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> TECHNOLOGIE Nouvelles technologies d’énergie EN DÉLÉGATION CENTRE POITOU-CHARENTES > HISTOIRE Les emblèmes animaliers au Moyen Age MICROSCOOP LE JOURNAL DU NUMÉRO 19 OCTOBRE 2010 > BIODIVERSITÉ Ile verte : l’histoire d’un ménage à trois... > BIODIVERSITÉ Dossier spécial HORS-SÉRIE

MICROSCOOP · pour faire de ces journées et de cette édition 2010 de la Fête de la Science un très grand succès. Patrice SOULLIE Délégué régional 2/ ÉDITORIAL édito Hors-série

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> TECHNOLOGIENouvelles technologies d’énergie

EN DÉLÉGATION CENTRE POITOU-CHARENTES

> HISTOIRELes emblèmes animaliers au Moyen Age

MICROSCOOPLE JOURNAL DU

NUMÉRO19

OCTOBRE2010

> BIODIVERSITÉIle verte : l’histoired’un ménage à trois...

> BIODIVERSITÉDossier spécial

HORS-SÉRIE

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Chaque année, nous vous propo-sons à l’occasion de la Fête de laScience, un numéro hors-série.Après l’Astronomie en 2009 etavant la Chimie en 2011, lesNations Unies ont proclamé l’an-née 2010 « Année Internationalede la Biodiversité ». Ce numérospécial de Microscoop se devait de

consacrer son dossier à cette biodiversité qui nous est àla fois familière par les plantes et les animaux que nouscôtoyons quotidiennement, et beaucoup moins connuedans son rôle de maintien de la vie sur Terre, et donc pluségoïstement de notre bien-être.Plusieurs laboratoires de la délégation Centre et Poitou-Charentes du CNRS sont à la pointe des recherches dansces domaines. Vous les découvrirez au cours de votrelecture, six articles étant consacrés à la Biodiversité. Sansoublier un retour sur cette découverte effectuée au Gabonpar une équipe coordonnée par des chercheurs d’une unitéde Poitiers, découverte qui apporte, pour la première fois,la preuve de l’existence d’organismes pluricellulaires il ya 2,1 milliards d’années, soit 1,5 milliard d’années deplus que les premières formes de vie complexe dont nous

avions connaissance jusqu’à présent et qui remontaient à600 millions d’années.Une fois encore, nous nous sommes attachés à présenterla très grande diversité des domaines étudiés dans les labo-ratoires de la circonscription. Ainsi après la Biodiversité,vous aurez le loisir parmi d’autres de faire connaissancedu Val de Loire au fil des neumes ou de pénétrer le mondedes piles à combustible.Organisée et coordonnée en région par les Centres deCulture Scientifique, Technique et Industrielle sous l’égidedu délégué régional à la recherche et à la technologie, laFête de la Science est pour les scientifiques un tempsfort et privilégié pour transmettre à divers publics leurpassion de la recherche et expliquer la démarche scienti-fique.Faire partager la connaissance au plus grand nombre,éveiller chez les jeunes le goût des sciences et de la recher-che est un de nos objectifs majeurs. Je vous invite à nousrejoindre à Orléans, Tours, Poitiers, Nançay ou La Rochellepour faire de ces journées et de cette édition 2010 de laFête de la Science un très grand succès.

Patrice SOULLIEDélégué régional

2/ ÉDITORIAL

édito

Hors-sérieMicroscoop

Numéro 19octobre 2010

CNRS DélégationCentre Poitou-Charentes

3E, Avenuede la Recherche scientifique

45071 ORLÉANS CEDEX 2Tél. : 02 38 25 52 01Fax : 02 38 69 70 31www.centre-poitou-

charentes.cnrs.frE-mail :

[email protected]

Directeur de la publicationPatrice Soullie

Rédacteur de la publicationEric Darrouzet

Secrétaire de la publicationFlorence Royer

Ont participé à ce numéroSébastien Barret,

Xavier Bonnet,Pascal Brault,Betty Charles,

Christophe Coutanceau,David Giron,

Iskender Gökalp,Laurent Hablot,

Gilles Kagan,Wilfried Kaiser,Anne Laurent,

Sylvia Nieto-Pelletier,Stéphane Petoud,

Sylvain Pincebourde,Laurent Robin,

Benoît Rousseau,Marie-Louise Saboungi,

Catherine Souty,Arnault Titabouet,

Henri Weimerskirch.

Création graphiquewww.enola-creation.fr

ImprimeurImprimerie Nouvelle

ISSN 1247-844X

Photo de couvertureGrand albatros sur son nid

© S. Unterthiner – TAAF

agendacolloque22EE CCOOLLLLOOQQUUEE FFRRAANNCCOO--CCHHIINNOOIISS SSUURR LLAA PPOOLLLLUUTTIIOONN AATTMMOOSSPPHHÉÉRRIIQQUUEEL’Institut de Combustion Aérothermique Réactivité etEnvironnement accueillera une centaine de chercheursétrangers majoritairement chinois et français. Serontabordés:- Techniques d’observation et mesures de terrain- Émissions de polluants atmosphériques (incluant

les gaz à effet de serre)- Processus physico-chimiques et mécanismes

d’évolution des polluants atmosphériques- Qualité de l’air : prédiction et transport des

polluants- Mesures de contrôle de pollution de l’atmosphèreDu 6 au 9 décembre 2010 à Orléans

Pour en savoir plus : http://www.era-orleans.org/jw2/index.php

44EE MMFFHHTT –– MMAATTÉÉRRIIAAUUXX EETT FFLLUUIIDDEESS ÀÀHHAAUUTTEE TTEEMMPPÉÉRRAATTUURREE –– EEUURROOTTHHEERRMM 9922Ce colloque, organisé par le Laboratoire ConditionsExtrêmes et Matériaux : Haute Température et Irra-diation (CEMHTI - UPR 3079) réunira physiciens,chimistes, mathématiciens, spécialistes de géoscien-ces ou ingénieurs (aérospatial, industrie du verre, sidé-rurgie…) ou tous autres spécialistes travaillant sur etavec des procédés à haute température.Du 1er au 3 décembre 2010 à Orléans

Pour en savoir plus : http://mfht4.cnrs-orleans.fr/

expositionLLEESS SSEECCRREETTSS DDUU NNAANNOOMMOONNDDEE,, VVOOYYAAGGEE VVEERRSS LL’’IINNFFIINNIIMMEENNTT PPEETTIITTExposition réalisée en partenariat avec l’Institut P’(UPR 3346), le Laboratoire de catalyse en chimie orga-nique (LACCO – UMR 6503), le Laboratoire desynthèse et réactivité des substances naturelles(LSRSN – UMR 6514), l’École de l’ADN en Poitou-Charentes, l’ONISEP Poitou-Charentes et SACOADu 20 octobre 2010 au 22 mai 2011 à Poitiers(Espace Mendès-France).

Pour en savoir plus :http://maison-des-sciences.org/

manifestationIIMMAAGGEESS DDEE SSCCIIEENNCCEESS,, SSCCIIEENNCCEESS DDEE LL’’IIMMAAGGEE 22001100Projection de films accompagnée d’un débat avecun intervenant spécialiste de la thématique.Le thème 2010 « Se nourrir » éclairera la question del’alimentation sous un angle plus large que celui d’unesimple approche en termes de nutrition avec plus parti-culièrement un regard complémentaire sur les consé-quences économiques, humaines et environnemen-tales des modes de production et de consommation.Du 15 au 30 novembre, à Poitiers(Espace Mendès-France).

Pour en savoir plus : http://maison-des-sciences.org/5600/sciences-de-limage-2010/

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SOMMAIRE /3Microscoop / Hors-SérieNuméro 19 – octobre 2010

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TechnologieLumière sur l’imagerie

Les nouvelles technologies d’énergiePleins feux sur les piles à combustible

BiodiversitéUn nouveau chapitre de l’histoire de la vie

Les albatros, des oiseaux de légende menacés par la pêche Les vigies du lagon

Chimie du goût et chimie fondamentaleEcologie du changement climatique :

la biophysique s’en mêleÎle verte : l’histoire d’un ménage à trois…

Agro-écosystèmes, biodiversité et grandes cultures économes

HistoireLes emblèmes animaliers au Moyen Age

Les monnaies de Vercingétorix, reflet d’une politiquemonétaire gauloise

Les cartulaires du Moyen Âge européen et au-delàUne “archéologie” de la musique et liturgie en Touraine

JeunesLe Centre Galois, une pépinière de mathématiciens

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Hors-série > Microscoop / Numéro 19 – octobre 2010

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> Technologie

La grande sensibilité de la fluorescenceoptique permet de détecter en tempsréel de très faibles quantités de matièreou des objets de très petites taillescomme des tumeurs à un stade préma-turé de leur développement. Cette tech-nique a également l’avantage de mini-miser la perturbation du système àétudier : les échantillons biologiquessont donc observés dans des conditionsexpérimentales naturelles, correspon-dant à leur fonctionnement normal. Iln’y a pas de toxicité intrinsèque liée àcette technique de détection étantdonné qu’elle utilise principalement dela lumière pour la détection et ne néces-site que de très faibles quantités de réac-tifs. L’instrumentation nécessaire estrelativement peu coûteuse et de faibleencombrement. Elle peut être faci-lement adaptée à l’expérience ciblée(il est possible d’amener l’instrumentvers le sujet à observer ou vers lepatient). La luminescence est doncextrêmement bien adaptée aux besoinsdes études biologiques et au diagnos-tic médical.La contrainte principale de cette tech-nique d’observation est le besoin deréactifs luminescents conçus pourrépondre aux problèmes biologiques à

résoudre ou aux améliorations dudiagnostic médical. Pour résoudre lesproblèmes biologiques ciblés, il estcrucial d’utiliser des molécules fluo-rescentes/luminescentes bien adaptées,permettant de détecter l’emplacementd’une entité biologique (comme unetumeur) ou qui pourront agir commesenseurs d’événements biologiques(pour suivre par exemple une activitéenzymatique ou une variation de laconcentration cellulaire en oxygène).Pour cette raison, les chercheurs ontbesoin de créer des rapporteurs lumi-nescents spécialisés et de les optimi-ser afin de résoudre le problème biolo-gique donné.

L’imagerie optique au CBMLa création de nouveaux rapporteurs etsenseurs luminescents basés sur descations lanthanide (certains élémentsmétalliques) pouvant émettre de lalumière visible et/ou proche-infrarougeest le thème principal de recherched’une équipe du Centre de BiophysiqueMoléculaire à Orléans (UPR 4301CNRS). L’objectif est de concevoir,synthétiser et étudier des composés delanthanide possédant de nouvellespropriétés de luminescence ou des

propriétés améliorées pour une détec-tion optimisée en milieux biologiques.Différents types de molécules sontétudiés, macromolécules et nanomaté-riaux (matériaux comme des nanocris-taux ayant une taille supérieure au nano-mètre, leur conférant des propriétésadditionnelles) afin de générer la lumi-nescence provenant des lanthanides.

Les avantages des lanthanidesDes cations lanthanide émettent unelumière particulière dans les domainesdu visible et du proche infrarouge. Deplus, ils se distinguent facilement dela fluorescence native présente dans lesmilieux biologiques. Une bonne distinc-tion de ces signaux implique la capa-cité à séparer le signal du lanthanide decelui des molécules biologiques dumilieu. Ce paramètre est crucial et vainfluer fortement sur la sensibilité dela détection. Plus spécifiquement, leslanthanides possèdent des bandes deluminescence qui sont très étroites etdont la forme permet de les distinguerdes signaux plus larges provenant desmolécules biologiques. Les lanthanidespossèdent également des temps deluminescence longs par rapport auxtemps de fluorescence des moléculesorganiques qui vont permettre la distinc-tion temporelle de ces derniers.

L’instrumentation pour l’analyseLa mise au point d’équipement permet-tant de faire la spectroscopie et l’ima-gerie (microscopie et macroscopie) descomposés de lanthanide luminescentsest aussi nécessaire. Les chercheurs duCBM développent des systèmes de spec-tromètres permettant l’analyse des molé-cules et nanomatériaux mis au pointau laboratoire. Les mesures réalisées

LLuummiièèrree ssuurr ll’’iimmaaggeerriieeL’imagerie biologique par fluorescence/luminescence optique connaît un succès grandissant. Elle permet entre autresd’observer des tumeurs cancéreuses et/ou des dysfonctionnements métaboliques par le biais de signaux lumineuxprovenant de molécules ou de nanomatériaux opérant comme marqueurs ou comme senseurs(*).

Spectres d’émission normalisés de différents composés de lanthanide.Chaque spectre est dû à un cation lanthanide spécifique.

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avec ces équipements permettent d’ob-tenir des données quantitatives relativesaux performances des composés. Ellessont cruciales pour bien comprendre lefonctionnement de ces composés,permettant ainsi de les adapter pourd’autres besoins ou de les améliorer.Cette instrumentation inclut des sour-ces d’excitation laser et des systèmesde détection adaptés à la lumière visi-ble et proche-infrarouge.Un autre élément important: la détec-tion doit être bien adaptée à l’échan-tillon biologique à analyser et aucomposé luminescent à utiliser. Pourla détection au niveau cellulaire, desmicroscopes de fluorescence et fluo-rescence confocaux sont utilisés. Pourtravailler sur des échantillons de taillesplus importantes et ce afin d’étudier lesphénomènes biologiques de manièreplus globale, des macroscopes qui uti-lisent une plus grande distance de travailavec l’échantillon et permettent ainsid’observer des petits animaux en entiersont également développés. Un autreaspect intéressant du macroscope estla possibilité de « zoomer » durant uneexpérience et de passer de l’imageried’un sujet entier vers l’imagerie cellu-laire et cela durant la même expérience(ce qui est impossible avec la micros-copie classique).

La détection de Tumeur du Foie in vivoUn important projet de recherche aabouti au marquage de tumeurs cancé-reuses du foie au moyen de composés

de lanthanide luminescents sur dessujets vivants. Un des buts est d’aiderle chirurgien lors de l’ablation de cestumeurs en leur fournissant un critèreoptique (afin de s’assurer de retirer l’in-tégralité du tissu cancéreux tout en mini-misant les atteintes aux tissus sains).Les chercheurs ont travaillé sur deséchantillons cellulaires et des petitsanimaux afin de développer de nouveauxoutils de diagnostic et d’éradication decellules cancéreuses et de tumeurs.D’un point de vue fondamental, cetravail permet de mieux comprendre lesmaladies et les paramètres quicontrôlent son évolution. Deux condi-tions doivent être réalisées pour cetteétude: 1) avoir les réactifs luminescentsadéquats et 2) utiliser des techniquesd’imagerie appropriées.Des macromolécules, appelées dendri-mères (des nano molécules en forme

d’étoiles), ont été conçues et synthéti-sées dans l’équipe pour pouvoir se fixerspécifiquement sur les tumeurs du foie.Elles émettent une lumière proche-infra-rouge qui peut être facilement distin-guée des autres signaux de fluorescenceprovenant des tissus du sujet. Un filtreoptique qui ne collecte que la lumièreprovenant de ces composés est utilisé,ce qui permet d’obtenir un rapport signalsur bruit optimisé et ainsi une meilleuresensibilité de détection. Le composé delanthanide a été préalablement injectédans le système sanguin de l’animal.

Les différents projets sont multidisci-plinaires par nature et ont été réalisésen collaboration avec différentes équi-pes de recherche (biologie, biochimieet chimie) du Centre de BiophysiqueMoléculaire d’Orléans, des Universitésd’Orléans et de Tours ainsi que dusynchrotron Soleil (ligne DISCO) et del’Université de Pittsburgh aux États-Unis. Ces collaborations devraients’étendre et les chercheurs s’efforcerontde rendre les molécules les plus modu-laires possibles afin de pouvoir les adap-ter facilement à un grand nombre deproblèmes biologiques.

Contact: Stéphane [email protected]

(*) espèce dont le signal lumineux change enfonction d’un stimuli comme la présence d’uneentité biologique (tumeur), d’une espèce chimique(métaux métabolisés, oxygène, etc.).

Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

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Dendrimer utilisé comme macromoléculeluminescente contenant plusieurs lanthanides.

Nanocristaux créés au CBM. Tous deux contiennentdes cations lanthanide luminescents.

Exemple d’image obtenue parmacroscopie sur un rat vivant.Lors de cette expérience, undendrimer luminescent qui a étéconçu pour se fixer sur lestumeurs présentes dans le foie aété injecté dans le systèmesanguin du rat. L’existence etl’emplacement de la tumeur sontmis en évidence par le signallumineux blanc sur l’échantillon.Ce type d’analyse permet delocaliser la tumeur des tissussains lors d’une interventionchirurgicale et permet de faciliterson retrait en minimisant lesdommages aux tissus sains. Cesystème de macroscope peut êtrefacilement adapté au champopératoire.

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Hors-série > Microscoop / Numéro 19 – octobre 2010

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> Technologie

Une préoccupation ancienneLes transitions énergétiques n’ont riend’un fleuve tranquille. L’histoire en offrede nombreux exemples. Pour n’enmentionner qu’un, l’Angleterre a, auXIVe siècle, substitué le charbon au bois,préservant ainsi ses forêts, mais pas laqualité de son air. Au XVIe siècle, avecson industrialisation accélérée, arrivè-rent aussi les plaintes et craintes de lapopulation londonienne face à uneépaisse couche de fumée facilementobservable. Le NIMBY’isme (Not in mybackyard, pas dans ma cour) était-il déjàdans l’air (pollué) de Londres? Malgréces controverses, les cheminées omni-présentes laissaient déjà comprendrequ’il était difficile de changer un stylede vie mettant en œuvre des facteursinterdépendants. Actuellement leproblème de la transition énergétiqueest encore plus crucial. Non seulement

à cause de l’effet sur le climat des émis-sions de dioxyde de carbone (CO2) parla combustion des énergies fossiles,mais également du fait de l’épuisementde ces ressources traditionnelles. Et latransition d’un système énergétique àun autre est encore plus compliquée etlongue dans un monde de plus en plusinterdépendant. Elle nécessite des chan-gements combinés dans les systèmestechniques, économiques et socio-poli-tiques, à des niveaux de décision régio-naux, nationaux et internationaux.

De nouveaux procédés de combustionLes Nouvelles Technologies Énergé-tiques (NTE) tentent, d’une part, d’ima-giner et de rendre opérationnels denouveaux procédés et des nouvellessources énergétiques (nucléaire, solaire,éolien, géothermique etc.) et, d’autrepart, de proposer des solutions limitant

les émissions de CO2 responsables del’augmentation de l’effet de serre, ens’inscrivant dans la lignée des négocia-tions post-Kyoto et Copenhague. Parmices solutions on peut citer les tech-niques facilitant la capture du CO2 avantou après la combustion et permettantsa séquestration. Avec de nombreuxpartenaires, l’Institut de CombustionAérothermique Réactivité et Environ-nement (UPR3021 CNRS) participeactivement aux travaux sur les nouveauxprocédés de combustion. La capture duCO2 avant la combustion signifie lagazéification des combustibles fossiles(notamment du charbon) pour obtenirun mélange de CO (monoxyde decarbone) et de H2 (hydrogène). En trans-formant le CO en CO2 par sa réactionavec de la vapeur d’eau, on peut en effetcapter le CO2 et n’utiliser que le H2

comme combustible dans une turbine

LLeess nnoouuvveelllleess tteecchhnnoollooggiieessdd’’éénneerrggiiee :: pas dans ni sous monjardin, mais où ?Les technologies de l’énergie changent aujourd’hui. Elles changent pour différentes raisons, liées essentiellement à ladisponibilité des ressources et, plus récemment, à leur impact sur l’environnement.

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ou chaudière voire dans les moteursd’automobiles ou encore dans les pilesà combustible. Pour le captage aprèscombustion, une voie intéressante explo-rée à ICARE est l’oxy-combustion du gaznaturel à savoir sa combustion dansl’oxygène ou dans l’air enrichi enoxygène. L’oxy-combustion permet l’aug-mentation de la concentration du CO2

dans les fumées et de faciliter la capturepar des procédés physiques membra-naires, plus faciles et moins coûteux àmettre en œuvre que les procédéschimiques comme l’absorption dans dessolvants aminés.

Pour la séquestration du CO2 capté, deuxvoies existent : le stocker ou le trans-former en un autre composé ou produit,comme par exemple la culture de microalgues. Ces dernières technologies sontencore embryonnaires et surtout neconcerneront qu’une petite fraction des30 milliards de tonnes de CO2 émisannuellement dans l’atmosphère àl’échelle mondiale, du moins pendantles décennies à venir. La séquestrationsouterraine (par exemple dans des aqui-fères salins ou dans des réservoirs depétrole et de gaz épuisés) apparaît ainsicomme une solution potentielle plusefficace, du moins à moyen terme.

Chercheurs et industriels se mobilisentEn France, des organismes de recher-che et des industriels travaillent inten-sément sur la sécurisation de ceprocédé, pour diminuer tout risque deréémission du CO2 à long terme. Cerisque concerne aussi le transport duCO2, de ses sources jusqu’à leur réser-voir de séquestration via des réseauxde pipeline qui pourront traverser deszones d’habitation. De manière géné-rale, les NTE ont un coût économique,social et politique, qui pose le problèmede leur acceptabilité sociale, qu’ils’agisse de l’enfouissement des déchetsnucléaires, de l’implantation des parcsd’éoliens ou, plus récemment, ducaptage et de la séquestration du CO2

depuis ses sources principales d’émis-sion. Le NIMBY, voire le NUMBY (Not

Under My Backyard) les guette, et lesautorités publiques et les industrielsdéveloppent des campagnes d’infor-mation auprès des populations.

L’exemple canadienSoutenus par le CNRS (ProgrammeInterdisciplinaire Énergie et l’Institutdes Sciences de Communication duCNRS), une équipe orléanaise compo-sée des spécialistes de combustion etdes systèmes d’énergie d’ICARE ainsique d’économistes et de sociologues duLaboratoire d’Économie d’Orléans (UMRCNRS/Université d’Orléans) et du Labo-ratoire Orléanais de Gestion (Univer-sité d’Orléans), travaillent actuellementsur l’acceptabilité sociale des NTE(notamment celles liées au captage etséquestration du CO2 ou CSC) avec unedémarche interdisciplinaire et compa-rative, en coopération avec l’Universitéde Saskatchewan, Canada. La provincede Saskatchewan pratique la séques-tration du CO2 depuis de longues annéesgrâce à une technologie dite de Enhan-ced Oil Recovery qui permet d’amélio-rer la production de pétrole et de gazpar l’injection de CO2 dans les réser-voirs. Par son utilité (donner unedeuxième vie au CO2 et rentabiliser l’ex-ploitation des puits en fin de vie), etaussi par sa contribution économique,cette technique est largement accep-tée. En effet, une grande partie des agri-culteurs louent leurs terres pour le forageet l’exploitation du pétrole, ce quiaugmente considérablement leurs reve-nus. Une analyse sociologique estconduite pour comparer les réactionsdes populations concernées par cestechniques et procédés, en France et auCanada (Saskatchewan). La comparai-son concerne aussi le nucléaire, car àla suite d’une consultation publique, unprojet nucléaire a été très récemmentabandonné par le gouvernement provin-cial du Saskatchewan, province grandeproductrice d’uranium. Le contexte insti-tutionnel et les stratégies des différentsacteurs impliqués et leurs interactionsferont l’objet d’une analyse sociologique,toujours avec une perspective compa-

rative franco-canadienne. La recherchecomparative permet ainsi de saisir l’in-fluence des différences de contextes etd’analyser les facteurs contribuant à larésistance ou à l’adhésion des popula-tions, afin de pouvoir contribuer à laprise de décisions appropriées quant auxchoix politiques et énergétiques.

ContactsIskender GÖKALP (ICARE, CNRS)[email protected] BAGLA (LOG, Université d’Orléans)[email protected] GALIEGUE (LEO, Université d’Orléans)[email protected]

Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

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Chambre de combustion haute-pression et ses diagnostics optiquesassociés, pour l’étude des flammes prémélangées turbulentes, avec de l’airenrichi en oxygène à ICARE.

© ICARE

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> Technologie

LLeess ppiilleess àà ccoommbbuussttiibbllee ::une source d’énergie maispas seulement…

Un des problèmes majeurs au dévelop-pement et à la commercialisation despiles à combustible, outre leur coûtactuel, est la disponibilité des matériauxentrant dans leur composition. Leplatine est le meilleur catalyseuranodique et cathodique connu pour acti-ver les réactions d’oxydation de l’hy-drogène et de réduction de l’oxygènedans les piles basse température ditesà membranes échangeuses de protons(PEMFC). Cependant, à l’inverse desapplications portables, spatiales etstationnaires, où le coût de l’énergie estde moindre importance, un des princi-paux freins pour un développement àgrande échelle dans l’industrie auto-mobile reste le coût des matériaux.Le platine cote actuellement de l’ordre

de 35 € par g. Mais le fait que ce maté-riau devienne stratégique (en termeséconomiques et géographiques) rendson prix très fluctuant. De plus, si unmarché se développe, les réservesmondiales ne permettraient pas de satis-faire la demande pour ce matériau enconsidérant les performances actuelles.Les électrodes contiennent typiquementdes quantités supérieures à 0,4 mg dePt (platine) par cm² d’électrode pour desperformances de l’ordre de 0.7 – 0,8 Wpar cm². Un véhicule nécessitant 75 kWutiliserait environ 80 g de platine dansles électrodes; la fabrication d’environ11 millions de véhicules utilisant cettetechnologie consommerait la totalité dela production mondiale de platine (del’ordre de 206 tonnes en 2008 selonle US Geological Survey). Cette perspec-tive n’est évidemment économiquementpas viable, même si le platine est récu-pérable et recyclable à un taux très élevé.La réduction d’un facteur 10 (au mini-mum) de la quantité de platine au seindes électrodes est un préalable inévi-table au développement de cette tech-nologie.

Le Groupe de Recherche sur l’Énergé-tique des Milieux Ionisés (GREMI UMR6606 CNRS/Université d’Orléans), leLaboratoire de catalyse en chimie orga-nique (LACCO – UMR 6503CNRS/Université de Poitiers) et le Labo-ratoire l’Institut Européen des Membra-nes (IEM (UMR 5635 CNRS/Universitéde Montpellier/ENSCM) se sont asso-ciés, en partenariat avec le MID Dreux

Innovation et le CEA, depuis plusieursannées pour contribuer à développer descatalyseurs et des procédés de fabrica-tion de couches catalytiques dans le butde rendre la technologie d’une partéconomiquement viable et d’autre partcompatible avec les ressources natu-relles de platine. Plusieurs projets, enparticulier 3 projets du ProgrammeInterdisciplinaire Énergie du CNRS etun projet industriel se sont succédésdepuis 2004 avec pour objectif la réduc-tion de la quantité de catalyseurs, enparticulier le platine, en utilisant lesprocédés plasma développés au GREMI.Le premier résultat important a été defaire fonctionner une pile avec unecharge de 10 μg de Pt par cm² d’élec-trode. À ce jour, ce sont les meilleuresperformances qui ont été obtenues aumonde.

Une autre voie pour réduire la quantitéde platine est de ne pas en utiliser dutout. Un nouveau type de pile a étéétudié au LACCO: les piles à membrane

PPlleeiinnss ffeeuuxx sur les piles à combustibleLes recherches sur les piles à combustible se développent de manière importante partout dans le monde. Les raisonsen sont bien connues : la réponse aux contraintes environnementales (véhicules propres), la nécessité de chercherdes sources alternatives d’énergie (vecteur hydrogène) et certaines exigences technologiques telles que lesapplications spatiales, sous-marines, électronique portable, alimentation électrique de sites isolés et de micro-systèmes (MEMS).

Expérience de dépôtplasma d’électrodes depiles à combustible.

Agrégats de platine (points blancs) sur l’électrodede carbone chargée à 10 μg de platine par cm².

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solide alcaline (SAMFC). Ces piles ontl’avantage de pouvoir fonctionner defaçon stable avec des liquides et enparticulier des alcools. Les puissancessont moindres qu’avec de l’hydrogènepur, mais pour des applications de faiblepuissance, ce n’est pas un inconvénient.Dans un souci de cohérence avec unedémarche de valorisation énergétiqueet environnementale, le glycérol (GL) aété choisi comme combustible à la placede l’hydrogène. Le glycérol est le résidunon valorisé des réactions de « trans-estérification » utilisées dans les procé-dés de production des esters méthy-liques d’huile végétales (EMHV) ajoutéà raison de 5 % au gazole. C’est doncun produit issu de la biomasse.

Les avantages sont l’hydratation natu-relle du cœur de pile (combustibleliquide), des densités d’énergie élevéeset de faibles toxicités. Dans le cas del’oxydation d’un monoalcool, tel quel’éthanol, le principal produit d’oxyda-tion avancée est l’acide acétique enmilieu acide (ion acétate en milieu alca-lin) ; un tiers de l’énergie totale ducombustible est alors récupéré. Dansle cas de polyols, tels que l’EG et le GL,l’oxydation avancée des fonctions alcoolsconduisant aux carboxylates permet derécupérer 80 et 71 % de l’énergie ducombustible, respectivement. Certains

de ces sous produits, mésoxalates ethydroxypyruvates, sont des produitschimiques dont la synthèse est trèscoûteuse (jusque 160 € le g). Il se trouvedonc qu’une pile à combustible fonc-tionnant au glycérol peut devenir un outilde synthèse de « chimie verte ». L’uti-lisation de catalyseurs non précieuxaussi bien à l’anode qu’à la cathode estpossible en milieu alcalin. La formula-tion des catalyseurs est une tâchecruciale (augmentation de l’activité etorientation de la sélectivité), ainsi quel’élaboration d’électrodes spécifiquesassurant la continuité de conductionionique de la cathode vers la membraneet permettant une répartition adéquatedu catalyseur dans la couche active.La collaboration GREMI – LACCO prendtout son sens en réunissant des compé-tences de formulation des catalyseursinnovants et de leur mise en forme effi-cace par plasma, afin d’améliorer lesperformances en piles (puissance déli-vrée et stabilité, durée de vie) et la sélec-tivité vers les sous-produits à très hautevaleur ajoutée, le tout dans un procédésans émission de gaz à effet de serre.

Contacts:Pascal BRAULT (GREMI)[email protected] COUTANCEAU (LACCO)[email protected]

DDee nnoouuvveeaauuxx mmaattéérriiaauuxxeett ddee nnoouuvveelllleesstteecchhnniiqquueessLa recherche de nouveaux matériauxet de nouvelles techniques de miseen forme pour réduire la températurede fonctionnement des piles SOFC.

Les piles SOFC (Solid Oxid Fuel Cell)fonctionnent à haute température (800-1000 °C). Elles suscitent actuellementun grand intérêt car elles offrent deuxavantages majeurs par rapport aux autrestypes de pile à combustible:

la possibilité, à partir de 800 °C, deréformer directement un hydrocarbureau sein de l’anode, en présence d’eau,c’est-à-dire extraire son hydrogène.Cette opération peut se faire avec ousans recours à des catalyseurs à basede métaux noblesla formation de vapeur d’eau à hautetempérature valorisable soit en cogé-nération, soit en couplage direct avecune turbine à gaz. Dans ce dernier cas,

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QU’EST-CE QU’UNE PILE À COMBUSTIBLE ?Une pile à combustible permet de convertir directe-ment de l’énergie chimique (produit de réaction) en éner-gie électrique. Comme cela est présenté sur la figureci-dessous, une pile est constituée d’un cour de pileformé de deux électrodes séparées par un électrolyte etde dispositifs garantissant l’approvisionnement encombustible et en comburant. Le courant est produit par les réactions électrochimiquesqui ont lieu à chaque électrode. Le bilan global est hydro-gène + oxygène = eau + électricité + chaleur, avec uneefficacité supérieure à 90% .

Tableau des sous-produits possibles issus de l’oxydation du glycerol dans une pile à combustible.

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> Technologie

le rendement électrique du systèmecomplet peut atteindre 70 % à 80 %à comparer avec celui de la pile seule,proche de 50 % à 60 %.

Toutefois, ces hautes températures defonctionnement impliquent l’utilisationde matériaux d’interconnexions coûteuxet conduisent à un vieillissement préma-turé des matériaux du cœur de pile.Un des axes de recherche actuel estdonc la diminution de la températurede fonctionnement des piles SOFC vers700 °C. Un fonctionnement à cettetempérature permettrait de diminuer lesréactions de dégradation aux interfaceset d’utiliser des matériaux d’intercon-nexions moins coûteux tels que desaciers inoxydables, tout en conservantles principaux attraits des piles SOFC,tels que la rapidité des réactions, lapossibilité d’utilisation directe d’hydro-carbures. Néanmoins, la diminution dela température de fonctionnement depiles SOFC induit une dégradation dela conductivité de l’électrolyte classi-quement utilisé, de la zircone yttriée, etdu rendement électrique de la pile.Deux possibilités sont envisagées pourpallier ce problème: d’une part, dimi-nuer l’épaisseur de l’électrolyte pourréduire la résistance de la pile et d’au-tre part, utiliser un autre matériaud’électrolyte ayant une conductivitésuffisante à plus basse température.L’un des projets mené en collaborationentre le CEA Le Ripault (Commissariatà l’Énergie Atomique) et le Centre deRecherche sur la Matière Divisée (CRMD– UMR 6619 CNRS/Universitéd’Orléans) est de mettre en forme denouveaux matériaux d’électrolytes, lesapatites, par projection plasma pour unfonctionnement de pile SOFC à 700 °C.

L’apatite est un nom générique dési-gnant des phosphates de compositionassez variable. Leur structure est répu-tée pour être d’une grande stabilité. Leurconductivité ionique est relativementélevée, notamment pour celles oxyapa-tites silicatées de lanthane. La structuredes apatites à base de silicate delanthane est constituée d’un empile-ment quasi compact de tétraèdres SiO4

et d’octaèdres de lanthane, mettant enévidence des tunnels contenant les ionsoxydes très mobiles.Ces matériaux sont, classiquement,préparés par coulage en bande ou pardépôt sol-gel Néanmoins, la mise enforme de ces matériaux par projectionplasma, technique présentant une fortevitesse de croissance des dépôts etpermettant de réaliser des matériaux dedimension et de formes variées, sembleun procédé prometteur dans le domainedes piles à combustible.Plusieurs campagnes de caractérisationont été menées par le CEA Le Ripaultet le CRMD sur les matériaux d’apatitemis en forme par projection plasma. Lescaractérisations par diffraction desneutrons, diffraction des rayons X entempérature, par spectroscopie à source

plasma inductif ont notamment permisde vérifier que la structure de l’apatiteest bien conservée après projectionplasma.

Contact: Marie-Louise [email protected]

LLee rraayyoonnnneemmeennttiinnffrraarroouuggee ::du calcul du bilan thermiquedes piles SOFC au diagnosticde leurs architectures 3D !

Le laboratoire Conditions Extrêmes etMatériaux: Haute Température et Irra-diation (CEMHTI – UPR 3079 CNRS)développe depuis 2006 des travauxexpérimentaux et numériques pourcomprendre le rôle joué par l’architec-ture 3D des céramiques composant lecœur de pile à combustible SOFC àoxyde solide sur leurs propriétés radia-tives. Les propriétés radiatives sont prop-res à tout matériau chauffé et tradui-sent leurs aptitudes à échanger etproduire de la chaleur sous forme derayonnement infrarouge. L’énergie véhi-culée par les ondes infrarouges peutdonc intervenir dans le bilan thermiquede ces piles à combustible au vu de leurstempératures de travail. Or, aujourd’huiles modélisateurs qui simulent la répar-tition de la température dans les pilespour localiser par exemple les pointschauds sources de fragilités méca-niques, travaillent sans la connaissancedes propriétés radiatives car… peu dedonnées sont disponibles. Et le manquede fiabilité mécanique des piles perdure,freinant ainsi leur développement indus-triel.Les piles SOFC sont constituées dematériaux céramiques bien connus pourleurs propensions à transporter à hautetempérature des électrons (cas del’anode et de la cathode) et des ions

Représentation schématiquede la maille d’une apatitesilicatée projetée selon leplan (001).

Cartographies de la distribution des éléments La, Sr et Si dans un dépôt par torche plasma d’apatite.

Images MET haute résolution des zones amorphes etcristallisées d’un dépôt par torche plasma d’apatite.

Appauvrissement en Sr Appauvrissement en Si

La Sr Si

Zones cristallisées

Zones amorphes

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oxygène (cas de l’électrolyte). Ces pilespermettent donc de produire de l’élec-tricité et bien sûr de la chaleur. Parailleurs, en raison de leur haute tempé-rature de fonctionnement, il n’est pasnécessaire d’avoir recours à un cataly-seur pour assurer la production d’élec-tricité ce qui est le cas des piles àmembrane échangeuses de protons(PEMFC).Dans ce contexte, deux projets derecherche ont ainsi été mis en œuvre auCEMHTI grâce au soutien financier del’Agence Nationale de la Recherche etde la Région Centre. Dans ces projets,le cœur de pile possède une géométrieplane et est constitué par l’assemblaged’un électrolyte dense autosupporté dezircone yttriée sur lesquels reposent depart et d’autre, une couche poreuse denickélate de lanthane jouant le rôle decathode et une couche poreuse de nickelassocié à de la zircone yttriée servantd’anode. Le nickélate de lanthane estun composé dont les propriétés optiquessont directement liées à son dopagechimique: en l’occurrence, il va natu-rellement comporter plus d’atomesd’oxygène que ce qui est prédit par lasimple lecture de sa formulationchimique. Pour soutenir l’activité desimulation numérique menée auCEMHTI, il est nécessaire de disposerd’une expertise dans le contrôle et lamesure du rôle joué par les atomesd’oxygène excédentaires. C’est à ce titrequ’intervient, à Tours, le Laboratoire

d’Électrodynamique des MatériauxAvancés (LEMA UMR 6157CNRS/Université de Tours) en élaborantdes matériaux purs, des cristaux, où letaux d’oxygène est contrôlé. Les céra-miques poreuses d’anode et de cathodesont, elles, élaborées par chimie douceau Centre interuniversitaire de recher-che et d’ingénierie des matériaux (CIRI-MAT UMR 5085 CNRS/UniversitéToulouse 3/INP Toulouse).Plusieurs campagnes de caractérisationradiatives (20-1000 °C) ont été ainsimenées au CEMHTI d’Orléans, à partird’un spectromètre infrarouge instru-menté en température. Une nouvellecellule a été en plus développée pourreproduire complètement l’atmosphèregazeuse sous laquelle le cœur de pileest réellement plongé. Pour les ca-thodes, la comparaison des mesuresréalisées sur des monocristaux élaborésau LEMA et celles obtenues sur lescouches à géométrie contrôlée montrentle rôle clé joué par l’agencement spatialdes grains et des pores, c’est-à-dire l’ar-chitecture 3D. Or, cette même archi-tecture va avoir aussi un rôle prépon-

dérant sur les propriétés mécaniques etélectriques qui aujourd’hui doivent êtrefiabilisées. L’enjeu dépasse bien ici laproblématique thermique initiale puis-qu’il s’agit aujourd’hui de comprendrel’impact de l’architecture 3D sur lespropriétés physiques d’intérêt.Différentes techniques de caractérisa-tion de l’architecture 3D des matériauxparmi les plus pointues sont actuel-lement mises en œuvre pour voir l’inté-rieur des céramiques: micro-tomogra-phie X, érosion ionique couplée à del’imagerie MEB, diffusion X aux petitset aux ultra petits angles, diffusion desneutrons aux petits angles. Utiliser cestechniques requiert de maîtriser habi-lement la préparation des échantillons.Les informations recueillies permettrontpar la suite de modéliser avec préci-sion les variations liées à la texture rele-vées sur les spectres infrarouges. Le butde ce travail amont est ainsi tout tracé:permettre aux ingénieurs de connaîtresimplement la texture des céramiquesqu’ils élaborent à partir de diagnosticsoptiques.

Contact: Benoît [email protected]

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Contrôle de l’oxygénation des matériaux pour Pile à Combustible

Poudre de nickélate de lanthane pour la synthèse d’un monoccristal et d’une “couche épaisse” : l’objectifest d’avoir la même composition chimique pour ces trois matériaux utiles pour comprendre les propriétésradiatives des piles à combustible.

Réglage de lacellule hauteinfrarouge.

Contrôle par ordinateur du bâti de mesure de l’émissivité infrarouge.

© CEMHTI

© CEMHTI

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> Biodiversité

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Avant d’aborder le sujet de l’émergencede la vie multicellulaire il y a2,1 milliards d’année, il est fondamen-tal de se faire une idée quant à l’histoirede la terra primitive. En effet, la Terrese distingue des autres planètes tellu-riques (Mercure, Venus, Mars) par sonactivité tectonique qui renouvelleconstamment l’essentiel de sa surface.La croûte océanique la plus vieille n’apas plus de 200 millions d’années(200 Ma). C’est donc sur les continentsqu’il faut chercher les témoins plus oumoins transformés d’un passé très loin-tain qui remonte à 4,5 milliards d’an-nées (4,5 Ga). Malheureusement, l’in-cessant cycle de formation de chaînesde montagnes et de leur érosion trans-forme ces témoins au point de les rendretrès difficiles à identifier. Les roches lesplus anciennes (de 3,8 à 4 Ga) affleurentdans le nord du Canada et le sud duGroënland. Elles sont lourdement trans-formées par la tectonique (métamor-phisme). De ce fait leur message origi-nel est pratiquement effacé: ce sont despalimpsestes. Dans de telles conditions,comment remonter plus loin encore dansle passé? Il faut rechercher non plus desroches mais certains cristaux extrê-mement résistants aux changements detempérature et de pression qui accom-pagnent la mise en mouvement de lacroûte continentale. Les multiples colli-sions continentales qui se sont produi-tes depuis ces temps immémoriauxentraînent à chaque fois les roches dela surface jusque dans les domainesprofonds où la fusion se déclenche. Cescristaux appartiennent à une espèceminérale particulière : les zircons

(ZrSiO2). Les plus vieux d’entre eux ontété trouvés dans les « Jack Hills » enAustralie. Ils sont souvent zonés etcertains d’entre eux présentent un cœurtrès ancien témoin d’un stade croissanceà 4,4 Ga. Par les isotopes de l’oxygènequ’ils contiennent, ils nous apprennentque l’eau liquide existait déjà la surfacede la jeune Terre. Alors, comment était-elle cette jeune Terre au moment où elles’est formée (Hadéen)?

La jeunesse de la TerreLa date officielle de la « naissance »de la Terre est donnée par l’âge desobjets les plus anciens du systèmesolaire, les inclusions réfractaires conte-nues dans les chondrites (météoritesprimitives) : 4, 5 Ga. En seulement30 Ma, la planète a acquis plus de 90 %

de sa masse et déjà séparé son noyaude fer-nickel du manteau silicaté. Lenoyau était entièrement liquide àl’époque et ne générait pas de champmagnétique. L’empreinte magnétique laplus vieille « fossilisée » dans les parti-cules ferreuses des roches date seu-lement de 3,2 Ga. Bien que le Soleilétait plus faible à cette époque (30 %de moins que la puissance rayonnéeactuelle), l’absence de bouclieratmosphérique permettait aux radiationscosmiques d’irradier la surface de laTerre. En outre, la première atmosphèreétant composée essentiellement de l’hé-ritage météoritique (pas d’oxygène), ellen’absorbait pas les rayonnements ultra-violets du Soleil. Entre 50 et 100 Ma,cette atmosphère a été arrachée avecune grande partie du manteau silicaté

Une équipe internationale, coordonnée par le laboratoire Hydrogéologie, Argiles, Sols et Altérations (HYDRASA – UMR6269 CNRS/Université de Poitiers), a découvert des fossiles d’organismes multicellulaires âgés de 2,1 milliards d’annéesau Gabon. Cette découverte apporte une contribution majeure à l’histoire de la vie multicellulaire macroscopique, lavieillissant de plusieurs centaines de millions d’années.

UUnn nnoouuvveeaauu cchhaappiittrree de l’histoire de la vie

Collecte d’échantillons sur le site de fouille.

© CNRS Photothèque / El Albani Abderrazak

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Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

par un choc d’une violence inouïe entrela Proto-Terre et Théa, une planète dela taille de Mars. Les débris de l’im-pacteur et de sa cible mis en orbiteautour de la Proto-Terre ont ensuite étéconcentrés gravitationnellement et ontformé la Lune. Les grandes lignes duscénario de la période d’accrétion de laTerre et de la formation de son satellitesont dorénavant admises. Les simula-tions mathématiques servent mainte-nant à affiner le déroulement des événe-ments. Ainsi pense-t-on que lebombardement météoritique, trèsintense dans les 20 premiers millionsd’années, s’est « assagi » avant que lechoc avec Théa ne se produise. C’est le« Hiatus », période plus calme qui pour-rait expliquer que les premiers océansne furent pas constamment vaporiséspar la chute de météorites gigantesques.La présence de la Lune a stabilisé l’axede rotation de la Terre alors que l’on saitqu’il a pu basculer de 90° sur les autresplanètes telluriques. Une secondeatmosphère s’installe alors, formée parle dégazage du manteau silicaté. L’ac-tivité volcanique intense rejette d’énor-mes quantités d’eau et de CO2 avec unpeu de méthane. L’atmosphère estépaisse; certains pensent que la pres-sion à la surface de la planète atteignait10 bars (10 fois la pression actuelle).Toujours pas d’oxygène. La rotation de

la planète était plus rapide que main-tenant : le jour, à cette époque, dure17 heures. La Lune étant un tiers plusprès de la Terre que maintenant, génèredes marées océaniques et terrestrescolossales. Sa surface qui, contrai-rement à celle de la Terre, ne se renou-velle pas par la tectonique, nous apprendqu’un bombardement météoritiquetardif a eu lieu vers 3,9 Ga. Il est lié àla migration de Jupiter dont l’orbite se

rapproche du Soleil. L’énorme puissancegravitationnelle de cette planète géantedépeuple la ceinture d’astéroïdes dontune grande partie tombe dans le systèmesolaire interne. Ce bombardement tardifenrichit la surface de la Terre enéléments sidérophiles c’est-à-direaccompagnant le fer. Normalementconcentrés dans le noyau, leurs teneursdevraient être très faibles sur la croûteterrestre s’ils n’avaient été apportés parce vernis chimique tardif.

Des traces de vie très anciennesC’est dans un contexte inhospitalier quela vie apparaît. Les premiers témoinsincontestables datent de seulement 3,2Ga (Archéen). Des traces plus ancien-nes d’une activité biologique remontantà 3,85 Ga sont en discussion. Pourtant,ce sont ces « microbes » vivant de CO2

ou de méthane qui vont enrichir l’at-mosphère de leur déchet essentiel: l’oxy-gène. Il faut attendre 2,5 Ga pour quela pression partielle de ce gaz soit suffi-sante pour oxygéner une mince tran-che d’eau dans les océans. La chimieglobale de la Terre change alors. Desroches formées essentiellement d’oxy-des de fer ou de manganèse se dépo-sent aux marges des océans. Le champ

Diffractométrie de rayons X, pour la caractérisation des minéraux constituant une roche, un sédiment ou un fossile. Mise enplace d’un échantillon sous forme de poudre (dépôt orienté) de sédiment emballant les organismes fossiles du Gabon.

Macrofossiles multicellulaires complexes et organisés trouvés au Gabon

© CNRS Photothèque / Kaksonen

© CNRS Photothèque / Kaksonen

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> Biodiversité

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magnétique et la formation progressivede l’ozone protègent la surface de laplanète des rayons cosmiques et des UVsolaires. Une vie plus complexe, aéro-bie, peut alors émerger. C’est ce quenous racontent les fossiles du Gabon.Si des organismes peuplent les océansde l’Archéen, c’est qu’une chimie pré-biotique a patiemment construit lesbriques de la matière vivante: sucres,protéines, lipides, et en particulier l’ARNet l’ADN. C’est donc à l’Hadéen qu’ilfaut remonter pour trouver sinon lestraces, tout au moins les processus quisont à l’origine de ces composés. Il estpossible que la surface de la Terrecouverte de laves (basaltes et komatiites)contenant des argiles ait servi de réac-teur chimique permettant la multituded’essais-erreurs nécessaire pour surmon-ter la très faible probabilité de succèsd’une synthèse chimique complexe.L’histoire de la vie entre sa premièreapparition, il y a environ trois milliardset demi d’années (époque archéenne),et “l’explosion cambrienne", autour de600 millions d’années, est très peuconnu. Mais c’est au cours de cettepériode, appelée Protérozoïque, que lavie se diversifie: aux micro-organismesunicellulaires ayant une simplemembrane mais privés de noyau - lesprocaryotes - s’ajoutent les eucaryotes,organismes uni- ou pluricellulaires àorganisation et métabolisme pluscomplexes et de plus grande taille,caractérisés par des cellules possédantun noyau contenant l’ADN. Cette phaseextraordinaire de l’histoire de la vie denotre planète, qui passionne tant géolo-gues, biologistes, paléontologues etgéochimistes, est malheureusement mal

documentée par le registre fossile. L’in-terprétation de ses rares traces, notam-ment des niveaux sédimentaires duMésoprotérozoïque (1,6-1 milliard d’an-nées), est l’objet de discussions animéesentre spécialistes.

Des études pointuesLes restes fossiles d’une impression-nante variété d’organismes coloniauxcomplexes ont été parfaitement préser-vés dans des sédiments du Gabon vieuxde 2,1 milliards d’années (Ga). Il s’agitdes plus anciens fossiles documentésà ce jour, de formes et de dimensionsdiverses, atteignant parfois 10-12 centi-mètres et une densité de plus de 40spécimens au mètre carré.Le site fossilifère gabonais, près de Fran-ceville (d’où le nom “Francevillien” desformations géologiques), a déjà livré plusde 250 spécimens. Mais les chercheursestiment que sa richesse et sa qualitéde conservation sont sans précédent.Surpris par le niveau de complexitébiologique atteint dans la phase initialedu Protérozoïque, appelée Paléoproté-rozoïque (entre 2,5 et 1,6 milliard d’an-nées), les chercheurs ont soumis lesspécimens à des analyses sophistiquéespour comprendre leur nature et recons-truire leur milieu de vie. Grâce à l’utili-sation d’un scanner tridimensionnel àhaute résolution (microtomographe)disponible à l’Université de Poitiers, uneexploration virtuelle des échantillons amontré leur degré d’organisation internedans ses moindres détails, sans encompromettre l’intégrité. Une sondeionique capable de mesurer le contenudes isotopes du soufre a permis de carto-graphier précisément la distribution rela-

tive de la matière organique qui cons-tituait le substrat flexible de l’organismeoriginal et qui s’est transformée en pyriteau cours de la fossilisation, et de la diffé-rencier du sédiment environnant.

L’oxygène un facteur déclenchant ?Outre les résultats des analyses miné-ralogiques et géochimiques (isotopes dusoufre et géochimie du fer), l’étude desfigures et des structures sédimentairesa révélé que les macro-organismes duGabon, ayant subi une fossilisationrapide dans des conditions rarementaussi favorables, vivaient dans un envi-ronnement marin d’eaux oxygénées peuprofondes, souvent calmes mais pério-diquement soumises à l’influence conju-guée des marées, des vagues et destempêtes. Pour se développer et se diffé-rencier, ces formes de vie ont effecti-vement profité d’une phase temporaired’augmentation significative de laconcentration en oxygène dans l’at-mosphère, qui s’est produite entre 2,45et 2,32 milliards d’années.En effet vers 2,4 milliards d’années, laconcentration en oxygène dans l’at-mosphère se met à augmenter pouratteindre un pic vers 2,1 milliards d’an-nées. Ce taux de concentration est trèsinférieur à celui que nous connaissonsaujourd’hui mais il est suffisant pourque l’oxygène se diffuse dans l’hy-drosphère, jusqu’à 30 à 40 m de profon-deur. Puis l’oxygène va brusquementchuter vers 1,9 milliard d’années,jusque vers 670 millions d’années. C’estune « période noire » en termes de regis-tres fossiles pour les paléontologues.Viendra ensuite l’explosion des formesde vie au Cambrien.Il est possible que vers 2,4 milliardsd’années, la Terre ait connu une réduc-tion du volcanisme et des émanationsde gaz toxiques, permettant ainsi à l’oxy-gène de s’exprimer dans l’atmosphèreet d’augmenter grâce à la photosyn-thèse. Ainsi, une vie primitive a peut-être pu s’organiser pendant 300 millionsd’années, jusqu’à ce que la Terre entredans une nouvelle phase de mouve-ments tectoniques et de volcanisme.Le fer est un excellent marqueur car il

© CNRS Photothèque / El Albani Abderrazak

Site fossilifère gabonais prèsde Franceville.

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est très sensible aux conditions d’oxy-dation. Avec des collègues danois, leschercheurs poitevins ont analysé laspéciation du fer, technique qui permetde caractériser l’état du fer. Quand il ya de l’oxygène dans le milieu étudié, lefer possède 3 charges positives; quandil n’y en a pas il n’en possède que deux.La découverte de fer dans le site fossi-lifère avec 3 charges positives montrequ’il y avait de l’oxygène au momentde la fossilisation.Mais par la suite, comme il est récur-rent dans l’histoire de notre planète, lesconditions de l’océan primitif devinrentmoins favorables aux organismes à méta-bolisme complexe. Il faudra donc atten-dre le début du Cambrien, plus d’unmilliard d’années après, pour assister àune nouvelle phase significative dediversification et expansion de la vie(“l’explosion cambrienne”), à moins denouvelles découvertes qui remettraienten cause ce scénario.

Jusqu’à présent, on retenait qu’avantdeux milliards d’années la Terre étaitpeuplée uniquement de microbes. Maisles fossiles du Gabon montrent quequelque chose de radicalement nouveausurvint à cette époque : des cellulesavaient commencé à coopérer pourformer des unités plus complexes et plusgrandes. À partir de ce moment, la voies’est ouverte à de nouvelles expériencesévolutives qui transformeront labiosphère en l’enrichissant d’organismesqui jouent encore aujourd’hui un rôlemajeur dans la biodiversité.Le Président gabonais Monsieur AliBongo Ondimba a classé le site fossili-fère parmi les parcs naturels. Il figuredorénavant au patrimoine national. C’estimportant car, aujourd’hui, l’accès ausite est très réglementé permettant laprotection des fossiles. Le lieu de ladécouverte est en passe de figurer aupatrimoine mondial de l’Unesco.

Contact : Abderrazak EL [email protected]

Reconstruction virtuelle (par microtomographie) dela morphologie externe (à gauche) et interne (àdroite) de trois spécimens fossiles du site gabonais.

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Les albatros sont les oiseaux les plusgrands du monde de par leur envergure,les mâles d’albatros hurleur, aussiappelé grand albatros, pouvant attein-dre 3,50 m d’envergure. La famillecompte 22 espèces qui se rencontrentpour la plupart dans l’hémisphère Sud,dans les mers australes et l’océan Paci-fique. Huit espèces d’albatros se repro-duisent dans les Terres australes etantarctiques françaises (TAAF – sur lesîles Crozet, Kerguelen et Amsterdam)où elles sont étudiées depuis des décen-nies par les chercheurs du Centre d’Étu-des Biologiques de Chizé qui ont permisde mettre en évidence les adaptationshors du commun de ces oiseaux légen-daires.

Des performances exceptionnellesLes albatros occupent l’océan Australdepuis des millions d’années. Les es-pèces observées sont le résultat d’une

continuelle adaptation aux conditionsenvironnementales changeantes qu’aconnues la planète. Ainsi, grâce à desaptitudes au vol plané hors pair, ilspassent plus de 90 % de leur vie en mer,dans les régions les plus ventées duglobe! Leurs longues ailes effilées leurpermettent de réaliser de très longs volsplanés entre les vagues après avoir prisde l’altitude en utilisant le vent commesource d’énergie. Ce vol plané dyna-mique nécessite très peu d’énergie, cequi explique leurs grandes capacités dedéplacement. En équipant des grandsalbatros de balises Argos et d’enregis-treurs de fréquence cardiaque nousavons pu montrer que la dépense éner-gétique des albatros en vol n’estaugmentée que de 20 à 50 %, alors quechez un oiseau utilisant le vol battu, elleest augmentée de 200 à 400 %! Cescaractéristiques physiologiques leurpermettent de parcourir des milliers de

kilomètres pour s’alimenter ou de réali-ser des vols circumpolaires en quelquessemaines, en utilisant des vents favo-rables. Ils peuvent atteindre des vites-ses de pointe de 130 km/h et couvrirplus de 1000 km en moins d’une jour-née. Lorsqu’ils élèvent leur poussin, ilsvont chercher la nourriture jusqu’à 3-4000 km du nid, partant pour une àdeux semaines, des voyages de 12-15000 km, comme si un oiseau nichantà La Rochelle allait chercher de la nour-riture au large de New York!

Un grand voyageurSi les albatros sont des voyageursextraordinaires, réalisant des millionsde kilomètres et des dizaines de toursdu monde au cours de leur vie, ils sont,dans une certaine mesure, casaniers :ils reviennent sur leur lieu de naissancepour se reproduire sur un même nid toutau long de leur vie. La femelle pond ungros ouf unique dans le nid construit parle mâle. Le couple, fidèle à vie chez lesalbatros, se partage équitablement lestâches de la reproduction (incubationde l’œuf, nourrissage, élevage du pous-sin). Les poussins sont nourris si peu

Parade du grand albatros Vincent Lecomte manipulant une femelle de grand albatros,un male vient regarder ce qui se passe

© H. Weimerskirch – CEBC © A. Jaeger - CEBC

Les albatros ont toujours fasciné les hommes, marins, poètes ou amoureux de lanature. Ils incarnent la liberté et la nature sauvage des vastes océans. Pourtant,bien des aspects de la biologie de ces oiseaux emblématiques restaientméconnus, de même que les lourdes menaces qui pèsent sur leur avenir.

LLeess aallbbaattrrooss,, des oiseaux de légende menacés par la pêche

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fréquemment en raison des longs voya-ges en mer des parents que leur crois-sance dure près de 9 mois, un recordchez les oiseaux. Après être devenu pluslourd que ses parents, le poussin va êtreprogressivement abandonné par sesparents. Quand sa mue est terminée etson poids devenu proche de celui desadultes, il s’envole enfin vers la mer,seul. Il y restera entre 5 et 10 ans sansjamais toucher terre. Puis, une fois adul-tes, les survivants reviendront sur leurlieu de naissance pour se reproduire àleur tour. La maturité sexuelle n’estatteinte qu’à l’âge de 10-12 ans.

Ce sont les oiseaux les plus longévifsdans la nature, des individus baguéschez les grandes espèces montrent qu’ilspeuvent au moins atteindre l’âge de 62ans, probablement 80 ans. La remar-quable longévité de ces oiseaux estprobablement liée à un métabolisme peuélevé.

Des espèces en danger d’extinctionLes travaux menés sur la dynamique despopulations des albatros, en particulierà Chizé, indiquent que leur statutmondial de conservation est le plus défa-vorable de toutes les familles d’oiseaux.Les populations des albatros présententun déclin rapide depuis le développe-ment dans les années 1970 de la pêcheau thon ou à la légine qui se pratiquedans les océans où ils s’alimentent. Lesalbatros sont attirés par les appâts accro-

chés aux milliers d’hameçons disposéssur des lignes de plusieurs dizaines dekilomètres, appelées palangres, et péris-sent noyés après avoir été accrochés Onestime que plus de 100000 albatros detoutes espèces sont tués chaque annéepar les bateaux de pêche. La France aune responsabilité de premier ordre etun rôle majeur à jouer dans la préser-vation de ces oiseaux puisque sept deshuit espèces d’albatros se reproduisantdans les TAAF sont mondialement mena-cées. Parmi celles-ci, l’albatros d’Ams-terdam est “en danger critique d’ex-tinction”. Cette espèce ne se reproduitque sur l’île d’Amsterdam, à raison de25 à 30 couples installés chaque année.Il constitue donc une priorité absolueen matière de conservation et un pland’action national est mis en place cetteannée.

L’organisation de la protection des oiseauxDans les Zones Économiques Exclusi-ves Françaises l’administration des TAAFa imposé aux navires français péchantla légine (poisson des eaux antarctiques)des mesures conservatoires, notammentla pratique de la pêche exclusivementde nuit (les albatros se nourrissant enjournée) le lestage des lignes, ou l’uti-lisation de banderoles d’effarou-chement, afin de limiter la mortalité desalbatros. Ces mesures se sont avéréestrès efficaces pour réduire la mortalité,mais au-delà des eaux françaises, la

menace reste entière et les pêcheriespalangrières internationales pêchant lesthons dans le Sud de l’océan Indienimpactent encore aujourd’hui un grandnombre d’albatros. L’impact des pêche-ries industrielles sur les albatros est doncun enjeu de premier ordre pour la conser-vation de la biodiversité.L’équipe « Prédateurs Marins » du CEBCest impliquée dans les études visant àmieux comprendre la dynamique despopulations d’albatros, leur distributionen mer en relation avec les pêcherieset les méthodes visant à réduire la morta-lité des albatros. Le programme senti-nelle soutenu par l’institut polaire s’ap-puie sur les suivis à long terme desoiseaux et mammifères marins(manchots, albatros, pétrels, otaries) misen place depuis plus de 50 ans sur lesquatre sites des TAAF. La démographiede leurs populations, mais égalementleur distribution et niveaux trophiques,sont mesurés annuellement et permet-tent de suivre l’état des écosystèmes etde modéliser les impacts des change-ments globaux. Ainsi les études fonda-mentales ont des applications directesen termes de biologie de la conservationet de maintien de la biodiversité, enparticulier pour ces oiseaux de l’extrêmeque sont les albatros.

Contact : Henri [email protected]

Albatros en parade devant un chercheur les observant. Les oiseaux ne sont pas faroucheset peuvent être approchés

Décollage d’un grand albatros© A. Jaeger - CEBC © N. Gasco

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Un écosystème exceptionnelAvec 1600 km de barrière de corail etun lagon de 24000 km², la NouvelleCalédonie abrite un des écosystèmesmarins les plus riches, les plus grandset les plus beaux de la planète. Secondeplus grande formation récifale continueau monde après la grande barrière decorail en Australie, le lagon calédonien,point chaud de la biodiversité mondiale,contient l’essentiel des espèces marinesfrançaises. Relativement préservée grâceà une faible pression humaine (environ250000 habitants, le flux du tourismereste inférieur à 100000 visiteurs paran), une grande partie du lagon a étéclassée au patrimoine mondial de l’hu-manité. Malheureusement, le dévelop-pement urbain accroît les niveaux depollution, l’activité minière en très fortecroissance rejette de plus en plus d’ef-fluents, la pêche est excessive dans diffé-

rents secteurs, les plaisanciers mal cana-lisés détruisent petit à petit des îlots,etc. En plus des pressions humainesdirectes, des causes indirectes commel’augmentation de la fréquence et de lapuissance des cyclones (dévastateurspour les récifs coralliens) liés aux chan-gements climatiques fragilisent la survied’un des joyaux de la planète. C’est pour-quoi il est essentiel de surveiller l’étatde santé du lagon. Mais il est immense,plus de 1,5 millions d’hectares sont clas-sés, et il est extrêmement complexe ;ce qui rend la tâche de surveillance systé-matique totalement impossible.

Un serpent marin pour bio-indicateurIl est indispensable de s’appuyer sur desindicateurs. Deux espèces de serpentsmarins, les tricots rayés (Laticauda saint-gironsi et L. laticaudata), sont des alliésprovidentiels. Depuis 2002, l’équipe

écophysiologie évolutive du Centred’Études Biologiques de Chizé (CEBC -CNRS) a marqué plus de 10000serpents (grâce à un effort de terraincolossal, des dizaines de milliersd’heures de travail), prospecté plus de30 îlots répartis sur la quasi-totalité dela Nouvelle Calédonie, et récolté plus de5000 re-captures. Ce travail, réaliségrâce à l’aide du service de la protectiondu lagon de la Province Sud représentedésormais la plus importante étude depopulation animale jamais réalisée enNouvelle Calédonie.

Une mine d’informationsLes recherches sur l’écologie de cesserpents marins ont révélé une succes-sion de processus qui, considérés ensem-bles, font des tricots rayés des bio-indi-cateurs efficaces. Présents sur de trèsnombreux îlots du lagon, ils représen-tent une immense armée de plongeursde plusieurs centaines de milliers d’in-dividus.Les observations ont montré que lestricots rayés sont fidèles à un îlot donné.Ils capturent leurs proies en mer (despoissons) et viennent les digérer à terre.Il est ainsi facile de les intercepter, deles manipuler, puis de récupérer leurcontenu stomacal en poussant dou-cement sur leur ventre.Les travaux de recherche ont révélé qu’ilssont presque infatigables : ils échan-tillonnent en permanence les fonds dulagon, accumulant des centaines, voiredes milliers de plongées sans prendre derepos. En rapportant leur butin sur lesîlots, il suffit aux scientifiques de récu-pérer et d’analyser leurs proies, de peserles serpents et de réaliser des comptagespour obtenir ainsi une image de l’étatde deux composantes majeures desécosystèmes: la communauté des pois-sons proies des serpents, et celle des

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L’étude d’un serpent marin fournit des données susceptibles d’aider à la préservation de la biodiversité de la barrièrecorallienne néo-calédonienne.

> Biodiversité

LLeess vviiggiieess dduu llaaggoonn

Femelle de tricot rayé jaune (Laticauda saintgironsi, espèce endémique) nageant dans le lagon.

© X. Bonnet - CEBC

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tricots rayés.En apprenant à décrypter les comporte-ments des tricots rayés, le CEBC a mismaintenant au point des techniquessimplifiées d’échantillonnage qui serontutilisées par exemple par les gardes desservices de la protection du lagon.Les analyses ont montré que les tricotsrayés se nourrissent au dépend des pois-sons anguilliformes ; c’est-à-dire despoissons allongés, notamment les mu-rènes, congres et poissons serpents. Ily a encore peu, les poissons anguillifor-mes du lagon calédonien étaient répu-tés rares et peu diversifiés par la commu-nauté scientifique. Ce qui s’avèretotalement faux. Les tricots rayésconsomment plus de 50 espèces diffé-rentes; les chercheurs ont aussi décou-vert plus de 15 nouvelles espèces depoissons pour la Nouvelle Calédonie. Uneespèce connue d’un seul exemplaire àTaïwan est régulièrement trouvée dansl’estomac des tricots rayés.Les tricots rayés sont très abondants,parfois plus de 4000 pour un petit îlot,ils consomment forcément de grandesquantités de poissons. Par exemple50000 proies pour un îlot. Le bilan estsimple, un monde riche et invisible (carles murènes et consorts restent cachéesdans la matrice corallienne) devientaccessible grâce aux sondages méticu-leux des tricots rayés. L’état de digestionde chaque proie indique directement la

distance entre la zone de capture et l’îlot.C’est un indice très pratique pour évaluerla disponibilité alimentaire, et donc l’étatdes ressources marines.En utilisant les serpents il est possiblede comparer les îlots, et d’obtenir destendances à long terme. Par exemple,si les tricots maigrissent, cela signifieraqu’un voyant vient de passer au rouge.Il est possible également de doser lestaux de contaminants dans les proies etdans le sang des tricots rayés. C’est unmoyen direct de surveiller les niveaux depollution autour de chaque îlot échan-tillonné. La densité des îlots permet decouvrir la totalité de la surface du lagon.Les tricots rayés se nourrissant toute l’an-née, l’échantillonnage biologique peutêtre réalisé en continu (et non pas durantla seule période de reproduction commec’est le cas avec les oiseaux marins parexemple).En somme, les tricots rayés sont des bio-indicateurs pertinents pour deux commu-nautés majeures du lagon : les proiesanguilliformes (plus de 50 espèces) etles tricots rayés eux-mêmes. Les superprédateurs (les tricots rayés) de préda-teurs (poissons anguilliformes) dépen-dent des ressources des niveaux sous-jacents. Ils intègrent différents niveauxtrophiques. Mais le principal avantage

de l’étude de ce système est la légèretélogistique. Aucun autre prédateur marinn’est aussi simple à étudier que les deuxespèces de tricots rayés, dociles, trèsabondants et faciles à capturer et mesu-rer.

Dans le futur l’équipe écophysiologieévolutive du CEBC va mesurer le nombreet la durée des plongées alimentaires,et essayer de déterminer les sites exactsoù les serpents vont pêcher. La solutiontechnique consiste à équiper un grandnombre de tricots rayés d’appareilsélectroniques miniaturisées qui enre-gistrent en continue les paramètres deplongée (e.g. pression). Nous obtien-drons une image des fonds explorésgrâce à la reconstitution bathymétrique.En effet les tricots rayés en scrutant lesfonds marins rapportent des profilsbathymétriques précis. Nous allons aussiessayer de pérenniser le suivi régulierdes populations de tricots rayés à traversun réseau d’îlots clés répartis sur lelagon. Notre objectif est d’utiliser aumieux les tricots rayés, vigies du lagon,pour préserver un des rares écosystèmesencore préservé de la planète.

Contact: Xavier [email protected]

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Groupe de tricots rayés bleus (Laticauda laticaudata) sur les beach-rocks.

Femelle de tricot rayé jaune régurgitant une proie(murène)

© X. Bonnet - CEBC

© X. Bonnet - CEBC

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> Biodiversité

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Certains de nos légumes quotidiens sontremarquables par leur goût caractéris-tique. Les molécules responsables dugoût de ces végétaux sont issues d’unphénomène enzymatique de dégrada-tion de métabolites secondaires trèsinhabituels présents dans toutes lesespèces de crucifères.Les crucifères font partie de l’alimen-tation humaine depuis la nuit des temps.Cette famille de plantes riche de plusde 3200 espèces réparties sur 350genres accompagne notre quotidien autravers de légumes caractéristiquescomme les choux, les radis, la roquette,le raifort, le wasabi et l’emblématiquemoutarde. Historiquement, on trouvemention de cette famille de plantes -tant du point de vue du goût que de lapharmacopée - dans les écrits d’Hip-pocrate (460-356 avant J.C) vantant lesvertus de la consommation du chou oudu cresson, dans la pharmacopée « DeMateria Medica » de Dioscorides (40-90 après J.C) ou dans les Satires dupoète Horace (65-8 avant J.C) sur laflaveur du chou. Pline l’Ancien (23-79

après J.C) lui-même consacra deux volu-mes de sa magistrale Histoire Naturelleà l’horticulture, réservant un rôle impor-tant aux crucifères cultivées à cetteépoque et à leur utilisation en pharma-copée. De nos jours, l’impact positif descrucifères sur la santé est majoritai-rement attribué à des métabolites secon-daires dont la structure comporte unefonction soufrée : les glucosinolates(GLs).Ces bio-molécules sont les marqueurschimiques les plus remarquables de l’or-dre botanique des Brassicales, lequelrassemble 16 familles de plantes dico-tylédones, parmi lesquelles les Brassi-caceae (nom botanique des crucifères)sont de loin les plus nombreuses. Leurprésence dans la plante est utile à diverségards et ils constituent pour les Bras-sicales un marqueur chimiotaxonomiquede première importance. À l’heureactuelle ont été isolés et caractérisésenviron 120 GLs, dont le schéma struc-tural est remarquablement homogène,puisque la différenciation reposeuniquement sur la constitution – chimi-

quement très diversifiée – d’une chaînelatérale.

Des armes moléculairesAssociés dans la plante avec uneenzyme, une glucohydrolase, nomméemyrosinase, les glucosinolates se ré-vèlent des armes moléculaires dedéfense de la plante. À l’image de lagrenade, l’enzyme (myrosinase) dégou-pille ses substrats (GLs) en libérant unegrande variété de molécules (jusqu’à30-40 molécules possibles pour leradis). Ce phénomène est typique d’unprocessus de l’évolution et s’inscrit dansles mécanismes de défense élaborés parcertaines plantes pour lutter contre lesagressions d’insectes, de bactéries, dechampignons et d’herbivores voire d’om-nivores (dont nous faisons parti). Cesmolécules libérées sont responsables dugoût associé à la plante (radis, roquette,moutarde). Un éminent chimiste etpharmacien français du XIXe siècle,Pierre-Jean Robiquet (1780-1840) enavait déjà fait la prédiction à propos dela moutarde dont la puissance du goût

CChhiimmiiee dduu ggooûûtt et chimie fondamentaleLes crucifères constituent une part essentielle de l’alimentation humaine, marquées notamment par une famille demolécules : les glucosinolates, véritables détonateurs à actions multiples comme barrière de protection contre lesagressions, initiateur de la saveur des légumes (moutarde, wasabi), influençant la santé humaine et apportant auxchimistes une richesse et variété moléculaire unique.

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ne se libère que lorsque l’on croque lagraine.Les GLs sont l’expression d’une évolu-tion moléculaire développée par lesBrassicales en produisant une grandevariété de molécules de défense contreles agressions. Cette diversité molécu-laire se retrouve entre les espèces (laformation, la quantité et la nature desGLs diffèrent), mais également au seind’une même espèce en fonction de l’âge,de la topologie (racine, tige, feuille,graine), des contraintes environnemen-tales (sécheresse, sols), etc.

De la médecine à la cosmétiqueDepuis de nombreuses années, au seinde l’Institut de Chimie Organique etAnalytique (ICOA – UMR6005), l’équipede glycochimistes s’est intéressée autravers de ce couple enzyme-substrat :

à la structure de ces métabolites, enabordant différentes méthodes desynthèse de glucosinolates rares ouartificiels et en développant des procé-dés innovants de construction de lafonction-clé, thiohydroximate O-sulfaté et ainsi avoir des standardspour des propriétés cosmétiques oupharmaceutiques.à l’impact biologique des produits dedégradation majeurs que sont lesisothiocyanates – diverses études detoxicité ont ouvert des pistes pourcomprendre les effets de chimio-prévention anti-cancer attribués ausulforaphane, un isothiocyanateprésent dans le Brocoli.dans le cadre du développement dura-

ble, à la valorisation pour la chimiefine d’une molécule chirale issue dela dégradation d’un GL majeur présentau sein du colza ainsi que de son énan-tiomère (molécule image dans unmiroir) issu du crambe d’Abyssinie.et à la compréhension du fonction-nement de l’enzyme, la myrosinase enélaborant des molécules bloquant l’ac-tion enzymatique et permettant devisualiser l’intérieur de l’enzyme (issuede la moutarde blanche, Sinapis alba)par la cristallographie aux rayons X.

De nouvelles perspectivesNotre équipe a ouvert de nouveaux axesd’application et de recherche, no-tamment:

La valorisation tant pharmaceutique(anticancéreux) que cosmétique deplantes tropicales et équatoriales(Pentadiplandra brazzeana, MoringaOleifera) présentant dans leur grainedes teneurs élevées en un glucosino-late dominant, facilitant leur purifi-cation et étude.Une chimie fondamentale issue del’originalité des processus enzyma-tiques et de la mise à profit de compor-tements biochimiques inattendus.Ainsi au travers de l’application de laméthode européenne officielle d’ana-lyse des glucosinolates, le comporte-ment particulier d’un glucosinolate (laglucoraphénine) a permis de mettreen évidence une nouvelle fonctionchimique, la fonction N-oxyde de thioi-midate, dont l’évaluation chimiqueinitie des méthodes originales d’éla-

boration de molécules naturelles ouartificielles.

La Nature demeure une source d’inspi-ration pour tout chimiste organicien, parles molécules découvertes et les proces-sus physico-chimiques ou biochimiquesrencontrés ; sous-tendue par denombreuses collaborations avec desbiochimistes, des cristallographes, desbiologistes (Université de Grenoble, CRABologne, IRD Toulouse, Université deTours), notre activité de recherche illus-tre pleinement cet adage, en ajoutantà la saveur intrinsèque des crucifèresune chimie originale et savoureuse pourl’intellect.

Contact: Arnaud [email protected]

(*)chiral : se dit de deux molécules qui, image l’unede l’autre dans un miroir, ne sont passuperposables.

Image de la fixation au seinde l’enzyme de la moléculela plus affine

Schéma de l’actionenzymatique : lamyrosinase“dégoupille” leglucosinolate enmolécules actives.

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Le climat planétaire change à un rythmesans précédent. Les répercutions écolo-giques et économiques sont impor-tantes. Les inquiétudes concernentnotamment le maintien de la biodiver-sité. Des études ont déjà incriminé leréchauffement comme cause de l’ex-tinction ou de la chute des populationsde certaines espèces, de la rétractionde l’aire de répartition pour d’autres, ouencore de l’expansion d’espèces inva-sives. La nécessité de pouvoir prédireavec exactitude où et quand un orga-nisme sera éliminé ou au contraire favo-risé dans le futur climat devient évidentepour anticiper et atténuer les effets.C’est dans ce contexte que différentesapproches mécanistiques ont été élabo-rées, afin d’accroître le pouvoir prédic-tif. L’une d’entre elles, l’approche demodélisation biophysique, est particu-lièrement prometteuse.

L’écologie biophysique remise au goûtdu jourDéveloppée à partir des années 60, puisformalisée pour la première fois en1980, l’écologie biophysique consisteà résoudre les budgets de transfert demasse et d’énergie entre un organismeet son environnement. Dans le cas desectothermes (insectes, reptiles, crusta-cés, mollusques etc.), cette méthodepermet de calculer la température corpo-relle de l’organisme en fonction desconditions climatiques. La températurecorporelle d’un ectotherme dépend denombreux facteurs qui influencent lestransferts de chaleur par conduction,convection, radiation ou encore parévaporation. Par exemple, en transpi-rant, un insecte peut abaisser sa tempé-rature corporelle. L’atout majeur de cetteapproche biophysique est de pouvoirintégrer la physique (ex: transferts de

chaleur), la physiologie (ex : taux detranspiration), le comportement (ex :thermorégulation) et les traits écolo-giques des organismes (ex: préférencesalimentaires) dans un seul et mêmemodèle mathématique. Cette méthodebiophysique est depuis une dizaine d’an-nées utilisée de façon parcimonieuseseulement, mais avec grand succès,dans un contexte de changement clima-tique.

Prendre la température des ectothermesLa température corporelle d’un ecto-therme est bien souvent différente de latempérature de l’air. Cette différenceprend sa source, d’une part, dans le faitque la température dans le microcli-mat de l’organisme peut être différentede la température de l’air, et, d’autrepart, les propriétés physiques et physio-logiques de l’organisme filtrent la tempé-

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> Biodiversité

EEccoollooggiiee dduu cchhaannggeemmeenntt cclliimmaattiiqquuee :: la biophysique s’en mêleLe changement climatique a des effets importants sur la biodiversité. Toutefois, le challenge est de prédire où, quandet quelles espèces sont ou seront menacées. L’écologie biophysique apporte aujourd’hui des clés pour identifier lesmécanismes en jeu.

La nécessité de mesurer la température corporelle des ectothermes : cette étoile de mer parvient à abaissersa température corporelle à marrée basse lorsqu’elle est en plein soleil grâce à un mécanisme dethermorégulation unique (image en infrarouge).

© Sylvain Pincebourde - IRBI

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rature du microclimat d’une façon non-linéaire. Le résultat est qu’une augmen-tation de 3 °C de la température de l’airà l’échelle régionale n’implique pasforcément une augmentation de mêmeamplitude de la température corporellede l’organisme. Par exemple, le travailde modélisation biophysique d’uneéquipe américaine a montré en 2005que la température corporelle desmoules sur le littoral ouest d’Amériquedu nord n’augmentera pas autant quela température de l’air prédite par lesscénarios du changement climatique.De plus, les moules ne se réchauffe-ront pas de la même façon suivant leurlocalisation géographique.

Prédire les extinctions et leschangements de distributionLe calcul des températures corporellesdes organismes avec une forte résolu-tion spatiale et temporelle, et en fonc-tion des conditions climatiques futures,permet de prédire d’éventuelles extinc-tions de populations voire même desespèces. Tout organisme a un seuil detolérance à la température. L’organismene pourra pas se maintenir dans lesrégions géographiques pour lesquellessont prédites des températures corpo-relles qui dépassent ce seuil de tolé-rance. L’espèce devra donc se déplacer

pour retrouver des conditions plus favo-rables. Ou bien disparaître si elle n’yparvient pas. Ainsi, des chercheursaustraliens et américains ont récemmentmontré que le grand challenge à venirpour les lézards sous les tropiques seranon plus de trouver des lieux pour seréchauffer (au soleil sur une pierre parexemple) mais de dénicher des endroitspermettant d’abaisser leur températurecorporelle (à l’ombre des plantes parexemple). Le danger est d’autant plusgrand que le changement climatiqueaura une incidence négative sur lecouvert végétal, et donc sur le niveaud’ombre disponible.

L’écologie biophysique dans les agrosystèmesL’utilité de cette méthode pour prédireles effets du changement climatique surla biodiversité a été révélée. L’utilisationde cette approche biophysique dans uncontexte agronomique est égalementtrès prometteuse. À l’Institut de Recher-che sur la Biologie de l’Insecte (IRBI –UMR 6035 CNRS/Université FrançoisRabelais de Tours), cet outil est actuel-lement développé sur un modèle agro-nomique impliquant l’acarien rouge quis’attaque aux feuilles du pommier etautres arbres fruitiers. Les acariensvivent à la surface des feuilles dont la

température diffère de celle de l’air deplusieurs degrés. Le couplage d’unmodèle de dynamique des populationstempérature-dépendant avec les prédic-tions de températures corporelles desacariens permettra de prédire les explo-sions des populations de ce ravageurdans un climat changeant en considé-rant de façon réaliste les propriétés dumicroclimat de ces organismes. , lesprocessus d’acclimatation et d’adapta-tion à un climat en constante évolutionne sont pas encore incorporés tels quelsdans les modèles. Toutefois, cette appro-che biophysique permettra d’éluciderles mécanismes via lesquels la capacitéd’adaptation peut influer sur certainsparamètres.

Contact: Sylvain [email protected]

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Les recherches à l’IRBIvisent à établir le lien entrechangement climatique,micro-climatique etdynamique des populationsdans les relations plante-arthropode.

Le système de thermorégulation place les lézards en difficulté face au changement climatique : leur survie dépendra dumaintien du couvert végétal en milieu tropical.

© Sylvain Pincebourde - IRBI

© Sylvain Pincebourde - IRBI

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Les insectes endophytes : un mode de vie particulierSur Terre, les plantes sont très abon-dantes et constituent la base de laplupart des chaînes trophiques. Chaqueorganisme végétal est ainsi confronté àde nombreuses pressions évolutivesimposées en particulier par les insectesphytophages et les phytopathogènes. Laphytophagie peut être définie commela consommation d’aliments végétauxpar un organisme animal et regroupede multiples types d’interactions : lesectophytes consomment les tissus végé-taux de manière externe, et les endo-phytes vivent à l’intérieur des végétaux

et consomment ces tissus de façoninterne. Parmi les insectes endophytes,il existe 3 formes majeures: les insec-tes galligènes, les foreurs de tiges et lesinsectes mineurs. L’insecte mineur, aprèsson éclosion, effectue l’ensemble de sondéveloppement jusqu’au stade adulte àl’intérieur des feuilles de son hôte végé-tal grâce auxquelles il se nourrit. Unexemple très connu est celui du mineurlépidoptère Cameraria ohridella grandravageur du marronnier. Mais le secteuragricole est également touché, notam-ment les cultures fruitières avec l’exem-ple de la mineuse du pommier Phyllo-norycter blancardella.

La plante-hôte fournit le gîte et le couvertUn des signes caractéristiques de l’au-tomne est sans nul doute les couleurschatoyantes arborées par les arbres,signe avant coureur de la chuteprochaine des feuilles. Le pommiern’échappe pas à cette règle implacableet les feuilles jaunissantes ne tarderontpas à tomber. Ce jaunissement desfeuilles est l’occasion unique de révélerla présence, au sein de la feuille, d’ha-bitants peu communs. Des micro-chenilles se développent en effet au seinmême du végétal en creusant de minus-cules galeries. La zone infestée échappeà ce phénomène automnal et se carac-térise par la persistance d’une couleurverte. La chenille continue ainsi sondéveloppement tout à fait normalement,bien cachée au sein de son « île verte ».Des travaux réalisés au sein de l’Insti-tut de Recherche sur la Biologie de l’In-secte (UMR 6035 CNRS / Université F.Rabelais de Tours) ont montré que leszones infestées, où « îles vertes », main-tiennent une activité métabolique tota-lement fonctionnelle grâce à une accu-mulation d’hormones végétales, lescytokinines, dans un contexte global desénescence du végétal. Les cytokininessont des phytohormones ayant de nom-breux rôles au sein du végétal que ce soitlors de la division cellulaire ou de l’or-ganogenèse. Par leur action anti-sénes-cente et le maintien de l’intégrité deschloroplastes, ces hormones participentau maintien d’un environnement nutri-tif favorable permettant à l’insected’achever son développement, mêmeaprès la chute de la feuille au sol. Toute-fois, ce phénomène d’île verte ne se

ÎÎllee vveerrttee ::l’histoire d’un ménage à trois…Des micro-lépidoptères ont la capacité de manipuler la physiologie de la feuille dans laquelle ils se développent. Pour l’un d’eux, la mineuse du pommier, ces modifications sont le fruit d’une association étroite entre l’insecte etune bactérie intracellulaire présente au sein de l’organisme.

© W. Kaiser, IRBI © D. Giron, IRBI

© D. Giron, IRBI © D. Giron, IRBI

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> Biodiversité

Exemple demanipulations

végétale par desinsectes galligènes

et mineurs.

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limite pas exclusivement à la mineusedu pommier et se retrouve égalementdans de nombreuses interactions plan-tes-insectes, mais également dans dessystèmes plantes-champignons et plan-tes-bactéries.

L’art de la manipulation : le rôle desendosymbiotesDe nombreux invertébrés, et notammentles insectes, sont connus pour entrete-nir une relation étroite avec des bacté-ries. Certaines de ces bactéries peuventse développer au sein même des cellu-les de leur insecte hôte et sont qualifiéesalors d’endosymbiotes. Les insectesreprésentent plus de 75 % des espècesanimales et ont réussi à coloniser denombreux habitats grâce à leurs gran-des capacités d’adaptation. Il apparaîtaujourd’hui que de nombreux phénoty-pes qui étaient alors attribués aux insec-tes, sont en réalité induits par leursbactéries endosymbiotiques. Parmi lesbactéries endosymbiotiques d’insectes,le genre Wolbachia est celui le plus repré-senté avec près de 60 % des espècesinfectées. Wolbachia est une bactérieessentiellement connue pour manipulerla reproduction de ses hôtes afin de favo-riser sa propre transmission. Cependantau cours des dernières années, il a étémontré qu’elle pouvait également avoird’autres rôles en jouant par exemple surla nutrition ou la compétence immuni-taire de ses hôtes.Des études menées au sein de l’IRBI à

Tours, ont montré chez le lépidoptèremineur de feuilles de pommiers Phyllo-norycter blancardella que la manipula-tion de la physiologie de la plante hôtepar le biais de cytokinines est étroitementassociée à la présence de bactéries endo-symbiotiques. En effet, seule Wolbachiaa été détectée à ce jour au sein de l’in-secte, et son élimination sélective parun traitement antibiotique démontre l’in-capacité de ce dernier à induire une îleverte en absence de la bactérie (figure 3).L’élimination de la bactérie entraîneégalement une modification du compor-tement alimentaire des insectes et untaux de mortalité bien supérieur auxinsectes non traités.

L’altération de la physiologie de la plantehôte au profit de l’insecte endophyte faitainsi intervenir des systèmes hormonauxcomplexes impliquant de précieuxmédiateurs endosymbiotiques. Cetteétude constitue le premier exempled’une interaction étroite entre une bacté-rie endosymbiotique d’insecte et laphysiologie d’une plante ainsi qu’unnouveau type de phénotype associé à labactérie Wolbachia. La présence de cyto-kinines au sein des glandes salivaires dela mineuse ainsi que l’expression d’ungène clé de la voie de biosynthèse descytokinines chez Wolbachia devraientpermettre d’élucider certains des méca-nismes clés de cette interaction. Le rôlede ces endosymbiotes dans les relationsplantes/insectes endophytes commence

seulement aujourd’hui à être élucidés etpourraient révéler dans le futur d’éton-nantes associations.

Contacts:Wilfried [email protected] [email protected]

Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

Incidence de Wolbachia sur la physiologie de la plante hôte. Disparitiondu phénomène d’île verte sur les mineuses sans Wolbachia suite autraitement antibiotique.

© W. Kaiser, IRBI © D. Giron, IRBI

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La mineuse du pommier Phyllonorycter blancardella et son île verte.

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Hors-série > Microscoop / Numéro 19 – octobre 2010

Les sols sont le support de la biosphèrecontinentale, les plantes représentantla production primaire à la base desréseaux trophiques terrestres. La faunedu sol interagit en modifiant la struc-ture et la composition du sol. Elle inter-vient également dans la richesse et l’ac-tivité des microorganismes qui y vivent.Chaque espèce occupe une niche écolo-gique qui lui est propre et joue un rôleparticulier dans les échanges globauxd’énergie et de matières dans le sol.

Espèces bioindicatrices, restauration dela biodiversité utile et agriculture durableLe Laboratoire Écologie ÉvolutionSymbiose (LEES, UMR 6556, CNRS /

Université de Poitiers) étudie la macro-faune du sol, élément essentiel desagroécosystèmes du fait de leur contri-bution aux fonctions du sol et auxprocessus qui s’y déroulent. Observerleur diversité permet de déterminercomment divers facteurs environne-mentaux et anthropiques (occupationdu sol et pratiques agricoles) peuventinfluer sur leur habitat et leur abon-dance. Les études du LEES visent àappliquer les connaissances acquisesde manière fondamentale à des problé-matiques concrètes, aussi bien dans ledomaine de la restauration de la diver-sité des espèces que dans celui d’uneagriculture respectueuse de l’environ-

nement. Le but est d’apporter une aideà la conduite d’une activité agricole defaçon à limiter les impacts sur la biodi-versité avec une prise de conscience desservices écosystémiques rendus. Lesétudes sur la biodiversité ne se limi-tent pas à une description de la diver-sité du vivant mais il s’agit bien d’enconnaître sa composition, sa structureet sa fonction. L’agrobiodiversitécorrespond donc à une biodiversité fonc-tionnelle. Dans ce cadre, les organismesbio-indicateurs sont incontournablespour évaluer la qualité de l’environne-ment car leur présence (ou état) rensei-gne sur les caractéristiques écologiques(physico-chimiques, microclimatique,biologiques et fonctionnelles) de l’en-vironnement, ou sur l’incidence decertaines pratiques.

Macroinvertébrés ingénieurs et auxiliairesDepuis 2005 le LEES détermine lesassociations et les abondances relativesd’espèces clés de la macrofaune du solsur des sites naturels et dans différentsmilieux cultivés - contrastés du point devue de leur histoire agronomique ougérés avec des contraintes environne-mentales : les Isopodes terrestres,témoins de la qualité des milieux, etles Coléoptères Carabidae, indicateursde biodiversité et auxiliaires de culture.Les crustacés isopodes terrestres sontdes composants majeurs de la commu-nauté des décomposeurs dont le régimealimentaire réside principalement dansla décomposition de litières de feuilles,de bois pourri, de champignons et de

La biodiversité du sol est de plus en plus considérée depuis que sa réduction, suite aux activités anthropiquesnotamment agricoles, est une réelle menace pour l’équilibre de l’écosystème.

Paysage et mosaïque decultures : Plaine Mothaise,

Deux sèvres

© G. Freyssinel, LEES

AAggrrooééccoossyyssttèèmmeess,, biodiversité et grandes cultures économes

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> Biodiversité

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Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

microfilms bactériens. Outre leurinfluence sur la structure physique dusol (aération du sol), ils sont détritivoreset augmentent jusqu’à 4 fois la surfaceattaquable par les microorganismes.Leur tube digestif renferme une florebactérienne riche permettant la décom-position de la cellulose et de la ligninedes végétaux absorbés. Ils interviennentde façon conséquente dans la régula-tion du cycle du carbone aussi bien sursa qualité que sur sa mobilité. De plus,ils interviennent dans le cycle d’élé-ments traces parfois considérés commepolluants. Les isopodes sont trèsprésents dans les prairies calcaires etdans les jachères. Ils améliorent le cycledes nutriments, en décomposant lesdébris organiques et en les transportantvers des microsites plus humides. Ilstransportent également des propagulesde bactéries, de champignons et desmycorhizes à travers le sol. Ils sontconnus pour être sensibles aux pratiquesculturales : des études montrent desdifférences en termes de biomasse etde richesse spécifique indiquant l’am-pleur de l’impact anthropique en zonerurale. Les labours conventionnels ontdes effets directs sur la mortalité des

isopodes à cause de la simplification dela structure de l’habitat et d’une dispo-nibilité réduite en sites refuges. Leslabours influencent aussi indirectementla croissance et la fécondité des espè-ces en enterrant les résidus de végétaux.En comparaison avec le labour tradi-tionnel, les techniques culturales simpli-fiées, qui limitent l’impact sur la struc-ture du sol et laissent les résidus desplantes à la surface du sol, permettentl’accroissement de leur biomasse. Lesisopodes sont donc particulièrementsensibles à la qualité du milieu (habi-tats, ressources alimentaires), ce quileur vaut le statut de bio indicateurs.Ainsi, leur abondance est 200 fois plusaffectée par les usages et les pratiquesque d’autres groupes d’arthropodescomme les insectes, entraînant desconséquences notables sur le régimealimentaire de leurs prédateurs (oiseauxen particulier). Les associations d’espè-ces et leurs préférences écologiquespermettent donc de déterminer laqualité du milieu.Les carabes vivent à la surface du solet ont de multiples besoins écologiquesdurant leur cycle de vie. La plupart desespèces se nourrissant dans les terres

Rôle des isopodes terrestres en tant que détritivores : 1) Philoscia muscorum,

2) A. vulgare et litière, 3) Feuille consommée par les isopodes.

1)

2)

3)

Grandes Cultures Economes :piégeages en présence d’undes agriculteurs investis dansle projet à Thuré dans laVienne

© LEES

© G. Freyssinel, LEES

© G. Freyssinel, LEES

© C. Souty-Grosset, LEES

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>> Pour en savoir plus :Programme CRAYNET de préservation des écrevisses à pattes blancheshttp://eucrayfish2010.conference.univ-poitiers.frFormation à l’écologie : http://sfa.univ-poitiers.fr/bop/

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arables ont besoin de sites de repro-duction et d’hibernation avec différentesoccupations du sol aux alentours. Ladiversité des Carabes permet aujourd’-hui d’aborder des sujets tels que l’in-fluence des facteurs du milieu, abio-tiques et biotiques, l’étude despopulations, la biologie de la repro-duction, la morphologie en rapport avecles modes de vie, les régimes alimen-taires, ainsi que leur rôle dans lecontrôle des insectes nuisibles auxcultures. Les Carabes constituent doncun groupe-clé parmi les arthropodes dusol en raison de leur abondance et deleur régime le plus souvent prédateur.La plupart ont un régime alimentaire àdominante carnivore, ce qui les rend trèsintéressants en tant qu’auxiliaires decultures. Ils ont un choix d’habitat spéci-fique et sont sensibles au type d’occu-pation du sol et à la qualité de l’habi-tat. Leur pertinence en tantqu’indicateur de l’état écologique desterres arables est largement acceptée.La prise en compte des caractéristiquesdu paysage améliore la stratégie derestauration de la biodiversité à condi-tion que l’échelle soit correctement défi-nie en accord avec l’espèce étudiée.En effet, l’échelle du paysage ne peutpas être ignorée puisqu’elle explique enpartie les variations locales des riches-ses d’espèces pour tous les taxonsétudiés. La gestion agricole influenceplusieurs processus de l’échelle, de laparcelle à celle du paysage. Ainsi, elleinduit des réponses différentes descommunautés d’espèces suivant leurscaractéristiques écologiques. Ceci peutêtre étendu à la macrofaune du sol: pourla plupart des taxons une large majo-rité de la variation des espèces localesdépend de l’utilisation du sol et descaractéristiques d’habitats, mais égale-ment du paysage environnant.

Outils de diagnostic de l’état desécosystèmes terrestresEn Poitou-Charentes, les études duLEES ont permis de déterminer les espè-

ces présentes, leurs abondances relati-ves, et l’influence des éléments deconnexion du paysage. La répartitionsaisonnière des populations d’isopodes,l’impact des pratiques agricoles ainsique le lien entre les caractéristiquesphysico-chimiques des sols et la diver-sité spécifique ont été décrites. Lesétudes apportent des outils de diagnos-tic de l’état des écosystèmes terrest-res. Ces premières analyses de faisabi-lité et d’utilisation de la diversité desisopodes terrestres sur les prairies et lescultures ont été effectuées sur différentsagrosystèmes du Poitou-Charentes(Vienne et Deux sèvres). La distribu-tion et la dynamique des peuplementsde carabes sont modifiées par les pertur-bations dues à la mise en culture dessols, leur abondance est ainsi liée aumode de gestion et à la nature de laculture. Des analyses statistiques multi-variées établissent ainsi des corrélationsentre isopodes terrestres et carabes,qualité du sol et diversité floristique. Lesisopodes (indicateurs de la qualité dusol) et les carabes (indicateurs de diver-sité et auxiliaires de culture) sont donccomplémentaires pour élaborer un outildiagnostique de la biodiversité.Actuellement, des travaux de thèse, co-financés par le CNRS et la RégionPoitou-Charentes, s’intéressent à l’effetde la structure spatiale des zones humi-des cultivées sur la richesse spécifique

et la composition des communautésd’arthropodes bio-indicateurs de laplaine Mothaise (Deux Sèvres). Unedeuxième étude porte sur la biodiversitédans les parcelles agricoles de 15 exploi-tations agricoles du Poitou-Charentesqui ont adhéré au programme GrandesCultures Économes du CIVAM (Fédéra-tion Régionale des Centres d’Initiati-ves pour Valoriser l’Agriculture et leMilieu Rural) et comprenant plusieursobjectifs annoncés dans un cahier descharges. La biodiversité peut être restau-rée par une mise en place de rotationslongues (minimum de 4 cultures diffé-rentes) et d’une alternance de cultu-res, une limitation des apports en azote,phosphore et potassium, une utilisationréduite des pesticides avec un respectde la Mesure Agri-Environnementalephytosanitaire, une limitation de laconsommation d’eau, une couverture dusol maximale et un travail du sol le plussuperficiel possible. La biodiversité estégalement favorisée par maintien ourestauration des « zones ÉcologiquesRéservoirs » (haies, bandes enherbées,fossés, bosquets, prairies naturelles) ou« zones de régulation écologique ». Lemaillage (ou mosaïque) créé par cesdispositifs pérennes a pour but d’assu-rer la diversité des habitats et la connec-tivité spatiale au sein du paysage (corri-dors écologiques) et de lutter contre labanalisation des paysages et « l’artifi-

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> Biodiversité

Retour d’Armadilidiumvulgare dans une parcelle deblé avec pratiquerespectueuse del’environnement : Carabes etcultures : retour d’espècessensibles comme Carabussp. et Anchonemus dorsalis

© LEES

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cialisation » des milieux. La biodiversitéet le paysage sont également des patri-moines culturels, historiques, écolo-giques, dont le rôle est difficile à évaluermais dont l’importance est réelle (étudesmenées grâce aux projets CNRS-élèvesingénieurs ESA Angers). Le LEES établitun diagnostic de la biodiversité parl’étude des bio indicateurs (isopodesterrestres, carabes) lors de suivis annuelsde leur évolution en fonction du typede rotation de cultures de 2010 à 2012.Ces données associées à celles d’ex-ploitation, de système de culture, dutype de pratiques culturales, de straté-gies et règles de décisions adoptées pourles systèmes de cultures permettront dedéfinir des espèces repères. Le projet

permettra d’une part, sur le plan métho-dologique, d’explorer les indicateurs dedurabilité pertinents et d’autre part, surle plan finalisé, de construire un outild’aide à la décision pour les gestion-naires agricoles et environnementauxdésireux de favoriser les services écolo-giques rendus par la biodiversité. Cettedernière devient alors un facteur deproduction à part entière.

Agro-écosystème et écosystèmeaquatiqueEn tête de bassin hydrographique, uneagriculture respectueuse de l’environ-nement ne peut être que bénéfique pourl’écrevisse autochtone à pattes blanches,sentinelle des eaux pures et actuellement

en danger. Dans le cadre de sa conser-vation, le LEES a montré que les activi-tés agricoles conventionnelles ont uneffet direct sur son absence alors queson habitat physique est préservé.

Contact :Catherine [email protected]

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Peupleraie, maïs et prairies dans la Plaine Mothaise, Carabus sp., Anchonemus dorsalis.

© G. Freyssinel, LEES

© D. Deschamps, LEES

© G. Freyssinel, LEES

RECHERCHE ET FORMATIONLes activités de recherche du labora-toire “Écologie, Évolution, Symbiose”,s’inscrivent dans le cadre général del’analyse des associations hôtes-para-sites. Les chercheurs étudient auxniveaux fonctionnel, populationnel etévolutif les interactions entre lesisopodes terrestres et des bactériesdu genre Wolbachia capables de trans-former des individus mâles en femel-les et le rôle des symbioses microbi-ennes dans la qualité des écosystèmescontinentaux.Le laboratoire coordonne des forma-tions dont l’objectif est de former desprofessionnels de l’écologie Deuxniveaux sont proposés : Licence« Écologie et Biologie des Organis-mes », Master « Écologie et Biologiedes Populations », option « Génieécologique » ou option « Biologie,Écologie, Évolution ». Un Master inter-national EMAE « European Master inApplied Ecology » regroupant desétudiants originaires de 25 pays ducontinent américain, asiatique et euro-péen, est associé à ces formations.Les champs de compétence abordéscomprennent la recherche en écolo-gie, la gestion des espaces naturels,les politiques publiques, l’écologiecomme outil d’aide au développementdes Pays du Sud, l’expertise en écolo-gie, l’éducation à l’environnement etau développement durable et leconseil en environnement.

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> Histoire

Hors-série > Microscoop / Numéro 19 – octobre 2010

L’animal est sans conteste le doubledans lequel l’homme du Moyen Âge seprojette par attraction ou répulsion.Côtoyés au quotidien, les animaux sontalors les compagnons habituels de lavie, les assistants indispensables dutravail et du plaisir, les habitants esti-més et redoutés de l’espace sauvage,inconnu ou imaginaire. Des livres spéci-fiques leur sont consacrées, les Bestiai-res, qui mêlent tradition savante desAutorités, observations exactes desnobles veneurs, symbolisme des clercs,pragmatisme des ruraux.

Compte tenu de cette omniprésence del’animal dans la vie pratique ou rêvéedes hommes d’alors, il eut été surpre-nant de ne pas le retrouver présent dansle principal système de signes imaginépar cette société médiévale : l’héral-dique. Les armoiries apparaissent dansle courant du XIIe siècle pour offrir à lasociété féodale un outil sémiologiquestructurant et capable de traduire desréalités multiples: pouvoir militaire etjudiciaire du seigneur, singularité de l’in-dividu, réseau vassalique, parenté,matérialité du fief, univers mental etsymbolique. À la fin du XIIIe siècle, cesystème sémiologique, que l’action deshérauts d’armes invitera bientôt à quali-fier d’ « héraldique », est uniformémentpartagé par toute la société et devientle véritable reflet de ses goûts et de sesusages. La place laissée à l’animal surce support spécifique est donc particu-lièrement révélatrice de sa considéra-tion dans la société médiévale. Aux côtésdes écus apparaissent bientôt d’autresfigures, moins codifiées, qui offrent unvaste champ sémiologique et symbo-lique à l’animal.

La place de l’animal dans l’héraldiqueLes animaux, pour fréquents qu’ils sontsur les armoiries, ne sont pas si variés.La faune héraldique, d’abord limitée àquelques animaux tels que le lion, l’ai-gle, le brochet ou bar, la merlette,s’étoffe progressivement et compte unevingtaine d’espèces vers 1200. Cenombre augmente légèrement entre ledébut du XIIIe siècle et la fin duXVe siècle mais de façon inversementproportionnelle à la représentation desanimaux dans les armoiries. Présentdans 60 % des armoiries vers 1180-1190, ils ne figurent plus que sur 25 %d’écus vers 1500. À cette faune initiales’ajoutent ainsi des animaux « domes-tiques », des animaux exotiques, tell’éléphant très apprécié, et bien sûr desanimaux fantastiques.L’animal figuré dans l’héraldique secaractérise avant tout par son aspectstylisé qui met en valeur ses attributs

principaux, ce propose plutôt une« idée » de l’animal qu’une représenta-tion fidèle. Si certaines caractéristiquesrelèvent d’un savoir commun, d’autresattributs héritent directement du savoirdes Bestiaires comme par exemple lefer à cheval qui suffit à désigner l’au-truche.

La fonction de l’animal héraldiqueC’est donc en partie pour ses vertus etses mérites réels ou imaginaires, ycompris celui de terrifier, que l’animalintègre le blason même si cette fonction« totémique » rencontre une ferme hosti-lité des clercs. En réalité, dans l’héral-dique cet aspect est souvent secondaire.Si l’on ne peut dénier toute valeursymbolique à l’aigle ou au lion, leursuccès s’explique d’abord par leurs fonc-tions emblématiques et politiques. Carles armoiries sont des signes destinés àfaire connaître bien plus qu’à faire

LLeess eemmbbllèèmmeess aanniimmaalliieerrss au Moyen AgeL’animal et l’armoirie sont deux grands sujets que la nouvelle histoire des mentalités a récemment tiré des limbes danslesquels ils avaient été relégués par la « Grande Histoire ».

Les armes de Jean IV Le Meingre à l’aigle bicéphale de gueules, antique figure réappropriée par l’héraldiquemédéviale. (Avignon, BM, Ms. 10, f° 9).

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comprendre. Elles rendent visibles deséléments déterminants pour l’identifi-cation d’une personne ou d’un groupe enrenvoyant à l’anthroponymie, à la topo-nymie, aux réseaux d’alliances et deparenté bien plus qu’aux goûts person-nels d’un individu qui n’existe pas alorspour lui-même. Ainsi le lion de gueules(rouge) du « groupe héraldique » desvassaux du comte de Poitiers qui est àl’origine des armes de Poitiers, de cellesde Châtellerault, de Mauléon, du roi d’An-gleterre, de Joinville, etc.De nombreux choix de figures sont liésau nom porté par leur titulaire ou à celuide la terre qu’il détient, ce sont les« armes parlantes ». Bien des animauxhéraldiques renvoient à ces toponymesou ces anthroponymes comme le porc dePorcelet, le bar et le dauphin des duchéséponymes, le coq des Le Gall, etc.

Les autres formules emblématiquesLe rôle emblématique de l’animal ne selimite pas aux seules armoiries. Pouren compléter le discours, le Moyen Âgeinvente d’autres formules sémiologiques.Les cimiers (décor surmontant leheaume du chevalier) aux motifs anima-liers sont très fréquents et révèlent uneimagination sans limite qui connaît sonapogée au début du XIVe siècle. Masqueautant que casque, le cimier abrite etdissimule la tête, siège de l’âme etcentre de la personne et peut êtrecomposé de tout ce que la nature peut

offrir et même de ce qu’elle n’a pas créé:animaux entiers ou en partie, créationsimaginaires mi humain-mi, figuresoubliées du Blason. Ce n’est plus laparenté réelle ou les réseaux politiquesqui s’écrivent ici mais les parentésmythiques ou fantasmées comme avecles cimiers au cygne ou au dragon quirenvoient au chevalier au cygne ou àMélusine. Prolongeant cette expressionsémiologique, les supports sont des figu-res qui viennent soutenir l’écu sur sesreprésentations. On y retrouve le plussouvent des animaux « classiques » del’héraldique comme le lion et l’aigle maisce nouvel espace emblématique et orne-mental renouvelle la créativité en matièrede bestiaire fantastique, notamment dansl’Angleterre du XVe siècle.Ce foisonnement de la fin du Moyen Âgeouvre la voie à une véritable mutationemblématique dès les années 1350 :les emblèmes personnels ou deviseschargées de représenter la personna-lité ou les aspirations politiques, spiri-tuelles ou courtoises. Elles peuvent êtrepartagées avec une clientèle. En bonnepart animalières, ces devises figurentles animaux de façon très réaliste et l’in-fluence du bestiaire et des premièresencyclopédies y est prédominante.

Le bestiaire emblématique fournit doncune source intarissable d’informationssur les relations entre l’homme et l’ani-mal au Moyen Âge. L’animal est pour

l’être humain, sa référence, son faire-valoir, son reflet d’ombre et de lumière.Son succès dans le domaine embléma-tique, chargé de dire l’individu, nesaurait donc surprendre et l’on ne peutque souligner l’assomption parallèle desfigurations réalistes d’animaux et lesvéritables portraits humains à la fin duMoyen Âge.

Contact : Laurent [email protected] d’études supérieures de civilisation médiévale(CESCM UMR 6223 CNRS/Université de Poitiers)

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Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

Les devises animales deLouis XII et d’Anne deBretagne, le porc-épic,emblème belliqueux héritéde Louis d’Orléans etl’hermine, symbole depureté, dérivée des armesducales (Tours, BM, Ms.217, f° 000AV).

Les armes d’Angleterre (Angers, BM, Ms. 0855, f° 071v). Synthèsede plusieurs héritages emblématiques, de l’enseignement dubestiaire et des vertus naturelles de cet animal, les léopardsanglais illustrent bien les modalités originelles de compositionsd’armoiries.

Les armoiries au lion et aux lis de Poitiers. Héritéesdes comtes de Poitiers ces armes évoluent versdifférentes combinaisons partagées par les fidèlesde Richard Coeur de Lion avant que les rois deFrance n’y ajoutent le chef de “bonne ville”.

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Les monnaies au nom de Vercingétorixconstituent un des rares monnayagesgaulois où le nom du personnage inscritest connu par des sources écrites, toutparticulièrement la Guerre des Gaulesde César. Peu de découvertes encontexte archéologique daté et l’absencede sources écrites gauloises rendentl’étude de ces monnayages complexe.Si des auteurs romains et grecs ont écritsur la Gaule, leur vision bien souvent« partisane » ne comble que très impar-faitement les carences de notre docu-mentation. Les analyses non destruc-tives réalisées à l’Institut de Recherchesur les Archéomatériaux (IRAMAT UMR5060 CNRS-Université d’Orléans) avecles moyens expérimentaux du labora-toire Conditions Extrêmes et Matériaux:Haute Température et Irradiation(CEMHTI – UPR 3079), offrent la possi-bilité d’étudier les variations de compo-sition des monnaies et, ainsi, de pallier,au moins en partie, ces lacunes.Au cours du IIIe s. av. J.-C., les Gauloisfrappent leurs premières monnaies d’oren prenant pour modèle celles dePhilippe II de Macédoine. À une date

qu’il est encore difficile à préciser,probablement au cours du IIe s., laproduction des imitations de monnaiesmacédoniennes se ralentit pour laisserla place à des statères(1) de typologiefranchement celtique, qu’il est désor-mais possible d’attribuer à un peupleparticulier. Les Arvernes, peuple puis-sant du centre de la Gaule, mettentprogressivement en place un systèmemonétaire fondé sur trois métaux – l’or,l’argent et le bronze – qui perdurejusqu’à la conquête césarienne (58-51av. J.-C.). Peu avant ou pendant la guerredes Gaules, Vercingétorix émet desmonnaies à son nom en or puis enorichalque (ou laiton, un alliage decuivre et de zinc).

28 monnaies au nom de VercingétorixconnuesLa première monnaie au nom de Vercin-gétorix est signalée en 1837 par lenumismate blésois L. de la Saussaye quien découvre l’existence chez un collec-tionneur privé. La publication de cettemonnaie au nom du chef arverne fitsensation dans le monde numismatique

et suscita un intérêt particulier. Ladécouverte du trésor de Pionsat (Puy-de-Dôme) en 1852, qui contenait à luiseul 16 statères de Vercingétorix, enri-chit considérablement ce corpus moné-taire. Plus récemment, en 2007, unepièce inédite a été signalée dans unecollection privée. L’ensemble des décou-vertes porte à 28 le nombre de monnaiesde Vercingétorix actuellement connues;26 sont en or et 2 en orichalque. Cesmonnaies sont conservées dans descollections publiques ou privées, enFrance et à l’étranger (le Cabinet desmédailles de la Bibliothèque nationalede France en conserve 10 exemplaires).Si ces monnaies sont donc actuellementrares, l’étude des types, c’est-à-dire deséléments iconographiques et épigra-phiques sur chacune des faces, révèlentune diversité qui permet d’envisager queVercingétorix a fait frapper au moinsplusieurs centaines de pièces.

Des monnaies d’or révélatrices d’unepolitique monétaireLes analyses réalisées sur les monnaiesd’or au nom de Vercingétorix et sur cellesqui leur sont antérieures ont permis decomprendre, au moins en partie, les poli-tiques monétaires décidées et misesen œuvre par les autorités émettrices(2)

arvernes entre le IIe s. et la fin de laguerre des Gaules en 51 av. J.-C.Les compositions métalliques obtenuespar activation protonique révèlent unebaisse du titre(3) des monnaies au coursde cette période, qui passe de 70 % à50 % environ. Cette baisse de la teneuren or est compensée par l’augmentationdes quantités d’argent et de cuivre aumoment de la préparation de l’alliage

Des résultats d’analyse obtenus sur des monnaies au nom de Vercingétorix témoignent de la politique monétaire miseen œuvre par son peuple au milieu du Ier s. avant J-C. Ils éclairent sous un jour nouveau l’histoire économique etmonétaire de la Gaule.

Statère en or au nom de Vercingétorix (BnF,Beistegui 240 ; cliché Ph. Delangle, CNRS-ENS)

Statère en or à la tête casquée au nom deVercingétorix (BnF 3775 ; cliché R. Hodges)

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> Histoire

LLeess mmoonnnnaaiieess ddee VVeerrcciinnggééttoorriixx,,reflet d’une politique monétaire gauloise

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monétaire. Si la valeur intrinsèque dela monnaie a ainsi été progressivementdiminuée, les monnaies d’or émises aumilieu du Ier s. av. J.-C. restent cepen-dant de bonne facture. Pourtant, labaisse du titre aurait dû entraîner uncertain nombre de modifications « visi-bles » sur la monnaie: une diminutiondu poids (car la densité de l’argent etdu cuivre est inférieure à celle de l’or) ;une couleur moins dorée (du fait del’ajout d’argent et de cuivre). Or, les auto-rités émettrices ont su, dès le IIe s. av. J.-C., parer à ces effets : l’augmentationdu volume des flans monétaires(4) quipermet le maintien d’un poids assezélevé, autour de 7,40 g - 7,45 g, quelleque soit la période d’émission; l’ajout,dans l’alliage monétaire, d’une propor-tion d’argent et de cuivre qui engendrepeu de modification de la couleur.Ainsi, la stabilité du poids des monnaies,comme la préservation de leur couleur,doit être considérée autant comme lesouci de l’autorité émettrice de main-tenir une bonne monnaie, même encontexte de guerre, que comme lavolonté de masquer à l’usager les mani-pulations monétaires effectuées sur letitre. Elles témoignent également d’uneréelle maîtrise technique.En diminuant ainsi la teneur en métalprécieux de leur monnaie, les autoritésémettrices s’offraient alors la possibi-lité d’augmenter la production moné-taire à moindre coût, créant ainsi uneformidable source d’enrichissement,quelles qu’en aient été les raisons :intensification des échanges commer-ciaux au cours du IIe s., coût croissantdes guerriers engagés dans la guerrecontre César…

L’ultime recours : la frappe de monnaiesen orichalqueAu moment du conflit qui oppose lesGaulois à Rome sur l’oppidum d’Alésiaen 52 av. J.-C., la pénurie d’or contraintVercingétorix à adopter une nouvellepolitique. Les fouilles menées par Napo-léon III sur le site ont mis au jour 2 exem-plaires de monnaie au nom de Vercin-gétorix, dont l’analyse par activation aux

neutrons rapides de cyclotron a révéléun alliage d’orichalque, habituellementutilisé dans la fabrication monétaireaprès la conquête romaine. L’adoptionde ce nouvel alliage est une réponseinédite à la pénurie de métal précieux.Dans la forme et dans le type, cesmonnaies sont similaires aux statèresd’or au nom de Vercingétorix et, fait raris-sime dans les monnayages gaulois, l’uned’elles a été frappée avec le même coinmonétaire(5) qui a servi à fabriquer desmonnaies d’or. Il faut donc voir dans cesmonnaies, exclusivement recueillies àAlésia, un monnayage obsidional, c’est-à-dire en relation avec le siège d’Alé-sia. Mais pourquoi alors utiliser l’ori-chalque? Peut-être pour sa couleur, carcet alliage ressemble fortement à l’or.Toutefois, il ne devait pas y avoir volontéde « tromper » l’usager, car les pièces

en orichalque sont beaucoup plus lé-gères que celles en or. La confusion nedevait donc pas être possible. L’utilisa-tion de cet alliage à des fins monétaires,qui reste actuellement exceptionnelleau milieu du Ier s., semble une réponseliée aux nécessités du moment et à ladisponibilité du métal sur place.

Contact: Sylvia [email protected]

Lexique :(1) Statère : nom générique des monnaies d’or

gauloises(2) Autorité émettrice : autorité qui fait émettre la

monnaie : cité, chef…(3) Titre : pourcentage de métal précieux contenu

dans une monnaie(4) Flan monétaire : morceau de métal destiné à être

frappé(5) Coin monétaire : matrice gravée en creux du type

monétaire qui est frappé sur le flan

La Gaule au milieu du Ier s. av. J.-C. (d’après L’Archéologue, archéologie nouvelle, HS n°1, 1998)

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Hors-série > Microscoop / Numéro 19 – octobre 2010

Cartulaire de l’abbaye Saint-Bertin de Saint-Omer, dit Cartularium Folcuini, XIIesiècle, Boulogne-sur-Mer, Bibl. mun., ms 146, fol. 3v-4 : liste des abbés,poursuivie au cours des siècles après la première rédaction du manuscrit (lui-même copie d’un recueil de 962). Le manuscrit mêle chronique et copie de chartes.

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> Histoire

© CNRS-IRHT © CNRS-IRHT

Cartulaire de la ville d’Auxerre, v. 1460,Auxerre, Arch. mun. d’Auxerre, AA 1, fol. 1.Les armoiries de la ville sont incluses dansl’initiale C du premier mot : « Cartulaire ».

Cartulaire de l’abbaye de Saint-Florent-lès-Saumur, dit « Livre d’argent », XIIe siècle,Angers, Arch. dép. de Maine-et-Loire, H3714, fol. 3v : reproduction des signesgraphiques de l’acte copié.

© CNRS-IRHT

Un genre textuel variéUn cartulaire est un recueil compilé parune institution ou une personne, quicontient des copies de documentsconcernant ses droits et son histoire.Si la base en est souvent formée par dela documentation juridique (chartes dedons, ventes, échanges, contrats, rentes,privilèges des papes, des rois ou desempereurs…), l’on y trouve aussi assezcouramment des éléments narratifs oulittéraires – au point que l’on a mêmedéfini le genre du « cartulaire-chro-nique ». Loin d’être exclusivement descompilations juridiques, ils peuventjouer plusieurs rôles, ainsi ceux derecueil d’histoire et d’historiographie,voire d’éléments de la représentationd’une institution. Ils sont souvent asso-ciés au monde monastique, car ils ontlongtemps été une spécialité des insti-

tutions religieuses ; mais l’on trouveaussi des cartulaires laïcs, urbains parexemple, à partir des XIIe-XIIIe sièclesnotamment.

Une grande richesseCes caractéristiques expliquent la placeimportante qu’occupent les cartulairesdans les études médiévales. Toutd’abord, ce sont de véritables greniersd’informations. En effet, la copie desdocuments a permis dans énormémentde cas leur préservation, ou plus exac-tement la transmission de leur texte àl’époque contemporaine, les originauxayant disparu d’une manière ou d’uneautre. Ces cartulaires ont également unénorme intérêt en eux-mêmes. En effet,ils fournissent des aperçus saisissantssur la manière dont établissements etpersonnes se concevaient, se représen-

taient et comprenaient leur histoire etleur identité à un moment donné. C’estainsi que leur composition textuelleautant que leur réalisation matériellesont d’un grand poids historique. Lesmanuscrits sont parfois richement ornés,tendant souvent à reproduire en partieles aspects graphiques des documentscopiés.

Des programmes de recherchemultiplesLes travaux menés par les chercheursde l’IRHT sur les cartulaires ont pris demultiples formes au cours des années.Tout d’abord, des actions de recen-sement ont été menées pour retrouveret localiser les manuscrits dans les archi-ves et les bibliothèques. Ces activitésont débouché sur la publication d’uncertain nombre de répertoires.

Les sources qui permettent l’exploration du Moyen Âge – et d’autres périodes de l’histoire – sont de nature très variée,qu’il s’agisse d’écrits, d’objets, d’images… Au sein des textes offerts à la sagacité du chercheur, les cartulairesoccupent une place à part et font depuis de nombreuses années l’objet des soins particulier des membres de l’Institutde Recherche et d’Histoire des Textes (IRHT - UPR 841).

LLeess ccaarrttuullaaiirreess dduu MMooyyeenn ÂÂggeeeuropéen et au-delà

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Des entreprises d’analyse et d’indexa-tion poussées avaient été menées surles recueils de la province ecclésiastiquede Reims et, dans une moindre mesure,de celle de Sens. Les manuscrits ontfait l’objet d’une description détaillée,tant dans leurs aspects matériels quedans leurs contenus, souvent appré-hendés acte par acte. Les regestes (*)et les index sur fiches qui en sont issussont un concentré de renseignementssur l’histoire non seulement des provin-ces concernées, mais aussi sur l’histoirede Paris, bien des ecclésiastiques pari-siens ayant eu possessions et prében-des (**) dans ces régions. La numéri-sation, techniquement compliquée, dece trésor sous-exploité est l’un des objec-tifs que s’est fixé l’IRHT, pour mettrecette impressionnante masse de rensei-gnements à disposition du plus grandnombre de chercheurs.Les réflexions menées autour des cartu-laires prennent aussi des tours métho-dologiques, s’agissant de les intégrer àdes réflexions plus générales sur lesarchives et la mémoire au Moyen Âgeou à leur rôle dans la gestion et l’his-toire urbaines, ou encore d’en définirune typologie. Elles peuvent égalementmener à des études de cas, ainsi cellequi est actuellement menée sur le cartu-laire de l’abbaye de Landévennec dansle cadre d’un projet d’édition en fac-similé mené par le Centre internationalde recherche et de documentation sur

le monachisme celtique.S’ils sont un phénomène typiquementmédiéval, les cartulaires ne se réduisentpas au Moyen Âge: un certain nombrede ces compilations ont été exécutéesaux XVIe et XVIIe, voire au XVIIIe siècle.Et ils ne sont pas non plus une exclu-sivité européenne. L’IRHT a ainsientamé une collaboration avec des cher-

cheurs du Centre de recherche sur lesmondes africains en vue de l’éditionélectronique de cartulaires éthiopiensen langue ge’ez, principalement desXVIIIe-XXe siècles, ce qui au-delà duprojet lui-même enrichit la réflexion del’équipe de fructueuses dimensionsinterculturelles.

Contact: Sébastien [email protected]

(*) Résumés analytiques des différents actes d’unensemble (manuscrit, chancellerie, auteur…), quien synthétisent les principales informations. Dans lecas présent, il s’agit donc des résumés desdifférents documents reproduits par les cartulairesconcernés.(**) Revenu individuel destiné à l’entretien d’unchanoine desservant, en théorie du moins, uneéglise.

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>> Pour en savoir plus :http://www.cn-telma.fr/cartulR/

Cartulaire des frères de laCharité-Notre-Dame deBoucheraumont, XVesiècle, Amiens, Bibl.mun.,fonds Lescalopier, ms 74,fol. 32. Le pape estreprésenté donnant aubénéficiaire la bulle quiest copiée dans lemanuscrit.

Psautier de la fin du XVIIe ou du début du XVIIIesiècle ; en marge sont portées différentes notescomptables, liturgiques et historiographiques quirapprochent le manuscrit du genre des cartulaires

© CNRS-IRHT

© Anaïs WION

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Des fragments de livres oubliés dupatrimoine du haut Moyen ÂgePillées et détruites par les huguenotslors des guerres de religion dans lesannées 1560, les églises de la métro-pole de Tours ont perdu de leur superbe,d’autant que son fleuron, l’abbaye Saint-Martin, haut lieu de pèlerinage depuisles mérovingiens, a été détruite à la suitedes confiscations révolutionnaires. Il nereste ainsi que très peu de vestiges del’abbatiale du premier art gothique, nide l’édifice roman, commencé en 1014sur le modèle des grandes basiliques depèlerinage (Conques, Limoges…).Les défaits de reliure des Archives dépar-tementales d’Indre-et-Loire apportentde précieux compléments aux livres déjàconnus, dans le contexte d’un patri-moine historique rudement mis à

l’épreuve (les bombardements alliés de1944 très destructeurs, faisant dispa-raître non seulement à Tours mais aussià Metz un très important témoin deTourangeau du XIe s.). Il s’agit defeuillets de parchemin qui, à une époqueoù les livres vétustes ne servaient plus,étaient réemployés dans les pages degarde pour renforcer la reliure ou vendusau poids dans les actes notariés et regis-tres paroissiaux. Inventoriés dans lesannées 1990, ces fragments révolu-tionnent l’approche statistique des livresconservés, originaires de Touraine: alorsque la bibliothèque municipale encompte à peine trente, c’est plus de250 livres que l’on peut retracer, ce quiest considérable.Ainsi, la mise en regard d’un missel dela seconde moitié du XIe s. de la cathé-

drale Saint-Maurice (devenue Saint-Gatien en 1356), avec la cathédraleromane, apporte des éléments intéres-sants sur l’organisation des usages litur-giques ; comme une ancienne Venitepopuli, vestige d’usages « gallicans »antérieurs à la réforme, maintenus ça etlà en Gaule franque. Une lettrine histo-riée vient rappeler des scènes de lasculpture ou de la fresque romane avecles trois « Marie », objet d’un jeu litur-gique joué à Pâques, dont Toursconserve une tradition notable, d’aprèsun modèle anglo-normand.

Val de Loire au fil des « neumes » : unetradition millénaireHéritage des grandes réformes cultu-relles de l’époque carolingienne (commela minuscule caroline, la ponctuation,le comput), les chantres(*)ont suivi lesmélodies des chants liturgiques jusqu’a-lors transmis oralement, grâce à unsystème d’écriture régi par des signesappelés « neumes » (**) qui formentdifférents types de notations en Europeet en Orient. Parmi les notations de Fran-cie occidentale, les scriptoria (***) duVal de Loire, présentent une certaine

Une longue tradition de recherche en matière de musicologie médiévale existe dans le Centre-Ouest de la France pourl’histoire du chant « grégorien » (Solesmes, Poitiers, Orléans). Celle-ci est le fruit d’un décloisonnement desdisciplines et des savoirs dans l’approche des édifices religieux médiévaux, de leur vie spirituelle et artistique dontbien des éléments sont à fouiller dans l’histoire du livre et des textes autant que dans le patrimoine bâti ou« matériel » des monuments ou des musées.

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> Histoire

UUnnee «« aarrcchhééoollooggiiee »»de la musique et liturgie en Touraine

Missel de la cathédrale Saint-Maurice, Paris BnF lat. 9434, f. 121, milieu du XIe s.

Les neumes les plus anciens du Val de Loire ? Biblede Tours, Tours BM 10, f. 164v

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unité culturelle : Angers, Glanfeuil,Tours, Orléans et Nevers présentent denombreuses similitudes aux hautesépoques (X-XIIe s.). Influences etconcordances de répertoires musicauxlocaux s’expliquent par l’histoire ecclé-siastique, politique, sans oublier la navi-gation sur le fleuve « royal ». Ainsi,Solange Corbin évoquait d’ailleursl’image fictive de notateurs (scribesnotant la musique) en ébriété commemoyen de repérer les particularitésgraphiques de ces neumes de Loire!

Pour une réévaluation du rôle de Toursaux IXe-Xe s.Mené depuis 2003 par la section demusicologie de l’IRHT, le programme« Wala de Corbie et l’établissement duchant grégorien sous les Carolingiens »,apporte d’importants résultats pour l’his-toire du grégorien en Europe. Il permetd’établir l’hypothèse d’un double arché-type du chant « grégorien » : un typeNeustrien (nord-ouest de la France) quiviendrait se juxtaposer à l’Austrasien(Lorraine, Suisse) du milieu du VIIIes. L’Austrasien était jusqu’alors consi-déré comme unique et exclusif, alorsque Tours tiendrait un rôle majeur auxcôtés de Corbie, Saint-Denis, Winches-ter et la haute Italie.

Dimension européenne de saint MartinPeut-être moins connu que saint Benoît,s. Martin (+ 397) est un des « pères »des moines. Né en Pannonie (Hongrie),soldat romain, il défend un monachismeradical et fonde plusieurs abbayes.Les travaux menés par le Centre cultu-rel européen saint Martin de Tours enlien avec le Cermahva (Centre d’étudeet de recherche sur le monde antique,l’histoire des villes et de l’alimentation)de l’Université de Tours se sont étoffésavec la venue, pour un an dans le cadredu Studium, du musicologue YossiMaurey (Université hébraïque de Jéru-salem). Il prépare un ouvrage (L’Apo-théose de saint Martin) montrant quele culte à Tours, dans un climat initia-lement très porteur, est parvenu auXIIIe siècle à une rivalité entretenue oùla musique a joué un rôle essentiel entrela cathédrale et la basilique de Saint-Martin (Martinopolis).Les récentes études martiniennes fontde saint Martin un personnage européennon pas tellement par les lieux et lesitinéraires de son existence (l’empireromain du IVe s.) que par la nature deson action et sa spiritualité. Cette Europedécrite par Sulpice Sévère, auteur dela Vie de s. Martin, semble recouvrir lachrétienté latine au nord de la Médi-terranée et se distinguerait de l’Afriqueet de la Grèce. Cette Europe martinienneimpliquerait un déplacement deperspective non pas seulement vers l’Oc-cident romain (Rome, Italie), mais aussivers la Gaule et Tours.

Popularité du culteOn rappellera l’ampleur du culte aucours des siècles et son rôle dans ledéveloppement d’une conscience« européenne ». La figure du saint et lerayonnement de son influence dès lehaut Moyen Âge font de lui un patronde milliers d’églises, de monastères,de cathédrales. Un folklore important,des légendes et des expressions popu-laires, des pratiques sociales et reli-gieuses l’associent étroitement à l’his-toire de l’Europe, aussi bien en Hongrie,sa terre natale, qu’en Allemagne où ilrencontra l’empereur à Trèves, et l’Ita-lie, terre de son enfance, comme laGaule, terre de son apostolat. Jadis objetd’une revendication « nationale », saintMartin génère un programme qui cons-truit la légitimité d’une véritable reven-dication « européenne ».

Contacts:Jean-François GOUDESENNE IRHT-CNRS,[email protected], Université de Tours, Centre culturelEuropéen Saint Martin de ToursChristine BOUSQUET-LABOUERIE,[email protected]; Yossi MAUREY Universitéhébraïque de Jérusalem, [email protected]

(*) Chantres : dignitaire religieux ayant en chargel’exécution du chant.(**) Neumes : signe qui transcrit un élément de lamélodie chantée.(***) Scriptorium : lieu de production des livres

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Sacramentaire de Tours, Xe s., Tours, BM 184, f 3

Office de s. Martin dans un fragment de bréviaire de Marmoutier, XIe-XIIe s. Archives Départementalesd’Indre-et-Loire, 1 I 22)

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C’est à ce constat que sont arrivés leschercheurs du Laboratoire de mathé-matiques, applications et physiquemathématique d’Orléans (MAPMO –CNRS/Université d’Orléans), au fur età mesure de leurs rencontres avecnotamment les collégiens de 3ème qu’ilsaccueillent dans le cadre du stage d’ob-servation en milieu professionnel. Leurconclusion va dans le sens des nombreu-ses études, qui montrent que les élitesfrançaises tendent à « s’auto-alimen-ter » et que l’ascenseur social fonctionnemal.

Quelques chercheurs de la FédérationDenis Poisson (fédération regroupanttous les enseignants-chercheurs enmathématiques et en physique théo-rique de la région Centre) ont décidéde créer une formule capable de mettreses élèves au contact des enseignants-chercheurs. Ne voulant pas multiplierles initiatives qui existent déjà en Francenotamment les stages préparant auconcours général et aux olympiades demathématiques, il leur fallut trouver uneformule qui n’existait pas.

Un hommage à Evariste GaloisL’été 2009 fut fécond pour la cons-truction de ce projet. Tout d’abord sonnom: Centre Galois. Centre : puisque ce projet est né del’imagination de chercheurs de la régionCentre.Galois: du nom d’un jeune homme audestin exceptionnel qui a profondémentmarqué les mathématiques duXIXe siècle. Ses travaux visionnaires sontaujourd’hui au cœur de nombreusesthématiques de recherche très actuelles.

En donnant son nom au Centre, unhommage est rendu à son génie.2010 aura été l’année d’expérimenta-tion. 2011, date du lancement officiel,correspondra au bicentenaire de la nais-sance d’Evariste Galois.

De nombreux soutiensLe Centre Galois répond et obéit à unedouble exigence de justice sociale et derenouvellement du vivier des mathé-maticiens ou plus généralement desscientifiques.Sa mise sur pied a mobilisé les compé-tences de six partenaires : la Fédéra-tion Denis Poisson, la Fédération Régio-nale des Maisons des Jeunes et de laCulture Centre (FRMJC), Centre scien-ces (porteur du projet), le Rectorat, l’Ins-titut de Recherche en Enseignement desMathématiques d’Orléans, Animath

(association dont le but est de coor-donner des actions de popularisation

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> Jeunes

Les jeunes stagiaires de la 1re session.

Visite de la station de radioastronomie de Nançay.

Bien que possédant d’excellentes aptitudes pour les sciences et plus particulièrement pour les mathématiques,beaucoup de jeunes ont du mal à se projeter dans des études scientifiques longues, parfois faute d’un environnementfamilial favorable. La création à Orléans, du Centre Galois, devrait y remédier.

LLee CCeennttrree GGaallooiiss,,une pépinière de mathématiciens

© Philippe Grillot - MAPMO

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des mathématiques dans l’hexagone).Enfin, grâce au financement intégral dela Région Centre, le projet a pu voir lejour durant l’été 2010: deux sessionsd’une semaine chacune (entièrementgratuites pour les jeunes) ont eu lieu lesdeux dernières semaines de juin pourdes élèves de fin de classe de seconde.Ce projet a obtenu le soutien spontanéde toutes les sociétés savantes de ladiscipline (SMF, SMAI et SFDS), del’APMEP et de l’IUFM Centre Val deLoire qui a accueilli le stage sur son site(hébergement, restauration, cours).

Au mois de mai 2010, un appel à candi-dature a été lancé à tous les professeursde mathématiques de la région Centreafin de toucher tous les élèves de classede seconde ayant le profil demandé; lesrecommandations des professeurs demathématiques ont été indispensablesdans le choix des candidats.

Une ambiance studieuse et détendueLes stagiaires, sympathiquement appe-lés « les petits Galoisiens » ont été encontact d’enseignants chercheurs et deprofesseurs du secondaire pendant toutela durée du stage. Deux sessions demathématiques leur étaient donnéesquotidiennement. Des thèmes trèsvariés : musique et mathématiques,échantillonnage et dénombrement,physique théorique, une activité type

olympiade, une présentation des métiersdes mathématiques, arithmétiques,objets fractals... : des travaux actuels etanciens de sorte que les mathématiquesleur apparaissent vivantes à l’image durôle qu’elles jouent actuellement danstoutes les sciences (biologie, physique,informatique...) du fait de la révolutionnumérique mais aussi dans notre visiondu monde.Entre chaque session de mathéma-tiques, des activités « détente et loisirs »leur étaient proposées notamment unesoirée musique (Fête de la musique ousoirée Jazz), une visite de la StationRadioastronomie de Nançay en Sologne,une soirée « observation des étoiles »,une projection du film « Dimension »,une visite du muséum d’histoire natu-relle d’Orléans, une visite du Parc Floralde la Source, une visite du laboratoirede mathématiques, une exposition demathématiques dans les locaux deCentre Sciences, etc.Deux animatrices de la FRMJC ont étéchargées de la partie animation. Ellesont sans nul doute contribué à la cohé-sion du groupe et le bon esprit qui yrégnait.Virginie Bonnaillie-Noël (chargée derecherche au CNRS) et lauréate du prixJoliot-Curie 2009 a accepté d’être lamarraine de cette première édition. LesGaloisiens ont eu ainsi l’occasion del’écouter et de partager un moment privi-légié en sa compagnie. Lors de ladeuxième semaine, les stagiaires ont eul’agréable surprise d’accueillir uncinéaste E. Cardot, qui prépare un film

sur les mathématiciens.Cette première expérimentation est unevéritable réussite. Beaucoup ont fait partde ce que les activités proposées avaientradicalement changé leurs vues profes-sionnelles.Cet article est écrit au moment ou lesmédailles Fields sont décernées ; lacommunauté mathématicienne fran-çaise y a encore brillé puisqu’elle em-poche deux des quatre distinctions re-mises. Cela incite à ouvrer dansl’exigence du renouvellement du vivierdes mathématiciens.

Contact : Philippe GRILLOTEnseignant-chercheur au MAPMOet directeur du Centre [email protected]

Le journal du CNRS en délégation Centre Poitou-Charentes

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Visite du Pôle des Etoiles à Nançay.© Philippe Grillot - MAPMO © Philippe Grillot - MAPMO

>> Pour en savoir plus :http://centre-galois.fr

© Philippe Grillot - MAPMO

Réalisation d’exercices mathématiques avec un enseignant chercheur du MAPMO.

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