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> TECHNOLOGIE Les plasmas microscopiques EN DÉLÉGATION CENTRE POITOU-CHARENTES > BIODIVERSITÉ Un nouveau frelon en France MICROSCOOP LE JOURNAL DU NUMÉRO 18 NOVEMBRE 2009 CNRS > HISTOIRE Un temps inscrit dans la matière > ASTRO Dossier spécial HORS-SÉRIE

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> TECHNOLOGIELes plasmas microscopiques

EN DÉLÉGATION CENTRE POITOU-CHARENTES

> BIODIVERSITÉUn nouveau frelon en France

MICROSCOOPLE JOURNAL DU

NUMÉRO18

NOVEMBRE2009

CNRS

> HISTOIREUn temps inscrit dansla matière

> ASTRODossier spécial

HORS-SÉRIE

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C’est devenu unetradition : dans lecadre de la Fête de laScience, nous retrou-vons aujourd’hui lenuméro hors série deMicroscoop. Alors quele CNRS vient de fêterson 70e anniversaire,le 19 octobre dernier,ce numéro hors sérieinnove et vous proposeun dossier en lien avec

l’année mondiale de l’astronomie.Composé d’articles proposés par les laboratoires dela délégation Centre Poitou-Charentes, ce dossier« Astro » vous invite à un voyage dans les espaceslointains : de la mise au point, dans des conditionsenvironnementales difficiles, d’une caméra qui seraembarquée sur une sonde martienne, au mondefabuleux des pulsars, les objets les plus énergé-tiques de notre galaxie, en passant par les pointsde Lagrange, des zones bien particulières de notresystème solaire ouvrant des possibilités de voyageséconomiques pour de futures sondes spatiales. Dessouffleries supersoniques sont mises en avant pourleur rôle dans la modélisation des entrées atmosphé-riques d’engins spatiaux, en vu de leur améliora-tion, sans omettre un saut dans le passé pour décou-vrir l’influence de l’astronomie et de l’astrologie surla cartographie au moyen âge.

Ce numéro illustre aussi, comme ses prédécesseurs,la richesse et la diversité des recherches dévelop-pées dans notre région. Ainsi dans le domaine dela biodiversité, un programme de bagage et de suivides busards en Poitou-Charentes est présenté, toutcomme le frelon asiatique, un nouveau prédateurdes abeilles, arrivé dans la région Centre cette annéeet qui inquiète fortement les apiculteurs. La clas-sification de tous les êtres vivants de notre planèteest aussi mise en avant avec l’implication des outilsmodernes de la génétique. Le domaine de la biolo-gie est illustré par un article sur les canaux ioniqueset leur implication dans diverses pathologies. Larubrique technologie vous invite à faire connais-sance avec les plasmas microscopiques et leur inté-rêt industriel. Dans le domaine des sciences de l’en-

vironnement, certains éléphants de mer équipés debalise joueront un rôle d’océanographes en appor-tant des données océanographiques et écologiquespour l’étude du climat planétaire. L’implication duCO2 dans le réchauffement global est abordée avecune solution possible, son stockage géologique. Unautre article présente la mise au point de modèlespour la sauvegarde des monuments historiquessoumis aux aléas climatiques. Dans le domaine desSciences humaines et sociales, quatre laboratoiresse sont associés pour présenter des facettes dulangage. En histoire, une image originale de laculture médiévale est à découvrir à travers des textesinscrits sur des monuments; un second article nousfait découvrir un verrier prestigieux installé à Orléansau XVIIe siècle. Le journal se termine sur une présen-tation des Médailles du CNRS, attribuées chaqueannée, depuis 1954, à des chercheurs de renomou à de jeunes scientifiques prometteurs.

Divers événements vont marquer notre circons-cription en cette fin d’année. Ainsi les 6, 7 et 8 novembre 2009, le site du Futuroscope de Poitiersaccueillera les 19èmes Rencontres CNRS Jeunes“Sciences et Citoyens”. Environ 450 jeunes euro-péens de 18 à 25 ans et des chercheurs de toutesdisciplines se réuniront pour débattre sur des pro-blèmes sociaux, économiques et culturels. Auxmêmes dates, « Place aux Sciences » permettra àplus de 200 chercheurs de rencontrer le publicpoitevin et de présenter, par diverses animations,leurs travaux et leur métier.

Enfin, pour la Fête de la Science, du 16 au22 novembre, les laboratoires de la délégation semobiliseront, tant à La Rochelle, Poitiers, Chizé,Nançay et Tours. Pour Orléans, le campus CNRSouvrira cette année les portes de ses laboratoiresau public les 21 et 22 novembre pour une rencontreet un dialogue avec des scientifiques à travers desvisites de laboratoires, des ateliers, des expositions,des films et des débats. De même, de nombreusesanimations seront proposées au sein du village dessciences. Je souhaite à toutes et tous une très bonneFête de la Science 2009.

Patrice SOULLIEDélégué régional

2/ ÉDITORIAL éditoHors-sérieMicroscoop

Numéro 18novembre 2009

CNRS DélégationCentre Poitou-Charentes

3E, Avenuede la Recherche scientifique

45071 ORLÉANS CEDEX 2Tél. : 02 38 25 52 01Fax : 02 38 69 70 31www.centre-poitou-

charentes.cnrs.frE-mail :

[email protected]

Directeur de la publicationPatrice Soullie

Rédacteur de la publicationEric Darrouzet

Secrétaire de la publicationFlorence Royer

Ont participé à ce numéroMuzahim Al-Mukhtar, Sarah

Badosa, Frédéric Becq, KevinBeck, Badiâa Bouazzaoui,

Cédric Bouquet, MichelBoustie, Xavier Brunetaud,Ismaël Cognard, Paola Da

Cunha, Vincent Debiais,Rémi Dussart, JérômeGattacceca , Bernard

Gratuze, Patrick GautierDalché, Christophe Guinet,

Sylvie Houte, SylvieJosserand, Viviana Lago,

Pierrette Marchaudon,Philippe Monget, Claire

Ramboz, Yolaine Rubert,Gilles Theureau, Cécile

Treffort, Emmanuel Trelat,Frances Westall

Création graphiqueEnola Création

> 02 38 76 96 35

ImprimeurImprimerie Nouvelle

ISSN 1247-844X

Photo de couvertureImage d’artiste du satellite

SOHO qui observe la surface duSoleil depuis le point L1.

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SOMMAIRE /3Microscoop / Hors-SérieNuméro 18 – novembre 2009

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BiodiversitéLes busards prennent leurs marques

Un nouveau frelon en FranceLa phylogénie et la biologie de l’évolution

EnvironnementLes éléphants de mer, prédateurs et océanographes

Un carnet de santé pour le château de ChambordOù piéger le CO2 ?

BiologieCanaux ioniques et criblage de molécules bioactives

Dossier AstroDu Pôle Nord à Mars

Les pulsars : les objets les plus énergétiques de notre GalaxieA la conquête des points de Lagrange

La simulation des vols spatiaux à OrléansUne perspective choquante sur le magnétisme lunaire

Influences célestes et géographie

TechnologieLes plasmas microscopiques

SociétéRecherches sur le langage, langages de la recherche

HistoireUn temps inscrit dans la matière

Bernard Perrot, un verrier orléanais

DistinctionsLes médailles du CNRS34/

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> Biodiversité

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Hors série > Microscoop / Numéro 18 – novembre 2009

Cette espèce fait l’objet d’études scien-tifiques très poussées depuis près de 20ans, notamment à travers des pro-grammes de baguage. Dès 1995, unprogramme de recherche sur le busardcendré a été lancé par le Centred’Études Biologiques de Chizé (CEBC -CNRS) sur un secteur de 45000 ha deplaine céréalière intensive dans le suddu département des Deux-Sèvres.

Une espèce en déclinLe Busard cendré est une des 12 es-pèces de busard existantes dans lemonde et une des 3 espèces nichanten France.En France, 5000 couples (pour unepopulation mondiale estimée à moinsde 100000 couples) sont présents surtrois zones : en région Poitou-Charen-tes (800 couples), en Champagne-Ardennes et Lorraine et enfin du massif

central au Roussillon.Le déclin de cette espèce est dû au faitque la majorité des couples se reproduiten milieu céréalier. Alors que les autresespèces de rapaces nichent dans lesarbres ou les falaises, les busards ontla particularité de nicher au sol en pleinchamp. Les poussins trop jeunes pours’envoler devant les moissonneusespaient un lourd tribu chaque année.

Une action de conservation unique enEuropeDepuis 25 ans, les Busards cendrés fontl’objet d’un effort de conservation sanséquivalent dans le monde animal enEurope: sous l’égide de la Mission Rapa-ces (LPO), 1000 nids susceptiblesd’être moissonnés en France sont proté-gés des moissons chaque année par desbénévoles avec la collaboration des agri-culteurs! Mais avant de les protéger il

faut les trouver alors qu’ils nichentchaque année à un endroit différent :dans les Deux-Sèvres grâce à un effortde prospection impressionnant réalisédès l’arrivée des oiseaux en avril, plusde 70 % des nids sont localisés au stade« œuf ». La survie de ces populationsde plaine céréalière en dépend.

Encore de nombreuses questions sansréponsePourtant les populations de Busardscendrés continuent à décliner! « Pour-quoi la protection soutenue des couplesnicheurs sur un site ne conduit-elle passystématiquement à l’augmentation deseffectifs locaux? ». La protection estindispensable mais il faut en savoir plussur les échanges entre populations,pouvoir expliquer les variations deseffectifs provenant de la démographie(i.e. mortalité et natalité) mais ausside l’immigration et l’émigration(« dispersion »). Or la dispersion« natale » des poussins du site de nais-sance au site de reproduction, reste trèsmal connue. Les données recueillies surle site d’étude de Chizé, montrent queseulement 50 % des mâles et 30 % des

Nid de busard protégé dans un champ de céréales au cours de la moisson. Jeunes busards cendrés équipés de marques alaires© ROUSSEL Thomas / CEBC - CNRS © CEBC - CNRS

Si le busard cendré n’est pas considéré comme menacé à l’échelle mondiale, ilest en déclin à l’échelle nationale. La France abrite pourtant plus du tiers de lapopulation d’Europe de l’Ouest et joue donc un rôle majeur dans la conservationde cette espèce, protégée depuis 1976 !

LLeess bbuussaarrddss prennent leurs marques !

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Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

femelles sont porteurs de bague alorsque tous les poussins nés sur ce sitesont bagués à la naissance!

L’étude de la dispersion natale estcruciale mais très difficile à mener caril faut trouver les meilleures techniquesde marquage des animaux et les recap-turer ensuite. Chez de grandes espècescomme les rapaces, des marques colo-rées sur les ailes ont donc été utiliséesavec succès ; la relecture visuelle desmarques est réalisée par des observa-teurs bénévoles un peu partout sur leterritoire. Cette technique de marquagesconsiste à fixer sur chaque aile de l’oi-seau une marque en plastique souple àl’aide d’une agrafe. Ce marquage estbeaucoup plus visible qu’une simplebague colorée à la patte pour des oiseauxqui passent une grande partie de leurtemps en vol et ne se posent que rare-ment. Elle n’a aucun effet détectablesur l’oiseau.

Un nouveau programme de marquageC’est pourquoi un vaste programme demarquage des jeunes de busard cendréa été mis en place en 2007, coordonnéscientifiquement par le laboratoire deChizé. Ce programme s’appuie sur l’exis-tence du Réseau Busards rassemblant400 bénévoles en France, tous dévouésà la cause des busards. Grâce à unemobilisation sans précédent 6000 pous-sins sont d’ores et déjà équipés demarques alaires, et les données d’ob-

servation de busards marqués conti-nuent à être enregistrées sur le site inter-net du réseau. Il se réunit chaque annéepour faire le point sur les données récol-tées et aider ainsi à la compréhensionde la dynamique des populations.

La cause des busards rassembleLes résultats attendus de la collabora-tion entre les naturalistes et scientifiquespermettront de définir de nouveauxmodes d’action. Faut-il trouver et proté-ger tous les nids contre les moisson-neuses pour sauver l’espèce? ou concen-trer l’effort de protection sur certainssites et pas tous? et agir chaque année?En parallèle de cette démarche activesur le terrain à grande échelle, un travailde thèse démarre au CNRS de Chizéen octobre 2009 sur ces données. Larecherche doit apporter des réponsesqui permettront de définir des stratégiesde conservation de manière optimale àla fois dans le temps et dans l’espace àpartir d’une meilleure compréhensiondes phénomènes de dispersion desjeunes.

Contact : Sylvie [email protected]

Nid de busard dans un champ de céréales. Femelle de busard cendré.

Le Busard cendré est un rapace migrateur quiarrive d’Afrique en avril pour se reproduire etqui y retourne passer l’hiver à la fin août. Le

Réseau Busards-ici Thierry Printemps(baguage et marques), Benoit VanHecke (site

web, base de données), Jean-Luc Bourrioux(coordinateur national)-recherche aussi leur

site d’hivernage au Sénégal.

© ROUSSEL Thomas / CEBC - CNRS © BRETAGNOLLE Vincent / CEBC - CNRS

>> Pour en savoir plus :http://www.busards.com

L’ESPÈCE : LA FEMELLE RESTE AU NID, LE MÂLE S’OCCUPE DE TOUTLes couples ne restent pas fidèles à leur partenaire d’uneannée à l’autre. Par contre, la monogamie au sein d’unesaison de reproduction semble être de règle. Après avoirsélectionné un site de nid un mâle et une femelle entamentde spectaculaires parades aériennes pendant lesquelles lemâle offre des campagnols à la femelle. Si cette dernièreest satisfaite elle choisira de s’accoupler avec ce mâle. Lafemelle va pondre directement au sol 2 à 5 œufs blancs géné-ralement pondus tous les deux jours et incubés dès le premierœuf et assurera seule l’incubation.C’est le mâle qui va nourrir sa partenaire et sa nichée depuisla ponte jusqu’à la fin de l’élevage des jeunes. Il s’agit prin-cipalement de campagnols des champs Microtus arvalis queles busards repèrent de manière visuelle et auditive en volantlentement et à faible hauteur au-dessus des champs. Uneparticularité remarquable des busards: le mâle donne lesproies à la femelle en vol ; il lâche le campagnol que lafemelle rattrape avec ses serres en plein vol ! Ce passagede proie est un véritable spectacle aérien d’une adresseincroyable.

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La France peu à peu envahie par le frelon asiatiqueCe frelon asiatique ou Vespa velutinanigrithorax (Hymenoptera, Vespidae) estprésent dans plusieurs régions. Il auraitété introduit accidentellement dans leLot-et-Garonne, probablement suite àl’importation de poteries en provenancede Chine (province du Yunnan). Dans lespays d’Asie continentale (centrale et dusud-est) où vit cette espèce, les condi-tions climatiques sont comparables àcelles du Sud de l’Europe. Cet aspectpourrait expliquer pourquoi cette espèceinvasive s’est acclimatée sans problèmeen France. En 2009, son aire de répar-tition couvrait plusieurs départements:des Pyrénées Orientales à l’Indre et Loireet des côtes de l’Atlantique au Langue-doc-Roussillon. Le frelon colonise des zones forestières,

agricoles, sub-urbaines et urbaines. Ilcontinue année après année son expan-sion vers l’est et le nord. Cette expan-sion est facilitée par les voyages de bienset de personnes comme l’atteste desobservations de nids en Ille-et-Vilaine,en Côte d’Or et Ile de France.

Un frelon noir et orangéIl est facile de différencier le frelon asia-tique (V. velutina) du frelon commun(V. crabro). Son apparence sombre nepeut pas prêter à confusion: le thoraxest brun noir, les segments abdominauxsont bruns et bordés d’une fine bandejaune-orangé et le quatrième segmentest orangé. Les pattes sont brun noir avecl’extrémité jaune. La tête est noire avecla face orangée. Le frelon commun estnoir avec du jaune sur le corps. L’abdo-men est jaune rayé de noir. V. velutinaest donc très différent de V. crabro.

L’autre signe distinctif important : lefrelon asiatique est plus petit que lefrelon européen; sa taille est intermé-diaire entre la guêpe commune et lefrelon commun.

Des nids imposants au sommet des arbresLe frelon asiatique est capable d’élabo-rer des nids de taille impressionnante,lesquels ont peu à voir avec ceux de soncongénère local. Les nids sont élaborésen divers endroits: dans ou sur des bâti-ments ouverts, mais le plus souvent enhauteur dans des arbres. Certains nidspeuvent êtres observés à plus de 30mètres de hauteur. C’est à l’automne,lors de la chute des feuilles, que les nidssont les plus facilement repérables. Lesnids de V. velutina sont d’une formesphérique (60-80 cm de diamètre) àovoïde (60 cm à 1 m de long pour 80 cmde diamètre). Comme pour le frelon

Hors série > Microscoop / Numéro 18 – novembre 2009

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En 2004, il n’existait en France qu’une seule espèce de frelon, le frelon commun ou Vespa crabro. Toutefois, depuiscette année fatidique, une nouvelle espèce, arrivée dans le sud-ouest, se répand peu à peu sur tout le pays et posedes problèmes économiques, sociaux et de biodiversité.

> Biodiversité

UUnn nnoouuvveeaauu ffrreelloonn en France

Carte de répartition des départements infestés par le frelon asiatique en 2009

Ouvrière du frelon asiatique, Vespa velutina.

© J. HAXAIRE

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commun, les nids sont à base de fibresvégétales, c’est-à-dire de fragmentsd’écorces malaxés avec de la salive. Lematériau ainsi produit ressemble à dupapier mâché. Les nids sont constituésde plusieurs galettes parallèles, hori-zontales, portant des cellules alvéolairesouvertes vers le bas. Une étude surplusieurs nids, réalisée en tomographie

à rayons X à l’Institut de Recherche surla Biologie de l’Insecte (IRBI - UMR6035 CNRS/Université François Rabe-lais de Tours) en collaboration avec leCHRU, a permis de montrer que lesalvéoles sont une fois et demie plus peti-tes que celles de V. crabro, mais 6 foisplus nombreuses (soit environ 10000 à12000 alvéoles en moyenne). Le toutest entouré d’une enveloppe constituéede plusieurs couches de feuilles striéesde beige et de brun. Cette enveloppeprotège la colonie des facteurs environ-nementaux (température, pluies, préda-teurs éventuels). La structure du nid peutprésenter des variantes selon sa locali-sation. Des nids élaborés sous un toitsont sphériques. Les nids construits dansdes branches ont plutôt une forme degoutte d’eau. Le sommet du nid necontient pas de galette, mais est cons-titué d’une structure en forme d’éponge.Celle-ci a pour rôle de protéger la partieinférieure du nid contenant les larvescontre les intempéries. Il existe aussi desnids possédant une sorte de prolonge-ment, de porche au niveau de l’entrée.Son rôle est encore hypothétique; ellepourrait servir de protection contre levent. L’ouverture est en général situéesur le côté du nid ; celle du nid deV. crabro est toujours placée à son extré-mité inférieure.

Le cycle de vie des frelonsComme pour V. crabro, une colonie de

frelons asiatiques ne vit que sept à huitmois. À la fin de l’été, de jeunes reinesquittent leur colonie, s’accouplent avecdes mâles et stockent les spermatozoïdesdans un organe de stockage adapté (sper-mathèque). Elles recherchent ensuite unendroit protégé (souches de bois mort,anfractuosités) pour passer l’hiver à l’abrides intempéries. Dès les beaux jours,vers avril et mai, les reines ayant survécurecherchent un endroit adéquat pournidifier et constituer chacune unenouvelle colonie. Elles vont élaborer unpetit nid constitué de quelques alvéo-les entourées d’une enveloppe. Danschaque alvéole, elles vont pondre un œufce qui donnera la première générationd’ouvrières. Ensuite, dès que les ouvriè-res sont présentes, elles vont se char-ger de toutes les taches de la colonie:construction du nid, quête de matériauxde construction et de nourriture, soin auxlarves, nettoyage et contrôle de la tempé-rature du nid. La reine n’aura qu’uneseule activité, pondre des œufs. En find’été, des individus sexués sont produits:mâles et futures reines. Ceux-ci vont quit-ter leur colonie et chercher des parte-naires sexuels. À l’arrivée de l’hiver, dansla colonie mère, la reine puis les ouvrièreset les mâles encore présents vont mourirà cause du froid et du manque de nour-riture. En hiver, les nids sont donc inha-bités: de fait, ils ne représentent plusaucun danger. Le cycle recommenceraensuite au printemps suivant.

Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

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Nid du frelon asiatique, vide de ses occupantes, ausommet d’un arbre.

Nid du frelon asiatique élaboré sur une branche debouleau. Une partie de l’enveloppe a été enlevéepour faire apparaître les galettes portant lesalvéoles.

Ouvrière du freloncommun Vespacrabro.

© Eric DARROUZET -IRBI

© Eric DARROUZET -IRBI

© Eric DARROUZET -IRBI

>> Pour en savoir plus :http://insectesbatisseurs.univ-tours.fr/frelon_asiatique.htm

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Hors série > Microscoop / Numéro 18 – novembre 2009

Les abeilles, des proies de choixV. velutina est bien acclimaté dans lesud-ouest et il continue à étendre sonaire de répartition dans les régions limi-trophes. Il devrait envahir peu à peu lesud de l’Europe, ce qui ne sera pas sansconséquences pour l’environnement.Outre les fruits mûrs, il affectionned’autres sources de nourriture tels quedes insectes… en particulier les abeilles.En 2006 et 2007, des apiculteurs ontvu leurs ruches plus souvent attaquéespar le frelon asiatique que par l’euro-péen. Ces attaques répétées font deV. velutina la « bête noire » des apicul-teurs du Sud-Ouest. Les attaques sedéroulent selon un mode d’action précis:une ouvrière frelon est en vol station-naire à proximité d’une ruche, dèsqu’une abeille butineuse chargée depollen revient à la ruche, elle se jettedessus, la saisit, la fait tomber au sol,la décapite et enlève l’abdomen pourrécupérer le thorax qui est réduit en uneboulette de chair (boulette riche enprotéines en raison des muscles alaires).Elle l’emporte au nid afin de nourrir leslarves. En échange, les larves vontproduire des sécrétions riches en gluci-des (sucres) et en acides aminés (molé-cules constitutives des protéines) queles ouvrières vont lécher pour se nour-rir.

La défense des abeillesCe prédateur vient menacer des abeillesdéjà fragilisées par les produits phyto-sanitaires, l’urbanisation et l’agriculturequi modifient la biodiversité florale, lesparasites (varroa) et divers pathogènes.Cet aspect est inquiétant puisque lesabeilles jouent un rôle important dansla reproduction de nombreuses espè-ces végétales (pollinisation). Les abeillesen France, lorsqu’elles sont confrontéesà ces frelons, présentent un comporte-ment de défense. Les gardiennes de laruche se jettent sur le frelon et essayent

de le piquer avec leur dard entre les plisde sa carapace. Cette défense est peuefficace. Chaque fois qu’une abeillearrive à piquer un frelon, elle perd sondard et meurt. Les capacités de défensede la ruche vont ainsi diminuer assezrapidement. En Asie, les abeilles ontdéveloppé deux autres techniques dedéfense plus efficaces. La premièreconsiste en la sortie de la ruche deplusieurs ouvrières dès qu’un frelon s’ap-proche. Elles se regroupent et battentdes ailes de manière synchronisée ce quidonne une image en mouvement qui

> Biodiversité

Vue interne d’un nidanalysé dans un scanner

médical (technique detomographie à rayons X).

Le capuchon de protectionest situé au dessus de la

zone où se trouvent lecouvain et les adultes.

Nid de frelon en cours d’analyse dans un scanner médical du CHRU de Tours.

Nid de fondation construit par la reine au printemps. Dans chaque alvéole, elle pond un œuf qui donneraune ouvrière.

© Eric DARROUZET -IRBI © Eric DARROUZET -IRBI

© Eric DARROUZET -IRBI

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Page 9: MICROSCOOP CNRS LE JOURNAL DU EN …...Le déclin de cette espèce est dû au fait que la majorité des couples se reproduit en milieu céréalier. Alors que les autres espèces de

perturbe le frelon; de plus, ce battementcrée un bruit particulier qui préviendraitles butineuses hors de la ruche. Le frelonfinit par partir bredouille. La secondetechnique de défense conduit à la mortdu frelon. Quand il s’approche de laruche, des abeilles se jettent sur lui, l’ac-crochent et se mettent à battre des ailesce qui fait monter la température au seinde la masse jusqu’à environ 47 °C. Lefrelon meurt par hyperthermie entre44 °C et 46 °C, alors que les abeillesne meurent qu’entre 48 °C et 50 °C. Cesdeux techniques de défenses n’ont pasété observées en France.

V. velutina est-il dangereux pourl’homme?Le frelon asiatique semble se montrerpeu agressif envers l’homme; maisquelques cas d’attaque ont été décritslors de tentatives d’élimination du nid,ou alors à proximité de poubelles oud’étals de marchés où de la nourritureattire des ouvrières en quantité. Aucunsigne d’agression n’a été relevé de la partd’individus en vol ou à proximité d’unnid. Situés en général à plusieurs mètresdu sol, ces nids sont d’ailleurs relati-vement éloignés des activités humaines.On considère qu’une présence humaineau-delà de 5 mètres d’un nid n’entraînepas d’attaque. À moins de 5 mètres,quand un intrus s’approche d’un nid,une ouvrière vient voler autour de celui-ci pour lui signifier qu’il devrait fairedemi-tour. Si l’intrus continue à s’ap-procher du nid, l’ouvrière retourne aunid, recrute d’autres ouvrières et toutesvont attaquer l’intrus. Leur piqûre esttout aussi douloureuse que celle dufrelon commun ou d’une guêpe et n’estpas plus dangereuse en soi. En fait, leproblème est plutôt lié au nombre depiqûres (en raison du grand nombre d’ou-vrières) et surtout si la personne atta-quée est allergique au venin. Ce risqueest identique dans le cas de piqûres infli-gées par des guêpes ou le frelon euro-péen.

Les études en coursQuelques équipes de recherche se sontintéressées à cet insecte. On cherche

tout d’abord à mieux le connaître carfinalement nous savons peu de chosesur lui. Une collaboration entre l’IRBI etle Muséum National d’Histoire Naturellede Paris cherche à mettre en évidencel’impact écologique des colonies defrelons asiatiques. Le frelon chasse di-verses proies (mouches, bourdons,abeilles, etc.) pour nourrir de nom-breuses larves. Des études sur la struc-ture du nid sont en cours pour détermi-ner combien d’individus une colonie peutproduire durant son existence. En paral-lèle, des études sur le terrain cherchentà déterminer quels sont les insectesproies et leur pourcentage respectif, encapturant les ouvrières rentrant au nidpour déterminer ce qu’elles rapportent.Les chercheurs pensent pouvoir ainsidéterminer la nature et la quantitémoyenne d’insectes chassés par unecolonie de frelons, donc son impactécologique. En même temps, des travauxsont réalisés à l’IRBI pour déterminersi les colonies présentent une signaturechimique coloniale propre. Les insec-tes sociaux présentent un ensemble demolécules (hydrocarbures cuticulaires)à la surface du corps. La nature et laquantité relative de chacune forme unesignature chimique spécifique à l’espèceet à la colonie. Ainsi, les ouvrièrespeuvent déterminer l’origine colonialedes congénères. Ceci permettra ensuitedes études sur le terrain pour détermi-ner l’aire de prédation d’une colonie.

Le frelon asiatique deviendra-t-ilfrançais?Vespa velutina est actuellement implantésur un large territoire, et il continue sonexpansion. Une action coordonnée auniveau national pour éliminer tous lesnids repérés semble irréalisable, enraison de la surface à traiter. Surtoutles nids ne deviennent visibles qu’enautomne à la tombée des feuilles, c’est-à-dire quand les nouvelles reines se sontdéjà dispersées dans l’environnement.Des expériences de piégeage de reinesavant leur nidification ont été testées en2008 afin d’essayer de limiter, voire stop-per l’expansion. Le taux de capture desreines a été très variable selon les zones.Il est impossible aujourd’hui de dire sices expériences de piégeage auront ounon une conséquence sur l’expansion deV. velutina.

Contact: Éric [email protected]

Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

Test d’un piège à frelons pour capturer de jeunes reines au moment de lafondation des colonies.

Ouvrières de V. velutina à l’entrée du nid.

© Eric DARROUZET -IRBI

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© J. HAXAIRE

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La systématique comprend notammentla taxinomie, c’est-à-dire la classifica-tion des espèces et des groupes d’es-pèces. Cette discipline est née auXVIIe siècle avec la publication de l’ou-vrage de Linné, le « Système de laNature ». Ce naturaliste suédois souhai-tait établir un classement général detoutes les formes de vie. Un siècle plustard, Darwin a deviné l’orientation qu’al-lait prendre la taxinomie et a lancé unenouvelle science, l’évolution phylogé-nétique.

Taxinomie et phylogénie : la classification du vivantLa taxinomie fait appel à un systèmede classification hiérarchique. Lesystème linnéen comporte deux gran-des caractéristiques: 1) à chaque espèceest attribué un nom formé de deux mots,et 2) les différentes espèces sont clas-sées hiérarchiquement en groupes d’or-ganismes de plus en plus généraux.Chaque espèce porte un nom formé dedeux mots latins, le premier indique legenre auquel l’espèce appartient, le

second désigne l’espèce en tant quetelle. La première lettre du genre s’écriten majuscule, le tout en italique. Ungenre peut comprendre plusieurs es-pèces, qui portent chacune un nomspécifique. Par exemple, le léopard estPanthera pardus, le lion d’AfriquePanthera leo et le tigre Panthera tigris.Ils appartiennent tous à un même genre,mais pas à la même espèce. Cela signi-fie que deux individus de sexe différent,d’espèces différentes, mais du mêmegenre, ne sont pas capables de produire,après croisement potentiel, des descen-dants viables et fertiles (au même titreque le cheval et l’âne).Une bonne partie des appellations scien-tifiques encore employées de nos jours aété créée par Linné, qui a attribué un nomscientifique à plus de 11000 espècesvégétales et animales. Il a donné àl’Homme le nom scientifique de Homosapiens, ce qui signifie «Homme sage»…Au-delà, les genres se rassemblent enfamilles, les familles en ordres, lesordres en classes, les classes en embran-chements, les embranchements en

règnes, et les règnes en domaines. Ainsi,tous les membres de la famille des Féli-dés appartiennent à l’ordre des Carni-vores et à la classe des Mammifères,mais tous les Carnivores et les Mammi-fères ne sont pas des Félidés. Un rangtaxinomique, quel que soit son niveau,est appelé taxon.Les rapports entre la phylogenèse et laclassification sont représentés sur uneforme d’arborescence appelée arbrephylogénétique. La classification hiérar-chique du vivant est indiquée par desramifications de plus en plus précisesdes arbres au cours de l’évolution. Au-delà de l’arbre montrant par exemplel’ordre des carnivores, l’embranchementdes vertébrés, et le règne animal dansson ensemble, l’arbre de la vie montredes liens ancestraux avec le règne végé-tal, les champignons et les bactéries.L’évolution phylogénétique des espècesest donc un processus qui a débuté il ya plus de trois milliards d’années et quipeut se résumer sur l’arbre de la vie.Chez les vertébrés dont le génome estentièrement séquencé, l’arbre est déduit

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> Biodiversité

LLaa pphhyyllooggéénniiee et la biologie de l’évolutionAvant Darwin, l’évolution des espèces a été étudiée par les biologistes essentiellement à la lumière des archivesgéologiques. Depuis, ils ont recouru à l’anatomie comparée, et surtout aux données moléculaires. La systématique,c’est à dire l’étude générale de la biodiversité à la lumière de l’évolution, cherche à reconstituer la phylogenèse desespèces, c’est à dire leurs relations ancestrales.

Le léopard, le lion d’Afriqueet le tigre appartiennenttous à un même genre, mais pas à la même espèce.

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des comparaisons de séquences de tousles gènes qui y sont présents.

La phylogénie et la génomique auservice de l’évolution des espècesLes études sur l’évolution visent àcomprendre les phénomènes d’iso-lement des espèces ayant conduit à desprocessus de spéciation. Dans cesprocessus d’isolement, on distingue lesphénomènes d’isolement pré-zygotiques(comportement sexuel, interactions desgamètes mâles et femelles en particu-lier) et post-zygotiques (aptitude d’unœuf fécondé à produire un individu viableet fertile). Plus généralement, lorsqu’onétudie l’évolution phylogénétique d’ungène, on confronte systématiquementl’arbre obtenu pour le gène en question,avec l’arbre de la vie. Lorsque l’arbredu gène suit l’arbre de la vie, on dit queles deux arbres sont “congruents”, legène suit probablement une évolution“classique”. Il est cependant possiblede trouver des arbres dans lesquels laséquence d’une espèce est manquante;c’est le cas pour le gène de l’oviduc-tine, dont le représentant du rat estabsent. Ceci suggère que le gène a étéperdu chez cette espèce. Pour prouverdéfinitivement que c’est le cas, il fautretrouver le “cadavre” dans le génome,c’est-à-dire un pseudogène. Ceci n’estpossible que dans les espèces où legénome a été entièrement séquencé.

Séquençage des génomes et évolutionGrâce à l’utilisation combinée de laphylogénétique et des génomes entiè-

rement séquencés, on peut reconstituerdes fragments d’histoire de l’évolutiondes espèces. Par exemple, une étuderécente a été conduite sur l’évolutiondes gènes codant pour les protéinescontenues dans les œufs d’espècesovipares comme le poulet, et celle degènes codant pour les protéines du laitet du placenta chez les mammifères.Cette étude a montré que l’apparitionde ces gènes dans le génome despremiers mammifères, s’est faite avantla disparition des gènes codant pourles protéines de l’œuf. L’ornithorynque,qui se situe au carrefour de ces deuxembranchements, possède bien dansson génome les deux jeux de gènes, cequi lui permet de nourrir sa progéni-ture dans l’œuf, mais aussi grâce à unplacenta primitif et du lait.Une autre étude concerne l’évolutiondes gènes codant pour les protéines dela zone pellucide, la coque qui entourel’ovocyte et que fixe le spermatozoïdeau début de la fécondation. Il existe aumoins huit de ces gènes dans le génomedes poissons, six chez la poule, quatrechez la femme et le rat, et trois chezles autres mammifères. Une analysephylogénétique couplée à une recherchesystématique dans les différents gé-nomes, montre que l’évolution des verté-brés terrestres s’est accompagnée parune perte progressive des gènes codantpour les protéines de la zone pellucide.La fécondation a lieu ex vivo chez lespoissons, alors qu’elle a lieu dans lesvoies génitales femelles chez lesmammifères. Une sorte de « relâche-

ment » de contrainte de la barrière zygo-tique pourrait expliquer cette perte degènes de la zone pellucide chez les verté-brés terrestres, chez lesquels unebarrière d’espèces comportementaleserait apparue au cours de l’évolutionpour permettre la saillie de la femellepar le mâle.

Contact: Philippe [email protected] de la Reproduction et des Comportements(UMR 6175 - INRA/CNRS-Université de Tours/HarasNationaux)

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L’arbre de la vie, montrant les relations entre tous les êtres vivants connusprésents sur Terre. Les vertébrés font partie d’une infime partie des animaux quicomportent énormément d’autres espèces comme les insectes, les mollusquesetc. L’origine ancestrale commune à l’ensemble des espèces vivantes n’est pourle moment qu’une hypothèse. Avant les programmes de séquençage, l’arbre dela vie était établi sur la base des caractéristiques morpho-fonctionnelles desindividus. L’arrivée des données de séquences a modifié en profondeur certainesparties de l’arbre, notamment chez les animaux invertébrés. Cela signifie qu’unarbre reste une hypothèse de travail, modifiable dans le temps en fonction dedonnées moléculaires nouvelles, et/ou de la découverte de nouvelles espèces.MA : Millions d’années.

Lien entre la classification et la phylogenèse des espèces animales. Laclassification hiérarchique est indiquée par les ramifications de plus en plusprécises des arbres phylogénétiques au cours de l’évolution. L’arbrephylogénétique illustré ici schématise les relations possibles entre certainstaxons de l’ordre des Carnivores, qui relève de la classe des Mammifères. Danscet arbre phylogénétique, chaque nœud représente un ancêtre commun. Parexemple, le premier nœud en partant du bas représente l’ancêtre (aujourd’huidisparu) des carnivores. Le nœud qui est à la base des mustélidés et descanidés représente l’ancêtre de ces deux familles etc.Figure reproduite à partir de “Biologie”, 2ème édition de Campbell et Reece, © ERPI 2004.

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> Environnement

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Dans le cadre des actions menéespendant l’Année Polaire Internationale,le programme International MEOP(Mammifères marins Explorateur desOcéans d’un Pole à l’autre) implique desscientifiques de neufs pays (Afrique duSud, Australie, Brésil, Canada, États-Unis, France, Grande Bretagne, Groën-land, Norvège) qui partent chaque annéeen arctique et antarctique équiperplusieurs espèces de phoques d’unenouvelle génération de balises Argos.Simultanément au suivi du trajet en merdes phoques équipés, ces balises col-lectent lors de leurs plongées conti-nuelles et profondes (jusqu’à 2000 m)des données précises sur la températureet salinité (T/S).Ces observations sont particulièrementprécieuses dans l’Océan Austral, où s’ef-fectue l’essentiel des échanges d’eauet de chaleur avec les océans voisins etl’atmosphère. Ceci confère à cette vasteétendue marine un rôle fondamentaldans la régulation du climat mondial,mais l’Océan Austral reste l’une desrégions les moins accessibles et les bienmoins connues de notre planète.

Des données océanographiques et écologiquesSur la période 2007-2009 ce sont 201phoques, appartenant à quatre espècesdifférentes, qui ont ainsi été équipés etqui ont permis l’acquisition de plus de70000 profils T/S. La contribution duCentre d’Etudes Biologiques de Chizé àcet effort est considérable et ce ne sontpas moins de 45 éléphants de mer àKerguelen et 15 phoques de Weddell enTerre Adélie qui ont ainsi été équipéspermettant la transmission d’environ20000 profils. MEOP représente à cejour 98 % des profils T/S disponiblespour la zone de banquise antarctique.Ces données permettent d’étudier lavitesse de formation de la banquise ensuivant l’augmentation de la salinité liéeau sel rejeté lors de la formation de laglace de mer. Elles ont aussi contribuéà la description synoptique de la circu-

lation complexe de l’Océan Austral.En plus de collecter ces précieusesdonnées océanographiques, MEOP apermis de mieux comprendre les stra-tégies alimentaires de ces grands plon-geurs. Les zones de pêche favorables deséléphants de mer ont été identifiées àpartir d’un ensemble d’indices compor-tementaux liés à la vitesse horizontalede déplacement, au temps efficacepassé au fond des plongées, et enévaluant le taux de dérive passive d’ani-maux lors des plongées de repos. Ce tauxde dérive dépend de l’état d’engraisse-ment des individus, qui auront d’autantplus tendance à flotter qu’ils seront gras.À l’inverse, lorsqu’ils maigrissent leséléphants de mer verront leur densitéaugmenter et auront alors tendance àcouler.Ces informations combinées auxdonnées océanographiques fournies par

Eléphant de mer mâle équipéd’une balise Argos CTD quitransmettra les données de

positions et les profils detempérature et salinité

pendant les 8 mois du voyageen mer post-mue et précédant

la reproduction.

Les éléphants de mer sontcapturés au moyen d' un sacde tête en forme de cône quiles aveugle et leur bloque la

mâchoire le temps qu'ilssoient anesthésiés au moyend'une injection dans la veine

péridurale au bas du dos.L'injection faite, moins de

deux minutes serontnécessaires pour quel'éléphant de mer soit

totalement immobilisé etpuisse être manipulé (pesé,

mesuré et équipé de sabalise).

LLeess éélléépphhaannttss ddee mmeerr,,prédateurs et Océanographes Déterminer le climat de la planète et son évolution impose d’effectuer des mesures in situ de température et desalinité des océans. En réponse au déficit de mesures dans les océans polaires, les données obtenues par lesphoques équipés de balises Argos viennent efficacement compléter, en temps réel et à moindre coût, les bases dedonnées océanographiques pour être assimilées dans des modèles océans-climat.

© JB PON S / CEBC-CNRS

© M. VIVIANT / CEBC-CNRS

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les balises et complétées par les donnéessatellites permettent d’identifiercomment les conditions océanogra-phiques structurent les champs de proiesde ces phoques. Il a ainsi été montré queles éléphants de mer adoptent des stra-tégies bien précises pour rechercher leurnourriture. Deux grandes catégories d’ha-bitats favorables ont été identifiées. Lapremière, privilégiée par les mâles,concerne les plateaux continentaux deKerguelen et Antarctique. Lorsqu’ils ré-sident dans ce dernier, les mâles de-meurent sur le plateau malgré desconcentrations de glace estimées à100 %. Cela pose la question descomportements adoptés pour parvenirà trouver des fissures dans la banquisepour respirer et se déplacer. Des femel-les vont aussi en Antarctique mais ellesconcentrent leur activité de pêche enbordure de banquise en suivant sonextension saisonnière. Lors de leur séjourles éléphants de mer ciblent les eaux lesplus froides, voisines de -2 °C à 200 m.Alors que le point de congélation deseaux de surface est de -1,8 °C, laprésence de ces eaux implique qu’il yait une source locale de refroidissementen profondeur, révélant la présence deglaciers ou d’icebergs.Le second habitat privilégié par lesfemelles adultes et les juvéniles des deux

sexes correspond aux tourbillons cyclo-niques de la zone polaire frontale situéeen milieu subantarctique.

Évaluer la productivité biologique del’Océan Austral.Les écosystèmes marins polaires sontconsidérés comme étant parmi les plussensibles aux effets des changementsclimatiques, avec des résultats contra-dictoires sur l’évolution de la producti-vité de l’Océan Austral. Dans le cadredes actions menées par le CEBC pendantl’Année Polaire Internationale, une inno-vation technologique très importante futl’incorporation en 2007 d’un mini-fluo-rimètre au sein de la balise miniaturi-sée. Cette nouvelle balise a été déployéepour la première fois sur 10 éléphantsde mer de Kerguelen. Ce capteur de fluo-rescence permet d’évaluer la concen-tration en phytoplancton (productionprimaire) des milieux visités par lesanimaux. Ces mesures représentent unapport considérable. En effet, dansl’Océan Austral, du fait du brassagepermanent exercé par le vent, le maxi-mum de concentration du phytoplanc-ton n’est pas toujours observé à la surfacecomme en zones tempérées ou tropica-les, mais l’est à des profondeurs géné-ralement comprises entre 30 et 100 m.Par ailleurs la couverture nuageuse

importante et la présence de banquiselimitent considérablement l’observationà partir des satellites. Ces données inédi-tes devraient rendre possible une évalua-tion plus fine des quantités de carbonefixées par le phytoplancton dans ledomaine austral. Elles permettront égale-ment de préciser la distribution du phyto-plancton de l’Océan Austral et de façonultime de mieux comprendre l’impactdes variations du climat sur la produc-tivité biologique et, en dernier ressort,sur la démographie de ces prédateurssupérieurs.

Qui aurait pu prévoir que les éléphantsde mer deviendraient de si précieux alliésdans notre quête pour comprendrel’océan et le climat mondial?

Contact: Christophe [email protected]

Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

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Profils de températures collectés lors des plongées continues effectuées par un jeunemâle éléphant de mer. Ces profils ont été interpolés le long du trajet aller-retour entreKerguelen et l’Antarctique de mars à juin 2004. Les températures alors collectéespermettent de visualiser le refroidissement saisonnier affectant la couche d’eau desurface, particulièrement en zone antarctique où se forme la banquise.

Données collectées par un éléphant de mer équipé d’une nouvelle génération de balises CTD-Fluorescence du Sea Mammal Research Unit développées en collaboration avec le CEBC. Cette portionprésente le trajet effectué par un éléphant de mer de Kerguelen sur la période janvier-avril 2009 entreKerguelen et l’Antarctique (a). La distribution de la densité de l’eau de mer en fonction de la profondeur(b) a été obtenue à partir des données de température et salinité fournies par la balise. Grâce auxdonnées de fluorescence mesurées sur les 180 premiers mètres de profondeur (zone euphotique) ondéduit la concentration en chlorophylle-a (ìg/l ; c). Les taux de chlorophylle-a (μg/l) sont maximaux à labase de la couche de mélange, là où la variation verticale de la densité est maximale

a) b) c)

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> Environnement

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Le projet de recherche SACRE « Suivides Altérations, Caractérisation etRestauration des monuments en pierrecalcaire », financé par la Région Centrepour trois ans, est mené par le CRMD encollaboration avec l’Institut Pluridisci-plinaire de Recherche en Ingénierie desSystèmes, Mécanique, Énergétique(PRISME), le Domaine national deChambord et le Laboratoire de Recher-che des Monuments Historiques(LRMH). Ce projet vise l’étude in situ dela pierre et la caractérisation de son alté-ration naturelle, puis la caractérisationde la pierre altérée artificiellement aulaboratoire. Ce projet inclut la réalisa-tion d’un modèle numérique en troisdimensions de l’ouvrage, qui permettrade simuler l’altération. Il fournira un outild’aide au diagnostic, à la conservationpréventive, et à l’établissement d’unéchéancier des restaurations, pourpréserver un monument majeur : lechâteau de Chambord.

Le château de Chambord a près de 500 ansEn 1519, François Ier, roi de France, fitconstruire le château de Chambord aumilieu de la forêt, pour satisfaire sapassion de la chasse. Un habitat gaulois,puis un castel médiéval construit par lescomtes de Blois s’y étaient succédésavant la construction grandiose dumonarque. Au cours des siècles, lechâteau n’eut de cesse d’être admiré etétudié malgré son état d’altération néces-sitant de nombreux travaux de restau-ration. Un examen exhaustif des archivesindique la nature et l’emplacement despierres remplacées lors de travaux derestauration ainsi que leurs dates de miseen œuvre. Elles permettent de mieuxconnaître le passé du monument. Cepen-dant, leur nature souvent lacunaire rendcette tâche particulièrement délicate.

Le vieillissement naturelLe tuffeau est la pierre qui a servi pourla construction de nombreux monumentsde la région Centre, dont les célèbreschâteaux de la Loire. Cette pierre est trèsporeuse (porosité autour de 48 %),tendre (résistance à la compression de12 MPa à l’état sec à comparer à 30 à40 MPa pour le béton) et fragile face auxconditions environnementales. Lephénomène d’altération le plus marquantest la desquamation en plaques. Aucours du temps, une plaque de quelquesmillimètres ou centimètres se forme à lasurface de la pierre et se détache peu àpeu pour laisser à nu une pierre pulvé-rulente. Les mécanismes à son originesont encore mal connus.

Ce phénomène de dégradation est lié àla nature de la pierre (composition miné-ralogique, morphologie du milieuporeux), aux conditions climatiques(pluie, froid, soleil, vent, pollutionatmosphérique,…), à la morphologie dubâtiment (sculptures, façades, cor-niches, balcons, encadrement de fe-nêtres,…) et à l’exposition (faces Nord,Est, Sud, Ouest vis-à-vis des phéno-mènes météorologiques, parties bassesvis-à-vis de l’influence du sol).L’étude de la durabilité du matériau sefait en parallèle de celle des conditionsenvironnementales. Des appareils demesures météorologiques ont été instal-lés sur la tour du Chaudron qui est laplus altérée du château et soumise à desvariations climatiques d’une grandeamplitude. La station météorologiqueinstallée sur la tour mesure la tempéra-ture et l’humidité relative de l’air, lapluviométrie et la vitesse du vent. Descapteurs de température et d’humiditérelative suivent les valeurs des paroisextérieures, au Nord et au Sud de la tour,à des hauteurs et profondeurs diffé-rentes. Ces installations enregistrerontles variations climatiques que subit lechâteau au cours de l’année et permet-tront d’évaluer le lien entre altérationset conditions environnementales.De plus, il est nécessaire d’observer lamorphologie des altérations par uneanalyse d’échantillons de pierre alté-rée. Couplée aux analyses des archiveset des données météorologiques, lacaractérisation complète des modifica-tions physico-chimiques provoquées parl’altération apportera une meilleure

UUnn ccaarrnneett ddee ssaannttéépour le château de ChambordParmi les richesses culturelles, le patrimoine architectural exige un devoir de conservation et de protection. Sasauvegarde nécessite l’étude de nombreux matériaux de construction, en particulier les pierres en œuvre. Une équipede recherche du Centre de Recherche sur la Matière Divisée (CRMD – UMR 6619 CNRS/Université d’Orléans) seconsacre à l’étude de la durabilité des matériaux dans leur environnement.

Exemple d’altération enplaque sur le mur en tuffeau

de l’aile Sud

© BADOSA Sarah / CRMD-CNRS / Domaine national de Chambord

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connaissance de l’amplitude de l’alté-ration, de sa vitesse de développementet des agents responsables de son appa-rition.

Le vieillissement accéléré enlaboratoireLes données météorologiques récoltéesseront analysées en même temps quecelles recueillies depuis des dizainesd’années dans la région Centre et auxalentours du château. L’étude statistiqueainsi réalisée définira des conditionstypes en termes de variation de tempé-rature et d’humidité. À partir de cesconditions, un protocole de vieillis-sement sera élaboré et des essais devieillissement accéléré seront réalisés au

CRMD. Ce vieillissement artificiel seraappliqué à du tuffeau sain afin de repro-duire en laboratoire les altérations obser-vées sur site. La comparaison desmorphologies d’altération obtenues aulaboratoire, où les paramètres environ-nementaux sont contrôlés, avec lesmorphologies d’altération naturellespermettra de comprendre leurs méca-nismes de formation et d’en estimer lavitesse. Grâce à ces expérimentations,un modèle numérique sera créé pourprédire plus finement les cinétiques devieillissement de la pierre in situ.

L’outil numérique au secours dupatrimoineL’outil numérique est précieux pour

établir un modèle du monument, ainsique pour la mise en place d’une basede données regroupant tous les élémentsrelatifs à la construction, aux restaura-tions et altérations. Il aboutira à un logi-ciel d’aide à la décision pour les conser-vateurs et fournira une aide audiagnostic et à la conservation préven-tive du monument.À l’issue de ce projet, les résultats obte-nus seront valorisés auprès du grandpublic par la mise à disposition d’uneversion simplifiée et interactive du logi-ciel.

L’élaboration du carnet de santé duchâteau de Chambord constitue la basedu projet, permettant d’effectuer un suivirégulier de l’état d’altération du châteauet aussi d’anticiper les futurs travauxde restauration : il est nécessaire deconnaître le passé, d’observer le présentafin de prévoir l’avenir!

Contacts:Muzahim [email protected] [email protected]évin [email protected] [email protected]

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Echantillon de tuffeau avant et après un essai de vieillissement accéléré en enceinte climatique, par 90cycles d’humidité relative variant entre 20% et 98% en 24h, la pierre étant saturée initialement par unesolution de chlorure de sodium à 100 g/L.

La tour du Chaudron etl’installation desappareils de mesuresenvironnementales

© C

RM

D-C

NR

S

© BADOSA Sarah / CRMD-CNRS / Domaine national de Chambord

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> Environnement

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CO2 naturel et industrielDans la planète, le CO2 est naturel-lement associé en profondeur aux rochesdu manteau et de la croûte terrestre infé-rieure. Plus superficiellement, il estproduit par des réactions minérales ouorganiques dans les bassins sédimen-taires. En profondeur, le CO2 est dissoutdans les magmas ou s’accumule dansdes roches réservoirs. Le CO2 profondpeut être émis en surface lors des érup-tions volcaniques ou sous forme dissoutedans des sources carbo-gazeuses.Avec le développement industriel au19ème siècle, le CO2 d’origine anthro-pique s’est ajouté aux flux naturels dece gaz. Or le CO2 est un gaz à effet deserre, il absorbe la chaleur du soleil.L’augmentation continue de la concen-tration atmosphérique en CO2 a entraînéun accroissement de la température duglobe. Le CO2 est le gaz à effet de serrequi a le plus d’impact sur le réchauf-fement climatique (il y contribue pour60 %). De plus, son augmentation dansl’atmosphère est principalement due àl’utilisation de combustibles fossiles dontles perspectives de consommation sonttoujours croissantes.À moyen terme, les différentes mesurespour atténuer le réchauffement clima-tique sont entre autres d’augmenter lerendement énergétique des usines, dedévelopper l’énergie nucléaire et lesénergies renouvelables, les combustiblesà moindre teneur en carbone, de « recy-cler » le CO2 émis par les usines dansl’industrie, de le capter et le stocker (CCSen anglais, « CO2 Capture and Storage »).

Captage et stockage du CO2 (CCS)Les premières études de faisabilité duCCS ont fait l’objet de deux projets inter-nationaux, Joule II (1993-1995) et Task

1 (1991-1994) et depuis, de nombreuxprojets pilotes ont été effectués afin d’af-finer les connaissances dans ce domaineet de connaître les potentialités de cettetechnique.Le CCS implique trois domaines d’in-tervention: le captage du CO2 à l’usineoù il est produit, le transport du gazdepuis la source émettrice jusqu’à lazone de stockage, et enfin le stockagesouterrain.Trois options ont été envisagées pour lestockage profond du CO2: la carbonata-tion minérale (réaction du CO2 avec dela chaux, des oxydes métalliques pourformer des carbonates), le stockage océa-nique (sous forme liquide à très grandeprofondeur ou piégé dans des cages deglace, les clathrates), et le stockagegéologique.Le stockage géologique consiste à injec-ter le CO2 en profondeur dans un réser-voir constitué d’une roche poreuse scel-lée par une couche imperméable, en vuede le conserver éloigné de l’atmosphère.

Un des points essentiels dans le stoc-kage géologique est l’étanchéité du piègesur le long terme (plusieurs siècles, millé-naires).

Montmiral, un site naturel analogue austockage souterrain du CO2

Une des approches reconnues pourévaluer les risques à long terme du stockage souterrain est l’étude d’analo-gues naturels, afin de mieux identifieret comprendre les facteurs favori-sant/défavorisant la stabilité d’un piègesur des durées géologiques (supérieuresau million d’années). C’est dans ce cadrequ’ont été initiées plusieurs études surle forage de Montmiral (V.Mo.2), issuesde collaborations entre le BRGM et sonhomologue anglais, le British GeologicalSurvey, puis avec la participation de l’Ins-titut des Sciences de la Terre d’Orléans(ISTO – CNRS/Universités d’Orléans etTours) et de TOTAL. Ce forage, implantédans le Bassin de Valence à 40 km àl’est de Grenoble, traverse des niveaux

OOùù ppiiééggeerr llee CCOO22 ??La réduction des émissions de dioxyde de carbone - CO2 - lié à l’activité humaine est un des enjeux industriels etenvironnementaux de ces dernières années pour freiner le réchauffement climatique. Une des options envisagées pourlimiter les rejets de CO2 industriel dans l’atmosphère est le stockage souterrain pendant plusieurs milliers d’années.

Les différents scénarios envisagés pour limiter les émissions de CO2 industriels (CO2-CRC)

© BRGM

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réservoirs de CO2 naturel. Le site appar-tient à la province carbo-gazeuse fran-çaise, constituée d’accumulations natu-relles de CO2 dans des réservoirsprofonds et jalonnée de sources d’eauxcarbo-gazeuses.V.Mo.2 atteint une épaisseur totale de2480 m et les roches réservoirs sontsituées à sa base, dans les grès du Trias,les calcaires du Rhétien et à la base descalcaires de l’Hettangien. Les fluidespiégés contiennent environ 97 % envolume de CO2. Ce forage carotté sur101 m permet donc d’accéder à la foisaux roches et aux fluides profonds.Pour étudier la stabilité du site géolo-gique de Montmiral et détecter les paléo-fuites de fluides, l’ISTO et le BRGM ontsupposé que le CO2 migrait principale-ment par les fractures. L’étude a doncété focalisée sur ces objets et a fait appelà diverses disciplines des géosciencestelles que la minéralogie (microscopieoptique, fluorescence, cathodolumines-cence, Microscope Electronique àBalayage, Raman), la chimie (micro-sondes électronique et nucléaires), lamodélisation géochimique, les inclusionsfluides (micro-cavités de fluides piégésdans les cristaux pendant ou après leurcroissance), les isotopes stables (δ18O,δ13C), et les mesures de gaz des sols.Les travaux ont porté principalement surles fractures recoupants le forage, carelles matérialisent probablement le prin-cipal mode de migration du CO2. Les résultats de ces travaux montrentque:

Le CO2 est principalement d’origineprofonde. Le réservoir sédimentaire aété alimenté par un fluide très chaud(>300 °C), initialement aquo-carbo-nique et qui s’est séparé en deuxphases, avec migration ascendante dela phase carbonique mobile et moinsdense. Le remplissage en CO2 du réser-voir de Montmiral s’est fait sous uneépaisse couverture sédimentaire,probablement à partir du Crétacé Infé-rieur (~100 millions d’années). L’in-teraction du CO2 avec les grès du Triasaurait entraîné la dissolution desfeldspaths potassiques.Le CO2 piégé dans les niveaux du Trias-

Sinémurien est resté confiné sousd’épaisses formations marneuses endessous de 2000 m. Ces marnes ontassuré l’étanchéité du réservoir, ycompris pendant l’histoire pyrénéo-alpine. La stabilité du réservoir deMontmiral est également due à la struc-turation en blocs du bassin de Valenceet de son socle limités par des faillesjouant le rôle de barrières latérales.

Il apparaît donc nécessaire pour choisirles futurs sites de stockage en domainesédimentaire de multiplier les étudescombinées sur les carottes et les flui-des de forage et de surface. Il s’agit detester quels réservoirs actuellement étanches le sont restés au cours destemps géologiques. Des mesures de labo-ratoire sont parallè-lement nécessairespour interpréter lesétudes de réservoirsnaturels: par exem-ple, il reste àcomprendre endétail la façon dontle CO2 se comporteau contact avec lessurfaces minérales à

pression et température variables.De nouveaux sites de stockage commeles mines de charbon sont actuellementen cours d’études à l’ISTO, en collabo-ration avec le BRGM et d’autres parte-naires.

Contacts: Yolaine [email protected] [email protected]

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Localisation et contextegéologique du réservoirde CO2 de Montmiral,analogue naturel austockage souterrain. Adroite coupe lithologiquedes formations rocheusestraversées par le forageV.Mo.2.

Minéraux et inclusions fluides dans le socle sous-jacent, témoins de laphase d’alimentation du réservoir en CO2 : Microphotographies en lumièrenaturelle, montrant le quartz en périphérie et l’apatite au centre (a) quipiègent des microinclusions de fluides aquo-carboniques en fractures (c).(b) Image de cathodoluminescence irradiée par un faisceau d’électrons,l’apatite (phosphate de calcium riche en terres rares) luminesce fortement.

© B

RG

M

© BRGM

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> Biologie

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Hors série > Microscoop / Numéro 18 – novembre 2009

Les cibles de nouveaux médicamentsLes canaux ioniques sont des acteursfondamentaux de la physiologiehumaine grâce à leurs rôles dans letransport des ions à travers les mem-branes plasmiques (membrane entou-rant une cellule) et intracellulaires detoutes les cellules. Ils interviennent parexemple dans les processus de sécré-tion-absorption dans un épithélium lorsde la digestion ou au cours de la respi-ration, dans la conduction d’un messagenerveux et d’une transmission synap-tique, dans la réactivité musculairecontrôlant la contraction et la relaxationet dans le maintien du potentiel

membranaire. Sur les 6000 à 8000cibles d’intérêt pharmacologique iden-tifiées dans le génome humain en 2002,les canaux ioniques constituent une descibles privilégiées des médicaments,représentant par exemple la cible d’unpeu moins de 15 % des molécules théra-peutiques biologiques sur le marchéaméricain. Les canaux ioniques sontimpliqués dans un nombre croissantde maladies regroupées sous le termede canalopathies. On distingue descanalopathies musculaires (myotonies,paralysie musculaire), cardiaques(syndrome de Brugada, syndrome congé-nital du QT long, troubles de la conduc-

tion cardiaque), nerveuses et senso-rielles (épilepsie, maladie de Startle,maladie de Best), épithéliales (muco-viscidose, maladie de Dent, syndromede Bartter). Des solutions thérapeu-tiques pour ces maladies peuvent ainsiémerger grâce à des approches phar-macologiques orientées vers les diffé-rentes familles de canaux ioniques.Parmi elles, les canaux chlorure repré-sentent des cibles thérapeutiquesencore incomplètement exploitées auniveau moléculaire et pharmacologiquemais dont l’étude devrait permettre àterme d’apporter des pistes thérapeu-tiques nouvelles pour des patients

CCaannaauuxx iioonniiqquueesset criblage de molécules bioactives

Installation robotiséecapable de réaliser desprélèvements avec 96aiguilles.

Les canaux ioniques interviennent dans le transport des ions entre les différents compartiments intracellulaires etentre cellules. Les scientifiques démontrent de plus en plus l’implication de ces canaux dans un certains nombre depathologies. De futurs traitements thérapeutiques sont en cours de mise au point dans les laboratoires pour viser cescanaux et ainsi traiter les pathologies correspondantes.

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atteints de pathologies variées (muco-viscidose, choléra, myotonies congéni-tales de Thomsen et de Becker, maladiede Best et dystrophie maculaire, maladiede Dent et syndrome de Bartter, épilep-sie maladie de Startle).

La recherche académiqueDepuis les années 2000, certains labo-ratoires académiques (Universités,CNRS, etc.) se sont engagés dans unsecteur traditionnellement réservé à l’in-

dustrie pharmaceutique, lié à la miseen place de tests cellulaires robotisésde biomolécules sur des modèles physio-pathologiques. Pourquoi ? Dans larecherche de biomolécules thérapeu-tiques, une des difficultés de la re-cherche publique est d’être capable deporter une molécule au niveau desexigences requises par les organismesde régulation comme l’agence du médi-cament en Europe et par les industrielsdu secteur pharmaceutique. L’Institutde Physiologie et Biologie Cellulaires àPoitiers (IPBC – CNRS/Université dePoitiers) est entrée dans cette approchestratégique en développant une station

de criblage robotisée dans le domainedes canaux chlorure. En collectant desoutils, des molécules, des modèlescellulaires et/ou animaux, le laboratoires’est engagé dans la recherche de molé-cules pouvant conduire à une approchethérapeutique de la mucoviscidose(cible : CFTR « cystic fibrosis trans-membrane conductance regulator ») etd’autres pathologies liées à des anoma-lies, génétiques ou non, des canauxchlorure. Plusieurs axes sont suiviscomme la recherche de moléculesmodulant l’adressage des protéines, larecherche de modulateurs de fonctiondes protéines ou de modulateurs destransports ioniques. De plus, en se posi-tionnant à l’interface entre biologie etchimie de synthèse organique l’IPBCespère créer des synergies entre cesdeux secteurs pour avoir accès conjoin-tement à de nouvelles voies de signali-sation, à de nouveaux mécanismes d’ac-tion et à des collections de moléculesvia des bibliothèques de molécules(encore appelées chimiothèques) d’ori-gine commerciale ou constituées pardes laboratoires académiques de chimieorganique. Plus spécifiquement dans sarecherche sur la mucoviscidose, lesmolécules sont testées au laboratoiresuivant des protocoles mis au point pourpermettre l’identification de correcteurset d’activateurs des différentes classesde protéines CFTR mutées. Le testprimaire de criblage est basé sur lamesure des flux ioniques sur cellules enculture. Un catalogue d’outils et de peti-tes bibliothèques de molécules estprogressivement créé. Les premièresmolécules issues de cette rechercheémergent progressivement du pipelinedu laboratoire, dont l’une, le Miglustatfait l’objet d’une évaluation clinique encours chez des patients atteints demucoviscidose. Le plateau technique del’IPBC s’ouvrira progressivement versd’autres partenaires académiques etindustriels.

Une position clé dans la recherche« translationnelle »L’Institut de Physiologie et BiologieCellulaires se positionne également dansle secteur dit de la recherche « transla-tionnelle », qui se définit comme l’ap-plication de découvertes scientifiquesfondamentales à la recherche cliniqueet, parallèlement, comme la productionde questions scientifiques fondées surles observations effectuées sur l’êtrehumain. La recherche académique peutainsi devenir un des acteurs privilégiésde la recherche « translationnelle », enparticulier dans le domaine du médi-cament car elle dispose des savoirs, desoutils nécessaires, des méthodologies,des compétences scientifiques et de l’in-dépendance nécessaire que lui confèreson appartenance au secteur publique,requise vis-à-vis du monde industriel,lui permettant de répondre progressi-vement aux critères évoqués ci-dessus.

Contact: Frédéric [email protected]

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Localisation normale de la protéine CFTR (en vert) dans la membrane apicale descellules polarisées (coupe horizontale : photo CF15miglu 23j 05, coupe verticale :CF15miglu 23j 05xz)

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La surface de Mars est inhospitalière.Elle est soumise à des doses de radia-tion qui assurent une mort certaine etelle est balayée par des vents transpor-tant des produits oxydants. Alors pour-quoi y chercher des traces de vie? Laraison est simple : il fut un temps oùMars était aussi hospitalière que la Terreprimitive. De l’eau y coulait en abon-dance avec d’autres éléments essentielsà la vie: carbone, hydrogène, oxygène,phosphore et sulfure, des nutrimentset des sources d’énergie. Selon les hypo-thèses sur les origines de la vie, lorsqueces ingrédients sont réunis, la vie peutapparaître n’importe où dans l’univers.Donc, trouver une deuxième genèseconfortera ces hypothèses.

À la recherche de bactéries martiennesLa recherche des plus anciennes tracesde vie étant une spécialité du grouped’Exobiologie de l’Observatoire de Scien-ces de la Terre et de l’Univers en régionCentre (l’OSUC), cette équipe a une idéede ce qu’il faudra chercher sur Mars -des microorganismes unicellulaires

telles que les bactéries - et des tech-niques à utiliser. L’OSUC est impliquédans la mission ExoMars grâce à uneproposition pour deux instruments quia été acceptée par l’ESA en 2004: unecaméra rapprochée (le Close Up Imager,CLUPI) et un microscope. En prépara-tion de la mission, les instruments d’ob-servation et d’analyse doivent êtreétalonnés en utilisant une gamme deroches et de sols censée être représen-tative de ce que l’on peut attendre surMars. Les exobiologistes orléanais cons-tituent une lithothèque de roches analo-gues de Mars qui servira pour la missionExoMars. Hébergée actuellement auCBM, cette lithothèque qui ne cessede s’agrandir sera prochainementimplantée à ISTO.

Une île qui ressemble à MarsS’il est nécessaire de tester les instru-ments en laboratoire, il faut égalementles tester sur le terrain. L’un des endroitschoisi par l’ESA pour tester les instru-ments est Svalbard, une île située à unelatitude de 80° nord, entre la Norvègeet les glaces de l’arctique. Pourquoi cetendroit perdu et (presque) inhospitalier?Depuis plusieurs années la NASA y testeles instruments de sa prochaine missionmartienne, Mars Science Laboratory(MSL) qui partira en 2011. L’intérêt deSvalbard, outre le fait qu’il y fait froid(ce qui permet de tester les appareils àdes températures proches de celles deMars), repose sur la présence de rocheset de sols semblables à ceux de Mars:des roches volcaniques, des anciensvolcans, et des sols très friables. De plus,la Norvège assure un support logistique

sous la forme du gîte, un bateau (leLance), et du couvert, avec de la bonnecuisine norvégienne aidant à luttercontre les conditions environnementalesquelque peu extrêmes.

Une mission internationaleCette année la mission AMASE (ArcticMars Analog Svalbard Expedition) aréuni plusieurs équipes internationales;certaines en charge de la caméra hauterésolution (équipes de la missionExoMars), de la caméra panoramiquePanCam (équipes du DeutschesZentrum für Luft und Raumfahrt, leCentre Allemand pour l'Aviation et laNavigation Spatiale, du JoanneumResearch en Autriche et de l’UniversityCollege de Londres), du radar WISDOM(équipe du Forsvarets Forskningsinsti-tutt en Norvège) et du spectromètreRaman (RAMAN group, Université deValladolid en Espagne). Une caméraavec des performances assez similairesà celles du close up imager (CLUPI) aété emmenée, car la maquette de l’ap-pareil n’était pas disponible pour cetteexpédition. Pour arriver sur l’endroitchoisi pour les tests, les chercheurs ontdû dans un premier temps se vêtir decombinaisons protectrices pour rejoin-dre la terre ferme (sans protection, 2minutes suffisent pour mourir dans leseaux glaciales de l’Océan arctique).Ensuite a suivi la pénible montée sur lespentes abruptes du volcan éteint, revê-tues d’une couche de roche friable etnon consolidée où les personnes glis-saient d’un pas en arrière tous les deuxpas en avant. Tous étaient de plus lour-dement chargés avec des sacs à dos

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> Dossier Astro

Vue aérienne de l'ile deSvalbard

DDuu PPôôllee NNoorrdd àà MMaarrssBien que les conditions environnementales de Mars aient été clémentes dans sa jeunesse, elles se sont ensuitedétériorées. La vie, si elle était présente, a dû se refugier sous la surface. Comment étudier d’éventuelles traces devie actuelle ou des vestiges d’une vie passée ? Ce défi sera relevé en 2018 par la mission ExoMars de l’AgenceSpatiale Européenne (ESA), durant laquelle un robot analysera les roches et les sols martiens à la recherched’éventuelles traces de vie.

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remplis de vêtements chauds pour seprotéger du froid car, une fois arrivés,ils restaient sur place sous un ventglacial pendant six heures ou plus afinde réaliser les travaux. Il y avait éga-lement les fusils qu’il fallait porter, unpour trois personnes, afin de se proté-ger des ours polaires qui trouvent peuà manger en été.

Un endroit magiqueLa beauté de ces terres sauvages coupele souffle. Même sous un ciel bas, lescouleurs de la roche volcanique noirecontrastent avec le vert vibrant desmousses et le mauve des fleurs minus-cules. Les pics sont impressionnants:Svalbard est aussi connu sous le nomallemand de Spitzbergen, « les mon-tagnes à pic ». Des glaciers à perte devue s’insinuent entre les pics. Curieuxrésultat de l’activité volcanique, dessources chaudes émergent sous desglaciers et laissent à leur pied des ter-rasses aussi étonnantes que celles duParc de Yellowstone.Même s’il est difficile de ne pas regar-der autour, il faut se concentrer sur letravail. Plusieurs heures sont nécessairespour monter la PanCam et la mettre enmarche. Pendant ce temps, on peutregarder et interpréter le contexte géolo-gique avec des yeux de géologue etphotographier les roches cibles pour lescaractériser. Le Raman portable analyseleur minéralogie et, sur le bateau, lesinstruments de laboratoire utilisés lors

de la véritable mission martienne réa-lisent des mesures de compositionélémentaire et moléculaire. Les cher-cheurs veulent comprendre si la roches’est formée dans des conditions favo-rables à l’émergence de la vie et si ellepourrait encore abriter des organismes.

Des résultats concluantsAvec toutes ces données, l’équipe adémontré que ces roches contenaientdes traces de vie. Dans ce désert polaire,il n’est pas surprenant que ces rochesvolcaniques soient peuplées d’orga-nismes microscopiques. Simplement enmarchant dans le glacis du volcan, uneodeur de moisi se dégage. Les microor-ganismes trouvent facilement des nutri-ments et se protègent contre le froiddans les myriades d’interstices de laroche friable. Les instruments ont souffert du froid, laPanCam ne répondait plus aux instruc-tions informatiques et les dernièresmanipulations étaient effectuéesmanuellement. Ces problèmes permet-tront d’améliorer les instruments afind’éviter que de tels désagréments nese produisent sur Mars. Au final, lesrésultats obtenus se sont avérés trèsconcluants, les instruments ayantpermis des analyses géologiques trèsdétaillées.

Contact: Frances [email protected]

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Le team CLUPI et Raman sur les pentes du volcan

Equipe du PanCam au travail à Svarlbard.Vue de la tête de la caméra panoramique (Pan Cam) utilisée sur le volcan de Svarlbard.

Le Lance, gîte norvégien des équipes de recherche

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Des étoiles très particulièresLes pulsars sont des étoiles à neutrons.Leur densité avoisine celle d’un noyaud’atome, pesant plus que le Soleil pourun diamètre d’une vingtaine de kmseulement. A sa naissance, ayantconservé l’énergie de rotation de sonétoile progénitrice, un pulsar tournecomme une toupie effectuant jusqu’àune cinquantaine de tours par seconde.Cette rotation rapide, associée à un trèsfort champ magnétique, provoque l’ac-

célération de particules chargées, quià leur tour rayonnent le long d’un fais-ceau colimaté émis depuis les pôlesmagnétiques de l’étoile. Ce faisceaubalaie l’espace comme la lentille d’unphare au bord de la mer et il est vucomme une pulsation par les instru-ments d’observation. Le pulsar ralentitensuite progressivement et son rayon-nement s’arrête lorsqu’il approche l’âgede quelques dizaines de millions d’an-nées. Mais si l’ex-pulsar se trouve encouple avec une étoile, cette dernièrepeut lui donner un bon coup de foueten lui prêtant matière et énergie, etrelancer sa pirouette plus fort quejamais. L’astre, appelé pulsar millise-conde, tourne alors à dix mille tourspar minute, soit un tour en quelquesmillièmes de secondes. Ces pulsars sonttrès stables et quasiment plus rien deles freine. Ils peuvent ainsi continuer àémettre pendant des milliards d’annéeset sont donc les plus vieux pulsars que

l’on observe. Ils représentent moins de10% de la population totale et sont lesplus étudiés.

Les radioastronomes de Nançayprennent le pouls L’équipe pulsar du grand radiotélescopede Nançay réside à Orléans, dans leLaboratoire de Physique et Chimie del’Environnement et de l’Espace(LPC2E), au sein du tout nouvel Obser-vatoire des Sciences de l’Univers duCentre (OSUC). Deux chercheurs perma-nents et deux étudiants et Post-docto-rants y suivent continuellement prèsde 200 objets sur les 1800 pulsarsconnus en radio à ce jour. La spécialitéde cette petite équipe : l’observation despulsars millisecondes, ces pulsars sirapides qu’il faut développer une instru-mentation hors du commun pour arriverà les suivre en temps réel. Des milliersde petits processeurs de carte graphiquesont en effet utilisés pour compter

Un pulsar est le noyau fortement magnétisé qui reste après l’explosion d’une étoile massive. Sa rotation rapide induit lacréation de faisceaux de rayonnement électromagnétique que l’on observe en ondes radio, mais aussi pour certains enrayons X et gamma. Dans ce domaine des hautes énergies, le satellite FERMI, lancé par la NASA en juin 2008, est en trainde révolutionner notre connaissance de ces astres qui n’ont pas fini de nous surprendre.

LLeess ppuullssaarrss ::les objets les plus énergétiques de notre Galaxie

Vue d’artiste de lamagnétosphère d’un pulsar etde son faisceau derayonnement. La boule aucentre est l’étoile à neutrons,les lignes bleues représententles lignes de champmagnétique entourées d’unnuage de particulesaccélérées.

Deux des populations de pulsars nouvellement mises à jour par le satellite FERMI (articles de la revueaméricaine Science, paru en juillet 2009). Sept des huit pulsars millisecondes mentionnés sur la figure ontété détectés exclusivement grâce aux éphémérides produites par l’équipe du radiotélescope de Nançay.

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> Dossier Astro

© NASA

© NASA

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chaque tour de l’objet et corriger leseffets dévastateurs du milieu interstel-laire sur le signal. On est alors capablede dater les pulsations à quelques dizai-nes de nanosecondes (10-9 s) près !Ce type de mesure de chronométrie dehaute précision est très utile pour testernos hypothèses de physique fonda-mentale et valider par exemple les théo-ries de la gravitation comme la relativitégénérale d’Einstein. Mais cela ne s’ar-rête pas là. L’instrumentation pulsar deNançay permet aussi de disséquer lastructure du faisceau radio et de suivreles moindres soubresauts dans la rota-tion de l’étoile. Et ces informations sonttrès utiles pour pouvoir préparer lesobservations à très haute énergie, enrayons gamma par exemple, domainede longueur d’onde où ne nous parvientqu’un photon toutes les 500 rotationspour les pulsars les plus généreux ! Cesobservations sont difficiles à réalisermais permettent de mieux sonder lesmécanismes d’émission complexes quisont en jeu, car c’est dans ce domainequ’un pulsar perd le plus d’énergie.

La clef des processus d’émission :observer les rayons gammaIl y a quelques mois encore seuls sixpulsars émettant dans les hautes éner-gies (domaine du GeV, giga-electronVolt)étaient connus: ceux-ci furent détectéspar l’instrument EGRET du ComptonGamma Ray Observatory à la fin desannées 90. Le Large Area Telescope(LAT) à bord du satellite FERMI est enopération depuis août 2008, après unlancement réussi le 11 juin précédent.Sa plus grande sensibilité a permis enseulement quelque mois de détecterplusieurs dizaines de pulsars, dont plusd’un tiers étaient encore inconnus. Cesnouvelles détections ont pour la plupartété le fruit d’une campagne de suivimulti-longueur d’onde, d’abord en radio,mais aussi en X pour certains candidats.Cette campagne d’observation aregroupé les efforts des équipes pulsarsdes plus grands radiotélescopesmondiaux : Jodrell Bank (Manchester,UK) et NRT (Nançay, FR) pour l’Europe,l’ATNF (Parkes, AU) pour l’hémisphère

Sud, et le GBT (Green Bank, US) et leCSIRO (Arecibo, US) pour l’Amériquedu Nord. La contre partie X est quant àelle conduite avec les satellites RXTE etXMM-Newton. Le radiotélescope deNançay a tiré la part belle dans ce projet,puisque y est suivie avec une granderégularité près de la moitié des meilleurscandidats gamma identifiés, soit un peuplus d’une centaine d’objets. La spécia-lisation de Nançay à l’observation despulsars les plus rapides (millisecondes)a été un atout majeur dans cette campa-gne, de même que les forts liens entre-tenus avec l’équipe Astroparticules duCentre d’Etudes Nucléaires deBordeaux-Gradignan (CNRS-IN2P3/Université Bordeaux 1) en charge de lacoordination des observations multi-longueurs d’onde pour FERMI.

Les résultats du satellite FERMILes Observations de FERMI apportentd’ores et déjà plusieurs résultatsmajeurs. Trois populations distinctes depulsars émetteurs de rayons gammasont observées : des pulsars jeunes etinstables qui émettent à la fois en radioet en gamma (plus de 20 objets décou-vert à ce jour), des pulsars jeunes et trèsénergétiques dont on n’observe que lacomposante gamma (16 objets décou-verts), et des pulsars millisecondes (aumoins 8 specimens), dont on pensaitqu’ils n’émettraient jamais dans cedomaine de longueur d’onde. Tous favo-risent un modèle où l’émission gammaa lieu à haute altitude dans la magné-tosphère externe du pulsar, alors quel’émission radio est plutôt au dessusdes pôles, plus proche de la surface del’étoile. FERMI apporte donc enfin lastatistique suffisante en terme de popu-

lation, pour comprendre et contraindreles processus d’émission dans ces objetsétranges que sont les étoiles à neutron.On est par ailleurs en train de décou-vrir que les pulsars sont associés, oùmême à l’origine des phénomènes lesplus violents dans notre Galaxie, et qu’ilsjouent sans doute un rôle essentiel dansl’équilibre énergétique et l’évolution àlong terme de la Voie Lactée.

Contacts :Gilles [email protected]ël [email protected]

Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

Le grand radiotélescope deNançay, en Sologne, observe leciel entre 1 et 3,5 GHz defréquence. Il produit desspectres de galaxies,d’enveloppes d’étoiles ou decomètes, mesure lerayonnement lointain desquasars, et est équipée d’unedes instrumentations lesmeilleures au monde pour lachronométrie des pulsars.

Machine de dédispersion cohérente, à base de cartes graphiques GPU(Graphic Processing Units), utilisée pour la chronométrie et la datationradio en temps réel des impulsions de pulsars. L’installation effectuejusqu’à 38 milliards d’opérations par seconde pour traiter une bande defréquence de 400 MHz entre 1,2 et 1,6 GHz.

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© Jean-Philippe LETOURNEUR (CNRS-USN, Observatoire de Paris et Observatoire des Sciencesde l’Univers du Centre)

© Ismael COGNARD - LPCEE

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La théorie du contrôle est une théoriemathématique permettant de détermi-ner des lois de guidage et d’action surun système donné. Un système decontrôle est un système dynamique surlequel on peut agir au moyen d’unecommande ou contrôle. On rencontredans la pratique de très nombreuxproblèmes de contrôle, dans toutes lesdisciplines: par exemple garer sa voiture,piloter un avion ou un satellite vers uneorbite géostationnaire, optimiser les fluxd’information dans un réseau, coder etdécoder une image numérique ou unSMS, réguler un thermostat, raffinerun pétrole, contrôler une épidémie, réali-ser une opération chirurgicale au laser,ou encore optimiser des gains sur desflux boursiers… Les systèmes abordéssont multiples et leurs origines très diver-ses. La modélisation par le langagemathématique, qui permet de définirprécisément le concept de système,explique cette diversité d’applications.

Contrôle optimal et stabilisationLe problème de contrôlabilité est d’ame-ner un système d’un état initial donné àun certain état final, en respectant certai-nes contraintes. L’objectif peut être deréaliser cette tâche en minimisant uncertain critère (contrôle optimal), ouencore de stabiliser le système pour lerendre insensible à certaines perturba-tions (stabilisation). Par exemple, on peutréaliser un créneau en voiture en untemps minimal, ou bien en minimisantla consommation d’essence; dans lesdeux cas, la loi de guidage optimal nesera pas tout à fait identique. De même,

on peut amener un engin spatial dansune position définie de l’espace inter-planétaire pour des missions d’observa-tion et/ou d’exploration.

Les 5 points de Lagrange dans lesystème Soleil-Terre-LuneDans l’espace interplanétaire, les effetsdes forces d’attraction planétaires et desforces centrifuges s’annihilent en despoints particuliers, les points deLagrange. De manière plus précise, étantdonnés deux corps célestes (appelésprimaires : par exemple, la Terre et leSoleil) et un engin spatial (de massenégligeable par rapport aux primaires),il existe 5 points de Lagrange, nommésL1 à L5, qui sont des points d’équi-libre dans la dynamique restreinte à ces3 corps. Cette propriété offre la possi-

bilité d’avoir une configuration fixe rela-tivement à deux corps célestes, etpermet donc d’envisager des sites d’ob-servation spatiale ayant un grand inté-rêt. En effet, en théorie, si on amèneun engin spatial en un point deLagrange, il y reste. Dans la réalité, lespoints L1, L2 et L3 sont naturellementinstables, de la même manière que laposition verticale d’un pendule inverséest naturellement instable. En revan-che, les points L4 et L5 sont stables.Paradoxalement, cette stabilité estplutôt gênante, en effet autour de cespoints gravitent quantité de poussièresou de petits corps célestes qui se sontretrouvés « piégés » dans ce puits depotentiel et qui malheureusementrendent totalement impossible laprésence d’un engin spatial dans cette

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Les autoroutes del’espace : le ruban vertreprésente un chemin

possible parmi uneinfinité de positions

dans le tubecorrespondant aux

différents points deLagrange.

L’exploration spatiale a commencé à utiliser des zones particulières de l’espace interplanétaire, les points de Lagrange.Elles se caractérisent par une annulation des forces gravitationnelles. De futurs engins d’exploration pourront s’y placer etvoyager à travers le système solaire sans utiliser d’énergie. La « théorie du contrôle » permettra de placer précisémentdes sondes spatiales dans ces zones.

ÀÀ llaa ccoonnqquuêêtteedes points de Lagrange

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> Dossier Astro

© NASA

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zone. Un engin ne résisterait pas long-temps aux nombreux chocs qui auraientlieu dans cette zone. Dans le systèmeoù les primaires sont le Soleil et Jupi-ter, de nombreux astéroïdes gravitentautour des points L4 et L5 correspon-dants (du fait de leur stabilité) : ce sontles astéroïdes Troyens.Dans le système Soleil-Terre, le point L3n’est pas utilisé actuellement; il est àl’opposé de la Terre par rapport au soleil,et donc totalement invisible. On le re-trouve toutefois dans la littérature descience-fiction qui prête à ce point laprésence de la « planète X », dont leshabitants s’apprêteraient à nous enva-hir…Les points de Lagrange L1 et L2 sonttrès utilisés par les agences spatiales.Autour du point L1 gravite depuis 1995le satellite SOHO dont la mission estd’observer la surface du soleil, sestaches, les éruptions solaires, etc. Aupoint L2 se retrouvera bientôt le succes-seur du télescope Hubble, appelé JWST(James Webb Space Telescope), dont laposition sera idéale puisqu’il ne sera pasgêné par la lumière du soleil. Actuelle-ment gravite autour de L2 le satelliteWMAP chargé d’étudier le fonds diffuscosmologique. Ces points L1 et L2 étantinstables, toutefois, les engins spatiauxplacés dans leur voisinage doivent doncêtre stabilisés ; ils sont munis depanneaux solaires, qui leur confèrentl’énergie suffisante pour activer de peti-tes rétrofusées capables de les stabili-ser autour de ces points.

Minimiser la consommation decarburantL’autre grand avantage qu’apportent lesmissions autour des points de Lagrangeest la diminution des contraintes éner-gétiques. En effet, en étudiant mathé-matiquement la dynamique au voisinagede ces points, on est capable de carto-graphier les trajectoires « naturelles »des engins spatiaux (c’est-à-dire, sanspoussée, sans moteur). Ces trajectoires,ne nécessitant aucun carburant, sontévidemment très intéressantes pour l’ex-ploration spatiale, ou même pour élabo-rer des lois de guidage à moindre coût.

En effet on peut fort bien utiliser partiel-lement de telles trajectoires et ainsiéconomiser du carburant. Les concep-teurs de la mission Genesis ont ainsiutilisé ces propriétés pour propulser lasonde vers sa destination, et cela enutilisant un minimum de carburant. Lasonde de cette mission, lancée en 2001,avait pour objectif de collecter des parti-cules de vent solaire. Elle a été placéeau voisinage du point L1 du systèmeTerre-Soleil, et amenée à suivre certainestrajectoires périodiques autour de cepoint.

Les autoroutes de l’espaceRêvons un peu, et anticipons un peu surl’avenir. Autour de ces points deLagrange existent aussi, outre certainestrajectoires périodiques déjà mention-nées et utilisées par les agences spa-tiales, des sortes de tubes dans lesquelspeuvent graviter naturellement desengins spatiaux sans l’aide d’un moteur.Des études mathématiques ont pumettre en évidence leur existence, etdes calculs par ordinateur permettentde cartographier ce qu’on pourrait appe-ler des « autoroutes de l’espace ». Unefois un engin spatial placé dans l’un destubes, il est capable d’y voyager sans

moteur et donc sans carburant. Cetteparticularité de la dynamique célestepermet donc d’envisager des missionsinterplanétaires à bas coût. Le prix àpayer toutefois est le temps de parcours,beaucoup plus long que si l’engin étaitmû par des moteurs. Des missions habi-tées lointaines ne pourront donc pas secontenter d’utiliser ce réseau d’auto-routes de l’espace, mais nous pouvonsenvoyer des robots, qui seront alorscapables d’aller explorer les confins dusystème solaire, et peut-être au-delà.

Contact: Emmanuel [email protected] de Mathématiques et Applications, PhysiqueMathématique (MAPMO – UMR 6628 CNRS/Universitéd’Orléans)

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Les 5 points de Lagrangedans le système Soleil-Terre-Lune

Image d’artiste du satelliteSOHO qui observe la surfacedu Soleil depuis le point L1.

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© ESA

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Depuis le début du siècle, l’hommecherche à explorer l’espace et à voya-ger autour de la terre. L’aventure débuteen 1957 avec le lancement par l’URSSdu satellite Spoutnik1, qui marque lecoup d’envoi d’une longue épopée. Lepremier vol habité est réalisé par le sovié-tique Y. Gargarine en 1961, suivi de trèsprès par le vol américain de la fuséeMercury. Durant les deux décennies quisuivirent, de nombreux engins spatiauxsont lancés se limitant à l’explorationde l’orbite terrestre, mais l’Europe n’étaitpas impliquée dans les programmescivils des rentrées atmosphériques. Ilfaudra attendre 1985 avec le projetHERMES dont l’objectif était de conce-voir un engin assurant la liaison avec lafuture station spatiale internationale.Un nouveau départ est donné aux étudesdes écoulements à grandes vitesses : lesécoulements hypersoniques, (caractéri-sés par un nombre de Mach supérieurà 5). Malheureusement, le projetHERMES sera abandonné en 1992,mais il aura permis de former des équi-pes de recherche spécialisées dans ledomaine des écoulements “hyperen-thalpiques” .

De nombreux enjeux scientifiquesL’expérience acquise est mise à profitdans les programmes actuels qui ontpour but de dépasser l’orbite terrestre,pour aller vers Titan (le plus grand satel-lite de Saturne), avec la sonde CASSINIdans le projet Huygens, ou encore allerprélever des échantillons de la queued’une comète avec la sonde Rossetta,ou plus ambitieux encore avec lesprogrammes de vol habité MSTP(Manned Space TransportationProgram). De nombreuses missionsd’études et d’exploration sont égalementen cours avec pour ambition d’emme-ner les hommes sur Mars.Le domaine spatial reste un secteur derecherche riche en enjeux scientifiquesà relever pour mener ces actions à bienen toute sécurité. Comme l’a illustrédramatiquement la dernière catastrophe

qui s’est produite le 1 février 2003 lorsdu retour de la navette Columbia, lesproblèmes d’échauffement lors d’unerentrée atmosphérique constituent unenjeu majeur lors de la conception del’engin. Il est impératif de bien compren-dre et de continuer à améliorer cettetechnologie des régimes de vol hyper-sonique.

L’importance des simulations en laboratoireA Orléans, l’objectif principal d’ICAREest de développer et valider des modè-les théoriques et des codes numériquesprédictifs des conditions critiquesrencontrées lors de ces vols. Au sol, en laboratoire, la compréhensiondes différents phénomènes est obtenuepar la reconstruction des écoulementsdans les tuyères des souffleries et autour

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> Dossier Astro

L’exploration des planètes s’effectue en envoyant des engins spatiaux dans l’espace à partir de la Terre. Pour y accéder,l’engin doit traverser l’atmosphère de gaz qui l’entoure. Les différentes phases de rentrée atmosphérique sont simulées surTerre à l’Institut de Combustion Aérothermique Réactivité et Environnement (ICARE - CNRS) à l’aide de souffleriessupersoniques.

LLaa ssiimmuullaattiioonn ddeess vvoollss ssppaattiiaauuxxà Orléans

Vue du caisson d'expériences du moyen d'essai MARhY

Interactionobstacle/plasma : étudede l’émission lumineusepar caméra CCD.

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de maquettes. La rentrée atmosphériqueconstitue une phase critique pour lesvols habités et les sondes d’explorationplanétaires. Un véhicule qui traverseplusieurs couches de gaz de densités (??? il manque peut-être le mot « diffé-rentes » ?) à des vitesses très élevées(entre 7 et 14 km/s), est entouré d’unecouche de choc. Concrètement le gazest brusquement ralenti transférant ainsiune partie de son énergie cinétique àla surface de l’engin. Cette énergie ciné-tique est transformée en énergie ther-mique. Ce transfert est suffisammentefficace pour provoquer des réactionschimiques type dissociation et ionisa-tion, provoquant un déséquilibrechimique et thermique.

Des souffleries adaptées aux étudesLe laboratoire ICARE possède la plate-forme expérimentale de simulationspatiale FAST (Facilities for Aerother-modynamics & Supersonic Technolo-gies) dédiée à l’étude des différentsphénomènes. Elle réunit 3 moyens d’es-sai : 2 souffleries supersoniques/hyper-soniques froides, MARHY (soufflerie àMach Adaptable Raréfié Hypersonique)et EDITH (soufflerie pour l’ Etude DesInteractions et Transferts en Hyperso-nique), et 1 soufflerie supersonique àhaute enthalpie nommée PHEDRA(soufflerie à Plasma Hors Equilibre DeRentrées Atmosphériques).

Le moyen d’essai MARHY est une souf-flerie continue disposant d’un ensem-ble de tuyères couvrant une large gammede vitesses d’écoulement jusqu’à Mach21. Ces conditions s’étendent du régimede gaz raréfié hypersonique jusqu’aurégime continu, permettant ainsi l’étude,entre autres, du régime intermédiairede la transition entre l’écoulementcontinu et l’écoulement raréfié. Lesdomaines d’application couvrent l’étudefondamentale de l’aérodynamique raré-fiée, ainsi que des études appliquéescomme la caractérisation des jets depropulseurs et de leurs effets thermiqueset aérodynamiques. L’étude du contrôledes écoulements par plasma, conju-

guant ainsi les effets d’un plasma et l’aé-rodynamique d’un écoulement raréfiésupersonique est en cours. Les enjeuxconcernant les engins spatiaux sont detaille comme par exemple modifier lechoc entourant les engins spatiaux afinde mieux répartir le flux thermique àleur surface ou encore remplacer lesvolets mécaniques de protection par desactionneurs à plasma.

Le moyen d’essai EDITH dispose d’unetuyère qui permet de reconstituer desconditions d’écoulement à Mach 5.Actuellement les conditions de fonc-tionnement ont été adaptées pour lesbesoins d’une étude de vectorisation dejet d’une tuyère supersonique. A cettefin une nouvelle tuyère fournissant unécoulement à Mach 3 a été conçue ettestée. Cette étude fait partie duprogramme PERSEUS du CNES qui viseà développer et qualifier en vol unsystème de lancement. L’enjeu est deconcevoir et valider un système permet-tant de dévier l’écoulement en sortiede tuyère pour remplacer les systèmesmécaniques actuellement utilisés pourle guidage des fusées.

Le moyen d’essai PHEDRA est une souf-flerie à plasma, équipée d’un généra-teur type arc jet, avec une alimentationcontinue stabilisée en courant. C’est unesoufflerie basse pression (0.1 mbar) oùles vitesses d’écoulement du plasma

peuvent atteindre plusieurs kilomètrespar seconde. Contrairement à d’autresinstallations, cette soufflerie permetd’obtenir un écoulement stationnaireproduit en continu pendant plusieursheures. Elle simule certaines caracté-ristiques des rentrées atmosphériquessur Terre, sur Mars, dont l’atmosphèreest composée de 97% d’azote et 3% dedioxyde de carbone, ou encore sur Titan,avec une atmosphère contenant 99 %d’azote et 1 % de méthane. Les recher-ches conduites sur ces plasmas s’ap-puient sur un ensemble de moyens dediagnostics spécifiquement développéspour analyser les propriétés physico-chimiques de ces milieux : sondesélectrostatiques pour analyser la popu-lation des électrons, la spectroscopied’émission pour étudier les moléculesresponsables des flux radiatifs, la fluo-rescence induite par laser pour déter-miner la vitesse des jets de plasma etdes moyens de mesure plus conven-tionnels comme les sondes de pressionpariétales, les sondes de températureset le fluxmètre.

Jusqu’ à maintenant les travaux réali-sés ont permis de décrire le comporte-ment lors de la rentrée d’un engin surTerre mais aussi sur Mars ou encore surTitan.

Contact : Viviana [email protected]

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Vue des souffleries

GlossaireRégime moléculaire : milieudans lequel la distanceparcourue par une moléculeavant de rencontrer une autre,est plus grande que sa propretaille. La théorie cinétique des gazest une théorie par laquelle oncherche à expliquer lecomportement macroscopiqued’un gaz à partir descaractéristiques desmouvements des corpusculesqui le composent. Milieu continu : milieu dansle quel le fluide est décritcomme un ensemble departicules fluides et les loisde la mécanique de fluideclassique peuvent êtreappliquées. Tuyère : forme géométriquepermettant d’accélérer ungaz.

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L’aimantation fossile de la lune a étéconfirmée par la mesure de l’aimanta-tion des échantillons rapportés par lesmissions spatiales américaines« Apollo ». Pourtant l’origine de cesaimantations - et en particulier l’ori-gine du champ magnétique qui a

permis l’acquisition de cette aimanta-tion - est une question non résolue.

L’origine de l’aimantation lunaireDeux hypothèses sont avancées depuisles années 1970 : une aimantationacquise par refroidissement des rochesvolcaniques lunaires (aimantationthermorémanente) dans un champglobal créé par une "dynamo" (mouve-ments de convection dans le noyauliquide de la Lune), ou bien une aiman-tation acquise par choc dans un champmagnétique transitoire créé lors desimpacts majeurs d’astéroïdes ou decomètes à la surface lunaire.Les études du magnétisme fossile dela Lune sont la seule source d’infor-mation sur le fonctionnement internepassé de la Lune et en particulier surl’existence éventuelle d’un noyauliquide ayant pu entretenir une dynamo.

D’une part, les phénomènes d’acqui-sition d’aimantation thermorémanentesont relativement bien connus car ils

représentent la norme pour les rochesvolcaniques et plutoniques terrestres.Les phénomènes d’aimantation parchoc sont par contre moins biencontraints. D’autre part, l’étude dumagnétisme fossile des roches ter-restres (le paléomagnétisme) est baséesur les propriétés des oxydes de fer(magnétite, hématite…) ou des sulfures(pyrrhotite…) alors que les rocheslunaires contiennent du fer métallique.Autant dire que les phénomènes d’ai-mantation par choc des roches lunairessont à peu près totalement inconnus !

Des échantillons lunaires prêtés par la NASAC’est pour aborder cette problématiquequ’un groupe de chercheurs du Labo-ratoire de Combustion et de Détonique(LCD CNRS/ENSMA) à Poitiers et duLaboratoire de Géophysique et Plané-tologie du CEREGE à Aix-en-Provenceont décidé de se lancer dans la simu-lation expérimentale de ces phéno-mènes en réalisant directement des

Les mesures de champ magnétique réalisées par des satellites ou directement à la surface de la Lune ont montré queles matériaux de la croûte lunaire possèdent une aimantation fossile acquise il y a plus de 3 milliards d’années.

Charles M. Duke Jr.,astronaute, pilote du modulelunaire Apollo 16, estphotographié collectant deséchantillons lunaires. Enarrière plan, le rover lunaire.

Cube de basalte rapporté parla mission Apollo 17 montrantla trace laissée par l’impactlaser.

UUnnee ppeerrssppeeccttiivvee cchhooqquuaanntteesur le magnétisme lunaire

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> Dossier Astro

© Photothèque CNRS

© NASA

Page 29: MICROSCOOP CNRS LE JOURNAL DU EN …...Le déclin de cette espèce est dû au fait que la majorité des couples se reproduit en milieu céréalier. Alors que les autres espèces de

expériences de choc sur des rocheslunaires.Il restait à convaincre la NASA de prêterquelques-uns des précieux échantillonsrécoltés à la surface de la Lune par lesastronautes des missions Apollo. Pourcela, l’équipe a développé des expé-riences de choc par laser de puissance(une des spécialités du LCD) en champmagnétique contrôlé. Le succès de cesexpériences, d’abord réalisées sur desroches terrestres aux propriétés méca-niques voisines des roches lunaires, apermis d’étayer la demande de prêt deséchantillons lunaires qui sont arrivésen France début 2009. Il s’agissait de4 échantillons de basaltes lunaires.

Des chocs semblables à la chuted’une météoriteUne fois passé l’émoi suscité par cespetits morceaux de Lune, place auxexpériences. Ces échantillons devaientsubir à Poitiers des chocs avec des pres-sions équivalentes à celles créées parla chute d’un astéroïde sur une surfaceplanétaire, soit plus de 10000 fois lapression atmosphérique. Le secret pourne pas pulvériser les échantillons (unpré-requis de la NASA pour le prêt deces presque 15 grammes de matériellunaire) alors que la puissance dépo-sée par le laser est équivalente à celled’un réacteur de centrale nucléaire ?Une onde de choc très brève (quelques

milliardièmes de secondes) et intensependant le passage de laquelle le maté-riel n’a pas le temps de se déformersuffisamment pour être endommagé.

En mars 2009, une série de 50 tirslasers a été effectuée au LCD sur les 4échantillons lunaires placés au centred’un système de bobines permettantde contrôler le champ magnétique lorsdu choc. Après chaque série de tirs,l’aimantation acquise par les échan-tillons était mesurée grâce à un magné-tomètre. Puis la pression de choc et/oule champ magnétique étaient modifiéspour les tirs suivants. Au final, ces expé-riences ont permis de quantifier lesaimantations de choc acquises par cesbasaltes lunaires en fonction de la pres-sion et du champ magnétique.

Modéliser les impacts lunairesCes premières expériences ont montréque les aimantations de choc avaientdes propriétés identiques à l’aimanta-tion naturelle de ces basaltes, acquisesur la Lune et mesurée avant les expé-riences de choc. Il est donc tout à faitpossible que certaines roches lunairesaient effectivement été aimantées pardes chocs sur la Lune.Ceci ne répond pas directement à laquestion de l’origine du champ magné-tique enregistré lors de ces chocssupposés à la surface lunaire. Mais les

expériences montrent que pour expli-quer l’aimantation naturelle de cesbasaltes lunaire par ces chocs, unchamp magnétique ambiant deplusieurs dizaines de microteslas estnécessaire lors des chocs (pour compa-raison, le champ de la dynamo terrestreactuelle est de l’ordre de 50 microtes-las). Cette valeur semble trop élevéepour une éventuelle dynamo lunaire auvu de la petite taille supposée du noyaude la Lune (< 450 km de rayon d’aprèsdiverses mesures géophysiques)comparé au rayon lunaire (1740 km),ce qui demanderait une dynamo inha-bituellement énergétique pour produireun tel champ magnétique.Reste à quantifier, par la modélisationnumérique cette fois, les champsmagnétiques qui peuvent être créés àla surface lunaire par les impacts eux-mêmes. Ce sera le travail des collabo-rateurs américains de ce projet, enattendant de nouvelles expériences surd’autres types de roches lunaires (desbrèches et des anorthosites).

Contacts :Michel. [email protected]érôme [email protected]

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Exemple d’un cratère de 1,8mm de diamètre produit surune cible en cuivre irradié parun laser impulsionnel avec unflux de 60 TW/cm2. C’est lamême technique, avec des fluxmoins élevés, qui a été utiliséesur les roches lunaires.

Le faisceau laser est focalisé sur l’échantillonlunaire placé au centre d’un dispositif debobines permettant de contrôler la direction etl’intensité du champ magnétique.

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Astrologie et géographie : les principesDepuis ses origines babyloniennes, l’as-trologie a toujours été associée à la repré-sentation de l’espace terrestre. Au IVesiècle avant notre ère, dans ses traitésnaturalistes, Aristote avait démontré queles phénomènes se produisant sous lasphère de la lune dans le monde desquatre éléments – le feu, l’air, la terreet l’eau – dépendaient des mouvementscirculaires éternels des sphères céles-

tes. Au IIe siècle de notre ère, Ptolémée– astrologue et géographe – théorisa lesconditions de ces influences célestes.Partant de l’observation de l’action dusoleil (les saisons) et de la lune (lesmarées), il conclut que les autres planè-tes et les étoiles devaient exercer deseffets directs analogues et qu’ellespermettaient, par leurs différentes posi-tions, d’établir des régularités et doncde prévenir l’avenir. Il convenait en parti-culier, pour établir l’horoscope d’un indi-vidu, de connaître les coordonnéesgéographiques (longitude et latitude) del’endroit de sa naissance. Ptoléméeétablit d’autre part des relations préci-ses entre des groupes de signes duzodiaque, les différentes régions de laterre habitée, les tempéraments et lescapacités des peuples qui les habitaient.Par d’autres moyens encore, les carac-tères des peuples étaient mis en rapportavec leur situation en latitude dans lapartie habitée du globe terrestre.

L’action des cieux sur la terreL’union des théories d’Aristote et dePtolémée est à la base de l’astrologiemédiévale. En partant d’observationsempiriques, les philosophes naturalis-tes cherchèrent à expliquer l’action descieux sur la terre principalement par lemouvement des sphères, qui produit dela chaleur, mais aussi par la lumière oupar des influences occultes. Des solu-tions très variées furent apportées auxquestions techniques et philosophiquescomplexes que ces théories soulevaient.

D’un autre côté, l’étude du récepteur,c’est-à-dire l’espace terrestre et les lieuxqui le composent, en tant que mediumdonnant forme aux influences célestes,n’était pas délaissée. Chaque lieu étaitconsidéré comme ayant des caractéris-tiques physiques données par nature oupar accident, de même que les moursdes peuples dont les régularités obéis-saient à des règles précises. Au XIIIesiècle, ces questions firent l’objet d’uneélaboration approfondie par Albert leGrand dans un traité intitulé De la naturedu lieu. D’un point de vue plus tech-nique, la carte astrologique de la terrehabitée décrite par Ptolémée fut inter-prétée dès le XIIe siècle en termes degéographie latine, comme le fit parexemple Hermann de Carinthie danssa traduction du Grand introductoire del’astrologue arabe Albumasar. L’analysedes comètes qui annonçaient des événe-ments cataclysmiques devait tenircompte de leur parcours au-dessus desrégions terrestres destinées à les subir.Les besoins de l’établissement de l’ho-roscope, ainsi que la prévision desphénomènes astronomiques, notam-ment les éclipses, stimula la détermi-nation des coordonnées de longitudeet de latitude, opération dont les savantsmédiévaux mesuraient parfaitement lesdifficultés théoriques et techniques, cequi ne les empêcha nullement decomposer, par observation et par déduc-tion, des tables de coordonnées qui, àla fin du Moyen Age, définissaient ainsides centaines de localités.

IInnfflluueenncceess ccéélleesstteesset géographie au Moyen-ÂgeLa géographie médiévale est encore parfois considérée comme principalement descriptive, dénuée de préoccupationsscientifiques, plus intéressée par les phénomènes exceptionnels et les peuples monstrueux que par la localisationprécise des points de la surface terrestre. Mais, dès le XIIe siècle, grâce à l’apport de la science arabe, aux traductionsde textes astronomiques et astrologiques puis de traités de philosophie naturelle, les rapports entre espace terrestre etespace céleste firent de plus en plus l’objet d’une investigation véritablement scientifique. Ce point de vue fait apparaîtreune image différente de la géographie médiévale.

Une carte astrologique: JohnAshenden, Summa judicialisde accidentibus mundi (XIVesiècle) (Paris, Bibliothèque del’Université, Sorbonne 598, f.37r). La terre habitée estdivisée en quatre quadrantsassociés à des groupementsde signes du zodiaqueinfluençant diversement lesrégions et les peuples.

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> Dossier Astro

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La connaissance des lieux dans leurrapport avec les cieux joue enfin un rôleen médecine, l’évolution des maladiesainsi que les possibilités de cure dépen-dant de la position des étoiles. A la findu Moyen Age, de nombreux médecinsétaient formés à la philosophie naturelleet à l’astrologie, comme le montrentles livres présents dans leurs biblio-thèques. Les théories et les donnéesémanant de ces disciplines font partiede leur bagage scientifique de base, etles astrologues, quant à eux, n’hésitentpas à donner des conseils médicaux.Tout au long du XVe siècle, l’intérêt pourla Géographie de Ptolémée fut le fait, àcôté des philologues, des astrologues etdes médecins – c’étaient d’ailleurssouvent les mêmes, car la vie intellec-tuelle de ces temps ne correspond pasaux catégories et aux frontières intel-lectuelles établies par l’historiographiecourante sur ces questions.

Recherches scientifiques médiévalesLes recherches savantes sur la repré-sentation de l’espace terrestre tinrentcompte de l’abondant matériau procurépar la théorie astronomique/astrolo-gique. A partir du XIIe siècle, les discus-sions sur l’extension de la terre habitéeà la surface du globe, notamment dansles facultés des arts, se multiplièrent.Elles s’appuyaient tout autant sur lesrenseignements fournis par les traitésd’astronomie que sur l’expérience desvoyages en Asie et dans l’océan Indien.Un savant anglais, Roger Bacon, utili-sant les lois de l’optique géométrique,élabora une théorie selon laquelle toutcorps céleste dirige sur chaque point dela sphère des rayons qui produisent deseffets matériels sur les corps. Il confec-tionna une carte de la terre habitée oùles lieux étaient situés dans un réseaude méridiens et de parallèles, projec-tions sur la sphère terrestre des cerclesremarquables de la sphère céleste, réali-sant ainsi un programme de recherchequi découlait d’un système de pensée

astrologique. Au XIVe et au XVe siècle,notamment en Italie où les astrologuesexerçaient un rôle social croissant dansles universités, dans les villes et dansles cours princières, ce type de réflexionse multiplia. Un astrologue florentin,Paolo dell’Abbaco, spécialiste de laprévision des éclipses, utilise la trigo-nométrie pour situer les temps de cesconjonctions en différents lieux de laterre par le calcul de leurs coordonnéessur une carte du monde – objet alorscourant, mais qui n’était nullementdressé, comme les cartes modernes,selon le réseau des méridiens et desparallèles.Dans l’œuvre de l’évêque de CambraiPierre d’Ailly, au début du XVe siècle,on trouve une synthèse achevée de cemouvement de pensée. Son Imagomundi (1410), véritable somme degéographie astronomique et descriptive,a pour but de justifier une vision dumonde et de l’histoire humaine marquéepar l’astrologie. qui permet, selon lui,de comprendre l’action divine s’exer-çant sur l’humanité répandue à lasurface de la terre. Dans un programmerendu urgent par la crainte de la fin destemps, la description rigoureuse dumonde terrestre considéré dans sesrapports avec les sphères célestes

complète la validation théorique de l’as-trologie. Il n’est donc pas étonnant que,quelques années plus tard, Pierre d’Aillyait été l’un des tout premiers savants –sinon le premier – à examiner le texteet les cartes de la Géographie de Ptolé-mée récemment traduite en latin àFlorence en s’interrogeant sur la compa-tibilité de l’image ptoléméenne aveccelle des auteurs reçus et en cherchantà comprendre techniquement lesnouveaux modes de représentation del’espace qui en ressortaient. Il s’est ainsilivré à un très minutieux travail decomparaison et d’analyse, afin de mieuxfonder sur des coordonnées géogra-phiques plus nombreuses et plus sûresce rapport entre choses célestes etterrestres qui était pour lui, comme pourla plupart de ses contemporains, lacondition fondamentale du destin del’humanité voulu par dieu.

Contact : Patrick GAUTIER DALCHEInstitut de recherche et d’histoire des textes (IRHT – CNRS)

L’une des premières mentions (1141) de la Géographie de Ptolémée, dans le traité astrologique de Raymondde Marseille, De cursibus planetarum (Bibliothèque nationale de France, latin 14704, f. 119v). "Le livre de

Ptolémée appelé Alieoraphie" est indiqué dans le titre comme la source de la table des coordonnées delongitude et de latitude d’une soixantaine de cités.

Calculs de coordonnées surune carte marine: Paolodell’Abbaco, Liber abbaci(deuxième moitié du XIVesiècle) (Florence, BibliotecaNazionale Centrale, Magl. XI,121, f. 94r). Les longitudes etlatitudes des lieux énumérésdans cette table relative àl’éclipse de soleil du 5 mai1361 ont été obtenues à partird’une “mappemonde deMajorque” par des calculstrigonométriques complexes.

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Hors série > Microscoop / Numéro 18 – novembre 2009

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> Technologie

La plupart du temps, les plasmas sontcréés à partir d’une décharge électriquedans un gaz à l’intérieur d’un tube oud’un réacteur. Les dimensions des réac-teurs plasma sont, en général, de l’or-dre de quelques dizaines de centimètreset peuvent dépasser un mètre pour desapplications industrielles spécifiques.Depuis quelques années, la commu-nauté scientifique internationale s’in-téresse à une nouvelle gamme de plas-mas appelés microplasmas. L’une desapplications bien connue du grandpublic concerne la technologie « PlasmaDisplay Pannel » ou « écran plasma »qui connaît un grand succès commer-cial dans le domaine des écrans platshaute définition de grandes dimensions.Bien que cette technologie ait atteintun degré de maturité avancé, un regaind’intérêt est observé dans le domainedes décharges à l’échelle micrométrique

avec l’apparition de dispositifs originauxdestinés à de nouvelles applications(traitement local par plasma, procédésde microfabrication, micro lampe UV,microcapteurs…).

La création d’un microplasmaLes microplasmas peuvent être créés dedifférentes manières: par laser ou pardécharges électriques impulsionnelles,radiofréquences, microondes ou conti-nues. Ils présentent en général unegéométrie et des caractéristiques quichangent selon les conditions de forma-tion.Connues sous le nom de MHCD pourMicro Hollow cathode Discharges, lesmicrodécharges à cathode creuse sontapparues au milieu des années 90. Ellesprésentent des propriétés remarquablesdu fait même de leurs dimensions. Cesmicroréacteurs sont fabriqués en

perçant un diélectrique pris en sand-wich entre deux couches de métal. Ilsuffit ensuite d’appliquer une tensioncontinue de quelques centaines de voltsentre les électrodes pour atteindre leseuil de claquage. Le microplasmaobtenu est un plasma froid hors équi-libre (seuls les électrons sont très éner-gétiques), stable et qui fonctionne à despressions proches de la pressionatmosphérique. Il serait impossible d’ob-tenir un tel plasma en régime dedécharge continue sur des dimensionsmacroscopiques à pression atmosphé-rique. En effet, les plasmas du type« tube néon » ne fonctionnent qu’à bassepression (quelques millibars). À pres-sion atmosphérique, si le seuil declaquage est atteint et si l’alimentationpermet de fournir suffisamment decourant, un arc électrique transitoirese forme endommageant le dispositif demanière irréversible. Le paramètre per-tinent permettant de savoir si un régimestable peut être obtenu en courantcontinu est le produit de la distance interélectrode par la pression. À pressionatmosphérique, la distance interélectrode peut donc être réduite àquelques centaines de microns tout engardant un régime stable de déchargecontinue.

LLeess ppllaassmmaass mmiiccrroossccooppiiqquueessLes plasmas, ou gaz ionisés trouvent de nombreuses applications dans des secteurs industriels variés tels que lestechnologies de la microélectronique, l’éclairage, le médical, l’aéronautique, la métallurgie. De nouveaux plasmas, à l’échelle micrométrique, sont apparus il y a quelques années avec de nouvelles applications.

Microplasmas de 50 μm de diamètre dans desdispositifs en silicium

Matrice de 10x10 microdécharges de 50 μm de diamètre

© Rémi DUSSART

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Des centaines de microdéchargessimultanéesLes études sur les MHCDs ont démarréau Groupe de recherches sur l’énergé-tique des milieux ionisés (GREMI –CNRS/Université d’Orléans) en 2006 encollaboration avec le laboratoire PlasmaApplication Laboratory de l’Universitédu Texas à Dallas (USA). À peu près aumême moment, des laboratoires pari-siens et toulousains avec lesquels leGREMI collabore, se sont lancés danscette activité. Le GREMI a effectué lespremiers essais en utilisant commediélectrique une céramique, choisiepour ses propriétés de tenue en tensionet en température. Un procédé deperçage par laser a été utilisé pourformer des trous de 100 à 300 μm dediamètre sur une épaisseur d’environ300 μm. Le dépôt de métal pour la miseen place des électrodes est effectué ensalle blanche par un procédé électroly-tique.Les scientifiques orléanais se sont toutparticulièrement intéressés à l’allumageen parallèle de microdécharges. Eneffet, certaines applications telles quele traitement de matériaux ou d’effluentsgazeux nécessitent de pouvoir formerdes zones de traitement macroscopiques

à partir des microplasmas, d’où l’idéede faire fonctionner des centaines demicrodécharges en parallèle. Pour cela,il est nécessaire de contrôler leur allu-mage simultané. Certaines équipespréconisent la mise en place d’un ballastindividuel à chaque microcavité, ce quin’est pas sans compliquer les micro-dispositifs. Le GREMI a récemmentproposé une technique originale pourêtre en mesure de faire fonctionnerplusieurs dizaines de microplamas sansdevoir les ballaster individuellement.Cette méthode a pu être testée et vali-dée au laboratoire.Des simulations ont été effectuées aulaboratoire LAPLACE de Toulouse pourdes microplasmas d’Hélium. Des me-sures par spectroscopie optique d’émis-sion menées au Laboratoire de Spec-trométrie Physique de Grenoble nousont permis d’estimer la densité électro-nique et la température du gaz desmicroplasmas. Les résultats de la simu-lation concordent avec les résultatsexpérimentaux. Une autre méthode élec-trique mise au point en collaborationavec le Plasma Application Laboratoryde UTDallas a aussi été développée pourdéterminer la densité électronique.

Les microdisposititfs intégrésAujourd’hui, les recherches se dirigentvers des microdispositifs intégrés dansle silicium. Ayant une activité de re-cherche sur les procédés de gravureprofonde du silicium par plasma, leséquipes de recherche du GREMI béné-ficient des travaux qu’elles ont effec-tués dans ce domaine pour la concep-tion des matrices de microdéchargesintégrées. La gravure par plasma permetde réaliser des microcavités de dimen-sions bien inférieures à celles qu’onpourrait atteindre en utilisant un procédéde perçage par laser. Les échantillonssont fabriqués en salle blanche en utili-sant les technologies de la micro-électronique. À terme, il sera possibled’intégrer des microcomposants électro-niques (transistors, capacité…) pourgérer le fonctionnement des microplas-mas. Un projet ANR Jeunes Chercheu-ses / Jeunes Chercheurs appelé SIMPAS(System of Integrated Micro PlasmaArrays in Silicon) vient de débuter auGREMI sur ce sujet. Les premièresmatrices de 10x10 microplasmas d’undiamètre de 50 à 100 μm ont déjà étéélaborées et testées dans l’hélium avecsuccès. Ce nouveau programme derecherches va notamment permettred’étudier les limites de ces nouveauxmicro-dispositifs en termes de dimen-sion et de puissance injectée.

Contact: Rémi [email protected]

Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

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Observation d’échantillonsréalisés avec destechnologies de lamicroélectronique en salleblanche ; celles-cinécessitent des conditionsde propreté maximale.

Dispositif de caractérisation des microdécharges

© Rémi DUSSART

© Rémi DUSSART

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> Société

Quatre laboratoires, liés au CNRS et àl’Université de Poitiers, décryptentquelques-unes des formes de « langa-ges », qui constituent une des princi-pales richesses pour l’humanité d’hier,d’aujourd’hui et de demain : le patri-moine oral et écrit.

Du geste à la paroleEst-ce de l’action que tout découle? Deschercheurs ont déjà suggéré qu’ellemène à la prise de décision. Aujourd’-hui, les scientifiques s’interrogent pourdéterminer si le geste est à l’origine dela parole, par un phénomène de simu-lation, d’imitation et de désir de commu-nication. Les cognitivistes, en explorantce lien entre geste et parole, cherchentnotamment à comprendre s’il trouve sasource dans des phénomènes compa-rables à ceux des « neurones miroirs »chez le singe.Le Centre de Recherche Cognition etApprentissage (CERCA, Université dePoitiers / CNRS) se penche sur cette théo-rie: l’origine du langage pourrait être liéeau fait que le cerveau « résonne » avec

les actions d’autrui. Depuis longtempsles chercheurs en psychologie ont postuléun lien intime entre perception et action,tel que la perception d’une action exécu-tée par autrui se traduirait par une acti-vation chez l’observateur des représen-tations motrices impliquées dansl’exécution du geste observé. En d’autrestermes, quand nous regardons autrui faire,notre cerveau simule l’exécution de l’action observée; le cerveau de l’obser-vateur résonne avec l’action perçue.

« Effet caméléon » et « neuronesmiroirs » du singeLes phénomènes de contagion motriceou « effet caméléon » – la tendance auto-matique et inconsciente des individusà copier les attitudes, les postures ouexpressions faciales d’autrui (par , lesourire de l’autre qui est communicatif)– pourraient être l’expression de cetterésonance motrice. La représentationdu geste observé est activée chez l’ob-servateur, et celui-ci peut parfois tendreà imiter automatiquement l’action qu’ilobserve. Cette tendance à copier lecomportement ou les attitudes d’autruipourrait faciliter les relations interper-sonnelles, la coopération, ou la commu-nication.Des travaux en neurophysiologie sug-gèrent que la résonance motrice pour-rait avoir pour base un système auxpropriétés similaires à celles des neuronesmiroirs mis en évidence chez le singe.Ces neurones ont la caractéristique des’activer lorsque le singe effectue uneaction ou lorsqu’il observe un autre indi-vidu exécuter cette même action. On adonc chez le singe l’évidence d’unsystème intervenant à la fois dans les

actions exécutées et les actions obser-vées.La région du cerveau du singe danslaquelle ont été découverts les neuro-nes miroirs pourrait d’ailleurs constituerl’homologue de l’aire de Broca ducerveau humain, l’aire qui joue un rôleéminent dans la production de la parole.Le langage chez l’homme pourrait ainsirésulter d’une évolution de ce système.Ces théories font toutefois l’objet dedébats et de controverses au sein de lacommunauté scientifique. Le rôle exactde ces phénomènes de contagionmotrice et de résonance reste encore àdéterminer.

Contact : Cédric [email protected] de Recherche Cognition et Apprentissage(CERCA, UMR 6234 CNRS/Université de Poitiers)

Quoi de commun entre la chimie, les études sur la civilisation médiévale, les recherches en littérature latino-américaineou encore les sciences cognitives ? Ces différentes spécialités scientifiques ont pourtant un point commun : l’intérêtqu’elles portent au phénomène du langage, qu’il soit écrit, oral ou autre.

RReecchheerrcchheess ssuurr llee llaannggaaggee,, langages de la recherche

Un coureur : traité dephysique biologique (Tomepremier - © coll. BIUM)

Crâne ouvert sur le cerveau - © BIUM

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Le langage, la lecture,l’écriture : des stimulipour la mémoireDes chercheurs en sciences cognitivess’interrogent sur le rôle de la commu-nication orale et écrite dans les proces-sus de mémoire et dans leur stimula-tion, notamment par la communicationavec autrui, la pratique du langage (écrit,oral) ou encore la pratique de la lecture,des mots croisés etc. : un éclairage quipourrait s’avérer précieux pour l’appré-hension, la prévention et le traitementde la maladie d’Alzheimer par exemple.Le vieillissement est associé à un déclinde la mémoire. Les personnes âgéesprésentent parfois des difficultés à sesouvenir de certains événements.Cependant, nous ne sommes pas touségaux face au vieillissement, puisquecertains individus conservent plus long-temps une bonne mémoire et mani-festent plus tardivement les symptômesde la maladie d’Alzheimer. Des recher-ches récentes suggèrent que ces person-nes posséderaient une « réserve »protectrice des effets du vieillissement.

La réserve cérébraleTout au long de la vie, le cerveau cons-titue une réserve, c’est-à-dire un capi-tal de compétences qui permet de retar-der l’impact du vieillissement sur lamémoire.Au niveau cérébral, la réserve se traduitpar un plus grand nombre de neuroneset davantage de connexions entre cesneurones. Elle correspond également àun ensemble de ressources constituéesgrâce à nos expériences quotidiennes.En effet, nous sommes constammentconfrontés à de nouvelles situations qu’ilfaut gérer et pour ce faire nous élabo-rons des stratégies. Leur élaborationpermet de développer notre cerveau etde créer ce capital « compétences »qui va nous aider à différer le déclin dela mémoire.

Comment se construire une bonneréserve cérébrale?De nombreuses activités contribuent àconstituer une bonne réserve cérébrale.Les études, la lecture ou encore les motscroisés sont autant d’activités intellec-tuelles stimulantes pour le cerveau. Lesactivités physiques, en favorisant l’oxy-génation du cerveau, ont également un

impact bénéfique sur la réserve. Enfin,une vie sociale active (échanger avecautrui, faire du bénévolat) peut égale-ment protéger des effets du vieillis-sement.Le message clé est que plus on multi-plie les activités stimulantes, plus leseffets sur la mémoire seront positifs aucours du vieillissement. Le bénéfice serad’autant plus important que les activi-tés sont précoces au cours de la vie,cependant mieux vaut tard que jamais!« Le vieillissement est un voyage sansretour. Mais, on peut toujours choisir lavitesse du moyen de transport » (Jean-Baptiste de Beauvais).

Contact : Badiâa [email protected] de recherche sur la cognition et l’apprentis-sage (CERCA, UMR 6234 CNRS/Université de Poitiers)

Les traces durables du passéLes historiens s’intéressent aux tracesdu passé laissées par des inscriptionssur pierre, bois ou métal, par des inscrip-tions peintes ou encore tissés, du monu-ment au simple objet de la vie quoti-

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>> Pour en savoir plus :Exposition « Recherches sur le Langage, Langages de la Recherche »http://www.mshs.univ-poitiers.fr/

Poitiers - baptistère Saint-Jean. Commentaire descène (XIIe s).

Inscription funéraired'Ermenberga (ép.carolingienne) - Angers,Musée des Beaux-Arts.

© CESCM/CIFM J.P. BROUARD

© CESCM/CIFM J.P. BROUARD

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dienne. L’épigraphie médiévale seconsacre en particulier à l’étude de cetteforme de langage écrit, probablementla plus répandue et la plus durable ausein des sociétés humaines.Le Centre d’Études Supérieures de Civi-lisation Médiévale (CESCM, Universitéde Poitiers / CNRS) s’intéresse tout parti-culièrement à l’omniprésence de l’écri-ture dans le paysage monumental duMoyen Âge. Il est difficile de comparer,pour des raisons culturelles, les usagesdans les inscriptions antiques et médié-vales. Ces inscriptions tracées sur pierre,sur bois, sur métal, peintes sur l’enduitou le verre, ou encore tissées sur les étof-fes sont très nombreuses au Moyen Âge,en Orient comme en Occident. Ellesconstituent ainsi la forme écrite la plusrépandue au sein de sociétés où l’ap-prentissage de la lecture et de l’écriturereste limité.Que ce soit sur les édifices de culte outoute autre construction civile, l’ins-cription monumentale permet d’assurerau texte une diffusion publique par unaffichage durable au cœur de la ville. Lavolonté d’exposer l’écriture à la vue duplus grand nombre s’explique en parti-culier par la dimension commémorativede l’inscription, chargée par son rédac-teur de conserver le souvenir d’un faitou d’un personnage. Instrument depromotion de la mémoire, l’objet épigra-phique se fait également source d’en-seignement pour le lecteur, en expli-quant le contenu des programmesiconographiques ou en assurant la diffu-sion de sentences morales.

Une variété sans pareil de fonctions etde formesCette variété des fonctions de l’inscrip-tion médiévale implique la coexistencede formes très différentes, de la listedes possessions du diocèse tracée surles portes d’une cathédrale à l’identifi-cation d’un personnage près de sa repré-sentation dans des peintures murales,en passant par le nom d’un défunt gravésur une plaque de plomb déposée danssa sépulture ou une formule de protec-tion incisée à l’intérieur d’un bijou. Ausein de cet ensemble très diversifié, les

inscriptions funéraires occupent, toutau long du Moyen Âge, une placeprépondérante, témoignant ainsi de lacapacité de l’écriture épigraphique àconserver le souvenir des défunts au-delà des limites de la mémoire collec-tive.

L’épigraphie : un moyen originald’appréhender la culture d’une sociétéEncore largement ignorée par les cher-cheurs, l’épigraphie médiévale consti-tue donc un moyen original d’appré-hender la culture d’une société troplongtemps considérée comme réservéeà l’égard de l’écriture, alors qu’elle faitpreuve au contraire d’une sensibilitéprofonde et d’une créativité sans pareilau moment de composer et de maté-rialiser les textes destinés à la vue detous.

Contacts :Cécile [email protected] [email protected] d’études supérieures sur la civilisationmédiévale (CESCM, UMR 6223 CNRS/Université dePoitiers)

Le langage de la chimieDans de nombreuses disciplines, leschercheurs sont amenés à créer deslangages spécifiques pour « dire »,« écrire » et faire évoluer leur science:ainsi, les chimistes, qui, pour mieux sedémarquer des alchimistes ont faitévoluer historiquement leur langage pourinventer une nouvelle nomenclature,propre à favoriser et développer la disci-pline.Entourée de mystère, accusée de char-latanisme, l’alchimie, ancêtre de lachimie, est l’objet de critiques et de déri-sion depuis le siècle des Lumières. Levocabulaire allégorique qu’elle utilisaitétait surtout destiné à cacher des décou-vertes gardées jalousement et non à lespartager. Certes, quelques améliorationsse sont imposées au milieu du 18ème

siècle pour soutenir les avancées signi-

ficatives de la science, mais les termesemployés pour désigner les nouveauxcorps chimiques découverts restaienttrop figuratifs et relevaient plus de l’artculinaire que de la science : « crèmede tartre, beurre d’étain… ». Ces termesétaient, de plus, trop sujets à fluctua-tion, et variaient selon l’inspiration dessavants qui les utilisaient ou les inven-taient. Juste avant la Révolution, lachimie était en plein essor en Franceet partout en Europe, mais les décou-vertes de Lavoisier et de ses contem-porains peinaient à se faire entendredans ce jargon.

Au XVIIIe siècle, la nouvelle sciencecrée sa propre nomenclatureEn 1782, Louis Guyton de Morveau créeune méthode pour nommer les compo-sés et les opérations chimiques. AvecBerthollet, Fourcroy et Lavoisier, il metau point une nomenclature de la chimiepermettant non seulement de nommerles substances chimiques mises au jourpar les chimistes modernes mais aussiles corps qui seront créés ou découvertsà l’avenir.Selon la règle première de Guyton deMorveau : « la dénomination d’uncomposé chimique n’est claire et exactequ’autant qu’elle rappelle les partiescomposantes par des noms conformesà leur nature ». Selon cette nomencla-

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> Société

Louis Guyton de Morveau

© Coll. Bibliothèque de l'Académie nationalede médecine

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ture, la « crème de tartre » est devenue« tartrite de potasse » et les « foies desoufre » se sont transformés en « sulfu-res alcalins ».Cette méthode rigoureuse et productivestructure encore en grande partie, lalangue de la chimie d’aujourd’hui.

Contact : Pierrette [email protected], dictionnaires, informatique (UMR 7187CNRS/Université Paris 13 et Université Cergy Pontoise)

Valoriser le patrimoinelittéraireLa révolution numérique offre aujour-d’hui des outils précieux à la recherchescientifique. Dans le domaine des scien-ces humaines, des recherches par exem-ple sur la littérature latino-américainefournissent, avec la création d’ « archi-ves virtuelles », un bon exemple de cesoutils au service de la discipline, notam-ment en matière de conservation, dediffusion au plus grand nombre et devalorisation des fonds littéraires raresou fragiles.Le Centre de Recherches Latino-Améri-caines (CRLA) conserve dans ses locauxdes archives littéraires d’auteurs latino-américains: les Fonds Carlos Droguett,Julio Cortázar, Raymond Cantel, Fran-cisco Rivas, Juan Emar, Alicia Kozameh,Daniel Moyano, Rufino Blanco-Fombona, Carlos Tromben, Luisa Futu-roransky, Isidora Aguirre. Pour mettreen valeur cet important patrimoine litté-raire, le projet des Archives Virtuelles etdes éditions électroniques a été établi.Les principaux objectifs de ce projet sontde sauvegarder ce patrimoine de fondslittéraires conservés par le CRLA-Archi-vos, de les mettre à la disposition de lacommunauté scientifique internationalesur un site Internet et d’assurer leurpublication et leur diffusion. Il s’agitégalement pour le laboratoire de se cons-tituer en tête de réseau (création duportail sur Internet) des centres possé-dant des manuscrits d’écrivains latino-américains en Europe et en Amériquelatine pour coordonner une action deconservation et divulgation de ce patri-

moine littéraire.Le projet Archives Virtuelles bénéficiede financements dans le cadre du XIIIeContrat Plan État-Région de l’Universitéde Poitiers et du Fonds Européen deDéveloppement Régional.

>> Pour en savoir plus : Valoriser le patrimoine

littéraire, http://www.mshs.univ-poitiers.fr/crla

Contact à la Maison des Sciences de l’Homme et de

la Société de Poitiers : Sylvie LAURENS –AUBRY,

[email protected]

Contacts : Paola DA [email protected] [email protected] de recherches latino-américaines (CRLA,équipe ITEM, UMR 81132)

Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

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Page intérieur du siteinterne Archives virtuellesCRLA-Archivos

Achives numérisées dumanuscrit "Cahiers de laprison - Alicia Kozameh"

© MSHS Poitiers

© Coll. CRLA - Archivos

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> Histoire

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L’écriture a été inventée, disait-on auMoyen Âge, pour garder la mémoire deschoses et la transmettre à la postérité.Plus encore que les textes manuscrits,les inscriptions peintes ou sculptéesdans les églises médiévales ont voca-tion à transcender le temps. Nombred’entre elles portent seulement le rappeld’un événement fondateur dont le souvenir ne doit pas disparaître. D’autres indiquent uniquement le jourauquel célébrer l’anniversaire liturgiquecorrespondant et non l’année, dans uneconception cyclique du temps; cet éter-nel recommencement est à l’image descycles naturels, ceux du jour et de lanuit, des quatre saisons (tributaires dumouvement du soleil) ou des mois (liésà la montée et la descente de la lune),phénomènes astronomiques qui ryth-ment la vie des hommes et rendentcomplexes les calculs des computistespour fixer, année après année, les datesdes principales célébrations religieuses.

Calendriers et calcul du tempsLe calendrier liturgique comporte eneffet des fêtes fixes et mobiles (dontcelles du cycle de Pâques) et s’inscritdans une appréhension chrétienne dutemps dont témoigne le repérage desannées à partir de la naissance du Christ(l’Incarnation), système mis au point auVIe siècle après de savants calculs etdiffusé à partir de l’époque carolin-gienne. Cette datation par l’ère chré-tienne vient s’ajouter à d’autres sys-tèmes conventionnels fondés sur desconsidérations humaines (les années derègne, de pontificat, ou l’indiction, cyclede quinze ans correspondant jadis à larévision de l’impôt foncier) ou desphénomènes astronomiques (les épac-tes ou concurrents, liés au cycle lunaire).Certaines inscriptions n’hésitent pas àmultiplier les indications chronolo-giques, suggérant que leurs rédacteurs,comme tout bon scribe savant, avaientà disposition des tables de concordance.

UUnn tteemmppss iinnssccrriittdans la matièrePeintes ou sculptées aux murs des églises médiévales, les inscriptions s’insèrent dans une conception du tempspartagée avec la culture savante manuscrite mais rendue spécifique par la durabilité supposée de leur support et lapublicité liée à leur exposition. Articulant étroitement perception cyclique et linéaire, liturgique et historique, cosmiqueet eschatologique, ces textes inscrits dans la matière contribuent ainsi à façonner une image originale de la culturemédiévale.

Périgueux (24), Saint-Etienne-de-la-Cité, mur sud. Table pascale c. 1136.

Laval (53), chapelle Notre-Dame de Pritz, intrados (face intérieure) de l’arctriomphal. Identification des mois dans un calendrier des mois. XIIIe siècle.

© CESCM-CIFM J. MICHAUD © CESCM-CIFM J. MICHAUD

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Jouant avec le temps, jonglant parfoisavec les mots dans une recherchepoétique virtuose pour exprimer la date,les textes épigraphiques manifestentavec force la dimension à la foiscosmique et eschatologique de toute viehumaine sur cette terre.

Images et maîtrise du tempsIl faut de fait considérer avec attentionles devises religieuses, morales, voirepolitiques accompagnant cadrans solai-res et horloges de la fin du Moyen Âgeou la mention de phénomènes commeles éclipses de soleil dans des inscrip-tions en apparence peu propices à cegenre de notation comme les épitaphes.On doit analyser avec soin les textesfaisant corps avec la représentation desmois, accompagnée parfois des signesdu zodiaque, qui donnent à voir, en asso-ciant mots et images, la part de l’invi-sible dans le monde terrestre. Plusextraordinaires encore, les majestueuxcalendriers peints ou sculptés dans lesédifices de culte démontrent, par leurcaractère monumental et leur exposi-tion publique, l’importance accordéepar l’Église à la maîtrise du temps.Longtemps négligés du fait d’une formematérielle peu familière aux historiens,

tous ces témoignages ont, avec l’évolu-tion de la discipline épigraphique,acquis un intérêt considérable quidépasse amplement le seul caractèredocumentaire qu’on leur reconnaissaitjusqu’alors, car en inscrivant littéra-lement le temps dans la matière, leshommes du Moyen Âge ont su inscrireleur société dans une perspective bienplus large, celle de la Création en routevers la fin des temps.

Contacts :Cécile [email protected] [email protected]

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Limeuil (24), chapelle Saint-Martin, mur gauche. Dédicace de l’église. 1194.

Saint-Evroult-de-Montfort (61), église, fonts baptismaux. Identification desmois et des signes du zodiaque. XIIe siècle.

Sauveterre (30),Hameau des Fours,porche del’ancienne abbaye.Epitaphe deMabille. 1239.

>> Pour en savoir plus :Exposition du 3 septembre 2009 au 30 septembre 2010 « Une société de pierre : les épitaphes carolingienne de Melle » http://adane.canalblog.com/archives/2009/08/01/14610850.html

© CESCM-CIFM J. MICHAUD

© CESCM-CIFM Jean-Pierre BROUARD

© CESCM-CIFM J. MICHAUD

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Bernard Perrot est un verrier inventif etnovateur, parfait exemple de l’enrichis-sement apporté par l’immigration à laculture et au savoir-faire qui assurentle rayonnement de la France. Mais c’estaussi un homme dont la vie est encoreentourée de mystère: il semble en effetque plusieurs verriers se nommantBernard Perrot aient vécu à cette époquedans la région de Nevers et d’Orléans*.

Des origines vénitiennesAux XVIe et XVIIe siècle, la verrerie véni-tienne est à la mode en Europe. La Séré-nissime veille jalousement sur le secretde ses productions en édictant un

ensemble de lois contraignantes. Malgrécelles-ci, elle n’a pu éviter le dévelop-pement de nombreux autres ateliersproduisant des verres à la “façon deVenise” : en Italie d’abord, puis danstoute l’Europe, en raison de l’émigra-tion des verriers et avec eux de leurssecrets. Altare, petite bourgade situéeprès de Montferrat en Ligurie, est l’undes centres italiens qui joua un rôleimportant dans la diffusion de ce savoir-faire. C’est dans une famille de verriersd’Altare, probablement vers 1640, quenaît Bernardo Perroto. Il aurait d’abordtravaillé avec son père au sein de l’ate-lier familial, avant d’émigrer en France.

Après avoir peut-être séjourné à Nevers,où se trouvait la verrerie de son oncle,Bernard Perrot s’installe à Orléans endécembre 1668. Grâce à son génieinventif et à sa connaissance des secretsde verriers altaristes ou autres, il y créeraune verrerie réputée qui sera reconnuejusqu’à la cour du roi Soleil. À sa morten 1709, ses héritiers reprendront laverrerie et en créeront une seconde àFay-aux-Loges en forêt d’Orléans.Bernard Perrot restera probablementdans la mémoire collective comme l’in-venteur des procédés de coulage duverre en dalles et de celui d’y moulerdes portraits. Un édit royal lui interdira

A la fois homme d’affaires et inventeur de plusieurs procédés de mise en forme et de coloration du verre, BernardPerrot fait partie de ces artisans qui ont eu une réelle influence sur le développement de leur art, tant en France qu’enEurope, au XVIIe siècle.

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> Histoire

BBeerrnnaarrdd PPeerrrroott,, un verrier orléanais exceptionnel

Cellule d’analyse parablation laser (LA-ICP-MS)

utilisée pour l’étude desflacons en verre de BernardPerrot : verre opalin décoré

d’une fleur de lys et verrebleu au cobalt.

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pourtant d’utiliser cette invention pourfabriquer des glaces et miroirs, au béné-fice de la Manufacture royale de glaceset miroirs qui deviendra la société Saint-Gobain.

L’analyse d’une œuvre d’artDepuis 1985, l’IRAMAT développe desméthodes d’analyse élémentaire duverre pour répondre aux différentesquestions posées par les archéologuessur l’évolution des technologies de fabri-cation, la diffusion de la production d’unatelier ou l’origine des matières premiè-res utilisées par les verriers. La possi-bilité offerte de travailler sur l’œuvredu plus prestigieux et mystérieux desverriers orléanais ne pouvait que séduirele laboratoire. Les analyses réaliséesau Centre de Recherche et de Restau-ration des Musées de France (C2RMF-UMR 171 à Paris) et à l’Institut deRecherche sur les ArchéoMatériaux(IRAMAT-UMR 5060 à Orléans) ontapporté un éclairage nouveau sur lesdifférentes techniques employées parPerrot.Si les inventions de Perrot qui se rap-portent à la mise en forme du verre sontdifficilement caractérisables par lesméthodes d’analyse élémentaire, il enest d’autres, liées à des procédés decoloration, où ces méthodes se révèlentfondamentales pour identifier les ingré-dients mis en œuvre par le verrier. Autravers des analyses, les chercheurs sesont intéressés dans un premier tempsà identifier un ensemble de caractèresphysico-chimiques permettant de diffé-rencier les productions de BernardPerrot de celles d’autres verriers de cettepériode. Ils ont ensuite cherché àconnaître les ingrédients employés parPerrot dans le but de produire certainsverres pour lesquels il détenait un privi-lège spécial de fabrication: verres rougestranslucides et verres blancs imitant laporcelaine.

Analyser sans détruireLes pièces étudiées à l’IRAMAT pro-viennent du musée des Beaux-Arts(Orléans), du musée des Arts Décoratifs

(Paris), du musée de Sèvres, mais aussidu Service Régional de l’Archéologie(objets attribués à Bernard Perrot etprovenant des fouilles effectuées àOrléans), de collections privées. Laplupart de ces objets étaient des œuvresintactes: il fallait donc développer unprotocole d’analyse, aussi peu destruc-tif que possible, permettant d’étudierdes pièces de taille relativement impor-tante pour doser à la fois les éléments

mis en œuvre par le verrier et leurs impu-retés (celles-ci caractérisent l’originedes matières premières et le produitfini). Le choix s’est porté vers:

La spectrométrie de masse couplée àun plasma inductif, avec prélèvementpar ablation laser (LA-ICP-MS). Descellules d’ablation de grande taille ontété développées pour l’étude d’objetsplus volumineux que ceux traditionnel-lement étudiés par cette technique.

Analyse par fluorescence X de la composition de la collerette en or du flacon en verre métallisé 2007.1.5

Sucrier en verre, imitant la porcelaine blanche et décoré avec un filet de verre rouge translucide, trouvé lors de fouilleseffectuées à Orléans

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> Histoire

La fluorescence X dans l’air et l’ana-lyse X couplée à la microscopie électro-nique (microscope environnementaléquipé d’une grande chambre d’ana-lyse) ont aussi été utilisées dans le casde pièces très volumineuses.

Des procédés innovantsParmi les objets étudiés, l’intérêt desscientifiques s’est porté principalementsur les verres opalins, sur ceux imitantla porcelaine blanche et sur les verresrouges translucides. Les analyses ontainsi permis d’identifier la nature desagents colorants et opacifiantsemployés.Si les verres opalins ont été obtenus enincorporant de la cendre d’os, recetteclassique à l’époque de Bernard Perrot,ceux imitant la céramique blanche sontopacifiés uniquement à l’aide d’anti-moniate de calcium. Bien que ceprocédé d’opacification ait été cou-ramment utilisé pendant l’Antiquité,Perrot fait preuve d’innovation et deprécocité par rapport à ses contempo-rains qui utilisent plutôt l’oxyde d’étain.On note aussi pour ce type de verre l’em-ploi d’un fondant mixte qui allie lasoude, la potasse et l’oxyde de plomb,à la différence des autres verres dePerrot qui sont principalement potas-siques.

Pour les verres rouges translucidesétudiés, on constate principalementl’absence d’étain qui traduit l’utilisationd’une recette différente de cellespubliées dans les recueils de l’époque.Cette absence se retrouve dans desverres plus récents, comme ceux desstatues en verre filé de Nevers(XVIIIe siècle). Dans ce cas-là, Perrotsemble encore être un précurseur. Onremarque aussi qu’en plus d’ingrédientsparticuliers, la réalisation de ces verresnécessite un bon tour de main et uncontrôle rigoureux des conditions decuisson qui font que Perrot n’était passeulement un verrier inventif mais aussiun verrier possédant une grande maîtrisede son art.

Contact: Bernard [email protected]

* Les informations historiques de cet article sontissues des travaux de J. Geyssant, C. Maitte et C. deValence qui seront publiées avec les études delaboratoire dans le catalogue de l’exposition« Secrets et transparences. Bernard Perrot, verrieritalien à Orléans (1668-1738) » (musée des Beaux-Arts d’Orléans, printemps 2010).

RECETTES ET SECRETS DE VERRIERS :PLOMB DORE OU ARGENTE ET OR ROUGEParmi les procédés utilisés par Bernard Perrot, figure la métal-lisation de l’intérieur des flacons de verre: celle-ci confèreun aspect doré ou argenté au flacon selon la couleur du verreemployé. Le protocole d’analyse, développé par ablation laser,permet d’analyser le revêtement intérieur des flacons à partirde la surface de l’objet en creusant un micro-puits et en analy-sant séquentiellement la matière extraite. Nous avons pu ainsicaractériser la composition de ces alliages à bas point defusion. Ceux-ci contiennent du plomb, de l’étain mais aussi dubismuth. Ces alliages pourraient sembler relativement moder-nes si l’on faisait abstraction des impuretés qui les caractéri-sent (or, antimoine…). La présence de bismuth peut sembleranachronique, étant donné que cet élément ne sera identifiéqu’en 1753. Il était pourtant connu depuis le XVe siècle maisétait considéré à l’époque de Perrot comme une variété deplomb ou d’étain.L’or est un autre métal important dans les recettes verrièresde Perrot: le verrier orléanais avait en effet le privilège de lafabrication des verres rouges translucides colorés par l’or.Plusieurs recettes de coloration à l’or existent. Le procédé leplus connu est celui décrit par Kunckel (1638-1703, verrieret alchimiste allemand à la cours de l’Electeur Friedrich Wilhelmde Brandebourg) sous le nom de pourpre de Cassius (d’aprèsAndreas Cassius, chimiste hollandais à Leyde, mort en 1673).Ce procédé fait appel à la précipitation de l’or grâce à duchlorure d’étain. Il se peut toutefois que ce procédé soit plusancien car la possibilité d’obtenir une couleur rouge à partirde l’or était connue par les peintres européens depuis leXIVe siècle. Perrot semble avoir utilisé d’abord un procédé,différent de celui décrit par ses contemporains, au sein duquell’arsenic semble jouer un rôle important.

Cratère et profil d’analyse obtenus par DP-LA-ICP-MS (depth profileLA-ICP-MS) pour la métallisation interne du flacon 2007.1.5

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La Médaille d'or distingue l'ensemble destravaux d'une personnalité scientifiquequi a contribué de manière exception-nelle au dynamisme et au rayonnementde la recherche française. La Médailled’Or 2009 est attribuée cette année àSerge HAROCHE, physicien et directeurdu groupe d’électrodynamique dessystèmes simples au sein du laboratoireKastler Brossel (École normale supé-rieure/Université Pierre et MarieCurie/CNRS) à Paris.

La Médaille d'argent honore des cher-cheurs, au début de leur carrière, maisdéjà reconnus sur le plan national etinternational pour l'originalité, la qualitéet l'importance de leurs travaux. EnDélégation Centre Poitou-Charentes, ellea été décernée cette année à HenriWEIMERSKIRCH du Centre d’ÉtudesBiologiques de Chizé. Ce chercheur en

écologie « utilise » des prédateurs supé-rieurs, les oiseaux et mammifèresmarins, comme indicateurs des chan-gements globaux dans les écosystèmesmarins. Il a fortement contribué à lamise en place d’un observatoire basésur des suivis à long terme de popula-tions d’oiseaux et de mammifèresmarins dans les Terres Australes etAntarctiques Françaises. Ses travauxbasés sur l’application de techniquesde bio-télémétrie à l’étude des oiseauxdans leur milieu naturel, et notammenten milieu marin, sont pionniers dansce domaine.

La Médaille de bronze récompense lepremier travail d'un chercheur, qui faitde lui un spécialiste prometteur dansson domaine. Cette récompense repré-sente un encouragement du CNRS àpoursuivre des recherches bien enga-gées et déjà fécondes. En 2009, deuxchercheurs, l’un à Orléans et l’autre àPoitiers, sont distingués.

Encarnación RAYMUNDO-PIÑERO estchargée de recherche au Centre deRecherche sur la Matière Divisée àOrléans, depuis 2002. Elle co-animel'activité « Stockage de l'Énergie »dans l'équipe « Energie-Environne-ment ». Elle s’intéresse tout particu-

lièrement aux supercondensateurs,des systèmes qui stockent et restituentl’énergie électrique dans des tempstrès courts. Ils permettent par exem-ple de récupérer l’énergie perdue lorsdu freinage d’un véhicule. En colla-boration avec SGL Group, leadermondial dans le secteur des matériauxcarbonés, elle a contribué à mettre aupoint de nouveaux matériaux d’élec-trode à base d’algues, capables dedonner d’excellentes performancesdans des milieux aqueux beaucoupplus sûrs et écologiques que lessolvants organiques mis en œuvreactuellement par l’industrie.

Richard CORDAUX du LaboratoireÉcologie, Évolution, Symbiose àPoitiers, coordonne depuis 2008 uneéquipe de génomique évolutive. Lemodèle central d’étude du laboratoireest Wolbachia, l’une des bactériessymbiotiques les plus répandues dansle règne animal et plus particulière-ment chez les arthropodes. Dans cecadre, l’équipe de recherche étudiel’une des composantes majeures desgénomes: les éléments transposables,ces « gènes sauteurs » qui peuventse déplacer d’un point à l’autre desgénomes. L’un des objectifs de cetravail est de comprendre commentces gènes façonnent les génomes quiles hébergent et en quoi ils influen-cent les capacités d’adaptation deWolbachia. À terme, l’une des appli-cations possibles est le contrôle desinsectes ravageurs ou vecteurs demaladies par le biais de leurs bacté-ries symbiotiques.

Florence ROYER

Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

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Distinctions <

Nombre d’éminents scientifiques se retrouvent au palmarès des Médailles d’or, d’argent et de bronze du CNRS, attribuéeschaque année, depuis 1954, à des chercheurs de renom ou à de jeunes scientifiques prometteurs dans leur domaine derecherche respectif.

LLeess MMééddaaiilllleess dduu CCNNRRSS

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