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HISTOIRE > La gendarmerie de Polynésie entre 1900 et 1914 DROIT > Un arsenal législatif et des pouvoirs publics mobilisés SÉCURITÉ > L’insécurité peut-elle ruiner l’essor des Outre-mer ? REVUE de la gendarmerie nationale REVUE TRIMESTRIELLE / MARS 2013 / N° 245 / PRIX 6 EUROS LES ENJEUX DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ NATIONALE LES VIOLENCES INTRAFAMILIALES À LA RÉUNION FORMATION INTERNATIONALE À LA LUTTE ANTIDROGUE Les Outre-mer AVEC LA COLLABORATION DU CENTRE DE RECHERCHE DE L'ÉCOLE DES OFFICIERS DE LA GENDARMERIE NATIONALE

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Gendarmerie et enseignementsupérieur, un partenariat naturelLe concept de partenariat fait aujourd’hui partie intégrante del’action publique. Des démarches en ce sens sont ainsi érigéesentre de multiples acteurs étatiques et institutionnels et la sphèreprivée, et ce dans de nombreux domaines. La gendarmerie, auregard des missions qui sont les siennes, travaille étroitementavec le monde universitaire sur des thématiques sécuritairesmais pas seulement. Ses méthodes de gestion de crise,d’anticipation et de montée en puissance, de management deshommes, retiennent aussi l’attention. L’ambition pour lagendarmerie, au-delà de la diffusion de ses bonnes pratiques etde la reconnaissance de son expertise, est de développer unréseau professionnel, gage de son rayonnement et de sonancrage au sein de la société. Notre Institution participe ainsi à lamise en valeur du monde militaire et de ses spécificités, maisaussi de sa propre identité.

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gendarmerie de Polynésieentre 1900 et 1914

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THÈME DU PROCHAIN DOSSIER

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DROIT > Un arsenallégislatif et des pouvoirspublics mobilisés

SÉCURITÉ > L’insécuritépeut-elle ruiner l’essordes Outre-mer ?

REVUEde la gendarmerie nationaleREVUE TRIMESTRIELLE / MARS 2013 / N° 245 / PRIX 6 EUROS

LES ENJEUX DE DÉFENSE ETDE SÉCURITÉ NATIONALE

LES VIOLENCES INTRAFAMILIALESÀ LA RÉUNION

FORMATION INTERNATIONALEÀ LA LUTTE ANTIDROGUE

LesOutre-mer

AVEC LA COLLABORATION DU CENTRE DE RECHERCHE DE L'ÉCOLE DES OFFICIERS DE LA GENDARMERIE NATIONALE

COUV N°245_Mise en page 1 Copier 12 17/04/13 17:35 Page1

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retour sur images NUMÉRO 244

ST-PIERRE et MIQUELON

MARTINIQUE

GUADELOUPE

SAINT-CLAUDE

TERRE-NEUVE

FORT-DE-FRANCE

LA POLYNÉSIE

TAHITI

RETROUVEZ LE PORTFOLIO

DE CE NUMÉRO

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LA CYBERSÉCURITÉLes prédateurs se sont approprié le cyberespace. Leur action quotidienne porte atteinte auxparticuliers, aux administrations, aux entreprises, mais aussi aux intérêts fondamentaux de laNation. À l’occasion de la 5e édition du Forum international de la cybersécurité créé par lagendarmerie en 2007, la Revuea fait un état des lieux en donnant la parole aux acteurs publics etprivés, civils et militaires, tous unis pour faire en sorte que l’ère numérique soit celle de la libertéet non de l’asservissement.

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Moins de 25 ans* (sur justificatif).

BULLETIN D’ABONNEMENTÉtablissement de la communication et de la production audiovisuelle de la défense (ECPAD)

Service « abonnements »2 à 8, route du Fort - 94205 Ivry-sur-Seine Cedex

Tél.: 0149605244 — Fax : 01 49 60 59 92 – [email protected] souscris un abonnement d’un an (4 numéros) à la Revue de la gendarmerie nationale.

NOM: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Prénom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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DIRECTION GÉNÉRALE DE LA GENDARMERIE NATIONALE (DGGN)Sirpa-Gendarmerie 4 rue Claude Bernard - 92130 ISSY-LES-MOULINEAUX

Tél. : 01 84 22 02 [email protected]

DIRECTEUR DE LA PUBLICATIONGénéral de brigade Didier BOLOT

RédactionDirecteur de la rédaction : colonel Jean-Luc KRIEGEL

Rédactrice en chef : Suzanne FERRET

Conception maquette :Entrecom

COMITÉ DE RÉDACTIONGénéral d’armée (2S) Marc WATIN-AUGOUARD, directeur du centre de recherche de l’EOGN

Général de corps d’armée Richard LIZUREY, major général de la gendarmerie nationaleGénéral de corps d’armée Christophe MÉTAIS, commandant des écoles de la gendarmerie nationale

Général de brigade Didier BOLOT, conseiller communication du directeur général de la gendarmerie nationale - chef du Sirpa-gendarmerie

Colonel Bernard CLOUZOT, cabinet

COMITÉ DE LECTUREGénéral d’armée Laurent MULLER, inspecteur général des armées – gendarmerie

Général d’armée (2S) Marc WATIN-AUGOUARD, directeur du centre de recherche de l’EOGNGénéral de corps d’armée Richard LIZUREY major général de la gendarmerie nationale

Général de corps d’armée Christophe MÉTAIS, commandant des écoles de la gendarmerie nationaleGénéral de corps d’armée Bertrand SOUBELET, directeur des opérations et de l’emploi

Général de brigade Didier BOLOT, conseiller communication du directeur général de la gendarmerie nationale - chef du Sirpa-gendarmerie

Colonel Jean-Louis SALVADOR, chef du département gendarmerie au sein du service historique de la DéfenseColonel Bernard CLOUZOT, cabinet

ÉDITIONDélégation à l’information et à la communication de la défense (Dicod)

École militaire – 1, place Joffre – 75007 Paris

Photogravure - ImprimerieService de diffusion de la gendarmerie 11, rue Paul Claudel – 87000 Limoges

SDG 13-31248-15500

Routage - DiffusionInfo-routage

37, rue Gilles de Roberval – B.P. 1561 – 87281 Limoges Cedex 9N° de commission paritaire : 0311 B 05788

N° d’ISSN : 1243-5619Dépôt légal à parution - Tirage : 16000 exemplaires

Abonnements : ECPAD - Internet : [email protected]

Rédacteurs :Capitaine Frédéric RODRIGUES

Capitaine Céline MORINCapitaine Céline MAUMY

Aspirante Élodie GRANGIÉAspirant Haroun-Nasser BEN LAGHA

Mademoiselle Suzanne FERRET

Maquettiste PAO:Major Carl GILLOT

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avant-propos

nuMéro 245

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De nouvelles ambitions pourles Outre-mer

Depuis maintenant un peu plus de dix mois, le gouvernement auquel j’appartiens, aréalisé en direction des collectivités des outre-mer de nombreuses actions, lancéplusieurs chantiers d’envergure et mis en œuvre nombre de décisions pour traduireconcrètement les engagements de campagne du président de la république.

Dès la constitution du gouvernement en mai 2012, plusieurs signes forts ont étéadressés aux outre-mer, traduisant ainsi ces engagements de campagne.

En premier lieu, le retour d’un ministère de plein exercice, avec la création du ministèredes outre-mer afin de faciliter la bonne prise en compte des problématiques souventspécifiques des outre-mer dans les échanges interministériels. La dénomination « outre-mer » jusque-là au singulier a laissé place au pluriel, afin de marquer la diversité desoutre-mer, qu’il s’agisse de leurs statuts, de leur histoire singulière parfois mouvementée,de leur géographie, mais aussi de leurs cultures, le tout rassemblé autour des mêmesvaleurs, celles de la république.

L’ambition du gouvernement est d’engager le retour de la république dans les outre-mer et le retour des outre-mer au cœur de la république. Cette ambition doit seconcrétiser dans tous les champs de l’action publique, à commencer par celui de lasécurité.

Le droit à la sécurité, partout et pour tous, est en effet une exigence absolue qui va depair avec le souci de justice qui anime le gouvernement. Cette exigence s’est manifestée,notamment, par la mise en œuvre de 64 Zones de sécurité prioritaires (ZSP), dont quatreont été créées dans les outre-mer (une en Guadeloupe, une en Martinique et deux enGuyane), là où les besoins se font le plus sentir, afin de concentrer les efforts et lesmoyens sur un nombre précis d’objectifs ciblés sur les particularités des territoires, pourfaire baisser la délinquance et améliorer concrètement les conditions de vie des habitantsde ces zones. Au-delà de ces efforts ciblés, le gouvernement s’est attaché à mettre, danstous les territoires, un coup d’arrêt aux réductions de moyens jusque-là mis en œuvre. Lerespect de l’ordre républicain est, à mes yeux, une condition essentielle dudéveloppement des outre-mer.

De nombreux autres chantiers ont été initiés afin de restaurer un climat favorable audéveloppement économique et à la lutte contre le chômage, afin de restaurer la confianceet d’éviter que ne se reproduisent les crises sociales qui ont frappé plusieurs collectivitésen 2009.

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De nouvelles ambitions pour les Outre-mer (suite)

La lutte contre la vie chère dans les outre-mer figure parmi les premiers chantiers lancés etse traduit par l’un des premiers textes votés de cette législature. Fruit d’une longueconcertation avec tous les acteurs concernés, ce texte dote l’état de nouveaux outils derégulation adaptés aux outre-mer afin d’y rétablir les conditions d’une concurrence effectivealors que celle-ci est aujourd’hui restreinte par les caractéristiques de ces marchés insulaires etde petite taille.

Le texte initial a été enrichi lors de son examen au Parlement, avec en particulierl’alignement des tarifs des services bancaires sur ceux pratiqués dans l’Hexagone oul’élargissement des missions des observatoires des prix, qui auront désormais compétence surles marges. L’accord annuel de modération de prix, dit “bouclier qualité prix”, est l’un despremiers dispositifs à être rendu opérationnel depuis le 1er mars 2013, en Guadeloupe, enGuyane, en Martinique, à Mayotte, à La réunion et aussi à Wallis et Futuna. Cet accord est lefruit d’une négociation entre distributeurs, importateurs et producteurs, conduite par lespréfets, après avis des observatoires des prix, des marges et des revenus. Il porte sur une listede produits de grande consommation, déterminée dans chaque collectivité, pour laquelle lesdistributeurs se sont engagés à réduire le prix global. Cette démarche construite à partir denégociations conduites au niveau local, a permis à chaque territoire d’élaborer son proprebouclier qualité-prix, avec un panel de produits reflétant les habitudes de consommation dechacun intégrant la production locale, ne se limitant pas aux produits alimentaires, tout entenant compte des réalités locales en matière d’organisation du commerce et de taille desmagasins.

D’ores et déjà, les premiers accords signés ont permis d’enregistrer une baisse moyennesignificative variant selon la collectivité de -9,7 % à -12,85 %.

D’autres actions toutes destinées à lutter contre la vie chère, sont également conduitesdans d’autres domaines. une négociation a été ouverte afin d’orienter les tarifs bancaires desoutre-mer à la baisse pour les rapprocher de ceux en vigueur dans l’Hexagone et devraitaboutir prochainement. Dans le domaine de la téléphonie, secteur très concurrentiel, lesopérateurs ont consenti ces derniers mois des baisses significatives, en modifiant leurs offresqui se rapprochent ainsi de celles offertes dans l’Hexagone.

La bataille pour l’emploi est au cœur de l’action de ce gouvernement. Dans les outre-meroù la situation du chômage, en particulier celui des jeunes, est très difficile, il faut agir plusfortement et plus vite. Cette bataille difficile dans un contexte de crise, nécessite de redonnerconfiance et espoir aux entrepreneurs, en leur fournissant un cadre sécurisé susceptible de leurpermettre de développer leur activité et de créer des emplois. Elle s’appuie sur la mobilisationde tous les dispositifs existants, mais également sur de nouveaux outils dont plusieurs sontdéjà opérationnels.

4 Revue de la Gendarmerie Nationale 1er trimestre 2013tre 2012

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avant-propos

nuMéro 245

Le dispositif des emplois d’avenir, qui s’adresse aux jeunes de 16 à 25 ans peu ou pasqualifiés, va dès cette année, permettre d’offrir 9 000 emplois dans les départements d’outre-mer, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre et Miquelon. un autre dispositif, celuides contrats de génération, est entré en vigueur le 18 mars avec l’objectif de répondre à uneautre problématique : celle de l’emploi des seniors. Il prend la forme d’un pacte générationnelqui unit à la fois un jeune en recherche d’emploi, un senior actif et une entreprise.

Le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) est une mesure phare du pactenational pour la croissance, la compétitivité et l’emploi qui en comprend 35. Il vise à renforcerla compétitivité des entreprises en diminuant le coût du travail (efforts en matièred’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospectionde nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leurfonds de roulement).

S’agissant du financement des entreprises, le gouvernement a créé la Banque publiqued’investissement (BPI). Celle-ci va offrir aux petites et moyennes entreprises, ainsi qu’auxentreprises de taille intermédiaire, l’ensemble des instruments de soutien financier, leurpermettant de se concentrer sur le développement de leur activité, facteur de créationd’emplois. La BPI va aussi proposer des services d’accompagnement et de soutien renforcéà l’innovation et à l’export. un texte portant sur le financement des économies d’outre-merest en préparation, et permettra de mieux tenir compte des spécificités de ces territoires.

Enfin, le grand chantier de la transition écologique vient d’être lancé par le gouvernement,associant étroitement économie et environnement. Dans les outre-mer, en raison de leurbiodiversité exceptionnelle, de leur géographie singulière, le plus souvent insulaire, la transitionécologique est sans doute plus saillante. Il s’agit de changer de modèle notamment dans ledomaine énergétique, de basculer des énergies fossiles vers les énergies renouvelables. Surce point, les outre-mer ont de nombreux atouts et font même partie des pôles d’excellencedans cette filière. Toutes les formes d’énergies renouvelables sont en effet bien implantées ouexpérimentées. Au-delà des énergies, la transition écologique nous amène à nous interrogeret à repenser les politiques de transport, d’aménagement des territoires, les circuits deproduction et d’échanges. Ce chantier va se traduire par une vaste concertation nationale quipermettra à toutes les forces vives mais également aux citoyens, de participer et de proposerdes solutions avec, là encore, l’ambition de créer les conditions susceptibles de donner unnouveau souffle aux énergies créatrices d’emplois.

Victorin Lurel, ministre des outre-mer

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De nouvelles ambitions pour les Outre-mer (suite)

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bLOC-NOTESLivres, colloques et manifestations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .130

SOMMAIRE

NUMÉRO 245

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SOCIÉTÉLe système éducatif à Mayotte,un enjeu essentiel pour l’avenir du département . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20par François Coux

DOSSIER Les Outre-mer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .26

DROIT/jURISPRUDENCEUn arsenal législatif et des pouvoirs publics mobilisés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .102par Raymond MoreyLes particularités de l’exercice de la justice dans l’archipel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .108par Jean-Yves Goueffon

HISTOIRELa gendarmerie de Polynésie entre 1900 et 1914 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .116par Benoît HaberbuschMayotte, histoire d’une île entre Afrique et Madagascar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .122par Rodolphe Haye

DÉFENSE-SÉCURITÉL’insécurité peut-elle ruiner l’essor des Outre-mer ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8par Romain ChampenoisLe groupement du service militaire adapté de Mayotte« Notre victoire : leur réussite » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .14par Stéphane Guillaume-Barry

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Les enjeux de défense et de sécuriténationale dans les outre-mer 27

par Thomas Degos

Le commandement de la gendarmerieoutre-mer, une formation atypique ausein de la gendarmerie nationale 33

par Serge Caillet

La gendarmerie maritimeet les outre-mer 37

par Isabelle Guion de Méritens et olivier Eechout

La guyane, laboratoire de lacoordination interministérielle ? 43

par Jean-Charles Metras

Le commandementde la gendarmerie en guyane 51

par Didier Laumont

La nouvelle-calédonie, « Terre deparole, terre de partage » 55

par Thierry Suquet

guadeloupe, une violence quiinterpelle 61

par Gilles Coffre

Les violences intrafamilialesà La réunion 67

par Sophie Elizéon et Alain Marquet

formation internationale à la lutteanti-drogue 73

par Thomas Deprecq

narco-trafic aux antilles,la lutte aussi en mer 77

par le Sirpa-Marine

mayotte : les enjeux d’unedépartementalisation 83

par Thomas Degos

La gendarmerie de mayotte :une histoire récente, des enjeuximmédiats 89

par Jean Gouvart

saint-pierre et miquelon, un comgendatypique pour un archipel singulier 93

par Philippe Coué

polynésie : la gendarmerie du bout dumonde 97

par Pierre-Marie Lagarrigue

Les Outre-mer

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ENJEUX ET DÉFIS DES OUTRE-MER

> Quels sont les enjeux pour lesOutre-mer ?

> Quels sont les obstacles à l’essordes Outre-mer ?

> Quelles pourraient être les actionsentreprises en matière de sécurité ?

En s’appuyant sur leursnombreux atouts, les Outre-mer devront relever le défi dela croissance à venir, avec lesouci d’en faire undéveloppement partagé,durable et sécurisé.

L’insécurité latente desOutre-mer peut ruiner tous lesespoirs.

Les nouveaux défis del’Outre-mer invitent à ce quesoient explorés de nouveauxmodes de coopération entre lesecteur public et les acteursprivés.

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L’insécurité peut-elle ruiner l’essor des Outre-mer ?

Les Outre-mer connaissent de grandesdifficultés économiques malgré leursnombreux atouts. La découverte degisements sous-marins etl’intensification du transport maritimese présentent comme les sourcesinespérées d’une croissanceretrouvée. Mais l’insécurité desdépartements et collectivités d’outre-mer menace ce potentiel essor et ilconvient d’envisager un nouveau modede prévention et de régulation descrises.

Alors que l’état réduit ses dépenses pourla quasi-totalité des ministères, celui del’outre-mer s’apprête à bénéficier d’unehausse de 5 % sur la période 2012-2013et de 12,9 % jusqu’en 2015. Dans uncontexte ultramarin très dégradé, enparticulier sur les plans économique etsécuritaire, faut-il considérer cet effortcomme un investissement ou comme unesubvention pour nos Départements etcollectivités d’outre-mer (Dom-Com) ?

LLes nouveaux enjeuxpour les dom-comAujourd’hui, les Dom-Com ne parviennentpas à tirer profit de leurs atouts. Dans lesecteur primaire, malgré l’immensité denotre Zone économique exclusive (ZEE) –la deuxième au monde derrière celle desétats-unis et qui couvre 11 millions dekm2 dont 90 % dans la sphère des Dom-Com – trop peu de flottes de pêcheexploitent les ressources halieutiquesdepuis ces territoires. Du secteursecondaire, on ne retient que les grandesréussites qui masquent la faibleindustrialisation générale : l’extraction dunickel en nouvelle-Calédonie qui place laFrance au 4e rang des pays producteurset, dans le domaine de l’aéronautique, lecentre spatial guyanais qui est devenudepuis 1973 un pôle d’excellenceinternational. Dans le secteur desservices, enfin, le tourisme dont sontdépendantes la plupart des îles, fait pâlefigure face au succès des voisins des

par rOMAiN CHAMPeNOis

défense-sécurité

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Caraïbes ou de l’océan Indien. Pourtant,les outre-mer français sont susceptiblesde connaître prochainement unaccroissement providentiel.Le principal espoir réside dans l’extensionde notre domaine maritime à travers le« programme Extraplac », qui visel’obtention devant l’organisation desnations unies d’au moins 500 000 km2 deplateau continental supplémentaire. LaFrance pourrait, moyennant la maîtrisedes techniques de forage profond,sécuriser davantage l’extraction sous-marine de précieux hydrocarburesdécouverts au large de la Guyane, deSaint-Pierre et Miquelon ou de lanouvelle-Calédonie. Ils constitueraientune alternative au délaissement desgisements métropolitains de gaz deschiste. S’ajouterait à ces ressources laprésence avérée de terres rares dans lesfonds de Polynésie et de Wallis-et-Futuna.En outre, les étendues océaniquespourraient également participer à laproduction d’électricité par le déploiementet l’exploitation de champs hydroliens etéoliens. Enfin, la perspective d’une percéed’un second canal dans l’isthmeaméricain comme le doublement de lacapacité de transit du canal de Panamad’ici 2014 renforceraient le trafic maritimedans les Antilles. La Guadeloupe et laMartinique, avant-ports de l’Europe,bénéficieraient alors potentiellement de ceregain d’activité.

Ainsi, les outre-mer se trouveraient dansun nouveau contexte géo-économique

capable de leur offrir un développementinespéré et peut-être même de contribuerà surmonter l’atonie économique de laFrance. on pressent aussi et surtout lamise en place d’une nouvelle donnegéostratégique. L’amiral rogel, chefd’état-major de la Marine, affirmait à cetégard : « dès qu’on trouve un îlot rocheuxcomportant un certain potentiel en termesde ressources pétrolières, gazières ouminérales, il est susceptible de donnerlieu à des tensions. Celles-ci serontd’autant plus grandes que les ressourcessur terre se seront raréfiées ».

Pourtant, outre-mer, la découverte derichesses n’a pas toujours profitédirectement aux populations et n’a enrayéni le chômage ni l’insécurité. Le défi de lacroissance à venir est donc d’en faire undéveloppement partagé, durable etsécurisé.

L’insécurité latente des outre-merpeut ruiner ces espoirsBien sûr, chaque département etcollectivité d’outre-mer se distinguent desautres et il est difficile d’énoncer descaractères transverses. Cependant untrait majeur les rassemble : les outre-mersont des espaces fragiles face aux crises.

Ainsi, parce qu’ils sont situés dans desmilieux géographiques extrêmes, lesDom-Com connaissent des crisessanitaires et écologiques aussi violentesque soudaines. Ils affrontent épidémies(dengue, malaria, chikungunya) etcataclysmes (éruptions volcaniques,

défense-sécurité

L’InSéCurITé PEuT-ELLE ruInEr L’ESSor DES ouTrE-MEr ?

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producteurs de cocaïne voisins. ÀMayotte et en Guyane, l’immigrationillégale massive menace les équilibreséconomiques déjà précaires. À Laréunion, bien que les approches de l’îlesoient encore épargnées, l’allonge despirates somaliens inquiète les armateurs.Moins connues et plus insidieuses, desvelléités souverainistes de paysavoisinants s’affirment à la faveur desrichesses que promettent les océans. Despressions diplomatiques, de portéetoutefois encore limitée, s’exercent surcertains îlots tels que Clipperton ouMatthew et Hunter dans le Pacifique etles îles éparses dans l’océan Indien.

L’insécurité relève ensuite des contextesstructurels locaux. Dans certains Dom-Com, la violence touche l’ensemble desconflits, de la sphère familiale jusqu’auxmouvements de protestation de masse,en passant par la criminalité. Les chiffresde la délinquance, qui ont augmenté de30 % en dix ans, illustrent cephénomène : 25 % des vols à main arméeet 24 % des homicides constatés par lagendarmerie nationale sont commisoutre-mer. Par extension, les forces del’ordre sont deux fois plus victimes de cestensions qu’en France métropolitaine.L’opération menée en Guyane sur le« placer » de Dorlin en juin dernier, oùdeux soldats de l’armée de Terre ont ététués et trois militaires de la gendarmerieblessés, rappelle tragiquement cetteréalité. D’une manière générale, enmatière d’ordre public, la fulgurance de

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L’InSéCurITé PEuT-ELLE ruInEr L’ESSor DES ouTrE-MEr ?

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tremblements de terre, cyclones) que leréchauffement climatique prometd’aggraver.

Ensuite, malgré leurs atouts, les outre-mer subissent une longue et profondecrise économique. Le tourisme aparticulièrement souffert duralentissement de l’activité mondiale et,dans de nombreux secteurs, l’emploi est

en panne(1). Avec unepopulation jeune eten pleine croissance

– celle de la Guyane sera multipliée par 2dans 15 ans –, la crise économiqueentraîne inévitablement une crise desociété. Cela se traduit, à des degrésvariables selon les régions, par destensions sociales marquées parl’émergence de communautarismes etd’une contestation exacerbée de l’autoritérépublicaine.

Ces trois crises – de milieu, économique,sociale – accompagnent ou catalysentune insécurité inégalée en France. Cettedernière se singularise par son intensité,son imprévisibilité et son caractèregénéralisé tenant à l’enclavement ou àl’insularité, où sont le plus souvent mis encause les intérêts ou la souveraineté del’état. L’insécurité tient d’abord àl’environnement géopolitique de territoiresqui, en dépit des difficultés qu’ilstraversent, apparaissent comme des îlotsde prospérité dans un environnementimmédiat sinistré. Ainsi, les Antilles voientdéferler des flux impressionnants dedrogue venus des plus grands pays

(1) Les outre-mer sontconfrontés à un chômagetrois fois supérieur à celui dela métropole.

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de l’action des services de l’état.Les armées ont déjà entamé unerestructuration de leurs dispositifs. Lamise en place de commandementsinterarmées disposant de l’ensemble descapacités aériennes, terrestres etmaritimes pour une même zonegéographique offre depuis longtemps uneréponse militaire cohérente qui dépasseles logiques de milieu. Les arméesdisposent de capacités rares etirremplaçables (hélicoptères, navires,moyens d’aménagement) qui remplissenttout à la fois des missions desouveraineté (lutte contre la piraterie), desécurité civile (évacuation de blessés) etde police judiciaire (plus de 10 tonnes destupéfiants saisies par la Marine,principalement dans les Antilles). Ce rôleéminent mérite d’être maintenu en dépitdes pressions pesant sur le format desarmées. Aussi, il n’est pas excessif demesurer l’implication des populationsultramarines dans la défense et la sécuritédu territoire par leur contribution à l’effortmilitaire de la nation (9 soldats d’outre-mer parmi les 88 tombés en Afghanistan).Toutefois, l’action des armées pourraitdavantage s’inscrire dans une démarcheinterministérielle tant à l’échelon localqu’au niveau central. Les difficultés liéesaux singularités des Dom-Com (délais derenforcement, moyens limités) en font uneobligation. Sur le plan opérationnel, ledispositif Harpie déployé en Guyane faitfigure d’exemple. Placé sous l’autorité dupréfet et en étroite liaison avec le parquet,il fédère, sous le commandement conjoint

l’apparition de mouvements d’émeutes etleur brutale radicalisation nécessitent uneréponse immédiate et proportionnée,sous peine de blocage généralisé desactivités. Plus grave, ces soulèvements àcaractère parfois insurrectionnel, tendentà se propager d’un outre-mer à l’autre.De telles contagions entamentsignificativement les capacités des forcesgouvernementales qui puisent dans leursréserves stratégiques pour y faire face. En2009, le mouvement « contre la viechère » initié en Guadeloupe s’est ensuiteétendu à la Martinique. Il a ressurgi àMayotte en octobre 2011, puis a touchéLa réunion en février 2012 accaparant denombreux renforts venus de métropole.L’analyse des causes de la délinquance etde la violence montre que les facteursgéopolitiques et les déterminants internessont enchevêtrés : les grandsdéséquilibres régionaux et internationauximpactent la criminalité endogène. Ceconstat appelle un traitement adapté del’insécurité dans une démarcherenouvelée.

Les outre-mer : laboratoires pour uneapproche globale de la sécurité ?outre-mer, l’équation sécuritaire supposede concilier des considérations de portéestratégique auxquelles répondent lesarmées et notre diplomatie, et lespréoccupations de proximité des acteursde la sécurité publique ou civile.L’émergence de nouvelles potentialités etles recadrages budgétaires en coursappellent cependant une vision rénovée

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évaluées. La sécurisation de thoniers pardes équipes de protection embarquéescofinancées par l’état et un opérateurprivé préfigure peut-être ce que pourraitêtre la coproduction de sécuritéultramarine. on peut aussi penser, dansun registre plus stratégique, à l’adaptationdu modèle métropolitain de protectiond’emprises énergétiques sensibles. Lasécurité des intérêts pétroliers guyanaispourrait constituer l’un des domainesd’application. Puisque la sécurité est à lafois un déterminant et une conséquencede la croissance, il n’est pas outrageuxd’envisager d’associer à l’effortbudgétaire consenti par l’état laparticipation financière des opérateursprivés. on sortirait alors de la logique desubvention pour atteindre celle, plusprometteuse, d’investissement.

outre-mer plus qu’ailleurs, lesenjeux de croissance et desécurité sont interdépendants. Le

Livre blanc sur la défense et la sécurité de2008 esquissait ces questions. Ellesseront certainement l’objet d’une

attention soutenuedans la prochaineversion, attenduedébut 2013 dans uncontexte de criseéconomique plusaigu encore.

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de la gendarmerie, experts de milieu(office national des fôrets), enquêteurs(douanes) et forces de défense et desécurité. Les très bons résultats obtenusmilitent pour la mise en place destructures ad hoc pour affronter les crisesendémiques partout où cela le nécessite.Par ailleurs, au niveau central, on retientl’intérêt d’identifier des interlocuteursspécialisés dans le domaine desproblématiques sécuritaires ultramarineset capables de partager les informationssensibles. À ce jour, dans le domaine dela sécurité, seule la gendarmerie disposed’un commandement spécifique dédiéaux Dom-Com. Mais on peut imaginerque d’autres institutions spécialisent leursservices traitant des outre-mer. Certainsdomaines, comme le renseignement,pourraient ainsi faire l’objet d’unedémarche partagée autour de laproblématique ultramarine en agrégeant

les contributions durenseignementmilitaire(2), fiscal(3) etde sécuritéintérieure(4). Lesenjeux liés àl’intelligenceéconomiqueterritoriale y auraienttoute leur place.

Enfin, les nouveaux défis de l’outre-merinvitent à ce que soient explorés denouveaux modes de coopération entre lesecteur public et les acteurs privés.Certaines expériences méritent d’être

(2) Direction durenseignement militaire,direction générale de lasécurité extérieure, directionde la protection et de lasécurité de la défense.

(3) Direction nationale durenseignement et desenquêtes douanières.

(4) Direction centrale durenseignement intérieur,service-direction del’information générale,direction générale de lagendarmerie nationale.

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rOMAiN

CHAMPeNOischef d’escadron romainchampenois, stagiaire àl’école de guerre.Article paru dans le blogLignes de défense

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Le service miLitaire adapté

> Qu’est-ce que le Service militaireadapté (SMA) ?

> À quand remonte ce dispositif ?

> Quel est le profil des jeunesengagés dans le SMA ?

Le SMA est un dispositif militaired’insertion socioprofessionnelle auprofit de la jeunesse des Outre-mer.

Lancé en 1961 aux Antilles, le SMAs’étend à l’ensemble des Dom-Com.En 1996, alors que le service militaireclassique est suspendu, le SMA estmaintenu, au regard de la bonneprise en charge de la jeunesse endifficulté. Pour 2016, l’objectif est deprendre en charge 6 000 jeunes paran.

Si 60 % des stagiaires ne sont pastitulaires du brevet des collèges et30 % sont en situation d’illettrisme àleur entrée en formation, 83 %d’entre eux obtiennent le certificat deformation générale. Trois jeunes sur 4sont insérés à l’issue de leurparcours SMA. Après plus 50 ansd’expérience, ce sont près de130 000 jeunes qui ont été formés.

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Le groupement du servicemilitaire adapté de Mayotte« Notre victoire : leur réussite »

Implanté depuis vingt-cinq ans aucentre de l’île de Mayotte, à Combani,le Groupement du service militaireadapté (GSMA) de Mayotte dispenseannuellement une formation humaine,militaire et professionnelle à près de500 stagiaires mahorais issus descouches les plus fragilisées de lapopulation insulaire. Au cœur dudépartement le plus jeune de France,que ce soit au travers de sesinstitutions ou de sa population (61 %de la population à moins de 21 ans), legroupement perpétue ici la missionhistorique de cohésion sociale et deprogrès imaginée par ses fondateurs.

En 1961, le Service militaire adapté (SMA)est conçu et mis en œuvre en Martiniquepar le général némo, comme l’un deséléments du plan Debré, destiné àredonner des espérances à l’outre-mernational au lendemain de graves etviolentes crises sociales. L’idée fondatriceconsiste donc à distraire une partie des

IIjeunes du contingent quitraditionnellement rejoignaient desgarnisons métropolitaines, pour lesconserver sur le territoire avec une seulefinalité, l’intégration professionnelle etsociale. Dès le début, le « système SMA »repose sur trois piliers : une formationmilitaire constituant le socle pédagogiquesur lequel la formation professionnelle seconstruira, et permettant de fournir à cesunités une capacité opérationnelleminimale ; une formation professionnelleadaptée, destinée à permettre l’insertionsociale et professionnelle de la frange laplus fragilisée de la jeune populationinsulaire ; et la constitution d’une force detravail permettant de participer audéveloppement des îles.

En 2013, ce modèle qui a traversé toutesles réformes de la Défense jusqu’à la plusprofonde, celle de la suspension de laconscription, conserve tous les atouts desa fondation. Il voit sa pertinencerenforcée par la difficulté de

par sTÉPHANe GUiLLAUMe-BArrY

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Le SMA est un dispositif militaired’insertion socioprofessionnelle auprofit de la jeunesse des Outre-mer.

Lancé en 1961 aux Antilles, le SMAs’étend à l’ensemble des Dom-Com.En 1996, alors que le service militaireclassique est suspendu, le SMA estmaintenu, au regard de la bonneprise en charge de la jeunesse endifficulté. Pour 2016, l’objectif est deprendre en charge 6 000 jeunes paran.

Si 60 % des stagiaires ne sont pastitulaires du brevet des collèges et30 % sont en situation d’illettrisme àleur entrée en formation, 83 %d’entre eux obtiennent le certificat deformation générale. Trois jeunes sur 4sont insérés à l’issue de leurparcours SMA. Après plus 50 ansd’expérience, ce sont près de130 000 jeunes qui ont été formés.

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l’enseignement professionnel classique àrépondre aux attentes, et parallèlement,par la déstructuration des modèlesfamiliaux et culturels. Il est confirmé dansson rôle central au service de la formationprofessionnelle et de l’insertion, pour leplus grand profit de la jeunesseultramarine. Ses sept formations d’outre-mer et son détachement de métropole(Périgueux) cultivent l’« esprit SMA », quise fonde d’une part sur la « militarité » dela structure et d’autre part sur le souciconstant de rester auprès des plusfragilisés. Le tournant de la fin de laconscription, négocié en deux temps,avec d’une part la confirmation de lapertinence du dispositif au travers duconcept du « chaînon manquant »(dispositif devant permettre aux jeunes

non adaptés à la poursuite d’une scolaritéet non qualifiés pour accéder au mondedu travail de s’insérer) et d’autre partl’accélération donnée par le président dela république en 2010, avec l’objectif dedoublement des effectifs stagiaires àl’horizon 2015 (plan « SMA 6000 »,passage de 3 000 à 6 000 stagiaires).

une formation professionnelle fondéesur la pédagogie militairePréparant les jeunes à plus de 45 métiers,le SMA va donc chercher la jeunesse laplus fragilisée et réalise le tour de forced’insérer au plan national ses stagiaires àplus de 71 % dans le monde du travail oudans des formations qualifiantes au termede leur stage. La population stagiaire serépartit en deux catégories, avec des

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Les cérémonies sont une belle occasion de valoriser le groupe.

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adaptations selon les territoires. Lapremière est composée d’une grandemajorité de stagiaires longs (dix mois deformation en moyenne), en ruptureabsolue avec le système scolaire et engrande difficulté d’insertion (plus de 30 %d’illettrés). C’est sur eux que s’applique leplus globalement la pédagogie SMA. Laseconde catégorie accueille un nombrerestreint de volontaires pour un servicecourt (six mois de formation aumaximum), essentiellement des diplômésen échec à l’embauche depuis un an aumoins, qui viennent chercher un secondsouffle et acquérir des techniques d’appuià leur insertion professionnelle (bilan decompétence, entraînement à l’entretiend’embauche, à la création d’entreprise,etc.).

Au terme d’une formation qui comprendun ratio horaire de 30 % de formationmilitaire et de 70 % de formationprofessionnelle, les jeunes du SMA ayantréussi la totalité de leur parcours se voientattribuer un certificat d’aptitudepersonnelle à l’insertion, document officieldu ministère des outre-mer : la formationgénérale (avec un certificat de formationgénérale délivré par le ministère del’éducation nationale), la formation auxpremiers secours (prévention et secoursciviques de niveau 1 ou certificat desauveteur secouriste du travail), laformation citoyenne et la formationprofessionnelle. Dans la plupart des cas,les jeunes obtiennent aussi leur permis deconduire pendant leur stage. Cette

performance globale, appuyée par uneacquisition certaine de savoir-faireprofessionnels basiques, découle pourl’essentiel du savoir-être que développentles stagiaires dans le contexte de la vie encollectivité militaire. Ce savoir-être estsynthétisé en cinq règles d’or connuespar cœur par chaque stagiaire etreconnues par les chefs d’entreprise :respecter son chef, être à l’heure,travailler en sécurité, être en tenue ettravailler en équipe.

L’encadrement des formations du SMA(dont le GSMA de Mayotte), est constituéde la façon suivante. Des officiers, sous-officiers et militaires du rang enprovenance pour l’essentiel de l’armée deTerre, principalement des troupes demarine, forment l’ossature des fonctionsde commandement, de formation et desoutien du corps. Certains d’entre eux, dufait de leurs compétencesprofessionnelles, sont affectés dans lesfilières de formation professionnelle.

Ensuite, des moniteurs en formationprofessionnelle, relevant du statutd’engagés volontaires du SMA, sontrecrutés sur leur titre professionnel et sontles chevilles ouvrières de la formation auxmétiers enseignés. Préalablement à leurarrivée à Mayotte, ils se voient dispenserune formation militaire initiale pendanttrois mois au 21e régiment d’infanterie demarine à Fréjus, puis une formationpédagogique, pour l’heure au centremilitaire de formation professionnelle deFontenay-le-Comte, et bientôt au

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jeunesse locale, jouit d’un certain prestigeauprès de celle-ci, au point d’êtreconsidéré comme une finalité. une sortede rite initiatique, à rapprocher du rôlenon écrit joué autrefois par le servicemilitaire pour les jeunes hommes, estattachée au passage par Combani et auport de l’uniforme. En l’état actuel, lerecrutement au GSMA ne pose donc pasde problème.

Par ailleurs, l’insertion des jeunesbénéficie aussi de l’aura dont jouit legroupement. Les qualités intrinsèques dustagiaire mahorais, au premier rangdesquelles son goût pour la mobilitégéographique, y participent aussi. Lemonde du travail, à Mayotte, secaractérise par une organisationperfectible, par des usages coutumiersencore puissamment prégnants, et par unfonctionnement où l’informel l’emporteencore parfois sur le réglementaire, et cemême si les choses bougent. Dans cecontexte, et pour autant que l’insertions’appuie sur la portion vertueuse du tissuentrepreneurial local, le stagiaire du SMAprend vite l’ascendant sur le reste de lamain-d’œuvre, par sa maturité, son sensdu devoir et son respect des règles desécurité notamment. C’est donc bien lesavoir-être du stagiaire qui est iciplébiscité, ce qui fait écho aux cinq règlesd’or évoquées supra. Et commementionné plus haut, le jeune mahoraisn’est en aucun cas rebuté par unpassage en métropole, que ce soit pourun complément de formation ou un

détachement du SMA de Périgueux.Enfin, des volontaires techniciens, jeunesMahorais diplômés, sont employés tanten formation professionnelle que dans lesfonctions de soutien. Ils ont vocation àêtre insérés professionnellement et, touten ayant un rôle clé dans le soutien et lefonctionnement courant du groupement,contribuent aussi à la formation dans lesfonctions d’aide-moniteurs.

résolument engagé dans sa formation, lestagiaire n’oublie pas que son statutmilitaire le place au service de lacommunauté. Il apporte ainsi de façonhabituelle son aide au travers de chantierseffectués dans le cadre de sa formationau profit des collectivités. Il peut aussi sevoir mis à la disposition desCommandants supérieurs des forcesarmées (ComSup) dans le cadre desplans de secours et d’aide à lapopulation, et dans une certaine mesure,dans celui des plans de défense.

« Le paradoxe mahorais »Dans un contexte économique dégradé,dans des conditions d’application de laréglementation du travail de droitcommun émergentes, la performanced’insertion du groupement, qui vachercher la partie la plus fragilisée de lajeunesse mahoraise, a tous les aspectsd’un miracle. En effet, plus de 85 % desstagiaires sortent annuellement du GSMAde Combani et font l’objet d’une insertionprofessionnelle. En premier lieu, l’accèsau GSMA de Mayotte, pourtant parconstruction « ultime chance » pour la

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l’insère à plus de85 %, mais neremplit localementqu’une partie de lafinalité de cohésionpar le travail etl’insertion, non deson propre fait, maissimplement parcequ’une frangesignificative de lapopulation endéshérence luiéchappe. Ce pointméritait d’êtrementionné, tant leSMA est parfoisconsidéré comme le« couteau suisse »solutionnant tous lesproblèmes de lajeunesse mahoraise.or, l’efficacité del’outil repose sur lestatut militaire et surla pédagogie tantindividuelle quecollective qui endécoule… et pourêtre militaire auGSMA, il faut êtreFrançais.

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premier emploi. Il part cependant souventavec le dessein de revenir !

Ainsi, à partir de jeunes adultes en grandedéshérence, mais aussi, pour une part dejeunes diplômés ayant rapidement perdule niveau acquis, le GSMA génère ens’appuyant sur la pédagogie militaire destravailleurs efficaces et matures, aptes àparticiper au développement de leurterritoire, à être des citoyensresponsables, et à préparer le bonheur etle bien-être des générations futures.

L’efficacité du SMA à Mayotte estdonc incontestable. Cependant,exclusivement destiné aux jeunes

de nationalité française quand une grandepartie de la population relève del’immigration, légale ou clandestine, cetoutil ne peut donc être la solution uniqueaux problèmes de la jeunesse locale…

Mayotte est une île-départementfrançaise, au milieu d’une myriade deterritoires en développement. Il endécoule une forte attractivité qui génèredes flux migratoires illégaux puissants etcomplexes à contrer. À la différence duSMA des origines et de la situation

générale dans nosoutre-mer1, lechamp d’application

nécessairement restreint par le statutmilitaire, consubstantiel à l’ « esprit SMA »,ne permet pas au GSMA seul de satisfaireà l’un des objectifs fondateurs, celui de lacohésion sociale. Le groupement produitdu personnel qualifié professionnellement,

(1) À l’exception de laGuyane où la situation estassez proche de celle deMayotte.

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sTÉPHANe

GUiLLAUMe-BArrYLieutenant-colonelstéphane guillaume-barry,officier de l’armée deterre, commandant legroupement du servicemilitaire adapté demayotte.Le lieutenant-colonelGuillaume-Barry débute sacarrière militaire en juin 1984à l’école d’application del’arme blindée cavalerie deSaumur. Affecté au1er régiment de spahiscomme aspirant et sous-lieutenant de réserve, il y sertsur AMX 10 rC pendantquatre ans. Il rejoint l’écolemilitaire interarmes en 1988,puis choisit le régimed’infanterie des chars demarine à Vannes. Il occuperaensuite divers postes decommandement. En 2002, ilest muté au royaume-uni,comme officier d’échange àla 3 Commando Brigaderoyal Marines, à Plymouth. Ilsera ensuite projeté enAfghanistan, de novembre2007 à avril 2008, commeassistant militaire du DeputyCommander, regionalCommand Capital.Commandant en second le33e régiment d’infanterie demarine à Fort-de-France, ilparticipe aux travaux derestructuration des forcesarmées des Antilles dans unenvironnement interarmées etinterministériel. À l’été 2010, ilest affecté à la commissionnationale de contrôleinterarmes à Châlons-en-Champagne, comme chef dubureau études-budget-pilotage, puis à l’été 2012 ilcommande le groupement duservice militaire adapté deMayotte.

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L’écoLe dans La société maHoraise

> Quelle la place de l’école àMayotte ?

> Quelles sont les particularités dusystème éducatif sur l’île ?

> Quels sont les objectifs majeurspour les années à venir ?

L’Éducation nationaleapparaît comme un leviermajeur pour l’essor et ledéveloppement économiquede l’île.

Bien que Mayotte soit liée àla France depuis 1841, leparcours scolaire et lesstructures d’accueil sontencore en pleine évolution.

Il s’agit notamment deconstruire en urgence desétablissements scolaires pourrépondre à la demande, derecruter des personnelsenseignants et d’accompagnerles élèves à l’enseignementsupérieur.

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Le système éducatif à Mayotte, un enjeu essentielpour l’avenir du département

Mayotte est un département enconstruction avec de multiples enjeux,notamment en matière d’éducation.Dans la société mahoraise, l’école estun levier incontournable pour ledéveloppement de l’île. Des projetssont menés à court et moyen termespar le ministère de l’Éducationnationale avec pour seul objectif laréussite des élèves, comme clé d’unavenir personnel, citoyen etprofessionnel.

Avec plus de 212 600 habitants recensésen 2012 pour 375 km2, Mayotte afficheune densité près de 575 habitants au km2.L’identité culturelle est très marquée dansce département où le français coexisteavec deux langues autochtones : leshimaoré et le shibushi. L’activitééconomique reste encore à développer etc’est dans ce contexte que l’éducationnationale apparaît comme un levier majeurpour l’essor de l’île, permettant aux jeunesMahorais de terminer leur parcours

Mscolaire “armés” pour une vie sociale etprofessionnelle réussie.

Bien que Mayotte soit liée à la Francedepuis 1841, la mise en place destructures comparables à la métropolereste récente. Le premier lycée a ouvertses portes en 1980 et la scolarisation enclasses de maternelle ne date que de1993. Le parcours scolaire a par ailleursconnu des étapes singulières. À titred’exemple, jusqu’en 2005, les élèvessubissaient un examen d’entrée en 6e.

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par FrANÇOis COUX

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En moins de vingt ans, le nombre decandidats au baccalauréat a augmenté demanière exponentielle, passant de 140 enjuin 1994 à 3 200 en juin 2012.L’augmentation de la population, résultantd’une natalité élevée (près de 7 000naissances en 2012) et d’une fortepression migratoire, se traduit par unecroissance peu ordinaire des effectifsscolarisés qui, depuis 10 ans,augmentent chaque année de 2 000 à4 000 élèves. Pour la rentrée scolaire2013, 86 300 élèves seront ainsi accueillisdans les différents établissements de l’île(189 écoles, 18 collèges, 10 lycées).

des atouts pour mayotte et son école…La pyramide des âges n’est pashomogène sur l’île. En effet, 54 % de lapopulation a moins de 20 ans et 45 % estscolarisée. L’expansion démographiquede Mayotte est continue avec unepopulation majoritairement jeune (plus de50 % ont moins de 17 ans), induisant unescolarisation de masse. Ainsi, plus de15 700 élèves sont scolarisés de lamaternelle à la terminale entre 2007et 2012. L’éducation nationale se doitdonc de répondre à une demande socialetrès forte en matière d’accès à lascolarisation, à une formation ou à unequalification.Des dynamiques institutionnelles vontpermettre de fixer des objectifs et desambitions pour le territoire. Avecl’obtention du statut de département le

31 mars 2011, Mayotte aura accès àpartir de 2014 au statut de région ultra-périphérique et donc aux fonds

structurelseuropéens(1). Le potentieléconomique àdévelopper constitueun atout majeur dansplusieurs domaines.La jeunesse et lesrichesses de l’îlepermettent aussid’envisager une fortecroissance deMayotte dans diverssecteurs d’activité :les services deproximité et à lapersonne ; la santé etl’action sociale ;l’agriculture, la

pêche, l’aquaculture ; le tourisme etl’environnement (parc marin).Quant au système éducatif, desévolutions rapides se dessinent avec unenormalisation des structures et desparcours. Les diverses administrations etinstitutions de l’état présentes à Mayottedoivent suivre au plus près l’évolutionrapide de la société mahoraise.L’éducation nationale, consciente de cetimpératif, est engagée depuis plusieursannées dans un travail d’adaptationpermanente et de projection. un projetacadémique a été établi ; il est en coursjusqu’en 2015.

(1) L’union européennecompte huit régions ultra-périphériques européennes(ruP). Il s’agit de territoiresgéographiquement éloignésdu continent européen, maisqui font partie intégrante desétats membres.Actuellement, ont le statutde ruP, les quatredépartements d’outre-merfrançais (la Martinique, laGuadeloupe, la Guyane etLa réunion), la collectivitéd’outre-mer française deSaint-Martin, les deuxrégions autonomesportugaises (Madère et lesAçores) et la communautéautonome espagnole desÎles Canaries. Mayotte,devenue officiellement enmars 2011, le 5e DoM et le101e département français, amanifesté avec l’appui desautorités françaises lesouhait d’accéder au statutde ruP à l’horizon 2014. Lalégislation et l’exercice desdroits et obligationscommunautairess’appliquent intégralementaux ruP, contrairement auxPays et Territoires d’outre-mer, qui ont un statutdifférent.

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LE SYSTèME éDuCATIF À MAYoTTE, un EnJEu ESSEnTIEL Pour L’AVEnIr Du DéPArTEMEnT

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Par ailleurs, une politique decontractualisation entre le vice-rectorat,les établissements et les écoles (projets,contrats d’objectifs, évaluations) est miseen place, et les applications nationalessont progressivement installées. Lesstructures comme les parcours senormalisent et doivent aujourd’huirépondre à une exigence de qualité etd’efficience.

Les efforts engagés depuis plusieursannées ont permis de faire croître le tauxd’accès en 6e. Il est passé de 62 % en2003 à 85 % en 2012. En fin de scolarité,l’accès au baccalauréat est passé de17 % d’une génération en 2002 à 48 %en 2012.

Le plurilinguisme est également un atoutet une richesse, le point d’appui d’uneidentité culturelle forte. Dès leur plusjeune âge, les jeunes Mahorais jonglenten effet avec différentes langues que sontle français à l’école, l’arabe dans lesécoles coraniques, le shimaoré ou leshibushi en famille. Cette maîtrise deslangues, plus aisée que chez les jeunesmétropolitains, est un atout pour entrerdans la vie active.

mais aussi des contraintes…Le contexte économique est fragile. Lemarché du travail reste atone et le tissuéconomique demeure peu diversifié. Levice-rectorat est le premier employeur del’île, où le secteur public est fortementreprésenté.

une difficulté majeure pour les famillesreste l’accès à la compréhension desparcours scolaires et des exigences qui ysont liées, comme celle del’accompagnement de la scolarité deleurs enfants. Souvent déstabilisés parune société qui a évolué très vite, lesparents sont en attente d’unaccompagnement et d’une aide del’institution scolaire.

une autre contrainte réside dans lesphénomènes migratoires continus. Les

nouveaux arrivantsallophones(2)

présentent 200demandes de

scolarisation par an dans le seconddegré. De nombreux mineurs isolés viventdans des situations sociales et éducativestrès précaires. Ils sont ainsi près de 3 000dont plus de 500 sont sans attacheparentale.

De grandes faiblesses persistent aussidans la maîtrise de la langue française etune part importante de la population esten situation d’illettrisme. Seulement 7 %des élèves de CE1 comme de CM2 ontdes acquis solides en français alors que lamoyenne nationale est de plus de 40 %selon une évaluation faite dansl’enseignement primaire en 2011.

En outre, l’insularité, facteur d’isolement,rend nécessaire la mobilité des personnesdésireuses d’accéder à la formation, à laqualification ou à l’insertion

(2) Personne dont la languematernelle est une langueétrangère dans lacommunauté où elle setrouve (Petit robert).

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LE SYSTèME éDuCATIF À MAYoTTE, un EnJEu ESSEnTIEL Pour L’AVEnIr Du DéPArTEMEnT

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établissements. L’éducation nationale doitgarantir une réelle maîtrise du socle deconnaissances et de compétences, unebase véritablement commune à tous.Pour ce faire, il faut veiller toutparticulièrement aux premières annéesd’apprentissage. La réforme du lycée doitêtre poursuivie pour améliorerl’accompagnement des élèves, maisaussi les préparer au mieux àl’enseignement supérieur et, enfin,permettre une fluidité des parcours. Desactions au service de la réussite desélèves vont être mises en place dans uncalendrier très contraint.

À très court terme, il est indispensable deconstruire des établissements scolaires(écoles, collèges et lycées) afin de faireface à la hausse constante du nombredes élèves. Ainsi, deux nouveaux collègeset un lycée seront indispensables pouraccueillir les élèves à la rentrée 2014. Lescontraintes fortes liées au foncier et auxressources doivent impérativement êtredépassées. Par ailleurs, il est aujourd’huinécessaire de refonder les rythmesscolaires pour les rendre conformes àl’intérêt de l’élève et satisfaire de meilleursapprentissages pour viser une réelleréussite scolaire. De nouveaux dispositifsd’accompagnement pédagogique doiventégalement être développés. un travail surle socle commun de connaissances et decompétences, sur les programmespersonnalisés de réussite éducative, surles stages de remise à niveau, les stageslinguistiques ou les stages passerelles est

professionnelle. Ainsi, 50 % desbacheliers poursuivent leur scolarité dansl’enseignement supérieur hors deMayotte.

Des contraintes fortes pèsent égalementquant aux structures d’accueil des élèves.Le vice-rectorat de Mayotte présente eneffet des caractéristiques très spécifiquesIl compte par exemple 390 salles declasse qui fonctionnent par rotations. Plusde 50 % des écoles ont huit classes, voiredavantage alors qu’en métropole, celan’est le cas que dans 20 % des écoles.Tous les collèges de Mayotte accueillentégalement plus de 700 élèves (12 % enmétropole). Sept d’entre eux comptentdéjà plus de 1 500 élèves, dont quatre quiatteindront les 1 700 élèves à la rentrée2013. 18 % à 20 % des enseignants sontcontractuels dans le premier comme dansle second degré, soit 1 000 professeurs.

... intégrées dans une politiqueéducative claire et ambitieuseAfin de pouvoir remplir sa mission dansde meilleures conditions, le vice-rectorats’est fixé trois objectifs majeurs. Toutd’abord, il s’agit de construire en urgencedes structures pour accueillir des élèvesplus nombreux chaque année. Ensuite, ilfaut renforcer l’attractivité du territoirepour recruter des personnels et plusparticulièrement des enseignants. Enfin,d’une politique de gestion de flux, le vice-rectorat va passer à un pilotage plusefficient du système éducatif. D’un pointde vue pédagogique, deux priorités sontidentifiées et partagées avec les écoles et

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LE SYSTèME éDuCATIF À MAYoTTE, un EnJEu ESSEnTIEL Pour L’AVEnIr Du DéPArTEMEnT

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62 % en 2011. Au plan national, il a étéde 83,4 % soit +1 point par rapport à2011. Enfin, la généralisation de larestauration scolaire dans le premiercomme dans le second degré reste unobjectif majeur.

Mayotte est un département enconstruction. L’enjeu estimmense pour sa jeunesse

comme plus généralement pour la sociétémahoraise. De toute évidence, l’école estun levier essentiel et mêmeincontournable pour le développement del’île. Il nous faut accueillir, scolariser etfaire réussir les élèves en associant avecintelligence, bienveillance, rigueur etexigence.

Face à ce défi, un engagement collectifest nécessaire, un engagement individuelest indispensable. notre action

quotidienne, nosprojets à court etmoyen termes n’ontqu’un seul objectif :la réussite desélèves, clé d’unavenir personnel,citoyen etprofessionnel.

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FrANÇOis COUX vice-recteur de mayotteDirecteur académique adjointdes services de l’éducationnationale de Loire-Atlantiqued’octobre 2010 à juillet 2012,il a été précédemmentpersonnel de direction.Monsieur Coux a exercé dansl’académie de Grenoble et àMayotte (principal du collègede Passamainty). Il aégalement été juge assesseurau tribunal pour enfantspendant 6 ans, à Chambéryet à Mamoudzou.

aujourd’hui indispensable pour élever leniveau de qualification de tous les élèves.Enfin, il importe de structurer l’action deprévention et de traitement dudécrochage scolaire avec les partenairesde l’école, par la mise en place d’uneplate-forme de suivi et d’appui aux“décrocheurs”.

À court terme, le vice-rectorat a pourobjectif d’assurer une réellepréscolarisation dès 3 ans. À ce jour, ellen’est que de 67 %. L’objectif estd’atteindre les 80 % à l’horizon 2015. Dèsque possible, une scolarisation à partir dedeux ans sera initiée. Il est égalementindispensable de développer l’usage dunumérique, quasi-absent à ce jour, dansle parcours de l’élève. L’implication et lacoopération des familles dans le parcoursde formation des élèves sont aussi àrenforcer. L’école doit tout mettre enœuvre pour encourager les familles et lessoutenir dans cette reconquête.

À moyen terme, l’objectif est d’atteindreles moyennes nationales en termes deréussite des élèves en fin de 3e, fin de2nde, aux baccalauréats et dans les cursuspost-baccalauréat. En effet, les résultatsobtenus aux baccalauréats général ettechnologique en 2012 à Mayotte sontbien en deçà des résultats nationaux. Letaux de réussite au baccalauréat générala été de 61,8 % contre 68,8 % en 2011.Au plan national, il a été de 89,6 % en2012 soit +1,4 point par rapport à 2011.Le taux de réussite au baccalauréattechnologique a été de 49,2 % contre

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LE SYSTèME éDuCATIF À MAYoTTE, un EnJEu ESSEnTIEL Pour L’AVEnIr Du DéPArTEMEnT

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dossier Les outre-mer

Guadeloupe, uneviolence qui interpellep. 61

par Gilles Coffre

La gendarmerie maritime etles Outre-merp. 37

par Isabelle Guion de Méritenset olivier Eechout Mayotte : les enjeux d’une

départementalisationp. 83

par Thomas Degos

Les enjeux de défense et desécurité nationale dans lesOutre-merp. 27

par Thomas Degos

Polynésie : la gendarmeriedu bout du mondep. 97

par Pierre-Marie Lagarrigue

Les violences intrafami-liales à La Réunionp. 67

par Sophie Elizéon et Alain Marquet

Le commandement de lagendarmerie en Guyanep. 51

par Didier Laumont

Formation internationale àla lutte anti-droguep. 73

par Thomas Deprecq

Saint-Pierre et Miquelon,un Comgend atypiquepour un archipel singulierp. 93

par Philippe Coué

Le commandement de lagendarmerie outre-mer, uneformation atypique au seinde la gendarmeriep. 33

par Serge Caillet

La Nouvelle-Calédonie,« une terre de parole, terrede partage »p. 55

par Thierry Suquet

La gendarmerie deMayotte : une histoirerécente, des enjeuximmédiatsp. 89

par Jean Gouvart

La Guyane, laboratoire de lacoordination interministérielle ? p. 43

par Jean-Charles Metras

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Narco-trafic aux Antilles, lalutte aussi en merp. 77

par le Sirpa-Marine

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Les enjeux de défense et de sécurité nationale dans les Outre-mer

Les questions de défense et de sécuriténationale revêtent une importanceparticulière pour nos compatriotesultramarins. Engagées au quotidienpour lutter contre la pêche illicite, lenarcotrafic ou l’orpaillage clandestin,les forces militaires et civilesprépositionnées contribuent trèsdirectement à leur sécurité. C’estencore plus vrai lors des crises desécurité civile, très fréquentes outre-mer. Plus généralement, les ultramarinsattendent de la République qu’elleassure sa souveraineté sur l’ensemblede son territoire et protège l’ensemblede sa population.

La rédaction en 2013 d’un nouveau Livreblanc sur la défense et la sécuriténationale, à laquelle le ministère desoutre-mer a activement participé, est uneopportunité de rappeler les enjeux en cedomaine. Les territoires ultramarinsconstituent des atouts pour la France mais

Lsont exposés à des risques et desmenaces dont l’ampleur est trop souventinsoupçonnée par les « hexagonaux ».En raison de ces fragilités, les outre-mernécessitent l’engagement de moyenslourds pour les protéger. Dans uncontexte de forte contrainte budgétaire,la pérennité de ce haut niveau deprotection impose de recourir de plus enplus à des solutions interministérielles.

Les outre-mer : des atouts pour lafrance et l’europeLes outre-mer constituent pour laFrance, mais également pour l’Europe,un avantage stratégique indéniable. Avec122 000 km2 de territoire terrestre répartisur trois océans et 11 millions de km2 deZone économique exclusive (ZEE), soit ladeuxième plus vaste ZEE au mondeaprès celle des états-unis, les outre-meroffrent une dimension mondiale dont peude grandes nations peuvent se prévaloir.

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par THOMAs DeGOs

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À partir de chacun des territoiresultramarins, la France peut ainsi seprojeter dans de nombreuses régions dumonde grâce à ses forcesprépositionnées, qu’elles soient militairesou civiles. C’est ainsi que les sapeurs-pompiers martiniquais et guadeloupéensont été les premiers à intervenir en Haïtiaprès le séisme du 12 janvier 2010. Plusrécemment, après le passage du cycloneEvan qui a durement frappé le Pacifiquesud en décembre 2012, les forcesarmées en nouvelle-Calédonie ontdéployé par avion Casa du matériel depremière urgence dans le nord des îlesFidji.

Le positionnement géographique desoutre-mer est également un atoutstratégique pour l’emploi de certainestechnologies de pointe. La proximité de laGuyane avec l’équateur, offrant desconditions de lancement des satellitesoptimales, est à l’origine de la création ducentre spatial guyanais qui accueilledésormais, outre le lanceur Ariane, leslanceurs vega et Soyouz. Lepositionnement particulier des outre-merconfère également à notre pays un rôleclé dans le projet de GPS européenGaliléo. Huit sites ultramarins ont étéretenus pour accueillir les stations dusegment « terre » du système.

Les outre-mer constituent également unatout diplomatique en permettant à laFrance d’accéder à de nombreusesorganisations régionales où elle est bien

souvent le seul état européen représenté.Ainsi, la France est membre de laCommission du Pacifique sud (CPS) et dela Commission de l’océan indien (CoI), etmembre associé de l’Association desétats de la Caraïbe (AEC). La biodiversitédes territoires ultramarins, qui représenteà elle seule 10 % de la biodiversitémaritime mondiale, vaut également à laFrance de siéger dans la quasi-totalitédes instances internationales depréservation de l’environnement.

Enfin, les outre-mer sont une source derichesses potentielles. outre lesressources halieutiques, notre ZEEpourrait receler d’importants gisementsd’hydrocarbures. Des campagnesd’exploration sont ainsi en cours au largede la Guyane et des Îles éparses dans lecanal du Mozambique. Plusieurscompagnies internationales s’intéressentégalement aux possibles gisements deterres rares et de nodules polymétalliquesau fond de nos espaces maritimes. Maisles potentialités ne se limitent passeulement aux énergies fossiles. Lesoutre-mer sont d’ores et déjà devéritables laboratoires d’expérimentationen matière d’énergies renouvelables,notamment la géothermie aux Antilles,l’énergie houlomotrice à la réunion, ouencore l’énergie thermique des mers enPolynésie. Enfin, nos outre-merconcentrent à eux seuls 80 % de labiodiversité nationale, qu’elle soit animaleou végétale, terrestre ou marine.

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des territoires fragiles confrontés àune diversité de risques et demenacesParce que nos outre-mer sont richesd’atouts, ils suscitent en retour desintérêts extérieurs. Tout l’enjeu est alorsde concilier la nécessaire ouverture desoutre-mer vers le monde, condition deleur développement, et le respect denotre souveraineté et d’un haut niveau desécurité des populations.

Si le risque d’une agression armée d’unétat tiers contre un territoire d’outre-mern’est pas d’actualité, notre souverainetédemeure encore contestée en plusieurspoints de notre territoire : Clipperton(440 000 km2 de ZEE) contesté par leMexique, les îles néo-calédoniennesMatthew et Hunter (190 000 km2 de ZEE)revendiquées par le Vanuatu, Tromelin(280 000 km2 de ZEE) revendiqué par l’îleMaurice, les îles éparses du canal duMozambique contestées par Madagascar,etc. Ces revendications ne se limitent pasà quelques îles inhabitées puisque lemaintien de Mayotte à la France,demandé à l’origine par les référendumsde 1974 et 1976, fait toujours l’objetd’une forte contestation de la part del’union des Comores qui n’a jamaisaccepté le maintien de la « Quatrième île »de l’archipel comorien dans le gironfrançais et encore moins sadépartementalisation.

Plus inquiétant est le pillage desressources. La Guyane est à ce titre l’un

des territoires les plus exposés de nosoutre-mer en raison de l’immensité deson territoire (86 000 km2), de la porositéde ses frontières, et d’un différentielconsidérable de niveau de vie avec sesvoisins, le Suriname au nord et l’étatbrésilien de l’Amapa au sud. Le pillagedes ressources aurifères par lesgarimpeiros brésiliens s’est développédepuis les années 1990 dans la forêtguyanaise, notamment en raison de lahausse du cours mondial de l’or. outre lesatteintes massives à l’environnement(déforestation, pollution au mercure, etc.),l’orpaillage illégal est à l’origine d’unecriminalité particulièrement violente. Pourlutter contre ce phénomène, près de300 gendarmes et 750 militaires sontmobilisés depuis 2008 dans le cadre del’opération Harpie pour interpeller lesorpailleurs, détruire leurs matériels deproduction et déstructurer les filièresd’approvisionnement des sitesclandestins.

nos espaces maritimes subissentégalement de fortes pressions. La pêcheillicite au large des terres australesfrançaises, ou sur les côtes guyanaisesexige une présence forte de la Marine. Lamer des Caraïbes est également une« autoroute » pour les trafiquants decocaïne d’Amérique du sud quiacheminent leur cargaison par go-fastvers les Antilles, point de rebond pouratteindre les marchés nord-américains eteuropéens. Dans l’océan Indien, la

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LES EnJEuX DE DéFEnSE ET DE SéCurITé nATIonALE DAnS LES ouTrE-MEr

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mise en place d’un dialogue socialapprofondi.

Le rôle des forces prépositionnéesdans les outre-merFace à l’ampleur des risques et desmenaces, les outre-mer ont toujoursbénéficié d’un niveau élevé de protection,prenant la forme d’un prépositionnementde moyens militaires et civils. Ainsi, prèsde 9 000 militaires des trois armées sontprésents dans les outre-mer, tout comme5 000 gendarmes dont 18 escadrons degendarmes mobiles, et 4 800 policiers.

Toutefois, dans un contexte de fortecontrainte budgétaire, le format globaldes armées outre-mer a été revu à labaisse à la suite du Livre blanc sur ladéfense et la sécurité nationale de 2008.Les forces armées se sont ainsirecentrées sur les missions desouveraineté et sur cinq grandesmenaces : les atteintes à la sécurité ducentre spatial guyanais, le narcotrafic, lesflux migratoires illégaux, le pillage desressources naturelles et les catastrophesnaturelles. Elles se sont réorganisées entrois théâtres : Antilles-Guyane, océanindien et océan Pacifique. La Guyane, laréunion et la nouvelle-Calédonie ont vuleurs moyens préservés, voire augmentés,tandis que le format a été réduit dans lesautres territoires. En compensation duretrait de moyens militaires, des moyenscivils ont été redéployés vers les outre-mer, notamment des hélicoptères de la

piraterie maritime ne se limite plus augolfe d’Aden et tend à descendre vers lecanal du Mozambique, menaçant nosintérêts dans la zone.

À ces menaces extérieures s’ajoutentégalement les risques naturels quipeuvent prendre des dimensionsextrêmes dans les outre-mer (cyclones,séismes, tsunami, éruptions volcaniques,etc.). Le séisme d’Haïti du 12 janvier2010, tout comme le tsunami du26 décembre 2004 dans le Pacifique,sont venus nous rappeler à quel point nosoutre-mer sont fragiles. L’éloignement etla dispersion de nos territoires ultramarinscomplexifient d’autant la gestion descrises majeures. La capacité de projectionde moyens de secours entre territoiresultramarins ou au bénéfice d’états voisins,et à partir de l’hexagone, voire même enprovenance d’états tiers (états-unis,Australie, etc.), est un élémentdéterminant en cas de crise.

Enfin, gardons-nous de considérer queles outre-mer sont assurés contre touteforme d’instabilité. L’effritement des liensfamiliaux et de l’autorité coutumière, leniveau élevé de chômage et la cherté dela vie outre-mer contribuent à mettre lessociétés ultramarines sous pression. Lescrises sociales de 2009, 2010 et 2011dans les Antilles, à la réunion et àMayotte ont nécessité une mobilisationtrès importante de renforts mobiles pourmaintenir l’ordre public, en parallèle de la

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sécurité civile et des douanes, sanscompter les moyens militaires de lagendarmerie.

Même si leur format a été réduit, lesforces armées jouent encore un rôle depremier plan dans les outre-mer. Lesfrégates de surveillance et lespatrouilleurs de la Marine sont ainsiengagés au quotidien pour lutter contre lapêche illicite, le narcotrafic ou la pirateriemaritime. Les avions de transport detroupes de type Casa et transall sontsouvent employés pour projeter dessecours en cas de crise de sécurité civile.L’infanterie de marine et la Légionétrangère sont en première ligne dans lecadre de l’opération Harpie en Guyane,aux côtés des gendarmes, et contribuentpar leur présence permanente aumaintien de la souveraineté sur les îleséparses. Pour être complet, il fautsouligner le rôle essentiel du servicemilitaire adapté dans les outre-mer quiassure depuis 1961 la formation dejeunes ultra-marins afin de les aider àaccéder à un emploi, et dont l’objectif estd’atteindre 6 000 stagiaires par an.

Si le maintien de capacités militaires estune nécessité outre-mer, l’enjeu estdésormais de trouver la meilleurearticulation entre moyens militaires etmoyens civils, en sachant que la frontièreentre missions civiles et missions militairesest moins tangible dans les outre-mer quedans l’hexagone. Le retrait à brèveéchéance de plusieurs navires de la

Marine qui assuraient le transport tactiquemaritime (Batral) et les patrouilles dans laZEE (patrouilleurs P400), en fin de vie,rend cette question particulièrementprégnante au moment de redéfinir notrestratégie dans le nouveau Livre blanc.

À ce titre, plusieurs expériences demutualisation interministérielle fontfigurent d’exemples. Ainsi, deuxhélicoptères interministériels Dauphin ontété déployés en Polynésie française.Gérés par les armées, ils sont financéspar les ministères de la Défense, del’Intérieur, du Budget et des outre-mer.De même, un pôle aéronautique étatiqueregroupant des moyens aériens desarmées, de la gendarmerie et desdouanes a été créé en Martinique surl’aéroport du Lamentin, en lieu et place del’ancienne base aérienne militaire.D’autres projets sont en cours d’étude,notamment l’acquisition en interministérielde navires multimissions pour combler lesruptures temporaires de capacité dans ledomaine maritime.

Si les projets interministériels constituentune voie d’avenir, ils supposent unpilotage au plus haut niveau. En effet, leurmise en place donne lieu à d’âpresnégociations entre les ministèresconcernés qui peuvent être tentés deremettre en cause à tout moment leurparticipation.

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LES EnJEuX DE DéFEnSE ET DE SéCurITé nATIonALE DAnS LES ouTrE-MEr

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Le Livre blanc de 2013 tracera la voiepour les prochaines années. Laplace accordée aux outre-mer

devrait être plus importante dans ce Livreblanc que dans le précédent, signe del’intérêt porté pour les outre-mer.Toutefois, la réalité budgétaire nous obligedésormais à privilégier une approcheinterministérielle. De notre capacité àmettre en œuvre avec efficacité desprojets engageant plusieursadministrations dépendra le niveau deprotection qui sera assuré dans les outre-mer. Le ministère des outre-mer jouerapleinement son rôle dans ce sens.

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THOMAs DeGOsdélégué général à l’outre-mer au ministère desoutre-mer.Thomas Degos était jusqu’enjanvier 2013 préfet deMayotte. Ancien élève del’école nationaled’administration (EnA) il aalterné des postes enadministration centrale et enadministration déconcentrée.Au cours de sa carrière, il anotamment exercé la fonctionde directeur de cabinet dupréfet de la régionGuadeloupe, préfet de laGuadeloupe.

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LES EnJEuX DE DéFEnSE ET DE SéCurITé nATIonALE DAnS LES ouTrE-MEr

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Le commandement de la gendarmerie outre-mer, une formationatypique au sein de la gendarmerie nationale

Saint-Pierre et Miquelon, Mayotte,Wallis et Futuna, la Désirade ou Marie-Galante… Autant de noms qui invitentau voyage et aux rêves ensoleillés maisqui masquent parfois la réalité. Serviren outre-mer, dans des conditions detravail particulières, demande de réellesfacultés d’adaptation et de solidesaptitudes humaines et professionnelles.L’isolement, le relatif sous-dimensionnement des effectifs etl’explosion démographique queconnaissent de nombreux territoiresultramarins peuvent peser sur lequotidien des gendarmes, sentinellesde l’État aux confins de la République.

L’implantation de la gendarmerie dans lesoutre-mer est ancienne et remonte audébut du XVIIIe siècle avec la création de lapremière compagnie de Maréchaussée enMartinique en 1716. Par la suite, lagendarmerie s’est installée au gré de lapolitique coloniale de la France en Afrique,en Indochine et dans l’océan Indien. Sans

Squ’aucune politique générale ne soitarrêtée au plan central, lesdétachements de gendarmerie étaientplacés sous l’autorité des gouverneursqui définissaient le service spécifique desgendarmes par voie d’arrêtés etd’ordonnances. C’est après la SecondeGuerre mondiale et la loi du 21 mars1948 que l’autonomie des détachementsa été supprimée et que l’état a pris à soncompte les dépenses liées aufonctionnement de ces formations.

Jusqu’en 1999, la diversité desformations qui relèvent duCommandement de la gendarmerieoutre-mer (CGom) entraîne des difficultésen termes de cohérence de la chaînehiérarchique, avec la coexistence ducommandement de la légion Antilles-Guyane et du commandement de lacompagnie de Saint-Pierre et Miquelon.Progressivement entre 1999 etmars 2004, les forces de gendarmerieprennent l’appellation de

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par serGe CAiLLeT

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commandement de gendarmerie. Installéà Arcueil, le CGom occupe une placeunique au sein du dispositif de lagendarmerie nationale, et ne ressemble àaucune autre formation ou région degendarmerie. Il s’agit, dans les faits, d’uncommandement “multizonal”, où chacundes Départements ou Collectivitésd’outre-mer (Dom-Com) se distingue desautres ou de la métropole. En effet,l’expression de la délinquance y est plusviolente et caractérisée par des atteintesvolontaires à l’intégrité physique, des volsà main armée et des homicides beaucoupplus nombreux. La problématique desmineurs prend également une forme plusaiguë car les jeunes ultramarinsreprésentent, à eux seuls, 12 % desmineurs mis en cause par l’ensemble dela gendarmerie nationale. La situationéconomique, dont la fragilité estaccentuée par la dépendanceénergétique, le taux de chômage et desécarts de richesse, favorise les crispationscommunautaires. Les revendicationsidentitaires ou des velléitésindépendantistes, la capacité demobilisation d’une population importantetrès jeune et l’accroissement des fluxmigratoires viennent, en outre, augmenterle risque de crise et des atteintes àl’autorité de l’état.

Le gendarme, dernier rempart de lasociétéEn outre-mer, les gendarmes, garants durespect de la souveraineté nationale,

exercent un rôle prépondérant au regardde l’ordre public et de la gestion descrises, qui au-delà de leurs missionstraditionnelles (recherche durenseignement, police judiciaire, luttecontre l’insécurité routière, policeadministrative et militaire) et duparticularisme géographique dans lequelils les assurent, leur fait prendre encompte certaines des missionshabituellement dévolues à l’état et aupays. Même si le maillage des unités degendarmerie est loin d’être identique àcelui de la métropole, la présence desbrigades de gendarmerie permet parfoisde palier l’absence ou l’éloignement desservices de l’état et du pays. Lesmilitaires de la gendarmerie peuvent ainsiêtre amenés à exercer dans certaines îlesdiverses fonctions telles qu’agent spécialdu Trésor avec l’établissement depatentes, ou encore notaire pour larédaction d’actes authentiques ayantvaleur exécutoire. Le gendarme peutégalement être huissier de justice, agentdes douanes ou examinateur du permisde conduire.

une politique d’attractivité pour lesgendarmesLa réalité du service outre-mer estsouvent fort éloignée d’une certaineimage d’épinal « touristique ». La difficultédes conditions et la sensibilité des enjeuxnécessitent, en fait, des personnels quipossèdent de réelles facultésd’adaptation et de solides aptitudes

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LE CoMMAnDEMEnT DE LA GEnDArMErIE ouTrE-MEr, unE ForMATIon ATYPIQuE Au SEIn DE LA GEnDArMErIE nATIonALE

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humaines et professionnelles. L’exigencede qualité se trouve encore renforcée parl’isolement, le relatif sous-dimensionnement des effectifs etl’explosion démographique queconnaissent de nombreux territoires ultra-marins. Ainsi le CGom développe unepolitique de ressources humaines quis’appuie sur une véritable “démarchequalité” et d’attractivité avecl’assouplissement des modalités del’appel à volontaires, les possibilitésd’avancement outre-mer mais aussi, danstoute la mesure du possible, lasatisfaction du choix des militaires lors deleur réaffectation en métropole.

Depuis 2005, une série de dispositionsaméliorant la sélection des profils etpermettant une fidélisation des candidatsest instaurée. Les personnels ontdésormais la possibilité de prolonger ladurée de leur séjour de 3 à 4 ans, voire 5ans, permettant ainsi de freiner le rythmedes mouvements d’environ 20 % parrelève. Les gendarmes mobiles concernéspar le changement de subdivision d’armepeuvent accéder à l’outre-mer depuis2007 et, chaque année, 50 sous-officierssont ainsi agréés sur une ressource de400 volontaires. En matière d’attractivité,la mesure forte également mise en place,cette même année, consiste à proposerun second séjour consécutif à certainsmilitaires affectés aux Antilles ou enGuyane (destinations du « bloc 1 ») afinde compenser la moindre attractivité de

cette zone. Ils peuvent en effet rejoindreensuite La réunion, la nouvelle-Calédonie, Mayotte ou la Polynésie(destinations du « bloc 2 »).

Par ailleurs, le CGom ne peut pas tenirson ambition d’élever la qualité dupotentiel humain sans soutenir égalementune politique volontariste relative auxoriginaires. L’intérêt de disposer depersonnels qui s’inscrivent davantagedans la durée, maîtrisent la langue etdisposent de la capacité à agir en étroitesymbiose avec la population locale dontils partagent l’identité culturelle, se trouveplus que jamais confirmé. Au-delà desconsidérations liées à l’efficacité duservice, il s’agit toujours de consoliderl’intégration de la gendarmerie dans soncadre d’action.

Les défis à venirDans un contexte difficile et une nécessitébudgétaire de resserrement des moyensde l’état, la gendarmerie doit mobiliserses capacités pour faire face à plusieursdéfis. La forte exposition des Dom-Comaux risques de déstabilisation sociale,identitaire ou indépendantiste, est mise enévidence par les crises de 2009, enGuadeloupe et Martinique, lesmanifestations à Mayotte et à La réunionen 2011-2012 et les tensions ennouvelle-Calédonie à l’approche deséchéances de 2014. Cette menaceconstitue un fort risque de troubles àl’ordre public. La piraterie menacedésormais les Dom–Com par leur

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LE CoMMAnDEMEnT DE LA GEnDArMErIE ouTrE-MEr, unE ForMATIon ATYPIQuE Au SEIn DE LA GEnDArMErIE nATIonALE

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proximité des grandes routes du traficmaritime et leur forte attractivitééconomique. Mayotte entre dans la zoned’action étendue des pirates du canal duMozambique et la densification des fluxmaritimes expose les Antilles auxconvoitises des pirates vénézuéliens. uneextension du phénomène à la Guyane estpossible avec la reconversion depêcheurs brésiliens et surinamais versdes activités criminelles. En matière denarco-trafic, la proximité des grands paysproducteurs et le tracé des routes de ladrogue exposent les Dom de la Caraïbeaux actions des cartels. L’essor d’uneproduction interne de stupéfiantsconstitue une réalité qui doit êtremaîtrisée pour ne pas conduire certainsde nos territoires à devenir exportateurs.L’immigration illégale constitue égalementune menace majeure dont les flux sontparticulièrement difficiles à contrôler pourdes raisons géographiques, culturelles ouéconomiques et du fait de résistancesinternes au développement des stratégiesde lutte (motifs humanitaires notamment).Le phénomène est particulièrementimportant à Mayotte et en Guyane. Lerisque d’un exode massif de populationsvers les Dom–Com et de tensionsintercommunautaires doit être pris enconsidération en cas de crise majeuretouchant des pays frontaliers. Enfin, lescatastrophes naturelles constituenttoujours le risque principal, en raison de lafréquence des phénomènes observés et

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de l’ampleur des dégâts et perturbationsqu’ils génèrent.

Ainsi, les gendarmes affectés enoutre-mer, sentinelles de l’état auxconfins de la république, veillent

quotidiennement à la sécurité desultramarins et continueront encorelongtemps à assurer la présence de l’étatdans les lieux les plus excentrés.

Revue de la Gendarmerie Nationale 1er trimestre 2013tre 2012

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LE CoMMAnDEMEnT DE LA GEnDArMErIE ouTrE-MEr, unE ForMATIon ATYPIQuE Au SEIn DE LA GEnDArMErIE nATIonALE

serGe CAiLLeTgénéral de corps d’arméeserge caillet, officier degendarmerie, commandantla gendarmerie d’outre-mer.Ancien élève de l’écolepolytechnique, licencié endroit, breveté del’enseignement supérieur dela gendarmerie, le généralCaillet a successivementcommandé un escadron degendarmerie mobile à Satory,la compagnie de gendarmeriedépartementale d’Angers,puis l’Institut de recherchecriminelle de la gendarmerienationale, avant de prendre latête du groupement degendarmerie de Charente-Maritime, la sous-direction dela police judiciaire à ladirection de la gendarmerie etla région de gendarmerie deBretagne.

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La gendarmerie maritime et les Outre-mer

Théâtres d’enjeux géostratégiquescroissants, les espaces maritimes et lesterritoires d’outre-mer constituent aussipour l’État, de par leur éloignement de lamétropole et leur diversité, un défi auplan sécuritaire. La gendarmerie danstoutes ses composantes et notammentmaritime, joue un rôle important.

La mer constitue un triple enjeu croissanten termes économique (flux et ressources),politique (projection de puissance) etculturel (recherches scientifiques et quêteonirique). Le rapport sénatorial

d’information sur lamaritimisation(1)

rappelle la placeprépondérante qu’y occupent les outre-mer : 97 % du « territoire » maritimefrançais, 84 % de la biodiversité française.

Formation spécialisée de la gendarmerienationale placée pour emploi auprès duchef d’état-major de la Marine nationale, lagendarmerie maritime est une composante

(1) rapport d’informationn°674 sur la maritimisationdéposé le 17 juillet 2012.

Timportante à travers ses unités outre-merpour garantir la souveraineté de la Francedans le deuxième plus grand espacemaritime au monde. Seule force déployéeen mer disposant d’un pouvoir de policegénérale, ses moyens et, plus encore, sessavoir-faire en font un acteur important enréponse aux problématiques, particulièresà chaque territoire, d’ordre public etd’enjeux maritimes.

Cependant, la faiblesse relative desmoyens étatiques engagés au regard del’immensité des espaces et des enjeuxmissionnels milite pour le renforcement dela coordination des acteurs et ledéveloppement de cette forcepolyvalente, adaptable et d’une grandesouplesse d’emploi.

Les outre-mer : éloignement etdiversitéPremière caractéristique partagée par lesterritoires ultramarins, leur éloignement dela métropole (vingt jours de mer pour

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par isABeLLe GUiON De MÉriTeNs eT OLiVier eeCHOUT

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rejoindre les espaces du Pacifique) nesaurait masquer leur grande hétérogénéitéet ses deux conséquences pour lagendarmerie maritime : une spécialisationde l’activité et une nécessaire adaptation àla complexité juridique locale.

En effet, même si les missions généralesde la gendarmerie maritime et notammentcelles consacrées à l’action de l’état enmer, s’exercent sur le même spectreétendu outre-mer, les caractéristiquesdifférenciées des territoires déterminent lepositionnement des unités et leur activitéprincipale.

Ainsi le dispositif de la gendarmeriemaritime déployée outre-mer comprend :deux patrouilleurs hauturiers (32 m), leJasmin à Papeete en Polynésie françaiseet la violette en Guadeloupe ; cinq vedettescôtières de surveillance maritime (20 m), laMahury et l’organabo respectivement àCayenne et Kourou en Guyane, l’odet àDzaoudzi pour l’île de Mayotte, la verdon àla réunion, la Dumbéa à nouméa ennouvelle-Calédonie. À ces unitésnavigantes inscrites à la flotte de combatde la marine nationale, s’ajoutent deuxbrigades de base navale à Papeete etnouméa, un poste des Affaires maritimes àCayenne, une participation à l’antenne del’office central pour la répression du traficillicite des stupéfiants (oCrTIS) de Fort-de-France en Martinique, et enfin deuxbrigades prévôtales au Cap Vert enrépublique du Sénégal et à Djibouti. Deuxgendarmes maritimes participentégalement régulièrement aux missions desurveillance des pêches réalisées par la

Marine nationale dans les terres australeset antarctiques françaises. L’ensemble deces moyens s’adapte à l’activité desespaces maritimes surveillés : la navigationen Polynésie française, la prospectionminière et la pêche en Guyane, les traficsde produits stupéfiants aux Antilles, lapêche aux terres australes mais aussi lesmigrations à Mayotte.

Cependant les conditions d’exercice de lamission peuvent être très différentes d’undépartement ou d’une collectivité à l’autre.Ainsi, en Polynésie, le Jasmin est confrontéà l’étendue de sa zone d’action, à desdifficultés de ravitaillement en carburant etaux contraintes des mouillages et desaccostages souvent difficiles dans lesatolls (l’île la plus proche de Tahiti estMoorea à 10 nautiques tandis que les îlesles plus éloignées sont celles des Gambierà presque 900 nautiques de Tahiti ; pourune mission aux Marquises, il faut compterprès de 40 heures de navigation sansinterruption et dans des conditionsoptimales après une escale préalable àrangiroa pour ravitailler en gazole). EnGuyane, les unités sont marquées par larecrudescence des actions de pêcheillégale des navires étrangers,principalement surinamais et brésiliens, etla multiplication des situations difficilespouvant conduire à l’usage de la force. Aucontraire, à Mayotte, la lutte contrel’immigration irrégulière par voie de mer etl’interception des embarcations venantprincipalement d’Anjouan (jusqu’à117 personnes sur une barque de10 mètres) alternent avec les opérations de

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secours souvent déclenchées à la suite denaufrages de Kwassas.

À cette diversité de l’activité selon lesterritoires correspond la nécessité des’adapter à la complexité du cadrejuridique. Si la réunion, la Guyane, lesAntilles puis Mayotte en 2014, sont des

régionsultrapériphériques(2),soumises à ce titre àla politique communedes pêches, les « loisde pays », en

nouvelle-Calédonie et en Polynésiefrançaise(3) ont force de loi dans lesdomaines non conservés par l’état. Il peuts’agir par exemple de la réglementationrelative à la pêche, de la circulationmaritime dans les eaux intérieures ou dusauvetage des personnes dans les eauxterritoriales. La réglementation relative à lapêche est par exemple très différente enPolynésie. Que l’on parle de licence, destatistiques, de tailles de poissons, depériodes de pêches, de procédés depêche, etc., il faut oublier tous les repèresmétropolitains. La nouvelle-Calédoniepossède son propre Journal officiel(JonC) et les militaires doivent enpermanence vérifier quelle loi est envigueur dans une période de transfert des

compétences entrel’état français et legouvernementcalédonien(4). Partoutcependant, les

particularités et traditions locales exigentdes gendarmes des efforts constants

(2) Article 349 du traité sur lefonctionnement de l’unioneuropéenne.

(3) respectivement loiorganique n°99-209 du19 mars 1999 et loiorganique n°2004-192 du27 février 2004.

(4) Lire à ce sujet l’article deThierry Suquet, secrétairegénéral du Haut-commissariat de larépublique de nouvelle-Calédonie, p. 55 de cemême numéro.

d’adaptation, de réflexion et dediscernement.

Les atouts de la gendarmerie maritimeComme la Marine nationale n’agitprincipalement au titre de l’action de l’étaten mer qu’à l’extérieur des eaux

territoriales(5), lagendarmerie maritime,en lien avec lagendarmerieterritoriale, a vocationà se positionner

comme élément assurant la continuité entrela terre et la mer, même si son action peuts’étendre aux zones sous juridiction(6). Sonrôle en matière de recherche durenseignement est ainsi un atout indéniableet toutes ses unités terrestres et maritimes ycontribuent tant dans le domaine militaireque dans celui de l’ordre public.

Habituée au triptyque des missions militairesde défense maritime du territoire,administratives d’action de l’état en mer etjudiciaires, la gendarmerie maritime possèdela culture d’adaptation à des cadresjuridiques changeants. C’est un atout lorsquela législation des espaces ultramarins estparticulièrement variée : le sauvetage despersonnes dans la mer territoriale denouvelle-Calédonie peut mettre en action unbâtiment de la gendarmerie maritime,agissant sous contrôle opérationnel ducommandant de zone maritime, placé sousl’autorité du délégué du gouvernementagissant par délégation du territoire au titred’une compétence spécifique, avec depossibles suites pénales appréciées selon laloi française.

(5) Loi n°94-589 du 15 juillet1994 relative aux modalitésde l’exercice par l’état deses pouvoirs de contrôle enmer.

(6) Pollution et pêche enzone économique exclusive,traitement judiciaire de lapiraterie en haute mer.

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L’appropriation territoriale pour lagendarmerie maritime passe égalementpar l’acquisition d’une culture spécifique aumonde maritime, celle des « gens de mer »et les « outre-mer » ne dérogent pas àcette pratique. Bien implantés au cœur deleur domaine d’action, les gendarmesmaritimes disposent d’une largecompétence territoriale et, comme enmétropole, ils exercent dans de nombreuxdomaines, seuls ou en collaboration avecd’autres services territoriaux (affairesmaritimes, jeunesse et sports,environnement, etc.), ou en concoursapporté à la gendarmerie nationale lors demissions particulières.

Dans le continuum d’usage de la force, lagendarmerie maritime offre une véritablesouplesse d’emploi. Tout navire d’état

dispose en effet d’unepolice spécialed’emploi de la force(7)

ne faisant pasobstacle à l’exercice des compétencesparticulières des agents desadministrations disposant de

pouvoirsspécifiques(8). Ainsi,en l’absence de

l’autorité administrative ou judiciaire, encas d’absolue nécessité, lorsque legendarme agit depuis une embarcation ouà bord du navire contrôlé, il dispose deprérogatives élargies, récemment utiliséesen Guyane, lorsque le niveau d’oppositiondevient élevé. La gendarmerie maritimepossède aussi des savoir-faire spécifiquespour répondre à des problématiques

(7) Décret n°95-411 du19 avril 1995 relatif auxmodalités de recours à lacoercition et de l’emploi dela force en mer.

(8) Pour la gendarmerie,Code de la défense, art L 2338-3.

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LA GEnDArMErIE MArITIME ET LES ouTrE-MEr

émergentes. C’est par exemple le cas dela sûreté maritime et portuaire, symboleéloquent de la continuité terre-mer. Lesrisques inhérents à l’expédition maritimeont longtemps touché à la sécurité dunavire : incendie, voie d’eau, navigation,pollution. Désormais, l’action criminelleintentionnelle ne peut plus être ignorée, cequi constitue le domaine de la sûreté.

En droit de la mer(9),la visite (et non lafouille) du navire est àl’initiative des naviresd’état, et l’absencede pavillon constitue

une des cinq infractions que tout états’engage à poursuivre. Le besoin nouveauconsiste à s’intéresser aux personnes àbord, et par extension, aux usagers de lamer utilisant des embarcations. Dans lecadre du Code ISPS(10), la Franceexpérimente depuis 2006 un dispositifspécifique métropolitain, susceptible d’uneadaptation dans les ports ultra-marinsd’importance vitale. Les unités naviganteset terrestres actuelles participent déjà ànouméa, Cayenne ou Papeete à la sûretédes ports.

Enfin, la gendarmerie maritime possèdeune pratique internationale au travers desformations qu’elle dispense dans le cadrede la coopération, avec de récentesinterventions en Afrique et au Moyen orientpour l’organisation de la sûreté portuaire etle fonctionnement d’un service de garde-côtes. Dans la mesure où les outre-mersont aussi considérés comme desambassadeurs avancés vis-à-vis des pays

(9) Article 110 de laConvention des nationsunies du droit de la mer.

(10) international Ship andPort facility Security Code ouCode international pour lasûreté des navires et desports.

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étrangers, le déploiement de lagendarmerie maritime permet de répondreà une partie de ces attentes.

Les défis pour l’avenirLes défis pour l’avenir sontparticulièrement nombreux au regard desenjeux de développement pour l’espacemaritime, comparés à la faiblesse relativedes moyens des différents acteurscontribuant à l’action de l’état en mer.

Avec plus de 10 millions de kilomètrescarrés d’espaces maritimes et unesuperficie qui pourrait s’étendre avecl’agrément des demandes d’extension duplateau continental, avec ledéveloppement des activités et des risquesassociés, tant dans le domaine des flux(sûreté des transports, pollution) que desressources (pêche, prospection minière,énergies renouvelables), l’espace maritimeest à la fois source de convoitises multipleset objet de l’appropriation humaine auxinteractions potentiellement conflictuelles.

Ainsi, demain, l’un des nouveaux défis serasans nul doute le respect des « zonesécologiques » qui seront mises en placedans la zone économique exclusive sous laforme d’aires marines protégées (les troisquarts des 2 millions de kilomètres carrésque la France a demandé à classer sousdes régimes de protection divers, sesituent outre-mer). Deux parcs naturelsmarins ont ainsi déjà été créés (Mayotte,îles Glorieuses) et d’autres projetsconcernent la Guyane, la Martinique, laPolynésie ou encore la nouvelle-Calédonie.La lutte contre les trafics de toutes sortes

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LA GEnDArMErIE MArITIME ET LES ouTrE-MEr

continuera par ailleurs d’être un défi duquotidien pour l’ensemble des acteursengagés dans l’action de l’état en mer etcontributeurs de la fonction garde-côtes(Marine nationale, Affaires maritimes,douanes, gendarmerie départementale,police de l’air et des frontières).

Aussi, les politiquesmaritimes intégrées(11)

sont-ellesrecherchées afind’administrer ces

espaces en termes de connaissance et desurveillance du milieu, de planificationspatiale des activités, de croissanceéconomique « bleue », voire de stratégiespar bassin. Mais, à l’heure où les moyenssont comptés et où les acteurs nes’étoffent plus, la seule solution estd’élargir l’assiette des contributeurs,nécessitant par là même une coordinationnouvelle. C’est la démarche de la France àtravers la fonction garde-côte, reprisedepuis au niveau européen. Le mêmemécanisme est également à l’œuvre auniveau international. À l’instar de l’accordavec l’Australie qui permet un contrôleeffectif des pêches dans le sud de l’océanIndien, la reconnaissance d’un contrôle,avec les sanctions pénales associées,ouvert à tout état participant, est

envisagée dans lecadre de laWCPFC(12). Lescollectivités d’outre-

mer ont, dans ces organisations, le statutde membre associé, c’est-à-dire qu’ellespeuvent s’exprimer mais ne peuvent pas

(11) règlement européenn°1255/2011 du 30novembre 2011 établissantun programme de soutienpour le développementd’une politique maritimeintégrée.

(12) Western and CentralPacific FisheriesCommission ou commissiondes pêches du Pacifiquecentre et ouest.

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l’ensemble des départements etcollectivités ne comprend finalement que80 personnels, à raison de 8 à13 personnels par équipage d’uniténavigante, et 2 à 5 personnels par unitéterrestre. L’augmentation des effectifs surplace permettrait un renforcement del’action opérationnelle en mer. Par ailleurs,le renouvellement de ses patrouilleurshauturiers n’est pas acquis pour l’avenir etlaisse planer une incertitude surl’adaptation des moyens aux besoins deces espaces. Enfin, la consolidation decertaines fragilités juridiques (statut del’immigré clandestin en mer, action dans ledomaine de la sûreté maritime, etc.)permettrait d’améliorer l’efficacité del’action de la gendarmerie maritime commecelle des autres acteurs étatiques. Lerenforcement de cette force polyvalente,adaptable et d’une grande souplessed’emploi ainsi que la reconnaissance deses pouvoirs spécifiques permettraient dedonner une dimension nouvelle à l’actionde l’état en mer.

Qu’il s’agisse d’un souhait ou d’unenécessité, la mer devientaujourd’hui le lieu et l’objet d’une

véritable appropriation humaine. Lanécessaire administration de cet espacerepose sur des mécanismes decoordination autant extérieurs qu’internes.

Les outre-mer,« confettisd’Empire »(13), se

transforment d’héritage historique enatouts pour l’avenir. La gendarmeriemaritime, par ses moyens et, plus encore,ses savoir-faire, peut utilement participer àrelever ce défi.

(13) Les confettis del’Empire, Seuil, 1976 parJean-Claude Guillebaud.

voter au nom de la France. À l’échelonnational également, des marges deprogrès dans la coordination des différentsacteurs existent encore tant pour l’actionopérationnelle que la complémentarité desmoyens mis en œuvre. Cette exigence estd’autant plus forte outre-mer au regard del’immensité des espaces. Pour lagendarmerie maritime enfin, lerenforcement de sa présence outre-mer etde ses moyens d’action constitue un enjeuimportant. Le dispositif mis en œuvre sur

OLiVier eeCHOUTcolonel olivier eechout,officier de gendarmerie,commandant legroupement degendarmerie maritimemanche – mer-du-nord(50)Issu de l’école navale, lelieutenant-colonel Eechoutoccupe pendant dix ans desfonctions embarquées dansla marine nationale,essentiellement dans lesforces sous-marines. Aprèsl’EoGn, il commande l’EGMd’Amiens, le patrouilleurcôtier de gendarmerie Jasminet la compagnie degendarmerie départementalede Montpellier. Il devientchargé de mission ausecrétariat général de la merpour les domaines de lasûreté maritime, de lapiraterie maritime, de laprolifération par voie maritimeet de l’immigration par voiemaritime. Il est titulaire d’undiplôme d’études supérieuresspécialisées de défense etsécurité de l’université deToulon.

isABeLLe

GUiON De

MÉriTeNsgénéral isabelle guion deméritens, officier degendarmerie, commandantla gendarmerie maritime.Ancienne élève de l’écolespéciale militaire de Saint-Cyr, le général Guion deMéritens a été officier au1er GBGM à Satory (78). De1991 à 1995, elle est officierpédagogie et commandantde compagnie d’instruction àl’Esog de Montluçon (03). Elleprend ensuite lecommandement de lacompagnie de Montmorency(95). En 1998, elle estaffectée à la DGGn, enqualité de chef de la sectionofficier du bureau formation.En 2002, le général Guion deMéritens est affecté à l’état-major de lGAG, puis elle estnommée commandant ensecond de l’école degendarmerie de Chaumont.En 2007, elle commande legroupement de gendarmeriedes Yvelines (78) avant derejoindre la DGGn. En 2012,elle est nomméecommandant de lagendarmerie maritime.

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LA GEnDArMErIE MArITIME ET LES ouTrE-MEr

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La Guyane, laboratoire de la coordination interministérielle ?

La Guyane est confrontée à demultiples enjeux de sécurité intérieure.Sur ce territoire amazonien immense etfortement attractif, le cadre d’actioncontraint sur les plans financier,logistique ou judiciaire incite à laconvergence des efforts des acteurs desécurité publique. Face à ces défis, lacoordination interministérielle favorisede puissantes synergiesopérationnelles, potentielles sourcesd’inspiration pour la sécurité intérieureen métropole.

Port spatial européen enclavé entrel’ancienne Guyane hollandaise, aujourd’huile Surinam à l’ouest et le Brésil, cent foisplus grand à l’est, la Guyane françaiseconjugue les extrêmes d’un territoireamazonien aux puissants pôlesd’attractivité.

Pour les franges de population les moinsaisées de la périphérie sud-américaine etcaribéenne, l’or de son sous-sol et bientôt

Lson pétrole, l’accessibilité aux produitsstupéfiants, les infrastructures sanitairesde qualité, le dispositif social et judiciaireavantageux, en font le parfait eldorado. Àla clé, des enjeux de sécurité intérieuremultiples, protéiformes et fortementinterdépendants qui dimensionnent laréponse des pouvoirs publics.

Dans le sillage de lagrande aventurespatiale(1)

européenne, lesacteurs de la

sécurité intérieure n’ont aujourd’huid’autre choix que d’associer leursefforts, de partager leurs compétenceset leurs moyens, d’échanger leursinformations ou encore de planifier desopérations multi-partenariales. Ces vingtdernières années, la Guyane, terrainhautement propice à l’exercice de lacoordination ministérielle, a doncprogressivement vu se développer des

(1) Ariane v est devenu lelanceur de satellites le plusperformant au monde à lafaveur d’une coopérationinternationale technique etscientifique de pointesoutenue par la France.

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par JeAN-CHArLes MeTrAs

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outils au service de la performance del’état, notamment en matière de sécuritéintérieure. Si le chaudron guyanaiséprouve les hommes et les moyensautant que les structures, force est dereconnaître qu’il s’apparente en l’espèceà un authentique testeur de résilience, àun vaste laboratoire d’essai des voies etmoyens susceptibles de favoriser la luttecontre l’insécurité dans un environnementcontraint. En dépit des nombreuxparticularismes de cet espace équatorialaux parfums de bout du monde, laquestion se pose donc de savoir si lessynergies inter-services en

cours d’exploitationou dedéveloppement enGuyane peuventconstituer dessources d’inspirationutiles pour la luttecontre la délinquanceen métropole(2).

coordination interministérielle : lanécessité fait loi Confrontée à une forte pressiondémographique, à d’importants fluxmigratoires et à un environnement socialnettement dégradé, la Guyane doit faireface à quatre enjeux sécuritaires majeursétroitement imbriqués : la lutte contre ladélinquance, la lutte contre l’immigrationirrégulière, la lutte contre l’orpaillage illégalet enfin la sécurisation du Centre spatialguyanais (CSG). Marqué par la montée(3)

d’une délinquance violente de type « sud-

(2) Ces pistes de réflexionfont écho auxrecommandations du dernierLivre blanc sur la sécuritépublique (2011) qui incitent« à aborder l’organisation dela sécurité outre-mer avecun double regard face auxréalités de territoireséloignés et auxcaractéristiques souventspécifiques, mais aussi avecla disponibilité d’esprit pourconsidérer ces adaptationscomme un laboratoire utileaux progrès de la sécuritéintérieure en métropole ».

américain », leterritoire subit le fléauenvironnemental etsanitaire del’orpaillageclandestin en forêtéquatoriale. Le coursde l’or avoisine

aujourd’hui les cinquante euros legramme, contre quinze euros il y a cinqans ! Par conséquent, l’orpaillage attiretoujours plus de garimpeiros, ces ouvriersorpailleurs originaires des états du norddu Brésil. Emblématique de la plus-valuede la coordination interministérielle, lalutte contre l’orpaillage clandestinimplique un grand nombre d’acteursparce qu’elle draine un cortège deproblématiques et d’infractions connexesà celle de l’exploitation aurifère de minesans titre : dommages environnementauxet sanitaires, contrebande demarchandises et de carburant,prostitution, trafic d’armes, trafic destupéfiants, immigration irrégulière... Lagendarmerie nationale, les armées en tantque force de souveraineté outre-mer, laPolice aux frontières (PAF), l’officenational des forêts (onF), le Parcamazonien de Guyane (PAG), la Directionde l’environnement, de l’aménagement etdu logement (DEAL), la Direction desfinances publiques (DFIP), les collectivitésterritoriales, les opérateurs miniers légaux,les populations locales, tous sontconcernés par ce fléau à un degré plusou moins élevé. L’adaptation du Codeminier en 2002, la création du PAG et « le

(3) « La gendarmerie, àl’instar de tous les militairessur place, assume sesmissions dans desconditions difficiles. Lamontée de la violence, duepour partie aux activitésillégales, est un phénomèneparticulièrementpréoccupant. » Extrait durapport d’information duSénat, La Guyane : uneapproche globale de lasécurité, février 2011, p. 19.

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LA GuYAnE, LABorAToIrE DE LA CoorDInATIon InTErMInISTérIELLE ?

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Grenelle de l’environnement » en 2007ont ainsi suscité la prise en compteinterministérielle du phénomène et le

lancement del’opération Harpie en2008(4). Inauguré endébut d’année 2012

par le président de la république, un état-major opérationnel interministériel a étéspécifiquement créé pour pérenniserl’opération. Sous la haute autorité dupréfet et la direction judiciaire duprocureur de la république, il est latraduction concrète du rapprochementdes services autour d’objectifs communs.Centraliser, analyser, synthétiser lerenseignement puis veiller à sonexploitation, planifier et suivre lesopérations les plus importantes, évaluerl’impact opérationnel en sont les attributsmajeurs. L’actualisation et l’exploitationd’une base cartographique partagée et

unique(5),l’élaboration deplanification et de

modes d’action conjoints, le dialoguepermanent institué entre les deux piliers,gendarmerie et Forces armées en Guyane(FAG), sont autant de voies de progrèssignificatives. La pertinence de cet outil sejugera au travers des premiers bilans.L’implantation récente des lanceursSoyouz et véga a récemment agrandil’aire de surveillance du centre spatial quicomptait déjà plusieurs milliersd’hectares. Sur ce territoire amazonien demême superficie que le Portugal, lesforces de sécurité sont ainsi dispersées

(4) Concernant l'opérationHarpie, retrouvez aux pages51 et 102 de cette mêmerevue, deux articles quitraitent spécifiquement decette thématique.

(5) outil cartographique del’observatoire de l’activitéminière régional.

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LA GuYAnE, LABorAToIrE DE LA CoorDInATIon InTErMInISTérIELLE ?

entre la forêt et sesfrontières fluviales(6)

totalement poreuses, la façadeocéanique, le CSG et trois bassins de vielittoraux, aux particularités ethniques,sociales, géographiques etdémographiques extrêmementspécifiques : l’île de Cayenne, Kourou etSaint-Laurent-du-Maroni, où se concentreune population officiellement estimée à230 000 habitants à laquelle il convientd’ajouter plusieurs dizaines de milliersd’immigrés clandestins. Pour les 1 000

gendarmes(7), 2 000militaires des FAG,600 policiers, 200

douaniers et leurs différents partenairesdes autres services de l’état ou descollectivités territoriales, la coordinationinterministérielle n’est pas une optionfacultative. Encore balbutiante il y a vingtans, elle est devenue pour nombre demissions, la condition sine qua non d’unengagement opérationnel pertinent etdurable, dans un environnement hostile.Si l’adage « l’union fait la force » prend icitout son sens, la complexification récentedes enjeux, l’importante dimensionlogistique et technique des projections dupersonnel, le durcissement de lacriminalité, l’amplification de certainscontentieux de masse (immigrationirrégulière, trafic de stupéfiants, etc.),enfin les réductions drastiques desmarges budgétaires ont rendu l’exercicede plus en plus incontournable. De soncôté, l’action de l’état en mer s’estintensifiée ces dix dernières années. Elle

(7) Dont un groupementtactique à 6,25 Escadronsde gendarmerie mobile(EGM).

(6) Fleuves oyapock à l’estet Maroni à l’ouest.

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est d’ailleurs étroitement liée à la luttecontre l’orpaillage clandestin, en raisondes voies maritimes et des embouchuresfluviales qu’empruntent une partie desgarimpeiros pour pénétrer sur le territoirefrançais. Elle concerne de nombreuxdomaines d’application comme la policedes pêches, la lutte contre l’immigrationirrégulière, la lutte contre le trafic destupéfiants ou la contrebande, laprotection du centre spatial ou encore laprotection de l’environnement et dulittoral. Marins et gendarmes sont ainsiengagés dans les opérations dites« thazard », ponctuellement décidées parle préfet. Au cours des trois dernièresannées, le recours à des actions de viveforce pour arraisonner des embarcationsaux équipages récalcitrants a éténécessaire à plusieurs reprises. La pêcheillégale, les filières maritimes del’immigration irrégulière, les vols etbraquages d’embarcation le long desfleuves à proximité de la côte, nedéclinent pas. L’action de l’état en mers’installe dans l’agenda interministériel. Euégard à l’exploitation imminente deforages pétroliers à 150 kilomètres aularge des côtes guyanaises, il n’est pasinterdit de penser qu’une impulsionpolitique comparable à celle donnée àl’opération Harpie puisse un jour favoriserla mise sur pied d’un état-majoropérationnel spécifiquement consacréaux actions de l’état en mer. Plus parnécessité que par obligation, lacoordination interministérielle s’est doncprogressivement immiscée dans presque

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tous les champs d’application de lasécurité intérieure : prévention etrépression de la délinquance, action del’état en mer, lutte contre l’orpaillageillégal, lutte contre l’immigrationirrégulière, protection de l’environnement,sécurité civile, lutte contre l’insécuritéroutière, etc.

La coordination interministérielle,accélérateur de performance Sur les “fronts” de la lutte contre ladélinquance et de la lutte contrel’immigration irrégulière, le rythmed’opérations inter-services toujours plusfructueuses et plus sécurisantes pour lespersonnels s’intensifie. L’opération Harpiea donc ouvert de nouveaux horizons à lacoordination opérationnelle de la luttecontre la délinquance. Selon les derniers bilans statistiques, lenombre des agressions à main armée et

des cambriolages,ainsi que laproportion demineurs mis encause(8), sont enhausse. C’est

cependant la médiatisation de faitsparticulièrement violents et la haussed’homicides commis en marge del’orpaillage clandestin qui confortent lesentiment d’insécurité. En Guyane, on tue« souvent pour des motifs futiles, mais laplus grosse masse des homicides estcommise en forêt » analyse le procureurde la république à l’aune de la hausse du

(8) Au cours des deuxdernières années, les faitsde délinquance juvénile ontquadruplé à Kourou et dansses communes limitrophes ;les services sont égalementconfrontés à l’émergenced’un phénomène nouveaude bandes.

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nombred’homicides(9). Le fortaccroissement

(+25 % entre 2010 et 2011) des violencesenvers des personnes dépositaires del’autorité publique est en revanche ce quiretient le plus l’attention. Les forcesengagées dans l’opération Harpie ontdéjà payé un lourd tribut avec trois mortset une dizaine de militaires ou gendarmesgrièvement blessés ces trois dernièresannées. Près des deux tiers du bilanannuel des cas d’usage de la force(10) dela gendarmerie nationale sont ainsirecensés en Guyane.

L’immigrationirrégulière est quantà elle associée à unedémographiegalopante(11), ce quien fait un vecteurimportant de lacriminalité enGuyane. Environ untiers des faits dedélinquance estcommis par desétrangers. Les

modalités d’expulsions sont comparablesau « tonneau des Danaïdes », car ellesincitent le délinquant à un retour aisé etinstantané sur le territoire français. Latotalité des mesures de reconduite à lafrontière s’exécute par un transport surl’autre rive de l’oyapock ou du Maroni. Ils’agit d’un simple dépôt sans aucuneremise aux policiers locaux, ce qui faciliteun retour imminent des individus en

(9) 70 au 1er octobre 2012contre 46 pour l’année2009.

(10) Moyens non létaux etarmes à feu.

(11) Sur la façade ouest, letaux de fécondité figureparmi les plus élevés de laplanète. Il est estimé à 7,5enfants par femme dansl’aire du fleuve Maroni. Entre1999 et 2009, la populationa augmenté de 94 % dansce bassin, passant de31 948 habitants à 61 474(Insee, 2011). La communede Saint-Laurent-du-Maronidétient le record du taux decroissance démographiqueannuel (+ 10,5 %). « lapopulation actuellement de230 000 habitants pourraitdoubler d’ici 2030 » (rapportd’information du sénat, Ibid.,p7).

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Guyane avec la première embarcationdisponible. Désormais, des opérations inter-servicessont donc organisées. Il s’agit deprocéder ensemble (gendarmerie, police,douane, polices municipales) à descontrôles d’axes ou de quartierssensibles, en privilégiant les opérationstrès ciblées, naturellement selon lepartage d’intérêt pour les cibles visées etles zones de compétence concernées.Pour l’heure, la mise en œuvre dessynergies opérationnelles inter-services

relèveessentiellement del’initiative et de labonne volonté desdécideurs de terrainmais elle se structureprogressivement. Des partenariats àvocation préventiveou dissuasive fontleur preuve dans lesquartiers sensiblesdepuis 2008 à Saint-Laurent-du-Maroni.

un dispositif dit des maraudes(12) a mis finau caillassage systématique des forces del’ordre. Proche du community policing(13)

anglo-saxon, il contribue à laréappropriation du terrain et à l’écoute dela population dont la tranquillité estperturbée par les trafics en tous genres.Les Patrouilles conjointes de surveillance(PCS), qui mobilisent simultanémentgendarmerie, polices municipales, policeaux frontières et douane aux points clés

(12) Patrouilles pédestreshebdomadaires regroupantun gendarme, un policiermunicipal et un médiateur dequartier au contact de lapopulation dans dessecteurs sensibles.

(13) Le community policingou police orientée vers lacommunauté est un conceptcanadien fondé sur larupture de l’image d’unepolice uniquementrépressive. Il s’attache àrépondre aux attentesspécifiques d’unecommunauté, à identifier lesfacteurs déclenchant lesphénomènes délinquants età influer sur eux par lepartenariat avec les citoyenset l’analyse critique duservice policier.

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de l’arrondissement, participent aussi dela combinaison des moyens et des effetssur l’insécurité. Toujours dans l’ouestguyanais, le dispositif « vigimaroni » desurveillance et de contrôle du trafic fluvialentre les rives françaises et surinamaisesdu fleuve Maroni, balaie l’ensemble duspectre missionnel des acteurs qu’ilmobilise. En associant les partenairesprécédemment cités mais également lesforces de police surinamaises, il s’avère unexcellent moyen pour freiner les traficstransfrontaliers de toutes natures etdissuader à la fois l’entrée de délinquants,d’orpailleurs illégaux, d’immigrésclandestins, de contrebandiers ou encorede passeurs de produits stupéfiants.Dans les communes du littoral, les Conseilslocaux de sécurité et de prévention de ladélinquance (CLSPD) débouchentprogressivement sur des partenariatsconcrets entre les polices municipales et lagendarmerie. Grâce aux systèmes devidéo-protection récemment installés et à laformation préalable des opérateurs ducentre de supervision urbaine, lacoopération des deux forces connaîtra unedimension encore plus opérationnelle.Placée au service de la performanceglobale sans pour autant desservir lesintérêts ou les objectifs des partenaires, lesdispositifs inter-services mis en œuvre enGuyane répondent avant tout à la nécessitéde concentrer les efforts et souventd’optimiser les conditions de sécuritéopérationnelles face à une problématiqued’ampleur multi-dimensionnelle.

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La coordination interministérielle autamis des réalités humaines etstructurelles Les solutions développées en Amazoniefrançaise sont de nature à répondrepartiellement aux problématiquessoulevées de manière récurrente enmétropole. rappelées dans le Livre blancsur la sécurité publique (2011), elles serapportent, d’une part, à la déterminationdu bon niveau de coordination et d’autrepart, à la question de la pertinence d’unéchelon intermédiaire de coordination etde mutualisation de moyens spécialiséssitué entre le niveau national et le niveaudépartemental. L’échelon national, tropéloigné, n’est pas efficace et n’est pas enprise directe avec les décideurs, n’offrantqu’une approche parcellaire des enjeux.Quant au second, ses moyens sontd’emblée limités s’il ne dispose pas de lataille critique suffisante, des compétenceset de la légitimité indispensables àl’exercice. Le passage de ces questions“au banc d’essai” de la Guyane permetde tirer plusieurs enseignements. D’abord, la force du principe desubsidiarité et l’importance de la fonctionrenseignement rejaillissent à l’épreuve duhaut niveau de contraintes exposéprécédemment. La Guyane consacrel’approche globale et multi-milieux desgrands enjeux de sécurité intérieure.Ensuite, elle appréhende de manièreaccrue les limites du principe demutualisation. Les problèmes de coût demaintenance et de disponibilité desmoyens, de protocoles opérationnelsincompatibles aux plans juridique,

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réglementaire ou logistique font souventobstacle au partage des équipements. Demême, la Guyane montre les excès d’uneplanification et d’une conduite centraliséedes opérations tout en réaffirmant lanécessité de disposer de structuresdéconcentrées de coordination flexibles,polyvalentes, assujetties à unepermanence et dotées d’outils pointus decentralisation et de synthèse durenseignement. Autre enseignement,l’approche des enjeux par milieu spécifique(aérien, fluvial, maritime, terrestre), tropfragmentaire, ne peut prévaloir. Enfin, laGuyane démontre l’intérêt de la prise encompte de spécificités territoriales etsociales ainsi que la délégation du pilotagede la coordination interministérielle à uncollège de décideurs de terrain. Cetteoption a même l’avantage de conforterl’autorité administrative dans son rôled’impulsion, de contrôle commed’arbitrage en cas de blocage ou dedifficultés. Elle offre enfin au préfet lapossibilité de dégager plus aisément unevision globale et prospective. La Guyaneprouve donc qu’un outil efficace decoordination interministérielle doit êtrelégitime, via l’impulsion et le contrôle del’autorité administrative ; crédible, auregard des compétences des personnelsqui l’arment ; réactif, grâce à lapermanence des échanges entredécideurs que garantit la structure ; visible,via la recherche de partenaires utiles et unepolitique de communication harmonisée ;et enfin pérenne, par un suivi en temps réelet l’exploitation opérationnelle durenseignement.

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suggestions au profit des zones desécurité prioritairesPar la pluralité des enjeux sécuritaires, ledéfi à relever en métropole, dans les

Zones de sécuritéprioritaires (ZSP(14)),trouve dessimilitudes enGuyane.L’émergence dephénomènescriminels, tel celuides bandes(15)

structurées autourd’une délinquancepolymorphe (trafics

de produits stupéfiants, trafics d’armes,cambriolages, vols à l’arraché,prostitution, affrontements entre bandes,vols à mains armées, etc.) oùl’appropriation territoriale prévaut, appelleune réponse forte des pouvoirs publics.Sur ces aires devenues bases arrière etterreau de la criminalité organisée et desviolences urbaines, la mise en œuvred’une riposte partenariale innovantes’impose. Le modèle d’approche globaleguyanais suggère l’institution d’un état-major de coordination opérationnelle et deplanification (EMCoP) dédié à chaqueZSP, et composé de partenairesinstitutionnels des échelons decommandement territoriaux et departenaires non institutionnels. Installé àproximité du secteur ciblé, il gagnerait àbénéficier du concours d’une équipepermanente dédiée à la manœuvre durenseignement (orientation, animation dela recherche, centralisation, analyse et

(14) récemment instituéespar le ministère de l’Intérieur,les ZSP ont vocation àmieux concentrer les effortsdes acteurs de sécuritépublique et de leurspartenaires naturels sur uncertain nombre de quartierssensibles, afin d’endéraciner la délinquance.

(15) Le volume exact debandes est difficile à estimer.En 2011, environ 350bandes actives ont étérecensées sur le territoirenational dont 80 en zonegendarmerie. En dépit d’uneréalité multiforme, ellescommencent peu à peu à segangstériser, suivant en celale modèle américain.

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synthèse, étude d’impact). Cet état-majoropérationnel, aurait pour vocation, d’unepart de planifier des opérationsinterministérielles tant préventives,destinées à inscrire la réappropriation duterrain dans la durée, que répressives vis-à-vis des trafics dont elles sont le théâtre,et d’autre part de centraliser lerenseignement en vue notammentd’identifier les noyaux durs de ladélinquance en étroite collaboration avecles unités de police judiciaire. Animés parle principe « à zone spécifique, traitementspécifique », la conception et lefonctionnement d’une telle structuredevraient s’articuler autour de deuximpératifs conditionnant l’implication despartenaires : la désignation d’objectifscommuns, d’une part et la garantie d’unpartage équitable des intérêts

opérationnels,d’autre part. Fondé sur unsystème gagnant-gagnant, l’EMCoPinnoverait enconférant unindispensablecaractèreopérationnel auxpistes exploréesjusqu’à présent enmatière decoordinationinterministérielle de lalutte contrel’insécurité ou de laprévention de ladélinquance. Muni

(16) Le GLTD vise une« meilleure prise en charge »de la délinquance dans lesquartiers où la violence« met en péril la cohésionsociale et constitue un freinà tout projet deréhabilitation ». Créé pardécret et supervisé par leprocureur de la république,le GLTD est une structuretemporaire dont les objectifssont exclusivementrépressifs.

(17) « Les fonctionnaires depolice affectés aux uteQmanifestent tout d’abord uneprésence constante, visibleet dissuasive dans lesquartiers visés, améliorent laconnaissance de cesquartiers et assurent lecontact avec les populationsrésidentes. » Extrait de lacirculaire de la direction desaffaires criminelles et desgrâces du 24 septembre2009 relative aufonctionnement des états-majors de sécurité et auxunités territoriales dequartier.

(18) Institués par circulaireinterministérielle enseptembre 2009.

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du double prisme évoqué précédemment,il permettrait d’optimiser les efforts detrois structures complémentaires, lesGroupes locaux de traitement de ladélinquance (GLTD(16)) lancés en 1996, lesunités territoriales de quartier (uTeQ(17))créées en 2008 et les Contrats locaux desécurité nouvelle génération (CLS-nG)issus de la rénovation des CLSPD en2007. Cette formule apporterait uneréponse substantielle aux freinsstructurels identifiés dans un chapitre durapport sénatorial sur le projet de loi definances pour 2010, consacré auxpolitiques partenariales de prévention dela délinquance.

Mis à ladispositiondes états-

majors de sécurité(EMS(18)) qui seréunissentmensuellement sousl’autorité du préfet etdu procureur,l’EMCoPconforterait lapermanence etl’harmonisation de laréponseopérationnelle face àl’insécurité dans leszones les plussensibles.

JeAN-CHArLesMeTrAs Lieutenant-colonel jean-charles metras, officier degendarmerie, stagiaire dela 20e promotion de l’écolede guerre.officier de gendarmerie issude l'école spéciale militairede Saint-Cyr, le chefd’escadron Jean-CharlesMetras a effectué cinq typesde séjour en Guyane dont lestage commando du centred’entraînement en forêtéquatoriale, lecommandement d’unecompagnie de gendarmeriedépartementale et unemission interministérielled’expertise du dispositif desécurité intérieure en find’année 2011.

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Le commandement de la gendarmerie en Guyane

Fort de près de 1 000 personnels, dontprès de la moitié sont constitués par desgendarmes mobiles déplacés pour3 mois, le commandement de lagendarmerie de Guyane couvre unspectre missionnel unique notammentau travers de son engagement pour laprotection permanente du centre spatialguyanais et du rôle majeur qu’elleassume au sein de l’opération Harpie.Faisant face en outre à un niveau dedélinquance alarmant, ayant justifié lamise en place de deux zones de sécuritéprioritaires, l’action de la gendarmeries’inscrit dans un contexte de fortecroissance démographique renforcéepar des flux migratoires clandestinsdiversifiés.

Terre d’aventures pour certains, terreanxiogène pour d’autres, la Guyane offre demultiples facettes passionnantes dans undépartement de la taille du Portugal.Territoire européen en Amérique latine, elleest couverte à 96 % par la forêt primaire, et

Faccueille une population pluri-ethniquedont les 2/3 n’y est pas née. La Guyaneest confrontée à l’influence du géantbrésilien au Sud avec qui elle partage630 kilomètres de frontière et à celle duSuriname, à l’ouest, ancienne coloniehollandaise, dont le fleuve Maroni lasépare sur 520 kilomètres. Dans ce milieuparticulier, la gendarmerie joue un rôleprimordial.

La guyane, au cœur de la politiquespatiale européenneSitué à l’ouest de la ville de Kourou, leCentre spatial guyanais (CSG) incarnedepuis les années 1970 le fleuron de latechnologie aérospatiale européenne. LeCentre national d’études spatiales(CnES), représentant de l’état français,est le gestionnaire des installations et lecoordinateur des activités mettant àdisposition d’Arianespace et de l’Agencespatiale européenne (ASE), une basefiable, sûre et performante, laquelle estaussi un maillon essentiel du

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par DiDier LAUMONT

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développement de la Guyane. Le CSGaccueille les fusées Ariane, Soyouz et vegaqu’il lance à une cadence quasi mensuelle.Disposant de son propre service desécurité interne, le CnES-CSG est lié parune convention à la gendarmerie nationale,en charge de la sécurité publique sur lescommunes de Kourou et de Sinnamary,pour ce qui concerne la protection desonze Points d’importance vitale (PIV)répartis sur 760 km2, et celle des 1 500employés et missionnaires des industrielseuropéens travaillant sur la base.

Dans ce cadre, un détachementpermanent de gendarmerie mobile effectuedes patrouilles sur la base et ses PIV. Deplus, la gendarmerie place en réserve unélément d’intervention, prêt à être engagéimmédiatement, tandis qu’un officier deliaison assure l’interface avec les serviceset les entreprises du CSG. Lors despériodes dites de vulnérabilité, notammentpendant les chronologies de lancement, lagendarmerie nationale, en coordinationavec les forces armées en Guyane,renforce son dispositif et déploie près de150 militaires pour assurer le contrôle desaccès du CSG et sa protection rapprochéeainsi que la sécurisation de la ville spatiale.

La nature hautement stratégique du CSGet le rythme soutenu de l’activité de labase spatiale placent la gendarmerie aucœur de la problématique de sécurité de laconquête spatiale européenne, luiimposant un engagement assidu et capitalpour le bon déroulement des opérations.

La lutte contre l’orpaillage illégalriche en sites aurifères, la forêt équatorialeguyanaise attire une population déshéritéedes états frontaliers du Brésil (nordeste).La pérennisation de l’opération de Luttecontre l’orpaillage illégal (LCoI) Harpie àcompter du 1er mars 2010, donne lieu àune très forte mobilisation des différentsservices de l’état. Elle est concrétisée parla création fin 2011, d’un état-majoropérationnel Harpie implanté au sein de lacaserne de gendarmerie de la Madeleine.

Sous la double autorité du préfet de larégion Guyane et du procureur de larépublique, l’opération Harpie fédèrel’action de 300 gendarmes et 800 militairesdes forces armées en Guyane dontl’engagement soutenu en forêt s’inscritdans le cadre de missions de policejudiciaire et administrative visant à fairecesser les activités criminelles sur les sitesillégaux et à en interpeller les responsables.

L’office national des forêts, la direction del’environnement et du logement, la policeaux frontières, la douane et le parcamazonien de Guyane participent, chacundans son domaine de compétence, auxactions et aux échanges derenseignements. L’efficacité des opérationsdéjà menées contre les sites d’exploitationet les flux logistiques se mesure à la nettediminution du nombre de kilomètres derivières polluées et de surface déforestée.

Toutefois, si année après année,l’opération Harpie affiche un bilanincontestable, pour autant le phénomènen’est pas éradiqué. En effet, le cours de

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l’or sans cesse croissant(1) renforcel’attractivité del’orpaillage et, face àla pression des forcesde l’ordre, lesgarimpeiros ont faitpreuve d’uneadaptation très

réactive de leurs modes d’exploitation pardissimulation et dissémination deschantiers notamment. Cette attractivitécroissante s’est également manifestée parl’émergence de bandes prédatricesparticulièrement déterminées etlourdement armées qui s’approprient despuits et braquent des sites légaux ouillégaux. Le drame du 27 juin 2012 àDorlin(2), l’assassinat d’un orpailleur légal ennovembre 2011 à Citron comme lesrégulières ouvertures du feu à l’égard desforces de l’ordre viennent rappelerl’extrême dangerosité de ces bandescriminelles dont les capacités derésurgence mobilisent toute l’attention dela section de recherches de Cayenne.

Enfin, le contrôle des deux fleuvesfrontaliers, le Maroni et l’oyapock, restetoujours difficile, les accords bilatérauxavec le Brésil et le Suriname tardant à seconcrétiser. Face à cette situationd’enlisement, la judiciarisation renforcée dela LCoI apparaît comme le moyend’effectuer un réel saut qualitatif. Sous ladirection du procureur de la république,une task Force judiciaire a ainsi étéconstituée sous l’autorité d’un officierspécialisé, avec le groupe « forêt » de lasection de recherches, dédié à la LCoI,

(1) Le gramme d’or estpassé de 18 euros en 2008à plus de 40 aujourd’hui.

(2) 2 militaires des forcesarmées en Guyanemortellement atteints,3 gendarmes blessés dont 2grièvement touchés pararme automatique.

trois Groupes zonalisés de recherches etd’investigations en forêt (GrIF) et lesofficiers de police judiciaire, référents dansles brigades concernées. Des résultats ontété obtenus avec la neutralisation debandes armées, la récupération d’armesde guerre et la multiplication descondamnations de garimpeiros interpellésdans le cadre de la flagrance.

Les graves atteintes à la santé despopulations, aux ressources de la Guyaneet à la souveraineté nationale témoignentdu défi que constitue le phénomène del’orpaillage illégal. Il impose désormais,concomitamment à l’opération Harpie, lamise en place de projets dedéveloppement (installation d’opérateurslégaux sur les sites d’orpaillage les plusproductifs, procédure d’installationd’urgence suite à la reprise d’un site illégal,etc.) et l’intensification de la coopérationinternationale (ratification des accords,saisie des avoirs criminels).

La criminalité générale en guyaneEn matière de délinquance et decriminalité, la Guyane concentre lesingrédients détonants rencontrés surl’ensemble du continent sud-américain : leprix de la vie, le respect de la personnehumaine, la pauvreté, le malaise dudéracinement engendré par des migrationsforcées, les carences sociales importanteset la confrontation à une richesseostentatoire.

Il en résulte des délits d’appropriationcomme des cambriolages, des vols, desagressions pour vol effectués par des

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individus, mineurs ou jeunes majeurs, quicirculent inlassablement seuls ou par petitsgroupes à la recherche de touteopportunité, avant de se réfugier souventdans des zones d’habitat illégal. Cephénomène est particulièrement marquédans la ville de Kourou du fait del’imbrication des quartiers pauvres etriches mais aussi de la présence denombreux mineurs isolés. Cette situationest aggravée par un climat social dégradéet une immigration irrégulière qui a suprofiter des changements de la législationsur la garde à vue.

Ainsi, les atteintes volontaires à l’intégritéphysique sont à un niveau trois foissupérieur à celui de la métropole rapportéà une population d’environ 230 000habitants. Cette situation a conduit à lamise en place de zones de sécuritéprioritaires dans quatre des principalescommunes de Guyane.

Avec 69 homicides ou tentatives, l’année2012 a atteint des niveaux inégalésprincipalement du fait de la présence debandes armées en forêt. La violenceambiante se manifeste plus souvent enversles forces de l’ordre avec un doublementdes faits en 2012. L’immigration irrégulièreest aussi à l’origine d’une grande partiedes faits délictuels. Les étrangers ensituation irrégulière, dont plus de 3 300sont interpellés chaque année par lagendarmerie, outre les délitsd’appropriation, constituent le socle ducontentieux lié à l’habitat illégal, auxfraudes sociales et au périmètre du travailillégal.

Au fil des années, en matière de trafics destupéfiants, la Guyane est passée du statutde lieu de passage à celui de lieu deconsommation. La cocaïne venant duSuriname où elle est proposée à des prixtrès attractifs, se retrouve dans tous lesmilieux sociaux et les trafics sedéveloppent sur les grands fleuves et dansla forêt.

Portant encore le fardeau del’expédition de Kourou en 1763 quise termina tragiquement par la mort

de plus de 7 000 colons, marquée au ferpar l’histoire du bagne et des forçats,

souvent qualifiée de« baril de poudre » àla mèche allumée,l’image de la Guyanemérite aujourd’huid’être revisitée pourmettre en lumière lesnombreusespotentialités qu’ellerecèle. Incitant audépassement de soiet à l’ouvertured’esprit, ce territoireoffreincontestablementaux personnels de lagendarmeriel’occasion de vivreune expériencehumaine etprofessionnelleincomparable.

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LE CoMMAnDEMEnT DE LA GEnDArMErIE En GuYAnE

DiDier LAUMONTcolonel didier Laumont,officier de gendarmerie,commandant lagendarmerie de guyane.Ancien élève de l’écolespéciale militaire de Saint-Cyr, le colonel Laumont acommandé successivementl’escadron blindé degendarmerie mobile 5/1, àSatory (78) et la compagnie àLa rochelle (17). Après unpassage en état-major,notamment à la DGGn, ilprend la tête du groupementde gendarmeriedépartementale du Gard, ànîmes (30). De 2005 à 2008,il prend le commandement dela gendarmerie pour lanouvelle-Calédonie et les îlesde Wallis et Futuna, ànouméa. De 2009 à 2010, ilcommande les forces degendarmerie en Afghanistan.En août 2010, il prend lecommandement de lagendarmerie de Guyane.

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La Nouvelle-Calédonie« Terre de parole, terre de partage »

À près de 17 000 kilomètres de lamétropole, la Nouvelle-Calédoniepourrait être un territoire oublié. Il n’enest rien. Au contraire, la place de l’Étatau sein de cet archipel de l’océanPacifique est au cœur de nombreuxdébats. Garant de l’application desaccords de Nouméa de 1998 qui ontinitié un processus progressif detransfert de compétences, l’État joueégalement un rôle d’accompagnateurpour les autorités calédoniennes dansl’exercice de leurs nouvellesresponsabilités.

Conformément à l’accord de nouméa(1), laloi organique du 19 mars 1999 modifiéerelative à la nouvelle-Calédonie a prévu etorganisé le transfert d’un certain nombrede compétences et d’établissementspublics à la nouvelle-Calédonie. Cestransferts qui se déroulent selon unprocessus progressif, au fil des mandatsdu congrès de la nouvelle-Calédonie, dèslors qu’il en aura pris la décision, peuvent

As’accompagner decelui des servicesafférents. Celadonne lieu le caséchéant auversement par l’étatd’une compensationfinancière.

des transferts decompétences etde moyensL’élément le plus

novateur de l’accord de nouméa est letransfert irréversible de compétences del’état aux collectivités publiques locales.Le législateur ne peut revenir sur celui-cipar la voie d’une loi organique. Seul lepouvoir constituant pourrait, au termed’une révision constitutionnelle, mettrefin à cette irréversibilité.

Selon la loi organique, la nouvelle-Calédonie dispose d’ores et déjà d’unlarge champ de compétences lui

(1) Accord qui prévoit letransfert de certainescompétences de la Francevers la nouvelle-Calédoniedans de nombreuxdomaines à l’exception deceux de la défense, de lasécurité, de la justice et dela monnaie. négocié à lasuite des accords deMatignon de 1988, l’accordfut signé le 5 mai 1998 ànouméa sous l’égide deLionel Jospin. un scrutind’autodétermination pour lanouvelle-Calédonie seraorganisé à l’issue de cettedémarche entre 2014 et2018. Il s’agira pour leshabitants de déterminer lefutur statut institutionnel del’île.

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par THierrY sUqUeT

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permettant d’intervenir dans de nombreuxdomaines touchant à la vie desCalédoniens, notamment en matièred’impôts, de droits et taxes, d’inspectionet de droit du travail, de commerceextérieur, de postes ettélécommunications, de desserteaérienne, de réglementation des prix etd’organisation des marchés ou encore del’enseignement primaire public. unegrande partie des compétences dévoluesà la nouvelle-Calédonie par la loiorganique de 1999 figurait déjà dans la loiréférendaire de 1988. D’autres lui ont ététransférées, non à l’entrée en vigueur dela loi organique, mais au 1er janvier 2000afin de mieux préparer la transition et deraisonner en années pleines au planbudgétaire.

Ce transfert de compétences s’estaccompagné de celui des services

administratifs et des moyens afférents.ont été concernés la direction du travail,l’inspection du travail, le commerceextérieur, le service des mines et del’énergie (pour la partie réglementationrelative aux hydrocarbures, au nickel, auchrome et au cobalt, tel que définie àl’article 22 de la loi n° 99-209 du 19 mars1999), les parties de services du vice-rectorat, chargées de l’enseignementpublic du premier degré. Parmi les32 domaines énumérés dans l’article 22de la loi organique, certains sontdirectement liés aux spécificités duterritoire : le statut civil coutumier, lesterres coutumières et palabres coutumiersou encore les limites des airescoutumières.

ont également été transférés desétablissements publics d’état, commel’office des postes et télécommunications

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Le comité stratégique insdutriel se penche sur l’avenir du secteur minier et métallurgique avecnotamment l’exploitation du nickel, principale ressource de l’archipel.

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et l’institut de formation des personnelsadministratifs. Après une longue périodede pause, et conformément auxconclusions du 5e Comité des signatairesde l’accord de nouméa de février 2006,les travaux préparatoires aux nouveauxtransferts de compétences ont étéengagés par le haut-commissaire dèsseptembre 2006. Le dispositif mis enplace localement a bénéficié dès 2008, àl’échelon national, du soutien techniqued’une mission d’appui constituée dehauts fonctionnaires appartenant auxdifférents ministères concernés par lestransferts.

Sur la base de ces travaux, le congrès éluen 2009 s’est prononcé sur certainstransferts et sur un échéancier. Parailleurs, afin de contribuer à la mise enœuvre des compétences transférées à lanouvelle-Calédonie, l’état s’est engagé àaccompagner la collectivité afin de luidonner les moyens de les exercer.

accompagnement de l’état etcréation de services uniquesAinsi, depuis les 1er janvier et 1er juillet2011, la nouvelle-Calédonie estcompétente en matière de police et desécurité de la circulation maritimes’effectuant entre tous points du territoireet de sauvegarde de la vie humaine enmer dans les eaux territoriales. Elle estégalement compétente dans le domainede l’enseignement du second degré,public et privé, de l’enseignementprimaire privé et de la santé scolaire

depuis le 1er janvier 2012. Enfin, lacollectivité a compétence en matière depolice et de sécurité de la circulationaérienne intérieure et des exploitantsétablis en nouvelle-Calédonie dontl’activité principale n’est pas le transportaérien international, depuis le 1er janvier2013.

La mise en œuvre de ces transfertss’accompagne classiquement detransferts de services. Ainsi, pourl’exercice de la signalisation maritime, lanouvelle-Calédonie gère dorénavant leservice des phares et balises. L’état metégalement à disposition de la nouvelle-Calédonie certaines administrations,comme le service hydrographique etocéanographique de la Marine pourl’hydrographie, le MrCC (Maritimerescue Coordination Center) pour lasauvegarde de la vie humaine en mer, leservice des Affaires maritimes pour ledomaine de la police et de laréglementation de la navigation, ouencore la direction du service d’état del’agriculture, de la forêt et del’environnement pour la gestion del’enseignement agricole.

Mais surtout, le transfert de compétencess’accompagne de la création de servicesuniques sur le fondement de l’article 56-1de la loi organique. Ces derniers exercent,sous la double autorité de l’état et de lanouvelle-Calédonie, les compétencesrespectives de chacun. C’est désormaisle cas de la direction de l’aviation civile en

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publiques et de leurs établissementspublics ; l’enseignement supérieur et lacommunication audiovisuelle.

L’étendue de ces transferts rappelle qu’ilne s’agit pas seulement d’unedécentralisation classique dans laquelleon confie, en vertu du principe desubsidiarité, à une collectivité locale deproximité la gestion d’un équipement oud’une politique publique, pour permettreune meilleure qualité de service et unemeilleure utilisation de l’argent public,mais bien d’une réponse à la spécificitéde la nouvelle-Calédonie. Ce processusde transfert permet de définir uneorganisation politique et administrative quilui garantisse les voies de sonémancipation et d’un rééquilibrageéconomique et social. À l’issue, l’étatexercera en nouvelle-Calédonieuniquement des compétences

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Parmi les domaines de transfert de compétences, certains sont liés aux spécificités du territoirenotamment les terres coutumières.

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nouvelle-Calédonie et du vice-rectorat denouvelle-Calédonie - direction généralede l’enseignement.

Enfin, le congrès de la nouvelle-Calédonies’est prononcé le 20 janvier 2012 pour letransfert des compétences de l’état enmatière de droit civil, de règlesconcernant l’état civil et de droitcommercial au 1er juillet 2013 – au plus tôt– et de la sécurité civile au 1er janvier2014.

Début 2013, restent en suspens les seulstransferts prévus par l’article 27 de la loiorganique, c’est-à-dire les règles relativesà l’administration des provinces, descommunes et de leurs établissementspublics ; le contrôle de légalité desprovinces, des communes et de leursétablissements publics ; le régimecomptable et financier des collectivités

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régaliennes : la nationalité, la garantie deslibertés publiques, la justice, la défense, lasécurité publique, la monnaie et lacontinuité territoriale. L’exercice de cesattributions n’est d’ailleurs pas exclusifd’une concertation avec la nouvelle-Calédonie, qui partage avec l’étatcertaines d’entre elles, comme le séjourdes étrangers (au titre du travail) ou lesrelations extérieures dans la régionpacifique.

rôle du Haut-commissariat etaccompagnement de l’étatLa place de l’état en nouvelle-Calédonieest donc particulière. Loin de mettre enœuvre des politiques publiques qui sontde la compétence de la nouvelle-Calédonie, il agit d’abord commesignataire et acteur de l’accord denouméa, dont il garantit l’application.

C’est dans ce cadre que le Haut-commissaire préside trois comités depilotage. Le premier, le comité stratégiqueindustriel se penche sur l’avenir dusecteur minier et métallurgique (avecnotamment l’exploitation du nickel), laprincipale ressource de l’archipel. Au-delàdu recensement de la ressource et destechnologies, le comité étudie larépartition de la valeur ajoutée et donc lesmoyens d’accroître l’autonomie financièrede la nouvelle-Calédonie.

un second comité de pilotage évaluel’application de l’accord de nouméa. Ilcherche à comprendre comment la mise

en œuvre des mesures prévues parl’accord participe à l’émancipation de lanouvelle-Calédonie, au rééquilibrageéconomique et social, qui touche à la foisà la place du peuple kanak, à laconstitution d’une élite calédonienne et audéveloppement durable du territoire.

Enfin, un troisième comité réfléchit sur lesperspectives institutionnelles pour lanouvelle-Calédonie, pour la période post-accord de nouméa : il travaille ainsi surl’exercice de la souveraineté dans lesrelations internationales, la nationalité et lacitoyenneté, les compétencesrégaliennes, et le cadre juridique.

C’est ce rôle d’accompagnateur dans laconstruction de la nouvelle-Calédonie quicaractérise donc aujourd’hui l’état ennouvelle-Calédonie. Il ressort deséchanges du dernier comité dessignataires une attente, partagée par tousles partenaires calédoniens, d’unaccompagnement renforcé des transfertspar l’état, notamment une fois qu’ils sontréalisés. Cette attente est d’autant plusforte que les transferts à intervenirrecouvrent des matières à la foisfondamentales et à forte technicité, quitouchent à l’organisation même desinstitutions et impacteront la viequotidienne des Calédoniens.

Le Premier ministre a annoncé la volontéde l’état d’assurer un véritableaccompagnement des autoritéscalédoniennes dans l’exercice de leurs

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nouvelle-Calédonie indépendante lamonnaie et la défense, ou laisser cetexercice des compétences régaliennes àl’état dans le cadre de la républiquefrançaise, sachant que toutes les autrescompétences sont déjà géréeslocalement ?

nouvelles responsabilités. À cet effet, il adécidé la création d’une structureinterministérielle d’appui pérenne,chargée de l’accompagnement destransferts de compétences, en cours ouréalisés. Pilotée par un chef de servicedirectement placé auprès du déléguégénéral à l’outre-mer, cette structure seracomposée d’un référent désigné parchaque ministère et se réunira au moinsune fois par trimestre. Elle auranotamment pour mission, en liaison avecles autorités calédoniennes de définir lesmodalités de mise à jour des branches dudroit déjà transférées, de traiter en tempsréel les modalités et les problèmes poséspar les transferts en cours, de préparerles transferts susceptibles d’être opérés,notamment ceux de l’article 27, de sorteque le Congrès dispose de tous leséléments d’appréciation lorsqu’il seraamené à se prononcer conformément à laloi organique, en vue de leur présentationau prochain comité des signataires.

Actuellement, en nouvelle-Calédonie, le recentrage strict del’état sur les compétences

régaliennes, le transfert accompagné detoutes les compétences qui ne ressortentpas de ce noyau dur, l’irréversibilité duprocessus, sont autant d’éléments quimettent en place les conditions pour quele référendum d’autodétermination prévupar l’accord de nouméa porte de fait surune question : faut-il confier à une

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THierrY sUqUeTsecrétaire général duHaut-commissaire de larépublique en nouvelle-calédonie.Ancien élève de l’écolenationale d’administration,Thierry Suquet est nommé en1998 sous-préfet, directeurdu cabinet du préfet du Haut-rhin. En 2000, il devientsecrétaire général de lapréfecture de l’Aveyron avantde prendre la tête, en 2002,du bureau de la fiscalitélocale à la direction généraledes collectivités locales. Ilsera rapporteur de lacommission Fouquet sur leremplacement de la taxeprofessionnelle. Après unemission en roumanie, dansle cadre de la préparation del’adhésion à l’unioneuropéenne, portant sur lefinancement de ladécentralisation, il est nomméen 2004 sous-préfet deLannion puis devient en2007, secrétaire général dela préfecture de l’Eure.Administrateur civil horsclasse, il est nommésecrétaire général du Haut-commissariat de larépublique en nouvelle-Calédonie en 2009.

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Guadeloupe, une violence qui interpelle

Karukéra, l’île aux belles eaux. Ce nomancestral et idyllique désigne laGuadeloupe. Région mono-départementale de la Caraïbe, fruitd’une histoire parmi les histoires deFrance, l’île est touchée par desphénomènes récurrents de violence.Cette violence interpelle l’État et tousles citoyens de Guadeloupe et demétropole ; elle interpelle aussi lesgendarmes car elle se répercutedirectement sur leur cœur de métier, laprotection des personnes et des biens,et rend leurs interventions toujours pluspérilleuses.

La Guadeloupe est marquée par uneviolence endémique, ancestrale, quiconnaît aujourd’hui une forteaugmentation tant dans ses réalités quedans ses représentations et qui est aucœur des préoccupations de tous lesGuadeloupéens, y compris ceux vivant enmétropole. Partout, à la maison, au travail,dans sa voiture ou dans les activités de

Kloisirs, un sentiment d’insécurités’impose de façon croissante et menaceles relations sociales. Ce sentimententraîne des comportements singuliers etcrée des besoins de protection.

Des dispositifs de sécurisation, licites ounon, se développent tant dans la sphère

privée(1) quepublique, àl’occasion par

exemple d’événements festifs amicauxqui faisaient la fierté et le bonheur desGuadeloupéens. Ces manifestations nepeuvent plus se tenir sans la présencerassurante mais coûteuse d’un servicede sécurité privée… Car la violence estbien réelle en Guadeloupe. Lesagressions gratuites ou sur fond dedifférends entre bandes, les vols à mainarmée, les violences conjugales, les violset les meurtres s’accumulent et mêmes’accélèrent. Si certains s’en alarment,d’autres semblent s’en délecter. unepartie de la population, au lieu de les

(1) Pour la protection dulogement, de sa voiture, deson lieu de travail et desfruits du travail.

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par GiLLes COFFre

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condamner, valorise ces déviances en lesmettant à l’honneur sur les réseauxsociaux ou dans les médias. Mais quelleest l’origine de cette violence ? Comments’explique-t-elle ? Comment continue-t-elle à s’ancrer dans les mentalitésnotamment chez les jeunes et n’y a-t-ilpas moyen de l’enrayer ?

Le fardeau du passéLa violence n’est pas nouvelle enGuadeloupe. Bien avant ladépartementalisation de 1946, elle atoujours été utilisée pour imposer unevision de la société guadeloupéenne.L’arrivée des colons espagnols en 1493 etla cohabitation avec les Amérindiens ontété marquées par les premiersaffrontements permettant d’asseoir lefonctionnement bienveillant d’une colonie

espagnole d’évangélisation. En 1635, lavictoire française sur les populationsexistantes s’est faite dans la violence.Puis, lorsqu’il fut décidé d’employer unenouvelle main-d’œuvre pour les travauxagricoles, le “problème des Amérindiens”est résolu toujours par la violence, en lesenvoyant sur l’île sœur de la Dominique.

La colonie a ensuite connu pendant plusde deux siècles un fonctionnementesclavagiste, symbolisé par le Code noirde 1685 et 1724, qui légalisait la violencequotidienne des maîtres blancs enversune population servile, rabaissée au rangde biens mobiliers. Aujourd’hui encore, lesouvenir collectif des heures sombres del’esclavage est entretenu par le rappel dela violence corporelle et de latransformation des individus en

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« La crise de 2009 est née du pénible constat de la misère sociale […] »

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marchandises maltraitées à merci. LeCarnaval, période de défoulement, detransgression maîtrisée et d’inversiontemporaire des rapports de force, voitainsi ses défilés précédés par les« fouettards » : ces jeunes gens qui fontclaquer bruyamment des fouetsartisanaux, s’appropriant ainsisymboliquement ce qui fut l’arme dumaître de jadis. Malgré l’abolition del’esclavage par la Convention en 1794

puis par larépublique de1848(2), ces deux

siècles de fonctionnement autoritaire ontlaissé des traces dans la mémoirecollective et dans les rapports sociaux.

La violence comme moyen decommunicationLa contestation violente et directe sembleêtre un moyen de communicationnormalisé avec l’autorité publique. Lesémeutes de 1967, le terrorisme desannées 80, ne constituent que la partievisible d’une violence intégrée commemoyen d’obtenir satisfaction à desrevendications quelle qu’en soit lalégitimité initiale. Plus près de nous, les44 jours de grève insurrectionnelle de2009 portés par le Lyannaj kontpwofitasyon (collectif d’organisationssyndicales, associatives, politiques etculturelles de Guadeloupe) ont été lethéâtre d’une déstructuration de lasociété pourtant initiée sur des basesintelligibles et organisées. La durée du

(2) Avec la parenthèsesanglante de l’épopée deLouis Delgrès en 1802.

phénomène, le niveau d’insécurité atteint,la médiatisation permanente de tous lesactes, les rôles joués par chacun desacteurs depuis le “coupeur de route”jusqu’aux plus hautes autorités de l’étatont durablement impacté toute formed’autorité dans le département. L’ultra-violence souvent gratuite maismédiatisée, les difficultés d’interventiondes responsables pour canaliser lesviolences et ramener l’ordre ont laissé desempreintes directement visibles à tous lesniveaux de la société et dans tous lesétablissements scolaires de l’archipel.

répartition des richesses etfrustrationsLa crise de 2009 est née du pénibleconstat de la misère sociale inacceptablesubie par une partie de la population faceà une autre qui semblait continuer àprofiter malgré la fin de l’esclavage160 ans plus tôt. Faute d’un recul acquispar l’expérience, les jeunes ont participépleinement à cet élan d’espoir et decontestation qui correspondait à leur étatnaturel de refus de l’autorité, derecherche d’une place dans la société etde satisfaction à tout prix du désirimmédiat.

La différence entre ceux qui ont et ceuxqui veulent avoir, semble pouvoir encoresoulever les foules. Les frustrations sesont amplifiées car les défaillances despolitiques comme celles du patronatperdurent et ne permettent pas deramener l’espoir à ces jeunes souvent

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dans des situations difficiles. La jeunesseguadeloupéenne est fortement touchée

par le chômage(3)

avec desperspectivesd’emploi très

limitées. De plus, le décrochage oul’échec scolaire patent et les situationsd’illettrisme provoquent un profondmalaise. Corrélativement, le niveau desviolences scolaires (de l’incivilité àl’agression physique) ne cesse deprogresser. La création d’équipes mobilesde sécurité dans les établissementsscolaires pour prévenir et régler les crises,la mise en place d’assistants chargés deprévention et de sécurité sont lespremières réponses à cette violence quel’on peine à juguler.

Car la déshérence, l’oisiveté et l’absenced’espoir ou de projet professionnelgénèrent mal-être et déviances. Latentation des paradis artificiels est alorsgrande et pernicieuse : les toxicomanies,fléau majeur en Guadeloupe, entraînentdes besoins financiers croissants par ladépendance physique et psychologique,puis une désocialisation et une altérationde la personnalité à tous les niveaux dedépendance physique.

une jeunesse en perte de repèresLes addictions de jeunes sont souventtolérées par des adultes, eux-mêmes endifficulté personnelle. Elles provoquentdes passages à l’acte violents instinctifs,

(3) 53,1 % pour les moins de25 ans et 23 % pourl’ensemble de la populationactive – données InSEE fin2012.

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irrationnels qui enferment le toxicomanedans une spirale de récidive tournée enpremier lieu contre ses proches. Sontvisés d’abord les membres de la cellulefamiliale, celle-ci se limitant de plus enplus souvent à la mère. Véritable

potomitan(4), cettedernière est l’axe derégulation de lafamille et le soutiende tous sesmembres. Lesfamillesmonoparentales sont

nombreuses(5). Les difficultés financières,d’éducation et de suivi scolaire sontaccrues, malgré toute l’efficacité et labonne volonté dont font preuve les mèresguadeloupéennes. Leur rôle a toujours étéimportant aux Antilles : l’avis qui compteest souvent celui de la mère avant mêmecelui de la compagne. Mais avec lestensions de l’adolescence, le relativismeet le consumérisme ambiants, l’image del’autorité maternelle, d’un cadre familialapaisé et sain est parfois remplacée par lemirage de l’argent facile, de l’évasionartificielle ou du paraître. La violencesurgit parfois même au cœur d’une cellulefamiliale stable : de plus en plus de cas deviolences intrafamiliales sont révélés auxautorités et les homicides conjugaux de laGuadeloupe ont représenté en 2012 prèsdu 1/20e du bilan national. Des élus, deschanteurs, auteurs et médias s’engagentcontre ce phénomène mais les messages

(4) Expression antillaise quidésigne à l’origine le poteaucentral dans le temple et parextension la femme, plusprécisément la mère defamille qui supporte tel unpilier les fondements de sonunivers.

(5) 28 % en Guadeloupecontre 12 % en métropole –InSEE 2002.

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diffus sont écrasés par l’omniprésence dela violence médiatique.

Quelle place pour la jeunesseguadeloupéenne ?Chez les jeunes, l’identification à deshéros, nécessaire à la construction de lapersonnalité, s’appuie sur des valeursantirépublicaines et transgressives : leBad Boy, le Boss, le Caïd d’un gangstarap afro-américain mâtiné de dance hallsont autant de symboles valorisants auxyeux d’une partie de la jeunesseguadeloupéenne.

Loin de les stigmatiser, elle les vénèreaveuglément sans en détecter l’aspectpurement commercial. Le prestige socialne s’appuie plus alors sur le succèsfamilial, professionnel ou personnel, maisuniquement sur une réussite rapide baséesur des valeurs matérielles sans apportpositif à la vie publique. Le phénomène debandes, récent en Guadeloupe, estsymptomatique de cette évolution etrepose sur la légitimation des actesviolents pour peu qu’ils répondent auxcritères, dogmes ou rituels instaurés parun groupe vivant de larcins et de trafics,notamment de stupéfiants.

Pourtant, les élites intellectuelles etartistiques antillaises proposent depuislongtemps des alternatives à cetteaméricanisation délétère de la sociétéguadeloupéenne. En 1983, laMartiniquaise Euzhan Palcy a fortementmarqué le milieu culturel antillais par son

œuvre rue Cases Nègres. Dans ce film,elle prône les valeurs de réussite par lecourage, le travail et l’abnégation de touspour le bien commun : nos enfants.

En 2005, Jean-Claude Flamand Barny amarqué les esprits avec son œuvre NègMaron présentant une jeunesse endéshérence face à des choix de libertédans une société guadeloupéenne encrise. Ces deux films expriment unecertaine amertume face auquestionnement le plus angoissant pourun individu en construction dans unesociété déstructurée : quelle est maplace ? Mais ils sont forts, émouvants etpleins d’espoir. La jeunesse deGuadeloupe ne saurait être résumée àquelques bandes violentes et antisociales.

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affronter les défis sociétaux etéconomiques dans la cohésion, avec unesereine détermination et une consciencecollective apaisée.

La violence est souvent le seul choixque peut faire un enfant face à unecontrariété, une frustration.

Lorsqu’elle devient le choix réfléchi d’unadolescent qui veut s’exprimer, elle estautrement plus dangereuse car elle peutpréparer la violence infligée de façondélibérée et banalisée par l’adulte. Sil’adolescence semble être un âgeexpliquant le recours à cette violenceparfois exacerbée dont souffre laGuadeloupe, il s’agit aussi de replacerces phénomènes au niveau de ce jeuneterritoire. 1946 n’est pas si loin. Avec ladépartementalisation, cette année futpour la Guadeloupe la fin de ladouloureuse enfance coloniale et le débutd’une adolescence où tout lui a étéprésenté comme un dû, où les « non » dela tutelle n’ont pas toujours eu la clarté nila fermeté qu’exigeaient les situations.« Acheter la paix sociale », selonl’expression médiatique trop souventemployée pour parler de discussions, denégociations, de travail collaboratif, apeut-être été une voie choisie, mais ilreste aujourd’hui à amener la sociétéguadeloupéenne à son stade adulte, fût-ce au risque de la confronter à desréalités objectives que des citoyenspeuvent répugner à entendre. C’est sansdoute à ce prix que la sociétéguadeloupéenne et tous lesGuadeloupéens pourront secouer lachape de violence originelle qui lesétouffe, pour avancer en adultes et

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GiLLes COFFrechef d’escadron gillescoffre, officier de laréserve opérationnelle dela gendarmerie, conseillerréserves ducommandement de lagendarmerie deguadeloupe.Enseignant de formation,Gilles Coffre a été déléguéacadémique à l’éducationartistique et à l’actionculturelle de 2008 à 2010avant d’intégrer le cabinet durecteur de l’académie de laGuadeloupe de 2010 à 2012.Actuellement directeurtechnique des groupementsd’établissements pour laformation continue deGuadeloupe, il participe à larénovation de la formationcontinue des adultes etanime, pour l’éducationnationale, le trinômeacadémique.

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GuADELouPE, unE VIoLEnCE QuI InTErPELLE

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Les violences intrafamiliales à La Réunion

Selon une enquête de l’Insee, un tiersdes Réunionnais ont été victimes deviolences en 2009 ou 2010. Lesatteintes les plus sensibles, c’est-à-direà caractère sexuel ou perpétrées par unmembre du ménage, touchent undixième de la population,majoritairement des femmes. Plusfréquentes à La Réunion, ces violencesinfrafamiliales sont aussi les moinsexprimées. Face à ce phénomèneinquiétant, les pouvoirs publics semobilisent.

La violence au seindu couple(1) est unprocessus inscritdans le temps au

cours duquel un partenaire adopte àl’encontre de l’autre un comportementagressif, violent et destructeur. Ce type defait ne peut être considéré comme uneviolence ordinaire car il se produit entredeux personnes unies par des liensaffectifs forts. De plus, cette violence a des

(1) La relation de couple estprise au sens large, c’est-à-dire le mariage, avec ousans communauté de vie, leconcubinage, le pacte civilde solidarité.

Srépercussions sur l’ensemble de lacellule familiale, et en particulier sur lesenfants. Les violences par conjoint ouconcubin se développent le plus souventde manière cyclique et progressive, selondes crises de plus en plus intenses et deplus en plus fréquentes, entrecoupéesde périodes de rémission de plus en pluscourtes. Qu’elles soient physiques ouverbales, psychologiques, sexuelles,économiques et matérielles, ou encoredécoulant de la confiscation de

documents(2), cesviolences neconstituent pas lesimple symptômed’un couple oud’une union endifficulté, mais sontla démonstration

d’un comportement moralementinacceptable et pénalementrépréhensible.

(2) Coups avec ou sansutilisation d’objet,strangulations,séquestrations, injures,menaces, humiliations,dégradations volontaires,spoliations, contrôle desbiens essentiels, interdictionde travailler, confiscation dela carte nationale d’identité,du passeport, du livret defamille, du carnet de santé,etc.

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par sOPHie eLiZÉON et ALAiN MArqUeT

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particularités propres au départementde La réunionÀ La réunion comme en Francemétropolitaine, 11 % des personnes ontsubi des Violences intrafamiliales (VIF)

avant 2009(3). Enrevanche, sur l’île,les victimes se sontmoins souventséparées de l’auteurdes violences, ce qui

n’est pas sans conséquence surl’évolution de ce phénomène. Dans cedépartement, les VIF, particulièrementenvers les femmes, sont encore trèsfréquentes. Selon l’enquête nationale surles violences envers les femmes enFrance menée en 2000 – la seule réalisée

(3) Source : enquête cadrede vie et sécurité menée parl’InSEE rendue publique enjuin 2012. La réunion est leseul département françaisd’outre-mer où cetteenquête a été déclinée etexploitée et ce pour lepremière fois en 2012.

sur le vécu des victimes –, le taux deviolences conjugales envers les femmes aété évalué à 15 %, contre 10 % sur le

territoire hexagonal(4).En 2011, sixréunionnaises sont

décédées sous les coups de leur conjoint,ce qui classait honteusement La réunionau 3e rang national, après les Bouches-du-rhône et le nord. Depuis 2007, lesdépôts de plainte ont augmenté de 35 %pour atteindre quatre plaintes par jour en2010 (soit 1469 plaintes).

Afin de lutter contre ces violences, unegouvernance spécifique et des actionspropres à l’île ont été mises en place.Elles sont définies comme prioritaires

(4) La réunion a été le seuldépartement où cetteenquête a été réaliséerapidement.

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Les violences au sein du couple se développent le plus souvent de manière cyclique et progressive. Ce phénomène à la Réunion reste un tabou.

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dans le projet d’action stratégique del’état 2011-2013 à La réunion ets’inscrivent dans le plan gouvernementalde lutte contre les violences faites auxfemmes. Ce plan est décliné et piloté à Laréunion par la formation spécialisée delutte contre les violences faites auxfemmes du conseil départemental deprévention de la délinquance, d’aide auxvictimes et de lutte contre la drogue, lesdérives sectaires et les violences faitesaux femmes. Cette formation spécialisées’appuie sur le groupe de travailopérationnel piloté par la délégationrégionale aux droits des femmes et àl’égalité entre les femmes et les hommes.

Le risque de violences à l’intérieur d’unménage est accru d’abord parce questatistiquement les réunionnais viventplus en couple qu’en Francemétropolitaine. En outre, dans une sociétéréunionnaise en mutation, les rapportshommes-femmes, bien qu’encoremarqués par une éducation stéréotypéedes filles et des garçons, évoluent. Lesfemmes deviennent de plus en plusautonomes et ont plus de facilités à direce qu’elles pensent ou à s’opposer àl’agresseur. néanmoins, les rapportsrestent générateurs de violence.L’insularité accentue aussi la peur desreprésailles et entrave par là même lalibération de la parole, la victime n’étantjamais très éloignée de la personneviolente.

Six victimes de violences dites sensiblessur dix sont des femmes, et sept sur dixpour des VIF. Les citadins qui vivent enappartement sont plus souvent exposés àces violences. De même, les membres defamille monoparentale sont davantagevictimes que les couples. Ce sont surtoutdes femmes qui vivent seules avec leursenfants, dans une situation de plusgrande vulnérabilité, en particulier vis-à-vis d’un ancien conjoint. L’auteur de cesviolences est un membre du ménagedans un cas sur trois et le conjoint estl’auteur le plus fréquemment déclaré. Lesproblèmes d’alcoolémie, répandus à Laréunion, sont également un facteuraggravant des comportements violents.

L’adaptation du dispositif de lagendarmerie à La réunionDevant la problématique des VIF et plusparticulièrement celles faites aux femmes,la gendarmerie de La réunion s’estadaptée pour répondre à cettedélinquance, tant dans le domaine de laprévention et de l’assistance aux victimes,que dans celui de la répression.

Chaque communauté de brigades oubrigade territoriale autonome disposed’un référent en matière de VIF, plusparticulièrement formé à recevoir lesvictimes de ce type de violences. Sonexpérience et sa motivation lui permettentune analyse fine de la situation et desréponses immédiates à apporter. Ildiligente les enquêtes suivant un dépôt deplainte ou un signalement à l’autorité

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judiciaire. Aidé par le référent VIF de sacompagnie, il peut s’appuyer égalementsur d’autres dispositifs d’aide,d’assistance et d’écoute des victimes.

Ainsi, la Brigade de prévention de ladélinquance juvénile (BPDJ) dont lamission initiale est d’intervenir au profitdes mineurs victimes, exceptionnellementauprès des mineurs délinquants, a vu sonchamp de compétence s’étendre auxadultes victimes de violences au sein dela sphère familiale et plus spécifiquementles femmes. Les actions de préventioninitiées par la BPDJ sont multiples ettouchent principalement le mineur dansson environnement scolaire maiségalement les associations d’aide auxfemmes, victimes de violences. Partenaireincontournable et reconnu par son actiondans ce domaine, la BPDJ de Saint-Denisinitie des actions de prévention de qualité,saluées tous les ans par les diverspartenaires. Cette expertise lui permetd’obtenir des allocations financièresconséquentes du fond interministériel deprévention de la délinquance ou de lamission interministérielle de lutte contre ladrogue et la toxicomanie. À ce titre, unebande dessinée à destination des élèvesdes collèges Dann Fénoir et un court-métrage à destination des élèves deslycées « j’ai voulu dire ces mots » ont étéréalisés pour servir de support auxinterventions de la BPDJ.

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En septembre 2010, la Brigade deprotection des familles (BPF) a été crééesous l’autorité du colonel, commandant lagendarmerie de La réunion. Cette unitéfonctionnelle est un réseau dirigé parl’officier adjoint en charge de la policejudiciaire du commandement de lagendarmerie, constitué à partir de labrigade de prévention de la délinquancejuvénile, des référents VIF, des unités deproximité et de l’Intervenant social engendarmerie (ISG). Elle intervient en appuide l’action des unités territoriales, selonquatre principes : le conseil et la formationdes enquêteurs ; le renfort des unités lorsde la commission de faits graves ; ledéveloppement et le renforcement dupartenariat, notamment avec les acteurssociaux et enfin, l’accompagnement desvictimes et de leurs proches par uneécoute attentive et par leur présence lorsde la procédure. En fonction de la naturedes affaires traitées, la BPF bénéficie bienentendu du concours des unités derecherches et peut, en outre, orienter lespersonnes vers les associations devictimes comme l’associationréunionnaise pour l’aide juridique auxfamilles et aux victimes.

Les intervenants sociaux gendarmerieDepuis le début de l’année 2011, uneassistante sociale est mise à dispositionpar le conseil général de La réunionauprès de la communauté de brigades duTampon, grâce à des crédits du fondsinterministériel de prévention de la

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délinquance. une seconde est affectée aucommissariat de police de Saint-Denis.Saisie par des personnes ayant la qualitéde victimes, de mis en cause ou detémoins dans le cadre d’enquêtesjudiciaires, administratives, ou à lademande de militaires de la gendarmeriedu sud de La réunion, l’assistancesociale fait le lien avec les autres servicessociaux spécialisés pour délivrer desinformations et faciliter la constitution desdossiers.

Les motifs de saisine sont variés mais lesdomaines des violences aux personnes,intrafamiliales sur mineurs ou adultes, etles litiges au sein des couplesprédominent. Après deux ans d’exerciceet une acculturation réussie, l’intervenantesociale est aujourd’hui pleinementintégrée au sein de l’unité degendarmerie. Elle est systématiquementsollicitée par les victimes de violencesphysiques ou morales dès lors qu’uneprocédure judiciaire (procès-verbal ourenseignement judiciaire) est initiée à labrigade de proximité mais égalementlorsque les enquêteurs repèrent dessignes de détresse sociale au sein d’unefamille.

L’action sociale qu’elle initie, permet nonseulement aux militaires de se concentrerexclusivement sur l’enquête judiciaire,mais permet surtout d’apporter uncomplément utile et efficace à l’actionengagée par les gendarmes. Le domainedélicat et complexe des fugues

récurrentes de certains mineurs en est unexemple probant : l’implication del’intervenante sociale lui permet de“pénétrer” les milieux familiaux concernéset détecter ainsi les situationspréoccupantes, parfois violentes, pouvantnécessiter une intervention sociale dansl’intérêt du mineur et de sa famille.

En matière de violences conjugales, lesmesures d’accompagnement proposéescomplètent utilement le travail desenquêteurs. Les relations nouées entre lesvictimes, les enquêteurs et les servicessociaux grâce à l’ISG permettent alors deconstituer un réseau social efficace,rapide et fluide.

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Le dispositif de la gendarmerie de Laréunion contre les violencesintrafamiliales évolue donc

constamment et démontre toute sapertinence : un nouveau posted’intervenant social a été créé, grâce àdes crédits du ministère des Droits desfemmes, auprès de la compagnie degendarmerie départementale de Saint-Paul, pour couvrir l’ouest de l’île et unautre auprès du commissariat de policede Saint-André, profitant à la compagniede Saint-Benoît à l’est de l’île. La luttecontre les violences intrafamiliales resteune priorité pour la gendarmerie et sespartenaires.

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ALAiN MArqUeTcapitaine alain marquet,officier de gendarmerie,officier adjoint policejudiciaire ducommandement de lagendarmerie de Laréunion.Le capitaine Marquet adébuté sa carrière en qualitéde sous-officier degendarmerie. Il a ainsi étégendarme enquêteur à labrigade territoriale de noisy-Le-Sec (93), puis gradéenquêteur à la section derecherches de Limoges (87).Il est nommé commandantde la brigade territoriale deSari-Solenzara (2A) avant deprendre la tête de la brigadedes recherches deGhisonaccia (2B). Il aégalement occupé le postede commandant en secondde la compagnie degendarmerie départementalede Gaillac (81).

sOPHie eLiZÉONdéléguée interministériellepour l’égalité des chancesdes français des outre-mer. Ancien élève de l’écolesupérieure de commerce dePau, elle rejoint les équipesde l’Agence nationale pourl’emploi et s’engage pour lespublics bénéficiaires durevenu minimum d’insertion.Elle met en œuvre le Contratde Ville de Saint-Denis de Laréunion sur une partie duterritoire éligible. Sa carrièreest jalonnée d’étudesuniversitairescomplémentaires,sanctionnées par un Masteren sociologie appliquée audéveloppement local et undiplôme d’études supérieuresde langues et civilisationscréoles réunionnaises.Successivement chef deprojet du plan local pourl’insertion et l’emploi à la villede Gap, puis responsable dela mise en œuvre de ladémarche collectiveterritorialisée pour ledéveloppement du Limousin,elle rejoint l’Île de La réunionen 2007, où elle assumejusqu’en octobre 2012 lafonction de déléguéerégionale aux droits desfemmes et à l’égalité entre lesfemmes et les hommes.

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Formation internationaleà la lutte anti-drogue

Installé en Martinique depuis 1992, leCentre interministériel de formation anti-drogue (Cifad) est un atout majeurdans la lutte contre les trafics destupéfiants et concourt au rayonnementde la France en Amérique latine et dansla Caraïbe.

Les outre-mer ouvrent la France sur lemonde, ses atouts, ses opportunités maisaussi ses risques et ses menaces. Dansson analyse préparatoire à l’actualisation duLivre Blanc sur la défense et la sécuriténationale, le Secrétariat général de ladéfense et de la sécurité nationale souligneen particulier « le développement inquiétantde la criminalité organisée transfrontalière »dont l’élément essentiel est le trafic dedrogue « devenu une menace à la sécuritéinternationale et à la stabilité d’étatsd’Amérique latine et d’Afrique de l’ouest ».

Pour parer cette menace, l’état a mis enplace des moyens adaptés, dont le Cifadfait partie. Créé à Fort-de-France en

IIMartinique le 30 septembre 1992, il a pourobjectif de combattre le trafic de droguedans les Antilles-Guyane et dans laCaraïbe, avec le souci de former leshommes et de les conduire à unecoopération internationale active.

rattaché au Premier ministre, opérateur dela mission interministérielle de lutte contrela drogue et la toxicomanie, le Cifad est ungroupement d’intérêt public. À l’origine,outil de formation, le Cifad est devenuprogressivement un véritable partenaire dela coopération opérationnelle,interministérielle et internationale, dans laCaraïbe et en Amérique latine.

une situation géographique privilégiéeSon implantation dans l’arc antillais permetau Cifad d’être à la fois sur le territoirenational et au plus près des zones deproduction de cocaïne qui se situentprincipalement en Colombie, au Pérou eten Bolivie. Des liens étroits sont doncentretenus avec les acteurs français et

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par THOMAs DePreCq

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étrangers impliqués dans la lutte contre lenarco-trafic dans ces trois pays, ainsi quedans toute l’Amérique Latine et la Caraïbe.Le Cifad peut ainsi s’appuyer sur le réseaudiplomatique des attachés de sécuritéintérieure, des attachés douaniers et desmagistrats de liaison. Les missionsfréquentes dans la région renforcentégalement les relations avec les acteurs.Le Cifad détient donc une connaissancefine et sans cesse actualisée de laconsommation et des trafics de cocaïne,en particulier à destination de la France etde l’Europe.

La Martinique présente ensuite laparticularité d’être la seule collectivitéfrançaise disposant d’autant de moyensadaptés à la lutte contre les narco-trafics.Elle peut compter sur un préfet de régionayant les attributions de préfet maritimepour l’exercice de l’action de l’état en mer,une Juridiction interrégionale spécialisée(Jirs) et un Groupe d’intervention régional(Gir). La Martinique dispose égalementd’une antenne de l’office central derépression du trafic illicite de stupéfiants dela direction centrale de la police judiciaireet peut compter sur les moyensspécifiques de la Marine nationale, unedirection interrégionale des douanes, unéchelon régional de la direction desopérations douanières ainsi que sur unedirection régionale des garde-côtes avecdes moyens aériens et maritimes. Toujoursen termes de capacités, la Martiniquecompte un commandement de lagendarmerie doté d’un groupe de pelotonsd’intervention, d’une section derecherches, de moyens aériens et

nautiques. L’île accueille également unedirection départementale de la sécuritépublique de la police nationale avec sesmoyens d’enquête.

Le Cifad s’insère ainsi parmi les acteursfrançais de la lutte contre les trafics destupéfiants en formant des hommes enMartinique et dans de nombreux paysd’Amérique du sud et de la Caraïbe.

Sur ce vaste théâtre d’opérations, le Cifadest à la fois un témoin privilégié et unacteur de la lutte contre le trafic de drogue.Son caractère non opérationnel et sonindépendance lui confèrent la neutralité etle recul indispensables pour renforcer lescapacités des différents acteurs et les liensentre les différents services. Le Cifadapporte aussi son expertise pour améliorerles procédures et les techniques, solliciteles retours d’expérience et les bonnespratiques, pour diffuser les connaissanceset pour développer les réseaux.

des formations d’excellenceDépositaire des techniques et savoir-fairede la gendarmerie, de la police et de ladouane pour réduire l’offre et la demandede drogue, le Cifad cultive l’inter-ministérialité et les relations internationalesà des fins opérationnelles dans le respectdes cultures propres à chaque institution etdes « secrets » maisons. C’est ainsi que leCifad répond pleinement à sa doublevocation : former les hommes et renforcerles liens des administrations entre elles,dans la Caraïbe et en Amérique latine.

Très spécialisées, les formationsdispensées ont pour objectif de renforcerles capacités des administrations

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françaises des Antilles et de la Guyane etcelles des états impliqués dans la luttecontre les trafics de stupéfiants. À cette fin,les administrations contributrices(1) duCifad mettent à sa disposition des expertsgendarmes, policiers et douaniers,hommes et femmes de terrain, capables

de transmettre leursconnaissances pourlutter contre l’offre etréduire la demandede drogues(2). unmagistrat de la Jirsde Fort-de-France etun médecinparticipent à lamission du centrecomme conseiller dudirecteur. Ce dernierest alternativementun officier supérieurde gendarmerie, uncadre supérieur desdouanes, uncommissaire de

police, en mesure de positionner le Cifad àla fois en interministériel (au profit desservices français impliqués dans la lutteanti-drogue) et à l’international.

En matière de prévention, le Cifad aorganisé en 2012 des réunionsinterservices, des formations, descolloques, au profit de policiers,gendarmes et douaniers en poste dans lesDépartements français d’Amérique (DFA),mais aussi au profit de militaires de lamarine nationale, de magistrats, d’agentsde prévention et de cadres de l’éducationnationale, de personnels de

l’administration pénitentiaire,d’associations, etc.

Au-delà de la formation, il s’agit aussi etsurtout de renforcer la coopérationopérationnelle entre les différents acteurs,français et étrangers. Dans sa stratégie, leCifad cible en priorité les états deproduction ou de transit de la cocaïne àdestination de la France et de l’Europe.Dans le premier cercle de ces « cibles »,figurent les états voisins des DFA et dansle second, certains états de la Caraïbe etd’Amérique Latine. Ainsi, lors de chaqueaction de formation dans un état frontalier,le Cifad associe un service opérationnel dudépartement concerné pour lui permettrede créer ou renforcer les liens avec seshomologues des états voisins. S’agissantdes cibles du second cercle, lesreprésentations françaises et en particulierles attachés de sécurité intérieure, lesattachés douaniers et les magistrats deliaison, sont systématiquement associés àl’organisation des actions afin d’en retirerun bénéfice optimal en termesopérationnels, d’influence ou derayonnement.

un outil de coopérationCentre d’excellence pour lesadministrations françaises, c’estcependant dans l’exercice de sa mission àl’étranger, comme partenaire de lacoopération internationale dans la Caraïbeet en Amérique latine que l’action du Cifadtrouve tout son sens. La localisation duCifad en Martinique lui permet de seprojeter au cœur des trafics de droguepour traiter à la source cette menaceinternationale. Cette appartenance à la

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ForMATIon InTErnATIonALE À LA LuTTE AnTI-DroGuE

(1) Mission interministériellede lutte contre la drogue etla toxicomanie ; ministèredes Affaires sociales et de laSanté ; ministère de laJustice ; ministère del’Intérieur, ministère desAffaires étrangères ;ministère de l’économie desfinances et du commerceextérieur ; ministère desoutre-mer ; associationdépartementale pour lasanté mentale ; Croix-rouge.

(2) Le Cifad propose desformations sur : l’analysecriminelle ; le blanchiment etla saisie des avoirscriminels ; le ciblage aérien ;le ciblage et le contrôle desconteneurs ; le ciblageterrestre ; la fouille denavires ; la géostratégie desdrogues ; la lutte en hautemer ; la surveillance,l’observation et la filature ;les techniques d’enquête(audition, perquisition) ; lapolice technique etscientifique ; la prévention,etc.

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françaises souhaitent bénéficier del’expertise du Centre, en particulier pourformer leur personnel présent dans ces« narco-zones ».

Aux côtés des autres acteurs de lalutte contre la drogue et latoxicomanie, le Cifad a un rôle

important à jouer, à la fois interministériel etinternational pour répondre à la menacecroissante pour la sécurité que représentele trafic. L’arc caribéen est susceptible dedemeurer une « zone de rebond » du traficde cocaïne. Son marché de consommationpourrait s’étendre en raison de larecherche de nouveaux lieux dedistribution par les producteurs decocaïne, du renforcement du trafic àdestination de l’Europe, des liens étroitsentre la zone Antilles-Guyane et lecontinent européen et de la capacitéd’adaptation des trafiquants face auxdispositifs d’interception, en particulier vers

l’Amérique du nord.Les états les plusfragiles de l’arccaribéen sontparticulièrementexposés etvulnérables audéveloppement de lacriminalité organiséequi vit du trafic decocaïne.

communauté caribéenne, mais aussi pluslargement à la communauté latine desAmériques, est enviée par les autres étatseuropéens et d’Amérique du nord agissantdans cette région aux multiples influences

géopolitiques(3). Elledonne en effet à laFrance une crédibilitéet une légitimitérenforcées dans sapolitique de lutte anti-drogue. un centre deformation français esten outre une

alternative séduisante à l’influence nordaméricaine et anglo-saxonne. Il permet dediffuser une approche « latine » desproblématiques et des bonnes pratiques,en particulier pour la lutte contre le crimeorganisé (modèles des Jirs et des Gir) ou lacaptation des avoirs criminels.

Vis-à-vis des états de la Caraïbe etd’Amérique latine, l’action du Cifad dansces zones difficiles témoigne concrètementde l’engagement humain et financier de laFrance dans la lutte contre uneproblématique partagée. Les paysproducteurs ou de transit de la cocaïnesont particulièrement sensibles àl’implication opérationnelle d’un paysconsommateur et à la vision deresponsabilité partagée entre pays deproduction et de consommation. Cettereconnaissance se traduit notamment pardes partenariats privilégiés avec le Cifad(4).

Enfin, l’action du Cifad dépasseaujourd’hui le seul cadre institutionnel dansla mesure où certaines entreprises

(3) En particulier, les états-unis, le Brésil, le Vénézuela,le royaume-uni, les Pays-Bas, l’Espagne.

(4) Des partenariats ont étésignés avec DEVIDA,l’équivalent de la MILDT auPérou, avec l’école inter-andine de renseignementanti-drogue (ErCAIAD) àBogota en Colombie, avec laCommission inter-américainecontre l’abus des drogues(CICAD), etc.

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ForMATIon InTErnATIonALE À LA LuTTE AnTI-DroGuE

THOMAs DePreCqLieutenant-colonelthomas deprecq, officierde gendarmerie, directeurdu centre interministérielde formation anti-drogue(cifad).Titulaire du brevet du collègeinterarmées de défense etdiplômé en droit et sciencescriminelles, le lieutenant-colonel Thomas Deprecqdirige depuis 2011 le centreinterministériel de formationanti-drogue basé à Fort-de-France (Martinique).

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Narco-trafic aux Antillesla lutte aussi en mer

Afin de lutter contre le trafic de produitsstupéfiants, la France ne se contentepas de poursuivre les revendeurs surson territoire. L’action de l’État en merest elle aussi décisive pour juguler lecommerce de la drogue à la source, auplus près des pays producteurs. Autourdes Antilles françaises, la vigilance estplus que jamais de rigueur.

C’est une autre face des Antilles, plusméconnue, loin de l’image des plagesparadisiaques et des séjours de rêve, etpourtant c’est une réalité : chaque année,près de 800 tonnes de drogue transitentpar les Antilles, 10 fois plus qu’il y a dixans. Le marché de la cocaïne est en pleineexpansion, c’est même la drogue la plusconsommée en Europe, et son trafic estd’une redoutable rentabilité. Lestrafiquants sont donc prêts à prendre tousles risques pour arriver à leurs fins et leurimagination est infinie.

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par le sirPA-MAriNe

1er trimestre 2013 Revue de la Gendarmerie Nationale

Lutter dans les pays de consommationn’est plus suffisant. Il est devenunécessaire d’agir à la source pour peser

sur l’offre. Lamission était

claire(1): « la protection […] despopulations doit commencer loin duterritoire national, il faut attaquer lestrafics à leur source, dans la profondeurdes espaces maritimes et lors desmouvements de transit ».

des conditions idéales… pour lestrafiquantsLa mer des Caraïbes est un lieu detransit et de trafic privilégié pour ladrogue qui réunit toutes les conditionsfavorables. C’est d’abord un point depassage entre les pays producteursd’Amérique latine et les pays du nord,états-unis et Europe. Malgré les effortsde la Colombie, du Pérou et de la Bolivie,pour limiter la culture ancestrale desfeuilles de coca, 1 500 tonnes de

(1) Livre blanc sur la Défenseet la sécurité nationale 2007.

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cocaïne seraient produites et exportéeschaque année, dont plus du tiers partiraitvers l’Europe, transitant en partie par lesAntilles. La configuration de la zone quicompte de nombreuses îles, présenteaussi beaucoup d’avantages pour lestrafiquants : des abris discrets, destransits en mer réduits, une juxtapositionde législations compliquant lesprocédures administratives et judiciaires.Enfin, ces états insulaires sont pour laplupart jeunes et leurs moyens restentlimités : face aux trafiquants, ils ne sontpas toujours armés.

Pour toutes ces raisons, la drogue passeprincipalement par la mer même si lestrafiquants utilisent aussi la voie des airspour faire transiter leur marchandise. unepart de la drogue est dispersée dans desconteneurs à destination de l’Europe etdes états-unis, et passe ainsi facilement

inaperçue dans le flux des marchandises.Les petites embarcations, les bateaux deplaisance, nombreux dans cette zone, etles hors-bord sont aussi communémentutilisés. Le recours à des submersibles oudes semi-submersibles est encoreexceptionnel, moins pour des raisonsfinancières (les trafiquants ont desmoyens considérables) que pour desraisons techniques de mise en œuvre.Leur utilisation pourrait cependant sedévelopper.

La nécessité d’une approche globalePour lutter efficacement dans cecontexte, une approche globale estnécessaire, interministérielle, au plannational et international, pour coordonnerl’action des pays de la zone. En France,c’est le ministère de l’Intérieur qui estchargé de la lutte contre les stupéfiants,mais tous les ministères y contribuent en

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Avec son hélicoptère embarqué et un détachement commando, la frégate de surveillance est au cœurdu dispositif de lutte en mer.

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nArCo-TrAFIC AuX AnTILLES, LA LuTTE AuSSI En MEr

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fonction de leurs moyens et de leurscapacités opérationnelles. La droguetransitant par la mer, les forces maritimesjouent un rôle majeur parce qu’ellesdisposent de moyens d’interventionhauturiers et adaptés aux opérationscomplexes qui permettent d’intervenir auplus près des zones de production. Ellesagissent en lien étroit avec les Marines etles garde-côtes des pays riverains envertu d’accords bi ou multilatéraux.

En l’absence de préfet maritime outre-mer, le préfet de région est Délégué dugouvernement (DDG) pour l’action del’état en mer. Aux Antilles, c’est le préfetde la Martinique qui est responsable de lacoordination interministérielle et del’autorisation de l’emploi de la force enmer en matière de lutte contre les narco-trafiquants. Il est assisté, dans cettemission, par le Commandant de la zonemaritime (CZM) Antilles qui est lui-mêmele commandant supérieur des forcesarmées aux Antilles.

en amont, partager le renseignementLa lutte commence en amont, par lerecueil du renseignement, son exploitationet sa transformation en informationtactique exploitable.

Des agences spécialisées françaises etétrangères, vont d’abord recueillir lerenseignement sur le terrain, au cœur deszones de production et d’écoulement duflux. Ce renseignement – lorsqu’il peutêtre partagé – est ensuite transmis, à une

antenne régionale de l’office central pourla répression du trafic illicite desstupéfiants (oCrTIS), implantée enMartinique depuis 2004, au sein de labase navale de Fort-de-France. Elleregroupe des agents de toutes lesadministrations concernées ainsi que desofficiers de liaison étrangers (britanniques,américains et espagnols). Lorsquel’antenne Caraïbe de l’oCrTIS aconnaissance d’un mouvement destupéfiants par voie maritime, elle faitimmédiatement rechercher les moyenspour intervenir en sollicitant la division“action de l’état en mer” aux Antilles, elle-même chargée d’alerter lesadministrations et les forces armées quiseront choisies par le DDG et le CZMpour mener l’intervention.

Pour être efficace, le renseignement doitaussi impliquer les différents états de lazone et notamment les états-unis. Depuisune vingtaine d’années, la Jointinteragency task force-south (JTIAF-S),située à Key West, à l’extrême sud de laFloride, fusionne le renseignement issudes diverses agences américaines etinvestit pour cela des moyensconsidérables. Sa compétence couvre lesAntilles, mais aussi l’Atlantique ouest et lePacifique Est. Créée dans les années 80,elle correspond à une politique de ripostedes autorités américaines. Comme pourla France, il s’agit d’une approche dedéfense globale. Des officiers de 13 pays– dont la France – ayant des forces

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838 kiLos de cocaïne saisispar La frégate VeNTôse enmer des caraïbes

Dans le cadre de l’opération de lutte contre lenarco-trafic Martillo en coordination avecl’agence américaine JIATF-S, la frégate desurveillance Ventôse a arraisonné le 30novembre 2012 une embarcation de type gofast transportant environ 1,2 tonnes decocaïne. 28 ballots, représentant 838 kilos decocaïne ont pu être récupérés par l’équipagede la frégate parmi la quarantaine de ballotsjetés à la mer par les trafiquants pendant lesopérations d’arraisonnement.Les narco-trafiquants et la drogue ont étéremis à l’antenne Caraïbe de l’OCRTIS auretour du bateau à quai à Fort-de-France.La mission a été menée sur instruction duprocureur de la République de Fort-de-Franceet sous l’autorité du préfet de la régionMartinique. Les opérations ont été conduitespar l’amiral, commandant supérieur des forcesarmées aux Antilles, depuis le centreopérationnel interarmées.En 2012, 2,4 tonnes de cocaïne ont étéinterceptées en haute mer par les forcesarmées aux Antilles et 3 tonnes au total dansle cadre d’opérations relevant de l’action del’État en mer.

navales dans la zone sont présents surplace pour échanger desrenseignements ; la France est unpartenaire privilégié au sein de la JIATF-S.un officier de liaison y assure l’échangede renseignements avec les partenairesconcernés, notamment l’oCrTIS, et lacoordination des moyens français dans laforce.

agir dans le respect du droitinternationalLe renseignement, aussi partagé soit-il,doit s’accompagner de capacitésd’action. Les moyens navals sont doncindispensables et agissent dans lerespect du droit international qui encadreprécisément l’usage des moyenscoercitifs de lutte en mer.

Il s’agit de concilier deux aspects enapparence contradictoires, d’une part leprincipe de la liberté de la haute mer,d’autre part la garantie qu’elle nedevienne pas une zone de non-droit oùles trafics se développeraient sans limite.La réponse apportée par la Conventiondu droit de la mer de 1982 est d’affirmerl’exclusivité de l’état du pavillon tout enreconnaissant comme illicite le trafic enmer des produits stupéfiants et dessubstances psychotropes. Elle prévoitalors une obligation de coopérationinternationale, notamment dans l’article108 qui dispose que « tout état qui a desérieuses raisons de penser qu’un navirebattant son pavillon se livre au trafic de

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stupéfiants […] peut demander lacoopération d’autres états pour mettre finà ce trafic ».

Ces dispositions restent malgré toutassez vagues et d’une utilité limitée. Il fautattendre 1988 pour qu’une autreconvention (dite de Vienne) décrive demanière précise les possibilités et lesprocédures permettant le contrôle d’unbateau battant pavillon d’un état membre,par un bâtiment d’un autre état membre.

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C’est une avancée réelle, quoiqu’encorepartielle. Pour la zone des Antilles,l’arsenal juridique a été complété en 2003par l’accord dit de San José, entré envigueur en 2008. Il permet de palier deuxfaiblesses, le délai de réponse,incompatible avec la rapidité d’action destrafiquants et le droit d’intervenir dans leseaux territoriales d’un état membre.Encore récent, l’accord suscite parfoisdes réserves touchant au respect de lasouveraineté nationale et au degré deréciprocité à accorder. Il a cependant déjàété mis en œuvre par la France avec lesautorités américaines et néerlandaisesavec succès. Il reste maintenant à élargirle périmètre des états signataires pourréduire la marge de manœuvre destrafiquants.

intervenir pour désorganiser les fluxLa traque ne doit jamais cesser. Il s’agitde faire peser une menace permanentesur le trafic, de désorganiser les flux, desaisir la marchandise et de capturer lestrafiquants. rien de tout cela n’estpossible sans toute une panoplie demoyens navals. La coordination desopérations dans le domaine maritimerelève du commandant de la zonemaritime, également commandantsupérieur des forces armées aux Antilles.

Il lui revient de coordonner l’action desdiverses administrations, les douanesfrançaises, la gendarmerie nationale, lagendarmerie maritime, et bien sûr laMarine nationale, et de tenir informées les

autorités judiciaires des opérationsmenées en mer ayant donné lieu à laconstatation d’infractions. En pratique, ilconcilie la disponibilité des moyens et leuradéquation aux interventions envisagées.Les moyens les plus légers travaillent prèsdes côtes, les douaniers, conformémentau Code des douanes, dans les eauxterritoriales et dans la zone contiguë maisaussi en haute mer dans la limite descapacités de leurs moyens nautiques, lagendarmerie maritime dans les mêmesespaces et la marine nationale en hautemer avec ses moyens hauturiers. Desavions de surveillance maritime peuventaussi être utilisés.

Les moyens de la Marine sontprincipalement composés de deuxfrégates de surveillance, dont le port baseest Fort-de-France. Leur armement et leurhélicoptère embarqué leur permettent dejouer un rôle à la fois dissuasif avec lecontrôle d’une zone maritime étendue, etcoercitif avec l’interception des naviressuspectés de se livrer au trafic destupéfiants. Dotées de moyens decommunication robustes, elles sont enliaison en temps réel avec tous lesacteurs de la lutte, en Martinique maisaussi en Floride. Pour intervenir, lesfrégates disposent, outre leur armementpropre, du renfort d’un détachement decommandos marine. Qualifié Airborne useof force capable day and night, l’hélicoptère Panther peut intervenir dejour comme de nuit. Sa vitesse et sa

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La coopération interministérielle etinternationale et les procédures bienrodées permettent de limiter, à

défaut de faire disparaître, le trafic destupéfiants dans cette zone sensible, etsurtout son exportation vers l’Europe etl’Amérique du nord. La lutte estpermanente, tout comme l’adaptation desméthodes d’intervention et des moyenspour faire face à l’imagination sans limitedes trafiquants. L’usage de submersibles,très difficiles à détecter, en est unexemple et leur interception soulèveencore de nombreuses questions.Comme la piraterie sur les côtes d’Afriqueconstitue une menace pour leséconomies européennes en perturbant letrafic de marchandises, le trafic de droguedans l’arc antillais, mais aussi en Afrique,constitue de la même manière unemenace, sanitaire et financière, pour nospays. La lutte à la source est une missionessentielle de nos forces armées, de laMarine en tout premier lieu puisqu’ellecontribue à garantir une mer libre etexempte de trafics illicites.

souplesse d’emploi lui permettent desuivre sans difficulté les embarcations lesplus rapides. Le tireur d’élite embarqué àbord peut ainsi viser au plus près et auplus juste afin de stopper lesembarcations sans dommage pour lesoccupants et la cargaison. Cette dernièreconstitue en effet une précieuse pièce àconviction pour les suites judiciaires.L’équipe de visite, assistée ou non descommandos marine, prend ensuite lerelais lors du contrôle de l’équipage. Il estensuite ramené à bord avant d’être remisà la justice.

Pendant toutes les phases d’interventionet d’interception, le commandant de lazone maritime est en relation permanenteavec le commandant de la frégate à qui iltransmet les autorisations de tirs desemonce et de tirs de neutralisation. Ils’assure que les modalités d’exécutionsont bien conformes au cadre légal.Toutes ces dispositions garantissent larégularité de l’intervention. À l’issue, lecommandant de la zone s’assure qu’àbord, la rédaction des procès-verbaux,les saisies et les conditions de détentiondes trafiquants sont conformes aux règlesdu droit afin que les autorités judiciaires àterre puissent prendre le relais dans desconditions optimales.

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Mayotte : les enjeux d’une départementalisation

Si, à la veille de son accession au statutde région ultra-périphérique, Mayotteprésente des faiblesses notamment enmatière d’immigration clandestine, leterritoire possède aussi de nombreuxatouts et des perspectives dedéveloppement uniques. MonsieurThomas Degos, préfet de Mayotte,présente ces enjeux tout en précisant laresponsabilité des acteurs locaux et dela puissance publique dans l’avenir dela société mahoraise.

À l’arrivée sur un archipel de 374 km2

(Grande-Terre 358 km2 et Petite-Terre 16 km2, soit au total le tiers de laMartinique), peuplé de 212 625 habitants,ce qui frappe sans doute, c’est cettedensité de plus de 550 habitants au km2

en Grande-Terre, et de plus de 2 500habitants au km2 en Petite-Terre. Ceschiffres montrent à l’évidence une situationunique en France, hors Paris. or, cettedensité est récente. La démographieraconte mieux que d’autres indicateurs

Sl’histoire des dernières années qui ont vuMayotte doubler sa population. ondénombre plus de 7 000 naissances paran à la maternité du centre hospitalier deMamoudzou. Depuis que Mayotte estdevenu le 101e département français, ellea ravi au Territoire de Belfort, qui fait ledouble de sa superficie, le titre de pluspetit département par la surface. Il enrésulte par ailleurs une population d’uneextrême jeunesse, où 55 % deshabitants ont moins de 20 ans. Cetteconfiguration n’est pas sansconséquence sur les rapports sociaux,les questions de transmission dessavoirs, l’adhésion à un socle de valeurscommunes, le respect de règles quifondent le vivre-ensemble.

La physionomie de Mayotte évolue donctrès rapidement. Mayotte change aussidu fait de l’apparition de nouvellesinfrastructures, de nouveauxéquipements qui modifient l’aspect del’île. on voit bien qu’en trente ans, en

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par THOMAs DeGOs

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vingt ans, en dix ans, la photo de laPetite-Terre, ou celle de l’arrivée àMamoudzou par la barge – qui elle-mêmea changé trois fois durant cette période –révèle une profonde évolution : plusqu’une photo, on a l’impression d’un film.

Mayotte va poursuivre cette évolutiondans les prochaines années. C’est doncaujourd’hui que les enjeux doivents’identifier, c’est aujourd’hui qu’il fautposer les choix de développement, lespriorités d’action, les programmesd’investissement. Il est indispensable deréaliser un consensus autour de cesgrandes orientations, autour de cesperspectives. Il est nécessaire d’inventerun mode de gouvernance entre lesinstitutions existantes, pour faire naître unespace partagé de décision politique,dans le sens premier du terme, tant il estvrai que, souvent, Mayotte est ensituation de mettre en place, àproprement parler, les fondementsnouveaux de la vie dans la cité.

La place de l’individu dans cettesociété en profonde mutationMayotte a connu une métamorphoseprofonde dans les cinq, voire les dixdernières années, en ce qui concernenotamment la place de l’individu dans lasociété, sa définition, sa détermination, etnotamment son rapport aux autres. Enquelques années, les paramètresconstitutifs du positionnement et du rôlede l’individu au sein de sa famille, de sonvillage, de la société mahoraise, ont étéprofondément bouleversés. En partantclassiquement de ce qui détermine chaqueindividu dans son contexte social, on peut

reconnaître que deux de ses principauxpiliers ont été totalement redéfinis, sansforcément que chacun ait pu s’appropriercette nouvelle configuration. Deux exemplesparmi d’autres peuvent rendre compte decette évolution. La position de chacun dansla société repose sur plusieurs fondements,parmi lesquels certains relèvent de l’être, etd’autres de l’avoir. or, en quelques années,les habitants de Mayotte ont vu ces deuxpiliers totalement remis en cause.

La question de l’être d’abord, c’est-à-direde l’identité, de ce qui désigne l’individudans le groupe. Cette identité qui nous esttransmise et que nous transmettons, et quinous permet de nous situer par rapport auxautres, tout au long de notre vie. Lesvocables mahorais permettaient à chacunde définir instantanément non seulement safiliation, son rattachement à une famille, lafaçon dont il recevait cette transmission enhéritage, mais également sa situationpersonnelle. un premier nom à la naissance– accompagné d’un nom secret – quichange au moment du mariage, de lanaissance du premier enfant, ou de l’accèsà l’âge des responsabilités sociales. Leschangements de dénomination décrivaientainsi le parcours d’une vie, lepositionnement social, l’autorité ou la placedans le collectif. De cet élémentfondamental de l’individu, on est passé,avec la révision de l’état civil, à une identitéunique et à des règles de transmissiondifférentes.

Le sujet de l’avoir, ensuite, et notamment lapropriété. Véritable élément structurant desrelations inter-individuelles et des enjeux depouvoir, révélateur de l’appartenance à une

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classe sociale, la propriété obéissait àMayotte à des règles particulières. Elle étaittransmise de mère en fille. Chaque filles’installait sur un terrain appartenant à samère et transmettait elle-même à sa proprefille, le moment venu, un endroit oùs’installer pour fonder sa famille. Cettetransmission et cette répartition se faisaient

sous le contrôle descadis(1), qui, au-delà dela précisiontopographique de cesinstallations, pouvaientjuger de l’équité et de

la justice de ce partage. Cette transmissiona fondé la place de la femme mahoraiseface à l’homme dans une sociétéimprégnée de culture et de codes liés àl’Islam tel qu’il se pratique à Mayotte. Surune île de 374 km2, cette règle fonctionnejusqu’à ce que le niveau démographiquerende matériellement compliqués lesmorcellements successifs. Là encore,l’évolution a été extrêmement rapide. De« matri-linéaire et matri-locale », la propriétéest devenue en quelques années seulement« patri-moniale ». Patrimoine valorisable,“monétisable”, avec un prix, qui lui-mêmeévolue, patrimoine cadastré, « titrisé » etdonc figé dans son périmètre…

Il est évident qu’une telle métamorphose,aussi fondamentale, ne peut se faire sanstension, sans interrogation, sans inquiétude.L’extrême sensibilité de ces sujets, autantque le rythme de l’évolution, conduit àremettre en cause les équilibres sociauxprofonds et à déstabiliser les rapports et lessituations. Ainsi, au-delà des interrogations,on peut imaginer des phénomènes de

(1) nDLr : dans le droitmusulman, le cadi est le jugeremplissant des fonctionsciviles, judiciaires etreligieuses. Il est souventjuge de paix et notaire,réglant les problèmes de viequotidienne : mariages,divorces, successions,héritages, etc.

questionnement plus directs, plusspontanés, désorganisés, comme à la finde l’année 2011 qui à travers du thème dela vie chère, exprimaient d’autres peurs.D’où l’importance de la rénovation dudialogue social.

Le rôle des institutionsAvec la départementalisation de Mayotte du31 mars 2011, s’instaure égalementl’émergence des responsabilités et descompétences des institutions locales. Ladépartementalisation est un processus quise poursuit, mais qui prend sa source dansla décentralisation qui s’est opérée depuisplusieurs années, et notamment depuisl’accord sur l’avenir de Mayotte du 27 janvier2000, entre le gouvernement et les élus.

La décentralisation a conduit à la mise enplace, par la consultation du 2 juillet 2000,et après la réforme de 2004, d’uneassemblée départementale unique,devenue conseil général, cumulantégalement à terme les compétencesrégionales. Cette perspective n’est pasencore achevée, tant sur le plan formel destransferts de compétences (par exemplel’état a conservé une partie du réseauroutier, et la construction des collèges etdes lycées), que sur le plan réel del’autonomie de l’institution : du fait de sondéséquilibre, le budget primitif est réglé pararrêté préfectoral après avis de la chambrerégionale des comptes.

De la même façon, le rôle des communesa profondément évolué vers le droitcommun, sans forcément que l’intégralitédes compétences ait pu dès aujourd’huiêtre prise en compte. La réforme fiscale et

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douanière qui s’opérera le 1er janvier 2014à Mayotte permettra aux collectivités deprendre plus encore leur autonomiefinancière, mais elle sera surtoutl’occasion de leur appliquer une structuredes recettes à l’image de ce qui

existe dans le restede l’outre-mer(2).Ainsi, la dépensepublique descollectivitésmahoraises par foyerpourra se rapprocherdu droit communultramarin. Mais parailleurs, lesdemandes des

habitants en équipements ou eninfrastructures auront directement desrépercussions sur la pression fiscalelocale.

L’appropriation des règles, la montéeen puissance d’un nouveau vivreensembleLa société mahoraise semble faire face àune transition entre les règlestraditionnelles d’auto-contrôle, de gestionde la jeunesse, de prévention des risques,de garantie des droits de chacun, vers denouvelles normes, républicaines, souventvécues encore comme extérieures. Il estintéressant de voir que la mise en placede dispositifs d’aide à la parentalité, parexemple, rencontre un réel succès.Certains parents s’interrogent même surles comportements qu’ils ont à présent ledroit d’adopter vis-à-vis de leurs enfants,notamment dans l’affirmation de l’autoritéou de la sanction. Perte de repères

(2) nDLr : actuellement, lafiscalité perçue par lescollectivités territoriales estrégie par le Code des impôtsde Mayotte, en applicationdepuis le 1er janvier 1983. Àce jour, l’ensemble desimpôts perçus dans ledépartement sont versés auconseil général, y comprisles impôts d’état (impôt surle revenu des personnesphysiques, impôt sur lessociétés, droitsd’enregistrement et droits dedouane). Les collectivitésmahoraises percevront, àpartir de 2014, les impôtslocaux de droit commun.

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jusque dans la sphère intime et familiale dela transmission de valeurs, mais aussiadhésion profonde aux règles de droit et aurespect de normes nouvelles.

Ainsi, les tenants de l’autorité de l’ordreancien, fundis(3), maîtrescoraniques, personnesâgées, parents, cadis,ne s’effacent pas tout àfait dans le partaged’une autorité et d’uneresponsabilité sociale,

mais sont parfois en coexistence avec lesnouvelles formes d’autorité et de contrôle. - L’intérêt d’un dialogue riche entre lesdifférents acteurs est la clef de la cohérencedu discours et des pratiques. La républiquepeut s’appuyer sur des structures localestraditionnelles, sous réserve du partage desmêmes valeurs et d’une perspectivecommune.

Les enjeux de développement demayotte : un moment historique quiplace le 101e département à la croiséedes cheminsoutre son exceptionnelle jeunesse, Mayotteprésente des caractéristiques et desindicateurs sociaux spécifiques : espérancede vie inférieure à la moyenne nationale etmême ultramarine, taux d’illettrisme trèsimportant, éloignement de l’activité salariéeet de l’emploi (on estime que près de 55 %de la population en âge de travailler n’ontpas d’activité rémunérée), décrochagescolaire, problèmes d’accès au logement,prévalence de certaines pathologiesinconnues dans les autres départementsfrançais… Surtout, des enjeux absolumentcruciaux, par exemple en ce qui concerne

(3) nDLr : le Fundi est unepersonne très importante ausein de la société mahoraise.on trouve dans chaquevillage des fundis quidétiennent le « savoir ». Il y ale fundi forgeron, le fundi quisoigne grâce aux plantes, lefundi coranique qui enseignele Coran, le fundiconstructeur, l’instituteur,etc.

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les « mineurs isolés », expression danslaquelle on place parfois des mineurs nondépourvus de référents adultes, d’ailleurs,ce qui n’est pas sans lien avec lesproblématiques d’immigration clandestine.

Dans une population marquée par uneprécarité réelle, les dispositifs sociauxdevraient donc jouer à plein, sans doute aumoins autant qu’ailleurs. Ce n’est pourtantpas le cas. C’est tout l’enjeu de la mise enplace des politiques publiques nationales, etsurtout du redressement des financeslocales, préalable nécessaire à la prise encompte par les communes et le conseilgénéral de leurs propres compétences. Larépublique n’est peut-être jamais plus à saplace que là où le besoin d’égalité est sansdoute le plus criant.

Ainsi, le calendrier de la départementalisation,d’abord fixé dans le cadre du Pacte pour ladépartementalisation en 2009, a étéprofondément bouleversé dans le sens d’uneaccélération sensible.

Au 1er janvier 2013, leSmig(4) net mensuelmahorais correspond à97 % du Smic netmensuel national –

même si le temps de travail à Mayotte estencore fixé à 39 heures hebdomadaires. Laprestation d’accueil et de restauration scolaireest alignée sur le montant national. L’allocationde rentrée scolaire s’engage dans unrattrapage en trois ans. Le rSA passe de25 % du montant national à 50 % dès 2013 etl’indemnisation du chômage est enfin mise enplace avec le renforcement de l’implantationde Pôle Emploi. La Carte vitale se profile dansun avenir tangible…

(4) À Mayotte, le salaireminimum interprofessionnelgaranti, horaire brut, estrevalorisé à 6,96 € au 1er

janvier 2013 par arrêtépréfectoral n° 2012-1080 du23 décembre 2012, soit uneévolution de 1,90 %.

des besoins en infrastructures etéquipements plus importants quejamaisLa départementalisation de Mayotte, la« normalisation » de sa fiscalité ainsi quel’application des normes nationales et del’acquis communautaire sur le territoire luiont permis d’accéder au statut de régionultra-périphérique. L’arrivée des fondsstructurels à partir de 2014 vaprofondément modifier les paysages, lesdéplacements, les activités, lestransports, la vie quotidienne de seshabitants. Le 1er janvier 2014 est à ce titreune échéance historique pour Mayotte.Que les efforts portent sur ledéveloppement d’infrastructures etd’équipements fondamentaux (eau,déchets, assainissement, routes) ou pluscentrés sur l’humain (accès aux soins,formation professionnelle, nouvellestechnologies, etc.), Mayotte al’opportunité historique de choisir sespriorités et d’orienter son destin,notamment envers sa jeunesse, qui peutêtre aussi bien un atout qu’un danger.

L’enjeu est ici, au-delà de la questioninstitutionnelle de la détermination del’autorité de gestion de chacun de cesfonds structurels, de parvenir à unegouvernance commune entre lescollectivités, les acteurs socio-économiques locaux et l’état. À dire vrai,cette nouvelle organisation, dans lerespect des compétences de chacun,sera sans doute le signe le plus concretde la réussite de la départementalisation,autant que son enjeu central.

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La départementalisation et l’accès austatut de région ultra-périphériqueplacent Mayotte dans la perspective

d’un développement économique et socialsans précédent. L’objectif poursuivi estclairement l’accès des habitants de Mayotteà l’égalité par rapport aux autres habitantsde l’outre-mer, notamment sur les plansdes prestations sociales, des minimassociaux, du niveau de rémunération, maisaussi en ce qui concerne l’application desnormes et des règles nationales etcommunautaires. L’enjeu porte égalementsur le développement productif, l’apparitiond’une activité locale, donc de l’emploi etdes revenus liés au travail. La mise en place

d’infrastructures etd’équipements sur ceterritoire est lepréalable à sonattractivité, y comprissur le plan touristique.Ainsi peut-on dire queMayotte présente despotentialités et desperspectives dedéveloppementuniques, si onreconnaît les enjeux etla responsabilité desacteurs locaux commede la puissancepublique, à la veille del’accès au statut derégion ultra-périphérique.

La coopération comme outil dedéveloppement productif local et derééquilibrage de la pression migratoireMayotte, malgré son niveau dedéveloppement en voie de rattrapage parrapport aux autres départements d’outre-mer, fait figure d’îlot de relative prospéritéau regard des situations qui prévalent chezses voisins immédiats. Alors que le PIB parhabitant de Mayotte est cinq fois plus faibleque celui de la métropole et équivaut autiers de celui de la réunion, il est toutefoishuit fois plus élevé que celui des Comoreset représente vingt fois celui de

Madagascar ou duMozambique(5). Lapression migratoire,

notamment en provenance des Comores,et en particulier d’Anjouan, est donc trèsimportante. Au-delà de la nécessaire luttecontre l’immigration clandestine, il convientde reprendre avec Moroni et Anjouan desrelations basées sur le pragmatisme et lacoopération, pour dépasser les positionsde principe qui caractérisent les relationsfranco-comoriennes sur Mayotte. L’arrivéedes fonds structurels en 2014, etnotamment des fonds de coopérationtransfrontalière sont là aussi une échéancehistorique de parvenir à rééquilibrer aumoins en partie le différentiel d’activitéséconomiques, d’accès aux soins, au savoir,afin de faire baisser la pression migratoirequi s’exerce sur Mayotte, dans le cadred’échanges gagnants-gagnants. C’estsurtout l’occasion de démultiplier lesopportunités de développement enaccroissant les échanges au sein de lazone ouest de l’océan Indien et du c anal duMozambique.

(5) Source : institutd’émission desdépartements d’outre-mer.

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THOMAs DeGOsdélégué général à l’outre-mer au ministère desoutre-merAncien élève de l’écolenationale d’administration,Thomas Degos commencecomme sous-préfet de 2e

classe, directeur du cabinetdu préfet des Pyrénées-orientales. En 2006, il estchef du bureau dumanagement du corpspréfectoral et desadministrateurs civils à lasous-direction du corps. En2008, il est nommé directeuradjoint de cabinet du ministred’état, ministre de l’écologie,de l’énergie, dudéveloppement durable et del’aménagement du territoire.nommé directeur de cabinetdu ministre de la Ville, encharge du Grand Paris, en2010, il est nommé préfet deMayotte de 2011 à janvier2013.

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La gendarmerie de Mayotte une histoire récente, des enjeux immédiats

Créé en 2004, le commandement de lagendarmerie de Mayotte fait face à denombreux défis sécuritaires,principalement en matière de luttecontre l’immigration clandestine enprovenance des Comores. Il s’agit aussipour la gendarmerie de se doterprogressivement de moyens adaptéspour répondre aux défis futurs etremplir au mieux sa mission de sécuritépublique.

Depuis l’arrivée en 1933 du premiergendarme venant de Madagascar, lagendarmerie de Mayotte a connu unehistoire originale. relevant d’ungroupement des Comores implanté àMoroni puis de la légion de gendarmeriede l’océan Indien à partir de 1964, elle arejoint en 1975 le groupement de Laréunion créé deux ans plus tôt. Lacompagnie quitte alors la Grande Comorepour s’implanter à Mayotte. En 1992, elleest subordonnée au groupement degendarmerie du sud de l’océan Indien.

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par JeAN GOUVArT

1er trimestre 2013 Revue de la Gendarmerie Nationale

Les Commandements de la gendarmerie(ComGend) de La réunion et de Mayottesont créés respectivement le 1er mai2003 et le 12 mars 2004, mais le lienn’est pas rompu car un décret du 4 mars2010 crée la zone de défense et de

sécurité du sud del’océan Indien(1).

Avec un effectif de 172 personnels dont46 sont originaires du département, leComGend Mayotte comprend 5 brigadesterritoriales, une Brigade nautique (B.n.)et, depuis 2008, une brigade degendarmerie des transports aériens.30 réservistes complètent ce dispositif.En 2009, sont créés une section derecherches, un groupe d’interventionrégional gendarmerie et une sectionaérienne dotée d’un hélicoptère écureuil,seul aéronef de l’état présent dans ledépartement.

Aujourd’hui, le ComGend bénéficie durenfort de 86 militaires de la gendarmerie

(1) Cf. article du ComGendde La réunion.

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mobile. Hors périodes de troubles àl’ordre public, la Lutte contre l’immigrationclandestine (LIC) constitue leur missionprincipale. Toutes ces évolutionsrépondent à cet enjeu majeur qui est decontenir une immigration massivedéstabilisante pour la vie des Mahorais.En effet, en accueillant les enfantsd’étrangers en situation irrégulière, lesécoles sont vite engorgées, les servicesde santé sont saturés. De plus, cettesituation favorise le développement dutravail dissimulé et une urbanisationdésordonnée. Avec une densité de plusde 570 habitants au km2, Mayotte sesitue juste derrière les départementsfranciliens et la population est en pleinecroissance avec 7 000 naissances par an.La gendarmerie est compétente sur 16des 17 communes de Mayotte et ce sontainsi 154 403 habitants qui vivent en zone

gendarmerienationale(2). En 2012,les chiffres enmatière d’atteintes à

l’intégrité physique et d’atteintes auxbiens sont en hausse respectivement de16,06 % et 22,54 %. La LIC n’est doncpas le seul défi pour le ComGend.

L’organisation de l’immigrationclandestineLa pauvreté qui frappe les Comoresconduit sa population à rejoindre ceteldorado que serait Mayotte, avec l’espoird’un mieux vivre tout en gardant saculture et ses racines compte tenu d’une

(2) recensement InSEE2012 : 212 600 habitants àMayotte pour 375 km2,rythme de croissance de2,7 % depuis 2007.

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histoire commune. Il est difficile d’évaluerle nombre d’étrangers en situationirrégulière vivant dans le département.Les réseaux d’immigration sont trèsorganisés et s’appuient sur des contactsétroits entre les habitants d’Anjouan et lesclandestins de Mayotte. Les trafiquantsutilisent des embarcations légèresconstruites en résine et mesurant de 6 à9 mètres appelées kwassas kwassas. Lecoût d’une embarcation, moteurs de15 ch compris, est d’environ 1 500 euros.Avec en moyenne 20 à 25 personnes àbord (parfois plus de 40) et un “droit depassage” de 150 à 200 euros parpersonne, l’affaire est lucrative, même sile bateau est intercepté. Les risques denaufrage sont par ailleurs élevés. En5 ans, plus de 1 000 personnes ont étésecourues par la gendarmerie lors de28 accidents maritimes ayant causé147 morts, 166 blessés et plus d’unecentaine de disparus.

À terre, toutes les forces de sécuritéconcourent à la LIC : le ComGend, lapolice aux frontières et la direction de lasécurité publique. Cette mission estcompliquée car les habitants parlentshimaoré ou shibushi, et il est difficiled’identifier des clandestins complètementintégrés à la population. C’est pourquoi, ilest nécessaire de recourir à desgendarmes ou des policiers municipauxmahorais. En outre, la LIC se heurte àl’augmentation des “ni-ni” (il s’agit deComoriens qui ne sont « ni régularisables

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ni expulsables »(3)),mais également au

strict respect des domiciles privés queconstituent les amas de tôles danslesquels se réfugient les clandestins dèsqu’ils aperçoivent une patrouille. En mer,la LIC s’appuie sur la détection deskwassas par des radars de la marinenationale qui aiguille ensuite les bateauxintercepteurs appartenant aux différentsservices de l’état.

équipée de deux “semi-rigides”(11 mètres, 2x300 chevaux), comptant16 pilotes dont 4 plongeurs, la B.n. armedeux équipages prêts à appareiller24 heures sur 24 en moins de 20 minutespour se rendre sur les échos détectés parle poste de commandement de la Marine.De mai 2007 à décembre 2012, elle aintercepté 868 kwassas transportant21 194 passagers. Des gendarmesmobiles assurent le traitementadministratif de ces clandestins. Au31 décembre 2012, une cellule spécifiquecréée en 2010 avait traité 1 148 mesuresde garde à vue de passeurs : 289 ont étéécroués et 859 ont fait l’objet d’Arrêtéspréfectoraux de reconduite à la frontière(APrF). En 2012, la B.n. a effectué 60 %des interceptions de kwassas et 80 %des opérations de secours déclenchées àMayotte.

En 2012, l’hélicoptère écureuil aégalement permis de détecter55 kwassas avec à leur bord602 passagers. Lors de secours en mer,

(3) Par exemple, des parentsd’enfants nés à Mayotte.

l’équipage a retrouvé 19 embarcations,secouru 162 personnes dont 43 quiétaient portées disparues. La vedettecôtière de la gendarmerie maritime et lebateau de la marine nationale ont pourleur part intercepté 89 kwassas. Placéesous le commandement opérationnel dugénéral, Commandant supérieur desForces armées de la zone sud de l’océanIndien (ComSup des FAZSoI), lagendarmerie maritime participe à l’actionde l’état en mer dans toutes sesmissions, dont le secours et l’assistance.

Quant au groupe d’intervention régionalgendarmerie, il a pour mission de luttercontre les filières d’immigrationclandestine. Il exploite les auditions detous les passeurs. Son action a permis ledémantèlement de plusieurs filières enpartenariat avec la police aux frontières etla section de recherches. une premièrecommission rogatoire internationaledélivrée en juin 2012 pourrait permettreun début de coopération judiciaire franco-comorienne afin de lutter contre les chefsde filières.

un bilan alarmantEn 2011 et 2012, 861 kwassas ont étéinterceptés. Près de 30 000 APrF ont étépris par la préfecture de Mayotte et plusde 38 000 personnes reconduites. Lapression migratoire ne baisse pourtantpas. D’une capacité de 100 places, leCentre de rétention administrative (CrA)est souvent saturé, nécessitantl’ouverture de locaux de rétention

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Le commandement de la gendarmeriede Mayotte devra donc se doterprogressivement de moyens

adaptés pour parvenir aux standards desautres outre-mer et ainsi remplir au mieuxsa mission de sécurité publique qui nepeut être délaissée au profit de la seulelutte contre l’immigration clandestine endépit de l’enjeu essentiel qu’ellereprésente dans ce 101e départementfrançais.

provisoires en attendant la livraison d’unnouveau CrA en 2015 qui offrira140 places supplémentaires. La maisond’arrêt est saturée avec 225 détenus pour105 places au 15 janvier 2013.

Le ministère de l’éducation nationale faitdifficilement face au manque de classeset d’enseignants. Les services de santésont débordés. L’habitat précaire sedéveloppe inexorablement. Le nombre demineurs isolés augmente, les parentsreconduits abandonnant leurs enfants afinqu’ils restent à Mayotte dans l’espoir d’unavenir meilleur. or, les structures d’accueilmanquent.

L’avenir passe donc par un renforcementdes moyens juridiques et matériels delutte contre l’immigration clandestine àterre mais surtout en mer, afin d’endiguerle flux de nouveaux arrivants. Le dispositifd’interception est performant mais lesystème de détection demeure perfectibleet un projet de modernisation est encours. Mais la solution à l’immigrationclandestine se trouve aux Comores. unevéritable coopération policière et judiciaireapparaît indispensable. Les moyensd’interception des forces de sécuritéintérieure comoriennes sont insuffisantset, pour l’instant, ces dernières ne luttentpas contre la fabrication de kwassas oucontre les regroupements de candidats àl’émigration sur les plages d’Anjouan.

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JeAN GOUVArTcolonel jean gouvart,officier de gendarmerie,commandant lagendarmerie de mayotte.Ancien élève de l’écolespéciale militaire de Saint-Cyr, il intègre l’école desofficiers de la gendarmerie en1993 avec avoir été chef desection à la 14e compagniede transmissions parachutisteà Toulouse. Il a notammentcommandé l’escadron 11/9de gendarmerie mobile deVilleneuve d’Ascq, puis lacompagnie de gendarmeriedépartementale d’orange. En2001, il est nommé directeuradjoint du centreinterministériel de formationanti-drogue à Fort-de-France.Depuis le 1er juin 2012, il apris le commandement de lagendarmerie de Mayotte. Lecolonel Gouvart a participé àde nombreuses opérations àl’étranger et en outre-mer. Ilest chevalier de la Légiond’honneur et chevalier del’ordre national du Mérite.

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saint-Pierre et Miquelonun Comgend atypiquepour un archipel singulier

Seul territoire français situé en Amériquedu Nord, Saint-Pierre et Miquelon est unarchipel riche d’histoire. Marqué par despériodes économiques prospères et desphases de crise, l’archipel est un desterritoires d’outre-mer dont le produitintérieur brut par habitant resteconséquent. Dans cet environnement, lagendarmerie s’intègre parfaitement ets’appuie sur ses savoir-faire traditionnels.

Chaque 24 décembre, au monument auxmorts de Saint-Pierre, a lieu lacommémoration patriotique qui revêt, au plandes symboles, une grande importance auxyeux des habitants de l’archipel. Le24 décembre 1941, après avoir pris la merdepuis Halifax, les forces navales françaiseslibres placées sous les ordres de l’amiralMuselier débarquaient par surprise au petitmatin et prenaient possession de l’archipeljusque-là administré par les forces de Vichy.Sollicitée par voie de référendum, lapopulation se prononçait en faveur duralliement au général de Gaulle, faisant ainsi

Sde Saint-Pierre et Miquelon la première terrefrançaise libérée. Fierté légitime de seshabitants, cet épisode historique matérialiseencore aujourd’hui leur profond attachementà la communauté nationale.

saint-pierre et miquelon, dernièrepossession française en amérique dunordDécouverte par le navigateur portugaisFaguendes en 1520, c’est l’explorateurfrançais Jacques Cartier qui, le premier, luidonne le nom d’isle de Saint-Pierre etMiquelon lors de son passage en 1536.C’est au début du XVIIe siècle, vers 1604,que les premiers pêcheurs normands,basques et bretons s’y installent de manièrepermanente pour y pratiquer la chasse à labaleine. L’histoire de l’archipel seraintimement liée à celle qui oppose leroyaume de France à celui d’Angleterre etaboutit, en 1763, à l’abandon de la nouvelleFrance. occupées successivement par lesAnglais et par les Français, c’est en 1816que les îles de Saint-Pierre et Miquelon sont

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par PHiLiPPe COUÉ

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rétrocédées à la France. Situé près del’embouchure du Saint-Laurent, l’archipel secompose de trois îles pour une superficietotale de 242 km2 ; l’île de Saint-Pierres’étend sur 26 km², celle de Miquelon sur110 km² et l’île de Langlade sur

91 km². La plus petitedes trois, Saint-Pierre,est aussi la pluspeuplée(1) car elleprofite d’un port naturelprotégé. La grande île,Miquelon, accueille desAcadiens déportés aumilieu du XVIIIe sièclelors du « grandchambardement »(2). À

Saint-Pierre et Miquelon, la mer est au cœurde l’activité humaine. Schématiquement,l’archipel a connu successivement troispériodes de prospérité. La première s’étendde la seconde moitié du XIXe siècle au début

(1) L’archipel de Saint-Pierreet Miquelon compteaujourd’hui (recensementInSEE 2010) 6 312habitants, 5 687 sur l’île deSaint-Pierre et 625 sur cellede Miquelon-Langlade.

(2) Le 28 juillet 1755 est lejour où fut proclamé l’ordrebritannique de déportationdes francophones quivivaient en Acadie (sud-estcanadien). De 1755 à 1763,probablement 15 000francophones furentdéportés par les Anglais versdes zones anglophones,vers Saint-Pierre etMiquelon.

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du XXe siècle, elle est caractérisée par l’essorde la pêche à la morue. L’archipel connaîtalors une période de marasme économiquedû à une surexploitation de la ressource. Elles’interrompt en 1919 avec l’instauration de laprohibition américaine. L’archipel français tirerapidement avantage de son positionnementgéographique en se transformant en un

gigantesque entrepôtd’alcool(3). Importée demanière tout à faitlégale depuis l’Europeou le Canada(4), lamarchandise estensuite chargée surdes goélettes ou desvedettes rapides et

acheminée par des contrebandiers vers lescôtes des états-unis et du Canada. Desfortunes importantes sont accumulées enpeu de temps, mais l’âge d’or prendbrutalement fin en 1933 avec l’arrêt de laprohibition. L’archipel connaît à nouveau uneimportante dépression économique. Après laSeconde guerre, la pêche industrielleredevient le principal poumon économiquede l’île. L’activité repose alors à la fois surl’avitaillement des flottes de pêche françaiseset européennes et sur la transformation de lamorue par une usine qui traite chaque annéejusqu’à 30000 tonnes de marchandise. Làencore, l’activité s’interrompt brutalement enjuin 1992 lorsque le Canada décrèteunilatéralement un moratoire sur la pêche àla morue. Ce moratoire est aggravé le 10 juin1992 par la décision défavorable du tribunalarbitral de new York qui accorde autour del’archipel de Saint-Pierre et Miquelon, uneZone économique exclusive (ZEE). Celle-ci

(3) En 1923, la presseaméricaine estime que cesont près de 350 000caisses d’alcool quitransitent chaque mois parl’île et 5 millions de bouteillesde champagne par an.

(4) La législation canadienneinterdisait la consommationd’alcool mais autorisait saproduction et sonexportation vers les pays oùla consommation demeuraitlégale.

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SAInT-PIErrE ET MIQuELon, un CoMGEnD ATYPIQuE Pour un ArCHIPEL SInGuLIEr

Des conditions particulières pour cet archipeld’outre-mer.

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comprend au sud un étroit couloir long de200 milles et large de 10,5 milles, enclavé ausein de la zone canadienne.

faiblesses et forces de l’archipelÀ partir de 1992, et jusqu’à aujourd’hui,Saint-Pierre et Miquelon connaît un lentdéclin, continuant à vivre dans le souvenird’un modèle économique dominé par lapêche. Pour accompagner l’archipel, l’états’est fortement engagé. Au point que lesadministrations représentent aujourd’hui le

principal secteurd’activité(5). L’état aégalement fortementsubventionné plusieursdomaines, enparticulier le secteur dubâtiment et des travauxpublics qui s’appuiepour l’essentiel sur une

commande publique dont le montants’élevait encore en 2012 à près de21 millions d’euros. Cette aide massive a eupour conséquence de maintenir sur l’archipelun niveau de vie moyen relativement élevé,plus proche de celui de la métropole que deceux des autres outre-mer(6). Mais cette

situation n’a pasfavorisé les remises encause et la recherchede solutionsalternatives. Ainsi, lesecteur touristique quirecèle de fortespotentialités mais dontle développement restesubordonné à une

révolution culturelle(7) n’est pas achevé. Lataille modeste de l’archipel constitue un

(5) Fonction publique d’étatet fonction publiqueterritoriale confondues, cesecteur représente de l’ordrede 1500 agents.

(6) En 2010, le PIB parhabitant s’élevait à 29 730euros pour la métropole, 28327 euros pour Saint-Pierreet Miquelon, 18 657 eurospour la Guadeloupe,17 700 euros pour laréunion, 14362 euros pourla Guyane. Source IEDoM.

(7) Acquisition d’une culturede l’accueil et du service.Par exemple, adaptation desheures d’ouverture descommerces en tenantcompte des créneauxd’arrivée des paquebots.

(8) Il n’existe pas de liaisonaérienne directe avec lamétropole. La compagnielocale Air Saint-Pierredispose d’une exclusivitédes liaisons avec le Canada.Le tarif 2013 hors taxes pourun aller-retour Saint-Pierre /Montréal s’élève, quelle quesoit la période, à 744 euros.

handicap qui s’explique par l’absence deconcurrence, la cherté des produits importés oule prix exorbitant du transport aérien(8).néanmoins sa taille peut aussi constituer unatout. L’environnement régional de Saint-Pierreet Miquelon représente une force. L’archipelsitué à quelques encablures des côtescanadiennes, bénéficie d’un emplacementfavorable pour devenir un espace économiquedynamique. Intégré dans les secteurs de Terre-neuve et de Labrador, qui développent larecherche pétrolière offshore, Saint-Pierre etMiquelon doit pouvoir profiter de cettedynamique et saisir des opportunités dedéveloppement. La mer continue aussi dereprésenter l’avenir de l’archipel. La pêcheconstitue toujours une richesse, si la ressourceest exploitée raisonnablement. Sur le plus longterme, l’hypothèse d’une reconnaissance de sonplateau continental permet d’envisager desperspectives d’exploitation pétrolière ou gazièreoffshore dans la ZEE et, de manièreconcomitante, le développement d’activitésportuaires dédiées à l’avitaillement.

un comgend atypique adapté auxproblématiques de l’archipelCollectivité relevant de l’article 74 de laConstitution, l’archipel dispose d’une largeautonomie et d’une architecture administrativecomplète, malgré sa taille. La gendarmerienationale, qui est présente de manièrepermanente sur le territoire depuis 1816, a misen place des moyens adaptés qui lui permettentde répondre aux enjeux de sécurité. Fort de 27militaires d’active et de 4 réservistes, leComgend est articulé autour d’un état-major etde 3 unités opérationnelles assumant l’ensembledes missions traditionnellement dévolues àl’Arme. Disponibilité et polyvalence sont les

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SAInT-PIErrE ET MIQuELon, un CoMGEnD ATYPIQuE Pour un ArCHIPEL SInGuLIEr

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maîtres mots qui guident l’action au quotidien.Ainsi, sur l’île de Miquelon, une unité assure lapermanence du service. Avec 23 crimes etdélits pour mille habitants, le taux de criminalitéconstaté sur l’archipel est plus de deux foisinférieur à celui de la métropole. La sécuritéconstitue donc un des facteurs d’attractivité duterritoire. L’enjeu consiste à contenir cettedélinquance à son niveau actuel. Deux axesd’effort sont définis : d’une part la lutte contreles stupéfiants, d’autre part la délinquancefinancière. Si jusqu’ici l’île a été relativementépargnée par ce fléau, la consommation deproduits stupéfiants connaît depuis plusieursannées une hausse significative qui a conduit leComgend à faire évoluer ses moyens. Depuis2012, il compte une équipe cynophilestupéfiant. Le taux de constatations desinfractions pour usage a déjà été multiplié par4. La surveillance des approches maritimesconstitue également une priorité pour lagendarmerie, parce qu’il n’existe pas de liaisondirecte avec la métropole. Depuis fin 2011,l’Institution déploie un moyen nautique(9) qui

renforce ses capacitésd’action. Enfin, unecoopération est menéeavec la division B(10) de lagendarmerie royale duCanada et permetl’échange direct derenseignements

opérationnels. Second axe d’effort, ladélinquance financière est traitée par la brigadede recherches. Il s’agit pour l’essentiel d’affairesqui conduisent à mettre en évidence desutilisations « non conformes » des subventionspubliques qui représentent, localement, desmontants très importants. Ces procédures ont

(9) Le ComGend pour Saint-Pierre et Miquelon est dotédepuis décembre 2011d’une vedette raidco de 12 mètres équipée de deuxmoteurs de 315 CV.

(10)La division « B »regroupe l’ensemble desunités de la gendarmerieroyale canadienne de laprovince de Terre-neuve etLabrador.

un caractère sensible. Pour le reste, l’action dela gendarmerie de l’archipel s’appuie sur desmodes d’action traditionnels. La recherche durenseignement et la prévention de proximitéconstituent l’essentiel de l’activité. L’objectifpoursuivi est le maintien de l’ordre et la paixpublique.

Enfin, dans le cadre du continuum sécurité -défense, le ComGend constitue aussi uneforce de souveraineté qui permet d’affirmer laprésence de la France sur son dernier territoiresitué en Amérique du nord.

Les îles de Saint-Pierre et Miquelonforment un territoire singulier au sein desoutre-mer. Alors qu’il se rendait au

Canada pour un voyage officiel demeurécélèbre, le général de Gaulle s’arrêta quelquesheures à Saint-Pierre le 20 juillet 1967 où il

prononça une allocutionpublique : « voici Saint-Pierre et Miquelon, […]de tout tempsexemplaired’attachement à lapatrie, maintenant avant-poste de la France aubord de la vasteAmérique ».

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SAInT-PIErrE ET MIQuELon, un CoMGEnD ATYPIQuE Pour un ArCHIPEL SInGuLIEr

PHiLiPPe COUÉLieutenant-colonelphilippe coué, officier degendarmerie, commandantla gendarmerie pour saint-pierre et miquelon.Titulaire d’une licence en droitpublic et d’une maîtrise descience politique del’université de Bordeaux I,ancien élève de l’EoGn, leLCL Philippe Coué esttitulaire du brevet d’étudesmilitaires supérieures. Il anotamment servi commecommandant de peloton àl’EGM d’Antibes,commandant de lacompagnie de Calvi, puisaide de camp du secrétairegénéral de la défensenationale en passant parDGGn.

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Polynésie : la gendarmerie du bout du monde

Depuis son implantation en avril 1843,avec l’arrivée du maréchal des logis-chef Prat accompagnant l’amiral Bruat,la gendarmerie en Polynésie françaisen’a eu de cesse de se déployer,d’évoluer et d’optimiser son emploipour la sécurité des populationspolynésiennes. Présentation de cettegendarmerie du bout du monde.

Située à 18 000 km de la métropole, laPolynésie française est composée de cinqarchipels représentant 121 îles, répartiessur une superficie maritime égale à lasurface de l’Europe. Ce vaste ensemblegéographique comprend une populationestimée à un peu plus de 270 000habitants.

La gendarmerie, pour répondre auxbesoins de ce territoire particulier, adéveloppé avec succès des partenariatsétroits avec les acteurs locaux et sesmilitaires se sont “océanisés”. L’Institutiona également su faire évoluer ses modes

Dd’action pour maîtriser cet espaceétendu, tout en adaptant les missions deses personnels en fonction desspécificités locales.

“océanisation” et partenariatFort de ses 147 gendarmes d’originepolynésienne, le Commandement de lagendarmerie (Comgend) à Papeete a faitde l’intégration de ceux-ci une prioritéopérationnelle. Ils représentent près de37,5 % sur un effectif de 409 personnels.Leur connaissance du milieu, desréseaux familiaux, la maîtrise de la langueen font des atouts majeurs dans lapoursuite des enquêtes et la résolutiondes conflits de toute nature. Cetteintégration se traduit par une mixité deseffectifs déployés sur le terrain, quipermet de combiner efficacité etneutralité. Face aux nombreusesinterventions liées aux violencesintrafamiliales ou de voie publique surfond d’alcool, la présence d’unpolynésien dans la patrouille permet

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par Pierre-MArie LAGArriGUe

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souvent d’appréhender les situations,d’apaiser les tensions et de gommer labarrière de la langue. En effet,l’incompréhension est souventopportunément opposée aux mutoïsfarani, noms donnés aux gendarmes enlangue tahitienne.

Le désir d’intégration et de mixités’accompagne d’une volonté de voiraccéder les gendarmes polynésiens à despostes de commandement. Ainsi, leComgend de la Polynésie françaisedispose d’un officier adjoint aucommandant de compagnie et de troiscommandants d’unité de terrain d’originepolynésienne. Cette opportunité existegrâce au recrutement de qualité et à uneformation identique à celle dispensée auxgendarmes de métropole. La gendarmeriea fait ce choix qui garantit un niveau desélection et d’instruction optimal de ses

personnels et une cohérence d’ensemble.

Pour maîtriser un territoire étendu etpolitiquement autonome, la gendarmeries’appuie sur les différents acteurs de lasécurité sur l’ensemble de la Polynésiefrançaise. La coopération estparticulièrement étroite avec les policiersmunicipaux (mutoïs). Ainsi, gendarmes etmutoïs n’hésitent pas à s’appuyer aucours de certaines interventions, àeffectuer des services communs, voire àmutualiser les moyens lorsque cela estnécessaire. Dans les archipels éloignés, lapolice municipale constitue également unvéritable poste avancé, un capteur derenseignement et un primo intervenant enattendant l’arrivée des enquêteurs.

Dans les îles les plus isolées, pour assurerune continuité dans les missions desécurité dévolues à la gendarmerie, les

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La Polynésie française est composée de cinq archipels représentant 121 îles. La gendarmerie pourrépondre aux besoins particliers de ce territoire a développé des partenariats.

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PoLYnéSIE : LA GEnDArMErIE Du BouT Du MonDE

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modes opératoires présentent unespécificité contingentée par l’éloignement.

L’itinérance comme mode d’actionLe caractère insulaire épars est unecontrainte importante pour les missionsde la gendarmerie en Polynésie. Sur lacentaine d’îles et d’atolls que comportentles cinq archipels, seuls 80 sont habitéset 56 sont dotés d’un aérodrome.Seulement 16 îles disposent d’unebrigade de gendarmerie. Le maillageterritorial est moins dense, ce quidemande une adaptation des modesd’action. La compagnie des archipels quiexerce sa compétence sur un territoirevaste comme l’Europe, comprend 78militaires sélectionnés pour des postesatypiques.

Ainsi, la Brigade territoriale des Tuamotucentre (BTTC) implantée à Papeeteprésente un caractère itinérant. Sa zonede responsabilité de la taille de la Francemétropolitaine est située à des centainesde kilomètres de son lieu d’implantation.Ses neuf gendarmes sont projetés enfonction des événements, par voieaérienne ou par voie maritime, civile oumilitaire. En mission, ils se déplacent pourplusieurs jours, avec armes et bagages.Ils logent dans des habitats loués à lamairie ou chez des policiers municipaux.Ils sont parfois véhiculés par les habitants,louent des bateaux de pêche pouratteindre les atolls isolés. Les mutoïs sontune aide précieuse pour soutenir, appuyeret guider les gendarmes dans leurs

interventions. Pour effectuer cesexpéditions, la BTTC et les brigadesréparties dans les archipels disposent deplusieurs vecteurs complémentaires.Concernant les vecteurs aériens, les Casade l’armée de l’Air sont utilisés lors demissions communes armées-gendarmerieou en cas d’urgence ; les Dauphin N3interministériels armés par la Marine sontdéployés en fonction du potentiel alloué àla gendarmerie. Dans 75 % des missions,la ligne civile Air tahiti est le moyenemployé pour rejoindre les archipels.

En mer, en fonction des missions menéesdans les archipels par les patrouilleurs dela Marine nationale et de la gendarmeriemaritime, les personnels des brigadeslocales peuvent rejoindre des îles qu’ilsn’ont pas pu visiter parfois depuisplusieurs mois.

Les autres brigades implantées sur les îleséloignées assurent la continuité de l’étatet prennent le relais de la Polynésie danscertaines fonctions dévoluestraditionnellement à d’autres corps demétiers. Ces missions permettent auxgendarmes de développer une approchedifférente de leur métier.

gendarme autrement :les fonctions annexesLe faible peuplement de certaines îlesinduit une absence de représentationdans des professions essentielles. Lesmilitaires de la gendarmerie pallient cemanque dans l’exercice de missionsspécifiques, théoriquement dévolues à la

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PoLYnéSIE : LA GEnDArMErIE Du BouT Du MonDE

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d’identité. Pour ces populations, legendarme est un écrivain public. Il rédigeles courriers officiels et certainsdocuments administratifs pour lesparticuliers. Ce rôle central du gendarmedans les archipels marque la particularitéde cette gendarmerie outre-mer etdémontre une adaptation réussie dumilitaire à son milieu.

Contrainte par un environnementétendu, attentive au lienindispensable qu’elle se doit

d’entretenir et de fortifier avec unepopulation à l’identité culturelle marquée,

la gendarmerie dePolynésie françaises’adaptecontinuellement à sazone d’action et auxpopulations dont elleassure la sécurité.Forte de son modèled’intégration et depromotion internedes gendarmespolynésiens, elle meten œuvre desmodes d’actionoriginaux pourcouvrir l’ensemblede sa zone d’action,assurant lacontinuité de l’actionde l’état dans cesîles du bout dumonde.

Polynésie française, mais qu’elle ne peutpas encore totalement assurer.

Par exemple, pour répondre à l’absencede structures pour passer l’examen dupermis de conduire, le commandant debrigade et son adjoint reçoivent unedélégation temporaire pour exercer lafonction d’inspecteur. Ils font passer lesépreuves du Code de la route et prennentégalement le rôle d’examinateur pourl’épreuve de conduite. Dans le cadre del’exercice des fonctions de maître de

port(1), lesgendarmes délivrentaux plaisanciers leformulaire mis enplace parl’administration desdouanes.Concernant le

contrôle des personnes, ils procèdent àl’enregistrement de première touchée(2)

des navires et à la délivrance de visasd’entrée sur le territoire.

De même, en l’absence d’office notarialdans les îles ou les atolls, la fonction denotaire est également tenue par lecommandant de brigade qui rédige desprocurations ou des testaments. Faute decabinet d’huissier de justice, les militairesofficiers de police judiciaire des brigadesexercent cette fonction. Sur certaines îles,les gendarmes effectuent aussi desrelevés météorologiques, réalisent desdemandes de duplicata de carte grise,des demandes de cartes nationales

(1) Le maître de port ouresponsable de portcoordonne et gèrel’ensemble des ressourceset moyens techniques liés àune installation portuaire. Ils’assure de leurmaintenance, de leur miseen sécurité et de la qualitédes prestations à l’égard desusagers du port.

(2) Il s’agit du premieraccostage des navires.

Revue de la Gendarmerie Nationale 1er trimestre 2013tre 2012

Pierre-MArie

LAGArriGUecapitaine pierre-marieLagarrigue, officier degendarmerie, commandantle peloton d’interventionoutre mer 1 – groupe depelotons d’intervention –du commandement de lagendarmerie pour lapolynésie française.Ancien élève de l’écolespéciale militaire de Saint-Cyr, le capitaine Lagarrigue acommandé le pelotond’intervention de l’escadronde gendarmerie mobile 44/2de Bellac avant de prendre leposte d’adjoint aucommandant d’une Policeoperational Mentor andLiaison team (PoMLT) enAfghanistan. Il est titulaired’un master II en relationsinternationales et

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PoLYnéSIE : LA GEnDArMErIE Du BouT Du MonDE

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ST-PIERRE et MIQUELON

MARTINIQUE

GUADELOUPE

SAINT-CLAUDE

TERRE-NEUVE

FORT-DE-FRANCE

LA POLYNÉSIE

TAHITI

GUYANE

LA RÉUNION MAYOTTE

NOUVELLE-CALÉDONIESURINAM

BRESIL CAYENNE

KOUROU

Nouméa

MAMOUDZOUSAINT-DENIS

portfolio

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La Lutte contreL’orpaiLLage iLLégaL enguyane

> Quels sont les dégâts engendrés parl’orpaillage illégal ?

> Comment les pouvoirs publicsprennent-t-il en compte ces dangers ?

> Quels sont les acteurs impliquésdans cette lutte ?

Les méthodes utilisées par lesorpailleurs clandestins sontdangereuses pour l’environnement.Leur activité constitue nonseulement une atteinte aupatrimoine de la Guyane, maisentraîne aussi un développementde la prostitution et de la violencesur les sites concernés.

Code minier, Code de procédurepénale, Code pénal… les pouvoirspublics ont mis en place tout unarsenal législatif pour lutter contrece fléau et punir les trafiquants.

De nombreux services de l’Étatsont mobilisés pour démanteler lesréseaux d’orpailleurs illégaux : lagendarmerie, la police, lesdouanes, l’office national desforêts, etc. Ils coopèrentétroitement avec les autoritésjudiciaires et policières des payslimitrophes : Brésil et Surinam.

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Un arsenal législatif et des pouvoirs publics mobilisés

Les terres gorgées d’or de la Guyaneattirent des milliers d’orpailleursclandestins qui se livrent à un trafictrès lucratif en pleine jungle. La luttecontre cet orpaillage illégal, dangereuxpour l’environnement et la santépublique, est cruciale pour lespouvoirs publics qui mettent en œuvredes moyens importants. Présentation.

Le département de la Guyane, grandcomme le Portugal ou l’Autriche, s’étendsur 83 000 km2 et compte une populationde 240 000 habitants qui se concentre enzone urbaine sur le littoral. 95 % de sonterritoire est couvert d’une forêtéquatoriale. Les communications ettélécommunications en dehors de labande littorale sont habituellementdifficiles, la situation étant encoreaggravée durant la saison des pluies, dedécembre à juillet. En forêt, l’hélicoptèreet la pirogue sont souvent les moyens detransport les plus appropriés. L’extractionde l’or en Guyane est une activité

Lrelativement ancienne dont il est fait étatdès le XIXe siècle. L’exploitationindustrielle qui apparaîtra très rapidementportera à la fois sur la recherche de l’oralluvionnaire, issu de la dégradationnaturelle du quartz aurifère par l’action del’eau, et de l’or primaire, extrait du quartzaurifère, broyé et filtré.

Le fléau de l’orpaillage illégal…Les méthodes d’extraction sur les sitesillégaux donnent lieu ou ont donné lieu à

des atteintes àl’environnement(1) età la santé publiquepuisque laconcentration en

forêt d’une population vivant dans desconditions sanitaires précaires facilite lapropagation du paludisme. L’exploitationillégale favorise également ledéveloppement de la prostitution et duproxénétisme sur les sites concernésainsi que l’immigration irrégulière et laviolence. Il se commet en effet sur les

(1) Déforestation, turbidité etdégradation des cours d’eauet empoisonnement dumilieu naturel par le mercureutilisé pour amalgamer l’orprimaire ce qui est enprincipe interdit même surles sites légaux.

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par rAYMOND MOreY

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Les méthodes utilisées par lesorpailleurs clandestins sontdangereuses pour l’environnement.Leur activité constitue nonseulement une atteinte aupatrimoine de la Guyane, maisentraîne aussi un développementde la prostitution et de la violencesur les sites concernés.

Code minier, Code de procédurepénale, Code pénal… les pouvoirspublics ont mis en place tout unarsenal législatif pour lutter contrece fléau et punir les trafiquants.

De nombreux services de l’Étatsont mobilisés pour démanteler lesréseaux d’orpailleurs illégaux : lagendarmerie, la police, lesdouanes, l’office national desforêts, etc. Ils coopèrentétroitement avec les autoritésjudiciaires et policières des payslimitrophes : Brésil et Surinam.

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blessés dans une attaque menée par lenommé Manoelzinho et des membres desa bande.

Il a pu se créer sur les sites d’exploitationou à proximité, en forêt, de véritablespetites villes pouvant compter plus d’unmillier d’habitants et comportant, outredes habitations, des bars, desrestaurants, des magasins d’alimentation,des lieux de prostitution et toutes sortesde corps de métiers (mécaniciens,bijoutiers transformant sur place l’orprimaire en bijoux, etc.). La Guyane esttraversée par une veine aurifère qui,venant du Brésil, la parcourt d’Est enouest pour se prolonger au Surinam. Laressource, prolifique, a donné lieu àdifférentes périodes à de véritables ruées

sites clandestins un grand nombred’actes de violence, de meurtres, detentatives de meurtres, de coups mortelsmettant en cause des chercheurs d’or –garimpeiros – à l’occasion de querellesentre eux ou des bandes de malfaiteursarmés qui entendent racketter cesmêmes garimpeiros ou s’approprierpurement et simplement les mines enexploitation. Ces malfaiteurs n’hésitentpas, lorsqu’ils estiment leurs intérêtsmenacés, à s’en prendre ouvertementaux forces de sécurité et à ouvrir le feucontre des aéronefs de l’état, desmilitaires des Forces armées en Guyane(Fag) ou des gendarmes comme celas’est passé le 27 juin 2012 sur le site deDorlin où deux militaires des Fag ont ététués et trois gendarmes gravement

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un ArSEnAL LéGISLATIF IMPorTAnT ET DES PouVoIrS PuBLICS MoBILISéS

Les terres gorgées d’or de la Guyane qui attirent des milliers d’orpailleurs clandestins se livrant à untrafic très lucratif en pleine jungle, mobilisent des forces de gendarmerie conséquentes.

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vers l’or qui ont attiré des personnes pastoujours recommandables.

… combattu par les pouvoirs publicsAu regard des dégâts environnementauxet humains, mais aussi des atteintes aupatrimoine national, occasionnés parl’orpaillage illégal, la lutte contre ce fléauest devenue une priorité pour les pouvoirspublics. De 2000 à 2010, sont apparuesles opérations Anaconda, toucan etHarpie, dans lesquelles la gendarmeries’est fortement engagée, et qui ont eupour vocation d’interpeller les exploitantset leurs employés illégaux, de détruire lematériel d’exploitation, les moyens detransport, le carburant et les lieux de vie,et aussi de saisir l’or.

Placée sous l’autorité du préfet et duprocureur de la république, Harpie estune opération administrative et judiciairepérenne et d’envergure qui mobilise lesdifférents services de l’état (gendarmerie,forces armées en Guyane, polices auxfrontières, douanes, office national desforêts, parc amazonien en Guyane, etc.).Elle vise à priver de moyens, deressources et de débouchés les zonesd’orpaillage clandestin et à déstabiliserl’économie souterraine qui lui estassociée.

Pour trouver sa pleine efficacité, l’actionsur le terrain destinée à neutraliser lalogistique et les moyens de transportsdes exploitants clandestinss’accompagne d’une action de police

judiciaire permettant au parquetd’engager des poursuites sur la base desfaits susceptibles de qualification pénale.Les procédures de police judiciaire, lespoursuites du parquet, les décisions desjuges d’instruction et du tribunalcorrectionnel sont de nature à renforcersignificativement l’efficacité de la luttecontre l’orpaillage illégal dès lors qu’ellespermettent sur la base d’investigationscomplètes et précises d’atteindre lescommanditaires et les fournisseurs desexploitants ainsi que les receleurs.

… et réprimé par de nombreux texteslégislatifsLa répression de l’exploitation illégale demine trouve son fondement dans le Codeminier. L’article L. 512-1 punit d’une peined’emprisonnement de 2 ans et d’uneamende de 30 000 euros le fait d’exploiterune mine ou de disposer d’une substance

concessible(2) sansdétenir un titred’exploitation ou uneautorisation. De plus,l’article L. 512-2

dispose que cette infraction est punie de5 ans d’emprisonnement et de75 000 euros d’amende lorsqu’elles’accompagne d’atteintes àl’environnement et portée à 10 ansd’emprisonnement et 150 000 eurosd’amende lorsqu’elle est commise enbande organisée. En cas d’atteinte àl’environnement, le tribunal peut toujoursimposer au condamné de procéder à la

(2) Se dit d’une substanceminérale devant donner lieuà concession de mine pourêtre exploitée (substancesénergétiques, mineraisdivers, à l’exclusion dematériaux de construction).

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de déplacement des enquêteurs en forêtguyanaise.

de l’orpailleur au donneur d’ordre, lanécessité de démanteler les réseauxLes dispositions du Code pénal sur lerecel, le blanchiment et la complicitépeuvent être appliquées à l’égard descommanditaires, des fournisseurs (dematériels, d’équipements, de carburant,de vivres, etc.) et des receleurs. La luttecontre l’orpaillage illégal passe, en effet,par une action forte contre les donneursd’ordre et les organisateurs, par ledémantèlement des réseauxd’approvisionnement, par l’identificationet la condamnation des receleurs. Dans lecadre de sa mission générale de luttecontre l’économie souterraine, le Grouped’intervention régional (Gir) de la Guyaneen lien avec la section de recherches estamené à jouer un rôle essentiel sur ceplan.

En matière de complicité des fournisseurset transporteurs de matériels, carburantet vivres, la difficulté de la preuve d’un faitprincipal punissable précis empêcheparfois les procédures de prospérer. Ils’agit d’une difficulté parfaitementidentifiée que les services d’enquête,sensibilisés, s’efforcent de surmonter pardes investigations toujours plusapprofondies. un renforcement de laréglementation sur les transports de cettenature en Guyane pourrait être égalementune voie à explorer. Il existe d’ailleursactuellement une réflexion sur l’utilité de

restauration du milieu aquatique sousastreinte. L’article L. 512-3 prévoitégalement des peines complémentairesd’interdiction professionnelle,d’interdiction de détenir ou de porter unearme, d’interdiction des droits civiques,civils et de famille, d’interdiction d’exercerune fonction publique et d’interdiction deséjour. En outre, l’article L. 512-4 prévoitla confiscation des installations etmatériels ainsi que du produit del’infraction.

Au-delà des peines, le Code minier et leCode de procédure pénale donnent àl’autorité judiciaire la possibilité de mettreen œuvre des dispositions de nature àfaciliter la constatation des infractions etle déroulement des enquêtes. Ainsi, leprocureur de la république, peut délivrerà la gendarmerie en application desarticles 78-2 et 78-2-2 du Code deprocédure pénale des réquisitions aux finsde contrôles d’identité et de visites devéhicules. De même, les dispositions del’article L. 621-8 du Code minier donnentau procureur de la république ou à lajuridiction d’instruction la possibilitéd’autoriser le report, pour un délai de20 heures au maximum, du point dedépart de la garde à vue lorsque letransfert de la personne interpelléejusqu’au lieu de la garde à vue soulèvedes difficultés matérielles insurmontables.Il existe actuellement un débat sur uneéventuelle extension de ce dispositifcompte tenu de la réalité des contraintes

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L’efficacité de la lutte contrel’orpaillage illégal en Guyane passebien sûr par la mobilisation des

forces de l’ordre et des administrationsspécialisées sur le terrain, mais aussi pardes réponses judiciaires les plusfréquentes possibles et une coopérationinternationale dynamique permettantd’appréhender le phénomène dans saglobalité.

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rAYMOND MOreYprocureur général près lacour d’appel de cayenne.Substitut du procureur de larépublique près le tribunal degrande instance de rennesen 1974, raymond Moreyprend le poste de procureurde la république près letribunal de grande instancede Basse-Terre enGuadeloupe en 1981. En1985, il devient substitutgénéral près la cour d’appelde Papeete avant d’êtresuccessivement procureur dela république près le tribunalde grande instance deBéziers, d’Avignon et nancy.En 2011, il devient procureurgénéral près la cour d’appelde Cayenne. raymond Moreyest officier de l’ordre nationaldu Mérite.

la création éventuelle d’un régime dedéclaration préalable à la détention et autransport de certains matériels utilisés parles orpailleurs.

Enfin, il convient de soulignerl’importance, dans la lutte contre ce fléau,de la coopération policière et judiciaireavec les deux pays frontaliers : le Brésil etle Surinam. Le développement de cettecoopération constitue sans aucun douteune des clés de la réussite du combatentrepris.

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Le système judiciaire desaint-pierre et miQueLon

>Quel est le texte fondateur du système judiciaire du territoire de Saint-Pierre et Miquelon ?

> Comment s’articule la justiceaujourd’hui dans cette collectivitéd’outre-mer ?

> Quelles sont les particularités dansl’exercice de la justice ?

Le décret du 2 novembre1942 fixe les règlesapplicables à l’organisation età la procédure de l’archipel.

L’organisation judiciaireactuelle est définie par lesarticles L. 511-1 et suivants etR. 511-1 et suivants du Codede l’organisation judiciaire(COJ).

Si on retrouve, dansl’organisation judiciaireactuelle, l’empreinte dumodèle métropolitain, lesauxiliaires de justice relèventde statuts tout à fait originaux.

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Les particularités de l’exercice de la justice dans l’archipel

Reflétant le souci de doter Saint-Pierreet Miquelon d’institutions judiciairesautonomes, directement inspirées dumodèle métropolitain, l’organisationjudiciaire de l’archipel y puise sesprincipes fondamentaux constammenttempérés par les aménagements, voireles innovations imposés par lesparticularités locales, notamment lataille, l’éloignement, les difficultés decommunication. Présentation.

C’est par le décret du 2 novembre 1942que le général de Gaulle, chef de laFrance combattante, a fixé les règlesapplicables à l’organisation judiciaire et àla procédure sur le territoire de Saint-Pierre et Miquelon. Ce texte, long de prèsde deux cents articles, ne constituaitcertes pas une rupture avec le systèmeantérieur mais témoignait davantage dusouci de doter l’archipel d’institutionsplus modernes tenant compte del’héritage judiciaire français et desparticularités locales : la petite taille de

Rl’archipel, le faible nombre de lapopulation, l’éloignement de la métropoleainsi que les difficultés de communicationet l’isolement tenant notamment auxrigueurs du climat.

Le décret de 1942, un texte fondateur Ainsi, il n’était pas fait table rase du passépuisque le décret maintenait en vigueurcertains textes anciens, voire enpromulguait d’autres qui ne l’avaient pasencore été à Saint-Pierre et Miquelon,comme la loi du 9 septembre 1835 surles cours d’assises et le décret du 6 mars1877 qui rendait applicable localement leCode pénal métropolitain. En revanche,un certain nombre de textesdisparaissaient : l’ordonnance du 16 juillet1833 et celle du 6 avril 1835 portantorganisation judiciaire à Saint-Pierre etMiquelon. De même, le décret de 1942affirmait le souci, probablement parpragmatisme, de s’inscrire dans unecertaine continuité comme en témoignentles références nombreuses au Code

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par JeAN-YVes GOUeFFON

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juge de paix suppléant de Miquelon,assesseurs) n’étaient pas desprofessionnels mais des citoyensdésignés par arrêté du chef du territoire,sur proposition du chef du servicejudiciaire. Le juge de paix de Miquelonremplissait, quant à lui, la charge de juged’instance.

Le rôle du chef du territoireune remarque vient à l’esprit à la lecturedu décret de 1942 : elle concernel’importance du rôle reconnu au pouvoirexécutif, par la voie de son représentantlocal, dans l’organisation, voire dans lefonctionnement quotidien du systèmejudiciaire. Faut-il y voir le signe d’uneprésence judiciaire dont l’autonomie étaitinsuffisamment affirmée ou l’espèce deméfiance récurrente dont l’exécutiftémoigne parfois vis-à-vis de ceux quisont chargés de rendre la justice ? Auxyeux du général de Gaulle, la taille duterritoire et son éloignement de Londresn’ôtaient rien à son importancestratégique, puisqu’il n’hésitera pas à luienvoyer trois corvettes et un sous-marin,au nez et à la barbe des Américains etdes Canadiens. Sous les ordres del’Amiral Muselier, leurs équipageslibéreront d’ailleurs Saint-Pierre, le 24décembre 1941.

Comme évoqué ci-dessus, le chef duterritoire dispose d’un pouvoir denomination à des fonctions quiconcourent directement à l’exercicequotidien de la justice : le procureur de la

d’instruction criminelle (ancêtre de notreCode de procédure pénale) ou au Codede procédure civile.

Pour l’essentiel, la justice sur le territoirede Saint-Pierre et Miquelon s’articulaitautour d’une justice de paix à Miquelon,d’une justice de paix à compétenceétendue et d’un tribunal d’appel à Saint-Pierre (article 1er). Le territoire étaitpartagé en deux cantons dont les chefs-lieux étaient Saint-Pierre (couvrant Saint-Pierre et l’Île aux Marins) et Miquelon(couvrant Miquelon et Langlade). Y étaientaffectés les deux seuls magistratsprofessionnels, nommés par décretconformément au statut de lamagistrature coloniale : le président dutribunal d’appel, chef du service judiciaire,et le juge de paix à compétence étendue.Ce dernier assumait les fonctionsdévolues, en métropole, à un jugeexerçant en tribunal de grande instance,charge de juge d’instruction comprise. Letribunal civil était aussi investi de lajuridiction commerciale puisque le décretdu 9 mai 1892 avait supprimé le tribunalde commerce de Saint-Pierre.

Quant au président du tribunal d’appel, ilassurait toutes les fonctionsjuridictionnelles d’une cour d’appelnotamment, quand l’occasion seprésentait, celle de président du tribunalcriminel (appellation locale de la courd’assises). Tous les autres membres desjuridictions (procureur de la république,suppléant du procureur, juge de paix ou

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LES PArTICuLArITéS DE L’EXErCICE DE LA JuSTICE DAnS L’ArCHIPEL

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république et son suppléant ; le juge depaix de Miquelon et son suppléant ; lesassesseurs qui composent, avec leprésident, la formation de jugement etdisposent donc d’un rôle délibératiffondamental. Par ailleurs, en casd’empêchement simultané du présidentdu tribunal d’appel et du juge de paix deSaint-Pierre, le tribunal criminel setrouvait-il présidé par… un assesseur (art.126). Le cas devait être fort rare mais,cependant, envisagé par le texte. Autreexemple d’adaptation locale des règlesprocédurales : l’accusé de crime pouvaitêtre assisté, à l’audience, soit par unagréé, soit même par un parent ou par unami (art. 127).

Le greffe de la juridiction était tenu par ungreffier en chef.

S’il les nomme, le chef du territoire peutaussi les révoquer par mesuredisciplinaire, certes, mais aussi « pour lesnécessités du service ». Au rang desstatuts les plus précaires figurent sansdoute ceux du juge de paix de Miquelonet de son suppléant qui, aux termes del’article 3 du décret « pourront être relevésde leurs fonctions et remplacés sur simpleproposition du chef du service judiciaire etdans les mêmes formes qui sont suiviespour leur désignation ».

D’autres dispositions pourraientégalement contrarier l’espritd’indépendance d’un magistratcontemporain, qu’il appartienne au siège

ou au parquet. Sans évidemment, lesciter toutes, on peut évoquer l’article 176,ainsi rédigé : « dans les affaires quiintéressent le territoire, le procureur de larépublique sera tenu, quand il en serarequis par le chef du territoire, de faire,conformément aux instructions qu’il enrecevra, les actes nécessaires pour saisirles tribunaux ». De même, le chef duterritoire fixe le tableau des audiences etarrête les dates des vacances judiciaires(art. 7). on s’émeut aujourd’hui pour bienmoins !

L’empreinte du modèle métropolitainMême s’il a été, à de nombreusesreprises, modifié par la suite, le décret de1942 a largement marqué l’organisationde la justice à Saint-Pierre et Miquelon.Certaines de ses dispositions existenttoujours, avec parfois des adaptationsaux évolutions sociales outechnologiques. D’autres en sont encorela copie quasi-conforme qui constituentdes anachronismes ou, à tout le moinsdes originalités, dans le système judiciairefrançais.

L’organisation judiciaire actuelle estdéfinie par les articles L. 511-1 et suivantset r. 511-1 et suivants du Code del’organisation judiciaire (CoJ). Le souci deparallélisme entre les institutionsmétropolitaines et celles de l’archipel estclairement revendiqué, d’emblée parl’article L. 511-1 qui énonce : « pourl’application à Saint-Pierre et Miquelon duprésent code, il y a lieu de lire : tribunal

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LES PArTICuLArITéS DE L’EXErCICE DE LA JuSTICE DAnS L’ArCHIPEL

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supérieur d’appel à la place de courd’appel… ».

Pour le reste, l’héritage de 1942 estindéniable puisque les juridictions sontconstituées d’un Tribunal supérieurd’appel (TSA) et d’un Tribunal de premièreinstance (TPI). Le juge de paix deMiquelon a, lui, disparu. Le ressort decompétence de ces deux juridictions estidentique puisqu’elles couvrent, l’une etl’autre, la totalité de l’archipel (en pratiqueSaint-Pierre, Miquelon et Langladepuisque le dernier habitant a quitté l’Îleaux Marins en 1965).

Le TPI est la juridiction de premier degréde droit commun. Il comprend deuxmagistrats professionnels : son présidentet un juge d’instruction. En réalité,comme le TPI remplit toutes les fonctionsassurées, en métropole, par les tribunauxd’instance, de grande instance et decommerce, il est bien évident que cettespécialité purement textuelle ne trouveaucune application fonctionnelle. Chaquemagistrat a de nombreuses casquettes etremplit, parfois au cours de la mêmejournée, des fonctions très différentes. Àtitre d’exemple, on peut retenir que lejuge d’instruction est aussi juge auxaffaires familiales, juge des enfants, jugede l’application des peines… entre autres.Autre particularité qui témoigne du soucid’adaptation du Code aux contrainteslocales et de pragmatisme : en cas devacance ou d’empêchement, les

magistrats du TPI peuvent être remplacéspar le président du TSA (art. L. 513-3 duCoJ) ; l’inverse est également vrai (art. L. 513-7 du CoJ).

Bien qu’il n’existe aucun lien juridictionnelentre les deux juridictions, le Code prévoitpourtant que le juge du TSA comme ceuxdu TPI de Saint-Pierre et Miquelonpeuvent être remplacés par desmagistrats (volontaires) désignés par lepremier président de la cour d’appel deParis. Ces derniers interviennent, soitphysiquement, soit par le biais de lavisioconférence.

Contrairement à la métropole qui réservel’évocation de certains contentieux à lacollégialité, le TPI statue toujours à jugeunique, en matière pénale comme enmatière civile ou commerciale. Le TSA necomprend qu’un seul magistrat, véritablemaître Jacques judiciaire qui allie à sesfonctions juridictionnelles naturelles dejuge du second degré, celles quiconsistent à administrer les juridictions,de concert avec le procureur de larépublique. Cependant, contrairement auTPI, le TSA statue toujours en collégialité.Pour ce faire, le président s’adjoint leconcours des assesseurs, citoyensvolontaires qui témoignent ainsi de leurintérêt pour la matière judiciaire. Cesderniers sont nommés pour deux ans pararrêté du ministre de la Justice etpeuvent, s’ils le souhaitent, reconduireleur mandat. Avant d’entrer en fonction,

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ils prêtent le serment prévu à l’article 6 del’ordonnance du 22 décembre 1958,celui-là même que prêtent les auditeursde justice le jour où ils deviennentmagistrats. Cette similitude témoigne dusouci du législateur d’assimilerfonctionnellement les assesseurs auxmagistrats professionnels qu’ils sont letemps de l’audience et du délibéré. Enfin,le TSA peut, en cas de besoin, siéger entant que tribunal criminel. Il est alorscomposé du président, de deuxassesseurs, de quatre jurés en premièreinstance et de six en appel (contre,respectivement, six et neuf en métropole).

La charge du ministère public est assuréepar un procureur de la république qui estun magistrat professionnel depuis 1984 ;celui-ci s’est substitué au commandantde la gendarmerie qui, de fait, jouaitauparavant ce rôle. Antérieurement à la loidu 20 décembre 2007, des « suppléantsdu procureur » assuraient sonremplacement en cas d’empêchement.En pratique, ceux-ci étaient des chefs deservices de l’état, peu au fait descontraintes procédurales et des missionsde plus en plus nombreuses ettechniques qui incombent au procureur.Ayant été jugé peu adapté, le système aété aboli par la loi précitée. Désormais,des magistrats du parquet général deParis prennent le relais en cas de vacancedu poste.

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La subsistance de particularitésSi l’on retrouve, dans l’organisationjudiciaire décrite ci-dessus, l’empreinte dumodèle métropolitain, en revanche lesauxiliaires de justice relèvent d’un statuttout à fait original et particulier. En effet, lataille de l’archipel et le nombre d’acteseffectués n’autorisaient pas d’envisager,en 1942, la création d’un barreau local,pas plus que la mise en place d’unecharge de notaire ou d’huissier. Cesfonctions étaient cependant nécessaires àla vie publique. Les moyens decommunication de l’époque nepermettaient pas leur rattachement à desétudes ou cabinets métropolitains. Il fallaitdonc inventer une structure sui generiscapable de répondre aux besoins, tout ensatisfaisant les obligations de professionsfortement réglementées.

Le statut des agréés en est une parfaiteillustration. Il n’existe ni avocat, nibarreau, à Saint-Pierre et Miquelon maisdes agréés dont le statut est fixé parl’arrêté du 27 janvier 1945. Le candidat àces fonctions doit être âgé de 25 ans etde nationalité française. Faute d’êtretitulaire d’un diplôme en droit ou de sonéquivalent, il devra passer, devant le chefdu service judiciaire, un examen portantsur la réglementation locale et lalégislation nationale, ainsi que sur larédaction de conclusions. Les agrééssont nommés par arrêté du préfet,contresigné par le président du TSA (art. 8). Ils exercent librement leur

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désigné par le chef du territoire,gouverneur ou préfet. À partir de 1989,un huissier ad hoc est désigné par lesautorités judiciaires, pour chaque acte.Face aux inconvénients procéduraux et àla lourdeur liée au nombre importantd’actes, les magistrats souhaitent quesoit, à nouveau, désigné un gendarme àtitre permanent. Cette initiative sera àl’origine de tensions entre ceux-ci, lecommandement de la gendarmerie, voirela haute hiérarchie. Le 27 juin 1989, ungendarme est nommé par arrêté dupréfet de la collectivité. Il refuse de prêterserment, invoquant des « raisonsdéontologiques » ainsi que « le souhait dene pas avoir de relations avec unequelconque clientèle ». Cette opposition,soutenue, semble-t-il par la direction dela gendarmerie, conduit à recourir, denouveau, aux services d’un huissier adhoc, choisi, cependant, parmi lesmembres de la gendarmerie. L’Armecessera définitivement de remplir cettemission en 1997, mais ce n’est que pararrêté préfectoral, cosigné par les chefsdu TSA, du 13 octobre 2008, qu’unhuissier titulaire est désigné, mettant finau système, par trop inadapté, del’huissier ad hoc. Ironie de l’histoire :l’actuel titulaire de la charge est unancien… gendarme !

ministère mais doivent, selon l’article 11,« s’abstenir de toutes suppositions dansles faits, de toute surprise dans lescitations et autres mauvaises voies,même de tout discours inutile etsuperflu… ». Toutefois, l’assistance d’unconseil n’est jamais obligatoire, même enappel.

une autre particularité tient au métier denotaire. Ce n’est que par le décret du30 juillet 1879 que la fonction de notaire,jusque-là assurée par le juge du tribunald’instance, est confiée à un notaire privé.Toutefois, après le décès du derniernotaire privé en 1943, il fut impossible delui trouver un successeur. Pour palliercette carence, le décret du 11 décembre1946 a adjoint la charge de notaire auxfonctions de chef de greffe du TSA. Celui-ci exerce donc à la fois une fonctionpublique et une profession libérale dont ilpossède le monopole. En revanche, etcontrairement à la pratiquemétropolitaine, la cession de l’office estimpossible puisque l’état en est seulpropriétaire.

Enfin, le décret de 1942 dispose, en sonarticle 183 : « un gendarme ou tout autreagent de la force publique fera l’officed’huissier ». Le problème ne s’est guèreposé pendant longtemps puisque lapersonne, investie de ce mandat en 1913,l’a exercé sans discontinuer jusqu’en1960. Durant les trente années suivantes,la fonction d’huissier a été remplie par ungendarme en activité ou en retraite,

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JeAN-YVes

GOUeFFONmagistrat, président dutribunal supérieur d’appelde saint-pierre etmiquelon.Diplômé de l’Institut d’étudespolitiques de Paris, ancienélève de l’école nationale dela magistrature (promotion82B), Jean-Yves Goueffon aeffectué l’essentiel de sacarrière dans différentsparquets ou en qualité dejuge d’instruction, notammentà Fort-de-France. Il estprésident du tribunalsupérieur d’appel de Saint-Pierre et Miquelon (975)

Héritière directe du schémamétropolitain, l’organisationjudiciaire de l’archipel, témoin d’un

réel empirisme, offre la constanteillustration d’une véritable justice deproximité, fort loin des encombrements etdes délais de la métropole. L’exercice a,cependant, ses limites : le système descitoyens assesseurs dans une petitecollectivité présente l’inconvénient de lesexposer ; la prise de risque peut êtredissuasive.

Par ailleurs, l’organisation tout à faitatypique des auxiliaires de justicerépondait au souci d’offrir, aux habitantsde Saint-Pierre et Miquelon, les mêmesservices qu’en métropole avec lesmoyens techniques limités de l’époque.Le développement de la visioconférence,outil souple et pratique amènera, peut-être, à poser un autre regard.

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Les gendarmes depoLynésie : des missionsvariées sur un territoireatypiQue

> Quelle est l’organisation de lagendarmerie en Polynésie au début duXXe siècle ?

> Quelles sont les missions des gen-darmes de la Polynésie à la Belle Époque ?

> Les gendarmes de Polynésie ont-ilsété concernés par le déclenchement dela Première Guerre mondiale ?

Le détachement de gendarmerie del’Océanie-Tahiti est organisé enbrigades et postes. Son financement estassuré à partir d’avril 1900 par le budgetlocal, ce qui entraîne une diminution deses effectifs de 50 à 20 personnels.

Les missions s’inspirent de laréglementation métropolitaine,notamment du décret du 20 mai 1903.Toutefois, les carences en matièred’effectifs de l’administration colonialeconduisent les gendarmes à assumerdes activités publiques variées.

La Polynésie fait partie des premiersterritoires français directement touchéspar la guerre. Le 22 septembre 1914,Papeete est bombardée par l’escadreallemande d’Extrême-Orient. Lesgendarmes jouent alors un rôle derenseignement et de protection despopulations.

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Le détachement de gendarmerie del’Océanie-Tahiti est organisé enbrigades et postes. Son financement estassuré à partir d’avril 1900 par le budgetlocal, ce qui entraîne une diminution deses effectifs de 50 à 20 personnels.

Les missions s’inspirent de laréglementation métropolitaine,notamment du décret du 20 mai 1903.Toutefois, les carences en matièred’effectifs de l’administration colonialeconduisent les gendarmes à assumerdes activités publiques variées.

La Polynésie fait partie des premiersterritoires français directement touchéspar la guerre. Le 22 septembre 1914,Papeete est bombardée par l’escadreallemande d’Extrême-Orient. Lesgendarmes jouent alors un rôle derenseignement et de protection despopulations.

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La gendarmerie de Polynésie entre 1900 et 1914

Au début du XXe siècle, la France estparvenue à transformer un vagueprotectorat, instauré sur le royaumePomare en 1842, en un territoirefrançais sur lequel elle exerce uneautorité pleine et entière. Le processusde rattachement s’achève avecl’annexion de Rimatara enseptembre 1901. Afin de le représenterdans cette lointaine possession duPacifique, l’État français s’appuie surquelques institutions directementissues de la métropole. Parmi celles-ci,la gendarmerie, implantée dès 1843,devient un représentant incontournablede l’administration, alors que leseffectifs de celle-ci subissent une forteréduction.

En 1900, les conditions d’emploi desgendarmes de Polynésie se rapprochentde celles de leurs camarades descolonies. Le cadre administratif est bâti surle même modèle avec quelques varianteslocales. Le pouvoir est concentré dans les

Amains d’un gouverneur placé à la têtedes établissements français de l’océanie(EFo), nom donné à l’époque à laPolynésie française. Ce hautfonctionnaire est en relation directe avecle ministère des Colonies, institué en1894, qui le charge d’appliquer sesdirectives. C’est à lui que revient lalourde responsabilité de gérer unensemble d’archipels de près de

4 000 km2

éparpillés(1) sur prèsde 4 000 000 km2

d’océan.

des poussières de france au milieudu pacifiqueCette centralisation affirmée souffrenéanmoins de deux écueils. D’une part,le gouverneur ne reçoit aucune formationspécifique pour le préparer à exercer sesfonctions dans le Pacifique. Ce n’est eneffet qu’à partir de 1914 que lesgouverneurs de Polynésie sont issus del’école coloniale. D’autre part, leur rapide

(1) La Polynésie française secompose des Îles sous leVent, de l’archipel de laSociété, de l’archipel Tubuai,de l’archipel des Marquises,de l’archipel des Tuamotu etde l’archipel des Gambier.

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par BeNOÎT HABerBUsCH

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semaines avant d’obtenir une affectationdans une île, déshéritée le plus souvent. Enréalité, la France n’a pas les moyens deremédier à l’isolement de sa colonie. Lesnavires en provenance de la métropolesont exceptionnels. La ligne régulière“Dunkerque-Papeete-nouméa” ne seracréée qu’en 1922. Coupée de lamétropole, Tahiti n’est même pas reliée à lanouvelle-Calédonie, en dépit de leursressources complémentaires.

Déjà peu conséquents, les effectifs de lagendarmerie de Polynésie subissent unecoupe drastique avec la loi de finance du13 avril 1900 qui fait supporter à la coloniel’ensemble de ses frais de fonctionnement(trésor public, sécurité, églises etadministration interne). À cette date, lelieutenant nougué commande 8 gradés et38 gendarmes, tous à pied. Dans lesannées qui suivent, la recherched’économie entraîne la suppression deplusieurs postes dont celui de l’officiercommandant le détachement de l’océanie.Ainsi, en 1914, l’adjudant Bouillaud n’aautorité que sur 3 gradés et

15 gendarmes(4).Moins nombreux, lesgendarmes doivent

néanmoins assurer des charges de plus enplus lourdes.

Les sentinelles polyvalentes de larépubliqueDans ces quelques archipels épars, dont laFrance a fait une colonie, les gendarmessont chargés de faire appliquer les lois dela IIIe république à une populationdisséminée, peu nombreuse et diversifiée.La Polynésie compte 28 960 habitants en

(4) Annuaires de lagendarmerie, 1900 et1914.d’outre-mer, 1990,p. 173.

mutation empêche de mener des projetsambitieux et surtout d’avoir uneconnaissance approfondie du territoire etde ses habitants. Ainsi, entre 1880et 1914, sur les 34 personnes qui ontoccupé le poste de gouverneur des EFo,16 étaient titulaires (gouverneurs de pleindroit) et 18 intérimaires (fonctionnaires augrade le plus élevé présent en Polynésieassurant la fonction jusqu’à la nomination

du gouverneur)(2).Durant la mêmepériode,

l’encadrement du détachement de lagendarmerie de l’océanie apparaît plusstable avec 11 commandants successifs.

Par ailleurs, la gendarmerie s’insèred’autant mieux dans le cadre administratiflocal que, comme pour les autrescolonies, celui-ci se caractérise par lafaiblesse de ses effectifs. En dehors deTahiti où les principaux services de l’étatsont représentés, l’administration desarchipels se résume au résident,représentant du gouverneur, entouréd’une poignée de fonctionnairesmétropolitains. Aussi, dans les atolls oules vallées éloignées, le gendarmeapparaît comme la « clé de voûte dusystème » en assurant l’ordre et en étantmême parfois, le seul représentant de

l’état(3). Compte tenudes moyens decommunication del’époque, son service

est avant tout marqué par l’isolement. Ilfaut en moyenne deux mois pour faire letrajet de la métropole vers Tahiti etpatienter encore des jours, voire des

(2) Pierre-Yves Toullelan,tahiti colonial (1860-1914),Paris, Publications de laSorbonne, 1984, p. 198.

(3) Paul de Deckker etPierre-Yves Toullelan, LaFrance et le Pacifique, Paris,Société françaised’histoire.d’outre-mer, 1990,p. 173.

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LA GEnDArMErIE DE PoLYnéSIE EnTrE 1900 ET 1914

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1900 et 31 770 en 1910. Les Polynésiensde souche représentent une majoritésilencieuse depuis le décès en 1891 du roiPomare V, porte-parole écouté et respecté.Son fils adoptif, Hinoi, bien que populaire,n’a pas la même aura. Sa disparitionsoudaine en 1916 entraîne la fin politiquedes Pomare après un siècle d’hégémonie.Autre communauté discrète, les Chinois, quisont près d’un millier en 1914, mais viventrepliés sur eux-mêmes. Quant aux colons(moins d’un millier, y compris lesdescendants d’Anglo-saxons etd’Allemands), ils compensent leur faiblessenumérique par la revendication ostentatoired’un droit de regard sur la bonne marche duterritoire. Moins remuante, l’églisereprésente également un acteurincontournable. Il y a, d’une part, lesmissions protestantes dont l’implantationremonte à 1797 et d’autre part, la missioncatholique installée en Polynésie orientaledès 1834. L’administration aimerait sedébarrasser de ces religieux mais leurprésence permet de pallier une carence depersonnel.

Pour administrer cette population localevariée, le gendarme de Polynésie se réfère à laréglementation métropolitaine, notamment audécret du 20 mai 1903. Toutefois, il existequelques variantes en matière de législation,comme la justice des mineurs. ni la loi du12 avril 1906 fixant la majorité pénale à18 ans, ni celle du 11 avril 1908 sur laprostitution des mineurs, ni celle du 22 juillet1912 sur les tribunaux pour enfants et la

liberté surveillée ne sontpromulguées dans lesEFo(5).

(5) Les tribunaux pourenfants ne seront installés enPolynésie qu’avec le décretdu 30 novembre 1928.

Malgré ces disparités, les autorités veillentplus particulièrement à ce que lesgendarmes luttent contre les « ennemis dela république » symbolisés par letatouage, les écoles libres, l’opium etsurtout l’alcoolisme qui est responsabled’une bonne partie des enquêtesjudiciaires. Entre 1900 et 1910, parmi lesaffaires jugées aux tribunaux de Papeeteet de raiatea, on compte 2 crimes, tousdeux liés à des affaires de mœurs, et351 délits composés en grande partie devols et de coups et blessures souvent liés

à l’ivresse(6). Lamajorité des affairesse produit à Tahiti oùse concentre lapopulation. Les

hommes sont sur-représentés par rapportaux femmes. La faiblesse de ladélinquance qui transparaît à travers lesstatistiques doit néanmoins être nuancéecar une bonne partie des infractionscommises dans les archipels n’est pasrelevée par manque de personneldisponible. La rareté des fonctionnaires aégalement pour conséquence d’alourdir lacharge des gendarmes du Pacifique. Ilsoccupent à la fois les fonctions de greffier,huissier, officier ou secrétaire d’état civil,agent de recouvrement, commissaire depolice. Plus surprenant, les soldats de laLoi peuvent être nommés agent des pontset chaussées, voire… instituteur.

Fortement sollicités au quotidien, lesgendarmes le sont encore plus lorsd’événements exceptionnels tels que lespassages de cyclones, redoutables danscette partie du monde. Ainsi, en 1903

(6) Bouvet (capitaine), Iorsch(adjudant-chef), étudesommaire sur l’évolution dela criminalité à tahiti et enPolynésie entre 1870 et1959, Papeete, groupementde gendarmerie du Pacifique,1960, pp. 5, 7 et 8.

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orient, l’ostasiengeschwader. Elle secompose de deux croiseurs cuirassés, leScharnhorst et le Gneisenau, de troiscroiseurs légers, l’Endem, le Nurnberg et leLeipzig et de 8 navires charbonniers.L’ouverture du canal de Panama en 1914accroît l’importance stratégique de ceslointaines bases allemandes.

Confrontée à de longues distances àparcourir, la marine allemande s’intéresse àla Polynésie française pour ses capacitésde ravitaillement en vivres et surtout encharbon. Les gendarmes du détachementde l’océanie vont rapidement s’en rendrecompte. Le 21 septembre 1914, legendarme Garet, du poste de Bora Bora,voit arriver au matin un navire charbonniersuivi de deux croiseurs. Ils n’arborent aucunpavillon. Montant à bord d’un des naviresde guerre, le modeste soldat de la Loi estreçu par l’amiral von Spee en personne.S’exprimant assez mal en français, l’officierdemande à acheter du charbon et quelquesproduits alimentaires. Le gendarme pensed’abord avoir à faire à des Anglais avant deréaliser, un peu tard, sa méprise. Sonattitude manquera de lui coûter sa carrièrepar la suite. Plus grave, ayant appris quePapeete disposait d’un dépôt de charbonimportant, l’amiral von Spee donne l’ordre àses navires d’appareiller pour s’emparer dece butin prometteur. Cependant Tahiti doitson salut à l’arrivée providentielle d’unhomme à la suite d’une rencontre fortuite.Le 2 août 1914, lors d’une escale à raiateadu croiseur cuirassé Montcalm et de lacanonnière la Zélée, l’amiral Huguet,commandant la division navale del’Extrême-orient apprend du commandant

et 1905, le maréchal des logis Claverie, lesgendarmes Marain et Sevrain sont cités àl’ordre du jour du détachement « pourl’intelligence et le dévouement dont ils ontfait preuve en organisant et en se portant ausecours des habitants lors des inondationsqui ont désolé la vallée d’Atuona(Marquises) ». Pour finir, on ne peut évoquerla Polynésie de la Belle époque sansmentionner les relations tumultueusesentretenues par le peintre Paul Gauguinavec les gendarmes dans les dernièresannées de sa vie aux Marquises entre 1901et 1903.

septembre 1914, un crime (de guerre)au paradisL’isolement de la Polynésie en 1914 pourraitlaisser croire que ses habitants n’ont perçuque faiblement les échos du déclenchementde la Première Guerre mondiale. En réalité,ils vont être parmi les premiers Françaisdirectement confrontés aux affres de laguerre. En effet, on ignore souvent quel’empire colonial allemand s’est développédans le Pacifique dès les années 1860 sousforme de comptoirs destinés à exploiter lesressources locales : le phosphate, le

coprah(7), lecaoutchouc, les bois

tropicaux, le café, le cacao et les perles.Aussi, à la veille du conflit, les Allemandssont-ils présents aux Samoa occidentales,dans le nord-est de la nouvelle-Guinée, auxSalomon du nord et dans une grande partiede la Micronésie. Plus inquiétant,l’occupation de Tsingtau en Chine permet laconstruction de la grande base navale deKiaou-Tchéou où l’amiral Maximilian vonSpee concentre son escadre d’Extrême-

(7) Le coprah est l’albumenséché de la noix de coco.

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LA GEnDArMErIE DE PoLYnéSIE EnTrE 1900 ET 1914

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d’un cargo anglais de passage, le talune,que l’Allemagne vient de déclarer la guerreà la France et à la Grande-Bretagne. Avantde retourner à nouméa, il charge lelieutenant de vaisseau Destremeau,commandant la Zélée, de gagner au plusvite Tahiti pour y organiser la défense de

l’île(8). La confirmationofficielle de la guerrene vient que le 29 août

1914 mais, malgré l’indigence des moyensmilitaires locaux, un plan de défense estmis en œuvre sous l’impulsion énergiquede l’officier de marine avec l’aide desgendarmes locaux.

Quand le Scharnhorst et le Gneisenauapparaissent devant Papeete, ils nes’attendent pas à être reçus à coups decanon. Le lieutenant de vaisseau ordonnemême de détruire le dépôt de charbon pouréviter qu’il ne tombe aux mains del’ennemi. Surpris par cette résistance etignorant la capacité des forces adverses,l’amiral von Spee décide de lever l’ancrenon sans avoir bombardé Papeete. Aucours de l’incendie qui détruit une partie dela ville, l’adjudant Bouillaud se distinguedans l’organisation des secours et la luttecontre le feu. Deux jours plus tard, lamenace se déplace vers les îles Marquises.Du 24 au 30 septembre, le gendarmeXavier Martin de la brigade de nuku Hivanote les allers et venues des navires del’escadre ennemie qui se donnent rendez-vous dans la baie de Taiohae sur son île.Descendus à terre, les Allemandsréquisitionnent du bétail qu’ils paient avecl’argent confisqué dans la caisse del’administration. Le 1er octobre, l’île voisine

(8) Lire Michel Gasse, tahiti1914, le vent de guerre,Lardy, A la frontière, 2009,352 p.

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LA GEnDArMErIE DE PoLYnéSIE EnTrE 1900 ET 1914

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de Hiva oa reçoit la visite du Gneisenau. Lemaréchal des logis Fromentin de la brigaded’Atuona parvient à mettre l’argent de sacaisse en lieu sûr et à persuader lesAllemands débarqués qu’il ne possède plusde fonds. Cet acte lui vaut une citation à

l’ordre du groupe duPacifique(9). La menaceque fait peserl’escadre allemande

d’Extrême-orient s’achève le 8 décembre1914 quand l’amiral Doveton Sturdee, à latête de son escadre anglaise, coule leScharnhost, le Gneisenau, puis le nurnberget le Leipzig au large des Malouines.

Ainsi, au début du XXe siècle, le servicedes gendarmes en Polynésie est àl’image de celui des autres

gendarmes coloniaux, l’isolement en plus.éparpillés dans des îlesséparées par desdistancesconsidérables, ilsconstituent un maillond’autant essentiel pourl’administrationfrançaise qu’ilsprennent à leur compteun grand nombre demissions publiques.

(9) Bagarie (capitaine), « LaGendarmerie en océaniefrançaise », revue d’étudeset d’informations, n° 25,3e trimestre 1955, p. 64.

BeNOÎT

HABerBUsCHcapitaine benoîtHaberbusch, officier degendarmerie, affecté auservice historique de ladéfense (sHd).Docteur en histoire, lecapitaine Benoît Haberbuschest affecté à la divisionétudes Enseignementrecherche du SHD. Cespécialiste de l’histoire de lagendarmerie a consacréplusieurs ouvrages et articlessur ce sujet. Il prépareactuellement deux ouvragescollectifs, l’un sur le rôle desgendarmes face aux coursmartiales de Vichy et l’autresur le groupe d’escadronsMuongs en Indochine.

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mayotte, une îLecHargée d’Histoire

> À quand remonte le rattachementde Mayotte à la France ?

> Quelles ont été les grandes périodeshistoriques pour Mayotte ?

> Quelle la place de la gendarmerie àMayotte ?

C’est en 1841 que l’île estachetée au SultanAndriantsoul.

De 1841 à 1946, Mayotte estune colonie française, puis elleest intégrée au territoired’outre-mer des Comores. De 1976 à 2009, son statut vaévoluer en collectivitéterritoriale, puis devenirofficiellement, en 2011, le101e département français.

Le premier gendarme arrivesur l’île en 1933, mais il fautattendre 1957 pour queMayotte accueilleprogressivement despersonnels.

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Mayotte, histoire d’une île entre Afrique et Madagascar

Le 31 mars 2011, suite à un référendum,Mayotte devient le 101e départementfrançais et le cinquième en O utre-meravec la Guadeloupe, la Guyane, laMartinique et la Réunion. Ladépartementalisation estl’aboutissement d’un long processusmarqué par une succession de statutsmais aussi la volonté de la populationde demeurer au sein de la Républiquefrançaise. Cette page d’histoire de cetteîle située au sein de l’archipel desComores a vu aussi l’implantationprogressive de la gendarmerie.

L’histoire de Mayotte est singulière. Alorsque la majorité des possessions françaisesa été acquise militairement, Mayotte a étéachetée en 1841 au Sultan Andriantsoulqui, lassé des querelles entre sultans desComores, cherche l’appui d’une puissanceétrangère. Cette zone stratégique del’océan Indien est également fragilisée pardes divisions internes et la menacemalgache.

L1841 - 1946 : mayotte, une colonieLes grandes puissances colonialeseuropéennes que sont l’Allemagne,l’Angleterre, le Portugal et la Francerivalisent pour asseoir leur suprématiedans la région. La France, en quête d’unabri maritime sécurisé depuis la perte del’île de France “Maurice” au profit del’Angleterre en 1814, disposerait alorsavec cette île d’un port stratégiquemajeur au cœur de l’océan Indien. C’estainsi que, le 25 avril 1841, est signé lepremier document officiel entre le Sultanet la France : le traité de cession deMayotte à la France. Le 9 décembre1846, une ordonnance royale portant surl’abolition de l’esclavage à Mayotte estrédigée mais la mise en application dudécret libérateur n’intervient que 2 ansplus tard. Entre 1843 et 1896, Mayottesert de base avancée aux navires deguerre et de commerce. En 1864, lapremière école publique voit le jour àDzaoudzi. Puis entre 1886 et 1887,

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Comore et Mayotte) deviennent alors uneseule colonie française.

1946 - 1975 : mayotte, une île au seindu tom des comoresLe 24 septembre 1946, les Comoresaccèdent aux statuts de Territoiresd’outre-mer (Tom). La loi du 9 mai 1946confère également aux Comores unrégime spécifique d’autonomie interneséparé de Madagascar et renforcé par leslois du 22 décembre 1961 et du 3 janvier1968.

l’archipel des Comores devient unprotectorat français et prend le nom deprovince de “Madagascar etdépendances” entre 1908 et 1914. Danscette période, Mayotte est considéréecomme une simple dépendance deMadagascar, point d’implantation majeurde la France dans la région. À cetteépoque, Mayotte a pour seul intérêt d’êtreune “annexe” de la “grande île”, surnomde Madagascar. Madagascar et lesComores (Anjouan, Mohéli, la Grande

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Histoire

MAYoTTE, HISToIrE D’unE ÎLE EnTrE AFrIQuE ET MADAGASCAr

« À cette époque, Mayotte a pour seul intérêt d’être une “annexe” de la “grande île”, surnom deMadagascar. Madagascar et les Comores (Anjouan, Mohéli, la Grande Comore et Mayotte) deviennentalors une seule colonie française. »

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En 1958, lors du référendum proposé parle général de Gaulle aux populationsd’outre-mer, le statut de département estmajoritairement adopté parmi les choixproposés de territoire d’outre-mer oud’indépendance.

Le 14 mai 1958, l’Assemblée territorialevote une motion demandant le transfertde la capitale de Dzaoudzi (Mayotte) àMoroni (Grande Comore). Les quatreconseillers représentant Mayotte àl’Assemblée territoriale des Comoresdéposent, quelque temps après, unemotion pour demander ladépartementalisation. Cette dernière estrejetée pour le motif suivant : « eu égard àleurs mœurs et coutumes particuliers, lesMahorais s’intégreraient difficilement auxstatuts français ». Pourtant, et de manièreconstante jusqu’à l’indépendance desComores en 1974, les Mahoraisdemeurent foncièrement opposés à leurintégration au sein des institutionscomoriennes, synonymes, pour eux,d’instabilité politique, d’insécurité et deprivation de libertés. Le choix de resterfrançais et d’accéder au statutdépartemental a toujours représenté pourla population mahoraise un ancrage fortdans la république, la garantie d’unestabilité institutionnelle, l’assurance depouvoir vivre dans un état de droit etl’aspiration au progrès économique etsocial.

Le 15 juin 1973, des accords surl’accession progressive à l’indépendance

des Comores sont signés. Va alorss’enchaîner une succession deconsultations sur l’indépendance des îlesde l’archipel.

Lors du scrutin d’autodétermination du22 décembre 1974, le vote global est enfaveur de l’indépendance mais ledécompte île par île, non explicitementprévu avant le vote, montre que Mayottese distingue. En effet, les îles de la GrandeComore, d’Anjouan et de Mohéli seprononcent rapidement pourl’indépendance tandis que les Mahoraischoisissent, à 63,82 % des suffragesexprimés, le maintien dans la républiquefrançaise.

1976 - 2000 : mayotte, une collectivitéterritoriale de la républiqueDeux nouvelles consultations sontorganisées afin de déterminer l’évolutioninstitutionnelle de Mayotte : celle du8 février 1976 confirme les résultats duréférendum du 22 décembre 1974 sur lavolonté des Mahorais de demeurerfrançais. Celle du 11 avril 1976 invite lapopulation de Mayotte à déterminer sonstatut au sein de la république.

Le statut de territoire d’outre-mer estrejeté par 97,47 % des suffragesexprimés, tandis que 79,59 % des votantsont exprimé leur souhait de voir Mayottedotée du statut de département d’outre-mer. La loi du 24 décembre 1976 dotedonc Mayotte d’un statut hybride etprovisoire de collectivité territoriale de la

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Dorénavant, l’organisation administrativedes départements issus de la loi dedécentralisation du 2 mars 1982,s’applique à Mayotte.

La Constitution de Mayotte est révisée le28 mars 2003, dans le cadre d’une loiavec inscription à l’article 72-3 alinéa 2 dela Constitution. C’est une décisioncapitale dans l’évolution institutionnelle deMayotte : « La république reconnaît, ausein du peuple français, les populationsd’outre-mer, dans un idéal commun deliberté, d’égalité et de fraternité. »

Dès 2008, les événements s’enchaînentrapidement. Le conseil général est« autorisé » à demander une modificationde ses statuts dans le cadre de l’article72-4 de la Constitution, ce qu’il fait dès le18 avril 2008 en décidant « une résolutionportant sur la modification du statut deMayotte et son accession au régime dedépartement et région d’outre-mer définià l’article 73 de la Constitution ».

Le gouvernement conclut alors un Pactepour la départementalisation de Mayottele 8 janvier 2009.

Le 11 janvier 2009, le gouvernementpropose à l’Assemblée nationale puis auSénat, une consultation des électeurs deMayotte quant à la départementalisation.Le 29 mars 2009, les Mahorais ont àrépondre à la question suivante :« Approuvez-vous la transformation deMayotte en une collectivité unique

république : l’île n’est ni un Dom, ni unTom, mais participe de deux systèmes.Elle possède alors de nombreusesspécificités juridiques etorganisationnelles tout en conservant sonstatut personnel, n’ayant pas de statut dedroit civil (art 75 de la Constitution).

Il faut attendre près d’un quart de sièclepour que la situation institutionnelle deMayotte évolue de nouveau.

2000 - 2009 : la départementalisationde mayotteL’année 2000 marque pour Mayotte uneévolution sans précédent de ses statuts.Le 27 janvier, un accord est signé entrel’état et la collectivité, définissant lesorientations communes. Le 2 juillet 2000,les Mahorais sont consultés et seprononcent à 73 % en faveur de cetaccord qui prévoit, entre autres, de doterle conseil général de nouvellescompétences et de confier l’exécutif auprésident de cette assemblée.

La loi du 11 juillet 2001 officialise cerésultat en confirmant l’appartenance deMayotte à la république en qualité de« collectivité départementale ». Cenouveau statut est composite ettransitoire. La loi arrêtechronologiquement les différentesséquences de la décentralisation. Elleconserve même le principe de spécificitélégislative, le modifiant seulement pardérogations (principe de l’identitélégislative par exemple).

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appelée « Département », régie parl’article 73 de la Constitution, exerçant lescompétences dévolues aux départementset aux régions d’outre-mer ? ». Commelors des consultations de 1958, 1974 et1976, le message est particulièrementclair : 95,20 % des Mahorais répondent« oui » pour un taux de participation de61,37 %.

Le principe de la départementalisation deMayotte est validé par la loi du 3 août2009, dont l’application est portée au

mois demars 2011(1). S’ensuivent une loi simple

et une loi organique le 7 décembre 2010,finalisant les modalités de passage deMayotte dans le régime d’identitélégislative et de l’application du droitcommun. Les deux lois décrivent lesconditions de fonctionnement de lacollectivité unique exerçantsimultanément les attributions d’undépartement et d’une région d’outre-mer.

Depuis le 31 mars 2011, ladépartementalisation est officielle. Leconseil général sera totalement renouveléen 2014, comme les conseillers générauxet régionaux de métropole et autres Dom.

(1) Date de la premièreréunion suivant lerenouvellement del’assemblée délibérante.

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L’implantation de la gendarmerie àmayotteAu début de la colonisation, aucungendarme n’est présent ni aux Comoreset ni à Madagascar. Il faut attendre ledécret du 12 octobre 1931 pour voirapparaître un détachement de lagendarmerie à Madagascar dont laplupart des missions sont à vocationadministrative, puis militaire dans le cadrede l’instruction des forces indigènes.

Mais, ce décret ne concerne pas lesComores et à cette époque, lagendarmerie n’est pas implantée sur l’îlede Mayotte. C’est en 1933 que le premiergendarme métropolitain, pris sur leseffectifs de Madagascar, le gendarmeJacques Abrial, arrive sur l’île au parfum.Entre 1933 et 1957, il n’y aura que deuxgendarmes métropolitains : un surGrande-Terre, l’autre sur Petite-Terre.L’arrivée de gendarmes en renfort àMayotte aurait dû être effective après lapublication du décret du 17 juin 1950. Cedernier prévoyait la création de lagendarmerie d’Afrique orientale française.Mais il n’a pas été appliqué aux unitésdes Comores. C’est à partir de 1957 queMayotte et l’archipel des Comorescommencent réellement à être dotés degendarmes.

Suite au décret du 17 novembre 1961, lechef-lieu de l’archipel est déplacé àMoroni sur Grande Comore. Pour faireface au départ de l’état-major, une

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territoriale de M’Zouazia. Le 15 juin 1992est créé le groupement de gendarmeriedu sud de l’océan Indien incluant laréunion, Mayotte, les Îles éparses ainsique les Terres Australes et Antarctiquesfrançaises. À partir de cette date, l’effectifde la gendarmerie reste stable face à unedémographie croissante. Il faudraattendre les événements de février 1993pour que deux pelotons de gendarmesmobiles arrivent à Mayotte. En 2003, lagendarmerie de Mayotte est dotée d’unebrigade de recherches puis le 27 février2004, d’une brigade nautique.

aujourd’hui, un commandement de lagendarmerie de mayotteLe 1er mai 2003, le groupement du sud del’océan Indien devient commandement dela gendarmerie (ComGend) de la réunionet, par arrêté du 12 mars 2004, lacompagnie de Mayotte devient à son tourune formation administrative.

Désormais, un escadron complet degendarmes mobiles vient en renfort duComGend. Pour accueillir l’état-major surPamandzi, une nouvelle caserne estinaugurée le 4 mars 2005 par madameBrigitte Girardin, ministre de l’outre-mer.Elle permet de regrouper dans un mêmebâtiment l’état-major, la brigade dePamandzi et la brigade de recherches.

Le Peloton de surveillance etd’intervention de la gendarmerie (Psig) estcréé le 1er août 2006 et est renforcé le1er mars 2008 p ar une équipe cynophile.

brigade territoriale est créée àFoungoujou, sur Petite-Terre. Cependant,dès 1967, la plupart des gendarmes nesont pas remplacés et, pour compensercette absence, la Légion étrangère vients’installer sur le rocher, dans les ancienslocaux de la gendarmerie. En 1964, legroupement des Comores est inclus dansla légion de l’océan Indien en mêmetemps que la compagnie prévôtale deMadagascar. Dans les années 70, lasituation aux Comores devient de plus enplus trouble en raison de l’influencegrandissante des mouvementsindépendantistes. Les gendarmes deMamoudzou sont peu nombreux et nepeuvent réagir en conséquence. Suite àces perturbations, la brigade territorialede Sada est créée le 1er mai 1974. En1973, la légion de gendarmerie de l’océanIndien a été dissoute pour être remplacéepar le groupement de la réunion. En1975, la compagnie de Mayotte,provenant de la dissolution dugroupement des Comores, est rattachéeà cette nouvelle formation. Le 6 novembre1975, la brigade de M’Tzamboro voit lejour, avec pour principale mission lasurveillance des migrations enprovenance des autres îles. Endécembre 1975, la gendarmerie quittedéfinitivement les Comores pour rejoindreMayotte, l’état-major s’installant àPamandzi. Malgré deux années instables,Mayotte se fait oublier de la métropolejusqu’aux troubles de 85 - 86. L’étatdécide alors de créer, en 1988, la brigade

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Le 15 octobre 2008, pour faire face à laforte augmentation du trafic aérien, unebrigade de gendarmerie des transportsaériens est mise en place. Le 16 février2009, un groupe d’intervention régionalvoit le jour sous commandement de lagendarmerie suite à la transformation dela brigade de recherches en section derecherches, le 4 février de la mêmeannée. Cette création officielle permet devoir arriver les fonctionnaires des autresadministrations et de consolider uneposition déjà bien acquise dans lepaysage des forces de sécurité présentessur l’île. C’est un moyen supplémentairede combattre les diverses organisationscriminelles présentes à Mayotte et dans lazone, liées principalement à l’immigrationclandestine. En novembre 2009, laSection aérienne de gendarmerie (Sag)est constituée, équipée d’un hélicoptèreAS350 écureuil. La création de cette unitéfait suite à la volonté politique de renforcerles moyens de lutte contre l’immigrationirrégulière à Mayotte. La Sag et sonpersonnel ont pour mission principale lareconnaissance du lagon, afin derechercher d’éventuels kwassas-

kwassas(2) oud’identifier les échossuspects détectéspar le radar.

(2) Les kwassas kwassassont le nom comorien pourles petites embarcations depêche rapides à moteur et àfond plat. Ils sont souventutilisés par des passeurspour l’immigrationclandestine vers Mayotte.

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Présente depuis plus de quatre-vingt ans à Mayotte, l’Arme s’esttoujours adaptée à la société

locale et à ses coutumes. Passée d’unegendarmerie coloniale à une

gendarmeried’outre-mer, elle asu réagir aucontexte régional.Aujourd’hui, il luifaut faire face à unedémographiegalopante et à destransformationssociales quil’obligeront àanticiper les criseset juguler lesdébordements.

Être gendarme àMayotte aujourd’huiest une missionbien éloignée decelle que JacquesAbrial, le premierd’entre-eux,assurait en 1933.

rODOLPHe HAYesous-lieutenant rodolpheHaye, officier-élève àl’école des officiers de lagendarmerie nationale(77). Après avoir effectué sonservice militaire engendarmerie en 1998 enqualité de gendarme auxiliaireau peloton de surveillance etd’intervention de lagendarmerie de reims (51), lesous-lieutenant Haye intègrel’école des sous-officiers degendarmerie du Mans (72). Ilsert ensuite en gendarmeriemobile (escadrons 23/7 deSélestat (67) - 24/1 deMaisons-Alfort (94) - groupedes pelotons d’intervention àSaint-Denis de la réunion),avant d’intégrer l’école desofficiers de la gendarmerienationale via le concourssemi-direct. Il prépareactuellement un master 2 en« droit et stratégie de lasécurité », à l’université ParisII-Assas et travaille à larédaction d’un mémoire surles conséquences pour lagendarmerie de ladépartementalisation deMayotte. Dans cet article,l’auteur précise qu’il s’estappuyé sur les travaux demadame Isabelle Denis,docteur en histoirecontemporaine, spécialiste del’histoire de Mayotte et de lacolonisation des îles del’océan Indien.

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BLOC-NOTES

Interdépendances croissantes, diffusion quasiinstantanée de l’information, confrontation des valeurs,des croyances et des identités sont autant d’élémentsqui caractérisent les évolutions majeures en ce début duXXIe siècle. Dans ce contexte, la volonté grandissante defédérer des acteurs autour d’objectifs transnationaux –sécurité internationale, défense de l’environnement,régulation du système financier – constitue un défi pourles décideurs. Les bouleversements politiques,économiques, technologiques et sociaux que nousobservons portent en eux une rupture radicale avec lescadres de référence traditionnellement admis. Face à des enjeux à la fois globaux etlocaux, comment évoluent l’art et la manière de concevoir et de prendre une décision ?L’école nationale d’administration, l’école des hautes études commerciales et l’écolede guerre qui forment les décideurs de demain, organisent chaque année un colloqueoù chacun partage sa vision. Cette année, il s'agit de dresser le portrait du décideur duXXIe siècle autour du thème « Nouveau monde, nouveauxdécideurs ? ».

« Nouveau monde,nouveaux décideurs ? »

Retrouvez tous lesrenseignements sur lesite www.colloque-ena-edg-hec.fr

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retour sur images NUMÉRO 244

ST-PIERRE et MIQUELON

MARTINIQUE

GUADELOUPE

SAINT-CLAUDE

TERRE-NEUVE

FORT-DE-FRANCE

LA POLYNÉSIE

TAHITI

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LA CYBERSÉCURITÉLes prédateurs se sont approprié le cyberespace. Leur action quotidienne porte atteinte auxparticuliers, aux administrations, aux entreprises, mais aussi aux intérêts fondamentaux de laNation. À l’occasion de la 5e édition du Forum international de la cybersécurité créé par lagendarmerie en 2007, la Revuea fait un état des lieux en donnant la parole aux acteurs publics etprivés, civils et militaires, tous unis pour faire en sorte que l’ère numérique soit celle de la libertéet non de l’asservissement.

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DIRECTION GÉNÉRALE DE LA GENDARMERIE NATIONALE (DGGN)Sirpa-Gendarmerie 4 rue Claude Bernard - 92130 ISSY-LES-MOULINEAUX

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DIRECTEUR DE LA PUBLICATIONGénéral de brigade Didier BOLOT

RédactionDirecteur de la rédaction : colonel Jean-Luc KRIEGEL

Rédactrice en chef : Suzanne FERRET

Conception maquette :Entrecom

COMITÉ DE RÉDACTIONGénéral d’armée (2S) Marc WATIN-AUGOUARD, directeur du centre de recherche de l’EOGN

Général de corps d’armée Richard LIZUREY, major général de la gendarmerie nationaleGénéral de corps d’armée Christophe MÉTAIS, commandant des écoles de la gendarmerie nationale

Général de brigade Didier BOLOT, conseiller communication du directeur général de la gendarmerie nationale - chef du Sirpa-gendarmerie

Colonel Bernard CLOUZOT, cabinet

COMITÉ DE LECTUREGénéral d’armée Laurent MULLER, inspecteur général des armées – gendarmerie

Général d’armée (2S) Marc WATIN-AUGOUARD, directeur du centre de recherche de l’EOGNGénéral de corps d’armée Richard LIZUREY major général de la gendarmerie nationale

Général de corps d’armée Christophe MÉTAIS, commandant des écoles de la gendarmerie nationaleGénéral de corps d’armée Bertrand SOUBELET, directeur des opérations et de l’emploi

Général de brigade Didier BOLOT, conseiller communication du directeur général de la gendarmerie nationale - chef du Sirpa-gendarmerie

Colonel Jean-Louis SALVADOR, chef du département gendarmerie au sein du service historique de la DéfenseColonel Bernard CLOUZOT, cabinet

ÉDITIONDélégation à l’information et à la communication de la défense (Dicod)

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Photogravure - ImprimerieService de diffusion de la gendarmerie 11, rue Paul Claudel – 87000 Limoges

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37, rue Gilles de Roberval – B.P. 1561 – 87281 Limoges Cedex 9N° de commission paritaire : 0311 B 05788

N° d’ISSN : 1243-5619Dépôt légal à parution - Tirage : 16000 exemplaires

Abonnements : ECPAD - Internet : [email protected]

Rédacteurs :Capitaine Frédéric RODRIGUES

Capitaine Céline MORINCapitaine Céline MAUMY

Aspirante Élodie GRANGIÉAspirant Haroun-Nasser BEN LAGHA

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Maquettiste PAO:Major Carl GILLOT

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Gendarmerie et enseignementsupérieur, un partenariat naturelLe concept de partenariat fait aujourd’hui partie intégrante del’action publique. Des démarches en ce sens sont ainsi érigéesentre de multiples acteurs étatiques et institutionnels et la sphèreprivée, et ce dans de nombreux domaines. La gendarmerie, auregard des missions qui sont les siennes, travaille étroitementavec le monde universitaire sur des thématiques sécuritairesmais pas seulement. Ses méthodes de gestion de crise,d’anticipation et de montée en puissance, de management deshommes, retiennent aussi l’attention. L’ambition pour lagendarmerie, au-delà de la diffusion de ses bonnes pratiques etde la reconnaissance de son expertise, est de développer unréseau professionnel, gage de son rayonnement et de sonancrage au sein de la société. Notre Institution participe ainsi à lamise en valeur du monde militaire et de ses spécificités, maisaussi de sa propre identité.

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THÈME DU PROCHAIN DOSSIER

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DROIT > Un arsenallégislatif et des pouvoirspublics mobilisés

SÉCURITÉ > L’insécuritépeut-elle ruiner l’essordes Outre-mer ?

REVUEde la gendarmerie nationaleREVUE TRIMESTRIELLE / MARS 2013 / N° 245 / PRIX 6 EUROS

LES ENJEUX DE DÉFENSE ETDE SÉCURITÉ NATIONALE

LES VIOLENCES INTRAFAMILIALESÀ LA RÉUNION

FORMATION INTERNATIONALEÀ LA LUTTE ANTIDROGUE

LesOutre-mer

AVEC LA COLLABORATION DU CENTRE DE RECHERCHE DE L'ÉCOLE DES OFFICIERS DE LA GENDARMERIE NATIONALE

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