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Numéro 5 – octobre 2017 VILLES DE DEMAIN : LES ENJEUX DU NUMÉRIQUE La fabrique urbaine dans la ville intelligente TENDANCES Répondre aux nouveaux défis des territoires CONNECTONS NOS TALENTS

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Numéro 5 – octobre 2017

VILLES DE DEMAIN : LES ENJEUX DU NUMÉRIQUE

La fabrique urbaine dans la ville intelligente

TENDANCESRépondre aux nouveaux défis des territoires

CONNECTONS NOS TALENTS

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Sommaire

VILLES DE DEMAIN : LES ENJEUX DU NUMÉRIQUENUMÉRO COORDONNÉ PAR ANTOINE COURMONT, SCIENCES PO PARIS

Numérique et territoireNUMÉRIQUE, LA FIN DES TERRITOIRES ?........................................................................7

L’AMÉNAGEMENT NUMÉRIQUE DU TERRITOIRE : QUEL (NOUVEAU) RÔLE DE LA PLANIFICATION ? ..........................................................11

SMART CITY VERSUS STUPID VILLAGE ?.......................................................................13

LE NUMÉRIQUE, UNE LUMIÈRE NOUVELLE SUR UN VIEUX MONDE................................15

Données et gouvernance urbaineQUI GOUVERNE(RA) LA VILLE NUMÉRIQUE ? ................................................................21

DES DONNÉES PUBLIQUES AUX TRACES NUMÉRIQUES : LA DATA DANS LA VILLE.................................................................................................22

QUAND LES PLATEFORMES NUMÉRIQUES TRANSFORMENT NOS TERRITOIRES.........27

UN NOUVEAU MODÈLE DE FINANCEMENT POUR LA VILLE ? ........................................32

NOUS SOMMES LES VILLES INTELLIGENTES .................................................................35

GOUVERNER AUTREMENT L’URBAIN : LA DATA, UNE QUESTION DE SAVOIR ET DE POUVOIR ..................................................39

La fabrique urbaine dans la ville intelligenteÀ RENNES, UN SERVICE PUBLIC MÉTROPOLITAIN DE LA DONNÉE ...............................45

CULTURE NUMÉRIQUE, CULTURE URBAINE : L’AMÉNAGEUR RESTE UN FACILITATEUR .......................................................................49

DÉVELOPPER L’INNOVATION NUMÉRIQUE : LES PRATIQUES DES TERRITOIRES ...............................................................................54

CROWDSOURCING URBAIN ET PARTICIPATION CITOYENNE NUMÉRIQUE ..................62

Glossaire

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D’où vient le tropismerennais, en matièred’open data ?

Bernadette KESSLER –Rennes s’est engagée trèstôt dans l’ouverture des

données publiques, en lien directavec sa politique dynamique surles transports publics. Sans êtreparfaitement conscients detoutes les implications de l’opendata sur l’évolution de nos pra-tiques, nous avions la conviction– et cette idée était partagée parnos élus – que la mise à disposi-tion, librement et gratuitement,de données publiques de qualitéstimulerait la création de servicesinnovants dans tous les domainesde nos compétences. Cela a ététout de suite le cas pour les trans-ports publics et l’information« voyageur » bien sûr, mais aussisur des sujets moins spectacu-laires et pourtant importantspour nos politiques publiques telsque l’accessibilité de l’espace public ou la visualisation desbudgets. C’est l’engagement im-portant et volontaire d’un certainnombre de services, déjà con-cernés par la gestion de données,qui a rendu possible ce mouve-ment précoce d’open data. Parexemple, l’implication des agentsdu système d’information géo-graphique a été déterminante

pour l’ensemble du programmerennais. Nous avons aussi comprisassez vite que, si l’ouverture desdonnées publiques a bien sûr des objectifs de transparence démocratique et de soutien à l’économie, elle est aussi, et peut-être surtout, un fort levierd’amélioration et de modernisa-tion de l’action publique.

Pourquoi passer à un stade supérieur, avecle service métropolitainde la donnée ?BK – La valeur des données estproportionnelle à leur utilisationet leur circulation. Depuis les troisdernières années, le contextelégis latif a conforté le mouve-ment d’ouverture des donnéespubli ques en instituant vraimentle principe d’open data par défaut.La loi « pour une république numé -rique »1 a, en outre, fondé desnotions innovantes : données« d’intérêt général » et « servicepublic de la donnée ». Dans lamesure où la plupart des servicesurbains ont besoin de données

publiques, mais aussi de donnéesprivées qui ne sont pas soumisesaux mêmes obligations d’ouver-ture, il nous semble prioritaire aujourd’hui de réfléchir aux con-ditions juridiques, économiques,techniques du partage et de lagestion des données de notreterritoire. Nous nous sommes ins -pirés de la loi pour proposer lamise en place à Rennes d’un ser -vice public métropolitain de ladonnée (SPMD) et nous avonsrépondu au nouvel appel à projetsdu programme d’investissementsd’avenir (PIA 2) pour l’open data.C’est un projet de gouvernancedes données qui comporte quatrechantiers thématiques concrets :la mobilité, l’énergie, l’eau et lesdonnées sociodémographiques.

Marion GLATRON – La collec-tivité a les moyens et la légitimitépour faciliter le partage de don-nées, pour fluidifier les échanges,en exerçant sa mission de coor-dinateur et de garant de la con-fiance. Afin de rendre possibleune meilleure et plus large utili-sation des données pour amélior-er les services existants et encréer de nouveaux, il faut qu’un

À RENNES, UN SERVICE PUBLICMÉTROPOLITAIN DE LA DONNÉEÀ Rennes, l’ouverture des données est une préoccupationancienne, traduisant une volonté précoce des élus et unengagement constant des services. Ville et métropole sontdésormais concentrées sur la mise en place d’un service publicmétropolitain de la donnée, projet de gouvernance partagéedes données, au service de la transparence, de l’efficacitééconomique et de la modernisation de l’action publique. 4 domaines sont testés dans un premier temps : mobilité,énergie, eau et données sociodémographiques.

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

La fabrique urbaine dans la ville intelligente

ENTRETIEN AVEC

Bernadette KESSLERDirection de la Communication, ville de Rennes et Rennes Métropole

Marion GLATRONDirection Economie, emploi etinnovation, Rennes Métropole

“ L'ouverture des données [peut être] un fortlevier d'amélioration et de modernisation de l'action publique ”

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certain nombre de conditionssoient respectées : la protectiondes données personnelles, le res -pect des règles de la concurrence,l’universalité des services, la péren-nité des infrastructures tech-niques... La définition de cet en-semble de conditions pour lepartage des données « d’intérêtterritorial » constitue l’un de nosprincipaux chantiers actuels enmatière de données. Il sera menéen lien direct avec nos partenairesdu projet SPMD soutenu finan-cièrement par l’État pour les deuxprochaines années.

BK – Nous ne souhaitons pasprocéder de façon purementthéorique et édicter des règlesqui, trop déconnectées de la pra-tique, risqueraient de rester lettremorte. Nous pensons aussi quela gestion des données du terri-toire ne peut être conduite parle seul acteur public : c’estpourquoi nous voulons mettreen place une gouvernance ou-verte dans le cadre de projetsconcrets. Les 4 thématiques (mo-bilité, eau, énergie, sociodémo-graphie) sont autant de chantiersà mener sur un mode collaboratifet agile. Nous avançons par itéra-tions successives, en acceptantle risque de l’erreur et en validantau fur et à mesure : ce qui fonc-tionne, on garde et on continue ;ce qui ne fonctionne pas, onanalyse et on change ou on aban-

donne ! Chaque chantier est l’oc-casion de nous concentrer surdes problématiques différentes.Pour l’énergie, l’accent est missur les choix technologiques, nousregardons en particulier commentpermettre l’intégration des don-nées issues de différentessources : réseau IoT2, données in-ternes, données des partenaires…Sur le thème de la mobilité, nousvoulons traiter l’ensemble desdonnées de déplacement, en par-tant de notre expertise sur lesdonnées de transports publics.Est-il possible de créer un pointunique d’accès pour les donnéesde circulation, de déplacementsà pied, à vélo, de covoiturage ouencore les données issues dessystèmes embarqués des con-structeurs automobiles ? Com-ment gérer des accès différenciésà ces données ? La thématiquede l’eau est davantage orientéevers le croisement de flux de don-nées issues de différents sys-tèmes d’information : l’enjeu estla création d’un véritable obser-vatoire de la ressource « eau »avec une ouverture massive deces données en open data. Enfin,pour les données sociodémo-graphiques, nous allons regarderfinement les conditions d’anony -misation des fichiers et les pro -blématiques de respect de la vieprivée des habitants.

Comment a évoluél’organisation interne de la collectivité en lienavec l’évolution de sonpositionnement sur le sujet des données ? MG –Depuis deux ans, la créationde la Direction à l’innovation etla smart city a permis de rendrevisibles les actions existantes, defavoriser la cohérence de l’ensem-ble des sujets du numérique enfédérant les énergies, en facilitantune réflexion commune et la col-laboration concrète entre les ser -vices les plus concernés par lagestion des données. Le projetde SPMD a permis d’accélérer lemouvement de convergence enoffrant un sujet de réflexion à lafois concret et diversifié : dansle SPMD, on trouve des questionstechnologiques et une expéri-mentation d’infrastructure pourl’Internet des objets, mais ausside l’open data, de la gestion deflux géographiques, des questionsjuridiques de licence d’utilisationet des problématiques d’anonymi-sation des données et de respectde libertés individuelles. Toutesles compétences sont requiseset doivent travailler ensemble.Ces évolutions sont intimementliées à la prise de conscience ducaractère profondément straté -gique de la gestion des donnéeset de la nécessité de fonctionnerde manière plus transversale etagile.

Un des piliers de notre politiqueen matière de données est latransformation de nos pratiquesinternes, notamment dans le butde valoriser les données que nousavons identifiées comme intéres-santes au sein des services. C’est un chantier largement ouvert, car il reste difficile departager les données produitesou conso lidée dans les différentsservices de la collectivité : pourêtre exploitables par des tiers,ces données nécessitent d’êtreharmo nisées et documentées.

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

Le Service public métropolitain de la donnée, premier du genre, en lignedepuis septembre 2017

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Par exemple, le service « habitat »de la métropole dispose de données consolidées sur les typo -logies de logements, de ménages,de propriétaires, qui pourraientêtre croisées avec des donnéesde consommation énergétiquedes logements, elles-mêmes collectées par le service « transi-tion énergétique et écologique »,à des fins de maîtrise de la de-mande énergétique. Mais cescroisements ne sont pas faits aujourd’hui, pour toutes sortesde raisons qui peuvent être liéesaux logiciels « métier » utilisés,aux habitudes du travail « ensilo », à un manque de connais-sance sur la richesse des donnéesproduites en internes, aux moyensalloués, au déficit de formationparfois…

Il nous faudra aussi envisager lerecrutement de nouveaux profilsaxés sur l’analyse de la donnéeet la gestion de projets liés aubig data et renforcer nos capa -cités juridiques afin d’y intégrerla question des données.

Enfin, nous développons les col-laborations avec des instituts deformation et des laboratoires derecherche de la métropole, no-tamment via un partenariat encours de formalisation avecl’IRISA3 et des échanges avecl’ENSAI4 et l’université, afin delancer des coopérations avec desenseignants et des groupes d’étudiants.

Observez-vous uneévolution des relationset de la répartition desrôles entre collectivitéset opérateurs urbain ?MG – On attend peu des collec-tivités sur le sujet des données,si ce n’est sur celles qu’elles pro-duisent. Les acteurs des servicesurbains sont soit de gros opéra-teurs, soit de nouveaux entrants.Les opérateurs historiques com-mencent à prendre conscienceque les services qu’ils proposentpeuvent parfois aller à l’encontre

des principes d’égalité d’accès etde qualité propres aux servicespublics, que la collectivité a pourrôle de garantir. Les nouveauxentrants bousculent les schémasclassiques et se revendiquentcomme étant les mieux placéssur le terrain de l’intérêt général,au motif que leurs services sontsimples, efficaces, avec des uti -lisateurs de plus en plus nom-breux. Tout le monde – oupresque – utilise Uber, GoogleMaps ou Waze, pour ne citer queles plus connus : est-ce que ceseul critère suffit pour définir lesservices publics de demain ?

Les nouveaux acteurs commeles historiques sollicitent les col-lectivités, pour proposer leurs so-lutions. Nous devons pouvoir êtreen mesure d’en évaluer l’intérêtau regard de critères clairs quiiraient au-delà des mesures clas-siques de coût et d’efficacité,nécessaires mais plus suffisantes.Le service est-il pertinent au re-gard des besoins réels des habi-tants ? Quelle place laisse-t-il

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

La fabrique urbaine dans la ville intelligente

Citédia : communiquer au plus près sur la disponibilité des places destationnement pour faciliter la circulation urbaine

Historiquement orientée sur la gestion du stationnement pour la ville deRennes, CITÉDIA s’est diversifiée et opère aujourd’hui des équipements etservices dans différents secteurs d’activité (mobilité urbaine, spectacle,événementiel, tourisme et loisirs, développement économique, sécurité)pour le compte de collectivités délégantes, au premier rang desquelles, laville de Rennes et Rennes Métropole.Sollicitée par Rennes Métropole, la société a mis en place un dispositif permettant de remonter en temps quasi réel (mise à jour toutes les minutes)la disponibilité des places de stationnement dans les 10 parcs qu’elle gère.Les données sont transmises à la plateforme open data de la collectivité etintégrées automatiquement à l’application gratuite RenCircul. Lancée parla métropole en 2014, cette application a été développée, à l’origine, pouraccompagner les importantes transformations du territoire (ligne B dumétro, équipements, infrastructure). Elle s’est progressivement enrichiedepuis sa création, permettant par exemple de connaître les conditions destationnement et de circulation dans la ville, ainsi que de signaler, en modecollaboratif, des ralentissements ou embouteillages.

Citédia ne compte pas en rester là. Pour ses autres activités, elle réfléchit d’ores et déjà à la mise à disposition des données, imaginant de développer de nouveaux services et usages numériques(paiement sur smartphone, articulation avec la carte bretonne multimodale KorriGo, étude de satis-faction et des usages...).

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aux usagers ? N’est-il pas exclusifde tel ou tel groupe d’usagers ?Est ce qu’il favorise l’implicationet la coproduction des servicespar les habitants ? Est-ce qu’ilne risque pas de faire perdre àterme la maitrise du développe-ment de nos territoires ? Cettesolution est-elle respectueuse del’environnement et favorable àla protection de la ressource ?...Les partenariats et expérimen-tations que nous envisageons demener autour de la gestion desdonnées nous semblent enmesure d’apporter des élémentsde réponse à ces questions.

Pour l’aide à la décisionpublique, utilisez-vousdes outils d’observationou de modélisationbasés sur les données du territoire ?MG –Nous avons l’ambition, avecle service public métropolitainde la donnée, de stimuler ledéveloppement de nouveaux outils de pilotage mais nousmenons aussi, parallèlement, unprojet de « ville systémique », quia une véritable ambition d’outilde prospective. Utiliser la modé -lisation de Rennes Métropole en3D pour mieux anticiper les évo-lutions de la ville, c’est, rapide-ment résumé, l’objet de ce projet3D Experience City Virtual Rennesque nous menons avec la sociétéDassault Systèmes.

BK – Nous sommes aussi régu -lièrement sollicités par des en-treprises proposant des outils« tableaux de bord » ayant pourambition d’assurer un pilotageglobal de la ville, avec un fonc-tionnement de type « boîtenoire », mais ce n’est pas ce versquoi nous souhaitons aller. Nousavons en revanche besoin d’outilsde pilotage performants, baséssur des données fiables, en lienavec notre travail pour la miseen réseau de toutes les partiesprenantes du territoire et notre

volonté de renforcer les liens avecle milieu universitaire et de larecherche locale.

Rennes Métropole estimpliquée dans ledéveloppement de l’opendata en France :comment se traduitcette implication ?BK – Rennes Métropole était par-mi les membres fondateurs etmoteurs d’Open Data France5 etses élus membres de l’associationtrès actifs dans les groupes detravail initiés à l’époque. Aujour-d’hui, Rennes est moins impliquéedans l’association, mais fait tou-jours partie du conseil d’admi -nistration, suit les chantiers encours et participe activement au consortium breton, territoired’expérimentation du programmeOpendata Locale6.

En parallèle, nous sommes tou-jours intéressés par les échangesavec d’autres collectivités, en-richissants du point de vue dupartage d’expériences et des in-terrogations que nous pouvonsavoir de par la nature exploratoirede ces sujets. Dans cette optique,nous nous sommes impliquésdans le programme DataCités7.

MG –Nous restons bien présentsdans les groupes nationaux iden-tifiés sur le sujet des données,ainsi que dans des groupes deréflexion internationaux. Il ne

s’agit pas encore de coopérationà proprement parler, mais celan’est pas exclu dans le futur etnous essayons de le développerau niveau européen, notammenten participant au Knowledge Society Forum8.

Comment votre politiqueautour des données setraduit-elle en matièrede participationcitoyenne ?BK – Les habitants demandentà être mieux impliqués dans lesprises de décisions et Rennes,comme d’autres villes, affirmeune volonté de travailler directe-ment avec eux.

Cela se traduit notamment parl’outil « La Fabrique Citoyenne »,site participatif porté par la villedepuis 3 ans. L’existence d’outilsnumériques de concertation astimulé et interrogé la relationentre l’administration et les habi-tants, tout autant que la relationélus-citoyens en venant élargirle champ couvert par les modesde concertation traditionnels.L’ouverture des données apportedes possibilités nouvelles departage de la connaissance etrenforce le débat démocratique.En retour, les outils numériquesde concertation nous alimententavec des données nouvelles surl’opinion des rennais, sur ce quileur semble prioritaire, ce qui les

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3D Experience City Virtual Rennes : modéliser la métropole rennaise pourmieux en anticiper les évolutions

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La fabrique urbaine dans la ville intelligente

La Fabrique Citoyenne vise principalement à mettre en œuvre un budgetmunicipal participatif, consacré aux projets émanant de la société civile

CULTURE NUMÉRIQUE, CULTURE URBAINE :L’AMÉNAGEURRESTE UN FACILITATEURSur le numérique, comme pour les autres domainesconcernés par le projet urbain, la SPL Lyon Confluence amisé sur la carte du partenariat. Formidable vecteurd’innovation urbaine, le numérique a amené la société àrevoir ses modes d’intervention : en amenant notammentdes partenaires nouveaux dans les tours de table (agencejaponaise de la maîtrise de l’énergie par exemple), en développant les échanges avec desacteurs internationaux impliqués dans des projets de même échelle, et enfin en digitalisantnombre de ses processus au profit d’un fonctionnement plus collaboratif et transparent.Une démarche qui a enrichi les échanges avec les citoyens dans un sens plus participatif.

ENTRETIEN AVEC

Benoît BARDETDirecteur adjoint, SPL Lyon Confluence

Pourriez-vous nousdécrire les projetsnumériques intégrés àvotre action sur lequartier de laConfluence ? Comment envisagez-vous le positionnementde la SPL sur ce champ ?

C’est la coopération autourde l’expérimentationLyon Smart Community1,

menée entre 2011 et 2016 avecun partenaire japonais (le NEDO2),qui nous a mis le pied à l’étrierconcernant la dimension numé -rique de nos projets. C’est égale-ment cette expérience qui nousa permis de rebondir sur la suitede cette expérimentation, en sou -

mettant une candidature à l’appelà projets européen Smart Citiesand Communities3. Le projet lauréat porté par le groupementconstitué des métropoles de Lyon,Munich et Vienne, Smarter together, vise ainsi à déployerles expérimentations menées à la Confluence dans le cadre de Lyon Smart Community àl’échelle européenne, par le biais

1- Loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016pour une République numérique

2- Internet des objets3- Implanté à Rennes, l’Institut de

recherche en informatique etsystèmes aléatoires estspécialisé en informatique,traitement du signal et desimages, et robotique

4- Les activités d’enseignement etde recherche de l’INSEE sontassurées par l’ENSAE, basée àPalaiseau, et l’ENSAI (Ecolenationale de la statistique et del’analyse de l’information), baséeà Bruz près de Rennes

5- Association des collectivitésengagées dans le mouvementopen data

6- Opendata Locale est uneexpérimentation visant à aiderles communes de plus de 3 500habitants à ouvrir leurs donnéespubliques avec l’appui de 9territoires expérimentaux pilotes

7- Voir article précédent page 398- Le forum sur la société de la

connaissance est animé parEurocities, association desgrandes villes européennes : le forum aborde les enjeux del’accès, pour chaque citoyen, auxtechnologies de l’information etde la communication, ainsi quela participation à la société del’information et de laconnaissance

intéresse ou les scandalise. Etcomme ces données sont ellesaussi ouvertes, elles donnent lapossibilité à qui le veut de pro-duire d’autres analyses, d’écrired’autres récits que ceux des ex-perts et de l’administration. Libé -rer les données, c’est aussi libérerla parole et faire confiance à l’in-telligence collective. n

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d’un financement de 7 millionsd’euros fléché vers des actionsciblées. La SPL a été à l’initiativede cette réponse, qu’elle a portéepour le compte de la métropolede Lyon dans le but de prolongeret d’enrichir un certain nombredes expérimentations menées,tout en tirant des leçons de l’ex-périence passée.

L’autre volet de l’action de la SPLdans le domaine de la ville intel-ligente est le projet Eureka Confluence4, lauréat de l’appel àprojets du gouvernement « Dé-monstrateurs industriels pour laville durable » (DIVD)5, mené enpartenariat avec Bouygues et 70autres partenaires. Après une première phase de travail entreindustriels, aménageur et collec-tivité, ce projet nous a amenés ànous tourner vers les habitantset usagers, et nous avons trouvéopportun de décliner la dénomi-nation de notre consortium demanière plus explicite pour legrand public.

En parallèle de nos initiativesdans le domaine de l’énergie, nous nous sommes égalementintéressés aux questions de mo-bilité et d’électromobilité, en lienavec la gestion des données. L’un des plus grands challengesactuels est celui du développe-ment de l’électromobilité en auto -

partage, afin de répondre à desenjeux de préservation de l’espaceurbain et de la qualité de l’air.Dans le cadre de l’expérimenta-tion, nous avions développé, avecles japonais et Transdev, un sys-tème d’autopartage électriquedont la particularité était que lestrajets étaient nécessairementdes allers-retours, dans l’optiquede réduire – en l’optimisant – lacirculation aux heures de pointedu matin et du soir. Ce systèmesupposait un changement decomportement des salariés dansleurs pratiques de déplacements,et l’expérimentation n’a finale-ment pas donné satisfaction d’unpoint de vue économique.

Le numérique irrigue l’ensemblede notre activité, comme il irriguela vie de chaque citoyen et toutel’activité professionnelle et hu-maine, selon des formes variables.Il s’agit globalement d’une nou-velle logique de travail qui engagevers plus de transversalité, decoopération et de modes collabo -ratifs. Nous avons égalementbeaucoup évolué dans nos pra-tiques internes. Ainsi, nous avons

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

Projet de 150 ha, Lyon Confluence ambitionne de doubler le centre-ville.La SPL éponyme, créée en 1999 sous forme de SEM, y développe desinnovations urbaines capables d’associer harmonieusement densité,confort de vie et préservation des ressources, en cohérence avec lesattentes des usagers. Le numérique y a toute sa place.

mis en place un réseau sociald’entreprise, avons beaucoup in-vesti les réseaux sociaux et avonsintégré les modes de travail collaboratifs.

Comment le rôle de la SPL a-t-il évolué etquelle est votre vision dela place de l’aménageurdans ce type de projets ? La question centrale est de savoirquelle place donner à l’acteurpublic, à l’acteur économique, etau citoyen. La SPL est en quelquesorte le garant de cette réparti-tion. Dans le cadre du projetd’aménagement du quartier, elles’est montrée dès son démarrageextrêmement vigilante à associerles habitants à la démarche deprojet. L’interfaçage avec la po -pulation relève d’une dialectiqueparticulière et particulièrementexigeante, de par la complexitédes objets maniés, qui impliquentdes documents très techniqueset la coordination d’un travailavec des experts dans des do-maines variés. Il s’agit là ausside faire évoluer leurs pratiques,en s’affranchissant d’une visiondans laquelle l’urbaniste porteraitun discours basé sur une sériede certitudes tandis que lescitoyens n’auraient d’autre rôleque celui de l’écouter.

Entre le début et la fin des années2000, un changement importantest intervenu, en particulier dansle passage de pratiques top downde l’aménagement à des pra-tiques plus bottom up. Ces dé-marches se sont considérable-ment développées avec l’arrivéedes systèmes d’interfaces en ligne, qui ont permis de passerde quelques dizaines, voire cen-taines, de personnes touchées à

“ Le numérique irrigue l’ensemble de notre activité ”

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plusieurs milliers. Il s’agit de lapremière étape franchie dans la facilitation et l’élargissementde l’accès à la conception de laville pour les citoyens. La SPLLyon Confluence avait ainsi an-ticipé cette démarche, en don-nant à ses usagers un accès à cetype d’outils en amont de leurgénéralisation.

L’évolution de notre vision a égale-ment été façonnée par nos ex-périences de collaborations. Ainsi,notre partenariat avec le Nedoet Toshiba dans le cadre de l’expérimentation Lyon SmartCommunity nous a confrontés àune culture très différente de lanôtre, à la fois du point de vuedu métier mais aussi en raisondu rapport particulier qu’entre-tient la culture japonaise avecl’énergie. En effet, de par sa géo-graphie en îles et l’absence deressources en énergies fossilessur le territoire, l’approche miseen avant pour promouvoir leséconomies d’énergies est aujapon résolument technologique,alors que l’argumentaire, enFrance, s’est longtemps orientévers l’engagement (« sauvons laplanète »…). L’approche techno -logique nous a éclairés et nousavons développé avec eux undispositif de compteurs intelli-gents6. Mais le choc des culturesrestait puissant. Ces capteursont été installés dans plus de200 logements sociaux dans unensemble de bâtiments datantdes années 1930, destinés à fairel’objet d’une éco-rénovation. Lamise en place d’une interfacelourde avec les habitants a éténécessaire pour faire fonctionnerle dispositif. De la même manière,sur des bâtiments neufs cettefois, l’installation de compteurscommuniquant dans l’îlot Hikari

s’est accompagnée de la miseen place de sessions de formationà destination des habitants. Il afallu remettre de l’humain et del’urbain dans les relations en com-plément de l’approche purementtechnologique et, par-là, assurerle lien entre les intentions du projet urbain et leur traductionpour les habitants.

Les interactions entre les in-génieurs japonais et la SPL ontégalement permis d’enrichir lacomposition, les services associés,ainsi que le graphisme des comp-teurs installés. Relativement nou-velles pour nous, elles ont con-tribué à faire évoluer notre métier.Le recueil des données a été unaspect crucial du projet, sourcede nombreuses interactions entreses parties prenantes. Des ques-tions nouvelles pour l’aménageurse sont posées : Comment re-cueillir ces données ? Commentles amalgamer ? Qu’en faire ?Nous avons mis en œuvre desséances de travail inédites avecles opérateurs nationaux de dis-tribution de l’énergie, mais égale-ment de l’eau. Il s’agissait de ter-rains neufs, mais qui avaient debonnes raisons d’être conquis par nous, une interface locale –lyonnaise – capable d’agir et defaire le lien de manière péda-gogique avec les services et lesélus des collectivités. Il s’agissaiten somme d’assurer la liaisonafin de faire atterrir en douceurcet « OVNI » japonais sur le terri-toire lyonnais.

Cela a également posé des ques-tions et engendré des évolutionsd’ordre juridique pour notre struc-ture. Il nous a fallu nous rendrepropriétaire des dispositifs (comp-teurs en particulier) dans le butd’accompagner la période de

post-démonstration. C’est pourcette raison que nous avons mo -difié nos statuts afin de passerde SPLA à SPL en 2012. Cela nousa permis de mettre en œuvre cer-taines de nos missions relevantdu champ de compétences duGrand Lyon et de nous position-ner comme tiers de confianceautour de ces dispositifs.

Comment s’est traduitela transition entrel’expérimentation LyonSmart Community et lesprojets actuels, SmarterTogether et EurekaConfluence ?Ce type d’expérimentationprésente deux problématiquesclés. D’une part, le principe de l’expérimentation suppose, à l’issue de celle-ci, de mobiliserpour poursuivre les investigationsdes financements souvent con-séquents. D’autre part, il s’agitde faire évoluer la technologiesans rester « prisonnier » de cellemise en place par un acteur privéparticulier, et ainsi réduire éven -tuellement les coûts.

Certaines activités se sont inter-rompues à l’issue de l’expérimen-tation. Par exemple, les comp-teurs intelligents installés dansla Cité Perrache ont été retirésau démarrage des travaux derénovation du bâtiment. En re-vanche, nous avons entériné l’in-térêt présenté par ces compteurscommunicants, source d’informa-tions bénéficiant à la fois auxusagers des bâtiments et au pi-lotage énergétique de l’ensembledu quartier. Aussi, nous prévoyonsde remplacer le système utilisélors de l’expérimentation afin decontinuer à collecter les donnéesde consommation à l’issue destravaux de rénovation, et éten-dons ce dispositif de compteursà d’autres projets de rénovation.La suite de l’expérimentation surle bâtiment Hikari fait quant àelle l’objet d’un test en partenariat

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

La fabrique urbaine dans la ville intelligente

“ La question centrale est de savoirquelle place donner à l’acteur public, à l’acteur économique, et au citoyen ”

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avec un industriel français afinde substituer au système japonaisune solution clé en main plus ac-cessible. En effet, le marchéfrançais, balbutiant à l’époque,s’est développé dans l’intervallede temps de l’expérimentation.

Le rôle supporté par l’acteur pu -blic a constitué une source dequestionnement. En lien avec lesbesoins de nos projets, la métro-pole de Lyon s’est dotée d’unecapacité à développer une plate-forme de données et donc de re-cueillir les données énergétiques.La prise en charge de cette nou-velle mission nous a permis derépondre à l’appel à projets eu-ropéen Smart Cities and Com-munities, en nous appuyant sur

les enseignements de l’expéri-mentation initiale. D’un outilCMS7 privé (celui développé parToshiba), les financements allouésnous ont permis de passer à unCMS public développé en parte-nariat avec la métropole. Nousétendons sur cette base notredispositif de récupération desdonnées à un ensemble plus im-portant de bâtiments, en partic-ulier anciens, dans le cadre d’unprogramme d’accompagnementà l’éco-rénovation de logementsprivés. Ce sont les enseignementstirés de l’expérimentation quinous ont donné l’impulsion d’allerrencontrer les copropriétés avecla métropole. Nous leur pro-posons, grâce à des subventionsde la collectivité, d’éco-rénover

leurs logements, de se raccorderau réseau de chauffage urbainet d’équiper leurs bâtiments desystèmes de capteurs de mesuredes consommations énergéti -ques. Ces données ont égalementvocation à être amalgamées àl’échelle d’un CMS métropolitain.Cette « couche » numérique permet ainsi d’enrichir le servicerendu, en tirant partie de l’expéri-ence acquise et en l’intégrant àdes actions structurantes commela rénovation énergétique des logements.

En matière de mobilité, le groupeBolloré avait développé son sys-tème Bluely sur le territoire de laville de Lyon, en parallèle de l’ex-périmentation Lyon Smart Com-

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

Immobilier : l’enjeu de la numérisation du patrimoineAu-delà du suivi des consommations, la numérisation constitue unenjeu fort pour les détenteurs de patrimoines immobiliers. C’est pourcette raison que MAISONS & CITÉS, premier bailleur des Hauts deFrance, a décidé de numériser l’ensemble de son patrimoine. D’ici à 4 ans, les collaborateurs de la société HLM pourront travailler sur lamaquette numérique des 63 000 logements qu’ils gèrent au quotidien.Au-delà de cette seule numérisation, c’est l’ensemble des acteurs in-ternes et externes de l’organisme qui sont amenés à faire évoluer leurmode de fonctionnement :• Les services « métier » qui, pour connaitre les caractéristiques tech-niques d’un bâti, font aujourd’hui appel à la mémoire des hommeset aux plans « papier » soigneusement archivés (certains plans datent du XIXe siècle !), auront demain accès à toutes ces informa-tions en un clic.• Les prestataires techniques deviendront des contributeurs quotidiens de la maquette numérique, pourla mettre à jour et l’enrichir au fil de leurs interventions.• Les parties prenantes institutionnelles pourront se projeter dans une opération future de constructionou de réhabilitation.• Les futurs locataires, à qui des visites virtuelles des logements seront proposées.C’est donc l’ensemble de « l’écosystème Maisons & Cités » qui bénéficiera de cette révolution numérique,devant pour cela et progressivement s’y acculturer : remettre en question des habitudes solidement ancrées tout en intégrant le jargon des start-up spécialisées (BIM, IFC, UNIFORMAT, LOD…). Les écartsculturels sont grands et la conduite du changement revêt une importance particulière.Pour prendre en compte toutes ces dimensions et fédérer les différents acteurs, Maisons & Cités se faitaccompagner par Aatiko Conseils (organisation et système d’information) et Idéha (sur les volets inté-gration SITP, ingénierie de la donnée « patrimoine » et du BIM d’exploitation). Elle a pris le parti d’un projetouvert et collaboratif, impliquant largement l’ensemble des services. et décidé de structurer Son systèmed’information et son organisation seront structurés autour d’une cellule dédiée, maitrisant les compé-tences numériques (acquisition et mise à jour des données, développements spécifiques…), techniques(pilotage des maitres d’œuvres en charge de constituer les DOE numériques) et humaines (pilotage deprojet et conduite du changement).

Pierre-Louis ROUSSEL, associé, Aatiko Conseils

Maquette numérique d’unlogement réalisé en juin 2017

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munity à La Confluence. Depuisla fin de l’expérimentation, Bluelya été installé sur 3 des 6 stationssunmoove de La Confluence. Ensuite, la Compagnie Nationaledu Rhône (CNR) nous a proposéde mettre en place un systèmede recharge électrique issu d’énergie 100 % renouvelables,suivi d’un système de recharged’autres types de véhicules élec-triques (vélos, navette autonomeNavly…). La CNR recueille égale-ment les données de consom-mation énergétique et d’usagede ces dispositifs. Nous réflé -chissons à ces développementsde manière intégrée. Ainsi, nousavons monté une opération enpartenariat avec un acteur privéafin de couvrir la toiture d’unéquipement public de panneauxphotovoltaïques correspondantà la production d’énergie néces-saire pour alimenter ces infra-structures de mobilité. De cettemanière, nous démontrons qu’ilest possible de décorréler la mobilité de la consommationd’énergie fossile et de la produc-tion de CO2 et de l’associer aucontraire à une production verteet en cœur de ville.

Comment traitez-vous la dimension techniquede l’évolution de vosmétiers ?Ces expériences nous ont amenésà découvrir de nouveaux champsd’activité, forcés à mieux com-prendre les mécanismes à l’œuvre,

à nous former à de nouveaux sujets et à pénétrer dans uneconception de la ville et de sesservices différente.

Nous avons recruté un ingénieurspécialisé afin de suivre le dé-ploiement du réseau de chaleururbain et de développer le volet« recueil des données » dans cha-cune des copropriétés, neuvesou anciennes. Il s’agissait de com-pétences relativement neuvespour notre structure, qui faitégalement appel à des presta -taires externes et à une autre di-mension de notre métier : cellede la donnée. S’approprier les en-jeux liés à son recueil, sa gestionet sa transmission est essentielafin de tendre vers l’optimum quicorrespondrait à un territoiremaîtrisant son destin énergétique,équilibré entre production et consommation.

Concrètement, l’outil du CMSpublic a été développé en interneà la métropole, par la directionInnovation numérique & systèmesd’information. La conception de

cet outil a consisté à simplifierla technologie de celui développéinitialement par Toshiba, afin dele rendre plus flexible et directe-ment utilisable par les services.S’agissant de la plateforme dedonnées, nous avons développédes partenariats locaux en lienavec la métropole. Par exemple,nous avons répondu à l’appel àprojets Horizon 2020 avec Enedisdans le cadre d’une véritable collaboration.

Comment appréhendez-vous le décalage entre le temps long del’aménagement et le temps court, voirel’obsolescence rapide,des innovationstechnologiques etsolutions numériques ?Nous nous devons d’être très vi -gilants sur l’obsolescence des solutions numériques, et par con-séquent réussir à maintenir cesprestations au juste niveau d’in-tégration et être aguerris auxchangements. Cela passe par dela veille et de l’agilité. C’est danscette optique que nous faisonspartie du réseau de la SmartBuilding Alliance8 depuis l’expéri-mentation Lyon Smart Commu-nity. Cela nous amène à parlerd’autres langages avec des ac-teurs d’horizons divers, et d’échan -ger avec des opérateurs impliquéssur d’autres expérimentations.

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

La fabrique urbaine dans la ville intelligente

Compteurs intelligents : suivi des consommations de chaque logement ausein d’Hikari

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DÉVELOPPER L’INNOVATION NUMÉRIQUE :

LES PRATIQUESDES TERRITOIRESAPERÇU CRITIQUE ET RETOURS D’EXPÉRIENCES

La volonté d’innovation mais aussi le souci dudéveloppement économique caractérisent la stratégienumérique de nombre de collectivités. À côté dedémarches classiques (mise en place de réseaux et deplateformes numériques, ouverture des données), d’autresmodes d’intervention, s’inscrivant dans des dispositifs

d’appels à projets ou ponctuels, sont mis en œuvre par les collectivités, avec bien souventune contribution décisive de leurs opérateurs.

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L’expérimentation menée avecle NEDO n’a pas conduit audéveloppement d’un modèleéconomique pérenne. Mais ellea permis par exemple auxcitoyens, ainsi qu’à nous-même,de s’emparer de nouvelles façonsde faire. La finalité est avanttout de rendre de nouveaux ser -vices aux citoyens, adaptés àleurs besoins, en termes de con-fort et de santé en ville. Actuelle-ment, nous réfléchissons à denouveaux modes de faire dansces domaines, via un projet demaison de la santé nouvellegénération.

De manière générale, le formatde l’expérimentation permet pen-dant une période donnée de créerles conditions d’intégration d’unesolution sur un territoire. Il esten effet l’occasion de tester desmodèles de partenariat et de

gouvernance et de déterminer lemodèle économique le plus adap-té, puis d’envisager les évolutionspossibles vers un service pérenneune fois le test validé. n

1- Lyon Smart Communitys’appuyait sur 4 grands projets :l’îlot Hikari à énergie positive, un parc de véhicules électriquespartagés, l’éco-rénovation de lacité Perrache et l’outil CMS(community energymanagement system : systèmede gestion, production etdistribution de l’énergie àl’échelle du quartier)

2- Agence environnementalejaponaise, équivalent del’ADEME en France.

3- Appel à projets européen initiéen 2015, inscrit dans leprogramme « Horizon 2020 »,visant à développer, tester etdéployer des solutionsréplicables, équilibrées et

intégrées dans les secteurs del’énergie, des transports et destélécommunications

4- Anciennement nommé LyonLiving Lab

5- Appel à projets lancé par lesministères de l’Écologie et duLogement en octobre 2015 dédiéà l’émergence de projets urbainsfortement innovants ayantvocation à devenir la vitrinefrançaise en matière de villedurable

6- Installation des Conso Tab,outils de suivi desconsommations énergétiquesdes foyers, dans les logementsde la Cité Perrache

7- Community ManagementSystem.

8- Créée en 2012, la Smart BuildingAlliance fédère à ce jour 170organisations représentantes del’ensemble des corps de métiersliés au bâtiment et aux acteursde la smart city, pour penser etdéfinir le smart building

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

Une nouvelle quête pourles collectivités

Accordons-nous sur une hy-pothèse commune auxmétropoles françaises :

chacune de ces collectivitéssouhaite favoriser sur son terri-toire le développement de nou-

veaux services numériques ainsique l’entrepreneuriat numérique.Les premiers apportent aux usa -gers une nouvelle gamme de so-lutions leur « facilitant la ville »avec des expériences en tempsréel et personnalisées. Le secondcontribue au développementéconomique local et peut dans

certains cas générer de nouveauxservices urbains sur le territoire.

Cette hypothèse pourrait se vérifier sur la base de constatssimples, la prolifération de nou-veaux services numériques misen place dans les métropoles parla collectivité ou avec son sou-tien : mobilité, stationnement,

Lionel GASTINEDirecteur, Urbanova

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e-administration, culture et loisirs.Et pour l’entrepreneuriat numéri -que, l’engouement de nom-breuses métropoles pour obtenirle label « French Tech » délivrépar l’État aux écosystèmes destart-up reconnus comme lesplus remarquables en France parleur dynamique de croissance.

4 exemples de dispositifspour stimulerl’innovation numériqueLe développement des réseauxnumériques, la mise en place deplateformes numériques, ou en-core les stratégies d’open datasont régulièrement évoqués pourillustrer les actions de collectivitéssouhaitant favoriser le développe-ment de services numériques oude l’entrepreneuriat numérique.

Afin de compléter ces exemples,déjà bien documentés, quatre illustrations de dispositifs sontpar la suite proposées :• Les appels à projets innovants

thématiques mais « non spéci-fiques au numérique » organiséspar les collectivités : ces disposi-tifs se multiplient actuellementet, bien que non dédiés aux nou-veaux services numériques, ils

peuvent devenir l’un de leursprincipaux vecteurs de diffusionsur un territoire.

• Les hackathons et challengesdata qui ciblent plus spécifique-ment la création de nouveauxservices numériques par l’entre-preneuriat numérique.

• Les appels à projets innovantsayant une forte dimensionnumérique auxquels les collec-tivités répondent avec des parte-naires : ces appels à projets sontsouvent organisés par l’État etla Commission européenne.

• Les projets de nouveaux servicesmenés en interne par les collec-tivités. Ces initiatives ne cons -tituent pas un dispositif en tantque tel mais implique la maîtrised’un certain nombre de métho -des, qui permettront un pointde comparaison intéressantavec les autres illustrations.

Ces quatre illustrations présen-tent à l’évidence une certainehétérogénéité dans leur finalitéet leurs modalités d’application :• Le nouveau service numérique

n’aura pas le même niveau dematurité selon les dispositifs :un hackathon aboutit à un con-cept ou, au mieux, à un proto-type de service numérique, les

appels à projets de l’État ou dela Commission à de l’expérimen-tation à grande échelle, et unedémarche interne d’une collec-tivité le plus souvent à l’exploita-tion d’un nouveau service.

• La possibilité pour la collectivitéde contribuer à la définition duservice numérique n’est pas lamême : par définition, le hacka -thon laisse une place importanteà l’imagination des participantsà l’inverse d’un projet de servicenumérique porté en interne parla collectivité.

• Les interactions entre la collec-tivité et les autres partenaires(entreprises, start-up) varient :très faibles pour un projet in-terne, ponctuelles lors d’unhackathon, beaucoup plus in-tenses lors du montage d’unprojet collaboratif.

Cette hétérogénéité ne retire rien à l’intérêt de présenter indi-viduellement ces dispositifs avec leurs avantages et inconvé -nients, et surtout à l’enjeu quesouhaite pointer ce court article :la mobilisation de ces disposi -tifs requiert une évolution descompétences et des pratiquesprofessionnelles encore trop sou-vent sous-estimée au sein descollectivités.

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

La fabrique urbaine dans la ville intelligente

Appel à projets(AAP) innovants

non spécifiques aunumérique lancé parune collectivité (ex :

Réinventer Paris)

Hackathon etchallenge

data(co)organisé

par unecollectivité

Réponse d’unecollectivité à un AAP

innovants de l’Étatou de la Commission

avec une fortedimension numérique

Nouveau projetde servicenumérique

porté en internepar la

collectivité

Maturité attendue du servicenumérique à l’issue du dispositif +++ + ++ +++Possibilité pour la collectivité dedéfinir le service numérique enamont

+ + ++ +++

Intensité des échanges et dutravail collaboratif avec lespartenaires

+ ++ +++ +

Des dispositifs qui diffèrent dans leur finalité et leurs modalités d’application

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Appels à projets innovantsthématiques « nonspécifiques au numérique »organisés par lescollectivités Si les appels à projets spécifiquesaux nouveaux services numé -riques semblent encore rares, lesappels à projets sur d’autres thé-matiques sont en revanche plusrépandus, à l’instar des appels à projets urbains innovants. Apparus récemment avec Réin-venter Paris en 2015, ils connais-sent une diffusion rapide : Réin-venter la Seine et Inventons laMétropole du Grand Paris en 2016,Imagine Angers (1er semestre2017), Réinventer Paris 2 (2e se-mestre 2017). D’autres collectivi -tés ou aménageurs, sous d’autresdénominations, s’en inspirent.

Les nouveaux services numéri -ques urbains sont rarement ciblésdans ce type d’appels à projets.

Toutefois, le règlement de cesderniers, souvent très large, fa-vorise une innovation tous azi -muts et, de fait, les innovationsnumériques.

Avantages – Le règlement trèslarge, qui promeut l’innovation,incite à intégrer des nouveauxservices numériques, qui sedévelopperont a priori à l’échelled’un îlot, voire d’un quartier. Lessolutions intégrées par les can-didats sont souvent des servicesinnovants existants (solutionscommerciales), à l’inverse desprojets d’expérimentation qui s’attachent à tester des solutionsdont le processus d’innovationn’est pas encore achevé, avecdonc une probabilité non négli -geable de ne pas aboutir.

Inconvénients – La volonté dedisposer de propositions « tousazimuts » a une contrepartie, lesattentes de la collectivité sont

le plus souvent très peu définiesen amont. Difficile donc de trou-ver une éventuelle cohérence parmi les projets retenus sur lesdifférents sites1 et de rattacherces nouvelles solutions numéri -ques à une stratégie plus globale.Par ailleurs, si l’innovation estsouvent présente, elle est parfoisportée par des start-up dont ladurée de vie est aléatoire.

Les hackathons et challenge dataLes hackathons rassemblent desdéveloppeurs et entrepreneurssur une période courte (par ex-emple, un week-end) pour pro-duire dans un esprit de compéti-tion des prototypes de nouvellessolutions numériques. Les chal-lenge data conservent cet espritde compétition et s’adressent aumême public mais se déroulentsur une durée plus longue (4-6mois) avec souvent une étapeintermédiaire qui permet de sélec-tionner des lauréats qui dis-poseront d’un accompagnementdédié pour mûrir leur projet.

Alors que ces méthodes sont is-sues du monde de l’entreprise,plusieurs métropoles leur ont rapi-dement emboîté le pas et se sontlancées dans l’organisation deces événements souvent en parte-nariat avec des sponsors privés.La ville de Paris a ainsi organisé,dès 2013, Moov’in the city avecJCDecaux, la RATP et la SNCF.Cet événement visait à mettre àdisposition des jeux de donnéesà des développeurs et entrepre-neurs mis en compétition pourproposer la meilleure applicationde mobilité possible. La ville deParis a récidivé en 2015, sous unformat similaire, avec DataCity,puis en 2016, en associant denouveaux partenaires industriels2.En s’appuyant sur son partenaire,le NUMA, tiers lieu et incubateurnumérique, elle cherche désor-mais à inscrire cet événementdans le réseau mondial C40 desvilles engagées dans la lutte

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

À Nevers, une ancienne caserne devient unpôle numérique de haut niveauSuite à la fermeture de la caserne militaire Pittié à proximité immédiate de la gare, la ville de Nevers a confié à NIÈVRE AMÉNAGEMENT une concession d’aménagement pour la re -conversion du site.

En 2013, le site connait unnouveau départ avec ledéveloppement d’un hôteldu numérique dans l’un des bâtiments centraux.L’INKUB offre 4000 m2 deplateaux sur 4 niveaux, ac-cueillant notamment desnouvelles entreprises dumonde du numérique. Lebâtiment comprend égale-ment un « hôtel d’entre-prises », un service « pépi -nière », un service co- working, le tout équipé enfibre très haut débit, avecdata center, cloud privatifet salle de réunion équipéede visioconférence…

Occupant une partie de l’ancienne caserne Pittié, L’INKUB s’inscritdans une stratégie plus globale de l’agglomération de Nevers autourdu développement économique territorial et du pari du numérique

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contre le changement climatique.Autre exemple, la métropole deLyon a contribué à la créationen 2014 du Tubà, un living labqui, de façon périodique, organisedes challenge data avec des données privées et des donnéespubliques de la collectivité.D’autres métropoles commeRennes ou Nice ont, depuis, or-ganisé des événements similaires.

Avantages – Ces dispositifs con-stituent indéniablement unmoyen de « sourcer » et de valo -riser les innovations numériquesdans l’écosystème d’entrepriseset de start-up de la collectivité.C’est également une façon destimuler cet écosystème et l’en-trepreneuriat sur son territoire.Enfin, des métropoles (ou desdispositifs associés comme leTubà) organisent ces événementsavec une forte contribution dusecteur privé, ce qui limite lerisque pour la collectivité.

Inconvénients – Par essence, cesdispositifs laissent une large partà la créativité. S’il est possiblede « périmétrer » la thématiqueet donc les services numériquesvisés, la capacité de la collectivitéà définir en amont les servicesattendus reste limitée. Par ailleurs,ce dispositif aboutit le plus sou-vent à un prototype qui doit en-core faire l’objet de développe-ments parfois longs avantd’aboutir à une solution viable.

Appels à projets innovantsde l’État ou de laCommission ayant une fortedimension numérique etauxquels les collectivitésrépondent avec despartenaires Répondre à ces appels à projetspeut constituer, pour les collec-tivités, une opportunité et un dis-positif qu’elles mobilisent pourdévelopper de nouveaux servicesnumériques ou pour stimuler l’en-trepreneuriat. Ces appels à pro-jets peuvent être focalisés sur le

numérique ou porter sur une autrethématique (nouvelles mobilités,smart grid) avec une forte com-posante numérique dans unelogique d’innovation. Ils ne sontpas récents, étant régulièrementorganisés par l’État depuis lelancement opérationnel du Programme d’Investissementd’Avenir (2010)3. De façon ana-logue, la Commission européennepropose des appels à projets im-pliquant des collectivités commele Call for Smart Cities & Com-munities, organisé annuellementdepuis 2014, qui incite trois villeseuropéennes à constituer un con-sortium, entre elles et avec despartenaires privés, en vue d’ex-périmenter à grande échelle desnouvelles solutions numériquesdans le domaine de l’énergie, dela mobilité, de l’urbanisme et desservices aux citoyens.

Avantages – Ce dispositif permetde s’appuyer sur des expertisesnumériques parfois absentes ausein de collectivités en allant leschercher chez les partenairesprivés du consortium (qui peuventd’ailleurs être des start-up du ter-ritoire que la collectivité se félici -tera de voir grandir grâce au projet). Il permet de co-définir leservice numérique avec les parte-naires et de s’assurer plus facile-ment de son adéquation avecles autres stratégies portées parla collectivité. Il se base sur lacontribution des différents parte-naires, et donc un partage desrisques. L’évaluation du projetpar l’État ou la Commission dimi -nue le risque – sans le faire dis-paraître – de développer des projets sans modèle économique.

Inconvénients – Le montage dece type de projet collaboratif neva pas sans une certaine com-plexité : effort soutenu pour lacollectivité lors de la phase demontage du projet dans desdélais souvent courts, délais enrevanche longs lors des phasesde sélection des projets et d’at-tribution des subventions, coor-dination entre les partenaires,

alignement nécessaire entre descultures parfois très différentes.Si la collaboration public-privéedevrait permettre d’enrichirmutuellement les expertises, lacollectivité devra rester vigilantesur le modèle économique duservice numérique à l’issue duprojet (partage de la propriétéintellectuelle, répartition des re-cettes et des charges en phased’exploitation…).

Projets de nouveauxservices numériques menésen interne par lescollectivitésCes initiatives ne constituent pasun dispositif en tant que tel maisplutôt des démarches internes.Elles permettent un point de com-paraison intéressant avec lesautres exemples. Les projets con-cernés exigent souvent un fortniveau d’expertise. Aujourd’hui,ils sont souvent menés par descollectivités fortement struc-turées, dotées de moyens et avecune appétence des services oudes élus pour les servicesnumériques4. Le développementde nouveaux services numériquesen interne semble porter aujour -d’hui sur des portails numériques,l’e-administration, la culture, lamobilité parfois5.

Avantages – Possibilité pour lacollectivité de définir le serviceattendu et d’en maîtriser lesétapes de conception, productionet exploitation.

Inconvénients – Des carencessouvent fortes sur des compé-tences nécessaires à la réussitedu projet sur ses différentesétapes, de la conception à l’ex-ploitation, une réussite du nou-veau service numérique forte-ment dépendante de la capacitéde la collectivité à se mettre enmode projet alors que la produc-tion de nouvelles offres de ser -vices n’est pas dans son ADN.

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

La fabrique urbaine dans la ville intelligente

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Mobiliser les dispositifsd’appui à l’innovationnumérique

Le tableau ci-contre identifie,sans être exhaustif, les compé-tences requises pour mobiliserles quatre dispositifs présentésprécédemment. Compétences etpratiques professionnelles restentencore souvent sous-estimées.

Appels à projets innovantsthématiques « non propresau numérique »Nous prendrons pour exemple lecas des appels à projets urbainsinnovants.

Compétences et pratiques pro-fessionnelles requises – Les ap-pels à projets urbains innovantsincluant des nouvelles solutionsnumériques exigent un minimum

de connaissance sur les usagesnumériques et le modèle écono -mique des nouveaux servicesnumériques : il s’agit d’une partd’évaluer la pertinence des ser -vices proposés pour les futurs usagers et au regard d’unestratégie plus globale de la col-lectivité, et d’autre part de s’as-surer que le modèle économiqueproposé par le partenaire estcrédible, au risque de voir dis-

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

Le projet « Rue connectée et espaces partagés » : l’innovation au servicedu bien-être et du mieux-vivre en villeEn novembre 2016, la Caisse des Dépôts a lancé huit démonstrateurs territoriaux smart city, qui ont vocation àdevenir des vitrines du savoir-faire français en matière de ville intelligente. Déployés à Besançon, Bordeaux,Lyon, Nantes, Nice, Toulouse et sur deux sites de la région parisienne (le parc tertiaire et le futur village olympiquede Paris 2024), ces démonstrateurs sont développés en partenariat avec les collectivités concernées.Dans le cadre du démonstrateur nantais et de la stratégie de territoire d’innovation de Nantes Métropole, laSAMOA, en partenariat avec l’Ecole de Design de Nantes Métropole, met en œuvre le projet « Rue connectéeet espaces partagés ». Il vise à concevoir et mettre en œuvre un espace public « intelligent » qui sera le territoired’expérimentations innovantes dans les usages dédiés au bien-être et au mieux-vivre en ville. La rue connectéese veut un lieu partagé, support de services innovants et créateur de nouvelles valeurs d’usages et de nouveauxmodes d’urbanité.Le projet s’inscrit dans le cadre de l’aménagement du quartier de la création de l’Ile de Nantes et des missionsde la SPL sur le territoire. A titre d’exemple, voici quelques thématiques qui seront explorées : mobilités douces,gestion des espaces publics multi-usages, captation de données environnementales et services associés, énergieen circuit court, mobilier urbain augmenté…• Piloter le projet d’aménagement urbain de l’Ile de Nantes : 337 ha qu’il s’agit d’aménager sur l’Ile, dans une nouvelle approche de la fabrique de la ville passant notamment par des expérimentations innovantes, en courset à venir.• Développer économiquement un territoire attractif à l’échelle européenne, s’appuyant sur des communautésd’intérêts, constituées autour de groupements d’acteurs à même de faire émerger des projets ou de lancer desappels à projet orientés vers les start-ups et les créatifs.La SAMOA a mobilisé son réseau d’acteurs pour co-construire le projet avec l'assistance de la SCET, dans unedémarche de création d’un écosystème innovant d’acteurs et une gouvernance équilibrée, optimisant le déploiement de solutions pour la rue connectée. Ce réseau d’acteurs regroupe de grands industriels nationaux(Engie, EDF, Colas...) ou locaux (Lacroix) mais aussi des ETI*, des PME et des start-ups, entre lesquels le démonstrateur vise également à développer des synergies fortes.Le projet présente en outre un volet de data management, s’articulant également avec les autres projets impliquant la métropole, en particulier le Datalab de l’énergie et SMILE**.Le process exploré lors des projets « quartier démonstrateur » va permettre de mettre en place des bonnes pratiques autour de l’exploitation de la donnée, de façon claire pour les usagers-citoyens, dans une logique deconstruction de nouveaux services urbains.

L’objectif du projet de l’Ile de Nantes : créer une centralitéopérationnelle et reconnue de la métropole Nantes SaintNazaire en accueillant tous les usages – logements, activitéséconomiques, enseignement supérieur, grands équipements,espaces culturels et de loisirs. Le projet « Rue connectée etespaces partagés » s’inscrit dans le programme « Ile deNantes – expérimentations », un dispositif exploratoire etmodulable de fabrication de la ville de demain* Entreprises de taille intermédiaire – ** Voir encart ci-après

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paraître le service rapidementaprès sa mise en service. Dansce cas, le foncier ayant été venduau promoteur lauréat, la collec-tivité disposera de leviers proba-blement très faibles pour s’assurerde la pérennité du service numé -rique proposé par cet acteur oul’un des partenaires de songroupement. En revanche, la pro -position de service numérique,sa conception et son exploitationétant du ressort de l’acteur privé,la collectivité n’aura pas à menerun travail approfondi de co- conception du service ni à s’as-surer en détail de sa faisabilitétechnique, ces efforts et cesrisques étant à la charge de l’acteur privé.

Risques identifiés – Les analysesde ces projets sont souvent réa -lisées par les services d’urbanismede la collectivité avec une faibleculture numérique. Le service encharge de l’innovation numérique,lorsqu’il existe au sein de la collectivité concernée, est rare -ment sollicité. Les assistances àmaîtrise d’ouvrage intervenantauprès de ces collectivités pourles appuyer dans l’analyse descandidatures sont également à

dominante urbaine. Elles pro-posent encore rarement unréseau d’experts numériques mo-bilisables. Il y a donc un risquefort que la pertinence des servicesnumériques proposés et leur mo -dèle économique soient superfi-ciellement abordés.

Hackathons et challengesdata Compétences et pratiques pro-fessionnelles requises – Ce dis-positif exige de connaître au seinde la collectivité les donnéesdisponibles, leurs caractéristiques(format, qualité, fréquence d’ac-tualisation) mais aussi leurs con-ditions d’utilisation, sous peinede compromettre fortement l’in-térêt de l’événement pour lesdéveloppeurs et les entrepreneursparticipants. Une faible connais-sance des services numériqueset de leurs modèles économiquesne pénaliserait pas directementle dispositif. Toutefois, cettecarence risque d’amener à reteniret à mûrir des solutions dont lemodèle économique était en réa -lité d’emblée voué à l’échec : unpoint faible qui pouvait paraitreinvisible à l’entrepreneur par excès

d’optimisme et à la collectivitépar son manque de capacité d’analyse. Les hackathons et chal-lenge data (co)organisés par une collectivité exigent égale-ment qu’elle se préoccupe desdispositifs disponibles – publicsou privés – pour accompagnerles lauréats dans leur futur par-cours entrepreneurial. À ce titre,plusieurs dispositifs développéspar les collectivités ces dernièresannées se révèlent inadaptéspour ce type d’entrepreneuriatnumérique (accompagnementtraditionnel à l’entrepreneuriat,pépinières traditionnelles) et lacollectivité doit savoir composeravec des offres d’accompagne-ment privées et performantesqui ont pu émerger sur son terri-toire.

Risques identifiés – Plusieurshackathons et challenge data(co)organisés par certaines col-lectivités ont montré leur capac-ité à ouvrir leur donnée mais sanstoujours faire le lien avec des en-jeux clairs de politiques publiqueset de nouveaux services numé -riques d’intérêt pour elle. Certesce type d’exercice doit laisser unelarge place à la créativité, mais

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

La fabrique urbaine dans la ville intelligente

Compétences et pratiquesprofessionnelles nécessaires au seinde la collectivité

Appel à projets(AAP) innovantsnon spécifiquesau numériquelancé par une

collectivité (ex :Réinventer Paris)

Hackathon etchallenge

data(co)organisé

par unecollectivité

Réponse d’unecollectivité à un

AAP innovants del’État ou de la

Commission avecune forte dimension

numérique

Nouveauprojet deservice

numériqueporté en

interne par lacollectivité

Data (analyse, traitement etvalorisation des données) + +++ +++ +++Usages numériques et design deservices numériques ++ ++ ++ +++Modèles économiques des servicesnumériques ++ ++ +++ +++Culture des acteurs privés et del’innovation partenariale + ++ +++ +Nouvelles modalités d’actions pourl’accompagnement public àl’entrepreneuriat numérique

+ +++ + +

Compétences et pratiques professionnelles requises au sein de la collectivité pour mobiliser les dispositifs

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la collectivité ne doit pas oublierde formuler et partager ses enjeuxpour tirer in fine suffisammentde valeur de ces dispositifs. Lerisque existe donc d’une faiblecoordination entre un directeurdes systèmes d’information ouchief data officer de la collectivité,impliqué dans l’organisation del’événement, et les directionsmétiers à même de partager leursenjeux et leur retour terrains parrapport à des projets de nou-veaux services (ex : voirie et mo-bilité, urbanisme, énergie, etc).Par ailleurs, les responsables dudéveloppement économique ausein des collectivités n’ont pasnécessairement pensé en amontla suite du parcours entrepre -neurial des lauréats et de l’offred’accompagnement pertinentequi peut se trouver désormaisdans le secteur privé (ex : ac-célérateur privé).

Appels à projets innovantsde l’État ou de laCommission ayant une fortedimension numérique Compétences et pratiques pro-fessionnelles requises – La réus-site à ces appels à projets est exigeante pour une collectivité.Elle requiert une bonne connais-sance des enjeux de la donnée,des compétences « métier »fortes selon la thématique del’appel à projets avec une appé-tence pour l’innovation (nouvellesmobilités, smart grid…) et unebonne compréhension des ac-teurs privés afin de collaborerétroitement avec eux. Unemaitrise minimum des modèleséconomiques sera également une clé du projet. S’il est possiblepour la collectivité de s’appuyersur l’expertise apportée par lesentreprises de son consortium,elle devra rester attentive auximplications financières pendantle projet mais surtout à sonterme : partage de la propriétéintellectuelle, modèle économi -que du nouveau service et coûtéventuel pour la collectivité.

Risques identifiés – Plusieurs ex-périences ont montré un risquede déséquilibre avec les indus-triels du consortium : certainescollectivités par manque de com-pétences ont pu mal anticiperce que la pérennisation d’un nou-veau service numérique innovantimplique comme dépenses enphase d’exploitation. Certainsprojets révèlent également la dif-ficulté de la collectivité à trouversa posture à l’issue du projet parrapport à ses partenaires privés :internalisation de tout ou partiedu service ? Délégation à un ac-teur privé ? Non-intervention dela collectivité et initiative laisséeau secteur privé ? Ces questionspeuvent en partie être levées parun renforcement des compé-tences sur les modèles économi -ques. Un autre risque est de voirla collectivité consacrer beau-coup d’effort pour monter cesprojets avec un résultat décevant(projet non sélectionné) car ellene dispose pas encore des com-pétences suffisantes en interne.Cette expérience ne sera paspour autant inutile car l’effet d’apprentissage est souvent fort,et le recours à une assistance àmaîtrise d’ouvrage peut permet-tre de pallier temporairementcette insuffisance en vue d’unemontée en compétence progres-sive des équipes.

Projets de nouveauxservices numériques menésen interne par lescollectivitésCompétences et pratiques pro-fessionnelles requises – Ces ini-tiatives ne constituent pas undispositif mais relèvent plutôtd’une démarche interne et vien-nent apporter un point de com-paraison intéressant. La collec-tivité doit dans ce cas maîtriserla chaîne de compétences utileà la conception, la productionvoire l’exploitation du servicenumérique. Parmi celles-ci, lescompétences liées à la donnée(analyse, traitement, valorisation)

et aux impacts du nouveau ser -vice sur le système d’information,le design de services et l’élabora-tion de modèles économiquesde services numériques.

Risques identifiés – Les 4 com-pétences ci-dessus sont rarementtoutes rassemblées au sein descollectivités. Le plus importantest sûrement d’en prendre con-science : plusieurs d’entre ellesont par exemple perdu de longmois à définir correctement leurprojet de nouveau servicenumérique, faute d’un travail con-venable d’analyse des usages etde design de services. Quelques(rares) collectivités, ont récem-ment eu recours à des assistancesà maitrise d’ouvrage pour répon-dre à ces besoins, ce qui traduitun début de prise de conscience.À titre d’exemple, la direction del’innovation numérique et dessystèmes d’information de lamétropole de Lyon s’est dotéed’une assistance à maîtrise d’ou-vrage pour disposer de compé-tences en « design de services,prototypage et expérimentation »pour l’appuyer dans le développe-ment de ses nouveaux servicesnumériques. Une consultationqui révèle une bonne compréhen-sion de l’importance de ces com-pétences et sûrement une pre-mière étape pour progressive-ment les intégrer au sein deséquipes.

Ces quatre illustrations donnentun aperçu de la diversité des dispositifs d’appui à l’innovationnumérique pouvant être mobiliséspar les collectivités. Ces dispo -sitifs peuvent sensiblement dif-férer dans leurs objectifs et leursmodalités de mise en œuvre, ainsique dans leurs avantages et inconvénients respectifs. Maistous ont un point commun : ilsnécessitent que la collectivitémaîtrise de nouvelles compé-tences et pratiques profession-nelles, un enjeu encore trop sou-vent sous-estimé. n

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

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La fabrique urbaine dans la ville intelligente

Smile : un smart grid pour l’électricité et le gazPorté par les régions Bretagneet Pays-de-la-Loire, Smile estl’un des 3 premiers projetsretenus dans le cadre de l’appelà projets « Réseaux électriquesintelligents », lancé dans lecadre de la Nouvelle France industrielle : un projet porté par l’AGENCE RÉGIONALEPAYS-DE-LA-LOIRE et son homologue breton BretagneDéveloppement Innovation.Smile (SMart Ideas to Link Energies : des idées pour relierles énergies) a été labellisé en2016 avec 2 autres program -mes : Flexgrid porté par la ré-

gion PACA et You&Grid porté par la métropole européenne de Lille. Smile intègre deux démonstrateursnationaux complémentaires, Smart Grid Vendée, porté par le SyDEV (Syndicat Départemental d’Energie et d’Equipement de la Vendée), et SOLENN à Lorient, porté par ENEDIS. Les objectifs du projet : utiliser et protéger les données énergétiques, augmenter la part des énergies renouvelables, accompagner les citoyens et les collectivités dans les économies d’énergie, assurer la cybersécurité desréseaux. Concrètement, 4 départements sont concernés : Ille-et-Vilaine, Morbihan, Loire-Atlantique et Vendée.Smile et les 2 autres lauréats sont financés par le PIA* : au total, cela représente une vingtaine de démonstrateurs dont l’ADEME a dressé un premier bilan. En matière de maîtrise de la demande en électricité (MDE), les projets ont permis de développer un véritable culture de l’énergie des consomma-teurs (entre 1 à 10 % d’économies réalisées par les utilisateurs, selon l’ambition du dispositif mis enplace). En matière d’insertion des EnR, deux points épineux restent en suspens : la valorisationéconomique des écrêtements de production consentis par les producteurs EnR et du stockage de l’énergie. En matière de pilotage des réseaux, les démonstrateurs montrent globalement le caractèreindustrialisable et mature de plusieurs briques technologiques.Faciliter l’injection de biométhane et la décentralisation du système gazierConscients que la transition énergétique doit reposer non seulement sur l’électricité renouvelable, maisaussi sur le biogaz et la maîtrise globale des consommations, Smile s’est ouvert au gaz avec une expérimentation de smart gas grid ou « réseau de gaz intelligent » : toujours porté par les 2 régions,West grid synergy a été lancé par GRTgaz, GRDF, Soregies, Morbihan Énergies, le Sieml, le SyDEV. L’injection de biométhane dans les réseaux publics de distribution de gaz naturel induit des problèmesspécifiques : en général, la production de biométhane a un débit d’injection constant toute l’année, ce qui n’est pas le cas des consommations de gaz naturel. L’une des solutions serait d’utiliser des techniques de « rebours », consistant à décongestionner une zone de distribution par compression dugaz vers le réseau amont. Deux territoires d’expérimentations ont été retenus : la communauté de communes de Pontivy (Morbihan) et Pouzauges (Vendée) où, à terme avec les projets en développe-ment, la production de biogaz représentera près de 40 % de la consommation locale de gaz.

* Dont l’ADEME est l’opérateur pour ce qui concerne les smart grids

1- Plus de 30 pour RéinventerParis 2

2- Vinci Energies, Setec, Suez,Nexity et Cisco

3- Le dernier en date (mars-septembre 2017) étant Territoiresd’Innovation - Grande Ambition

4- Voir, à ce titre, la créationrécente au sein de certainesmétropoles - par exemple, leGrand Lyon et Nice Côte d’Azur-d’un service dédié à l’innovationnumérique en complément de latraditionnelle direction dessystèmes d’information

5- Les nouveaux servicesnumériques liés aux nouvellesmobilités ou au smart gridexigent souvent de passer parun projet collaboratif (voir le casde figure précédent)

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On observe aujourd’hui uneinflexion dans les discourssur la smart city : au-delà

d’une vision technique et opti-misatrice jugée insuffisante, laville durable sera « humaine »,« participative » et « collabora-tive ». Le crowdsourcing peut-ilcontribuer à cette nouvelle visionde la ville numérique, en mobi -lisant la participation et l’intelli-gence de ses habitants ?

Les outils numériques de crowd-sourcing urbain donnent un rôleactif aux citoyens, habitants ouusagers, appelés à contribuer parde nouvelles données, avis, éva -luations, solutions et projets pourtransformer la ville. L’utilisationd’une application ou plateformenumérique permet de mobiliser« l’intelligence de la foule », c’est-à-dire d’ouvrir le processus deproduction de données ou d’ob-jets à un grand nombre de con-tributeurs non experts1. Wikipédia,encyclopédie produite et géréepar la contribution d’une com-munauté, et Open Street Map,cartographie collaborative, sont

deux exemples emblématiquesde crowdsourcing.

Trois tendances, qui s’entre-croisent, expliquent l’utilisationdes outils de crowdsourcing pourrépondre aux défis de la villedans un contexte de changementtechnologique et politique :• Ces initiatives s’inscrivent dans

une logique d’optimisation dela production et de la gestionde la ville vers la smart city.

• Elles accompagnent une logiquede transformation de l’actionpublique, de plus en plus sou -mise à l’évaluation et qui doitdémontrer sa légitimité et sonefficacité.

• Elles répondent enfin à un « im-pératif participatif »2, exigeantque les citoyens soient impliquésdans le développement et lamise en œuvre des politiquespubliques.

CROWDSOURCINGURBAIN ET

PARTICIPATION CITOYENNE NUMÉRIQUEMODE D’EMPLOI POUR UNE VILLE PLUS CONTRIBUTIVE ET DURABLE

Les expérimentations d’outils de crowdsourcing semultiplient dans les collectivités, et montrent de réellespromesses pour la conception et la gestion urbaines ainsique la participation citoyenne, avec des apports tanttechniques (données utiles) que politiques (dynamiquecollective). Les 3 utilisations principales de ces outils –se rapprocher d’une ville « omnisciente », partagerl’expérience urbaine et son évaluation, co-construire lefutur de la ville – correspondent à 3 niveaux decontribution attendue du citoyen – recensement ou

signalement, expression de préférences et d’attentes, propositions d’idées et projets pouraider à la décision. Les villes doivent être attentives à l’expérience proposée aucontributeur. L’outil numérique embarque un « logiciel » politique, qui définit le niveau detransparence, de dimension sociale, de liberté de contribution et de mise en capacité, et donc la nature de la démarche de la ville.

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

Mathieu SAUJOTCoordinateur du programme Fabrique

urbaine, Iddri

Tatiana de FERAUDY, Chercheure Villes durables et

participation, Iddri

Les principes du crowdsourcing urbain

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L’étude que nous avons menéemontre que les collectivités ontlancé un grand nombre d’expéri-mentations de ces outils decrowdsourcing. Cette premièrephase d’appropriation des outilsa permis aux collectivités demieux évaluer les coûts et lesmoyens nécessaires à leur miseen œuvre (métiers, compétences,dispositifs d’accompagnement),ainsi que de préciser les apports.Alors qu’elles produisent de pre-miers retours sur leurs expérienceset ajoutent le crowdsourcing àleur « boîte à outils », il est im-portant de qualifier commentces outils agissent sur la gestionurbaine et les formes de la par-ticipation citoyenne. Afin d’ac-compagner les collectivités dansleur réflexion, nous proposons unmode d’emploi pour le choix etla conception d’outils de crowd-sourcing urbain.

Le crowdsourcingurbain : où en est-on ? Pour mieux comprendre les ap-ports potentiels, mais aussi lesdéfis générés par ces outils, troiscas d’étude ont été choisis etanalysés par l’Iddri :

• Nous avons d’abord observépourquoi et comment les col-lectivités mettent en place desoutils numériques de signale-ment urbain (FixMyStreet, Jaidemaville, TellMyCity, Dans-MaRue, Beecitiz…), qui permet-tent aux citoyens de transmettredes informations sur l’espacepublic : problèmes, suggestions,félicitations…

• Pour mieux comprendre l’appro-priation de ces outils, nous noussommes également intéressésà l’expérience de la ville de Paris,qui a développé différents outilsde participation citoyennenumérique : Dans Ma Rue,Madame la Maire j’ai une idée,Imaginons Paris Demain, Budgetparticipatif.

• Enfin, nous avons étudié ce queles outils de crowdsourcing ur-bain pouvaient apporter pourla formulation de politiquespubliques et la transformationdes pratiques dans un secteur

spécifique, celui du vélo : con-tribution de traces GPS, déve -loppement de cartes collabora-tives de cyclabilité, participationdes cyclistes à des concertationsnumériques.

Cette étude a mis en lumière lenombre et la diversité des expéri-mentations. Le crowdsourcing urbain fait aujourd’hui partie dela boîte à outils des acteurs (villes,associations, citoyens…). Notreanalyse a permis de vérifier sonpotentiel pour transformer la fa -brique urbaine. Ses apports tech-niques (obtenir de nouvelles don-nées, plus précises et mises àjour en temps réel, ainsi que desévaluations et recensements desespaces et services urbains) secombinent à des apports poli-tiques (renforcer l’efficacité del’intervention publique et la rap-procher des usages, rendre visi-bles des communautés ou despratiques, aider à la décisionpublique)3.

“ Le crowdsourcing fait aujourd’hui partie dela boîte à outils des acteurs [de la ville] ”

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La fabrique urbaine dans la ville intelligente

La ville de Paris a largement développé la participation citoyenne numérique

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Au sein des collectivités, ces outilsavaient été mis en place princi-palement pour offrir des espacesd’expression et de participationdans un contexte de défianceenvers le politique. Cependant,les premières expérimentationsont mis en lumière des défis tech-niques, organisationnels et poli-tiques. Les organigrammes de-vaient être transformés pour in-tégrer de nouveaux métiers (com-munity manager, développeur,chargé de participation numéri -que) et de nouvelles directions.Par ailleurs, des moyens impor-tants (humains, financiers, tech-nologiques) devaient être mobi -lisés pour assurer l’utilisation desoutils de crowdsourcing. Enfin, lamise en visibilité de l’interventionpublique permise par ces outils,qui aurait pu mener à sa critique,a pu susciter des réticences. Ainsi,les collectivités ont privilégié uneapproche expérimentale, limitantla portée des outils et cadrantfortement la contribution ducitoyen.

Ces expérimentations ont con-stitué une première phase d’ap-propriation et de diffusion au

sein des collectivités d’une « cul-ture numérique ». Le numériquen’est plus perçu comme une so-lution « magique » pour obtenirplus de participation tout enfaisant des économies. Les coûtsde mise en œuvre étant mieuxévalués, le crowdsourcing ne peutplus servir simplement à « faireparticiper » : il doit concrètementaider à mieux gérer et produirela ville, en collaboration avec lescitoyens. Afin d’atteindre cet objectif, deux défis restent à surmonter :• La multiplication des outils, par-

fois lancés de manière précipitéeou non coordonnée, a pu en-traîner un cloisonnement desinitiatives. Or, les coûts et lesbesoins de traitement, d’agré-gation et d’analyse des donnéescollectées restent importants.Afin d’assurer que ces donnéeset leur utilisation représententun apport pour la gestion de laville, une réflexion doit êtremenée a priori sur les finalitéspoursuivies et les moyens à met-tre en œuvre.

• Par ailleurs, les premières ex-périmentations n’ont pas encore

permis de mobiliser des com-munautés larges et représenta-tives : les collectivités s’interro-gent ainsi sur le besoin et lesmanières de « rétribuer » la con-tribution citoyenne, et d’assureraux contributeurs un impact surla décision. Elles tendent aujour -d’hui à s’orienter vers des « plate-formes » numériques pérennesrassemblant les outils d’infor-mation, d’interaction et de contribution, afin d’installer leurusage dans le temps et de pou-voir mobiliser des communautésd’usagers lors de campagnesspécifiques. Pour soutenir lesvilles, nous proposons undécryptage du processus dechoix et de conception de cesoutils, selon les objectifs quileurs sont attribués pour la ges-tion urbaine et le degré d’impli-cation du citoyen.

Quels outils pour quelsobjectifs de politiquepublique ? La première étape de mise enplace d’un outil de crowdsourcingest d’identifier l’objectif visé etle rôle attendu du citoyen : pourl’accompagner, nous proposonsdans le tableau suivant troisgrands types d’applications. Nousillustrons leurs apports potentielsdans le domaine de la mobilitédurable à partir de l’exemple duvélo. Pour une ville, il existe unecomplémentarité entre ces troisutilisations du crowdsourcing, quipeuvent se combiner, parfois ausein d’un même processus ououtil, attribuant un rôle plurielau citoyen.

Critères pour laconception etl’évaluation d’un outil Pourquoi est-ce important deréfléchir au design de l’outil ?Alors que les outils de crowd-sourcing intègrent la boîte à outilsdes collectivités, pour enrichir

“ Le crowdsourcing [...] doit concrètementaider à mieux gérer et produire la ville, en collaboration avec les citoyens ”

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

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l’action publique et favoriser laparticipation citoyenne, il est im-portant de comprendre commentleur conception va permettre –ou non – d’atteindre ces objectifs.En effet, ces outils ne sont pasneutres, mais incorporent un pro-jet politique : par leur design, ilsorientent la contribution, les com-portements des utilisateurs etleurs interactions4. En premierlieu, le design structure les rela-tions entre le citoyen et la ville,et entre les citoyens eux-mêmes.Par exemple, les outils incorporantdes fonctionnalités sociales (fo-rums, commentaires, cartogra-phie participative...) et présentantles contributions de manièretransparente favorisent l’émer-

gence de débats sur des objetsd’intérêt général5 et peuvent parailleurs favoriser la constitutiond’une communauté de crowd-sourcing active et pérenne.

La richesse de l’expérience offerteau contributeur influence égale-ment la capacité de ces outils à mobiliser durablement lescitoyens concernés. Si l’intérêtpersonnel peut motiver la contri -bution, en particulier sur les ques-tions de proximité, d’autres res -sorts de l’engagement citoyenpeuvent être mobilisés à traversces outils : opportunités d’appren-tissage, sociabilité, réponse à undevoir civique6… Les objets decontribution, ainsi que l’assurance

d’un impact sur la décision, jouentun rôle central dans la mobilisa-tion des citoyens. Plus largement,ces outils peuvent contribuer àune mise en capacité du citoyen.En offrant une liberté de contri-bution, ils peuvent encouragerles citoyens à adopter une dé-marche réflexive pour trouver denouvelles façons de décrire laville et ses éléments. En favorisantla transparence des contributions,ils peuvent leur permettre de con-textualiser leur action et, en ren-dant lisibles le fonctionnementde la ville et les responsabilitésdes différents acteurs, contribuerà un apprentissage des moyensd’agir sur la décision.

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

La fabrique urbaine dans la ville intelligente

Ambition Objectif Rôle du citoyen Le crowdsourcing est utile…

Mieux géreret concevoirla ville avecleshabitants

S’approcherd’une ville «omnisciente » :collecter desdonnées dont lacollectivité nedispose pas

Recensement,signalement del’état des espaceset des services,production dedonnées d’usage,science citoyenne

Ex. - Recensementdes places oubesoins destationnement vélo,signalements sur lesinfrastructures,mesures depollution…

… s’il existe très peu dedonnées, si celles-cisont coûteuses àproduire, ou s’il s’agit dedonnées personnelles

Ex. - Face aux peu dedonnées sur la pratiquedu vélo, des traces GPSgénérées par uncalculateur d’itinérairesont utilisées par lamunicipalité de SanFrancisco pour mieuxcomprendre la pratiqueet la planifier

Partagerl’expérienceurbaine :consulter pourrapprocherl’actionpublique desusages,améliorer sonefficacité et salégitimité

Expression depréférences etd’attentes,évaluation depolitiques ou deservices urbains

Ex. - Développementdu Plan Vélo à Paris :7000 réponses à unquestionnaire enligne pour recenserles besoins et lespréférences descyclistes

… si l’infrastructure ou lapolitique à mettre enœuvre demandent uneappropriation forte etune compréhension desusages réels (pratiquede chauffage, mobilité,usages de l’espacepublic, gestiondomestique desdéchets…)

Ex. – Grâce à unecartographiecollaborative de lacyclabilité en Nord-Pasde Calais, les cyclistesnotent la voirie etfournissent ainsi uneévaluation desinfrastructures à partirde leurs usages

Rendreacteurs lescitoyens àtravers unprocessuscollaboratif

Co-construirele futur de laville : obtenir denouvelles idéeset engager lecitoyen dansune relationd’échange avecla collectivité

Propositionsd’idées,suggestions etprojets pour aiderà la décision

Ex. – Le budgetparticipatif de Parisa permis au citoyende proposer denouveaux projetspour le vélo et acontribué à rendrevisible lacommunauté descyclistes

… si besoind’« intelligencecollective » pourproduire de nouvellessolutions pour l’actionpublique, rendre visiblescertains problèmes,engager les citoyensdans une démarchecollective et réflexiveface aux enjeux urbains

Ex. – Les associations« vélo » jouent déjà cerôle auprès descollectivités : lecrowdsourcing est unmoyen pourdémultiplier, compléteret renforcer leur action

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Le design de l’outil numériqueest ainsi une dimension essen-tielle, et pourtant sous-estiméeau sein des collectivités. Nousproposons ici une grille d’analysequi explicite, à partir de critèresconcrets, la manière dont l’outilagira sur l’expérience du contribu-teur. Cette grille fournit un sup-port pour guider la conceptionou l’évaluation des outils, en véri-fiant la cohérence entre le rôleattribué au citoyen et le projetpolitique de la collectivité7.

En s’intégrant dans une démarchequi reconnaît aux citoyens unrôle de partie prenante, et en favorisant la mise en capacitédes citoyens afin qu’ils deviennentacteurs de la ville, le crowd -sourcing fournit des outils puis-sants pour la construction d’unprojet de développement durable.Les collectivités locales ont unrôle à jouer pour concrétiser cepotentiel, à condition d’être vigi-lant à maintenir une cohérenceentre les objectifs poursuivis etl’outil proposé aux citoyens. n

1- Daren C. BRABHAM, Motivationsfor participation in acrowdsourcing application toimprove public engagement intransit planning, Journal ofApplied CommunicationResearch, 40:3, juin 2012

2- Loïc BLONDIAUX, Le nouvelesprit de la démocratie :actualité de la démocratieparticipative, Seuil, 2008

3- Pour les résultats détaillés :Tatiana de FERAUDY, MathieuSAUJOT, Une ville pluscontributive et durable :crowdsourcing urbain etparticipation citoyennenumérique, Iddri Studies n°04,2017

4- Romain BADOUARD, La mise entechnologie des projetspolitiques : une approche «orientée design » de laparticipation en ligne,Participations 2014/1

5- Dietmar OFFENHUBER,Infrastructure legibility: a comparative analysis of

open311-based citizen feedbacksystems, Cambridge Journal ofRegions, Economy and Society,mars 2014

6- Pour une analyse desmotivations et des barrières à laparticipation : Alice MAZEAUD,Julien TALPIN, Participer pourquoi faire ? Esquisse d’unesociologie de l’engagement dansles budgets participatifs,Sociologie 2010/3 (Vol.1)

7- Pour le détail de la grille : Tatianade FERAUDY, Mathieu SAUJOT,M. (2016), Crowdsourcing : unmode d’emploi pour les villes,Iddri Policy Brief n°09/16, 2016

“ Le design de l’outil numérique est une dimension essentielle et […] sous-estimée ”

Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

1) Quelles fonctionnalités dunumérique sont mobilisées ?À un premier niveau, l’outil numériquepeut simplifier la collecte de donnéesriches et précises. Il peut égalementpermettre de se rapprocher d’une co-production, si des fonctionnalités de mise en relation des contributeurs,d’enrichissement et de mise en lisibilitéde l’information, et de collaborationdirecte sont mobilisées.

2) Quel est le degré de libertédans la contribution ?Le contributeur aura uneexpérience plus riche s’il peutchoisir le format et l’objet de ses contributions. La libertéd’utiliser différents formats(vote, écrit, images, son…) et de traiter des objets dépassantl’échelle de proximité(immeuble, quartier) peutégalement être valorisée.

3) Quel est le degré de transparence ?Les outils numériques ont le potentielde rendre visible et lisible le processusde décision pour les contributeurs etpour les citoyens. Les contributionsdoivent ainsi être visibles par tous (enrespectant les données personnelles),et les données collectées doivent êtrelibérées. Par ailleurs, la construction del’outil ainsi que le processus de décisiondoivent être transparents.

4) Quelle est la dimensionsociale de l’outil ?Au-delà d’une relation bilatéraleville-citoyens, les outils peuventenrichir l’expérience utilisateuren offrant aux citoyens lapossibilité de communiquerentre eux, d’agir ensemble, ou de relier leur activité en ligneà un engagement en présentiel.

5) Quelle mise en capacité est permise par la démarche decrowdsourcing ?Afin de mobiliser les citoyens, l’initiateur de la démarche peut simplementproposer des opportunités d’apprentissage et d’information. Cependant,l’empowerment n’est réel que si les citoyens ont un impact sur la décision(soit direct, à travers un vote, soit indirect, par un engagement à prendreen compte les contributions).

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67Tendances – Numéro 5 – octobre 2017

Glossaire

Big data – En français, mégadonnées. Expressiontraduisant l’explosion quantitative de la donnéenumérique, dépassant les capacités d’analyse des outilsinformatiques classiques de gestion de base de donnéesou de traitement de l’information.

BIM – Building information modeling, en français mo -délisation des données du bâtiment. Le BIM désignedes méthodes de travail et une maquette numériqueparamétrique 3D contenant des données intelligenteset structurées. Il permet le partage d’informationsfiables tout au long de la durée de vie d’un bâtiment oud’une infrastructure, de sa conception jusqu’à sa démolition en passant par sa certification, sa réparation...La maquette numérique désigne la représentation digitale des caractéristiques physiques et fonctionnellesde ce bâtiment ou infrastructure. Le BIM définit, de laconception à l’utilisation du bâtiment, qui fait quoi,comment et à quel moment, en s’appuyant sur desmodèles virtuels 3D permettant d’effectuer des analyseset simulations (énergétiques, structurels, détection desconflits...), des contrôles et des visualisations.

Blockchain – En français, chaîne de blocs. Technologiede stockage et de transmission d’informations, trans-parente, sécurisée, et fonctionnant sans organe centralde contrôle. Par extension, une blockchain constitueune base de données qui contient l’historique de tousles échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sacréation. Cette base de données, sécurisée et distribuée,est partagée par ses différents utilisateurs, sans inter-médiaire, ce qui permet à chacun de vérifier la validitéde la chaîne.

CIL – Nouveau métier, né en 2004 suite à la refonte dela Loi Informatique et Libertés. Délégué à la protectiondes données, le correspondant Informatique et Libertéveille à la sécurité juridique et informatique de son or-ganisme (association, collectivité locale, administrationde l’État, PME-PMI, entreprise multinationale...). Le CILa vocation à devenir le délégué à la protection des données dans le cadre de la nouvelle réglementationeuropéenne applicable en 2018. Il est le référent sur lesquestions de protection des données personnelles ausein de l’organisme qui l’a désigné.

Civic tech – Abréviation de civic technology. Ensembledes procédés, outils et technologies qui permettentd’améliorer le système politique, la civic tech est l’usagede la technologie dans le but de renforcer le lien dé-mocratique entre les citoyens et le gouvernement. Elle intègre toute technologie permettant d’accroîtrele pouvoir des citoyens sur la vie politique, ou de rendrele gouvernement plus accessible, efficient et efficace.

CNIL – Autorité administrative indépendante française,la commission nationale de l’informatique et des libertésest chargée de veiller à ce que l’informatique soit auservice du citoyen et qu’elle ne porte atteinte ni àl’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vieprivée, ni aux libertés individuelles ou publiques. Elle exerce ses missions conformément à la loi relative àl’informatique, aux fichiers et aux libertés du 6 janvier1978 modifiée le 6 août 2004, fondement de la protectiondes données à caractère personnel dans les traitementsinformatiques mis en œuvre sur le territoire français.

Crowdfunding– Terme anglais désignant un financementparticipatif, c’est-à-dire tout outil ou méthode de trans-actions financières qui fait appel à un grand nombrede personnes afin de financer un projet. Ce mode de fi-nancement se fait sans l’aide des acteurs traditionnelsdu financement et est dit « désintermédié ». Il s’estfortement développé avec l’émergence des plateformesde financement participatif et s’inscrit dans le mouve-ment plus global de consommation collaborative et de production participative. Il existe plusieurs formesde crowdfunding (don, don avec contrepartie, prêt, capital-investissement) et ce dernier est réglementédepuis le 1er octobre 2014.

Crowdsourcing – Terme anglais désignant la « productionparticipative » ou l’« externalisation ouverte ». Il s’agitd’utiliser la créativité, l’intelligence et le savoir-faired’un grand nombre de personnes (notamment du grandpublic ou des consommateurs) pour réaliser certainestâches traditionnellement effectuées par un employéou un entrepreneur (par exemple, proposer et créer deséléments d’une politique marketing).

Data – Terme anglais utilisé pour qualifier les données(voir ce terme).

Data center – En français, centre de données. Sitephysique regroupant des installations informatiques(ordinateurs centraux, serveurs, routeurs, commutateurs,disques durs...) chargées de stocker et de distribuer desdonnées à travers un réseau interne ou via un accès In-ternet. Il peut s’agir d’installations privées à usageexclusif ou bien de centres de données administrés pardes prestataires qui regroupent plusieurs clients.

Data protection officer (DPO) – Le délégué à la pro-tection des données est l’expression du règlementgénéral sur la protection des données (RGPD), règlementeuropéen du 14 avril 2016 appelé à remplacer les dispo-sitions de la loi informatique et libertés qui s’appliquejusque mi-2018. Il est une évolution du correspondantInformatique et Libertés (CIL).

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Donnée – Description élémentaire d’une réalité. C’est,par exemple, le résultat brut d’une observation ou d’une mesure du monde réel. La donnée est dépourvuede tout raisonnement, supposition, constatation, probabilité.

Empowerment – En français, traduit notamment parcapacitation. Accroissement d’un pouvoir exercé à titreindividuel ou collectif, pour agir notamment sur les conditions sociales, économiques, politiques ouécologiques auxquels sont confrontés individus ougroupes. Le terme connaît de nombreuses traductionsfrançaises (outre capacitation : attribution de pouvoir,émergence d’un processus d’appropriation du pouvoir,puissance d’agir…) qui correspondent chacune à desacceptions différentes, mettant l’accent sur une certainedimension de l’exercice du pouvoir. Le numérique estsouvent considéré comme un vecteur d’émancipation,de modification du rapport aux collectif et au pouvoir,favorisant le collaboratif et l’empowerment.

Format – Un format de données est une convention(éventuellement normalisée) utilisée pour représenterdes données (informations représentant un texte, unepage, une image, un son, un fichier exécutable...). Lorsqueces données sont stockées dans un fichier, on parle deformat de fichiers. Une telle convention permet d’échan -ger des données entre divers programmes informatiquesou logiciels, soit par une connexion directe, soit par l’intermédiaire d’un fichier.

Hub – Structure logistique physique où sont acheminésplusieurs flux logistiques (produits ou individus essen-tiellement) dans le but d’être triés, organisés, pilotés etréexpédiés. La massification en un point donné permetune économie financière et de temps.

Internet des objets – En anglais, Internet of things ouIoT. D’un point de vue conceptuel, il caractérise desobjets physiques connectés ayant leur propre identiténumérique et capables de communiquer les uns avecles autres, telle la matérialisation d’Internet dans lemonde réel. D’un point de vue technique, il consiste enl’identification numérique directe et normalisée (adresseIP, protocoles smtp, http...) d’un objet physique grâce àun système de communication sans fil. Les objets connectés produisent de grandes quantités de donnéesdont le stockage et le traitement entrent dans le cadredes big data. En logistique, il peut s’agir de capteurs quiservent à la traçabilité des biens pour la gestion desstocks et les acheminements. Dans le domaine de l’environnement, il est question de capteurs surveillantla qualité de l’air, la température, le niveau sonore, l’étatd’un bâtiment...

Interopérabilité – Possibilité d’échanger des donnéesentre différents logiciels ou systèmes informatiques oucapacité de fonctionner avec d’autres sans restrictiond’accès ou de mise en œuvre. Le terme « interopéra -bilité », contrairement à « compatibilité », induit unecommunication entre les systèmes étudiés.

Métadonnées – Données décrivant ou définissantd’autres données (ou données à propos des données). Il s’agit principalement de l’information permettant dedécrire un contenu ou de retrouver les données stockées(date de sauvegarde, taille, auteur…).

Open data – En français, donnée ouverte. Donnéenumérique dont l’accès et l’usage sont laissés libresaux usagers. Elle peut être d’origine publique ou privée,produite notamment par une collectivité, un servicepublic, ou une entreprise. Elle est diffusée selon uneméthode et une licence ouverte garantissant son libreaccès et sa réutilisation par tous, sans restriction tech-nique, juridique ou financière.

Plateforme – Service occupant une fonction d’inter-médiation directe pour échanger informations, contenus,services ou biens entre professionnels, entre profession-nels et particuliers et entre particuliers. Les plateformesnumériques développées par des entreprises techno -logiques collectent et exploitent des données sur l’offreet la demande et proposent un service (souvent per-sonnalisé, évalué, géolocalisé, en temps réel…) à untrès grand nombre d’utilisateurs.

SCoRAN – La stratégie de cohérence régionale pourl’aménagement numérique (SCoRAN) fixe les grandesorientations souhaitées par les acteurs régionaux et or-ganise la concertation entre eux, afin de garantir quechaque territoire soit couvert par un schéma directeurterritorial d’aménagement numérique.

SDTAN – Le schéma directeur territorial d’aménagementnumérique, instauré par la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, dite loiPintat, définit une stratégie de développement desréseaux, établie au moins à l’échelle d’un département.Il vise à soutenir la cohérence des initiatives publiqueset leur bonne articulation avec les investissementsprivés. La moitié des départements français est aujour-d’hui engagée dans l’élaboration d’un SDTAN.

Services numériques – En anglais, data services. Servicesbasés sur des solutions numériques. Dans le cadre dela fabrique urbaine, ils peuvent être des services deproximité en matière sociale, culturelle, sportive... (démarches en ligne, applications mobiles), une offrecitoyenne (outils de dialogue et de participationcitoyenne, partage de biens communs...), des dispositifsde transparence et d’innovation (ouverture des donnéespubliques, services de l’économie sociale et solidaireou de l’économie collaborative), ou encore des outils

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au service du fonctionnement interne de la collectivité(dématérialisation des processus…) ou visant à optimiserdes services publics existants (dans les domaines del’énergie ou de la mobilité par exemple).

Smart city – Traduit en général par ville intelligente.Outre smart city, de nombreux termes sont utiliséspour désigner la ville intelligente : ville numérique, greencity, connected city, éco-cité, ville durable… (voir unecartographie de ces notions sur le site de la CRE). Auniveau des métropoles, désignant un nouveau paradigme,ce terme est souvent accompagné de notions connexesde ville numérique (où les technologies de l’informationet de la communication prennent une importance gran-dissante) ou encore de ville créative (où la mise enœuvre des technologies côtoie l’éclosion des « talents »,de la créativité). Sans trancher, on peut se référer àPilar CONESA, PDG d’Anteverti, citée dans le récentrapport au premier ministre sur l’avenir des smart cities :« […] c’est un terme commun qui nous a permis deparler et de faire parler de l’innovation urbaine, sociale,de la participation citoyenne, des communs, de tousces problèmes fondamentaux de nos sociétés ».

Smart grid – Un réseau électrique intelligent – dontsmart grid est l’une des dénominations anglophones –est un réseau de distribution d’électricité qui favorise lacirculation d’information entre les fournisseurs et les

consommateurs afin d’ajuster le flux d’électricité entemps réel et permettre une gestion plus efficace duréseau électrique. L’objectif est d’améliorer l’efficacitéénergétique de l’ensemble en minimisant les pertes enlignes et en optimisant le rendement des moyens deproduction utilisés, en rapport avec la consommationinstantanée. Notion parfois étendue à tout type d’énergie.

Traces numériques – Informations enregistrées par lesdispositifs numériques à partir des activités de leursutilisateurs ou sur leur identité, volontairement ou biende manière automatique. Tous les systèmes nécessitantune identification ou une interaction avec ses utilisateurssont susceptibles de capter des informations les concernant (achats en ligne, moteurs de recherche,titres de transport, téléphones mobiles...).

Ubérisation – Du nom de l’entreprise Uber, processuspar lequel un modèle économique basé sur les tech-nologies digitales entre en concurrence frontale avecles usages de l’économie classique. Ce modèle reposeprincipalement sur la constitution de plateformesnumériques qui mettent en relation directe prestataireset demandeurs, ainsi que sur des applications dédiéesqui exploitent la réactivité en temps réel de l’internetmobile.

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