidienne a
amélioré les relations avec l’extérieur. Ainsi, il est possible de penser que la possession
effective ou envisagée d'une voiture est considérée comme le moyen d'entretenir et de
développer des réseaux de sociabilité et d'amitié. Nous parlons de cette place cruciale
68 URRY, John. (2006). “Inhabiting the car”. The Sociological Review Volume 54, Issue Supplement s 1, pages 17–31, (October) (p.9)
36
pour l’automobile dans notre vie quand il s’agit de connecter nos trajets entre la ville et le
périurbain, ou entre les espaces périurbains d’une manière complètement autonome. Or,
aujourd’hui la place de la voiture est de moins en moins rationnelle. Par conséquent, il est
possible qu’il y ait un impact au niveau social. Nous pensons à deux types de situation.
D’une part, si un individu souhaite continuer à entretenir son réseau et que les autres
modes de transport ne lui conviennent pas, il gardera l’utilisation de son véhicule comme
priorité, ce qui peut expliquer pourquoi la tendance de mobilité « ne tenant plus compte
de l’automobile » est longue, voire impossible à se réaliser. P.H Duchêne explique que
dans certaines situations de la vie « la voiture reste incontournable pour se déplacer.»
Elle présente une réelle capacité à se mouvoir notamment sur les longues distances ou les
trajets occasionnels comme l’entend S. Maury. D’autre part, l’automobile de par le
changement dans son usage peut faciliter un autre type de relations au sein même de
l’automobile. Elle peut devenir un espace de convivialité, si utilisée de manière
collective. Ceci nous amène à envisager une transformation dans son usage, processus
que nous allons maintenant aborder.
2.2. Son utilisation Tout comme avec la valeur imaginaire (et réelle) de l’automobile, l’utilisation de
l’automobile va connaître une transformation. Dans ce cadre, « le taux de motorisation va
évoluer à la baisse » d’après J. de Labaca. Pour N. Ledouarec, « les voitures seront mieux
utilisées. On va arriver à un système plus efficace et porté par les individus et plus
flexible. C’est un système social, de proximité, de plus en plus efficace. »
Mais cette vision ne présente-t-elle pas de limites, ou de contraintes au développement de
certaines conceptions sociales et morales tel que par exemple l’individualisme ?
2.1.1. Construction ou destruction de l’individualisme ? Quand nous sommes amenés à constater que le bien peut être facilitateur de
création de liens sociaux s’il est utilisé de manière collective, il ne faut pas oublier de
prendre en compte le fait que cela peut avoir un impact sur d’autres conceptions sociales
qui se rattachent à la possession exclusive et à l’usage individuel de l’automobile.
37
Le moment où les citoyens sont seuls dans leurs automobiles lors de leurs
déplacements permet à ceux-ci de privilégier leurs intérêts et leurs valeurs, de protéger
leur individualité contre les autres modes de transports collectifs. En profitant de cette
autonomie individuelle, les individus caractérisent la conception sociale de
l’individualisme. Celle-ci se définit comme une attitude « favorisant l’initiative
individuelle, l’indépendance et l’autonomie de la personne au regard de la société ». Elle
peut être aussi considérée comme « une tendance à s’affirmer indépendamment des
autres, à ne pas faire corps avec un groupe »69. La possession d’une automobile a la
capacité à produire d’avantage d’individualisme car le moteur à combustion représente le
plus haut potentiel en matière d’intérêt individuel. Dans ce cadre, S. Maury perçoit
l’automobile comme une source de ressourcement et qu’il ne serait pas improbable de
faire perdurer le besoin de vivre dans « sa bulle », surtout avec les nouvelles technologies
de communication et d’information qui atteignent le domaine automobile.
Seulement les tendances de mobilité s’orientent vers un usage collectif du bien.
La valeur individuelle de se déplacer est prise entre une possession exclusive qui doit
diminuer et la tendance à inciter de plus en plus les citoyens à se déplacer de manière
groupée. La notion d’individualisme est menacée dans le domaine automobile.
Cependant, puisque nous penchons vers la logique de transformer notre voiture
individuelle en voiture servicielle, point sur lequel nous reviendrons, pourquoi ne pas
penser à la possibilité de continuer à maximiser son individualisme d’une autre façon au
lieu de penser que l’individualisme va disparaitre?
G. Plassat voit l’émergence des nouvelles technologies au sein d’un nouvel usage
du véhicule individuel comme une solution à ce changement. Selon lui, « le téléphone
portable ou l’assistant numérique couplé à internet représente […] le meilleur vecteur
permettant de maximiser notre individualisme en répondant à toutes les situations
[…] »70. Ainsi pour être plus libre, nous sommes consentis à devoir adopter le partage de
l’automobile individuelle. Après tout, nous répondrons à nos principaux objectifs qui sont
de réduire les coûts (énergie, maintenance, assurance, parking…) et les externalités
(pollution, congestion, espace occupé…).
69 Dictionnaire Larousse: http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/individualisme/42661 70 Blog : http://transportsdufutur.typepad.fr/blog/2012/07/lavenir-de-lautomobile.html
38
En regroupant les différents points importants des parties que nous avons étudié,
il semblerait que quel que soit les évolutions vécues au sein des tendances de mobilité,
affectant l’usage de l’automobile : l’automobile est toujours présente et ne s’efface pas de
notre quotidien.
2.1.1. Erosion radicale de la notion de propriété : du passage de la voiture individuelle à la voiture servicielle
Cette transformation de la propriété par l’usage collectif (vers lequel la société se
dirige) représente la prémisse d’une prise de conscience qui pourrait complètement
affecter le système économique que notre société suit, sans pour autant expulser
complètement l’automobile de nos vies quotidiennes.
En ce qui concerne la notion de propriété, Jérémie Rifkin, économiste et auteur
américain, s’exprime dans « l’Age de l’accès » sur cette transformation: « Le rôle de la
propriété est en train de subir une transformation radicale. Les conséquences de cette
révolution sont d’une conséquence et d’une portée fondamentales pour notre
société. […] D’ici à 25 ans, l’idée même de propriété paraîtra singulièrement limitée,
voire complètement démodée. […] C’est de l’accès plus que de la propriété que
dépendra désormais notre statut social. « Il ajoute : «l’échange de biens est remplacé
par un système d’accès à court terme opérant entre des serveurs et des clients organisés
en réseaux »71. C’est donc une nouvelle transition de la propriété à l’accès que nous,
consommateurs et citoyens, sommes en train d’expérimenter. Seulement, elle reste
discrète et il faut réaliser qu’elle touche de manière croissante le domaine automobile. En
effet, au fil des années les utilisateurs semblent préférer avoir accès à des services de
mobilité qui correspondent plus conjointement à leurs besoins à un moment spécifique
dans leur quotidien. Nous observerons en troisième chapitre des exemples de succès de
ces services.
Pour revenir à cette automobile qui perdure malgré ces changements, il est
nécessaire d’expliquer comment elle perdure dans notre système. En effet, la voiture
traditionnelle/individuelle est passée à la voiture servicielle. Selon G. Plassat, « la voiture
servicielle peut se définir comme étant le complémentaire de la possession exclusive
71 RIFKIN, Jeremy. (2005). « L'âge de l'accès : La nouvelle culture du capitalisme ». Editions La Decouverte.
39
puisqu’il s’agit soit d’utiliser une voiture sans en être propriétaire, soit de partager son
véhicule ou un siège libre de son véhicule. La voiture servicielle est également
complémentaire des modes collectifs et modes actifs, car la dépossession exclusive
modifie automatiquement les pratiques vers tous les modes alternatifs. »72 La voiture
servicielle perturbe les habitudes de l’automobile traditionnelle car l’usager va privilégier
de plus en plus les fonctionnalités rationnelles du véhicule comme son efficacité
énergétique, la maximisation de la maintenabilité, la connectivité et la partageabilité.
Cette nouvelle tendance caractérise le passage d’une économie de possession à une
économie basée sur la substitution d’un service à l’usage d’un bien, connue sous le terme
d’économie de fonctionnalité. Dans le contexte étudié, la notion d’accès et la notion de
fonctionnalité se complémentent. J. Rifkin explique que ce couplage « conduit donc à
une véritable révolution qui tend à imposer un capitalisme culturel qui rompt avec le
capitalisme industriel qui a jusqu’à présent prévalu ». 73 Dans ce nouveau type
d’économie, on observe que la propriété fait face aux nouveaux types de services (sous
forme de location ou de membership par exemple)74. Ceux-ci répondent à une même
finalité de besoin (qui est le déplacement) selon des critères non directement liés au
véhicule en lui-même.
Avec l’émergence de cette nouvelle économie, et le domaine automobile
concerné, la notion de propriété est très affectée. Par conséquent, nous sommes amenés
à valider la deuxième hypothèse émise en introduction : L’usager porte un nouveau
regard sur l’automobile car il porte un nouveau regard sur le fait de posséder une
voiture. Avoir une voiture ne signifie plus avoir sa voiture dans son garage, mais
plus, avoir la jouissance d’une voiture quand on en a besoin (pour un temps donné,
estimé à l’avance).
Nous allons maintenant découvrir en troisième chapitre les services qui
caractérisent ces nouvelles tendances de mobilité, propres au fonctionnement de cette
économie de fonctionnalité.
72 Blog : http://transportsdufutur.typepad.fr/blog/2012/07/lavenir-de-lautomobile.html 73 Dans CUSIN, François. (2010). « De la fonctionnalité à l’accès. Vers le remplacement des biens matériels par des services en réseau ? », Futuribles, n°360, février 2010, (p. 13) 74 ibid (p. 15)
40
CHAPITRE III : L’arrivée des nouveaux services de mobilité Les modes de déplacement doivent de plus en plus se structurer autour de
l’individu et de ses besoins. En considérant les enjeux cités en première partie, le
développement de la mobilité collective est favorisé. Ainsi, de nouveaux systèmes de
déplacement à caractère fonctionnel et personnalisé sont mis en œuvre.
Ces nouveaux systèmes de déplacement sont avant tout des services qui font
figure d’alternatives aux systèmes traditionnels de mobilité. En effet, le système dans
lequel le modèle standard de satisfaction de la mobilité qu’offrent l’automobile ou les
transports en publics pose problème75. Les services offerts doivent donc être plus souples
et adaptés à la modernité et à l’avenir.
Par ailleurs, nous parlions de l’accroissement des distances au début de ce travail.
Si nous observons les données du tableau fournis par J.P Orfeuil, il est possible que les
nouveaux services de mobilité aident à réduire considérablement les pourcentages dédiés
aux courtes distances faites en voiture76. Les nouveaux services vont contribuer à réduire
les pourcentages des distances les plus courtes parcourues (entre moins de 2 km et 10
km). Ensuite, ils se développeront et réduiront de plus en plus les pourcentages dédiés
aux distances longues parcourues (entre 10 km et plus de 20 km). C’est ce que vise le
service Autolib pour les centres villes et le péri urbain (distance parcourues limitées à la
région Ile de France) et ce que propose Multicity (que nous présenterons ci-après) en
conjointant plusieurs modes de transports pour parcourir de plus longues distances.
Nous avons déduit en deuxième chapitre que les besoins des acteurs de la mobilité
ont évolués, ce qui incite à modifier les offres de services de mobilité. Nous avons
également évoqué que celles-ci tendent à substituer la location à la propriété chez les
utilisateurs. Seulement avec un éventail de solutions de plus en plus large, lesquels de ces
nouveaux services représentent la vraie solution de demain ? Dans quel but se
développeraient-ils ? A quel type de population seraient-ils le mieux adaptés ? Ces
75 ORFEUIL, Jean-Pierre. (2008). « Mobilités Urbaines - L’âge des possibles » Editeur Carnet Info (Novembre) (p. 142) 76 Cf. Annexe X – Tableau p.127 – L’Age des possibles.
41
nouveaux services changeraient-ils l’usage de l’automobile du futur ? Par conséquent,
quelle sera la place de la voiture dans ces nouveaux services ?
Aujourd’hui, ces nouveaux services s’inscrivent petit à petit dans la structure
moderne de l’espace urbain. Chaque service offre des particularités et nous pourrons
constater que selon l’usage que l’on en fait, ils peuvent s’adapter à deux modèles de
déplacement : la multi-modalité et l’inter modalité.
1. Les transformations modales
1.1. La multi-modalité La notion de multi-modalité se distingue de la notion d’inter modalité. Elle
désigne le fait d’avoir le choix entre utiliser un mode de transport ou un autre pour
effectuer un déplacement. On constate que plusieurs types d’offres de déplacement
s’intègrent dans le cadre de la multi-modalité comme la location, le co-voiturage et
l’auto-partage.
1.1.1. La location La location est sans doute l’un des premiers facteurs du changement de relation
que mène l’individu avec l’automobile. Elle peut être connue sous différentes formes.
L’une des plus répandues est la location d’une automobile adaptée à un besoin spécifique,
à durée déterminée, pour un prix variant selon les caractéristiques du besoin. Par ailleurs,
si l’usager souhaite louer à long terme, il y a le système de crédit-bail sous forme de
leasing. Cette pratique présente de nombreux avantages. Elle permet notamment à
l’usager de rouler dans un véhicule de meilleur standing. Quels sont les autres avantages
et comment la location est-elle devenue une tendance de la mobilité moderne ?
L’automobile de location reste impersonnelle. Ainsi, l’usager ne se soucie pas de
l’entretien du bien. Cette pratique représente un investissement moins lourd car l’usager
ne paye seulement que l’utilisation du bien. Finalement, l’usager d’une automobile de
location peut essentiellement bénéficier du remplacement de son bien ou d’une assistance
particulière, bénéfices qu’il ne toucherait pas aussi facilement (voir pas du tout) avec le
42
statut de propriétaire. Nous pouvons donc observer l’intérêt de la location. Par
conséquent, « les loueurs changent plus souvent de bien que les propriétaires »77.
Dans un tableau fournit par J.P Orfeuil78, nous pouvons remarquer la croissance
en volume des consommations de biens et services entre 1960 et 1997. Dans le cadre de
notre recherche, nous observons particulièrement la croissance en volume des « locations
sauf logement ». Nous remarquons ainsi la forte croissance que connaît cette catégorie :
elle est multipliée par 24 contre un volume d’achat de véhicules (seulement) multiplié par
5,6. Avec ces données, nous pouvons imaginer que les volumes n’ont cessé d’augmenter.
Par rapport aux achats, la part des locations a considérablement affecté les tendances de
mobilité que nous connaissons aujourd’hui.
1.1.2. Le co-voiturage De son côté, le phénomène de co-voiturage n’est pas entièrement nouveau. Il a
existé au cours des années 1960 de manière complètement informelle sous forme d’auto-
stop, mais cela concerne moins le cadre de recherche que nous nous sommes définit au
début de ce travail (qui est la ville et le périurbain). Bien que le processus d’adoption à
cette pratique soit long, le co-voiturage marque de plus en plus les tendances de mobilité
moderne. Pourquoi favoriser ce procédé ? Quels sont les bénéfices de cette pratique et
que peuvent en tirer les villes et leurs citoyens ?
J.P Orfeuil nous donne deux situations qui posent véritablement problème dans la
ville: « sur un point quelconque et dans un laps de temps donné, il y passe deux cent fois
plus de voitures que de bus et une part notable des distances parcourues en voiture sont
faites seule au volant »79. La part notable des distances qui sont parcourues seule est
majoritairement destinée pour le travail, ce qui explique pourquoi les gens sont seuls dans
leurs voitures. Ainsi, le co-voiturage, c’est promouvoir l’insertion de l’automobile dans la
ville de manière à réduire les situations énumérées ci-dessus. Cette pratique ne sert en
aucun cas à effacer complètement l’automobile du paysage urbain car le but principal est
de maximiser son utilisation, et permet (comme dans le sens de la location) d’économiser
77 Dans ORFEUIL, Jean-Pierre. (2008). « Mobilités Urbaines - L’âge des possibles » Editeur Carnet Info (Novembre) (p. 66) 78 Cf. Annexe XI 79 Dans ORFEUIL, Jean-Pierre. (2008). « Mobilités Urbaines - L’âge des possibles » Editeur Carnet Info (Novembre) (p. 73)
43
de l’argent pour l’usager (sur un trajet de 30 km effectué chaque jour, le covoiturage
permet d’économiser 1760 euros par an et par personne)80.
De plus, le co-voiturage peut répondre aux problématiques de congestion urbaines
de manière efficace. Dans ce cas, ne démontrant que des avantages économiques,
écologiques et sociaux, le gouvernement favorise la mise en œuvre de cette pratique chez
les citoyens: les « acteurs du Grenelle de l’environnement ont fait inscrire dans la loi
l’encouragement au développement du covoiturage et à la sécurisation juridique de cette
activité. »81
En France, il semblerait que le co-voiturage connaît un véritable essor. En effet, il
y a une explosion des initiatives encourageant le co-voiturage. Les porteurs de projet ne
sont plus seulement des voisins qui cherchent à rentabiliser leur trajet ou des entreprises
s’intéressant à la mobilité vers le travail de leurs salariés. Le système englobe maintenant
les collectivités locales, ainsi que des universités, des associations, des « start up », etc.
Les exemples de chacune des catégories sont de plus en plus nombreux. Pour en prendre
un, la MACIF, une société d’assurance mutuelle pour les particuliers et les entreprises,
incite ses clients à « covoiturer » en proposant d’alléger le coût de leur assurance
automobile82. Le gouvernement français apporte son soutien au développement de cette
pratique dans le cadre de la semaine de la mobilité (qui se déroule cette année 2012 entre
le 16 et 22 Septembre). D’après le site du Ministère de l’Ecologie, « 3 millions de
personnes pratiqueraient le covoiturage en France et il existe plus de 200 services de
covoiturages organisés (estimation basse).» Ce mode de déplacement devient populaire,
et est bien aidé par la multiplication des sites Internet. Par exemple, « le site
www.carpooling.fr rassemble plus de 1,7 millions d’inscrits adeptes du covoiturage et
offre une moyenne de 600 000 trajets dans toute l’Europe. »
1.1.3. L’auto-partage Le dernier mode de déplacement dont nous souhaitons discuter pour cette partie
est l’auto-partage. F. Cusin note que l’auto-partage s’est sans doute inspiré du succès de
80 Site du Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie: http://www.agissons.developpement-durable.gouv.fr/La-journee-du-covoiturage-jeudi-20 81 ibid 82 Information récupérée lors des «Ateliers pour promouvoir et accélérer le covoiturage au siège de la MACIF le 20/09/12 et vérifiée sur http://www.roulonspourlavenir.com/co-voiturage.php
44
la location de vélos dans plusieurs grandes villes (Paris avec Vélib, Lyon avec
Vélo’v…)83. Pour définir ce système, nous reprenons la définition sur le site du Ministère
de l’Ecologie : « […] un principe simple : disposer d’une voiture le temps d’un
déplacement occasionnel sans en être le propriétaire. » Ce système est basé sur la
location d’une automobile entre particuliers, également connue sous la notion de « peer to
peer ». Le sens de cette pratique est d’exploiter le parc des particuliers qui est représenté
par plus de « 8 millions de voitures de gamme moyenne supérieure ou haute, et 15
millions si l’on étend aux voitures de gammes moyenne inferieure ».84 De plus, une part
relativement faible mais grandissante de ce nombre d’automobiles n’est pas utilisée dans
certains cas. Avec des solutions de mobilité alternatives plus rapides, les automobiles
occupent un espace considérable dans la ville.
Afin de rentabiliser de manière efficace l’utilisation de son véhicule, le
propriétaire a la possibilité de le placer sur une plateforme de partage au profit d’autres
potentiels usagers. Il s’agit d’un système souple et simple d’utilisation puisque la
réservation et l’accès aux véhicules sont facilités par les nouvelles technologies. Les
voitures sont ainsi disponibles 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Mis à part le
bénéfice réalisé au plan écologique (une voiture partagée remplace entre quatre et huit
voitures privées. Ce qui permet d’économiser jusqu’à 1,2 tonnes de CO2 par usager, soit
à peu près 60 % de ce que l’on rejette en moyenne par an en se déplaçant)85, ce système
permet à ses abonnés de faire de réelles économies.
Pareillement au système du covoiturage, le gouvernement soutient cette pratique :
« la loi Grenelle définit et prévoit la création d’un label « auto-partage » qui est attribué
et utilisé dans des conditions fixées par décret ». D’ailleurs, nous pouvons déjà
remarquer aujourd’hui dans les rues de Paris des places de stationnement réservées aux
véhicules labellisés86.
Le phénomène de l’auto-partage connaît également un grand succès. Le nombre
d’abonnés a explosé entre 2006 et 2010 (ils étaient près de 25 000 en 2010 contre 6 000 83 Dans CUSIN, François. (2010). « De la fonctionnalité à l’accès. Vers le remplacement des biens matériels par des services en réseau ? », Futuribles, n°360, février 2010, (p. 10) 84 ORFEUIL, Jean-Pierre. (2008). « Mobilités Urbaines - L’âge des possibles » Editeur Carnet Info (Novembre) (p. 156) 85 Site du Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie: http://www.agissons.developpement-durable.gouv.fr/La-journee-du-covoiturage-jeudi-20 86 Cf. Annexe XII – L’auto partage se fond dans le paysage urbain
45
en 2006) et à ce jour, plus de 30 villes françaises disposent d’un ou plusieurs services
d’auto partage. Dans Paris, Cityzencar est un acteur majeur de l’auto partage87. La
capitale compte plus de deux cent cinquante stations d’auto-partage, un record en France.
Elle comptait 10 680 adhérents et 582 véhicules début 2010, et le pourcentage de hausse
n’a pas cessé d’augmenter depuis deux ans.
L’auto partage est un service propre au système de l’économie de fonctionnalité
que nous avions mentionné dans le chapitre précédent. Effectivement, il y a une meilleure
adaptation réciproque des véhicules et des usages ainsi qu’un meilleur entretien et un
usage plus important et rationnel.
Comme nous l’avions déjà observé, une prise de conscience globale liée aux
avantages offerts par les services de fonctionnalité prend du temps à se mettre en place. Il
est nécessaire que les comportements se rassemblent pour former une seule et même
culture de la mobilité.
1.2. L’inter-modalité Après avoir définit les modes de déplacement qui caractérisent la notion de multi-
modalité, nous pouvons nous pencher vers la notion d’inter-modalité. Il s’agit cette fois-
ci d’utiliser plusieurs modes de transport pour effectuer un déplacement entre deux lieux
distincts. Cette pratique permet des trajets plus fluides et est plus intéressante d’un point
de vue économique. Bien sûr, les systèmes de la location, du covoiturage et de l’auto
partage s’inscrivent dans cette démarche. Cependant, nous souhaitons dans cette partie
présenter un service innovant qui permet de regrouper les différents modes de
déplacements.
1.2.1. Multicity Il s’agit du service Multicity88, proposé par la marque Citroën. Lancé en Mars
2011, ce nouveau service innove sur le marché en terme d’offre de déplacement
(essentiellement parce que le service est proposé par un constructeur automobile). Ne
nécessitant pas d’abonnement, on peut le définir avec trois fonctions distinctes. La
première est qu’il s’agit avant tout d’un portail Internet afin que le client puisse préparer
87 https://fr.cityzencar.com 88 http://www.multicity.citroen.fr/
46
ses déplacements ou ses voyages. « Prenant en compte tous les modes de transport dans
le calcul d’itinéraires porte à porte et multimodal, il apporte des réponses sur mesure
avec une information sur les émissions de CO2, le coût et la durée des trajets
proposés. » 89 Ainsi, tous les types de transports sont proposés, allant du véhicule
particulier au transport collectif. Il est possible par l’intermédiaire de ce portail de
consulter sur ce seul site toutes les solutions de transport possibles pour de déplacer d’un
point à un autre. Tous les itinéraires, horaires, tarifs, et réservations sont accessibles
depuis le site.
De plus, un guichet pour réserver en ligne ou par téléphone ses billets est
disponible, accompagné d’un service de voiturier appelé Call Car. Citroën propose avec
ce service de livrer la voiture de location à domicile en moins de trois heures, et pour la
durée de son choix. Enfin, il existe « un espace spécifique pour les possesseurs de
Citroën en proposant un panel de produits et de services dédiés pour une meilleure
utilisation de sa voiture ». Par exemple, les utilisateurs ont la possibilité de télécharger
des cartographies pour leur système de navigation embarqué, de souscrire un contrat de
services, de télécharger les zones à risque, etc.
À la fin du mois de Juin 2012, la marque a lancé une solution de covoiturage et un
service d’auto-partage personnalisé. Pour développer ce nouveau service, Citroën a formé
une alliance avec le pionnier de la consommation de collaboration, Zilok. Au départ, cette
structure est destinée à la location de matériel en tout genre entre particuliers90 .
Seulement, elle a créé Zilok Auto, filiale spécialement conçue pour la location
d’automobiles. Comme l’évoque F. Cusin, « la règle du « louer plutôt qu’acheter »
s’étend chaque jour à de nouveaux domaines »91. Cette fois-ci, la règle a touché le
domaine de l’automobile. Le service donne la possibilité aux clients qui le souhaitent de
louer leur voiture à d'autres personnes via le portail d’accueil de la marque. Cette alliance
montre que le constructeur automobile se soucie des futures tendances de mobilité. Il
anticipe ainsi les futurs besoins des citoyens en proposant ce service hors du commun
pour un constructeur automobile. 89 Groupe PSA Peugeot Citroën : Rapport RSE 2011 - http://interactivedocument.labrador-company.com/Labrador/FR/PSA/RSE2011/. 90 http://fr.zilok.com/ 91 Dans CUSIN, François. (2010). « De la fonctionnalité à l’accès. Vers le remplacement des biens matériels par des services en réseau ? », Futuribles, n°360, février 2010, (p. 9)
47
Le but principal de ce service est de coupler les intérêts individuels et les intérêts
collectifs. L’idée première est de favoriser l’accès à un véhicule électrique, mais la
marque souhaite aussi qu’il se partage. L’usager peut alors profiter du service sans pour
autant posséder le produit. Cette approche est caractéristique du nouveau véhicule
service. Ce phénomène de dépossession d’un véhicule est croissant et fait évoluer la
mobilité en augmentant l’utilisation des modes collectifs classiques et des modes
actifs. Bien entendu, la mise en œuvre de ce type de service requiert de nombreuses
conditions. Par exemple, les consommateurs doivent accepter l’intégration des services
collectifs dans le panel d’offres de solutions de modes de déplacement. De ce fait, des
codes d’interaction sont à construire dans les cas d’usage en commun d’un véhicule
particulier.
Citroën n’est plus le seul acteur à initier ces nouveaux modes de conduite. Suivant
une logique d’inter-modalité, la SNCF a également créé un site dédié au covoiturage92.
La particularité de son portail internet est d’inviter les citoyens à « covoiturer » pour
rejoindre les gares partenaires du système.
1.2.2. La place de l’automobile dans les services de fonctionnalité À présent, l’automobile fait partie intégrante des nouvelles solutions de mobilité.
Nous avons observé à travers les exemples cités que l’automobile en est toujours le
principal mode d’utilisation. Les services ne se développent pas pour faire disparaître la
production automobile mais conduisent à la réinventer. Multicity est l’exemple principal
de ce procédé : « Des usines seront toujours nécessaires pour produire des objets de
haute technologie mais leurs cahiers des charges et leurs clients auront changés, et une
industrie des services sera née. »93
Selon J. de Labaca, l’automobile peut parfaitement s’inscrire dans les nouveaux
services de mobilité. « La voiture va changer, elle va se coupler, elle va se partager, elle
va s’hybrider, elle va s’électriser ». D’après lui, il n’est pas intéressant d’aller sur le
terrain de l’opposition des modes : « Il faut comprendre que la voiture va évoluer. C’est
92 http://covoiturage.transilien.com/ 93 PLASSAT, Gabriel - MétaNote N°14 – « L'avenir de l'automobile » http://transportsdufutur.typepad.fr/blog/2012/07/lavenir-de-lautomobile.html#more
48
notre système kartesien de penser qu’il y ait soit un service, soit un autre. Il faut
comprendre qu’il faut rassembler les choses entre elles ». La voiture fait donc partie
intégrante des nouvelles plates-formes de mobilité. Sa nouvelle place confirme le
changement de personnalité qu’elle a connue : du statut de bien individuel au statut de
bien serviciel. Quant à l’avis de N. Ledouarec, « on est juste passé de la voiture multi
usage, style couteaux suisse, avec le propriétaire, quitte à ce qu’il l’utilise la plupart du
temps seul, à une voiture mono- usage mais avec plusieurs utilisateurs […] un service
aujourd’hui a toujours besoin de la voiture ».
2. Les visions du futur
Aujourd’hui, le modèle de production de masse est démodé. La croissance qu’a
jadis connue l’industrie automobile a fortement diminuée. Le marché est saturé et
vieillissant. Conduire est devenu synonyme de perte de temps et de nuisance.
L’attractivité de l’automobile par la liberté et la vitesse s’use progressivement face au
durcissement des règlementations environnementales. La saturation des routes en ville
accumule les contraintes liées à son usage. Alors les services de fonctionnalité essaient
tant bien que mal de proposer des alternatives. D’ailleurs une étude réalisée par TNS
Sofres pour le groupe Chronos montre qu’en 2030, l’essentiel des déplacements en 2030
se fera dans des véhicules partagés 94 . Ces véhicules ressembleront-ils à ceux
d’aujourd’hui ? Auront-ils évolué de manière significative ?
2.1. Quelles perspectives pour l’automobile de l’après-demain ?
2.1.1. Le développement des nouveaux outils numériques et électroniques Comme nous l’avions mentionné au deuxième chapitre, le développement
toujours croissant des nouvelles technologies majeures a touché le domaine automobile.
Si nous sommes en train de nous orienter vers une économie de fonctionnalité, alors il est
difficile de ne pas penser à Internet, vitrine sans aucun doute de ce nouveau paradigme95.
Pour les constructeurs automobiles, la maitrise des nouveaux outils de communication
telle que l’internet mobile doit devenir prioritaire. Nous avons vu avec l’exemple de 94 L'étude Auto-Mobilités TNS Sofres / Chronos : objectifs et méthodologie 95 Dans CUSIN, François. (2010). « De la fonctionnalité à l’accès. Vers le remplacement des biens matériels par des services en réseau ? », Futuribles, n°360, février 2010, (p. 12)
49
Multicity qu’Internet était le principal outil médiateur entre l’usager et le service.
S’ajoute à cela les nouvelles technologies numériques que l’usager emmène avec lui
quotidiennement, et les technologies de l’information et de la communication qui
s’intègrent directement au sein du véhicule. Effectivement, nous pensons au GPS
(technique de géolocalisation), à l’utilisation des cartes à puce (possibilité d’utiliser une
carte pour s’identifier quand on emprunte un véhicule), ou bien les téléphones portables
et ordinateurs qui permettent d’avoir accès à l’information concernant le service en
direct, (peu importe notre localisation): disponibilité du véhicule, itinéraire, disponibilité
des bornes de service96.
Les outils numériques permettront aussi aux voitures partagées de rester connecter
avec leurs entourages. Selon B. Marzloff, sociologue et fondateur du Groupe Chronos, les
piétons qui croiseraient leur chemin pourraient par exemple, avec l’aide de leur
smartphone, repérer des véhicules qui pourraient les mener à leur destination 97 .
Finalement, les nouvelles technologies que nous avons énumérées seront très susceptibles
d’être présentes dans les nouveaux concepts imaginés de l’automobile du futur, peut-être
même que nous ne sommes pas en mesure encore de dire desquelles il
s’agira. Cependant, nous pouvons avoir un aperçu du prochain véhicule de mobilité avec
les exemples présentés dans cette prochaine partie.
2.2. Les constructeurs seront-ils dépassés par d’autres acteurs de la mobilité ?
Alors que la plupart des constructeurs automobiles peinent à visionner les futurs
besoins de leur clientèle, nous pouvons nous demander si ce sont les constructeurs
automobiles qui fourniront le véhicule de mobilité de demain. N. Douarec pose les
questions qui font réfléchir : « D’où va venir le changement ? Est-ce que c’est le
constructeur qui va faire le premier pas vers l’inconnu ? Si un changement doit arriver,
en général c’est celui qui est assez visionnaire pour le faire arriver ». Le constructeur
automobile est-il cet acteur ? Pas si sûr… 96 Cf. Annexe XIII 97 RSLN blog. « Co-voiturage et auto partage : la voiture à l’heure du numérique ». 28/08/12 http://www.rslnmag.fr/post/2012/08/28/Covoiturage-autopartage-la-voiture-a-l-heure-du-numerique.aspx
50
2.1.1. La Google Car et d’autres exemples Lors de nos entretiens, nous avions abordé le sujet de l’usage dans le futur et nos
conversations avaient plus ou moins débordées sur les sujets du véhicule du futur.
Aujourd’hui, le domaine de la mobilité, et en particulier pour la branche de l’automobile,
s’ouvre de plus en plus à de nouveaux acteurs.
Ainsi, selon N. Ledouarec, ce n’est pas le constructeur automobile qui va fournir
le véhicule du futur mais un autre acteur. Effectivement, le co-fondateur de Cityzencar
nous avoue que pour lui, le véhicule qui répondra le mieux à nos besoins, c’est
l’automobile sans conducteur. Ainsi, elle sera plus facile à partager car il n’y aura pas de
conducteur attitré. Google semble répondre à cette perspective aujourd’hui en présentant
son projet de voiture automate, la Google Car. Les fonctions surprenantes de cette voiture
permettraient tout d’abord à l’usager de se déplacer pour des trajets quotidiens
préalablement enregistrés par le véhicule98. G. Plassat partage son intérêt envers le sujet :
« La voiture automatique comme le prolongement du partage. On peut imaginer que […]
100 000 voitures automatiques en libre-service avec un moteur en apprentissage et
l’objectif étant de supprimer du transport public et de supprimer les deuxièmes voitures
des ménages voir même les premières voitures. Dans ce schéma-là, on aurait différents
forfaits. La google car vient vous chercher quand vous le souhaitez, et y’a des formules
moins chères où vous accepter de faire des détours pour aller chercher d’autres gens,
remplir les voitures, et malgré tout vous aller où vous voulez. La voiture apprend ou les
gens se déplacent […] C’et le remplissage des voitures qui est optimisé […] Ce serait
comme un bus ». D’ailleurs, il semblerait que sa commercialisation soit plus proche que
ce que nous pourrions imaginer99. En effet, le « Department of Motor vehicles » de l’État
du Nevada a annoncé qu’il serait fort probable qu’ils planifieraient son accès au public
bientôt dans le future. Une nouvelle perspective de mobilité pour le monde entier ?
Par ailleurs, IBM se met également à la mobilité. Initialement spécialisé dans
l’informatique, le géant leader technologique est en train de s’orienter vers la notion de
98 Voir vidéo d’un exemple : http://www.youtube.com/watch?v=cdgQpa1pUUE 99 DOUCET, Dominique. (2012). « Nouvelles Mobilités & Véhicule Individuel ». CONTINENTAL (diapo # 4)
51
ville intelligente, intimement liée au domaine de la mobilité car les routes ont besoins de
s’adapter et répondre aux besoins des citoyens mobiles également. Leur but serait
d’accompagner les constructeurs automobiles à incorporer des systèmes intelligents aux
automobiles ainsi qu’aux routes, afin de créer la mobilité de demain.
Finalement, d’autres compagnies sont devenus opérateurs de mobilité comme
Vinci. Cette société de construction est devenu opérateur de mobilité en formant un
partenariat avec le loueur de voitures Avis dans le but de proposer un service d’auto
partage afin d’adopter un nouveau comportement mobile urbain.
Pour conclure cette partie, nous avons bien observé que nous nous orientons vers
un système de mobilité où la possession ne sera plus la solution privilégiée. Par
conséquent, nos liens avec l’automobile vont certainement profondément changés. D’un
coté, l’automobile est perçue comme une simple commodité, renforçant encore les
changements d’usages et de pratiques de mobilité mais de l’autre coté, la voiture de
demain sera communicante et intelligente, sobre, partagée, avec pour dans certains
territoires une automobilité individuelle restant incontournable. De manière générale,
nous sommes amené à confirmer la troisième hypothèse, l’usager ne considère plus
la voiture comme la solution de déplacement la plus aboutie et efficace mais comme
une composante d’un panel de solutions de mobilité auquel il doit toujours avoir
accès.
52
Conclusion générale Dans notre société de mobilité, l’automobile a connu une histoire fabuleuse
depuis sa création. Symbole de liberté et de vitesse, ce bien s’est ancré au fil des années
dans la définition de la mobilité autonome. Il est le mode de déplacement le plus utilisé
dans la vie quotidienne et représente dans la plupart des cas la solution aux problèmes
liés à l’accessibilité.
L’automobile a évolué selon les différentes tendances de mobilité. Seulement, ces
dernières ont toujours été affectées par des enjeux économiques et sociaux. À l’heure
actuelle, un nouvel enjeu lié à la préoccupation environnementale vient remettre en cause
le choix des modes de déplacements. De nombreux experts se penchent alors sur le sujet,
contestable pour les uns, une évidence pour d’autres : dans quelle mesure cette nouvelle
préoccupation peut-elle bousculer et remettre en question la place de l’automobile dans la
ville ? Suite à notre recherche, nous en avons déduis que l’usager n’a pas une conscience
écologique déterminante dans son choix de solution de mobilité et les acteurs des
solutions de mobilité (dont font partie les constructeurs automobiles) ne doivent pas
prendre en considération cette exigence forte.
De plus, tandis que les solutions de transports doivent répondre aux nouveaux
besoins des hommes mobiles, nous devons repenser l’usage que nous faisons de
l’automobile. Ne devrait-elle pas ainsi apparaître sous une autre forme, plus adaptée aux
nouveaux besoins, afin de ne pas risquer de disparaître définitivement? Après tout, «notre
tâche n’est pas de l’éliminer mais de réduire notre dépendance à l’automobile, en
conciliant besoins sociaux et préférences individuelles. »100
En parallèle, nous avons observé que la notion de propriété est également
impactée : nous assistons à une réelle transformation des attitudes des usagers envers leur
véhicule, se traduisant par une altération de l’image que nous lui donnons, de sa valeur et
de son utilisation. Conduire en ville, individuellement, n’apparait plus comme le choix de
mobilité le plus rationnel. Lors de situations difficiles (souvent à caractère économique),
les propriétaires d’automobiles cherchent souvent à optimiser, rentabiliser au maximum 100 FREUND, G et MARTIN G. (1994) « The Ecology of the Automobile”. Black Rose Books (p. 5)
53
l’utilisation de leur véhicule. L’usager porte donc un nouveau regard sur l’automobile car
il porte un nouveau regard sur le fait de posséder une voiture. Avoir une voiture ne
signifie plus avoir sa voiture dans son garage, mais plus, avoir la jouissance d’une voiture
quand on en a besoin (pour un temps donné, estimé à l’avance). Ceci confirme donc notre
deuxième hypothèse.
Ainsi, l’émergence de services de fonctionnalité (auto partage, covoiturage, etc)
comme alternative aux moyens de transports traditionnels rend plus facile à vivre la
transition entre la voiture individuelle et la voiture « servicielle ». D’ailleurs, ce type de
services semble de mieux en mieux s’adapter aux besoins des « mobiles ». Ceux-ci
parcourent des distances plus longues en un espace de temps plus réduit, et ce de manière
collective. Au final, nous réalisons que la société a commencé à produire autrement la
mobilité. Celle-ci a fortement évoluée suite à l’amélioration des services de transport
public et de transport individuel. Nous sommes passé d’une mobilité libre et autonome à
une mobilité fortement liée à l’accès dans une économie qui devient de plus en plus
fonctionnelle. Cette mutation caractérise le changement observé dans les déplacements en
parallèle avec la dispersion des populations sur les territoires.
Les nouvelles technologies sont aussi des acteurs qui nous permettent de
multiplier le nombre de possibilités dans la transformation que pourrait subir l’usage de
l’automobile dans le futur. De toute manière, sans trop prendre de risques, nous pouvons
avancer le fait la société aura besoin de l’automobile encore pour longtemps. Cependant,
nous confirmons notre troisième hypothèse en concluant que l’usager ne considère plus la
voiture comme la solution de déplacement la plus aboutie et efficace mais comme une
composante d’un panel de solutions de mobilité auquel il doit toujours avoir accès.
L’automobile continuera certainement à réaliser les aspirations personnelles de
chacun, à condition d’être mieux adaptée aux besoins rationnels des individus. C’est à
l’ensemble de la société, regroupant grandes entreprises, associations, entrepreneurs,
clients et usagers, de trouver la nouvelle définition que nous attribuerons à l’automobile
dans les solutions de mobilité de demain.
54
BIBLIOGRAPHIE
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56
Blog : Gabriel PLASSAT - MétaNote N°14 - L'avenir de l'automobile : http://transportsdufutur.typepad.fr/blog/2012/07/lavenir-de-lautomobile.html#more
Observatoire du véhicule entreprise – diagramme : les Immatriculations VPVE et hybrides 2011 : http://www.observatoire-vehicule-entreprise.com/fre/vehicule-societe/colonne-droite/ove-scope/ove-scope-2011/immatriculations-vpve-hybrides.html Site du Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie: http://www.agissons.developpement-durable.gouv.fr/La-journee-du-covoiturage-jeudi-20 Groupe PSA Peugeot Citroën. Rapport RSE 2011 - http://interactivedocument.labrador-company.com/Labrador/FR/PSA/RSE2011/)
Le musée des transports en commun: http://www.amtuir.org/
La SNCF et le covoiturage : http://covoiturage.transilien.com/
Cartes : IAU. (2011). Réseau ferré en Ile de France: http://www.iau-idf.fr/fileadmin/user_upload/SIG/cartes_telecharge/thema/Reseau_ferre_2007.pdf
IAU. (2011). Réseau autoroutier en Ile de France : http://www.iau-idf.fr/fileadmin/user_upload/SIG/cartes_telecharge/thema/Reseau_routier_2003.pdf
Documents officiels (Études, rapports, comptes rendus) DOUCET, Dominique. (2012). « Nouvelles Mobilités & Véhicule Individuel ». CONTINENTAL (diapo #11) L'étude Auto-Mobilités TNS Sofres / Chronos : objectifs et méthodologie STIF. (2012). « Enquête Globale Transport – La mobilité en Ile-de France». OMNIL. Juillet. Union Routière de France. (2011). « Faits et Chiffres : Statistiques des Transports en France et en Europe ». (Octobre). Accessible sur : http://www.urf.asso.fr/images/stories/objects/FC2011/chapitre%202_vehicules-faits-et-chiffres-2011.pdf Vinci Autoroutes. (2012). « Révision du SDRIF - Contribution de Vinci Autoroutes ». (Mars). Conférences :
57
Conférence Ethicity « La Typologie des Consommateurs » (au Musée de La Poste) le 18/09/12 Ateliers pour promouvoir et accélérer le covoiturage (au siège de la MACIF) le 20/09/12 Entretiens : Mené avec Gabriel PLASSAT, le 16/08/12, au téléphone. Durée : 37 minutes. Mené avec Ludovic BU, le 17/08/12, à une terrasse de café. Durée : 50 minutes (10 dernières minutes ont été perdues). Mené avec Julien DE LABACA, le 26/08/12, en visio conférence. Durée : 57 minutes. Mené avec Nicolas LEDOUAREC, le 04/09/12, dans les locaux de Cityzencar. Durée : 51 minutes. Mené avec Sylvaine MAURY, le 04/09/12, dans les locaux de PSA. Durée : 43 minutes. Mené avec Patrice-Henry DUCHENE, le 16/09/12, dans les locaux de PSA. Durée : 32 minutes.
58
ANNEXES ANNEXE I
Réseau ferré en Ile-de-France
59
Réseau routier en Ile-de-France
60
ANNEXE II
Guide d’entretien qualitatif semi-directif Ce que je fais avant mon entretien : - Présentation de mon parcours - Pourquoi je m’intéresse à ce sujet, et depuis combien de temps. - Le mémoire et son plan - Préciser que l’on va parler des interactions dans la ville de Paris et entre la capitale et les espaces périurbains qui l’entourent. Le but de cet entretien est pour moi de récupérer des informations pour répondre aux questions liées à l’usage de mode de déplacements dans la ville, comment ces usages modifient la mobilité et par conséquent modifient les offres de mobilité.
1) Les tendances de la mobilité dans la ville
1.1 Quels sont les grands enjeux de la mobilité aujourd’hui ?
o Termes écologiques o Termes économiques o Termes sociaux/usager
1.2 Quelle est, selon vous, la part de « préoccupation environnementale » dans les solutions de mobilité développées aujourd’hui ?
1.2.1 Comment les différents acteurs (publics/privés/indépendants) évoluent-ils face à la préoccupation environnementale ?
1.3 Pensez-vous que la préoccupation grandissante pour l’environnement peut finir par complètement faire disparaitre la voiture de nos villes ?
2) L’usage de la voiture : vers une transformation de la propriété ?
2.1 C’est quoi une voiture pour vous ?
2.1.1 [VALEUR] Quel est l’imaginaire derrière la voiture ? Cet imaginaire a-t-il évolué ?
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2.1.2 [UTILISATION] Au cours de ces dernières années, avez-vous noté un changement important dans l’utilisation que l’on fait de la voiture pour nos déplacements ?
2.2 Selon vous, quel sera l’usage que l’on fera de la voiture dans le futur ? Quel type de relation aura-t-on avec elle ?
3) Les nouveaux services de mobilité : annoncent-ils la fin de l’ère
automobile ?
3.1 Quelles sont les services les plus prometteurs : à la fois à court et long terme, en terme de mobilité dans la ville et entre la ville et ses banlieues proches ? Quel est le service que vous préférez le plus ? Pourquoi ?
3.2 Pensez-vous que la voiture finira par ne plus participer au développement des villes (c à d que les villes ne se développeront plus en fonction de la voiture)?
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ANNEXE III
Entretien mené avec JULIEN DE LA BACA le 26/08/12 (En visio conférence. Durée : 57 minutes.)
1.1
Sur le plan écolo, je pense qu’il y a un enjeu principal c’est de diminuer les émissions de CO2. Les enjeux de la mobilité par rapport à ca c’est le changement dans les usages. Globalement la logique c’est la mutualisation des services qui font qu’on va passer à un mode privatif à un mode collectif, ça c’est le premier moyen pour répondre à cet enjeu de diminuer les émissions. Un deuxième moyen est un moyen d’ingénierie et de technologie qui permettra de diminuer les consommations. On fait tout pour favoriser les modes « doux » et donc il y a toujours une question d’énergie, qu’elle soit électrique ou thermique : mettre en place un savoir faire technologique qui est l’ingénierie. Le troisième moyen est la rationalisation. Les gens vont devoir comprendre que se déplacer devient quelque chose de couteux, de difficile. Il va falloir pouvoir rationnaliser ses déplacements, les optimiser. La question de l’usage est liée à la rationalisation.
Pour les enjeux économiques, c’est de comprendre qu’il faut changer de modèle. On ne peut pas continuer à produire des voitures comme on a produit avant. Un modèle industriel à remettre en cause. Des solutions au niveau des transports collectifs sont aussi à trouver. Les collectivités ont besoin d’argent. Y’a un jeu à trouver sur l’incitation, sur la qualité proposée…remise en question du modèle.
L’enjeu de la mobilité aujourd’hui c’est de comprendre que l’usager devient un expert. Il n’est plus un simple usager. Il va commencer à nous parler du confort dans les bus, des accidents de trafic, qui font remonter des infos sur Twitter. Le premier changement au niveau social, ce que les autorités organisatrices subissent de plein fouet, c’est l’usage des réseaux sociaux. Le deuxième changement c’est que la mobilité est un droit, et il faut que la mobilité le reste. Aujourd’hui l’augmentation du prix des carburants, l’augmentation des prix des véhicules, l’éloignement des ménages qui ont peu de revenu qui sont obligés de travailler, posent des contraintes pour respecter ce droit à la mobilité qu’il faut garder en tête. 1.2
Du coup, la part de préoccupation environnementale est quasiment inexistante. On est en train d’évoluer dans le greenwashing. Si un constructeur répond au souci de la préoccupation environnementale, c’est parce que derrière il y a des lois qui l’y obligent (Euro 4, Euro 5, Euro 6). La logique environnement vient parce qu’il y a obligation. L’utilisateur s’achète une conscience et que c’est à la mode, c’est pas parce que c’est eco friendly. On essai toujours de faire des longues distances tout en dépensant moins. Ce n’est pas ça qui guide le grand public pour l’instant. 1. 3
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Je ne pense pas, et d’ailleurs je ne pense pas que c’est ce qu’on souhaite. Ce n’est pas comme ça qu’il faut avancer quand on pense qu’il faut complètement supprimer la voiture des villes. La voiture reste pertinente pour certains déplacements, certaines situations. Même si on arrive à l’enlever, elle restera quand même à 40-50 % en ville. L’avenir c’est la multi modalité : on a le choix d’utiliser un mode ou un autre en fonction de son trajet par exemple et l’inter modalité c’est qu’on peut utiliser un mode ET l’autre pour faire un déplacement plus fluide, plus économiquement viable. La voiture s’inscrit là-dedans.
La voiture va changer, elle va se coupler, elle va se partager, elle va s’hybrider. Jean- Pierre Orfeuil crois au petit véhicule à forte urbanité : C’est le petit véhicule plus petit qu’une smart. Qui se couplerait entre eux, suivant un même moteur, et au moment où ils pourraient se séparer, ça se ferait. Il ne faut pas aller sur le terrain de l’opposition des modes. Il faut comprendre que la voiture va évoluer. C’est le système kartesien de penser qu’il y ait soit une chose soit l’autre. Il faut comprendre qu’il faut rassembler ces choses. 2.1
Pour moi la voiture est un extraordinaire moyen pour se déplacer. L’usage a cependant très évolué. Et le problème c’est que tout le monde met au centre la voiture dans les logiques de problème. L’urbanisme s’est fait autour de la voiture, et maintenant on est en train de remettre ça en cause. C’est difficile de la limiter notamment sur les hyper centres. Mais l’imaginaire de la voiture reste un curseur social, ca reste un objet de convoitise, un objet de design. Le but aujourd’hui est de rester rationnel avec.
Pour l’utilisation, alors pas un changement important, mais un changement. On est aux prémices de la prise de conscience. L’évolution sur les questions de mobilité va être très longue, et il faut d’abord changer de mentalité et ensuite changer de pratique. Il y a trois phases :
Y’a eu une période ou y’avait trop de congestion donc on a créé des infras(tructures).
Rajouter de l’offre sur l’infra existante. On va mettre du bus, du car, du train…mais maintenant c’est saturé. Tout un tas d’offres de transport collectif.
Ce qui est extrêmement important c’est l’optimisation des infrastructures par l’utilisation des nouvelles technologies : Jouer sur les vitesses, jouer sur le remplissage des rames, jouer sur les prix d’accès à un système…
On passe à une 4ie phase par laquelle seulement les grandes villes mures sur les trois premières passent c’est comprendre l’intérêt de la pédagogie de la communication pour changer les mentalités et pour changer les pratiques. Cette phase est extrêmement longue. Changer ce qu’il y a dans le cerveau des gens, ça prend du temps. Malheureusement le seul levier pour ça c’est l’argent.
En tout cas tout ça commence à évoluer. Les trafics et les mouvements évoluent très fortement dans les grandes villes. 2.2
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Le taux de motorisation va évoluer à la baisse. On n’est pas encore dans la phase « on aura plus de voiture ». La relation avec la voiture va perdurer, mais elle va changer. On gardera la sécurité d’avoir un véhicule. Le partage de la voiture va changer notre conception de relation avec la voiture. Cela va changer l’évolution de l’économie, notamment chez les assurances. Aujourd’hui, il faut rentabiliser le fait d’avoir une voiture. L’aspect changement de mentalité est central pour l’auto partage.
La relation avec SA voiture va évoluer, mais la relation avec LA voiture va rester. L’objet de liberté va rester le même.
De plus en plus aujourd’hui, la mobilité ne devient pas raisonnée. On arrive de moins en moins à mettre les aspects de la mobilité dans des cases. Au début on les mettait facilement avec les déplacements domicile travail (passé de 40% à 17% !), domicile visites, domicile achat… et avec le temps, le domicile loisir a énormément augmenté. Du coup, ce sont des déplacements pas dans la logique rationnelle mais dans la logique du moment ponctuel. C’est là où il faut arriver à trouver la solution qui permette d’assouvir des besoins ponctuels. 3.1
Pas de préférence. C’est l’ensemble qui m’intéresse en fait. L’inter modalité en particularité. Multicity est dans la solution multi et inter modale. Je crois beaucoup au développement du service des bus car il est avant tout très flexible. Un bus qui peut évoluer vers l’électrique par example.
Le bus a des possibilités d’évolution énormes. En termes de capacité d’accueil, en termes d’infrastructure… (hors sujet)
Paris c’est très particulier, ce sont plein de réseaux saturés. Notamment le RER A, la gare st Lazare. Malheureusement pour l’instant, la gestion de la saturation n’est pas rationnelle.
En part modale, l’utilisation du vélo reste faible. Sur 4 déplacements quotidiens par parisien, 0,73 est fait par vélo. Ca donne 3% environ pour la part modale vélo. Pour les services préférentiels, au final le vélo en libre-service je préfère. 3.2
La solution à la mobilité, c’est l’aménagement et l’urbanisme. Il faut garder l’idée qu’elle doit se construire sur une idée de proximité de service. Le tout dans un maximum de sécurité possible. La mobilité doit rester un outil.
La mobilité finalement, c’est un outil de la vie, et l’outil fondamental de tout, du bienêtre, et de vivre, ça passe par une véritable politique foncière, une gouvernance. La mobilité est extrêmement liée au secteur public (Keolis, Veolia..). Les questions de la mobilité liées aux transports passent avant tout par la gouvernance.
La question de la finance publique, de la gouvernance est fondamentale. La question de la mobilité est au service du citoyen, et le citoyen il vote. Celui
pour qu’il vote participera à la prise de conscience. Peut-être que demain on se déplacera moins, mais on se déplacera mieux. La mobilité est un droit, et elle est aussi un énorme facteur de santé publique.
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ANNEXE IV
Entretien mené avec SYLVAINE MAURY le 04/09/12 (Dans les locaux de PSA. Durée : 43 minutes.)
1.1 Pour l’environnemental, c’est les émissions de CO2, pour l’économique c’est donner accès à tous. La mobilité, d’un point de vue économique (transports en commun sont moins chers) mais aussi d’un point de vue cognitif. Car on s’aperçoit que les gens avec toutes ces solutions de transport ne s’y retrouvent plus, ils ont beaucoup de mal. Les seniors, les analphabètes, et les touristes. C’est un enjeu pace que les touristes pour la RAPT c’est un trafic extrêmement important, au moins 40% du nombre de passagers je crois. Ensuite, les grands enjeux de la mobilité, y’a une question qui faut pas oublier c’est qu’il y a le transport de passager et le transport de marchandises. Ca c’est important parce que y’a rien qui est fait en termes de règlementation pour l’instant, et pourtant ca explose, ca présente beaucoup de nuisances. Pour les livreurs, ce n’est pas un métier facile. Y’a pas mal de réflexion sur le sujet. Il va falloir tout de même assurer à tous l’accès à au moins un mode de transport. C’est un véritable enjeu. Sachant que l’auto reste tout de même très chère. Même si les gens ne savent pas trop quel budget ils utilisent pour l’automobile. Un budget normal, en général, c’est 6000 euros par an. Et les gens pensent qu’ils ne dépensent plutôt 3000 si ce n’est moins. Il est sous évaluer par les ménages. Les clients ont un côté aspirationel avec l’automobile. L’idée de pouvoir aller quand je veux où je veux, ca reste très opérationnelle. Très difficile de dire qu’on dépense autant pour l’utilisation d’une voiture. Ya un enjeu extrêmement important ou aujourd'hui on dispose de toutes les ressources et il ne s’agit pas den créer des nouvelles mais d’optimiser celles qui existent. Donc optimisation des déplacements. 1.2 Elle est très faible. Les gens rentrent dans le côté fonctionnel. Quand on regarde en ville les trajets, les gens veulent le moins possible les ruptures. Pour les distances domicile-travail, les gens veulent avoir moins de rupture. Du coup là, c’est vrai que l'altermobilité marche pas trop. Ça dépend si c’est la propriété, en fait ca dépend beaucoup du côté économique. Si le prix du baril augmente, les gens vont plus réfléchir à l’utilisation de leur voiture. Parce que ça renchérit le coût des solutions de l’automobile. En dernier vient l’aspect environnemental. Mais pour le moment il est très faible. Quand vous vous déplacez, vous changez totalement de mode si vous êtes avec des enfants. Ce qui domine c’est l’aspect pratique. Vous pensez que quand une personne achète une voiture écolo, ce n’est pas parce que il est préoccupé par l’environnement ? Ben en fait c’est parce que c’est à la mode, pour tous ce sont des questions qui nous préoccupent, on n’y est pas insensible. Mais ce n’est pas le premier critère d’achat. Pour beaucoup de gens aujourd'hui, y'a une recherche de sens, et l'environnement peut aider dans cette
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recherche. Quand on se dit qu’on peut aider à sauver la planète, qu’on va participer à aider dans quelque chose, qui va aller dans le sens du bien, alors ça peut donner du sens. Mais ce ne sera pas le premier critère. C’est quelque chose qu’on va apprécier à partir moment où il faut pas dépenser plus. Il faut toujours que ce soit lié à un bénéfice pratique. Le bio, c’est lié à là, l’enjeu de la santé. On paye plus cher pour être en meilleure santé. Y’a le bénéfice santé, et un bénéfice individuel. Je pense que si demain on dit aux gens d’acheter des voitures propres moins chères, ça marchera. Parce que derrière l’aspect environnement, y’aura le bénéfice pratique de payer moins cher. Dans tout ce qui est environnemental, il faut un bénéfice très pratique sinon ça ne marche pas. 1.3 On va optimiser l’utilisation de la voiture. On va optimiser son taux de remplissage. Elle reste immobile tout de même 90% de son temps. En fait la question c’est est-ce-que l’environnement peut effacer la voiture. Je ne sais pas. Il faudrait pas qu’elle se construise au détriment de la voiture, même si c’est ce qui est en train de se passer. Je trouverai ça dommage que la voiture disparaisse à cause de ça. Les villes ne peuvent pas faire disparaître la voiture et offrir une autre solution de déplacement, c’est pour ça qu’on est beaucoup sur l’optimisation des ressources. Donc j’ai des voitures, comment je les optimise pour en faire des transports en commun. D’où l’apparition d’autolib ? Par exemple oui. C’est de la voiture à usage privatif mais collectif. Ce sont des concepts qui peuvent fonctionner, comme velib. 2.1 Ça dépend pour qui. L’imaginaire de la voiture ça été l’imaginaire de la puissance, de liberté. La puissance n’est plus trop d’actualité. On est passé à l’affluence. Appliqué à l’automobile, ce n’est plus trop les préoccupations. La vitesse, on en parle plus parce que de toute façon c’est un imaginaire qui est extrêmement transgressif dans le sens où on parle de plus en plus de ralentissement. Et puis de toute façon l’automobile est aujourd’hui dans cet imaginaire qui est encore très fort est dépassée par les nouvelles technologies. L’imaginaire liberté est de plus en plus concurrencé parce qu’il n’assure plus, l’automobile n’assure plus le fait d’arriver à l’heure à un rendez-vous, maintenant c’est plutôt les transports en commun, donc en terme de liberté avec toutes les phases de congestion, il est remis en question. Il y a tout un imaginaire à reconstruire. Je crois vraiment au réseau, au partage. En fait je pense que l’automobile dans son imaginaire peut jouer sur des tensions entre partage (aspect collectif) et d’individualisme (aspect individuel qui ressort principalement pendant le weekend). Il peut jouer sur les deux. Ça peut être un imaginaire intéressant. Après est-ce-que ce n’est pas intéressant de rester dans sa bulle aussi ? En tout cas, il faut laisser le choix. En tout cas, sur des trajets longues distances, l’automobile aura toujours sa place. En fait, je ne sais pas si c’est des trajets longues distances ou occasionnels. Je ne sais pas. La pertinence du transport en commun est entre 5 km et 60 km. Après c’est l’automobile qui reprend. Elle est moins pertinente sur ces kms la.
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L’utilisation change donc. Je pense que les gens ont pris conscience que sur les courtes distances, le vélo et la marche à pied pouvaient être des alternatives. D’ailleurs, ce sont des bénéfices santé. Dire que l’automobile va plus de déplacer, effectivement ce qu’on se dit c’est que l’automobile peut encore avoir beaucoup de pertinence pour la dimension du voyage, ce pour quoi elle a été crée. Le voyage sur de longues distances, en famille, entre copains, ou individuels. Les codes du statutaire aujourd’hui ce n’est plus d’avoir la même voiture. Ça passe par le besoin, par la marque, par la connivence. 2.2 Elle ne sera pas dans les villes, ça c’est sûr. Elle sera plutôt en dehors des villes et plutôt pour l’occasionnel et les longues distances, en km, parce que après c’est l’avion. 3.1 En quoi Multicity est un service innovateur par rapport aux autres services ? Multicity, c’est une plateforme qui agrège différents services de mobilité automobile. Il y a que Multicity qui fait ça. Comment on se positionne par rapport à ces services, en tant qu’agrégateur de solutions, qu’elle va être la valeur ajoutée. Elle va se crée sur créer de la confiance et de la réassurance. Arriver avec notre moteur de recherche, offrir une solution. Si une solution de déplacement n’est pas disponible, alors l’idée c’est de proposer une autre solution. L’idée est que le constructeur automobile ne propose pas que des solutions automobiles. D’un point de vue intellectuel, c’est un peu novateur. Y’a l’agrégation de solution automobile qu’on vient de créer avec le co-voiturage et la location, qu’on continue à développer, et ensuite y'a la multi modalité. Quelle va être la promesse de Multicity par rapport à ça ? L’idée de confiance est très importante. L’arrivée de Multicity caractérise t’elle pour vous une transition entre l’ère de l’automobile basique et l’ère de l’automobile servicielle ? Bien sûr. Pensez-vous que cette transition va prendre du temps à se mettre en place ? Ça va être long, parce que les gens ne sont pas habitués et puis il faut être conscient que l’offre n’est pas complètement développée. Aujourd’hui, il n’y a pas assez de voitures en location entre particuliers. Le co-voiturage, ça fait dix ans qu’on en parle, mais ça a quand même beaucoup de mal à décoller. C’est très long à se mettre en place. On est sur des changements de comportements extrêmement important. On demande à des gens de laisser leurs voitures à des inconnus. D’où l’importance de la confiance. En plus, dans les études qu’on a faites, les gens loueraient plus facilement leurs maisons que leurs voitures. Y’a un attachement extrêmement important à la voiture, par rapport au fait du vol et des rayures…en même temps, sur tous ces sites de location entre particuliers, on a énormément d’informations sur les propriétaires, et les locataires. Donc louer une voiture, ça peut être facile. Mais c’est un processus qui va être long. Et ca ne se fera que quand on sera contraint. Ca se fera vraiment quand on aura des contraintes. Les gens commenceront à réaliser et à s’activer. Je pense que pour Multicity, c’est aussi une offre différente de vendre un véhicule. Ca peut être pour des vendeurs de vendre nos
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arguments, et c’est une relation de plus en plus gagnante entre le client et le vendeur. C’est une nouvelle opportunité pour le client. On lui propose de gagner de l’argent en sous louant son véhicule. Pour l’entretien, si vous la louez tant de fois par an, l’entretien revient à zéro. Ce sont en tout cas des pistes à explorer. Acheter une petite voiture, et quand vous en avez besoin d’une grosse, vous louez chez Multicity. Dans une attitude plus responsable, ou on essai de vraiment répondre aux besoins des clients, on analyse le vrai besoin du client, on lui dit qu’il a vraiment besoin d’un petit véhicule et qu’éventuellement pour les vacances, il pourra louer chez Multicity. On peut aussi analyser le fait que l’individu n’a pas besoin de véhicule mais que vous pouvez en louer un quand vous en aurez besoin d’un. Opération gagnant gagnant à viser. Mais difficile à mettre en place, notamment en interne. Y’a pas mal de réticence…y'a un changement dans le système industriel qui doit se mettre en place, mais encore du temps nécessaire ! Dans dix ans, ca peut représenter 10% du chiffre d’affaire si on s’y met vraiment…pour l’instant ça représente rien. 3.2 C’est la voiture qui doit s’adapter à la ville. En tout cas, pour le moment ce n’est pas du tout quelque chose qui est concret mais que on sait que dans le future il va falloir trouver la solution. C’est quand même l’avenir de la voiture. En tout cas c’est sur que la ville ne s’adaptera plus à l’automobile dans les années à venir comme elle a pu le faire auparavant. Pour la voiture automatique, vous en pensez quoi ? La Google Car ? Je pense que bien sur ça peut être la solution, mais peut être qu’on n’appellera plus cela une voiture. Je pense de toute manière que c’est une question de savoir faire. L’innovation viendra de toute façon d’un domaine qui n’est pas du registre de l’automobile. Ils ont un regard très différemment. Nous on est très faire à corps avec la voiture, les gens ne parlent que de ça en interne. Il y a encore une passion pour l’automobile. Regardez la presse auto. Je ne veux pas dire que ça va devenir minoritaire, mais y'a une autre tranche de la population qui imagine autre chose et qui n’est plus sur ce modèle traditionnel. D’ailleurs c’est drôle parce que lors d’une conférence presse, les tradi critiquaient et la presse web et écolo adorait le concept. On a eu un effet de deux courants, et y’a même eu des tensions. Pourquoi pas, si la voiture c’est la voiture qui se conduit toute seule ? Mais ce ne sera pas que ça. Moi je suis assez sceptique parce que je trouve que conduire une voiture c’est un temps de ressourcement. On pense à des choses auxquelles on n’a pas le temps de penser. La vraie expérience automobile pourrait se perdre avec ce système, ce sera un autre système. Elle n’aura plus les fonctions fondamentales de l’automobile.
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ANNEXE V
Entretien mené avec GABRIEL PLASSAT le 16/08/12 (Au téléphone. Durée : 37 minutes.)
1.1
Il y a une combinaison des trois. L’écologie ne se matérialise pas pour la plupart des citoyens ou professionnels. Elle se matérialise un petit peu quand la commission euro va pénaliser la France pour non-respect de règles environnementales. Matérialise bien. Elle se matérialise aussi en variation du prix du baril
Donc il y a une question de variation d’une part et de l’autre un niveau dans l’absolu pour certains qui obligent à faire des arbitrages. Ce qui se matérialise assez bien c’est une fracture sociale qui est liée au territoire mais pas uniquement.
La capacité aux gens de réaliser leurs aptitudes, liées au prix de l’énergie, au coût de la mobilité.
Il faut prendre soin des populations les plus fragiles. Si on ne définit pas ou elles habitent, ou elles travaillent et quand elles travaillent, ces gens-là sont dépendants de l’auto et si on les connaît pas on va avoir de plus en plus de mal à contraindre l’utilisation de l’automobile ou à dire aux gens d’arrêter d’utiliser tout seul leurs voitures. 1.2
La part est très faible. Les gens utilisent les solutions de mobilité parce que c’est pour eux. (Le vélo pour leur santé). Le covoiturage pour réduire le budget. C’est d’abord un acte égoïste, ça va rester comme ça. Après y’a des solutions qu’il faut travailler pour matérialiser simultanément le gain individuel et le gain collectif. Ce sont d’abord des préoccupations égoïstes. 1.3
Le problème n’est pas de faire disparaître la voiture. Ce n’est pas la bonne solution de la faire disparaître. La solution collective est de mieux utiliser l’automobile. C’est un objet de très haute techno, très performant mais qu’on utilise très mal.
Est-ce-qu’elle pourrait disparaître ? Non, l’objet va rester mais la façon dont on s’en sert va changer et comme la façon dont on s’en sert va changer, le cahier des charges de l’auto et la relation à l’automobile va changer. Et donc le modèle d’affaire des constructeurs peut changer. Aujourd’hui la valeur générée par un constructeur sur l’automobile est liée à la masse marchande. Donc elle n’est pas liée à l’efficacité du véhicule au fait qu’elle soit partageable etc, elle est liée à la masse marchande et ce modèle d’affaire est antinomique avec les nouveaux modèles d’affaire des systèmes de transport dans lesquels l’automobile serait beaucoup mieux utilisée. Dans ces modèles d’affaire-là, les constructeurs automobiles ne savent pas gagner de l’argent. Pour faire ce service là, la voiture doit être dépouillée, doit être extrêmement légère, la personne a plus besoin d’options et les personnes sont juste satisfaites du service.
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2.1 et 2.2
Ça c’est le changement que vous avez noté dans l’utilisation de la voiture ? Ben c’est le changement qu’on commence à voir. Quand on partage sa voiture, que ce soit co-voiturage ou auto partage particulier, j’appelle ça le partage paradoxal car on ne partage pas au sens habituel du terme pour faire plaisir à l’autre car on partage pour soit. Encore une fois c’est égoïste, c’est normal pas péjoratif. Juste un constat. Quand on partage sa voiture c’est juste pour soi. Si on continue à partager, la relation qu’on a avec l’objet change et on peut accepter si y’a un nouvel entrant dans une voiture qui partage mieux pour lequel l’investissement qu’on fait est plus rentable par le partage on va être sensible et attiré. La question est : est-ce-que dans le jeu d’acteurs de la mobilité, ne vont rester que les acteurs industriels historiques et là peu de choses vont changer, numérique va être ajouté, plus de gadgets, mais ca servira pas à grand-chose, par contre y’a un nouvel acteur qui voit un moyen de générer de la valeur non pas sur l’objet mais sur le service, alors ça peut changer beaucoup de choses. 3.1
Je pense qu’il ne faut pas tout à fait raisonner comme ça, aujourd’hui on développe différents services qui sont totalement indépendants. Le service qui va l’emporter à la fin, c’est celui qui agrégera tout en fait. Qui agrégera les différents services unitaires qu’on est en train de développer et qui proposera un siège libre. Parce qu’au final, c’est ça qui intéresse la personne. Ce qui importe c’est le siège libre, peu importe si c’est une voiture à louer ou du covoiturage ou un bus ou un vélo. Il proposera le siège libre en fonction de votre contexte et de votre demande. (Hors sujet)
La voiture va devenir une commodité s’ils ne réagissent pas. Les gens s’y intéresseront de moins en moins et s’y intéresseront mais auront expérimenté que ne pas posséder de voiture sera aussi performant que d’en avoir une. Voir dans certains cas, plus performant. Y’aura un moment ou dans les grandes villes, avoir une voiture sera un frein à la mobilité et à l’individualisme. 3.2
Il faut dissocier l’objet de l’usage. La personne qui est seule dans sa voiture, elle a décidé de payer et continuera à payer en l’ayant décidé, mais on devra tout faire pour le dissuader et lui proposer d’autres solutions. L’innovation va être dans la mise en œuvre de mesures coordonnées, intégrées, pour contraindre le mec tout seul dans la voiture et qui l’a décidé, et récompenser tous ceux qui font autre chose. Les contraintes récompenses efficaces, économes, écolos, vont devoir être développées. Ceci porte à la fois le cout du déplacement ou le temps qu’on peut restreindre/récompenser. Ça nécessite de toucher tous les domaines. Réorganisation des autorités qui est nécessaire. Il va falloir gérer en même temps les infrastructures, c'est-à-dire la répartition qu’on fait des voiries, les transports publics, le coût des transports publics, le coût des stationnements, les
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péages qu’on met, les taxes, etc etc tout ça doit être approché de façon coordonnée alors qu’aujourd’hui tout est séparé. Les gens qui s’occupent du stationnement ne s’occupent pas du transport public, etc. Encore une fois, c’est une mesure pour prendre soin des fragiles. On ne pourra pas appliquer ce service de la même façon que sur les gens qui n’ont pas d’alternatives et qui sont extrêmement fragiles. La voiture en tant que tel, l’objet, restera dans les villes et surtout dans le milieu urbain rural car c’est plus intelligent et pour une sorte de prospective par exemple le service de voitures automatique de Google Car.
La voiture automatique comme le prolongement du partage. On peut imaginer que, et en plus des chinois le font en chine, de mettre sur un territoire 100 000 voitures automatiques en libre service avec un moteur en apprentissage et l’objectif étant de supprimer du transport public et de supprimer les deuxièmes voitures des ménages voir même les premières voitures. Dans ce schéma-là, on aurait différents forfaits. La google car vient vous chercher quand vous le souhaitez, et y’a des formules moins chères où vous accepter de faire des détours pour aller chercher d’autres gens, remplir les voitures, et malgré tout vous aller où vous voulez. La voiture apprend où les gens se déplacent. Il y aurait des forfaits gratuits pour certaines personnes qui ne voudraient ou pourraient pas payer. C’et le remplissage des voitures qui est optimisé. La route choisie est optimisée également. A quelle échelle de temps ? Je ne sais pas, mais ce que je constate c’est que des gens dans le numérique vont très vite. Si ça apparaît, tout le marketing automobile disparaît.
On est plus propriétaire de la voiture puisque on la conduit plus. Ça change complétement la relation avec la voiture. Ce serait comme un bus. Vous voulez dire que la voiture deviendrait entre guillemets le bus du futur ? Oui exactement, elle deviendrait un transport collectif mais extrêmement souple car on peut l’individualiser quand on veut en payant un peu plus cher, ca devient des taxis robots, y’a de l’innovation là dedans qui est colossale. Les chinois comptent faire ca en Chine dans certaines régions. Cette innovation va être expérimentée dans d’autres endroits, donc si les constructeurs auto ont pas compris que c’était un risque pour eux que ça arrive, parce que ce genre d’innovation change tout ça. Vous croyez que les nouveaux services (proposées par GM ou Citroën par ex avec Multicity) illustrent juste le début de cette réalisation ? Je crois que la location à bas coût si on partage son véhicule, c’est une excellente façon d’apprendre sur le sujet. (hors sujet)
En fait, ce qu’il faut comprendre c’est que les services de mobilité, on les connaît pas les gagnants, pourquoi parce que un service de mobilité il change la façon dont les gens utilisent les objets. Ils modifient le comportement, certains modifient l’organisation des ménages ou entreprises et donc les services de mobilité de demain ceux qui vont réussir demain, ce sont les services qui vont seulement permettre de se déplacer, de se rencontrer, mais intègreront la compréhension des changements de comportement qu’ils induisent. Le service en lui-même devra avoir un système qui quantifie la façon dont les gens l’utilisent et modifient leurs comportements. Et donc ça, ça permettra d’agir sur les boucles rétroactives. C’est seulement ainsi qu’on pourra savoir comment améliorer le service en fonction du besoin. Et modifier en même temps l’offre de mobilité et de demande. Pour changer ça, il faut que le citoyen soit au cœur du dispositif, on peut pas tracer les gens les espionner pour comprendre leur comportements.
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Pour développer les nouveaux services, il faut apprendre à savoir comment les gens se déplacent. Le numérique peut faire ça. Il va gagner la confiance des utilisateurs, ceci nécessite pour ça des acteurs économiques qui proposent une organisation, une transparence, et donc se réinterroge l’organisation même de l’acteur économique. Combien de temps ça va prendre pour qu’il y ait une nouvelle proposition de cet acteur économique ? Ce que je comprends c’est que les services qui sont proposés aujourd’hui sont seulement une petite introduction faite à ce qui peut se passer dans le futur… C’est ça.
L’innovation ce n’est pas le service de mobilité, c’est le système qui permet de les déployer en masse, de faire en sorte que les gens utilisent en masse et donc pour ça il faut aller au plus profond de l’humain et comprendre pourquoi il l’utilise, quel intérêt il a à l’utiliser, quand il utilise le service…qu’est-ce qu’on pourrait faire pour qu’il l’utilise plus ? Est-ce qu’on ne réorganisera pas son planning pour permettre de massifier ou éviter les congestions ? C’est une double conception du service en même temps que les outils de réorganisation des activités des salariés des citoyens…et ça des gens commencent à les travailler. Avez-vous des exemples ? Y’a un projet sur lequel on a travaillé mais pas d’infos. Ça s’appelle Bretagne Mobilité Augmentée.
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ANNEXE VI
Entretien mené avec PATRICE-HENRY DUCHENE le 16/09/12 (Dans les locaux de PSA. Durée : 32 minutes.)
1.1 Le premier enjeu est de préserver le citoyen le besoin primordial qui est de pouvoir se déplacer. La mobilité est une liberté fondamentale où il convient qu’il n’y a pas deux contraintes pour restreindre cette mobilité, notamment en Ile-de-France. Parce que il y a un enjeu idéologique derrière. Y’a les enjeux environnementaux, y’a une hausse des prix de l’essence, qui font que effectivement on va adapter les systèmes aujourd’hui, mais ne nous leurrons pas. La part de marché de l’automobile dans je dirais la demande de déplacement des citoyens reste prépondérante. Les Transports en commun sont monstrueusement dévoreurs de capitaux. On cite toujours ce chiffre qui est le fameux métro Grand Paris, c’est à dire le fameux Arc Express, c’est 20 milliards, le prolongement d’Éole à l’ouest c’est 17 milliards, un pont routier pour franchir un fleuve c’est 200 millions. Et y’a pas eu de nouveau ponts sur la seine depuis plus de dix ans aujourd’hui. C’est un exemple. Donc y’a une politique un peu confiscatoire de liberté puisqu’on parle de la région Ile-de-France, et qui consiste à geler toutes les infrastructures routières, tous les investissements. Il n’y a aucun projet d’autoroutes depuis le bouclage du tunnel de l’A 86, qui ne résout que partiellement les problèmes. On essai de dégouter les automobilistes plutôt que de leurs offrir des solutions alternatives, on va bloquer les voies sur berge, on a mis des feux rive droite, on va bloquer rive gauche. Bon y’a un enjeu de santé publique auquel on répond, et les mesures sont prises. Mais comme je le disais, y’a rien qui peut remplacer l’automobile dans le péri-urbain. Les centres villes sont aujourd’hui inaccessibles au commun des mortels. Qu’on le veuille ou non, les classes moyennes vont s’éloigner du centre ville, donc la demande de transport va être forte, et dans ce qu’on appelle le périurbain (dans le cas de l’Ile-de-France on appelle ca la grande couronne), on va pas pouvoir mettre des transports en commun partout où on va substituer la voiture individuelle. 1.2 Il y a la façade du discours qui dit je réduit le carbon, mais derrière il y a bien d’autres préoccupations en réalité. Ce sont des préoccupations économiques de pouvoir d’achat. Les gens ne peuvent plus consacrer à leurs dépenses aujourd’hui l’automobile autant qu’ils y consacraient avant. Donc la voiture est au cœur des solutions de déplacements, mais ce sera peut être pas une voiture possédée par un seul utilisateur comme jusqu'à maintenant. On va voir se développer des solutions autour de l’automobile comme le covoiturage, l’auto partage…qui vont modifier cette relation avec l’automobile. L’essence augmente, les gens utilisent moins leurs voitures. Les kilométrages annuels baissent un petit peu. On peut dire de manière idéaliste que les gens
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ont une préoccupation environnementale, et puis la vision réaliste des choses c’est que vu les prix de l’essence, les gens font un maximum de restriction de déplacement pour ne pas utiliser leurs voitures. 1.3 Clairement pas. La préoccupation croissante pour l’environnement est surtout du fait des medias et des politiques. Le citoyen n’est pas prêt aujourd’hui, mais à son niveau il croit de moins en moins que son comportement individuel peut influencer la macro réalité de l’environnement, et il n’est pas prêt à faire de gros sacrifices sur son niveau de vie global et il n’est pas prêt à payer. Donc de toute façon non il n’y aura pas de disparition de la voiture. Y’aura une voiture plus verte, différente, je ne la possèderai pas, peut être, qui se partage, peut être, où on la possèdera à plusieurs, mais aujourd’hui dans l’état actuel des choses je ne vois pas la voiture disparaître. Y’a trop de passion, de passionnés. Elle disparaît chez les bobos parisiens, qui ne passent plus leurs permis par exemple, mais c’est une grosse minorité en France encore et au niveau européen et mondial c’est encore infiniment petit. Alors il y a des mouvements idéologiques qui consistent à vouloir privilégier les transports collectifs… (Hors sujet) Si la voiture n’est plus un aboutissement pour la jeunesse quand elle a 18-20 ans, comme elle l’était à la génération précédente, elle reste incontournable pour se déplacer. Si un jour vous voulez partir en weekend end avec une amie, des amis, la famille, vous avez besoin de la voiture. Si vous devez déménagez, vous n’allez pas à Ikea en voiture. 2.1 Chez certaines personnes seulement la voiture ne sera plus symbole de liberté. L’imaginaire évolue très doucement. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a encore plein de passionnés de l’automobile qui prennent plaisir à conduire une voiture, à acheter une voiture, à posséder une voiture. Pas généraliser le cas. Mais ce n’est plus la totalité des gens comme ça l’était auparavant, à ma génération. Aujourd’hui, des jeunes ne sont pas intéressés par l’automobile alors qu’avant, toutes classes confondues, tout le monde était intéressé par l’automobile, tout le monde rêvait d’accéder à la voiture. En 1980, une transaction de véhicule d’occasion pour une transaction de véhicule neuf. Aujourd’hui, on est a 2.5 transaction véhicules d’occasion contre une transaction véhicule neuf. Non l’utilisation pour moi a très peu évoluée. Alors il y a la marge, les déplacements par personne reste stables depuis vingt ans. Même les plus de 75 ans se déplacent plus. Il n’y a que 3% de la population qui reste mobile. La distance parcourue par personne a significativement augmentée, puisqu’elle est passée de 17 à 25 km. La vitesse des déplacements a crû de 19 à 26 kms. 2.2 Les gens vont s’éloigner dans le future, donc il y aura plus d’utilisation de la voiture. La future utilisation de la voiture sera encore pour entre le lieu de travail et le
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domicile, on entend par là dans la région Ile-De-France. 28% des gens habitent à plus de 20 km de leur lieu de travail. Les parisiens ne sortent plus de Paris pour faire leurs courses. On ne peut pas juger les évolutions connues dans Paris des évolutions macro-économiques. Le parisien est très écolo dans la ville, mais le plus mauvais pour les longs trajets. (hors sujet) Selon vous, à partir de quand on aura une relation différente avec la voiture ? Je pense que cela dépend des générations. 3.1 Pour le co-voiturage, il faut connaître la personne, avoir confiance, et il faut avoir les mêmes horaires. Mais le co-voiturage peut mieux fonctionner autre que dans le périurbain. Les entreprises commencent d’ailleurs à organiser des systèmes de ce type. Je ne pense pas qu’il y ait un service qui soit plus prometteur que l’autre. Co-voiturage, auto partage…ils sont tous un peu destinés à des cas spécifiques. Le co-voiturage, c’est bien pour le domicile-travail où quand on est jeune et qu’on veut partir en vacances sans gros budget. C’est une forme d’auto-stop intelligent. Tout va cohabiter, il n’y aura pas un système meilleur que l’autre. Petit à petit, à mon avis ces services vont progresser parallèlement. Ça répond à des besoins différents, et c’est très très lent. 3.2 Les centres villes se sont adaptés à la voiture. Les politiques d’urbanisme ont considérées pendant longtemps que la voiture était prédominante. Est-ce-que vous pensez que l’urbanisme ne va plus penser à la voiture de cette manière là ? L’urbanisme développe de nouveaux modèles. Il est un tout petit peu en avance par rapport à la réalité des choses. Dans les gares (du Grand Paris), ils ne prévoient pas de parking. C’est la variable d’ajustement des humeurs politiques… (Hors sujet)
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ANNEXE VII
Entretien mené avec LUDOVIC BU le 17/08/12 (A une terrasse de café. Durée : 50 minutes (10 dernières minutes ont été perdues)).
1.1
[Rires, pause] Comment dire, la vraie question est qu’on est en train de passer d’une société de la profession et de la voiture à une société de l’usage et qui est multimodale. Les jeunes passent de moins en moins leurs permis de conduire, possèdent de moins en moins de voiture. Plus de la moitié des foyers ne possèdent pas de voiture. Selon les sources, 50 à 60% de personnes n’ont pas de voiture. Evidemment ce sont des chiffres approximatifs. La proportion augmente également. Pour autant la quantité de déplacement augmente et les causes de déplacement se diversifient, ça c’est un autre enjeu. Y’a 20 ans, 90% des déplacements étaient liés au domicile-travail, sur des créneaux horaires très précis et denses. Et d’autres créneaux, qu’on appelle les heures creuses. Aujourd’hui, quand vous regardez les courbes de fréquentation des trains par exemple, vous n’avez quasiment pas de différences entre la semaine et le weekend. Les opérateurs SNCF disent « on a un vrai problème » parce que le weekend on reposait les hommes et les machines et aujourd’hui on ne peut plus faire ça. La proportion de loisir augmente. Les courbes de déplacements se sont déplacées. On est passé de l’industrie du travail aux loisirs, à la famille, aux études etc etc. Donc les plages horaires ont bougées, y’a de plus en plus de motifs de déplacements mais on les fait moins en voiture et donc de moins en moins avec un véhicule qu’on possède et on va le faire de plus en plus avec des modes de services qui répondent plus précisément à nos déplacements. Les grands enjeux c’est est-ce que d’un côté comment les constructeurs automobiles réussissent-ils à trouver leurs places, ou adaptent leurs place, de l’autre comment les réseaux de transports en commun sont déjà en restructuration, comment ils font pour s’adapter à ce truc-là, et le troisième comment dans une ville de plus en plus dense, en tout cas la zone dense est de plus en plus grande, comment on fait avec un territoire plus restreint sur lequel il y a de plus en plus de mobilité, comment on fait pour organiser tout ça.
Par exemple, vous ne pouvez pas construire des voies nouvelles. On peut difficilement rajouter une route. On peut substituer, mais ne pas ajouter facilement. On peut difficilement rajouter un tram à côté d’une route, sur la zone dense. On peut transformer ce qui existe déjà. En effet. Il y a de plus en plus de déplacements à tout moment de la journée, y compris la nuit, ce qui pose une question de réorganisation de la ville vis à vis de la ville. Et en même temps on a un territoire qui ne permet pas – en tout cas, une règle d’urbanisme, une règle de société, on ne rajoute pas comme ils font en Chine où ils rajoutent un métro au 4ie étage, on ne le fait pas. Pour le projet du Grand Paris je pense qu’ils voulaient faire une ligne…
(Hors sujet)
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D’un côté on a un territoire contraint (c’est à dire qu’on ne peut pas faire ce qu’on veut cf : métro aérien dans une zone habitée) et de l’autre côté de plus en plus de besoins en déplacements sur des distances qui s’allongent. Comment on fait ? Les distances sont de plus en plus longues, avec de plus en plus de motifs de déplacements. 1.2
Pour moi la préoccupation environnementale, c’est la dernière roue du carrosse. Quand on regarde les motifs de changement de comportement, c’est très rarement l’environnement. Ce n’est pas l’environnement la priorité ? La communication en général est très portée sur l’environnement, sauf que la réalité c’est qu’on va répondre aux besoins des gens en leur disant « vous allez voir, pour vos besoins ce sera mieux ». Alors dans ce cas effectivement ils se disent « ah bah si c’est mieux ! » et qu’en plus y a un bonus pour l’environnement. (Hors sujet)
Je ne suis pas convaincu que la voiture électrique soit moins polluante que les autres véhicules. En tout cas c’est le discours ambiant et c’est ce que tout le monde croit. Tout le monde est convaincu du contraire. Tout le monde pense que c’est vachement bien. Apres on peut en discuter, mais le grand public il pense que c’est vachement bien. Pourtant personne n’en achète. Pourquoi ? Ben pourquoi parce que la question environnementale n’est pas la question prédominante. Pour moi la question prédominante c’est comment moi je fais pour répondre à mes besoins ? Si je perçois que la solution la plus optimale d’un point de vue environnementale ne répond pas vraiment à mes besoins, alors tant pis pour l’environnement. Sinon tout le monde marcherait à pied [rires]. 1.3
A mon avis les véhicules électriques sont au stade d’être utilisés pour être un deuxième véhicule (référence à la braderie de véhicules en surstock). Et donc bon ben voilà c’est bien d’avoir une voiture électrique mais on va l’utiliser juste de temps en temps. Les chiffres c’est que clairement, la voiture électrique est largement plus chère que la voiture thermique, on n’est pas sûr que ça fonctionne en plus. Mais ah d’accord vous me la faites pour une bouchée de pain, ok, je la prends. C’est mon intuition, mon pari, c’est qu’ils l’achètent en deuxième véhicule et que au cas où si ils veulent faire des longues distances ils utilisent le véhicule thermique qui en France a une chance sur deux d’être diesel.
Pour revenir à votre question, je voulais parler du cas des ZAPA – les zones d’action prioritaires pour l’air – [interruption extérieure] Donc alors en fait ça a été une loi qui a été faite sous la contrainte de l’Union Européenne, parce que on a un tel surplus de pollution lié à notre suréquipement de diesel. Les gouvernements ont largement aidé l’industrie automobile à s’équiper en Diesel. Donc l’UE nous condamne si on ne fait pas des mesures à des amendes faramineuses donc dans le cadre du Grenelle maintenant, donc on testerait des zones ou on interdirait les véhicules les plus polluants à particules fines, donc diesel, de circuler. Huit villes candidates pour être un terrain d’expérimentation, une abandonne avant même la date limite du dépôt de dossier (Lille) et les sept autres ont demandé un délai supplémentaire pour étudier le dossier. Ça montre
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bien qu’on n’est pas complètement mur sur « comment on va faire pour se débarrasser de la pollution générée par nos véhicules ». Pourtant dans les sept, Paris en fait partie ! Globalement, si il y avait une volonté politique très forte, et limite suicidaire, on pourrait dire dans Paris pourquoi pas. Mais ce n’est pas le cas. On sait qu’il faut le faire, mais on n’y va pas. Autolib par exemple, pour moi c’est une formidable…pour moi c’est un pari raté, manqué. Peut-être que ce n’était pas la bonne période ? Non, pour que la tendance change réellement, il aurait fallu mettre 30 000 véhicules en libre-service et pas 3000 dans Paris. Avec 3000 véhicules pour 4 millions d’habitants…moue. Pour 5 Euros la demi-heure, on est sur l’idée que les bobos vont se faire plaisir en prenant une voiture électrique. Pour moi, selon ce que je vois sur Twitter (qui est déjà un truc de bobos), les gens qui disent que c’est génial autolib, ce sont des bobos. On a fait un truc qu’on a rajouté à tout le reste. Autour de moi, quand j’en parle et que je m’informe, la plupart des gens qui utilisent autolib sont des gens qui n’ont pas de voiture et qui se payent le luxe d’en faire. J’observe deux cas de personnes : gens qui utilisent peu et qui l’utilisent que quand ils ont pas le choix (pour des distances ou y’a pas de transports en commun par example…) et puis y’a l’effet opportunité : J’aurai pu rentrer en métro en 40 minutes, il es tard je suis fatigué, je prends l’Autolib pour 10 minutes. C’est plus rapide, et je m’en fou parce que j’ai les moyens. Pour moi on fait des offres de déplacements pour ceux qui ont les moyens de payer, qui sont en générale dans le cœur de ville et qui n’ont pas de voiture. Pas pour tous quoi. Y’a pas de substituions, on rajoute un service à ce qui existe déjà, c’est ma perception aujourd’hui. Quand ils ont lancé le projet, j’étais enthousiaste. À la base ils disaient, petit véhicule urbain une place. Un véhicule qui est destiné réellement à l’usage qu’on en fait, très bien. Un véhicule qui utiliserait moins d’espace en voirie (une voiture qui se mettrait à la verticale pour se garer). Donc véhicule électrique, 15 000 – 20 000 véhicules. On a oublié ce qui était l’intérêt du projet à la base. Seulement, pour moi elle ne correspond pas à l’objectif de base. [hors sujet] Le temps étant très restreint, je décide de passer directement au troisième chapitre. 3.1 Je n’ai pas de préférences. Toute à l’heure on parlait d’enjeu, parlons de l’enjeu industriel. Tout le monde est concerné, tout le monde est dedans. PSA avec Multicity (l’emblème la plus visible), Renault travaille sur un service d’auto partage en Savoie. Tapez Renault auto Partage Savoie. Tous les grands acteurs (constructeurs, services, rail) cherchent le saint graal : être capable d’offrir un déplacement sans coupure de a à z. C’est a dire je pars de mon point de départ et avec le même operateur, quelque soit le mode que j’utilise, je paye une seule fois et je peux tout utiliser. Par exemple, Navigo qui permet de prendre Velib également. Le véritable enjeu est là. Qui va réussir à agglomérer le plus de services possibles pour offrir quasiment touts les déplacements possibles. Le service qui proposera tout à la fois, aura gagné. La question : Google Car ou IBM vont-ils pas avoir tout le monde ? 3.2
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Non je pense qu’il va y avoir une relocalisation de la consommation. De plus en plus de personnes font leurs courses à pied…même quand ils peuvent le faire en voiture quand ils en ont une, on est de plus en plus sur un modèle où les gens préfèrent aller en bas de chez eux à pied. À tel point que certaines grandes surfaces ont racheté ou transformé des marques pour les rattacher à leur supermarchés (ex : carrefour market, ou Auchan dans les villes, Casino a fait la même chose…) Pour ne pas perdre leurs clients dans leurs supermarchés, érosion pas possible dans les supermarchés, les commerces de proximité ont été rachetés avec les mêmes marques pour ne pas perdre leurs clients. Ce que je pense c’est qu’il n’y aura pas forcement une relocalisation de la production. Je crains malheureusement que les gens parcourront encore 20 à 30 km pour aller au travail, la récemment j’ai vu un chiffre. L’urbanisme de l’Ile-de-France qui disait que je sais plus un quart où un tiers des franciliens ne vont pas loin et travaillent près de chez eux. Ils ne font que 11 kms pour aller au travail ! (rires), 11 kms ce n’est pas à coté. Je ne pense pas qu’on va beaucoup bougés mais qu’on va continuer à faire de grandes distances pour aller au travail. Par contre pour les loisirs, ou courses, cercles d’amis qui se font à proximité, alors on aura peut-être une diminution des distances parcourues. Il s’agit seulement d’un frémissement : la décrue des distances parcourues.
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ANNEXE VIII
Entretien mené avec NICOLAS LEDOUAREC le 04/09/12 (Dans les locaux de Cityzencar. Durée : 51 minutes.)
1.1
Aujourd’hui, on déborde de voiture parce qu’on utilise l’espace urbain, public, 9 m 2 par voiture, pour qu’un machin de tôle soit disponible de temps en temps pour son propriétaire. Dun point de vue en mon sens on peut faire mieux que ça.
Une plus grande efficacité de la voiture en milieu urbain est nécessaire. Pourquoi, parce que même si y’a une tendance de démotorisation, aujourd’hui à Paris il y a 60% des ménages qui ne sont plus motorisés, mais ca veut pas dire qu’ils n’ont pas besoin de la voiture de temps en temps. Il faut une solution pour que ces gens qui sont dé motorisés puissent utiliser la voiture un jour quand ils en ont besoin et aux gens qui n’ont pas encore franchis le pas pour plein de raisons d’être convertis. Pourquoi, essentiellement pour continuer à offrir dans un milieu dense une offre de mobilité automobile compatible avec une crise économique, une conscience écologique et une qualité de vie améliorable. 1.2
Il est très difficile de savoir parce que je ne pense pas que ce soit le déclencheur premier. Je pense que tous les gens qui viennent sur de nouvelles formes de mobilité le font d’abord parce que ça très égoïstement rapporte de l’argent.
Dans le cadre de l’auto partage, une automobile qui est disponible en milieu urbain, avec une place réservée, c’est mieux qu’une voiture personnelle. Ce n’est pas seulement l’aspect je vais économiser, car il y a quand même un aspect super pratique qui est un convertisseur. Apres, un autre déclencheur de conversion c’est que ça paraît bien pour l’environnement.
A mon avis la transition des 4 roues aux 2 roues est une tendance plus forte et plus intéressante que de 4 roues en tant que propriétaire qu’aux 4 roues en tant que locataire.
Le mouvement est de passé d’un modèle de liberté basé sur la propriété d’une voiture à une liberté qui est autre qui est celle d’être plus intelligent et de choisir son mode de déplacement plus optimal. En temps réel avec les nouvelles technologies, on va pouvoir visualiser son déplacement. On a un service de plus en plus sophistiqué. Il faut arriver à un stade où on se dit qu’on a plusieurs choix de déplacement, que la voiture ne répond pas à tous les déplacements. Le but, c’est que tout soit congruent. 1.3 Non. Encore une fois je pense que la conscience environnementale est là, elle augmente, elle est déclencheur pour une partie volontariste des changements. C’est un début de changement.
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La dynamique au sein du ménage : la détection du service est faite par la femme et c’est l’homme qui s’inscrit sur le portail de l’auto partage. Dynamique de conviction de son partenaire que le ménage peut changer. 2.1
La notion de propriété : avant c’était soit l’un soit l’autre, y’avait pas de milieu. Sauf possibilité de location de voiture. Aujourd’hui ce qui se passe c’est qu’on a la possibilité d’être un peu moins propriétaire. C’est un changement assez important.
Le rôle du déclencheur de changement : anecdote : [Manuelle a une petite voiture qu’elle garde dans son jardin depuis des années pour l’utiliser au cas où) Elle décide de la louer à ses voisins au bout d’un moment. Et finalement elle se rend compte que les voisins utilisent plus la voiture qu’elle. Du coup elle vend sa voiture et loue à ses voisins une voiture]. Citizencar a contribué au déblocage psychologique. Quel est le meilleur mixte pour moi selon ma situation actuelle ? Si ma situation change, ce n’est pas grave, je peux changer facilement.
L’imaginaire a bien changé en effet. La couleur de la carrosserie, la puissance… On arrive a un autre type de liberté c’est de se dire qu’on est plus prisonnier de sa voiture. Prisonnier de cette voiture mais j’ai à disposition près de chez moi un cabriolet, une berline, un espace, une électrique…en fonction de mes besoins, je prends ce que je veux. On est dans une mentalité ou le dualisme propriétaire ou pas propriétaire est réduit.
Les voitures seront mieux utilisées. On va arriver à un système plus efficace et porté par les individus et plus flexible. C’est un système social, de proximité, de plus en plus efficace. 2.2 Je n’en sais rien. On ne sait pas trop ou ca va nous mener. Si on se restreint à la ville, quand est ce qu’on a besoin de la voiture : c’est quand les autres alternatives ne sont plus pertinentes. D’un point de vue de psychologie de déplacement, quand on a une famille ou un déménagement, on a besoin de la voiture. Ya pas d’autres solutions. Transports en commun pour la voiture ? [soupir]. L’objet de la voiture, le truc à 4 roues fermé qui utilise des routes pour aller d’un point A à un point B, ça il ne va pas disparaître du jour au lendemain. Ce qui va changer c’est la relation qu’on a à cet objet.
On passe de la voiture multi usage, style couteaux suisse, avec le proprio, quitte à ce qu’il l’utilise la plupart du temps seul, à une voiture mono usage mais avec plusieurs utilisateurs.
Apres l’avenir de la voiture pour moi, c’est la voiture sans conducteur. Comme la Google car par exemple. Les constructeurs doivent innover autrement. Ils ont fait marcher quelque chose de bien jusqu'à maintenant.
Un service aujourd’hui a besoin de la voiture. Clairement, on va peut-être vendre moins de voitures neuves. Demain on pourrait penser à la voiture gratuite, pourquoi pas. On est dans le concept de la voiture super simple. Une réinvention de la voiture vers la voiture simple.
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Identification à leur voiture toujours présente. Pour moi la voiture sans conducteur c’est l’avenir. Finalement, le frein à cette nouvelle efficacité, c’est la personne qui conduit. Parce que y’a une personne attitrée à la voiture, c’est que la voiture est difficilement partageable. On essai d’atteindre des conducteurs ouverts d’esprit. Rupture vers l’auto-mobilité sans le conducteur. Vrai chantier politique, juridique, technique. Ça permet d’ouvrir des possibilités à des modèles économiques ou le constructeur a une efficacité en terme de transport. On pourrait avoir moins de voitures dans nos solutions de mobilité. L’électrique et hybride sont pas des solutions. Sont trop chères ! 3.1 et 3.2
Personne aujourd’hui n’est vraiment capable de répondre à toutes les solutions. Une offre simple. Suisse : mobility. Hollande : Green Wheels, France : Autolib peut être ?
Multicity est une expérimentation comme les autres. Pas à l’aise avec le système, on a l’impression qu’on essai de me vendre un truc. C’est une marque qui vend, ça me gène. Y’a covoiturage.fr, y’a zilok… Je ne sais pas si le moyen de communiquer ce service est le meilleur modèle à suivre. Je comprends que ce soit un modèle qui rassure, mais le modèle réseau social est peut-être mieux. L’automobile est la meilleure réponse de déplacement dans le milieu urbain. Maintenant, on est capable d’aller plus loin et d’optimiser l’utilisation de la voiture. C’est utopique de se dire que 90% des déplacements se feront demain en autolib. Ça prendra du temps si un jour ca doit arriver. Les voitures connectées : technologiquement on y est, maintenant c’est quoi le rôle du constructeur automobile. Contexte économique à prendre en considération pour l’offre des voitures neuves…
Pour moi la où le constructeur a la capacité de faire, c’est se projeter un ou deux coups en avance pour concevoir l’objet qui va redorer le blason de l’industrie pour nous montrer un monde ne rupture et meilleur. Moi j’irais vers la voiture sans conducteur. On a un rôle positif, on utilise à bon escient un outil qui est capable de faire ça. D’où va venir le changement ? Est-ce que c’est le constructeur qui va faire le premier pas vers l’inconnu ? Si un changement doit arriver. En général c’est celui qui est assez visionnaire pour le faire arriver.
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ANNEXE IX Observatoire du véhicule d’entreprise – Immatriculations VPVE et hybrides
2011 http://www.observatoire-vehicule-entreprise.com/fre/vehicule-societe/colonne-droite/ove-scope/ove-scope-
2011/immatriculations-vpve-hybrides.html
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ANNEXE X
Tableau p.127 – L’Age des Possibles
ANNEXE XI Tableau p.98 – L’Age des Possibles
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ANNEXE XII
L’auto partage se fond dans le paysage urbain http://www.flickr.com/photos/jeanlouis_zimmermann/5171399872/
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ANNEXE XIII
Bornes avec nombre d’auto bleues disponibles dans le centre de Paris (Le 23 Septembre 2012 à 20h16) : https://www.autolib.eu/stations-map/