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Monceaux. Histoire littéraire de l'Afrique chrétienne depuis les origines jusqu'à l'invasion arabe (1901). T I

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    DESCRIPTION DE L'AFRIQUE DU NORDENTREPRISE PAU ORDRE DE

    M. LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS

    HISTOIRE LITTRAIREDE

    L'AFRIQUE CHRTIENNEDEPUIS LES ORIGINES JUSQU'A L'INVASION ARABE

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    [HP. 0B1ENT.ALK A. BL'RDIN ET C ic . ANOEKS.

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    HISTOIRE LITTERAIREDE

    L'AFRIQUE CHRTIENNEDEPUIS LES OMGIIS JUSQU'A L'INVASION AIUBE

    PARPAUL MONCEAUX

    DOCTEUR ES LETTRES

    TOME PREMIERTERTULLIEN ET LES ORIGINES

    PARISERNEST LEROUX, DITEUR

    28, RUE BONAPARTE, 281901

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    PRFACE

    Le titre du prsent ouvrage en indique assez l'objet. Dansla vaste enqute qui se poursuit depuis vingt ans sur les an-tiquits de l'Afrique du Nord, et qui restera l'un des titresd'honneur de l'rudition franaise, il nous a sembl qu'il yavait place pour une Histoire littraire, conue dans le sensle plus large du mot, qui comprendrait la fois l'tude cri-tique des documents et l'tude de la littrature proprementdite, considre dans sa gense, dans son volution et dansses uvres. Nous remercions le Ministre de l'Instructionpublique et la Commission de l'Afrique du Nord, qui ont bienvoulu adopter notre projet et approuver notre plan 1 .

    Nous laissons ici entirement de ct la littrature paenned'Afrique, que d'ailleurs nous avons eu l'occasion d'tudierdj dans son ensemble et dans son principal reprsentants.Sans doute, la connaissance des rhteurs et des potes paensest fort utile pour la reconstitution du milieu intellectuel, pourl'analyse des influences profanes qu'ont subies les chrtiens;et nous nous en souviendrons, quand il le faudra. Cependant,malgr les points de contact, mieux vaut sparer deux lit-tratures qui diffrent entirement d'esprit et de tendance :une littrature d'imitation, tourne vers le pass, soucieuseseulement de renouveler par l'expression un fonds d'ides

    ous devons des remerciements par- dsign par le Ministre, et qui nous a com-ticuliers M. Salomon Heinach, qui a t mimique nombre d'utiles observations.le rapporteur 1res bienveillant de notre ou- 2) Apule (Paris, 1888j. Les Afri-vrage la Commission de l'Afrique du Nord, cains, tude sur la littrature latine d'Afri-fl a M. lteu Cagnaft, jui a suivi de trs que. Les paens (Paris, 1894}.prs l'impression en qualit de commissaire

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    Mil I U 1

    traditionnelles; el une littrature toute d'action, proccupetoujours du prsent ou de l'avenir, pour qui lr bien dire n'estencore qu'une forme de l'action. En ralit, la srie des au-teurs paens du pays, sauf de rares exceptions, ne relve quede l'rudition pure. Vu contraire, la srie des chrtiens cons-titua une vritable littrature, logique en son dveloppement,et originale en bien des uvres; on en suivra d'autant mieuxl'volution, qu'on l'ludiera en elle-mme. Nous ne par-lons naturellement que de l'Afrique latine, de la littraturequi a eu son centre Carthage, et qui de l a rayonn enProconsulaire, en Numidie, jusque dans les Maurtanies eten Tripolilaine. L'Afrique grecque, Egypte et Cyrnaque,reste hors de cause; car c'est un monde part, tout oriental.

    Dans quelle mesure celte littrature latine d'Afrique est-elle africaine**, autrement dit, dans quelle mesure s'y est mar-que l'action du pays o elle s'est dveloppe? Question trsdbattue entre gens du mtier, discute parfois avec une sortede passion, avec une singulire prei, et tranche de faonstrs diverses par des critiques d'gale comptence. Nous nesoulverons point de nouveau cette question. Elle est appa-remment insoluble dans l'tat prsent de nos connaissanceslinguistiques; elle ne pourra tre reprise utilement que lejour o le latin d'Afrique aura t mthodiquement analys,et compar systmatiquement au latin des autres rgionsd'Occident. A vrai dire, la solution du problme n'importegure ici. Quelle que soit chez nos auteurs la proportion desafricanismes, toujours est-il qu'une riche littrature chr-tienne s'est dveloppe en Afrique. Cette littrature a durcinq sicles, depuis les derniers Antonins jusqu' l'invasionarabe. Elle a produit une foule d'crivains, dont quelques-uns de premier ordre, un Tertullien, un saint Cyprien, unsaint Augustin; et, de gnration en gnration, l'on y suitune tradition ininterrompue travers une srie d'uvres trsingales, mais presque toutes caractristiques, composesdans le pays par des enfants du pays. Donc, l'on peut discutersur le degr d'originalit de cette littrature, compare

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    HHKFACE IIIcelles d'Italie, d'Espagne ou de Gaule. Mais, assurment, l'onne saurait contester ni l'existence ni l'importance de cettelittrature, ni, par consquent, la lgitimit du principe d'unehistoire littraire de l'Afrique chrtienne.

    L'tude des documents historiques, comme on le verra,occupe une assez grande place dans notre ouvrage. En lar-gissant ainsi notre cadre, nous n'avons pas song seulement rendre service aux archologues et autres rudits, qui ontsouvent citer ces pices sans pouvoir toujours, au pralable,en contrler la valeur. Notre intention premire tait mmede nous en tenir aux uvres proprement littraires. Maisnous nous sommes vite aperu qu'on ne pouvait isoler arbi-trairement, sans la fausser, une littrature d'action, o l'in-tervention des documents contemporains est ncessaire pourl'intelligence des uvres, et o les uvres les plus littrairessont encore des documents d'histoire. Traits anonymes,lettres, procs-verbaux, actes des conciles, inscriptions,actes des martyrs, nous n'avons rien omis, puisque de toutcela s'claire la littrature. On ne s'tonnera point que dansces chapitres l'rudition soit ordinairement moins discrte;car tout, ou presque tout, s'y ramne des questions d'au-thenticit, d'origine, d'attribution, de date. Cependant, l'occasion, le lettr le plus dlicat y trouve son compte, no-tamment dans l'admirable srie des relations de martyres.

    Pour rendre la littrature intelligible, nous avons d tu-dier de prs, et souvent reconstituer nous-mme, l'histoiredu christianisme local. Sur l'ancienne glise d'Afrique, iln'existe que des travaux vieillis, ou superficiels, incompletset inexacts. En ralit, l'on ne peut se fier qu'au tmoignagedes documents authentiques, textes d'auteurs du pays, procs-verbaux, inscriptions, dcouvertes archologiques. Naturel-lement, nous n'avions pas crire ici une histoire de l'glised'Afrique; mais, en fait, nous devions en runir, pour notreusage, presque tous les matriaux. Nous devions encadrerl'histoire littraire dans l'histoire ecclsiastique locale, sanslaisser le cadre empiter sur le tableau. La solution la plus

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    1V PRFACE

    simple nous a paru tre de placer en tte de chaque priodelittraire un chapitre franchement historique, o nousmarquons les progrs du christianisme dans la rgion, lespreuve- ou les triomphes des glises, les changements dansl'organisation, dans la discipline ou la hirarchie. Nousn'avons rien nglig pour que ces chapitres fussent au cou-rant des dernires dcouvertes de la critique ou de l'archo-logie. Rappelons seulement qu'on doit y chercher, non pasles fragments d'une vritable histoire, mais des notes histo-riques destines expliquer une littrature.

    Cette littrature, ainsi dfinie et encadre, restait l'obser-ver en elle-mme, en suivre les destines, en dterminerl'volution et la valeur propre. Chose curieuse, peine quel-ques coins de ce vaste domaine avaient t explors jusqu'icipar la critique. Beaucoup d'auteurs africains, surtout ceuxdes dernires priodes, n'ont jamais t tudis. Les autres,mme les plus grands, mme Terlullien et Augustin, n'ontjamais t l'objet d'une enqute littraire approfondie. Nonpas qu'on ait mconnu l'intrt et la porte de leur uvre;bien au contraire. Mais ils sont redevenus si vivants depuis laRforme, qu'on a pris ou conserv l'habitude de les mleraux polmiques. On n'a vu en eux que des docteurs, les t-moins d'une ancienne tradition, du dogme ou de la discipline,ou de la civilisation du temps; et l'on a presque toujoursoubli de les considrer, plus modestement, comme auteurs.Or, c'est prcisment Vauteur qui nous intresse surtout enchacun d'eux. Depuis longtemps, c'est avec cette proccupa-tion un peu profane, mais ncessaire, que l'on tudie gnra-lement Calvin, Bossuet ou Fnelon; mais c'est une nouveautque de se placer rsolument ce point de vue pour jugerTertullien, Cyprien, Arnobe, Augustin ou Fulgence. En effet,presque tous les travaux consacrs jusqu'ici aux Pres del'glise africaine relvent de la thologie ou de l'histoire, moins qu'ils ne relvent exclusivement de la philologie.Aux philologues contemporains, nous devons beaucoup.D'abord, dans des dissertations de dtail ou des ouvrages

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    PRE l'A CF.

    d'ensemble comme l'excellent manuel de M. Ilarnack, ils ont,sinon toujours rsolu, du moins pos et discut une foule deproblmes dont la solution mme incomplte claire souventles uvres originales : questions d'authenticit, d'attribution,de chronologie, de langue, etc. Surtout, ils nous ont rendule grand service de donner aux tudes littraires une base so-lide par leurs ditions critiques. Le Corpus de Vienne, lesMonumenta Germaniae, ou d'autres collections savantes,nous fournissent un texte, ou trs bon, ou suffisant, des ou-vrages de Tertullien, de Cyprien et de ses contemporains, deMinucius Flix, d'Arnobe, de Lactance, de saint Optt, deVictor de Vita, de Gorippus, de Dracontius, d'une partie del'uvre d'Augustin, etc. Pour d'autres crivains, il n'existemalheureusement que de vieilles ditions, gnralement duxvii e ou du xvm e sicle, qui ont t souvent bonnes en leurtemps, mais qui ne rpondent plus aux exigences modernes.En ce cas, nous n'avons pu que choisir le meilleur texte c'est ordinairement celui qu'a reproduit Migne dans sa Pa-trolofjie latine; et nous avons suivi ce texte, tout en regret-tant qu'il ne ft pas toujours excellent.

    Ouant aux thologiens, depuis des sicles, ils ont fouillen tout sens les uvres dogmatiques ou polmiques de Ter-tullien, d'Augustin, de Fulgence et d'autres. A l'occasion,nous avons tir profit de leurs travaux, au moins des plus r-cents. Car il est impossible d'tudier srieusement les grandsdocteurs, sans parler un peu thologie; et l'on ne sauraitparler thologie, sans prendre l'avis des thologiens de pro-fession. Mais nous n'avons touch aux questions de cet ordrequ'avec une grande rserve, dans la mesure o il tait indis-pensable de les indiquer pour pntrer le sens et la ported'une doctrine. Surtout, nous avons vit avec soin de nouslaisser entraner par nos guides sur le terrain mouvant desquerelles thologiques. Nous n'avons apport dans ces tudesqu'un souci scrupuleux de la vrit historique et objective. Aobserver entre les camps ennemis cette entire impartialit,nous n'avions d'ailleurs que peu de mrite; car nous ne

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    VI PRFACEsommes point de ceux qui cherchent dans les vieux textes desarmes pour les batailles modernes.Deux classes d'historiens ont souvent parl des Pres del'Eglise africaine : historiens de la civilisation, en qute derenseignements sur les socits anciennes; historiens del'glise, en qute d'arguments l'appui d'une thse. Nousn'avons eu suivre sur leur terrain ni les uns ni les autres;car l'objet de notre travail tait tout diffrent.En somme, tout en tirant profit des recherches antrieureset en rendant pleine justice chacun, nous avons pu consta-

    ter que, du point de vue o nous nous placions, la matiretait neuve dans presque toutes ses parties. Aprs avoir con-sult historiens, thologiens et philologues, nous nous retrou-vions en face des textes et documents originaux. Ces docu-ments et ces textes, nous nous sommes attach tout simple-ment les comprendre, les expliquer, et les apprcier.Notre enqute a pris d'elle-mme une double forme : ellepart de la critique philologique, pour aboutir la critiquelittraire.Nous avons donn une attention particulire aux questions

    d'authenticit, de sources et de chronologie, qui sont la basede toute critique srieuse. Pour les principaux auteurs, avantde commencer l'tude des uvres, nous avons consacr unchapitre distinct l'examen de la chronologie. En matire debibliographie, nous avons cru devoir dblayer un peu le ter-rain, sans rien sacrifier d'important. Nous ne mentionnonsque par exception les ouvrages trs anciens; ce qui ne nousempche pas de citer frquemment certains grands ruditsd'autrefois, comme Tillemont, Ruinart, Mansi ou Morcelli.En revanche, nous donnons aussi complte que possible labibliographie du dernier demi-sicle, o la place d'honneurappartient l'rudition allemande. Une notice, en tte deslivres ou des chapitres, rsume la bibliographie gnrale, quecompltent, au cours du chapitre, des notes de bibliographiespciale. Ces indications multiples ont d'ailleurs pour objetprincipal de renseigner le lecteur, et de rendre chacun ce

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    PRFACE VU

    qui lui appartient; mais nous avons eu pour principe d'exami-ner tout par nous-mmc, de ne croire personne sur parole,de nous placer toujours en face du texte original.A cette critique philologique s'en tiennent aujourd'hui,surtout en Allemagne, presque tous les historiens des littra-tures anciennes. Nous n'avons pas cru devoir suivre en celaleur exemple. Il est temps, peut-tre, de rintgrer dans sesdroits la critique littraire; quelques-uns des matres de l'-rudition franaise, hellnistes ou latinistes, archologues ethistoriens de Fart, ont donn rcemment le signal de ce re-tour aux saines traditions franaises, qui savaient concilier lascience et le got. Aprs tout, l'rudition est un moyen, mmedans les tudes sur l'antiquit; l'objet dernier de toute criti-que, c'est de comprendre, de pntrer aussi avant que pos-sible. Le travail de l'rudit reste incomplet, sans porte, doncsuperficiel, si de tant de science il ne tire point des ides oudes jugements. Non seulement les deux modes de critique nesont nullement incompatibles ; mais tous deux sont galementncessaires pour l'intelligence d'un livre ancien. Si la critiquerudite peut seule prparer les matriaux, la critique litt-raire peut seule les mettre en uvre et en valeur. Danscet ouvrage longuement prpar et mri, dont nous commen-ons la publication, nous croyons nous tre mis largement enrgle avec l'rudition la plus exigeante. On nous pardonneradonc, et peut-tre nous saura-t-on gr, de n'avoir pas bornnotre ambition aux nomenclatures, aux discussions de texteset aux catalogues de faits, d'avoir cherch dfinir la per-sonnalit, l'uvre, le style, le gnie original d'un Tertullien,d'un saint Cyprien, ou d'un saint Augustin. Nous voudrions,en un mot, que cette histoire littraire de l'Afrique chr-tienne ft en mme temps une vritable histoire de la litt-rature chrtienne d'Afrique.

    Paris, 1" octobre 1901.

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    CHAPITRE JLES ORIGINES- - L EGLISE D AFRIQUE A LA FINDU 11 SICLE

    I

    Apparition du christianisme en Afrique. vanglisation du pays. originesorientales et origines romaines. Comment se concilient les deux traditions. Les colonies juives en Afrique. Les synagogues et les premires commu-nauts chrtiennes. Progrs rapides du christianisme.Nous ne savons rien de prcis sur l'vanglisation de l'Afrique 1 .Brusquement, la fin du nc sicle, apparat l'Eglise de Carthage,

    entirement constitue, avec un nombre imposant de fidles,une hirarchie presque complte, des cimetires, des lieux derunion, un culte organis. A ce moment, le christianismerayonne dj dans toute la Proconsulaire et une bonne partie dela Numidie : soixante-dix voques, originaires de ces deux pro-vinces, se rencontrent dans un concile convoqu par Agrippinus,vque de Carthage 2 . Sans prendre la lettre les passages oTertullien prtend, avec son exagration ordinaire, que les chr-tiens remplissaient l'empire 3 et formaient dj presque la ma-jorit dans chaque ville *, on ne peut douter qu'ils n'aient tds lors assez nombreux dans l'Afrique romaine. Un fait trs ca-ractristique, c'est que, ds cette poque, la foi nouvelle com-

    1) Sur les origines de l'glise d'Afrique,il n'existe que des travaux vieillis ou peuprcis : Morcelli, Africa christiana(Brixiae, 1816-1817), t. 1, p. 9 sqq.; 11,p. il sqq. ; Muenter, Primordia EcclesiaeAfricanae (Hafniae, 1829); Toulotte, Go-graphie de l'Afrique chrtienne, 1. I(Paris, 1891), p. 6 cl suiv. ; Schwarze,Unlersuch. ueber die aeussere Enlwie-klung der afrikanischen Kb'che (Gocttin-gen, 1892); Holme, The Extinction oft/ie Christian Churches in Sortit Africa(London, 1898), p. 22 et suiv. Cf. quel-ques observations de Mommsen, Roemishe

    Geschichte, t. V (Die Provinzen, Berlin,1885), p. 657 et suiv.; Gsell, Revue afri-caine, 1894, p. 196; Babelon, .Carthage(Paris, 1896), p. 92 et suiv.

    2) Saint Cyprien, Epist. 71, 4; 73, :i(d. llarlel) ; saint Augustin, De unie.baplism. contra Petilian., 13, 22 {Palrol.lai. de Migne). Sur l'poque de ceconcile d'Agrippinus, voyez plus loin, 2.

    3) Tertullien, Apolog., 37 : Resteraisumus, el vestra omnia tmplevimus, etc.4) Tertullien, Ad Sca/nd., 2 : Tantahominuin nulliluilu, pais paenc major

    civitatis eujusque...

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    4 LES ORIGINESmenail s'infiltrer dans les Lribua berbres de Maurtanie et deGtulie 1 . videmment, d'aprs la configuration mme du pays,l'vanglisalion les villes et des populations romanises avaitprcd celle des indignes de l'ouest ou du sud, comme l'van-glisation de Carthage et descils maritimes avait prcd celledes cites de l'intrieur. On entrevoit donc trois tapes, pour ainsidire, dans l'histoire des missions chrtiennes d'Afrique, et letemps de Tertullien marque le dbut de la troisime priode :on en peut conclure, sans tmrit, que le christianisme taitalors implant depuis longtemps dans le pays.

    D'o tait-il venu? rOn s'accorde aujourd'hui rattacher les Eglises d'Afrique celle de Rome; et l'on a pleinement raison, si l'on veut parler del'organisation dfinitive du christianisme africain. Au dbut duv sicle, le pape Innocent I affirmait que Carthage, commed'ailleurs toute l'Italie, comme la Gaule et l'Espagne, avait tvanglise par des missions romaines 2 . Et c'tait peut-tre djl'avis de Tertullien, qui, dans ses ouvrages orthodoxes, taittout prs de reconnatre l'glise apostolique de Rome une au-torit suprieure en matire de doctrine 3 . Bien des faits confir-ment cette tradition. D'abord, le culte persistant de saint Pierreet de saint Paul chez les cbrtiens d'Afrique*. Puis, les frappantesanalogies de la liturgie africaine avec la liturgie romaine 6 ; et,jusque sur les pitaphes, l'emploi des mmes formules, qui attestel'existence des mmes rituels 6 . On doit donc admettre que l'or-ganisation de Tglise de Carthage, et, par suite, des glises de

    1) Tertullien, Advers. Judaeos, 1 : Crediderunt... et ceterae gentes, utjam Getulorum varietates et Maurorummilli lines Cf. Duchesne, Les mis-sions chrtiennes au sud de l'empireromain (Mlanges de l'cole de Rome,t. XVI (1896); 'jlises spares. Paris,1896, p. 283 etsuiv.).

    2) Innocent 1 : Epist. 25, 2 (Migne) :lettre l'vque d'Eugubium en 410.

    3) Tertullien, De praescript. kaeretic,3G : Romain, unde nobis quoque aucto-ritaspraestoest... Videamus quid didicerit,quid docile ri t. cum Africains quoque eccle-^ iis contesserarit.

    1) Saint Pierre et saint Paul figuraientau vieux calendrier de Carthage (Kalen-darium Carlhaginense, III kal. Jul. Cf. Ruinart, Acta martyrum sincera,d. de 1713, p. 618; de Rossi et Duchesne,Marlyrol. Hironym., 1894, p. lxx, dansles Acta Sanclorum, novembr., t. 11). 11

    y avait Cartilage une basilique de saintPierre, o saint Augustin pronona l'un deses sermons (Sermon. 15 (Migne) : babitusin Regione tertia, in basilica sancti PtriCarthaginensi). Des inscriptions relativesau culte de saint Pierre et saint Paul ontt trouves sur divers points de l'Afrique :par exemple, Orlansville (Corpus in-script. lat., VIII, 9714-9716), Henchir-Magrun et An-Ghorab dans la rgion deTebessa (ibid., 10693 : Memoria domniPtri et Pauli; ibid., 10707 : HaecPtri Paulique sedes, etc.), Tixter{ibid., Mil, supplem., 20600), et, ailleurs{ibid, 17714-17715; 17746; 18656;21496).

    5) Duchesne, Origines du culte chrtien,p. 83 et suiv. (2 dition, Paris, 1898).

    6) Le Blant, Lpigraphie chrtienneen Gaule et dans l'Afrique romaine(Paris, 1890), p. 57-58; 108-109.

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    LE CIIIUSTIANISME EN AEROUE 5toute la rgion, a t calque sur celle de l'glise de Rome.

    Mais l'on n'est pas fond en conclure que le christianismeait t inconnu dans la contre avant l'arrive des premiers mis-sionnaires italiens. Carthage, grande cit commerante, o serencontraient presque toutes les religions d'Afrique, d'Egypte, deSyrie et de Grce, fut toujours en relations directes avec l'Orient;et les Juifs y taient nombreux, ainsi que dans les autres villesde la cte. Il serait bien surprenant qu'aucun voyageur, arrivantde Jrusalem, d'Antioche ou d'Alexandrie, n'y et annoncl'Evangile. De fait, il existait dans l'Afrique romaine d'autrestraditions sur l'origine du christianisme local; et nous y trou-vons quelques indices d'une premire prdication venue directe-ment d'Asie.

    Bien entendu, l'on ne peut prendre au srieux les lgendes quiattribuaient l'vanglisation primitive de l'Afrique, soit saintPierre lui-mme et son disciple saint Crescent 1 , qui aurait tle premier voque de Carthage, soit Simon le Cananen et Jude a , soit peut-tre saint Marc 3 . D'assez bonne heure paratavoir commenc en Afrique ce travail inconscient des imagina-tions populaires qui, dans la Gaule ou l'Espagne du Moyen-Age,allait faire remonter jusqu'aux aptres ou leurs disciples im-mdiats l'origine des principales Eglises locales. Il est mmevident que, sans l'invasion arabe, ces lgendes, nes si vitedans le nord de l'Afrique, s'y seraient bien plus largement pa-nouies.On doit donc rejeter sans aucune hsitation ces naves tradi-tions populaires, enregistres seulement par des chroniqueursbyzantins ou des anonymes. Mais on ne saurait carter aussi fa-

    1) D'aprs un rcit grec anonyme, saintPierre aurait visit deux fois l'Afrique,et il aurait fait lire son disciple Crescent,vque de Carthage : ...tj Kap^YjiSovIwviret tyj 'Acppixj em6asvec Iv r\ tvKpY)

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    li LES ORIGINEScilement d'autres tmoignages plus anciens, srieux ceux-l, etd'ailleurs confirms par certains faits historiques ou littraires.Ainsi la correspondance du pape Grgoire le Grand nous apprendque les vques de Numidie, dans une requte officielle adrosse la cour de Rome, demandaient conserver toutes leurs vieillescoutumes qui s'taient maintenues jusque-l, pendant si long-temps, depuis les premires ordinations faites par saint Pierre,prince des aptres *. Et les rclamations des voques numidesdevaient avoir quelque fondement, puisque le pape fit droit leur requte*. Au milieu du v" sicle, Salvien appelle Carthage une ville chrtienne, une ville ecclsiastique, qui des aptresavaient autrefois prch leurs doctrines 3 . Enfin, et surtout, ilnous parat impossible de ne pas tenir grand compte des affir-mations rptes de saint Augustin. Dans ses polmiques contreles donatistes, il a t amen plusieurs fois se prononcer net-tement sur cette question d'origines. Ses adversaires, pour desraisons de tactique, soutenaient volontiers que l'Afrique avaitt l'une des dernires contres connatre le Christ. Un deleurs voques, Petilianus deCirta, crivait : C'est de nous qu'ila t dit : Ceux-l seront les premiers, qui taient les derniers.En effet, l'vangile est arriv tard en Afrique; aussi n'est-il critnulle part, dans les Eptres des aptres, que l'Afrique ait reu lafoi *. Saint Augustin rpondait que plusieurs nations barbaresavaient t vanglises aprs l'Afrique, et que certainementl'Afrique n'tait pas la dernire dans Tordre de la foi 5 . A lafameuse confrence de Carthage entre les vques des deuxpartis, il rpliquait au mme Petilianus : Tu me demandesquelle est l'origine de ma communion... Cette prdication a com-menc Jrusalem; de l, de ce glorieux point de dpart, elles'est rpandue, rpandant partout l'glise que nous dfendons;d'abord, dans des pays voisins, puis dans des pays lointains; elleest arrive aussi en Afrique G . Ailleurs, saint Augustin insiste

    1) Saint Grgoire le Grand, Epist., I,77 (Migne) : Cregorius universis episcopisNumidiae... l'etistis etenim per Hilarumr.hartularium nostrum a beaiae memoriaedecessore noslro, ut omnes vobis rctrotemporum consuetudines servarentur, quasa beati Pctri apostolorum principis ordina-lionum initiis hactenus vetustas longaservavit.

    2) lbid., I, 71 : Et nos quidem juxtaseriem relationis veslrae, consueludinem...immotam permanere concedimus, sive deprimatibus constituendis caeterisque capi-lulis.

    3) Salvien, De gub. Dei, VII, 18, 79(d. Haim) : in urbe chrisliana, in urbeecclesiastica, quam quondam doctrinis suisapostoli instiluerant.

    4) Saint Augustin, De unit, eccles., 15,37 (Migne).

    5) lbid. : unde certum sit Africam inordine eredendi non esse novissimam. Cf. Enarr. in Psalm. XL1X, 3 : Solamquidem Africam non vocavit (Deus), sed etAfricam non separavit... Bcne dicimusquia vox Dei deorum et in Africam venit...

    6) Augustinus episcopus ecclesiae catlio-licae dixit... Quacris autem a me unde

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    LE CHRISTIANISME EN VFRTQ1 l 7encore sur l'origine directemenl apostolique de l'glise locale 1 .Jl nous montre les vques de Carthage en relations constantes,en commerce de lettres, non seulement avec l'Eglise de Rome,mais aussi avec toutes les autres rgions, d'o l'Evangile estvenu dans l'Afrique elle-mme a .De ces derniers mots de saint Augustin se dgage, croyons-nous, la vrit historique. L'origine des glises africaines n'estpas une, ni mme double; elle est multiple. En cela, comme entout, Carthage relve des divers pays d'Orient aussi bien que deRome. De l, le rle important du grec dans la communaut,jusqu'au dbut du 111 e sicle; de l, ces rdactions grecques desActes des Scillitains, ou de la Passio de sainte Perptue 3 . De l,encore, cet actif change d'ides et de livres entre l'Afrique etl'Orient : Tertullien est fort au courant de la littrature grecquechrtienne du n" sicle, et son Apologtique est presque aussitttraduit en grec*. L'influence asiatique est visible jusque dans laliturgie africaine. Si cette liturgie tait gnralement conforme l'usage romain, elle prsentait cependant quelques traits dis-tincts; et justement plusieurs de ces traits se retrouvaient dansles liturgies d'Asie Mineure. Ainsi, dans la procdure relativeau baptme des hrtiques, la tradition do Carthage tait iden-tique celle de Cappadoce : nous avons, sur ce point, un docu-ment irrcusable, la lettre de Firmilien de Csare saint Cy-prien 3 . De mme, sur la faon de clbrer les jours de station(mercredi et vendredi de chaque semaine), la tradition africainediffrait de la tradition romaine, et concordait avec la traditionasiatique

    6. De ces faits, comme des tmoignages invoqusplus haut, il semble bien rsulter que le christianisme avait tapport d'Orient en Afrique avant l'intervention des premires

    missions romaines.comniuuio mea sumat cxordium... Coepilisla praedicatio ah Hierusalem, inde se ahillustrissime exordio diffudit, diffundensEcclesiam quam tenemus : primo per vi-cina, deinde per Ionginqua, eliam in Afri-cain venit (Gesla collationis Cartha-gine habitae inte)' Catholicos et Dona-tistas, Cognit. III, 230. Cf. Mansi,

    il., t. IV (1760), p. 229).1) Ecclesiae tiliae Aposlolorum, filiac

    rcginii sunl... Ecce P.oma, ecce Cartliacece aliae et aliae civilales filiae regumsunl (Saint Augustin, Enarr. in Psalm.\I.1V, 23); Genucrunl te Apostoli :ipsi missi sunt, ipsi praedicaverunt, ipsipatres (ibid., 32).

    2) Saint Augustin, Epist. 43, 7 (Migue) :

    Erat Carthago civitas ampla et illuslris...Eral eliam transmarinis vieina regionibuset fama celeberrima nobilis : unde nonmediocris utique auctoritatis habebat epi-scopum, quiposset non curare multitudineminimicorum, cum se videret et Romanaeecclesiae, in qua semper apostolicac rathe-drae viguit principalus, et caeleris terris,unde Evangelium ad ipsam Africainvenit, per communicatorias litteras esseconjunctum.

    3) Voyez plus loin, chap. 11, S 3- 't.4) Voyez livre II, chap. Il, 1.5) Dans les uvres de saint Cyprien

    [Epist. 75).6) Duchesne, Origines du culte chr-

    tien, p. 220 et suiv.

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    8 LES OTUt'.INKsOn voit, d'ailleurs, que le rle de Home n'en est nullcmenl

    diminu. Quelques disciples des aptres, arrivs ou revenusd'Asie, avaient annonc la bonne nouvelle dans les synagoguesdo Cari liage ou des autres cits maritimes; des communautschrtiennes s'taient fondes et l. L'Eglise de Home entre-prit plus tard l'vanglisation systmatique de la contre, dve-loppa ou organisa le christianisme local; et, par l, elle mritavraiment d'tre considre comme la mre des Eglises africaines.Nous venons de parler des synagogues. En effet, dans l'Afriquedu Nord comme ailleurs, c'est par les communauts juives queparat avoir commenc la prdication vanglique. Depuis deuxmille ans, les Juifs ont toujours t nombreux dans la rgion del'Atlas 1 ; ils y sont encore si nombreux aujourd'hui qu'il existel-bas, surtout en Algrie, une question juive, souvent l'tataigu. Au temps de la domination romaine, ils y formaient djd'importantes colonies, assez remuantes et actives dans leurpropagande, si l'on en juge par l'acharnement que Terlullien etsaint Gyprien mirent les combattre. D'ailleurs, nous connais-sons plusieurs de ces communauts. Saint Augustin nous parled'Isralites tablis dans la ville d'Oea en Tripolitaine 2 . Des do-cuments pigraphiques attestent l'existence d'une colonie juive Cirta (Constantine) 3 , d'une synag-og-ue Sitifi (Stif) 4 . Dans lesfouilles de Volubilis, au Maroc, on a dcouvert rcemment uneinscription hbraque qui date des premiers sicles de notre re,et o est nomme la fille d'un rabbin 3 . Enfin, l'on a dg-ag na-gure prs d'Hammam-Lif, au fond du golfe de Tunis, les ruinesd'une vieille synagogue d'poque romaine, avec de beaux pave-ments en mosaque et des inscriptions latines dont l'une se rap-porte au chef de la communaut 6 .

    1) Cf. Isaac Blorh, Inscriptions lumu-laires des ancien* cimetires Isralitesd'Alger (Alger, 1S88); Gazes, Essai surl'histoire des Isralites de Tunisie,depuis les temps les plus reculs jus-qu' rtablissement du protectorat dela France en Tunisie (Paris, 1888);Lapie, Les civilisations tunisiennes (Paris,1898), p. 52-60; 123-135; 164-170; 220-226; Wahl, L'Algrie (2 e d.. Paris, 1889),p. 214 et suiv. Ibn-Khaldoun. l'historienarabe, donne une longue liste do tribusberbres de Tripoli et du Maroc qui obser-vaient les rites du judasme (Histoire desBerbres, trad. de l'arabe par de Slane,Alger, 1855-1858, p. 208).

    2) Saint Augustin, Episl. 71, 3, 5(Migne) : Factus est tanlus luniultus in

    plbe..., ut cogej'etur episcopus (Oea quippecivitas erat) Judaeorum testimonium flaei-tare.

    3) Corpus inscript, lai., VIII, 7150;7155.4) lbid., 8499 : pater sinagogae ;

    cf. ibid., 8423. On constate encorel'existence de colonies juives Au/.ia [ibid.,Vlll, supplem., 20760), ipasa {Pussiosanclae Salsae, 3. Cf. Gsell, Mlangesde Vcole de Rome. 1894, p. 304), Cae-sarea (Gsell, Cherchel-Tipasa, Alger, 1896,p. 25).

    5) Ph. Berger, Bull. arch. du Comitdes trav. hislor., 1892, p. 64 et suiv.6) Corpus inscript, lat., VIII, supplem.,12457 : Sancta sinagoga. Rustici

    arcosinagogi... . Cf. C. R. de VAcad.

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    LE DIIRISTANISMK EN AFRIQUE

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    Itt LES OlUr.IM :ssuccs des nouveaux-venus. Peu peu se sonl constitues, dans1rs villes, des communanls distinctes de chrtiens, avec unehirarchie analogue, Le christianisme a gagn du terrain deproche en proche, s'tendant des cits aux bourgs voisins et auxvillages, do la cte vers l'intrieur du pays, atteignant enfinjusqu'aux tribus berbres.

    Cette marche en avant a t trs rapide, puisque tant d'glisestaient constitues dj, en Proconsulaire et en Numidie, autemps de Tertullien. 11 n'est pas impossible que le caractre toutparticulier des vieilles religions indignes y soit pour quelquechose. Les dieux africains n'avaient pas une physionomie bienarrte ; souvent une divinit locale a t successivement assi-mile plusieurs divinits grco-romaines. On adorait volon-tiers ces dieux par couples ou par triades; et, dans chacun deces groupes, les tres divins qu'on associait n'taient, en ralit,que des aspects divers d'un mme tre 1 . De l, ces innombrableset curieux ex-voto de Carthage Tanit face de Baal s . Toutesles religions africaines se fondaient en un panthisme assez vague,qui n'tait pas sans quelque rapport avec le monothisme des H-breux. Parfois mme, les dvots vitaient de donner un nom l'tresouverain qu'ils invoquaient. Au fond du polythisme africain, secachait donc une involontaire profession de foi monothiste. Al'un des conciles de Carthage que prsida saint Cyprien, l'vquede Tucca, Saturninus, pronona ces paroles remarquables : Lespaens, quoiqu'ils adorent des idoles, reconnaissent pourtant etconfessent un Dieu souverain, pre et crateur 3 . Plus tard,un paen, Maxime de Madaura, dclarait saint Augustin qu'ilcroyait un Dieu unique, Dieu souverain 4 . Sans doute, onpourrait observer en d'autres pays, chez les paens clairs, lesmmes tendances au monothisme ; mais nulle part elles ne sem-blent avoir t aussi marques, surtout aussi constantes ni aussipopulaires qu'en Afrique. La propagande chrtienne a d profilerde ces profondes affinits du christianisme avec les religionslocales; elle trouvait un secret auxiliaire jusque dans la con-

    1) l'h. Berger, La triade, carthaginoise(dans la Rev. arch. de 1884) ; StlesiCtladrum'ele (dans la Gaz. arch. de1884); Toutain, Les cits romaines de laTunisie (Paris, IS'J.j), p. 22.'l et suiv.

    2) Corpus inscript, seini/., pars I,cap. XI II (en cours de publication; le se-cond fascicule du t. 11 a paru en 1899). Cf. Ph. Berger, Les ex-voto du templede Tanit Carthage ; Inscription ddi-catoire des sanctuaires dCAslarl et de

    Tanit Carthage (dans la Revue d'assy-ogie, 1898).

    3) h Salurninus a Tucca dixit : Gentiles,quamvis idola colant, tamen summum Deumpatrem creatorem cognoseunt et confiten-tur [Sententiae episcoporum de haeret.baptiz., 52).

    4) Saint Augustin, Epist. 16, 1 (Migne) : Equidein unum esse Deum summum,sine initie. .

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    l'glise de carthage I |science de ses ennemis. On est tent, du moins, de l'admettrepour expliquer un fait que nous ont rvl des fouilles rcentes ;la brusque dsertion des sanctuaires de Baal, le Saturne afri-cain, vers le milieu du ni" sicle 1 , juste au moment o le chris-tianisme s'tend et s'organise dans tout le pays la voix de saintGyprien. Concidence trs significative, qui parat annoncer desconversions en masses : si des foules pouvaient passer si facile-ment au christianisme, c'est donc que leur instinct religieux n'ytait point dpays. Voil qui peut-tre aussi aide comprendreles progrs rapides de l'vanglisation au if sicle.

    IIL'glise de Carthage la fia du 11 e sicle. Ses cimetires ou areae. Organi-sation de la communaut. La maison de l'Eglise . La hirarchie. Lescalchumues et les pnitents. Rle de l'assemble des fidles. Les pre-miers voques connus : Agrippinus et Optatus. La caisse commune. Lesuvres de charit. Les agapes. L'office eucharistique. Le dimanche etles jours de station. Les anniversaires de martyrs. Pques et la Pente-cte. Crmonies du baptme. Caractre de la liturgie africaine cettepoque. Polmiques et hrsies. Les premiers conciles. Suprmatie del'vque de Carthage dans toute la contre.

    Il est infiniment probable que la premire Eglise fonde enAfrique a t celle de Carthage. En tout cas, l'poque o com-mence pour nous l'histoire positive du christianisme africain,Carthage en 'est sans contestation le centre et le foyer. Il n'enpouvait tre autrement. Pour toute la rgion de l'Atlas, cettegrande ville n'tait pas seulement le principal entrept des mar-chandises, des ides et des nouveauts religieuses; elle n'taitpas seulement la capitale historique de laeontre, et, depuis Au-guste, la capitale officielle : elle en tait encore, et surtout, lacapitale gographique. Depuis qu'il y a une histoire, c'est autourde Carthage que s'est fix le destin du nord de l'Afrique. Les Ro-mains avaient eu beau la dtruire, la raser et la pitiner; ils ontdt la rtablir. A peine releve, elle a grandi miraculeusement :au bout de quelques annes, elle supplantait Utique; au boutd'un sicle, elle galait presque Alexandrie et Rome. Si les Van-dales et les Byzantins, malgr leur faiblesse relle, et malgrl'hostilit des indignes, ont pu se maintenir assez longtempsen Afrique, c'est qu'ils avaient surpris Carthage; et, par Car-

    1) Toulain, De Saturni dei in Africa romand cullu (Paris, 1896), p. 138-139.

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    I- LES ORIGTNESthage, ils dominaient le pays. La mme ncessit gographiquea nagure pouss la France, presque malgr elle, jusqu' Tunis;et voici que sous nos yeux, par un nouveau miracle, la citd'Ilannibal renat de ses cendres. Le christianisme a subi enAfrique la loi commune : de Carthage, la forteresse de toutesles superstitions puniques ou romaines, la ville impie de Tanitet de Baal, il a fait, bon gr, mal gr, sa mtropole. C'est de lqu'il a rayonn sur tout le pays. C'est donc l qu'il faut tudierds l'origine la physionomie des glises africaines. Fort heureu-sement, pour cette fin du n 8 sicle, la communaut de Cartilagenous est mieux connue qu'aucune autre chrtient d'Occident.Nous pouvons nous la reprsenter assez exactement d'aprs lesuvres de ertullien, que compltent sur bien des points les d-couvertes de l'archologie contemporaine.

    L'Eglise de Carthage cette poque, comme celle de Rome,avait tout d'abord les apparences d'une association funraire.Aux yeux du public, c'est dans ses cimetires que se concentraitla vie extrieure de la communaut. On connat le cri de guerredes paens du pays, au dbut, des perscutions de Septime S-vre : Areae non sint! Plus de cimetires 1 ! En Afrique, lesncropoleschrtiennes attiraientd'autant plusl'attention, qu'ellesn'taient point souterraines. Les catacombes y sont peu nom-breuses, sans doute parce que la nature du sol, gnralementtrop friable ou trop dur, se prtait mal ce genre de spulture.Les chrtiens de Carthage, tout fait au dbut, ont pu tre en-terrs ct des Juifs dans les caveaux du Djebel-Khaoui. Maisils ont eu de bonne heure leurs cimetires distincts, qu'on appe-lait, comme partout en Afrique, des champs de repos [areae). Jltait formellement interdit d'y ensevelir aucun paen, de mmequ'aucun chrtien ne devait tre enseveli dans les ncropolespaennes : au milieu du 111e sicle, saint Cyprien condamnait s-vrement la conduite d'un vque espagnol, qui avait laiss d-poser les corps de ses fils dans le domaine funraire d'une asso-ciation profane 3 .

    Grce aux fouilles du P. Delattre, on peut dterminer assezexactement aujourd'hui l'emplacement des areae de Carthage.Elles taient situes au nord de Byrsa, le long et en dehors d'unvieux mur d'enceinte qui sparait de la ville proprement dite le

    1) Tertullien, Ad Scapu/., 3. Constantine, 1898, p. 362 et suiv.); et2) On n'a signal jusqu'ici en Afrique peut-tre Kherbet-bou-Ackloufen, entreque deux ou trois catacombes : Sullec- Stif et Zana (Gsell, Recherches archo-

    tlium (Bull. arch. du Comit des trav. logiques en Algrie, Paris, 1893, p. I8i).hisl., 1886, p. 216; 1889, p. 107; 1895, 3) Saint Cyprien, Epiit. 67, 6.p. 371); [prs de Khenchela (Recueil de

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    L EGLISE DE CARTHAGE 13faubourg- de Megara. Elles s'tendaient de l'ouest l'est, depuisle village actuel de la Malga jusqu'aux environs de Bordj-Djedid.Dans cette large bande de terrain, on a trouv par milliers lesfragments d'pitaphes chrtiennes 1 . En gnral, les tombes sontd'autant plus anciennes, qu'on se rapproche davantage de l'ouest.Les areae primitives taient voisines des grandes citernes de laMalga. C'est dans cette rgion, non loin de l'amphithtre, qu'ona cru reconnatre l'emplacement des tombeaux des martyrs Scil-lilains 5 . Sainte Perptue et sainte Flicit paraissent avoir tensevelies plus l'est*. Quant saint Cyprien, nous savons parun document presque officiel qu'il fut enterr dans les areaedu procurateur Macrobius Candidianus, situes rue des Map-pales, ct des Piscines 4 . D'aprs ce texte, il est trs vrai-semblable que le procurateur Macrobius Candidianus, un richeconverti, avait cd la communaut des terrains dpendant desa villa, et que, dans ces terrains, l'est des grandes citernes,fut tabli ie principal cimetire chrtien de Carthage au 111 e sicle.Grce la prsence de ces spultures de martyrs, cette rgionresta la plus sainte de la ncropole. Les tombes s'y pressaientautour des prcieuses reliques; et c'tait le rve des dvots d'ydormir leur dernier sommeil. Au temps de Diocttien, une damedu nom de Pompeiana fit transporter de Theveste Carthage lecorps du martyr Maximilien, pour le dposer prs du tombeaude saint Cyprien; elle-mme tant morte quelques jours aprs,on l'ensevelit son tour au mme endroit 3 . Peu peu, des cha-pelles funraires, plus tard mme des basiliques s'levrent surles tombes des martyrs.Mais ces importantes constructions datent, au plus tt, de lafin du m sicle. On n'avait pas attendu jusque-l pour amnagerdans les cimetires des lieux de runion, l'abri des regards in-discrets. Les areae de Carthage ont t trop souvent transformes

    1) P. Delattre, L'pigraphie chrtienne Carthage, Paris, 1891; Lavigerie, DeVutlil d'une mission archologiquepermanente Carthage (Alger, 1881),p. 46 et suiv.; Corpus inscript, lat.,Vlll, supplem., p. 1347 sqq.

    2) P. Delattre, Cosmos du 27 f-vrier 1894.

    3) Lavigerie, De Vulilil, etc., p. 52;P. Delattre, Bull. arch. du Comit destrav. hislor., 1886, p. 220 et suiv.;Cosmos du 14 janvier 1888; du 19 mars1892; du 27 janvier et du 3 fvrier 1894.

    4) Acla proconsularia Cypriani, 5 :i ad arcas Macrobii Candidiani procuratoris,

    quae sunt in via Mappaliensi juxta piscinas,cum voto et triumpho magno deductumest. Sur remplacement probable decette villa, cf. l'article du P. Delattre,dans le Cosmos du 7 dcembre 1889.

    5) Acla Maximiliani martyris, 3(Ruinart, Acla marlgrum sincera, d.de 1713, p. 301) : Et Pompeiana ma-trona corpus ejus de judice eruit, et impo-silo in dormitorio suo perduxit ad Cartba-ginem, et sub monticule- juxta Cyprianummartyrem secus palatium condidit : el itapost XI II diem eadem matrona disoeet illic posila est.

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    14 i.hS ORIGINESet Irop ravages, pour qu'il soit possible d'y retrouver directe-ment ces dispositions primitives. Mais nous pouvons nous lesfigurer d'aprs quelques textes, ou encore d'aprs le curieux ci-metire qui a t dcouvert Caesarea (Cherchel), et qui paratremonter au temps des perscutions de Septime Svre 1 . Lesvieilles areae d'Afrique comprenaient deux parties distinctes :un champ (hortus), de deux hectares Cherchel, destin la s-pulture du commun des fidles; au milieu de Vhortus, une en-ceinte ferme de murs (area muro cincta, ou area marlyrum, oucasa major). Celte enceinte, qui avait Cherchel trente mtresde long- sur quinze de large, ne communiquait avec Yhortus quepar une seule porte, et les murailles taient assez hautes pourarrter tous les regards. C'tait un vritable sanctuaire. Au centrese dressait une cella vote, construite au-dessus de la pierrefunraire en forme de table qui recouvrait la tombe d'un martyr,mensa)~. La communaut pouvait donc, au besoin, tenir sesrunions dans cet enclos, mme y clbrer le saint sacrifice : lamensa servait d'autel, le clerg se plaait sous la vote, dansune sorte d'abside, et les fidles se tenaient debout tout autour.On y tait si bien isol des profanes qu'un jour, Cirta, commeon procdait l'lection d'un nouvel vque, la populace ima-gina d'enfermer les opposants dans Yarea marttjrimi 3 . Ainsi de-vaient tre amnages Carthage les ncropoles qui entouraientle tombeau des Scillitains ou la mensa Cypriani'*. Peut-tremme y pourrait-on reconnatre encore quelques traces d'une

    1) Lavigcrie, De l'utilit, etc., p. 42 etsuiv. L'area de Cherchel tait situe l'ouest de la ville, prs de la voie qui con-duisait Cartennae (Tenez), dans le voisi-nage de plusieurs domaines funraires ap-partenant des associations paennes. Lesfouilles faites en cet endroit ont malheureu-sement t conduites sans mthode ; et l'in-terprtation des dcouvertes a paru un peususpecte de bons juges. On ne sauraitaujourd'hui contrler l'exactitude des des-criptions du cardinal Lavigerie ; car le ter-rain a t boulevers. Notons pourtant queles donnes recueillies dans les fouilles s'ac-cordent bien avec ce que nous savonsd'autre part sur les areae africaines. Cf.Gsell, Cherchel-Tipasa, p. 07 et suiv.

    2) Une inscription de Cherchel se rap-porte la construction de cette cella : Aream a(d) sepulchra cultor Yerbi con-tulit et cellam struxit suis cunctis sumpti-bus, Ecclcsiae sauclae hauc reliquit ncmo-riam... (Corpus inscript, lut., VIII, 9585).

    3) Cives in area martyrum fueruntinclusi... ; et plus loin : Populus Dci...in casa majore fuit inclusus (Gestaapud Zenophilum, s. f., h la suite de l'ou-vrage de saint Optt : d. Ziwsa, 1893,t. XXVI du Corpus scriplor. eccles. lai.,p. 194).

    4) Nous savons qu' la tin du iv 8 sicle,les fidles se runissaient souvent autourde la mensa Cypriani. Saint Augustin ypronona plusieurs de ses sermons : Se?'-mon. 13 (Migne) : Habilus ad mensamsancti Cypriani, VI kal. Jun. Cf. Enarr.in Psalm. LXXX, 4 :, Hoc est quod voset ad illam mensam beati marlyrisexhortati sumus ; ibid., 23 : Sed quo-niam perendino die, id est, quarta sabbati,non possumus ad mensam Cypriani con-venue, quia festivitas est sanclorum matyrum, crastino ad ipsam mensam conve-niamus. Cette mensa ne couvrait pas letombeau de saint Cyprien ; elle tait situe VAf/er Sexti, lieu du martyre.

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    L'GLISE DE CARTHAGE | jarea de cette premire priode. En effet, le grand atrium annex la basilique I)amous-el-Karita se compose de deux parties 1 :un enclos demi-circulaire, ciel ouvert, entour de portiques, etun trichorum o chacune des absides renfermait une mensa demartyr. Avec d'autres dispositions, ce sont presque les menuslments qu'au cimetire de Cherchel. videmment, cet atriumde Cartilage a t reconstruit au moment o l'on leva la basi-lique; mais, selon toute apparence, pour ne point toucher auxlombes des martyrs, on y a reproduit le plan de Yarea primitiveOn peut aussi se faire quelque ide del dcoration de ces vieuxcimetires. Sur les stles qui en proviennent, autour de l'pi-laphe et de la formule lu pace, figurent divers symboles : la co-lombe, ou la croix, ou le monogramme du Christ, ou l'ancre etle vase 3 . Sainte Perptue, dans le rcit des visions qui prc-drent son martyre, nous dcrit le jardin du paradis, le BonPasteur, le vase rempli de lait, image de l'Eucharistie'. Or toutcela, ce sont les sujets ordinaires aux plus vieilles peintures desCatacombes. Il n'est pas tmraire d'en conclure que sur cepoint, comme sur tant d'autres, l'Eglise d'Afrique avait hritdes traditions romaines, et que ces symboles ou ces scnestaient aussi Cartilage le principal lment de la dcorationdes areae.

    Par leur amnagement intrieur, ces ncropoles chrtiennesse prtaient donc fort bien aux pieuses runions des fidles,mme aux ncessits du culte. Mais, extrieurement, elles ne sedistinguaient pas des ncropoles paennes, h'area de Chercheltait entoure de cimetires analogues qui appartenaient descollges profanes, et qui renfermaient galement uneschola pourles assembles ou les banquets des membres du collge. Par toutce ct de son organisation, l'glise de Carthage tait parfaite-ment en rgle avec la loi. Les clubs funraires taient depuislongtemps autoriss Rome; par un rescrit de Septime Svre,ils furent aussi autoriss formellement dans les provinces, o ilsse multiplirent aussitt \ C'est comme association funraire que

    1) P. Delaltic, La basilique de Damous- l>es ou pitaphes, donl quelques-unes foiiel-Karita (Constantine, 1S92) : Bull. arch. anciennes, autour de Dmous-el-Karita, etdu Comit des Ira, hist., 188(>, p. 220 mme prs des murs de Vatrium.et suiv. Cf. Babelon, Carthage, p. 167 3) Corpus inscript, lat., VIII, supplem.,et suiv. D'aprs l'opinion courante, cette p. 12S5; p. 1347 sqq. Cf. Lavigerie,grande basilique de Damous-el-Karita De l'utilit, etc., p. 17: P. Delattre, V-serait la basilique de Sainte-Perptue. pigraphie chrtienne Carthage, 1891.Pourtant, l'identification reste incertaine. 4) Passio Perpetuae. 4. Cf. ibid., 'iCf. Gsell, M lu h (/es de l'cole de Rome, cl 11-12.1900, p. 120. 5) DigesL, \\.\W. 22, 1 (d. Th. Momni

    2) On a Irouw'' de trs nombreuses tom- sen) : Marcianus libro tertio Instilu-

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    16 LES ORIGINESL'glise de Carthage pouvait lgalement tenir ses assembles,percevoir les cotisations de ses membres, possder ses cime-tires, des proprits, et une caisse commune.Sous ces apparences et celle fiction lgale se cachait quelquechose de trs diffrent et de trs nouveau : une religion fatale-ment Illgale et dangereuse suivant les prjugs de l'poque 1 ,parce qu'elle refusait de se fondre avec les autres dans la reli-gion de l'tat. Carthage, comme ailleurs, la communautchrtienne formait ds lors un monde part. En dehors de sescimetires, elle avait dans la ville mme au moins un lieu derunion, que Terlullien dsigne sous le nom d'glise (ecclesia)*:il nous parle de pcheurs qui l'on interdisait non seulement leseuil [limen) de la salle o s'assemblaient les fidles, mais encoreles dpendances de cette salle, toute la maison de l'Eglise \Cette maison, c'tait sans doute, tout simplement, la maison odemeurait l'vque, et o se concentrait toute l'administrationde la communaut. Pendant un sicle encore, les chrtiens n'au-ront pas de temple vritable : mais ils avaient des salles spcia-lement rserves aux runions; et il n'est pas impossible que,soit dans le tablinum, soit dans Yoecus du pristyle, on y etamnag dj une abside pour le clerg 4 . Tertullien nous affirmed'ailleurs que les chrtiens de Carthage ne se cachaient pointpour entrer dans leur maison commune : Notre vie est bienconnue, dit-il aux paens; vous connaissez les jours de nos as-sembles; aussi l'on nous assige, on nous surprend, on nousarrte au milieu de ces prtendues runions secrtes \ Pourdmontrer qu'il ne se passait dans cette maison rien de myst-

    tionum... Scd permiltiturtenuioribus stipemmenstruam conferre, dum tamen semel iumense coeant, ne sub practextu hujusmodiillicitum collegium coeat. Quod non tantumin Urbe, sed et in ltalia et in provinciis lo-cum habere divus quoque Severus re-scripsit.

    1) Sed religinnis causa coire non prohi-bentur, dum tamen per hoc non fit contrasenatusconsultum, quo illicita collegia ar-centur {DigesL, XLVII, 22, 1).

    2) Tertullien, De virgin. vel., 13 : certe in ecclesia virgiuitatem suam ab-scondant, quam extra ecclesiam celant...;aut constanter audeant et in vicis virginesvideri, sicut audenl in ecclesiis... Quoergo lotis quidein bonum snuiii abstrudunt,in ecclesia vero provulgant?

    3) ld., De pudicil., 4 : non modo li-

    mine, verum omni ecclesiae lecto subino-vemus.

    4) Tertullien, De exhort. castil., 7 :a Differenliam inler ordinem cl plebemconstituit ecclesiae auctoritas, et honor perordinis consessum sanctificatus. Adeo ubiecclesiastici ordinis non est consessus... Cf. saint Cyprien, Epist. 40 : in conses-sus nostri honore ; 59, 18 : in clerinostri sacrum veneraudumque conses-sum . Des passages de Tertullien sem-blent indiquer qu'il y avait dj un autel : inter psalmos et hymnos deducere ad Deialtare debemus (De oratione, 28); ne prius ascendamus ad altare Dei [ibid., 11); si et ad aram Dei stc-teris (ibid., 19).

    5) Tertullien, Ad nation., 1 7.

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    L EGLISE DIS CARTQAGE 17rieux, Tertullien racontait volontiers ce qu'on y faisait : et celanous permet aujourd'hui d'y pntrer avec lui.

    L'glise de Cartilage avait, ds la fin du 11 e sicle, une hi-rarchie presque complte : un vque (episcopus), des prtres[presbyter] qui formaient avec lui le conseil des anciens, desdiacres (diaconi) charges des soins matriels et des fonctions in-frieures du culte 1 , des lecteurs {iectores) qui avaient la garde desLivres saints 2 . Tertullien distingue nettement les trois premiersdegrs de la hirarchie : Le droit de baptiser, dit-il, appartientau pontife souverain, qui est l'vque; puis aux prtres et auxdiacres, mais avec l'autorisation de l'vque, cause de la dis-cipline ecclsiastique, qui seule peut assurer la paix. D'ailleursce droit appartient aussi aux laques 3 ... A ct des minisiresdu culte 4 , il faut mentionner encore plusieurs groupes de fidles,auxquels on accordait une considration et mme une autoritparticulire :les confesseurs (confessoresY

    ,

    tous ceux qui avaientsouffert pour la foi ; les veuves (viduaeY et les vierges (virgmes) 1,qui remplissaient quelques fonctions liturgiques, prenaient unepart active aux uvres de charit, et formaient une espce d'ordrede diaconesses 8 . Gnralement les clercs s'imposaient une tenueplus grave et diverses austrits; mais ils n'taient soumis aucune rgle particulire, si ce n'est qu'il leur tait interdit dese marier deux fois 9 ; et aucun signe extrieur ne les distinguaitdu reste des fidles, ni des paens.Mme parmi les laques (laici), il y avait plusieurs catgories.Seuls, les chrtiens baptiss (fidles) 10 , et en paix avec la com-munaut, pouvaient assister toutes les crmonies et jouer un

    1) Tertullien, De aptism., 17 : sum-mus sacerdos, qui est episcopus; dehincpresbyteri et diaconi ; Passio Perpe-tuae, 3 : Tertius et Pomponius benedictidiaconcs ; ibid., 13 : Optatum episco-pum... et Aspasium presbyterum.

    2) Les lecteurs sont mentionns une foispar Tertullien (De praescript. haeretic.,41), et trs souvent par saint Cyprien[Epist. 29; 38, 2; 3!), 5; etc.).

    3) Tertullien, De baptism., 17.4) Le clerg formait dj dans la com-munaut une classse part, un ordre sa-

    cerdotal : ordo saeerdotalis (Tertullien,De exhort. castit., 7); < ordo ecclesiasti-cus (ibid., et De idolol., 7); ordo cc-clesiae (id., De monogam., Il); ousimplement

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    18 LES ORIGINESrle actif dans l'glise. Les catchumnes (catechameni*, au-diens)*, c'est--dire tous ceux qui aspiraient au baptme el s'yprparaient par un noviciat 5 , n'taient admis qu' la premirepartie de l'office; on les congdiait avant l'offertoire. Les pni-tents (paenitentes), c'est--dire les pcheurs qui avaient texclus de la communaut pour adultre,homicide ou idoltrie,et qui sollicitaient leur rintgration, taient assimils aux cat-chumnes*. Ils pouvaient obtenir leur pardon, mais une seulefois :i . Quand ils avaient fait agrer leur demande d'admission,ils devaient se soumettre un nouveau noviciat . La rconcilia-tion des pnitents avait lieu Pques dans une runion solennelle.La crmonie comprenait trois actes : une prire des pnitents,un appel l'intercession des fidles, une prire adresse au nomde tous par l'voque. Tertullien nous a dcrit la scne dans uncurieux passage o il raille l'indulgence du pape Calliste : Tulais entrer dans l'glise l'adultre pnitent. 11 vient supplier l'as-semble des fidles. Le voil vtu d'un cilice et couvert de cen-dres, dans une tenue lugubre, propre pouvanter. Il seprosterne devant tous, devant les veuves et les prtres, il saisitla frange de leurs vtements, embrasse la trace de leurs pas, lesprend par les genoux. Cependant tu harangues le peuple, pourexciter la piti de tous sur le destin lamentable du suppliant'.

    Sauf les pnitents et les catchumnes, tous les laques parti-cipaient au gouvernement de l'Eglise. On leur soumettait lesaffaires importantes. L'assemble gnrale des fidles interve-nait surtout aux jours d'lection. Elle conserva longtemps, enAfrique, le privilge de choisir tous les clercs, mme l'vque 8 .S'il s'agissait de nommer des prtres, des diacres ou des minis-tres infrieurs, l'vque n'avait gure que le droit d'investiture.S'il s'agissait de dsigner l'vque, l'usage s'introduisit de bonneheure de consulter aussi les vques des villes voisines 9 . SaintCyprien reconnat encore formellement au peuple le droit d'in-tervenir dans l'administration de l'Eglise, dans l'lection de sonvque, et, en cas d'indignit, dans sa dposition 10 . Au milieu du

    1) Tertullien, De coron., 2; De prae- Irails essentiels de ces rites se sont conser-script. haeretic, 4t. vs longtemps en Espagne. Au vi e sicle,

    2) Id., De paenilent., 6. Tertullien on y clbrait encore, le vendredi saint, laemploie aussi en ce sens le mot auditores crmonie de l'Indulgence, que nous d-(ibid.). crit le missel mozarabique. Cf. Duchesne,

    3) auditorum lirocinia- (ibid.). Origines du culte chrtien, p. 429-430.4) Tertullien, De paenilent. , 7 sqq. 8) Saint Cyprien, Epist. 17, 1-3; 07,5) lbid., 7. 3-5.6) lbid., 9. 9) lbid., 56, 1 ; 07, 5.7) Tertullien, De pudicil., 13. Les 10) lbid., 67, 3.

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    l'glise de carthage 1!)iiic sicle, les laques assistaient parfois mme aux conciles 1 .Cette intervention constante de rassemble des fidles paratavoir caus ds l'origine quelques embarras aux chefs de lacommunaut. Les laques surtout, dit Tertullien, doivent s'im-poser la discipline du respect et de la docilit, ne pas empitersur les attributions de leurs suprieurs, ne pas usurper des fonc-tions qui appartiennent l'vque. La rivalit avec l'piscopatest la mre des schismes 2 . Il est difficile de ne pas voir dans ceconseil une allusion de rcents conflits de pouvoirs.A la tte de la communaut tait l'vque. On lui donna long-temps Carthage le titre de papas ou papa 3 , que portait encoresaint Cyprien*. Nous ne savons absolument rien sur les originesde l'piscopat en Afrique. Le diacre Pontius, qui crivait au mi-lieu du in c sicle, laisse entendre que l'on comptait ds cettepoque toute une srie d'vques de Carthage 5 ; il n'y aurait cela rien de surprenant, tant donn l'importance et l'organisa-tion trs complte de cette glise ds le rgne de Scptime Svre.Quelque dcouverte pigraphique pourrait seule nous renseignerl-dessus. Pour le moment, l'histoire de cet piscopat ne re-monte pas au-del du temps de Tertullien. Nous connaissonsdeux vques de Carthage qui furent ses contemporains: Agrip-pinus etOptatus.Ce dernier appartient srement aux premiresannes du m sicle, puisqu'il est mentionn dans la Passio desainte Perptue 6 . Mais on n'est pas d'accord sur l'poque ovcut Agrippinus. On le considrait nagure comme le plus an-cien vque connu de Carthage. De nos jours, plusieurs savantsont voulu faire de lui le successeur ou l'un des successeursd'Optatus 7 . Cette hypothse ne repose que sur une fausse inter-prtation d'un passage de Tertullien 8 . Et elle s'accorde mal avec

    1) Sainl Cyprien, pist. 19, 2. pat d'Agrippinus jusqu' la fin du i ec sicle2) Tertullien, De baptism., 17. (Toulotte, Gog. de l'Afrique clirt., I,3) Passio Perpetuae, 13 : Non lu es Proconsulaire (1891), p. 13).Papa noster?... 8) Tertullien, De jejun., 13 : Aguntur4) Saint Cyprien, Epist. S. 1 : 30, i et 8; praeterea per Graecias illa certis in locis

    31, 1 ; 3G, 1. Mme le proeonsul Cale- concilia ex universis ecclesiis, per quacrius Maximus donne ce litre saint Cyprien et altiora quaeque in commune tractantur,(Acla proconsularia Cypriani, 3 : Tu et ipsa repraesentatio totius nominispapam te sacrilegae mentis hominibus Christiani magna veneratione celebratur. praebuisti?) Tertullien donne le mme On a voulu conclure de ce texte qu'autitre l'vque de Rome : bonus pastor moment o Tertullien crivait son trait Deet henedictus papa (De pudicit., 13). jejunio (aprs 213), les runions d'vques

    , Pontius, Vita Cypriani, 19. taient encore inconnues en Afrique, et que6) Passio Perpetuae, 13. par suite il fallait placer aprs cette date7) Harnack, Gesch. der altchrist. Lilt., 1rs synodes et l'piscopat d'Agrippinus. \

    I (1893), p. 687 sq.; C. Schmidt, Gtting. notre avis, cl d'aprs les mois soulignsgel. Anzeig., 1893, p. 240. D'autres, au dans le texle, Tertullien entendait parlercontraire, reculeraient volontiers l'pisco- seulement des grands conciles o se rencon-

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    l2l> LES OIUGINESd'autres tmoignages : sain! Cyprien nous parle d'un trs ancienconcile prsid par A-grippinus 1 . Il est donc plus naturel d'ad-mettre que cet vque fut le prdcesseur d'Optatus cl gouvernal'glise de Cartilage vers la lin du n c sicle.

    L'vrque, assiste'1 de sou clerg, remplissaitune double fonction:il administrait la communaut, et il prsidait au culte.

    Nous formons une corporation, dit Tertullien; nous avonspour lien la religion, l'unit de la discipline, une mme esp-rance. JXous nous assemblons pour invoquer Dieu, pour lui faireviolence, en quelque sorte, par nos prires 2 . )> Mais les chrtiensde Carlhage s'assemblaient aussi pour rgler, tout simplement,les affaires de leur corporation. Us avaient une caisse commune(arca), alimente par les cotisations mensuelles des fidles 3 .Tayait d'ailleurs qui pouvait : Chacun verse une petite sommed'argent un certain jour du mois, ou quand il le veut, et encores'il le veut, et s'il le peut. Car personne n'est contraint; chacuncontribue librement. Ce sont pour ainsi dire les dpts de lapit

    4. Les fidles apportaient aussi des dons en nature, uneespce de dme volontaire. Sur ces offrandes et sur les revenus

    de la communaut, on prlevait d'abord ce qui tait ncessairepour l'entretien du clerg : chacun recevait une portion, et sanscloute aussi une somme d'argent, en rapport avec son rang hi-rarchique K . On consacrait le surplus aux uvres charitables :nourriture aux indigents et frais d'inhumation, subsistance desorphelins et des vieillards, secours aux naufrags, et, en tempsde perscution, aux prisonniers, aux exils, aux confesseurscondamns dans les mines un travail de forat 6 . La commu-naut de Carthage venait mme quelquefois en aide aux com-munauts de l'intrieur du pays dont les ressources n'taient passuffisantes pour nourrir et habiller leurs pauvres 7 . Ce qui noustraient les voques de toute une rgion. Onn'a pas le droit d'en conclure qu'il n'y a paseu antrieurement des conciles ou synodesafricains. Le texte de Tertullien uc fournitdonc aucune indication sur le temps ovcut Agrippiuus.

    1) Saint Cyprien, Epist. Ti, 3 : quandoanni sint jam multi et longa aelas exquo sub Agrippino... Cf. Epist. 1,1 : cum jampridem in concilio episco-porum slatulum sit...

    2) Tertullien, Apolog., 39.3) ar.cae genus est... Modicam unus-

    quisque stipem menstrua die, vel cum velit,et si modo velit, et si modo possit, apponit;nam nemo compcllitur, sed sponte confert.

    Haec quasi deposila pietatis sunl (ibid.).4) Ibid.5) Tertullien, De jejun., 17. Cf.

    saint Cyprien, Epist. 34, 4; 39, S: spor-hilis idem cum presbyteris honorentur cldivisiones mensurnas aequatis quanlilalibuspartiantur.

    6J Tertullien, Apolog., 39; Ad martyr.,1; Passio Perpetuae,3 cl 16. Certainescommunauts africaines paraissent avoir tassez riches ds le temps de Septimt S-vre. Nous savons que plusieurs glisesvitrent la perscution en soudoyant dessoldats et des policiers (Tertullien, De fug.in persec, 13).

    7) Saint Cyprien, Epist. 2, 2.

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    L EGLISE DR CARTHAGE 21rend frres, dit. Tertullien aux paens, ce sont ces mmes biensqui chez vous divisent presque toujours les frres. N'ayant tousqu'un cur et qu 'une mc,nous n'hsitons point partager notrefortune. Tout est en commun chez nous, sauf nos femmes 1 . Lacharit et la solidarit faisaient alors du christianisme une vastesocit de secours mutuels. rTelle tait aussi cette poque, dans l'Eglise de Cartilage, laprincipale raison d'tre des agapes. Tertullien nous dcrit endtail ces repas communs : Le nom mme de nos banquetsvous en explique le motif. Ce nom signifie charit an grec. Quoiqu'ils puissent coter, c'est un gain que ces dpenses faites aunom de la pit; car, par ces festins, nous soulageons tous nospauvres... Donc, la raison d'tre de nos banquets est honorable ;d'aprs la raison d'tre de cette institution, jugez de ce qui s'ypasse. Comme la religion y prside, on n'y admet rien de bas niaucun excs. Avant de se mettre table, on commence par prierDieu. On mange suivant sa faim, on boit autant qu'il est utile des gens chastes. On se rassasie en se souvenant que cette mmenuit on doit adorer Dieu; on cause en songeant que Dieu coute.Une fois qu'on s'est lav les mains et qu'on a apport les lu-mires, tous ceux qu'inspirent les Saintes Ecritures ou leurpropre gnie, sont invits chanter tout haut les louanges deDieu : on juge par l comment ils ont bu. Une nouvelle priretermine le banquet 2 . Primitivement, les agapes, institues l'imitation de la Cne et clbres avant la communion, avaientsurtout une signification religieuse 3 . Peu peu, mesure qu'ellesse sparaient de l'office eucharistique, elles prirent une physio-nomie nouvelle, parfois assez profane, puisque d'assez bonneheure elles donnrent lieu des abus'. On voit par la descrip-tion de Tertullien que de son temps, dans l'Eglise de Carthage,c'tait surtout un repas de charit.Les runions priodiques avaient principalement pour objet la

    clbration du culte. Les apologistes du pays ont souvent rpt,et cela jusqu'au temps de Diocltien, que les chrtiens n'avaientni temples ni autels 1". Cette assertion n'est exacte, que si l'onprend ces mots au sens paen. Nous avons vu que les commu-nauts africaines avaient amnag dans leurs cimetires desespces de sanctuaires; et la mensa qui couvrait la tombe des

    1) Tertullien, Apoloj., 39. spes in ferculis jacet. Scd majoris est2) Tertullien, Apolog., 19. ipe, quia per liane adulescentea lui cum3) Act. aposf.., il, 46; xx, 7-11; saint sororibus dormiunt...

    Paul, lad Corinth., xi, 20 sqq. 5) Tertullien, Apolog., lo; Minucius4) Tertullien, De je/un., M : agape Flix, Octar., 10 et 32; Arnobc, VI, 1-3;

    in caccabis fervet, fides in culinis calet, Lactance, Divin. Instit., II, 2,2; 18,2-3.

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    22 LRS ORIGINESmartyrs tait Mon, on ralit, un autel. Nous no connaissonspoint la disposition particulire des maisons o s'assemblaientles fidles. Tout ce qu'on peut dire, c'est que ds le rgne deSeptime Svre, les chrtiens de Carthage y clbraient un vraiculte qui avait ses organes distincts, ses rites, sa liturgie, etdj ses traditions. C'est encore Terlullien qui nous en fournittrs compltement la preuve.

    Tout naturellement, la manifestation la plus frquente de lapit tait la prire. Les chrtiens y consacraient une bonnepart de la journe. Ils faisaient le signe de la croix en s'habillant,en se chaussant, en sortant, en marchant, en entrant aux bainsou n'importe o, en se mettant table ou au lit, en accomplis-saut une action quelconque 1 . De plus, ils priaient part ou enfamille, cinq fois parjour : le matin elle soir (matines et vpres),puis l'heure de tierce, h l'heure de sexte, et l'heure de noue 2 ,(iliaque fois, ils avaient soin de se tourner vers l'orient 3 . A desjours fixes, ils s'assemblaient dans la maison de l'glise 4 pour y prier en commun et y clbrer les saints mystres.

    C'tait dj un vritable office, o l'on reconnat les lmentsessentiels de la messe. A Carthage, au temps do Terlullien, ilavait lieu le malin :'. On se runissait mme avant l'aurore; etl'on devait arriver jeun. On coulait d'abord des lectures de laBible que faisaient les lecteurs en titre. Puis venait une homliede l'voque. Il prenait pour texte ces passages des Livres sacrs,toujours choisis avec soin, et en rapport avec les circonstances; ses commentaires, il mlait des exhortations, et, s'il le fallait,des reproches, mme des arrts d'excommunication. Nousnous runissons, dit Tertullien, pour nous remettre en mmoireles divines critures, et nous en tirons des avertissements oudes leons sur les vnements du jour. Du moins, de saintes pa-roles nourrissent notre foi, relovent notre esprance, affermis-sent notre confiance, resserrent notre discipline, en inculquantle prcepte. C'est encore l que se font les exhortations, les r-primandes, et la censure au nom de Dieu. En effet, le jugementest rendu avec une grande autorit, par des hommes qui sesavent en prsence de Dieu. C'est un prjug terrible pour lejugement futur, quand quelqu'un a mrit par ses fautes d'treretranch de ia communion des prires, de l'assemble et detout ce saint commerce >/'. Aprs l'homlie et les rprimandes,

    1) Terlullien, De coron., 3. vel., 13. 2) Tertullien, De oratione , 2a ; De 5) Tertullien, De coron. ,3 : Eucharis-

    jejun., 10. tiae sacramentum... anlelucanis coctilms. 3) Id., Apolog., 1G ; Ad nation., I, 13. 6) Id., Apolog., 39. -- Cf. De anim.,4) Id., De pudicil., 4. Cf. De virgin. 9 : Prout Scripturae leguntur aut psalmi

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    L EGLISE LIE CARTHAGE 23parfois suivies de l'exclusion d'un coupable, tous les assistantsrcitaient une prire. A ce moment, l'on congdiait les catchu-mnes et les pnitents. Devant les initis allaient se drouler lessaints mystres, le sacrement de l'Eucharistie (Eucharistiae sa-cramentum). Tous se donnaient le baiser de paix. Au milieu desprires et des actions de grces, l'vque, ou un prtre dlgupar lui, consacrait dans un calice 1 le pain elle vin, que les fidlesrecevaient de la main des diacres. On communiait aussitt;mais on pouvait emporter chez soi du pain consacr pour lesabsents ou pour son usage personnel 5 . La crmonie se termi-nait par des prires ou le chant de quelques psaumes.En ce qui concerne les jours d'assemble, la tradition de Car-Ihage prsentait quelques particularits. On sait que les premierschrtiens, en empruntant aux Juifs le systme de la semaine,leur avaient emprunt aussi l'habitude de la sanctifier 3 . A l'ori-gine, ils clbraient le sabbat, puis s'assemblaient entre eux lelendemain. Quand ils se furent nettement spars des Juifs, ilsrenoncrent au sabbat; et leur grand jour fut le dimanche, qu'onnomma le jour du Seigneur [dies doi?iinicus)\ Mais les Juifspieux avaient coutume djeuner deux fois la semaine, le lundiet le jeudi. Les chrtiens eurent aussi deux jours de jene; maisils choisirent le mercredi et le vendredi, qu'on appela les joursde station [dies stationis) 5 . Dans toute la chrtient on clbrait,le dimanche, le sacrement de l'Eucharistie, et tous les fidlescommuniaient. C'tait la journe de repos et d'allgresse : Carlhage, nous dit Tertullien, on considrait comme une im-pit de jener le dimanche ou de se mettre genoux pourprier 6 . Pour les jours de station, la tradition variait suivantles Eglises. Dans la plupart des communauts, on se contentaitde se runir pour prier ou chanter des psaumes, et de jenerjusqu' la neuvime heure. Dans l'glise d'Afrique, comme dansplusieurs Eglises d'Orient, on clbrait le mercredi et le ven-canuntur aul allocutiones proferuntur autpetitiones delegantur... Tertullien nousparle d'un de ses sermons, prononc dansla communaut montaniste [ibid.).l)On se servait dj pour cet usage devases prcieux, richement dcors . Cf. Ter-tullien, De pudicit., 7 : Procdant ipsaepicturae calicum... ; ibid., 10 :

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    24 LES ORIGINESdredi L'office complet, y compris la conscration de l'Eucharistieet la communion 1 . Mme certains fidles prolongeaient jusqu'ausamedi le jene ordinaire du vendredi [continuare jejunium)* .Les chrtiens de Carthag-e avaient donc trois assembles litur-giques par semaine.A ces runions hebdomadaires s'ajoutaient quelques ftes.C'taient d'abord, dans les cimetires, jours fixes, l'office desmorts; puis, pour l'anniversaire de chaque martyr, une cr-monie commmorative, o la mensa du tombeau tait trans-forme en autel 3 . Souvent aussi, des mariages devaient fournirl'occasion d'une assemble des fidles. A cette poque, l'Eglisene faisait pas une loi de la bndiction nuptiale; mais, en fait,la plupart des fidles tenaient cette conscration divine de leurunion 4 . Tertullien vante la flicit du mariage chrtien, quel'glise conseille, que Xoblation confirme, que scelle la bn-diction, que proclament les anges, que Dieu ratifie 1 ' : il y a vi-demment, dans ce passage, une allusion trs nette une vri-table crmonie, o figurait l'office eucharistique.

    Enfin, la communaut de Carthage clbrait annuellementdeux grandes ftes liturgiques : Pques et la Pentecte. On adit avec raison que notre anne ecclsiastique rsulte de la com-binaison de deux calendriers : au calendrier juif se rapportentles ftes mobiles; au calendrier chrtien, les ftes k jour fixe 6 .Ces dernires, mme la Nol et l'Epiphanie, taient absolumentinconnues l'poque qui nous occupe 1 . Les chrtiens d'alors

    1) Tertullien, De oratione, 19. Cf. Du- firmat oblalio et obsignat benedictio,chesue, Origines du culte chrtien, p. 220 angeli renuntiant, paler ralo habet? et suiv. 6) Duchesne, Origines du culte chr-

    2) Tertullien, De jejun., 14. Ce jene tien, p. 225.exceptionnel devint peu peu la rgle; 7) L'institution de ces deux ftes nede cette pratique parat tre sorti le jene remonte gure au-del du iv c sicle. Laromain du samedi. Nol est mentionne pour la premire fois

    3) Tertullien, De coron., 3 : Obla- par le calendrier philocalien, rdig tiones pro defunctis, pro nataliciis (marty- Rome en 336. L'Epiphanie semble un peurum) annua die facimus . Cf. De mono- plus ancienne : clbre d'abord par desgam., 10; Deresurr. carn., 1. Ds le communauts hrtiques (Clment d'Alexan-temps de Tertullien, le clerg prsidait aux drie, Slromat., I, 14.'j sq.), elle fut adoptefunrailles des fidles et rcitait des prires peu peu par beaucoup d'Eglises ortho-au bord de la tombe (id., De anim., 51 : doxes. Au iv e sicle, l'Epiphanie taitt> rum in pace dormisset et morante adhuc observe dans tout l'Orient et dans lessepultura intrim oratione presbyleri pays de rit gallican, tandis que Rome etconiponcretur... ). l'Afrique observaient la Nol. Ces deux

    4) Tertullien, De pudicit., 4 : con- ftes, l'origine, s'excluaient l'une l'autre :junctiones... prius apud ecclesiam pro- elles avaient exactement la mme signili-fessae . cation; car elles taient toutes deux une

    > Id., Ad uxor., II, S : Unde suffi- commmoration de la naissance du Christ,ciamus ad enarrandam felicitatem ejus naissance place par les uns le 25 dcem-matrimonii quod ecclesia concilit et con- bre, par les autres le 6 janvier. Cf. Du-

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    L EGLISE DE CAR.TnA.GE 25conservaient seulement deux des grandes ftes juives, en leurdonnant une signification nouvelle : la Pquo tait consacre la commmoration du Christ; la Pentecte, celle do l' Esprit-Saint. Chaque pays, d'ailleurs, avait sa tradition distincte. ACarthage, le jeune pascal durait deux jours, du vendredi saintau dimanche matin 1 . Avec le jour de Pques commenait unepriode de rjouissances, qui se prolongeait sept semaines, etqui se terminait le jour de la Pentecte 8 : pendant toute cettepriode, les jenes hebdomadaires taient suspendus 3 . A ce mo-ment de Tanne avaient lieu deux des crmonies essentielles :la rconciliation des pnitents, dont nous avons dj parl, et lebaptme.Le baptme se clbrait ordinairement dans la nuit de Pques ;tout au moins, durant le temps pascal, entre Pques et la Pen-tecte 4 . Il pouvait tre administr par les laques, en cas de n-cessit; mais, rgulirement, il l'tait par l'vque, ou, sur sadlgation, par un prtre ou un diacre 1 . C'tait une vritableinitiation, laquelle on donnait beaucoup de solennit. Tertulliennous en a dcrit en dtail toutes les crmonies, telles qu'on lespratiquait Carthage. Aprs le long stage du calchumnat , lenophyte se prparait au baptme par le jeune, les veilles et laprire 7 . Le grand jour venu, aprs une confession gnrale 8 , ilse prsentait la porte de l'assemble, assist de parrains 9 . Surl'invitation de l'officiant, il prononait la formule consacre, parlaquelle il renonait au diable, ses pompes et ses anges 10 .Puis on le conduisait au baptistre. Par trois fois on le plongeaitchesne, Origines du culte chrtien, p. 247et suiv. De mme, la fte de l'Ascensionn'apparat que vers le milieu du iv sicle,cf. ibid., p. 230.

    1) Tertullien, De jejun., 2; 13-14; Deoralione, 18. C'tait alors le seul jeneabsolument obligatoire dans la communautcatholique de Carthage (id., De jejun., 2 : illos dies jejuniis determiuatos putant inquibtis ablatus est Sponsus, et hos essejam solos legitimos jejuniorum chrisliano-rum ). Le jene pascal lait annonc etordonne par l'vque {ibid., 13). Quant auCarme proprement dit, il n'en est pasfait mention avant le iv e sicle (cf. I>u-chesne, Origines du culte chrtien,p. 231).

    2) Tertullien, De idolol., 14; De ora-lione, 23; De baptism., 19; De jejun.,14.

    3) Id., De coron., 3 : Eadcm immu-nitate a die Paschac in Pentecosten usque

    gamlemus. 4) Tertullien, De baptism., 19. D'ail-

    leurs, s'il y avait urgence, le baptmepouvait tre confr n'importe quellepoque de l'anne {ibid.).

    5) Tertullien, De baptism., 17.6) Id., De paenitent., 6. Tertullien

    tait d'avis qu'il fallait relarder le baptmele plus possible, surtout pour les enfants[De baptism., 18).

    7) Id., De baptism., 20 : Ingressurosbaptismum orationibus crebris, jejuniis etgcniculatonibus et pervigiliis orare opor-tet. >

    8) Und., 20 : cum confessione omniumrtro delictorum .

    9 Sponsores {ibid., 18).10) Tertullien, De coron., 3 : Ut a

    baptismateingrediar, aquam adituri ibidem,sed et aliquanto prius in ecclesia sub an-lislilis manu contestamur nos renunliarcdiabolo et pompae cl angelis cjus,

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    26 LES ORIGINESdans la piscine, en versant sur sa tte l'eau bnite*. Aprs uneonction d'huile*, on le menait devant L'officiant, qui appelait surlui le Saint-Esprit par l'imposition des mains 3 . Immdiatementvenaient la confirmation et la premire communion. Vtu d'ha-bits tout blancs, le nouveau baptis se prsentait l'vquc, quiavec le saint chrme faisait sur son front le signe de la croix(consignatio) \ Ensuite il assistait l'office liturgique, et com-muniait pour la premire fois 5 . Tertullien rsume en quelquesmots nergiques le sens de tous ces rites : On baptise la chair,pour purifier l'me ; on fait l'onction sur la chair, pour consacrerl'me ; on marque la chair du signe de la croix, pour fortifierl'me ; la chair reoit l'imposition des mains, pour que l'me soitillumine par l'Esprit; la chair se nourrit du corps et du sang duChrist, pour que l'me se remplisse de Dieu 6 . Aprs cette pre-mire communion, le baptis recevait un breuvage de lait et demiel 7 . Pendant toute la semaine de Pques, il ne pouvait sebaigner 8 , et il assistait chaque jour une messe, toujours vtude blanc.On voit que dans l'Eglise de Carthage, ds le rgne de SeptimeSvre, le culte tait presque entirement constitu sur bien despoints. Cependant la liturgie n'avait pas encore en Afrique lafixit ni l'uniformit qu'elle y prit plus tard, insensiblement,sous l'influence croissante de Rome. Carthage avait quelquesusages particuliers, qu'elle s'obstina longtemps conserver, etqu'elle dfendit parfois avec une certaine pret 9 . De plus, nouspouvons constater par bien des passages de Tertullien 10 , parlesujet mme de quelques-uns de ses traits, qu'on discutait autourde lui sur l'utilit et la lgitimit de plusieurs rites. Enfin, lescanons des divers conciles tenus en Afrique, au temps de saintAugustin, pour rgler en commun beaucoup de questions con-troverses, nous font supposer que les diffrentes glises localesavaient souvent des traditions distinctes, et que les vquesavaient eu jusque-l une certaine libert dans la rdaction oul'interprtation des formules 11 . De l, ds les plus anciens temps,

    1) De coron., 3 : Deliinc 1er mergita-mur... . Cf. De baptism., 2; Advers.Prax., 26.2) Id., Debaptisrn., 7 : Exindc egressi

    delavacro perungimur benedicta unctione . Cf. Advers. Marcion., I. 14.3) Id., De baptism., 8 : . Dehinc manus

    imponitur, per benedictionem advocans etinvitau* Spiritum sanctuin.

    4) Id., De resurr. carji., 8; De prae-script. haeretic., 40.

    5) Id., De resurr. cani., 8.6) Ibid., 8.7) Tertullien, De coron., 3; Advers.Marcion., I, 14.8) Id., De coron., 3.9) Surtout au temps de saint Cyprien.Voyez plus loin, livr. 111, cliap. I, g 3.10)>e oralione,l5 sqq. ; De baptism.,

    47 sqq.; De paenitent., 1 sqq.; Devirgin. vel., 1 sqq. ; etc.

    11) Conciles de Carthage de 397 (can. 23)

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    L FGLISE DE GARTHAi;!-: 1bien des querelles de doctrine, compliques par des rivalits depersonnes. Si les paens confondaient sous un mme nom et dansune mme haine toutes les sectes chrtiennes, ces sectes savaientfort bien se distinguer les unes des autres, pour se laucer mu-tuellement l'anathme; on retrouve la trace de ces malentendusjusque dans les cimetires, o la msintelligence clate dans lardaction mme des formules de paix 1 . Les hrtiques taientdj fort nombreux, puisque Tertullien a pass sa vie les com-battre. A Carthage, en pleine priode de perscution, la commu-naut catholique se partageait entre l'vquc Oplatus et le prtreAspasius : dans une vision du martyr Saturus, il ne faut pasmoins que l'intervention des anges pour les rconcilier 3 . Ter-tullien lui-mme, avant de tomber dans l'hrsie, fut souvent enquerelle avec une partie de son Eglise; on ose peine le lui re-procher, puisque ces querelles lui fournirent l'occasion de plu-sieurs de ses traits.

    Tout cela donne l'impression d'une communaut trs vivante.Historiquement, ces disputes sur des points de thologie ou dediscipline ont mme une importance relle. Car elles amenrentindirectement l'Eglise de Garthage tablir ou affirmer de plusen plus son autorit sur les autres glises d'Afrique. De bonneheure, on eut ride de soumettre les questions litigieuses desrunions d'vques et de clercs. Ces runions se tinrent naturel-lement dans la grande ville qui tait la capitale civile de la con-tre, et qui en devenait insensiblement la capitale religieuse.Les crivains du pays nous ont conserv le souvenir de ces trsanciens conciles africains. Tertullien fait allusion des synodeso l'on avait fix le canon des Livres saints 3 . Gyprien mentionneune dcision d'un de ces vieux conciles, qui dfendait d'instituerun clerc ou tuteur ou curateur 4 . Enfin, soixante-dix vques deet de 407 (Cod. can. eccles. afric, can.103). Cf. Mansi, Concil., III, p. 807 et881. Ces divergences de dtail n'emp-chaient poiut, d'ailleurs, que les glisesafricaines ne fussent d'accord entre elleset avec Rome sur les points essentiels del'organisation ecclsiastique. Nous pouvonsle constater, ds le dbut du m c sicle,pour Carthage et Rome. Sur la disciplinecl la liturgie, Tertullieu, au moins dans sestraits orthodoxes, s'accorde le plus souvent

    i l'auteur du recueil dit Canonsd'Hippolyie, qui est probablement uneuvre synodale de l'glise romaine la tindu ii sicle ou au commencement du m

    (Munich, 1870); Achelis, Die CanonesHippolyti (Leipzig, 1891); Duchesne,Origines du culte chrtien (2 e d., Paris,1898), p. 504 sqq.

    1) Le P. Delallre (Vpigraphie chr-tienne Carthage, p. 26 et suiv.) en citede curieux exemples au iv e et au v e sicle.

    2) Passio Perpetuae,\'. Mme Iaper-scution des paens ne suffisait pas toujourspour rtablir la paix dans la communaut.Tertullien fait allusion aux querelles deschrtiens emprisonns {Ad martyr., 1).

    3) Tertullien, De pudicit., 10.4) Saint Cyprien, Epist. 1, 1. Cypriensemble faire allusion un autre concile

    africain, qui aurait discut la question de

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    28 LES ORIGINESProconsulaire ou de Numidie se runirent, sous la prsidenced'Agrippinus, pour rgler la question du baptme confr parles hrtiques, qui fut dclar non valable 1 . Naturellement,c'tait l'vque de Carthage qui convoquait et dirigeait ces as-sembles tenues dans son Eglise. Sans parler mme du rle quelui ou ses prdcesseurs avaient pu jouer dans l'vanglisaliondu pays, par le fait seul qu'on le voyait toujours la place d'hon-neur, on s'habituait le considrer comme un voque pari,une sorte de primat, presque de patriarche 3 .

    III

    Los premires perscutions d'Afrique. Acharnement des paens. Raison