Monde 2 en 1 Du Dimanche 15 Novembre 2015

  • Upload
    derzaou

  • View
    67

  • Download
    0

Embed Size (px)

DESCRIPTION

BROCHURE

Citation preview

  • AU MOINS 128 MORTS DANS UNE SRIE DATTAQUES TERRORISTES

    DANS LA SALLE DU BATACLAN, LE CARNAGE : PLUS DE 80 MORTS

    VENDREDI 13 NOVEMBRE , 21 H 20

    LA TERREUR PARIS

    FRANOIS HOLLANDE DCRTE LTAT DURGENCE. DES RENFORTS MILITAIRES PARIS

    LEFFROI ET LE SANG-FROID

    La France est en guerre. En guerre contre un terrorisme totalitaire, aveugle, terriblement meurtrier. On le savait depuis le mois de janvier et les attentats contre Charlie Hebdo et lHyper Cacher, Paris. En dpit de la mobilisation exceptionnelle du peuple franais, le 11 janvier, en dpit de la solidarit alors exprime par les dirigeants de toutes les dmocraties du monde, le prsident de la Rpublique, le premier ministre et les responsables des services de scurit nont cess de le rappeler : la menace na pas disparu. La question ntait pas de savoir sil y aurait dautres attentats en France, mais quand.

    Ce fut lors de cette soire qui vientdensanglanter Paris et sa banlieue, vendredi 13 novembre. Et cette tra-gdie dmontre que les terroristes qui ont pris la France pour cible ne mettent aucune limite leur uvre de mort. LIRE L A SUITE PAGE 14

    D I T O R I A L

    B oulevard du Montparnasse, Paris, les gens sortent du cinma, petitsgroupes joyeux. Il est presque minuit, ils ne sont encore au courantde rien. Sur le trottoir, les autres seretournent sur eux. Quelquun dit : Chut , deux jeunes filles qui rient fort. Elles ralisent soudain que la foule autour delles semble dune gravit particulire. Quest-ce qui se passe ? On entre au cinma et, quand on ressort, tout a chang.

    LIRE L A SUITE PAGE 10

    Le rythme des tueries terroristes semble sacclrer et rien ne parat pouvoir contredire des scnarios qui, chaque fois, gagnent en horreur. Les pouvoirs publics, quant eux, sont confronts une quation qui parat pour linstant insoluble : endiguer une violence dont les auteurs parviennent rgulirement chapper lattention des services de scurit. Dtermins, accoutums la violence extrme, ces individus, tous franais ce jour, frappent sans prvenir des cibles sans dfense. Jamais les dmocraties europennes nont t confrontes un phnomne djihadiste

    aussi diffus et massif. Comment sorganiser face ce phnomne, qui se fond aussi aisment dans une socit dmocratique ? Cest le scnario catastrophique quon craignait. Depuis les attentats de janvier contre Charlie Hebdo et une picerie casher, plusieurs hauts responsables policiers avaient confi au Monde les difficults auxquelles ils taient confronts en matire de lutte antiterroriste et le fatalisme avec lequel ils attendaient le moment oserait commis sur le sol franais un attentat de grande ampleur. Charlie ctait lapro, vous ver-rez , indiquait ainsi lun des responsables de la Direction centrale de la police judiciaire.

    LIRE L A SUITE PAGE 12

    REPORTAGE

    CEST LA GUERRE par florence aubenas

    Lantiterrorisme la peine face une menace insaisissable

    1

    Boulevard des-Filles-du-Calvaire, Paris 11e. KAMIL ZIHNIOGLU/AP

    0123 Dimanche 15 - Lundi 16 novembre 2015 71e anne No 22031 2,20 France mtropolitaine www.lemonde.fr Fondateur : Hubert BeuveMry

    Algrie 180 DA, Allemagne 2,50 , Andorre 2,40 , Autriche 2,80 , Belgique 2,20 , Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Cte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 , Finlande 4 , Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 , Grce 2,80 , Guadeloupe-Martinique 2,40 , Guyane 2,80 , Hongrie 950 HUF, Irlande 2,50 , Italie 2,50 , Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 , Malte 2,50 , Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 , Portugal cont. 2,50 , La Runion 2,40 , Sngal 1 900 F CFA, Slovnie 2,50 , Saint-Martin 2,80 , Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 10,50 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA

    LES ATTENTATS PROVOQUENTUNE ONDEDE CHOC INTERNATIONALE

    D urant toute la nuit duvendredi 13 au samedi14 novembre, les sympathisants de lEtat islamique (EI) ontbruyamment clbr sur les rseaux sociaux le carnage perptr dans les rues de Paris et de SaintDenis sous le hashtag #Parisbrle. Mais lorganisation en tant que telle na pas prononc un mot, na pas mis le moindre communiqu de revendication. Cest vers elle pourtant que se tournent tousles regards au lendemain de lattaque terroriste la plus meurtrire que la France ait jamais endure.

    LIRE L A SUITE PAGE 13

    U ne salve de coups de feuretentit, suivie de troisdflagrations sourdesqui dchirent la nuit. Le silence se fait sur le boulevard Voltaire (Paris, 11e arrondissement). Il est minuit vingt, ce samedi 14 novembre, et trois des quatre terroristes qui ont attaqu, trois heures plus tt, la salle du Bataclan viennent dactionner leur ceinture dexplosifs. Le quatrime a t abattu au cours du raid que vient de lancer la brigade de recherche et dintervention (BRI) de la police judiciaire. Les forces de lordre librent des dizaines dotages.La vieille salle de cafconcert a

    des allures de thtre de guerre. Au sol, des mares de sang, des blesss en pagaille et des dizaines de corps inanims. Au moins quatrevingts spectateurs venus assister au concert du groupe Eagles of Death Metal ont trouv la mort, abattus par les terroristes.Lattaque a t lance aux alentours de 21 h 30, peu de temps aprs le dbut du show. Quatre hommes, quips darmes automatiques, entrent dans la salle de concert par lentre principale aprs avoir tu les videurs. Ils tirent quelques coups, puis des rafales. LIRE L A SUITE PAGE 5

    LA FRANCE,CIBLE PRIVILGIE

    par benjamin barthe

    et nathalie guibert

    Au Bataclan, du sang partout,des cadavres

    par jrme fenoglio

    Fondateur : Hubert BeuveMry Directeur : Jrme Fenoglio

    par jacques follorou

    et simon piel

    par lise barthet et nicolas chapuis

  • 2 | les attaques terroristes paris DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 20150123

    Le match FranceAllemagne a d-but depuis une quinzaine deminutes, sur la pelouse du Stadede France, Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), aux portes de Paris.Les quelque 80 000 places se

    sont vendues sans difficult et les tribunessont pleines pour ce match amical, sans en-jeu vritable mais retransmis en direct par TF1. Mme Franois Hollande et le ministre de lintrieur, Bernard Cazeneuve, se sont d-placs pour loccasion et regardent, en ama-teur, la rencontre depuis lune des loges offi-cielles.

    A lentre, le dispositif policier est impor-tant, comme il lest chaque soir de match de-puis les attentats de janvier contre Charlie Hebdo et lHyper Cacher. Les spectateurs ont t fouills, les sacs ouverts, mais latmos-phre est familiale et bon enfant.

    Soudain, vers 21 h 20, une premire dtona-tion, puissante et nette, retentit lextrieur de lenceinte. Puis une deuxime, dans la foule. Sur la pelouse, les joueurs ont peinemarqu une lgre surprise. Dans les tribu-nes, les supporteurs des Bleus continuentdencourager la France, qui marque juste-ment son premier but. Mais, aux abords dustade, cest la panique. A proximit des por-tes J, D et H du stade, deux bombes viennent dexploser devant le caf Events, un Mac Do-nald et un Quick, et les policiers, prsents en nombre les soirs de match, ont vite compris quil sagissait dattentats. Un homme hurle dans les dbris de verre : Espce denfoirs ! Quatre morts, dchiquets, gisent sur le trot-toir. Personne ne sait encore que trois dentreeux seront plus tard suspects dtre des ka-mikazes.

    Dans la tribune officielle, Bernard Caze-neuve a t rapidement prvenu par le prfetde police de Paris du danger et il a t imm-diatement dcid dexfiltrer le prsident de la Rpublique et le ministre. Le chef de lEtat avoulu dabord passer par le PC de scurit oviennent darriver les premiers blesss, mais,bientt, les voitures officielles quittent la Sei-ne-Saint-Denis et foncent vers lElyse et laPlace Beauvau. Craignant quune attaque nese produise lintrieur mme du stade, le prfet a fait discrtement boucler lenceinte et un hlicoptre survole le site. Pour vitertoute panique, les autorits ont dcid de ne pas interrompre le match, mais lquipe lo-gistique voit arriver les premiers blesss, soi-gns en premire urgence. Dans les tribunes,de nombreux journalistes venus suivre la rencontre commencent recevoir des infor-mations stupfiantes : non seulement lesdeux explosions que tous ont entendues taient des bombes, mais dautres attentats sont en cours, au cur de Paris.

    Comme chaque soir, il y a foule au PetitCambodge et au Carillon, deux restaurantsjoyeux au cur des quartiers bobos du nord de Paris, deux pas du canal Saint-Martin.On profite encore de la douceur du mois denovembre et des deux terrasses chauffesqui permettent de boire un verre et de fumeren regardant les passants. Dans le fond de la salle du Carillon, une dizaine dinternes en mdecine, venus de lhpital Saint-Louis, deux pas, coutent de la musique en sirotantune bire aprs une journe harassante.Quelques habitus du quartier sont remon-ts chez eux suivre la tlvision le match defootball qui se droule vingt-cinq minutesde voiture, un peu aprs le priphrique, mais il y a encore beaucoup de monde, ce petit carrefour rput pour son animation,tout au long de lanne.

    Soudain, vers 21 h 15, raconte un tmoin, on a entendu comme des bruits de ptards.Trs forts. Le temps de raliser quil sagissait de bien autre chose, des gens ont commenc se jeter par terre . Un ou deux hommes, mu-nis d armes de guerre diront les tmoins,

    se sont arrts en voiture au croise-ment. Dans les restaurants voisins, les convi-ves, qui avaient cru un instant un feu darti-fice, viennent de comprendre. Des voix hur-lent : Planquez-vous ! Rentrez, ne restezpas l ! La devanture du Petit Cambodge asaut sous lassaut, qui na dur quune oudeux minutes. Sur le trottoir, des corps gi-sent dans des mares de sang, morts et bles-ss mls.

    Aprs le vacarme des tirs, un silence im-pressionnant sest install soudain. Mais,dans les rues voisines, a tire toujours, comme si les terroristes poursuivaient leur route meurtrire, mitraillant les passants tout en descendant la rue Bichat, puis la ruede la Fontaine-au-Roi, o les cafs et les res-taurants sont nombreux. Au Carillon d-vast, les jeunes mdecins qui buvaient tout lheure dans larrire-salle, commencent sortir pour porter les premiers secours.

    Une belle jeune femme blonde, dune tren-taine dannes, rdactrice en chef du maga-zine Lui, qui avait rendez-vous pour dner, ar-rive au milieu de ce carnage. Les genstaient allongs, il ny avait pas un bruit, d-taille-t-elle, comme glace deffroi. Au dbut, jai cru quune voiture tait entre dans la vi-trine du restaurant, puis jai vu un hommeavec une fille dans les bras, les yeux rvulss, qui criait help me, puis une autre fille qui r-ptait en anglais gun shot. Un jeune homme raconte pour sa part : Jhabite juste ct, jtais la fentre, jai entendu trois ra-fales. Comme je joue beaucoup aux jeux vi-do, jai tout de suite compris que ctait du gros calibre. La premire rafale a t hyper longue. De leurs fentres, des tmoins terri-fis voient cette scne tragique dun jeunehomme qui porte une jeune fille incons-ciente en la suppliant de se rveiller .

    IL Y A DES MORTS ! Dj, les premires sirnes annoncent larri-ve des pompiers. Mais les terroristes sont en fuite et redescendent les rues voisines. Jai vu une Ford Focus noire qui tirait, lan-gle de la rue de la Folie-Mricourt et de la rueFontaine-au-Roi, sur la terrasse du restaur-tant Cosa Nostra. Il y a eu plusieurs rafales. Jaivu une vingtaine de douilles par terrre , rap-porte un tmoin. Au Pyrenees Cvennes, 106, rue de la Folie-Mericourt, une cinquan-taine de mtres, une vingtaine dAmericains venus pour le Salon Paris Photo, qui se d-roule au Grand Palais jusqu dimanche, sesont cachs sous les tables, convaincus de re-vivre le 11-Septembre. Le cuisinier hurle : Fermez la porte ! Mais, avant quon ne sebarricade, quatre ou cinq jeunes gens se rfu-gient dans le restaurant en criant : Il y a des morts ! Les visages se figent. Ce sont desgangsters ou Daech ? , demande un Amri-cain.

    Deux jeunes femmes entrent en pleursdans le restaurant, proches de lhystrie. Im-possible de leur parler. On leur donne de leau. Et lune raconte : Je suis expert comp-table, notre cabinet est en bas de la rue Fontai-ne-au-Roi. On avait des dossiers finir tard. Avec ma Smart, nous sommes alls aprs21 heures au traiteur chinois, en bas de la rue du Faubourg-du-Temple, au croisement de larue Fontaine-au-Roi, ct du Palais des gla-ces. Le restaurant tait bond. Et puis on a en-tendu Tarata De gros ptards Des kalach Certains se sont rfugis dans la cuisine. Nous,on est monts ltage du Chinois. Le patron du restaurant a baiss le rideau de fer. Unefille a hurl : Cest des tirs, putain Il y avait tant de monde dehors qui faisait la queue Ilsont couru dans tous les sens. Jai vu une Clio avec une femme ct qui baignait dans son sang. Je crois quon a vu trois morts et un qua-trime qui agonise

    Dehors, les sirnes hurlent maintenant etla police crie aux passants Barrez-vous ! .

    Comme assomms par le choc, des gens mar-chent hagards, racontant des scnes de guerre. Dautres se ruent derrire les portescochres, dans les escaliers des immeubles. Des dizaines de policiers dans la rue pointentleurs armes jusque sous les voitures, mettenten joues, parfois, des gens terrifis, les obli-geant rester labri des restaurants.

    Les forces de police ont des raison de sus-pecter tout le monde. Car les informationsqui circulent sont terrifiantes. Aprs le Stade de France, la rue Bichat, la rue de la Folie-M-ricourt, lquipe meurtrire des terroristesse poursuit avenue de la Rpublique, puis ruedu Faubourg-du-Temple o un homme scooter fait feu sur la terrasse du bar-bras-serie Le Phare du Canal, tuant cinq person-nes et en blessant gravement huit autres sans que personne sache encore combien de commandos sont en action. Boulevard Vol-taire, un des terroristes sest fait exploser enpleine rue, heureusement sans tuer per-sonne dautre.

    Il est prs de 2 heures quand, cette fois, lesdtonations retentissent au coin de la rue de Charonne et de la rue Faidherbe, devant le restaurant La Belle Equipe. L aussi, la ter-rasse des beaux jours est encore dresse. Ce caf deux pas du domicile priv du premierministre, Manuel Valls, est un rendez-vous pris des jeunes couples. Jai vu un homme sortir dune voiture, et tirer avec ce qui sem-blait tre une kalachnikov, tmoigne une ri-veraine. De longues rafales, mthodiques, pour tuer. Puis il est remonte dans la voiturerue Faidherbe.

    Un journaliste du Monde, qui dnait deuxpas, arrive en hte pour constater le carnage. Au moins une vingtaine de corps jonchent letrottoir. Les secouristes ne sont pas encore lani les policiers. On entend des cris dchi-rants, les visages sont hagards, des flaques desang maculent le sol. Une femme, le visagecouvert de sang, marche, les bras tendus de-vant elle, les yeux clos. Des cadavres, sur le bi-tume, des silhouettes penches sur les ta-bles, immobiles, dans des postures tranges. Pniblement, les choses sorganisent. Mais chacun hsite, ne sachant trop comment agir. Faut-il coucher les corps ? Les laisser telsquels ? Un homme, jeune, tente de se lever enhurlant, puis scroule. Du sang coule sur son

    cou. On tente de laider. Partout, des dbris,du verre cass. Premires crises de nerfs.

    Puis, la police et les pompiers arrivent ennombre. Etablissent un primtre de secu-rit. Mais, quelques rues, un autre attentat est dj en cours.

    Sur le boulevard Voltaire, deux pas de laplace de la Rpublique et de lancien sige de Charlie Hebdo, le Bataclan et ses 1 500 placesa fait salle comble pour accueillir le groupede rock Eagles of Death Metal, un groupe cali-fornien dont lun des albums phares sinti-tule Peace, Love and Death Metal Un groupe de quatre terroristes arrivent, tuent les vigi-les lentre et sintroduisent dans cette sallede concert mythique du cur de Paris ? Au beau milieu dune chanson, des hommes font feu sur la foule et jettent des grenades. Jai vu deux fous, arriver en criant : Ce quevous faites la Syrie, on va vous le faire , t-moignera un peu plus tard une femme, bles-se. Je me suis cache sous un corps et sou-dain, bing, lun des hommes ma tir dans lacheville.

    ETAT DE SIGELes spectateurs les plus proches de la scne sont les plus chanceux et peuvent sortir. Desdizaines de personnes profitent des instants o les terroristes rechargent leurs armes pour fuir, grimpant sur les corps et provo-quant laffaissement de la scne. Dautres secachent derrire les enceintes, dans les com-bles. Certains membres du groupe de rock parviennent eux aussi schapper. Mais, bientt, des centaines de personnes sont pri-ses au pige, otages des tueurs. Pierre Janas-zak, 35 ans, animateur radio et TV qui se trouve dans la salle, tmoignera plus tard lAFP quil a entendu clairement les atta-quants lancer leurs prisonniers terroriss : Cest la faute de Hollande, cest la faute de vo-tre prsident, il na pas intervenir en Syrie. Ilsont aussi parl de lIrak.

    Habitant pratiquement au dessus du Bata-clan, Daniel Psenny, journaliste au Monde, aaussitt prvenu la direction du journal. Des-cendu de son appartement jusque dans la rue, il est touch par une balle au bras, juste au moment o il secourait un bless et ten-tait de le mettre labri (lire ci-dessous).

    Paris, maintenant, est en tat de sige. A

    Soudain, une dtonation retentitAu Stade de France, au Bataclan, dans des restaurants et des rues des 10e et 11e arrondissements de Paris, des terroristes ont sem la terreur vendredi 13 novembre au soir. Rcit dune nuit qui a dj fait 128 morts

    Aux abords du Bataclan, vendredi 13 novembre. CHRISTIAN

    HARTMANN/

    REUTERS

    DANS LES RESTAURANTS VOISINS DU PETIT

    CAMBODGE, LES CONVIVES,

    QUI AVAIENT CRU UN INSTANT UN FEU DARTIFICE, VIENNENT

    DE COMPRENDRE. DES VOIX HURLENT : PLANQUEZ-VOUS !

    RENTREZ, NE RESTEZ PAS L !

  • 0123DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 les attaques terroristes paris | 3

    COMME ASSOMMS PAR LE CHOC,

    DES GENS MARCHENT HAGARDS,

    RACONTANT DES SCNES DE GUERRE

    lElyse, un conseil des ministres a t convo-qu durgence, et le prsident Franois Hol-lande dcide de prendre trs vite la parole. Au moment o je vous parle, dit-il, la voix unpeu altre par lmotion, des attaques sonten cours Cest une horreur. Puis le chef delEtat annonce quil vient de dcrter ltat durgence et la fermeture des frontires . Avant daffirmer : Ce que les terroristes veu-lent cest nous faire peur, nous saisir deffroi. Il y a de quoi avoir peur, sentir de leffroi. Mais il y a aussi y a une nation qui saura vaincre les terroristes.

    Les services de renseignement ont dj faitremonter jusqu la prsidence cette infor-mation terrifiante : Tous les sites de lEtat is-lamique clbrent le massacre de Paris. R-ptant notamment ce slogan cynique : Comme les USA le 11/09, vous noublierez pasle 13 novemb Six attaques quasi simulta-

    nes ont t menes, entre Saint-Denis et Pa-ris dans une stratgie manifestement prpa-re.

    Aux abords du Bataclan, des policiers sp-cialiss se prparent donner lassaut, alors que les tmoignages des spectateurs en fuiteconfirment tous qu lintrieur de la salle deconcert, les terroristes tirent mthodique-ment sur leurs otages (lire notre article surlassaut). La RATP a ferm toutes les stationsde mtro environnantes. un primtre de s-curit de deux cents mtres autour de la sallede concert a t trac. Derrire les barrires, des centaines de personnes, parfois des pa-rents ou des amis des spectateurs encore prisau pige, attendent, souvent en pleurs, latta-que finale.

    Au Stade de France, le match sest enfinachev et, ds le dernier coup de sifflet, les or-ganisateurs ont affich sur lcran gant un

    message qui ne dit rien de la tragdie en cours : Suite un incident extrieur au stade,nous demandons tous les spectateurs de quitter lenceinte par les portes secteur ouest, sud et nord. Las, le flux ne parvient pas quitter le stade et une partie de la foule reflueet envahit calmement la pelouse. Pas de pa-nique, gardez votre calme , disent les haut-parleurs. Beaucoup de spectateurs craignent de prendre le mtro et le RER. Des taxis dci-dent de faire des courses gratuites. On parta-gent des voitures dans un covoiturage spon-tanment organis.

    De lautre ct du priphrique, les rues deParis se sont vides comme si la France con-naissait vraiment la guerre et ses couvre-feu.Des centaines de personnes, incapables derentrer chez elles, par manque de moyen de transport ou parce quelles sont encore trop choques, cherchent un asile dans les restau-

    rants ou les commerces encore ouverts. Sur Twitter, des parisiens lancent un hashtag #porteOuverte, afin daccueillir pour un caf, et parfois pour la nuit, ces hommes etfemmes en errance. La mairie de Paris an-nonce que tout les lieux publics de la ville(mairie compris) seront ferms le 14 novem-bre 2015. Seuls les services de ltat civil se-ront ouverts. Les manifestations sont aussi suspendues.

    Le boulevard des Filles-du-Calvaire, ctdu Bataclan, est totalement envahi par les ambulances, le Samu, la Croix-Rouge, les voi-tures de police, les motos, la police scientifi-que, le RAID, la BRI, les dmineurs. Quatrecent cinquante soldats de lopration Senti-nelle ont t appels en renfort dans Paris, enplus des 1 000 qui patrouillaient de faon ha-bituelle quand les attentats sont survenus. Ils viennent scuriser les zones

    Devant le bar Le Carillon, dans le 10e arrondissement. CHRISTIAN HARTMANN/REUTERS Des spectateurs du match au Stade de France se rfugient sur la pelouse. CHRISTOPHE ENA/AP

    au moins 128 personnes ont t tues et 200 autres blesses, dont 80 grivement dans la soirede vendredi 13 novembre Paris.

    Huit des terroristes sontmorts, sept dentre-eux se se-raient fait exploser.

    Six attaques simultanes ontfrapp les 10e et 11e arrondisse-ments de la capitale et les abordsdu Stade de France, Saint-De-nis, partir de 21 h 20.

    Au Bataclan, une salle de caf-concert du 11e arrondissement, le bilan est trs lourd : au moins 82 morts. Les tmoins ont vu du sang partout, des cadavres .

    Quatre des assaillants sontmorts au Bataclan, dont trois en actionnant une ceinture dex-plosifs.

    Cette vague dattentats est laplus meurtrire depuis qua-rante ans en Europe, aprs les at-tentats de Madrid en mars 2004(200 mors, 1400 blesss).

    Pour la premire fois enFrance, les terroristes ont orga-nis un attentat complexe , des attaques simultanes et avecdes kamikazes.

    Une enqute pour assassinatsen relation avec une entrepriseterroriste a t ouverte, samedi, par le parquet de Paris.

    Ltat durgence a t dcrtquelques heures aprs les atten-tats par le prsident de la Rpu-blique, qui a fait rtablir les con-trles aux frontires. Des ren-forts militaires sont attendus.

    Franois Hollande, au milieude la nuit, a dclar : Cest une preuve terrible qui une nouvelle fois nous assaille .

    Un conseil des ministres ex-ceptionnel a t runi vendredi minuit, un conseil de dfense le lendemain matin.

    Six projets dattentats enFrance ont t djous depuis le dbut de lanne, dont lun dans une salle de concert.

    Les services de renseignementont t renforcs depuis les at-tentats de janvier, mais restent dbords.

    La COP21, la confrence sur leclimat qui doit souvrir dans peine plus de deux semaines Paris, pourrait tre menace.Des dizaines de chefs dEtat y sont invits.

    Les principaux partis politi-ques ont suspendu la campagne des rgionales.

    Les tablissements scolaires etuniversitaires dIle-de-France ont tous t ferms samedi ma-tin, et les voyages scolaires du week-end supprims.

    Barack Obama a estim quilsagissait dune attaque contretoute lhumanit . Il a promis daider la France traduire les terroristes en justice . Les rac-tions de soutien sont venues du monde entier.

    LEtat islamique na pas reven-diqu la vague dattentats, mais la France reste une cible privil-gie aprs les frappes en Syrie.

    Six attaques simultanes au cur de Paris

    aaa

  • 4 | les attaques terroristes paris DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 20150123

    dintervention, mais les policiers sou-vent cagouls sont trs nerveux.

    Un PC mdical a t mont en urgence danset autour dun restaurant japonais . Les brancards ont t mis en ligne, prts rece-voir les blesss. Quand le plan blanc a tdclench, vers 3 heures, des centaines din-firmiers et de mdecins ont t rquisition-ns dans tous les hpitaux parisiens. La maire de Paris, Anne Hidalgo, accourue au milieu de la soire, a le visage fig dangoisse.

    A 00 h 45, aprs que lassaut a t donn etque trois des quatre terroristes se sont fait sauter, le ballet des brancards commence. Par dizaines, les infirmiers et pompiers se di-rigent en direction du Bataclan. Les premierspersonnels de secours qui ressortent de la salle de concert dcrivent un pouvantable carnage. Prs de 80 personnes sont mortes.Les premiers blesss arrivent sur des bran-cards, des chaises roulantes. Ils portent des couvertures de survie. Nombreux sont ceux qui sont sous respiration mdicale. Dautres, allongs sur les brancards, ne bougent pas.

    ON A DABORD CRU DES PETARDS

    A 1 h 20, Franois Hollande arrive par le bou-levard Beaumarchais, accompagn par un cortge impressionnant dhommes en ar-mes. Devant le PC mdical, Laura, longs che-veux roux, raconte sa nuit deffroi : Cela acommenc aprs prs dune demi-heure de concert, on a dabord cru des ptards. Et puison a compris que les tirs taient rels et quilsne faisaient pas partie du spectacle. Les hom-mes arms taient deux ou trois, ils ont tir, tir, tir. Cela a dur une ternit, peut-treune heure, je narrive pas lvaluer. Ctait desmitraillettes. Jai commenc voir des mortstout autour de moi, des jeunes, que des jeunes.Je ne sais pas comment jai survcu

    Tous les hpitaux de Paris reoivent des di-zaines de blesss. A lhpital Georges-Pompi-dou, dans le XVe arrondissement, au sud-ouest de Paris, ils arrivent dans un bus, es-cort par une ambulance de la scurit civile.Enrouls dans des couvertures de survie do-res. Une jeune fille en larmes expliquequelle a des douleurs dans lavant-bras, unedame en tenue de soire assure quune balle lui a travers le pied

    A lintrieur, le personnel sactive, dbord.Un jeune homme attend dans un fauteuilroulant quon lemmne faire une radio du pied, sous le choc : Cest irrel , rpte-t-il, effar. Il tait au Bataclan, avec deux amis. Sagorge se serre : Je nai pas de nouvellesdeux. Leurs tlphones ne rpondent pas. Illes a perdus de vue ds que le feu a t ouvert. La foule sest fendue en deux, tout le monde a

    M

    M

    M

    M

    M

    M

    M

    M

    M M

    M

    M

    SALLE DE CONCERT DU BATACLAN

    TERRASSE DE LA BRASSERIECOMPTOIR VOLTAIRE

    1 terroriste mort

    qui se serait fait explosersans faire de victimes

    TERRASSEDU RESTAURANT

    CASA NOSTRAFusillade

    Au moins 5 morts

    8 urgences absolues

    TERRASSE DU RESTAURANT LE PETIT CAMBODGEFusillade

    Au moins 12 morts

    Fusillade - Prise dotages - Explosion

    Au moins 82 morts

    1 policier bless pendant lassaut

    4 terroristes morts

    dont 3 en actionnant leur ceinture d'explosifs et le dernier, abattupar les forces de lordre lors de lassaut.

    92 RUE DE CHARONNEFusillade

    Au moins 19 morts

    14 urgences absolues

    21 H 32

    21 H 25

    21 H 49

    21 H 36

    21 h 43

    Avenue de la Rpublique

    Boulevard VoltaireB

    ou

    leva

    rd B

    eau

    ma

    rcha

    is

    R. Bichat R. Allib

    ert

    Rue de la Fontaine-

    au- Roi

    Rue de Charonne

    Boulevard M

    agenta

    HpitalSaint-Louis

    Place de la

    Rpublique

    Ile Sains-Louis

    Parmentier

    Goncourt

    Oberkampf

    Filles du Calvaire

    Saint-Sbastien - Froissart

    Arts-et-Mtiers

    Temple

    Rpublique

    Jacques Bonsergent

    Strasbourg-Saint-Denis

    Saint-Ambroise

    Voltaire

    Place de la Bastille

    Place de la Nation

    Cimetiredu Pre-Lachaise

    Avenu

    e Ph

    ilipp

    e -Augu

    ste

    Situation, samedi 14 novembre, 9 h 30

    XIe

    IIIe

    IVe

    XIIe

    XXe

    Xe

    R. Faid

    herb

    e

    Stations de mtro restant fermes le samedi 14 novembre au matinM

    SO

    UR

    CE

    S :

    LE M

    ON

    DE

    ; A

    FPIN

    FOG

    RA

    PH

    IE L

    E M

    ON

    DE

    Stade de France

    XIeXe

    PARIS

    250 m

    Stade

    de France

    SAINT-DENIS

    AUBERVILLIERS

    Rue Henri-Delaunay

    Ave

    nu

    e J

    ule

    s-Rim

    et

    Rue Ahmed-Boughera-El -Ouafi

    A86

    A1

    D24

    D30

    RER B

    Canal de Saint-Denis

    Vers Paris

    200 m

    DD

    AV. JULES-RIMETDeux explosions

    2 morts

    PRS DU MC DONALDS1 explosion

    1 mort

    21 H 25

    21 H 20

    21 H 30

    21 H 53

    21 h 20 - 0 h 20, les terroristes sment la mort Saint-Denis et dans lEst parisien

    plong en mme temps, on tait tous par terre, les uns sur les autres.

    Il a eu le sentiment que trois hommes ar-ms avaient fait irruption dans la salle : a tirait, a rechargeait. Ils ont dit que ctait pour ce quon faisait leurs frres syriens. Cest peu prs tout ce quils ont dit. Lun deux a ditde ne pas parler et de ne pas bouger ou il noustuerait. A ce moment-l, je lai vu de profil,ctait un jeune de moins de trente ans, avecune petite barbe courte comme la mienne. Aprs avoir dit a, il a tir bout portant sur une personne allonge devant lui . Le jeune homme est rest immobilis. Aprs a, a sest un peu calm. Je crois quon est plusieurs avoir compris quils prenaient lescalier pourmonter au balcon, ltage. Alors je me suis dit : Cest maintenant. Jai enjamb les corps,jai certainement march sur des personnes, il y avait du sang partout. Je suis tomb, je mesuis relev et je suis sorti par lentre princi-pale. Des policiers en faction nous ont dit de courir .

    Quelque soixante-dix personnes au totalont t diriges, comme lui, vers lhopital Georges Pompidou, parmi lesquelles unevingtaine de patients graves. Notre journa-liste, Daniel Psenny, bless au bras par une balle qui lui a travers le biceps, attend lui

    CE SONT DES PLAIES DU THORAX PAR ARMES FEU, DES HMORRAGIES

    IMPORTANTES. IL Y A AUSSI BEAUCOUP DE

    FRACTURES PARCE QUE LES GENS SE

    SONT FAIT CRASER PAR LA FOULE DR PHILIPPE JUVIN

    hpital Georges-Pompidou

    aussi dtre opr, aprs avoir perdu beau-coup de sang.

    Le chef du service des urgences, le Dr Phi-lippe Juvin, na jamais vu tant de victimes dun coup . Ce sont des plaies du thorax par armes feu, des hmorragies importantes. Il ya aussi beaucoup de fractures parce que les gens se sont fait craser par la foule. Il y a ga-lement beaucoup de traumatismes, des per-sonnes ont vu des membres de leur famillemourir devant eux . En plus de lquipe de garde, une cinquantaine de personnels sontvenus en renfort. Les quatre blocs opratoi-res sont saturs. Vers 4 heures du matin, une trentaine de personnes attendaient dtre opres. Le premier bilan de la nuit est terri-ble : quelque 128 morts et des centaines de blesss.

    Lidentification de certains cadavres est dif-ficile. Des blesss se retrouvent incapables deparler et de dcliner leur identit. Sur Twitteret lensemble des rseaux sociaux, des mes-sages angoisss sont relays. Ce sont des m-res, des pres, des amants, des amis qui cher-chent leurs proches, prsents ce soir-l, au Petit Cambodge, au Carillon, La BelleEquipe ou au Bataclan. Et cette longue litaniedappels angoisss est glaante. p

    la rdaction du monde

    LE REGARD DE PLANTU

    aaa

  • 0123DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 les attaques terroristes paris | 5

    Au Bataclan, du sang partout, des cadavres Au moins 80 personnes ont t tues dans cette salle de spectacle du 11e arrondissement de la capitale

    suite de la premire page

    Dans les premires secondes, lesspectateurs croient une pta-rade accidentelle. Jai pens quune enceinte avait explos, puisles lumires se sont allumes. Les tireurs que jai vus avaient le visagedissimul par des capuches et des charpes , raconte Benot. Il se trouvait prs dune des sorties de la salle et a russi schapperavec son amie.

    A lintrieur, la panique gagne lafoule. Les gens se jettent au sol. Jtais allong dans la fosse, la fille ct de moi est morte. Ils ontbeaucoup tir , tmoigne un autre jeune homme, qui se sou-vient nettement avoir entendu lun des assaillants crier : Tout a, cest de la faute de votre prsi-dent ! Dautres rescaps vo-quent lintervention franaise en Syrie.

    Boulevard Voltaire, les forces delordre dbarquent en trombe. Des policiers en civil, arme au poing, progressent en se cachant derrire les voitures. Plusieurs ra-fales retentissent depuis le Bata-clan. Aux premires salves, trsrapproches, succdent des tirsponctuels. Les abords nont pas encore t vacus, des prome-neurs du vendredi se retrouvent nez nez avec des agents cranqui les braquent, leur demandant de dgager le camp . Si je te vois bouger, je te dglingue , hurle lun des policiers un pas-sant tmraire.

    Les riverains ont ordre de fer-mer leurs fentres. Les bars bais-sent leur grille, touffant les chu-chotements des clients apeurs.Peu peu, le quartier Oberkampf, rendez-vous des ftards, fait si-lence. Puis les sirnes des voituresde police vrillent lair. RAID, PJ, BRI tout ce que la police compte de sigles dfile. Des colonnes dhommes casqus, boucliers au point, longent les faades.

    Vers 23 heures, un cordon de s-curit est tendu en travers du bou-levard. Derrire le bandeau jaunese massent journalistes et cu-rieux, smartphone la main, prts immortaliser chaque ins-

    tant. Les forces de lordre deman-dent rgulirement aux badaudsde se ranger le long des murs ouderrire des voitures. Reculez, il y a peut-tre des tireurs sur les toits. Camions de pompiers et ambulances arrivent soudain par dizaines. Une sorte dhpital decampagne simprovise rue Ober-kampf, immdiatement la sor-tie de la salle de concert. Sur le boulevard Voltaire, une tente de lapolice est dresse. Un QG tempo-raire stablit galement au comp-toir du Baromtre, le bar voisin duBataclan.

    EchappatoireA lintrieur de la salle de specta-cle, les otages vivent un cauche-mar. Les assaillants ont achev lesblesss au sol. Javais un mor-ceau de chair sur moi, il y avait du sang partout, des cadavres , ra-conte un jeune homme, lair ha-gard, des traces de sang sch sur son pantalon beige. Il fixe le par-quet du bar dans lequel il sest r-fugi. Il assistait au concert avec son pre, mais ignore prsent ose trouve ce dernier. Peut-treavec les pompiers, peut-tremort. Quand la fusillade com-mence, pre et fils sont dans la fosse, prs des barrires, quel-ques mtres de la scne. Certains de leurs voisins tombent sous les balles. Tous sont terre, les mem-bres paralyss par la peur, corps contre corps, vivants contre morts Dans les poches, les tl-phones vibrent. Lattente dure presque deux heures, jusqu las-saut.

    Une vingtaine de spectateurs aubalcon ont survcu en se cachant dans les combles. Dautres sontsortis par une trappe. Quelquunqui connaissait les lieux, un rgis-seur, la ouverte, explique John, unsurvivant. Il y avait plusieurs en-fants ltage, je revois encore legamin et la femme ct de moi. Jai t lun des premiers sortir,puis on a hiss un un les gens sur le toit de tle. Une soixantaine en tout. On a aperu une fentre allu-me qui donnait sur un apparte-ment. Je ne sais pas ce qui tait le pire : les morts ou lattente qui a suivi. Quand les snipers de la policesont arrivs sur le toit, les lasersrouges de leurs fusils mont balay le visage. Jignore ce que sont deve-nus la femme et le gamin. Il ny avait pas denfants dans lapparte-ment.

    Daprs John, les policiers de laBRI ont donn lassaut en pn-trant par la mme trappe qui a servi dchappatoire aux rescaps du balcon. Je nosais plus map-procher de la fentre de lapparte-

    ment, les autres me demandaient ce qui se passait mais javais peur ,confesse-t-il. Dans les loges, trois des assaillants ont fait sauter leur ceinture dexplosifs. Les rescapsdescendent du toit grce aux qua-tre chelles de pompiers dresses contre la faade, avant dtre re-groups dans lun des bars lan-gle du boulevard Voltaire et de la rue Oberkampf. La plupart des survivants sont sans manteau,lair bahi. Un un, ils dclinentleur identit, raconte aux agents de police dpchs pour les inter-roger ce quils ont vu, entendu surtout.

    Sur des brancards, des hommeset des femmes draps dans descouvertures de survie sont em-barqus dans les ambulances. Ceux qui peuvent marcher se d-placent par groupes, encadrs par les sauveteurs. La rue dborde de policiers en uniforme et en civil, de pompiers. Cest un carnage lintrieur , souffle une secou-riste qui aide vacuer un homme au tee-shirt macul de sang. Les plus mal en point sont immdiatement vacus vers les hpitaux. Un homme, grive-ment bless la poitrine, a le teintcireux. Il faut quon laisse les morts lintrieur, cest un boulot pour la Crim, lche un policier.

    Une silhouette, tout de noir v-tue, se glisse entre les uniformes et les gilets pare-balles. La maire de Paris, Anne Hidalgo, est la pre-mire personnalit politique sur place. Le visage ferm, les yeuxembus, elle sentretient avec le prfet de police de Paris, Michel Cadot. Un membre de la BRI leur annonce que les lieux ont t scuriss et que toute menace est carte. Il est 1 h 40. Le champ est libre pour la venue de FranoisHollande, accompagn de ManuelValls, de Bernard Cazeneuve et deChristiane Taubira. Dclarationsolennelle, soutien aux forces delordre, hommage aux morts Lascne a des airs de dj-vu. Le sige de Charlie Hebdo, vis par lesfrres Kouachi le 7 janvier, nestqu 500 mtres. p

    elise barthet

    et nicolas chapuis

    Tous sont terre,les membres

    paralyss

    par la peur,

    corps contre

    corps, vivants

    contre morts

    daniel psenny est journaliste au Monde.Il habite derrire le Bataclan et a t bless vendredi 13 novembre, alors quil tentait desecourir des blesss qui staient chappsde la salle de concert. Une balle, certaine-ment tire depuis une fentre, lui a traversle bras gauche. Vers 3 heures du matin, il a t transport aux urgences de lhpital europen Georges-Pompidou, dans le 15e arrondissement. Il attendait dtre opr samedi matin, comme une trentainedautres victimes vacues vers ltablisse-ment de sant.

    Jtais en train de travailler chez moi.La tl tait allume, elle diffusait un tl-film dans lequel jouait Jean-Hugues An-glade. Jai entendu un bruit, comme des ptards, et jtais persuad au dbut que ctait dans le film. Mais le bruit tait fort,alors je suis all la fentre. Jhabite audeuxime tage, et mon appartement donne sur les sorties de secours du Bata-clan. Parfois, il y a des vacuations un peuagites, mais l, tout le monde courait de tous les cts, jai vu des mecs par terre, du sang Jai compris quil y avait quelquechose de srieux. Jai demand ce qui se passait. Tout le monde refluait vers la rue

    Amelot ou le boulevard Voltaire. Une femme tait agrippe la fentre du Bata-clan, au deuxime tage. Jai pens auximages du 11-Septembre.

    Je me suis alors dit que jallais descendrepour ouvrir aux gens afin quils puissentvenir se rfugier. Jai donc ouvert la porte de limmeuble. Il y avait un homme al-long sur le trottoir. Avec un autrehomme que je nai pas revu aprs, on la tir pour le mettre labri dans le hall. Jai d prendre la balle ce moment-l. Je ne sais plus, jai une absence.

    Mais je me souviens avoir senti commeun ptard qui explosait dans mon bras gauche, et jai vu que a pissait le sang. Jepense que le tireur tait la fentre du Ba-taclan. On est monts chez un couple de voisins au quatrime tage. Le type quon a fait rentrer avait une balle dans la jambe. Cest un Amricain. Il vomissait, il avait froid, on a cru quil allait mourir. On a appel les pompiers mais ils ne pou-vaient pas nous vacuer. Jai appel une copine mdecin qui ma expliqu com-ment me faire un garrot avec ma chemise.Et on est rests coincs jusqu ce que las-saut soit donn et que le RAID vienne nous chercher. p

    Daniel Psenny, journaliste au Monde : Jai senti comme un ptard qui explosait dans mon bras

    Un bless secouruderrire le Bataclan.

    Photo prise parle journaliste du

    Monde Daniel Psenny.

    Sur Twitter, les Parisiens proposent douvrir leurs portes Les rseaux sociaux ont t abondamment utiliss, pour des propositions dhbergement comme pour rassurer les proches

    P eu aprs lannonce des fu-sillades Paris, vendredi13 novembre, la solidaritsest rapidement organise sur la Toile. De nombreux internautes ont fait part sur Twitter de leurpossibilit daccueillir chez eux des personnes cherchant se r-fugier en lieu sr : Rue Casta-gnary je peux encore hberger dumonde , Je peux ouvrir mon ap-part dans le XXe , Si quelquuncherche un abri vers Belleville, pr-venez moi Avec plusieurs va-riantes de mots-cls : #Portes-Ouvertes, #OpenDoor ou #OffeneTren en pensant auxnombreux Allemands prsents

    dans la capitale pour le match France-Allemagne.

    Peu aprs minuit, plus de200 000 tweets contenant le mot-cl #PorteOuverte avaient t pu-blis, relays par des comptes trs populaires comme celui du you-tuber Norman ou, plus loin de laFrance, de lactrice britanniqueEmma Watson. Et, semble-t-il, avec succs, puisque certains in-ternautes ont fait savoir sur le r-seau social quils avaient effecti-vement accueilli des personnes.

    Mais les messages vritable-ment utiles ont t noys dans lamasse. Pour remdier ce pro-blme, des internautes ont cr

    des cartes interactives et des sites rassemblant les offres dabri.

    Paralllement, Facebook a ac-tiv son service safety check, qui a permis aux Parisiens de rassurer leurs proches en indiquant, dunclic sur un bouton, quils taient en scurit. Une alternative effi-cace au rseau tlphonique, par-fois satur. Ce service, lanc en 2014, avait notamment t d-clench en avril aprs le sisme qui avait frapp le Npal.

    Les autorits ont galement uti-lis les rseaux sociaux pourcommuniquer, comme la prfec-ture de police, qui a invit les Pari-siens rester chez eux : Suite

    plusieurs vnements graves, la prfecture de police recommande dans les prochaines heures ceux qui se trouvent domicile, chez desproches ou dans des locaux profes-sionnels en Ile-de-France, dviterde sortir sauf ncessit absolue.

    #PrayForParis

    Au fil de la nuit, un nouveau mot-cl est apparu sur Twitter : #RechercheParis, encore trs actifsamedi matin. Les internauteslutilisent pour publier des pho-tos de leurs proches dont ils sonttoujours sans nouvelle, alors quils se situaient dans les zonesconcernes par les attaques.

    Auparavant, les internautesavaient pu suivre quasiment en direct les fusillades, de nombreuxtmoins ayant signal des tirs sur Twitter et publi des photos des lieux viss. Certains tirs ont mme t entendus en direct, grce lutilisation de Periscope, une application qui permet de dif-fuser des vidos en direct.

    Comme aprs lattentat du7 janvier contre Charlie Hebdo,avec le clbre hashtag #JeSuis-Charlie, les messages de soutien,issus du monde entier, ont im-mdiatement dferl sur les r-seaux sociaux, notamment avec le mot-cl #PrayForParis, partag

    plus de 3 millions de fois samedi 8 heures.

    Mais ct de cette avalanche demessages de solidarit, il na pas fallu longtemps pour que les mu-sulmans de France soient pris partie par certains internautes. Des prises de position trs criti-ques, qui ont suscit une salve demessages appelant lutter contre les amalgames et lislamophobie, comme celui de ilias1104 : a vous dit on arrte dtre raciste ho-mophobe, antismite, islamo-phobe, et on devient vraiment tousunis face ces barbares ? p

    william audureau, morgane

    tual et pauline croquet

    Une vingtaine de

    spectateurs ont

    survcu en se

    cachant dans les

    combles. Dautres

    sont sortis

    par une trappe

  • 6 | les attaques terroristes paris DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 20150123

    Un cauchemar veill

    Scne de panique, quai de Valmy, dans le 10e arrondissement. JRME SESSINI/MAGNUM

    PHOTOS POUR LE MONDE

    11e arrondissement. CHRISTIAN HARTMANN/REUTERSHpital de campagne, proximit du Bataclan. OLIVIER LABAN-MATTEI/MYOP POUR LE MONDE

  • 0123DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 les attaques terroristes paris | 7

    Des Parisiens fuient les environs du Bataclan. OLIVIER LABAN-MATTEI/MYOP POUR LE MONDE A la sortie du Bataclan. CORENTIN FOHLEN/DIVERGENCE POUR LE MONDE

    Un homme est vacu de son bus par des policiers, dans le 11e arrondissement. CORENTIN FOHLEN/ DIVERGENCE POUR LE MONDE

    Un supporteur sur la pelouse du Stade de France, aprs le match France-Allemagne. CHRISTOPHE ENA/AP

  • 8 | les attaques terroristes paris DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 20150123

    Des voix dissonantes chez les politiquesPlusieurs responsables dextrme droite et de droite ont exprim des critiques

    Aprs les attentats dumois de janvier, il avaitfallu attendre plu-sieurs jours avant que

    les premires critiques apparais-sent dans le champ politique. Le 11 janvier, tous les partis, sauf le Front national, avaient march cte cte dans les rues de Paris pour dnoncer le terrorisme et of-frir de la France un visage uni dans la douleur. Dix mois plus tard, aprs la srie dattaques quiont ensanglant la capitale, ven-dredi 13 novembre, lunion natio-nale naura mme pas vcu quel-ques heures.

    Bien sr, la majorit des respon-sables politiques, gauche comme droite, ont tous exprimsans tarder leur effroi et leur solidarit . Lensemble des par-tis ont galement dcid sans h-siter de suspendre leur campagnepour les lections rgionales pr-vues les 6 et 13 dcembre. Et tous ont salu peu ou prou les dci-sions prises par Franois Hol-lande de dcrter ltat durgence et de rtablir le contrle aux fron-tires.

    Mais on sent bien que le climatpolitique dans le pays nest pas lemme quau dbut de lanne. En-tre les deux dates noires de jan-vier et de novembre 2015, la na-tion franaise a t confronte de multiples crises, propres ds-tabiliser ses plus solides fonde-ments.

    Critiques de lesprit Charlie de janvier, afflux de migrants aux frontires de lEurope nourrissantdes discours xnophobes et anti-musulmans, dbat sur lidentitnationale, mise en cause de lEtatdans sa capacit faire respecter son autorit, poursuite de la crise conomique et sociale la France a subi en moins dun an de multi-ples pressions. Elles rejaillissent invitablement sur sa classe poli-tique.

    La France doit faire bloc Le gouvernement anticipait dailleurs une telle situation au cours des derniers mois. Plu-sieurs ministres staient en effetflicits du comportement desFranais aprs les attentats dejanvier, mais tous sinquitaientgalement de leur raction en casde nouvelles attaques. Les Fran-ais, comme les politiques, ont t la hauteur de la situation en jan-vier, mais quen sera-t-il en cas de nouvel attentat ? sinterrogeait il y a quelques mois devant LeMonde le premier ministre, Ma-nuel Valls.

    Vendredi soir, les principaux t-nors du parti Les Rpublicains(LR) ont exprim leur soutien augouvernement ainsi quau chef delEtat dans cette crise sans quiva-lent sous la Ve Rpublique. Je

    soutiens la dcision prise ce soir dedcrter ltat durgence et la fer-meture des frontires , a indiqu Nicolas Sarkozy dans un commu-niqu peu aprs lintervention de Franois Hollande, ajoutant que dans ces circonstances tragi-ques, la solidarit de tous les Fran-ais simpose . Pour lancien pr-sident de la Rpublique, les ter-roristes ont dclar la guerre la France. Notre rponse doit expri-mer une fermet et une dtermina-tion de chaque instant .

    Mme tonalit grave et respon-sable chez Franois Fillon. Pour lex-premier ministre, le prsi-dent de la Rpublique a pris les d-cisions ncessaires la scurit desFranais. Ltat durgence est d-crt, et lunit nationale est main-tenant notre devoir . La France

    doit faire bloc , a renchri AlainJupp, crivant sur son compte Twitter : Compassion pour les victimes. Dtermination mener la guerre. Unit avec les autorits et forces de scurit.

    Mais des voix droite, et surtout lextrme droite, se sont dsoli-darises du message gnral deconcorde nationale face audrame. Et trs vite, lmotion a laiss place chez certains lus une forme de rcupration politi-que et de mise en accusation du gouvernement. Le maire Les R-publicains de Nmes, Jean-PaulFournier, na pas hsit voquer une guerre civile en France.

    Libanisation Son collgue Lionnel Luca, d-put des Alpes-Maritimes, a com-par la situation franaise celledu Proche-Orient. Ce soir, Paris,cest Beyrouth ! Logique pour un pays en voie de libanisation. Nouspaierons cher notre lchet faceau communautarisme ! a-t-ilragi. Dans la mme veine, Phi-lippe de Villiers, le prsident duMouvement pour la France, de re-tour rcemment en politique et en librairie avec un livre succs,na pas hsit attribuer cet im-mense drame Paris au

    laxisme et la mosquisationde la France .

    Du ct du Front national, saprsidente, Marine Le Pen, a an-nonc devant lhorreur la sus-pension de la campagne des r-gionales de son parti. Mais son compagnon, Louis Aliot, candidaten Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrnes, a aussitt profit de loccasion pour tracer un parallleentre les attaques dans Paris et lescrutin de dcembre. Faisant rf-rence aux propos rcents de Ma-

    nuel Valls dans lesquels il envi-sage la fusion des listes de droiteet de gauche face au danger delextrme droite, il a dclar surTwitter : Monsieur Valls, vous voyez o est le danger ? Le vrai ! Ir-responsable ! Et lavocat Gilbert Collard, dput du Gard lu sous les couleurs du RassemblementBleu Marine, a crit quant lui surle rseau social : Fusillade en plein Paris, pauvre, pauvre France abandonne !

    Pas du mme ordreAutant dattaques directes con-tre le gouvernement qui mon-trent que le FN a fait le choix dutiliser les attentats dans la ca-pitale des fins politiques, ci-blant le gouvernement et un pr-tendu laxisme face au terro-risme. Devant ces attaques, lex-cutif a prfr ne pas ragir.

    LElyse a au contraire vant le sang froid et la capacit deraction de lappareil dEtat fran-ais face aux attentats. Pour la prsidence, les tueries de ven-dredi soir, si elles rejoignent dansun mme choc celles de janvier,ne sont pas non plus du mmeordre.

    On ne peut pas faire de compa-raison entre les deux drames, ils nesont pas de la mme ampleur et nerelvent visiblement pas du mme degr dorganisation. Mais on re-trouve, en janvier comme en no-vembre, la mme volont de lEtat de faire face au terrorisme par le calme, par la force et par la Rpu-blique , a expliqu lentourage deFranois Hollande. p

    bastien bonnefous

    (avec le service france)

    Philippe

    de Villiers na pas

    hsit attribuer

    le drame au

    laxisme et la

    mosquisation

    de la France

    RACTIONS

    Dans ces circonstances tragiques, la solidarit de

    tous les Franais simpose. Cest dans cet esprit que je soutiens la dcision prise ce soir de dcrter ltat durgence et la fermeture des frontires.

    Nicolas Sarkozy, prsident du parti Les Rpublicains

    A cette heure, toute querelle sinterrompt.

    Je forme le vu que nul ne sabandonne la vindicte et il faut conserver sa capacit de discernement. Je forme le vu que nos responsables gouverne-mentaux aient tous les moyens dagir comme ils le souhaitent. Et que nous soyons tous capa-bles de rsister la haine et la peur que les assassins veulent incruster en nous.

    Jean-Luc Mlenchon, cofondateur du Parti de gauche, sur sa page Facebook

    La guerre est parmi nous.Lheure est la rsistance et

    au combat contre le fanatisme djihadiste. Tous ensemble nous devons agir avec solidarit pour les victimes et confiance lgard de nos forces de scurit. Le prsident de la Rpublique a pris les dcisions ncessaires la scurit des Franais. Ltat durgence est dcrt et lunit nationale est maintenant notre devoir.

    Franois Fillon, dput (LR) de Paris, dans un communiqu publi sur son blog

    Arrive gare de Lyon sous lechoc. Laisser les services de

    scurit et de secours travailler, avec tout notre soutien et notre gratitude.

    Ccile Duflot, dpute (EELV) de Paris et coprsidente du groupe cologiste lAssemble natio-nale, sur Twitter

    Ce soir lhorreur encoreNous suspendons nos

    campagnes jusqu nouvel ordre. Une colre froide nous serre le cur.

    Marine Le Pen, prsidente du Front national, sur Twitter

    Devant lhorreur du terro-risme aveugle, unit et soli-

    darit de la nation. Prions pour que la France puisse faire face cette terrible preuve.

    Anouar Kbibech, prsident du Conseil franais du culte musulman

    Face la violence des hommes, puissions-nous

    recevoir la grce dun cur ferme et sans haine. Que la modration, la temprance et la matrise dont tous ont su faire preuve jusqu prsent se confirment dans les semaines et les mois qui viennent.

    Andr Vingt-Trois, archevque de Paris

    peu avant de tenir un conseil des ministresexceptionnel, vendredi 13 novembre mi-nuit, le prsident Franois Hollande sest ex-prim sur les attaques qui venaient de tou-cher Paris.

    Au moment o je mexprime,des attaques terroristes duneampleur sans prcdent sont

    en cours dans lagglomration parisienne.Il y a plusieurs dizaines de tus, il y a beau-coup de blesss. Cest une horreur. Nousavons, sur ma dcision, mobilis toutes les forces possibles pour quil puisse y avoir la neutralisation des terroristes et la mise enscurit de tous les quartiers qui peuvent tre concerns. Jai galement demand quil y ait des renforts militaires ; ils sonten ce moment sur lagglomration pari-sienne, pour tre sr quaucune attaque nepuisse de nouveau avoir lieu.

    Jai galement convoqu le conseil desministres, il va se tenir dans quelques mi-nutes. Deux dcisions seront prises : ltat durgence sera dcrt, ce qui veut dire que

    certains lieux seront ferms, la circulation pourra tre interdite et il y aura galement des perquisitions qui pourront tre dci-des dans toute lIle-de-France. Ltat dur-gence, lui, sera proclam sur lensemble du territoire.

    La seconde dcision que jai prise, cest lafermeture des frontires, [il sagit en fait du rtablissement immdiat des contrles auxfrontires]. Nous devons nous assurer que personne ne pourra rentrer pour commet-tre quelque acte que ce soit. Et en mme temps que ceux qui auraient pu commet-tre les crimes qui sont hlas constats puis-sent galement tre apprhends sils de-vaient sortir du territoire.

    Sang-froid

    Cest une terrible preuve qui, une nouvellefois, nous assaille. Nous savons do ellevient, qui sont ces criminels, qui sont ces terroristes. Nous devons, dans ces mo-ments si difficiles, et jai une pense pour les victimes, trs nombreuses, pour leursfamilles, pour les blesss, nous devons

    faire preuve de compassion et de solidarit.Mais nous devons galement faire preuvedunit et de sang-froid.

    Face la terreur, la France doit tre forte.Elle doit tre grande et les autorits delEtat, fermes. Nous le serons. Nous devons aussi appeler chacun la responsabilit. Ceque les terroristes veulent, cest nous faire peur, nous saisir deffroi. Il y a effective-ment de quoi avoir peur. Il y a leffroi. Mais il y a, face leffroi, une nation qui sait se dfendre, qui sait mobiliser ses forces etqui, une fois encore, saura vaincre les terro-ristes.

    Franaises, Franais, nous navons pastermin les oprations. Il y en a encore quisont extrmement difficiles. Cest, en cemoment mme, que les forces de scuritfont assaut, notamment dans un lieu Pa-ris. Je vous demande de garder ici toutevotre confiance dans ce que nous pou-vons faire avec les forces de scurit pour prserver notre nation des actes terroris-tes. Vive la Rpublique, et vive laFrance. p

    Franois Hollande : Cest une preuve terrible qui, une nouvelle fois, nous assaille

    La campagne des rgionales suspendue

    Les partis politiques ont annonc quils suspendaient leur campagne en vue des lections rgionales, aprs les attaques terroristes du vendredi 13 novembre. Le Parti socialiste a fait part de cette dcision dans un communiqu diffus durant la nuit de vendredi samedi. Les Rpublicains ont adopt la mme position, tout comme le Front national et Europe-Ecologie-Les Verts. A cette heure, toute querelle sinterrompt , a dclar de son ct Jean-Luc Mlenchon, le leader du Front de gauche, sur sa page Facebook. Nicolas Sarkozy et Franois Hollande avaient fait de mme, en mars 2012, quelques semaines du premier tour de la prsidentielle, aprs les attentats commis Toulouse par Mohamed Merah.Lhypothse dun report du scrutin des 6 et 13 dcembre ne semble pas envisage. Ces sujets nont pas t voqus ce stade, affirme-t-on lElyse. Rien nindique que leur calendrier soit modifi.

    Franois Hollande, entour de gardes du corps, sest rendu au Bataclan aprs lassaut, samedi 14 novembre. MIGUEL MEDINA/AFP

  • 0123DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 les attaques terroristes paris | 9

    Il peut tre dclar sur toutou partie du territoire mtro-politain ou des dpartementsdoutre-mer . On lutilise

    en cas de pril imminent rsultantdatteintes graves lordre public , ou bien en cas d vnements pr-sentant, par leur nature et leur gra-vit, le caractre de calamit publi-que . Instaur par la loi du 3 avril 1955, motiv alors par la si-tuation en Algrie, ltat durgenceest un rgime part entre la si-tuation normale et ltat de sige qui renforce les pouvoirs de lauto-rit administrative. Cest un r-gime intermdiaire avant ltat de sige. Il nest jamais dcrt que dans des situations exceptionnel-les, limage de celle qu connue Paris vendredi soir. Rarissime, ltat durgence navait ainsi t employ qu cinq reprises, jus-qu ce que Franois Hollande le mette de nouveau en uvre aprsla srie dattentats qui a ensan-glant la capitale et la ville de Saint-Denis.

    Des pouvoirs aux prfetsLe dcret instaurant ltat dur-gence en France, vendredi, est paru samedi au Journal officiel. Il sapplique donc depuis samedi0 heure sur le territoire mtropo-litain et en Corse . Un second d-cret comporte, lui, des disposi-tions applicables lensemble des communes dIle-de-France , comme la possibilit dassigner rsidence toute personne dont lactivit savre dangereuse pour la scurit et lordre public , dor-donner la fermeture provisoire desalles de spectacle ou encore la confiscation de certaines catgo-ries darmes. Le communiqu de lElyse ne fait, en revanche, pas

    rfrence des mesures pour as-surer le contrle de la presse ,comme la procdure lui en donnepourtant le droit, condition que le dcret le prvoie explicitement.

    Peu de temps avant la parutionau Journal officiel, la Mairie de Pa-ris avait, de son ct, dj fait sa-voir que tous les quipements dela Ville seraient ferms samedi. Ds demain, fermeture de tousles quipements de la Ville : coles, muses, bibliothques, gymnases,piscines, marchs alimentaires ,pouvait-on lire sur le compteTwitter@Paris.

    Prcision : ltat durgence estdclar par dcret en conseil des ministres et ne peut tre prolongau-del de douze jours que par la loi. Il donne aux prfets concer-ns un certain nombre de pou-voirs. A commencer par celui din-terdire la circulation des person-nes ou des vhicules dans les lieux et aux heures fixs par ar-rt, dinstituer des zones de pro-tection ou de scurit o le sjour des personnes est rglement , dinterdire de sjour toute per-sonne cherchant entraver, dequelque manire que ce soit, lac-tion des pouvoirs publics .

    Ce nest pas tout : le ministre delintrieur ou les prfets concer-ns peuvent galement ordon-ner la fermeture provisoire des sal-les de spectacle, dbits de boissons et lieux de runion , ainsi que lesrunions de nature provoquer ou entretenir le dsordre , et or-donner la remise des armes de premire, quatrime et cin-quime catgories.

    Par disposition expresse, le d-cret dtat durgence peut encorepermettre aux prfets et au mi-nistre de lintrieur dordonner

    des perquisitions domicile dejour et de nuit . Un autre dcret daccompagnement autorise la juridiction militaire se saisir decrimes, ainsi que des dlits qui leur sont connexes . Le refus de se soumettre peut tre passible demprisonnement pouvant aller jusqu deux mois et dune amende de 3 750 euros.

    Dans le pass, ltat durgence a

    t dcrt dans lensemble de la mtropole aprs le retour au pou-voir du gnral de Gaulle, le 13 mai 1958, pour faire face un ventuel coup de force, ainsi quen 1961, aprs la tentative deputsch fomente par quatre gn-raux de larme franaise en Alg-rie. Plus tard, le gouvernement de Laurent Fabius la employ en Nouvelle-Caldonie en dcem-

    bre 1984, lors des incidents qui avaient secou le territoire de locan Pacifique. Avant Franois Hollande, la dernire utilisation remontait au 8 novembre 2005, par Jacques Chirac, face aux meu-tes qui, trois semaines durant, avaient agit les banlieues. Il avait dur jusquau 4 janvier 2006. p

    olivier zilbertin

    et jean-baptiste de montvalon

    Devant lAssemble nationale, Paris, samedi 14 novembre. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCHPOLITICS POUR LE MONDE

    Ltat durgence instaur sur lensemble de la mtropoleLe dcret, qui sapplique depuis samedi 0 heure, renforce les pouvoirs de lautorit administrative

    Incertitude sur la tenue Paris de la COP21,grand rendez-vous des chefs dEtat du monde40 000 participants sont attendus sur le site du Bourget du 30 novembre au 11 dcembre

    L es attentats du 13 novembreconstituent un trauma-tisme pouvantable pourles Franais, qui survient au mo-ment o Paris est au cur de lac-tualit internationale avec la tenuede la confrence sur le climat, du 30 novembre au 11 dcembre. La COP21, cense dboucher sur un accord mondial en faveur de la lutte contre le rchauffement, doitaccueillir sur le site du Bourget (Seine-Saint-Denis) une centaine de chefs dEtat, dont lAmricain Barack Obama et le Chinois Xi Jinping, lors dun sommet le 30 novembre. Tous deux avaient confirm leur venue.

    Quelque 40 000 membres des196 parties prenantes, de repr-sentants de dlgations diverses etde visiteurs sont attendus sur le site : 7 000 dlgus, 10 000 obser-vateurs, 3 000 journalistes du monde entier ont reu une accr-ditation de la part du secrtariat gnral de la Convention-cadre des Nations unies sur les change-ments climatiques. La partie du site du Bourget rserve aux ngo-

    ciations diplomatiques est directe-ment place sous le contrle dunecentaine de gardes de lOrganisa-tion des Nations unies. Au moins autant de visiteurs doivent se ren-dre au Grand Palais du 4 au 10 d-cembre o sont programmes les rencontres Solutions COP21 or-chestres par des entreprises.

    Mais ONG et militants altermon-dialistes ont aussi lintention de sexprimer alors que les camras seront braques sur la capitale franaise, place pour deux semai-nes au cur denjeux politiques et conomiques mondiaux. Aprs des manifestations organises un peu partout dans le monde et dansplusieurs grandes villes en rgion

    Le gouvernement

    va-t-il maintenir

    lvnement ?

    Les risques sont

    normes, mais

    les attentes aussi

    la veille de la COP21, le 28 novem-bre, une Marche pour le climat est prvue le 29 novembre Paris, lorsde laquelle les organisateurs esp-rent runir des centaines de mil-liers de participants, puis une se-conde le 12 dcembre, la conclu-sion de la COP21. Sans compter les rendez-vous officiels comme la Confrence des jeunes ou le som-met des lus locaux et dinnom-brables vnements festifs, qui sont programms un peu partout dans lagglomration parisienne. En bateau depuis Berlin, cheval, vlo ou mme en tracteur au d-part de Notre-Dame-des-Landes, la COP21 devait tre un rendez-vous plein despoir.

    Dj, le gouvernement avait d-cid de rtablir des contrles aux frontires de la France pour quel-ques semaines, selon un dispositif entr en vigueur vendredi. Va-t-il maintenir un vnement quil a coutume de prsenter comme la plus grande confrence diplomati-que jamais organise en France de-puis la signature de la Dclaration universelle des droits de lhomme ,

    en 1948 ? Les risques sont nor-mes, mais les attentes aussi. Nousallons tenir une runion de crise avec lquipe samedi matin, confie le secrtaire gnral de la COP, Pier-re-Henri Guignard. Le gouverne-ment dcidera des suites donner.

    Al Gore interrompt son mission

    Depuis des mois, le prsident Franois Hollande et Laurent Fa-bius, le ministre des affaires tran-gres, ont multipli les voyages pour convaincre leurs homolo-gues de lurgence essayer de maintenir le rchauffement sous la barre des 2 degrs, en rduisant les missions mondiales de gaz effet de serre.

    Durant la nuit, lex-vice-prsi-dent amricain Al Gore a inter-rompu lmission mondiale de vingt-quatre heures sur le climat, diffuse sur Internet, quil organi-sait sur un plateau install au piedde la tour Eiffel, par solidarit avec le peuple franais . Franois Hollande devait y participer sa-medi aprs-midi. p

    martine valo

    Contrles renforcs la frontire belge, Tourcoing (Nord), vendredi 13 novembre. OLIVIER TOURON/

    DIVERGENCE

    POUR LE MONDE

    La prophtie du juge Trvidic

    Dans un entretien Paris Match, lancien juge antiterroriste Marc Trvidic salarmait, le 30 septem-bre : Jai acquis la conviction que les hommes de Daech [acro-nyme arabe de lEtat islamique] ont lambition et les moyens de nous atteindre beaucoup plus du-rement en organisant des actions dampleur, incomparables cel-les menes jusquici. Je le dis en tant que technicien : les jours les plus sombres sont devant nous. La vraie guerre que lEI entend porter sur notre sol na pas en-core commenc. Prophtique, le magistrat, aujourdhui en poste Lille, continuait : La France est, de fait, confronte une double menace. Celle du d-ferlement de ce que jappelle les scuds humains du djihad indivi-duel, ces hommes qui passent laction sans grande formation ni prparation, agissant seuls, avec plus ou moins de russite, comme on a pu le voir ces derniers temps. Et celle, sans commune mesure, que je redoute : des ac-tions denvergure que prpare sans aucun doute lEI, comme celles menes par Al-Qaida, qui se sont soldes parfois par des carnages effroyables.

  • 10 | les attaques terroristes paris DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 20150123

    Cette nuit, la ville aussi, ils lont tue Les nouvelles des attaques se sont diffuses au fil des heures, au son des sirnes et des ambulances

    suite de la premire page

    Un serveur de La Coupole offre une cigarette la jeune fille. Cestle genre de nuit o les gens se par-lent soudain bien davantage quedhabitude. Le serveur lui dit : Maintenant, rallume ton porta-ble, ma belle et tu vas la perdre, toninnocence. Dans ce monde-ci, cest la guerre.

    Sur la rive droite, dans le 9e ar-rondissement, vers le 84 rue Blan-che, quelquun se penche pour ac-crocher un drapeau franais unefentre au premier tage. Plu-sieurs lignes de mtro sarrtent. Mesure de scurit , annoncent les haut-parleurs. Du coup, tout lemonde remonte pied le boule-vard Sbastopol.

    Je peux marcher avec vous ? ,demande un garon, une canette la main. Il ne veut pas tre seul.Sans mme y prendre garde, cer-tains se sont mis ensemble pour cheminer. On entend en perma-nence des sirnes et des ambulan-ces, plus ou moins loin dans laville. Il y a toujours quelquunpour sursauter quand une voiturefreine un peu trop brutalement,quelques-uns avancent colls le long des faades au cas o a mi-traillerait , mais tout se passedans le calme.

    Tout le monde sest volatilis

    Pas de taxi, les files sallongent aux stations. Porte de la Chapelle, dans le nord de Paris, ct des pompes essence, quelques chauffeurs tiennent conciliabule. Beaucoup dcident de rentrer. Lun raconte que du ct deBezons (Val-dOise), lannonce du massacre, les voitures taient soudain si presses que le flash du radar crpitait en continu. Et vous savez quoi ? Tout le monde sen foutait, voire mme on accl-rait . Des voitures de police pas-sent dans un sens, dautres dans lautre sens. Toutes les ttes se tournent en mme temps pour suivre le mouvement de chacune delle. Maintenant, mme nous, ils nous tuent , dit un chauffeur G7 Club VIP que tout le monde ap-pelle Bibiche .

    Quatre amis se sont installsdans un fast-food libanais, rue de la Botie, dans le 8e arrondisse-

    ment. Au milieu de la table, ils ontdress comme un totem un tl-phone portable qui diffuseBFM-TV. Ils refusent de sortir tant que les tueurs courent toujours. Ils ne sont pas habitus , dit le cuistot, un Syrien de Homs. Vous croyez que maintenant, a va tre comme a tout le temps ? ,interroge un des quatre. Un autre : a ressemble a quand cest vraiment la guerre. On lepresse de questions, comme un expert. Un tlphone sonne. Ils

    niveau du Fouquets, elles sadres-sent un salut comme des randon-neurs en haute montagne.

    A Montmartre aussi, la mmeconsigne a t donne et tout a ferm dun coup lannonce des tueries, les cafs, les terrasses. Onaperoit les rectangles colorsdes tls allumes par la fentrede tous les appartements, oupresque. Cette nuit, la ville aussi,ils lont tu , dit un clochard surla place Charles-Dullin. Tous sescollgues ont dsert, partis dor-

    mir en banlieue ce soir.Prs de l, place Pigalle, des ga-

    mins font les malins dans la bou-langerie ouverte toute la nuit. Est-ce que tu as des sandwichso il ny a pas de cochon ? , se f-che un petit trs nerv. Lesautres lui disent : Arrte, pas ce soir, sil te plat.

    Vous, cest pour qui ?

    Vers 4 h 30, trs peu de voitures roulent encore. Le caf La Royaledessine une flaque de lumire trs blanche sur le boulevard desFilles du calvaire. A lintrieur, les chaises sont sur les tables, des ser-veurs sassoupissent dans lom-bre prs du bar, tandis quun ins-pecteur de police, seul sous lam-poule comme un acteur en scne, tape des tmoignages sur son or-dinateur portable. On est au curde larrondissement o la tuerie a eu lieu. Les cordons de scuritrouge et blanc senroulent dans le vent le long des rverbres.

    De lautre ct de la Seine, cestprs de la gare dAusterlitz quesemblent stre rassembls tous ceux qui sont dehors dans ce coincette nuit. Devant une grande en-tre, une cinquantaine de person-nes attendent, demandant des nouvelles, cherchant entrer. Vous, cest pour qui ? , demandeune voix. Un soupir rpond. Unevoisine traverse, portant un ther-mos de caf. Par-dessus les ttes, se dploie le nom Hpital de LaPiti-Salptrire . p

    florence aubenas

    Devant la cathdrale Notre-Dame, Paris, samedi 14 novembre.GONZALO FUENTES/

    REUTERS

    la vie sociale en rgion parisienne est vitrifie aprs les attentats du ven-dredi 13 novembre. LAcadmie de Paris a annonc, sur son compte Twitter, la fermeture de lensemble des tablisse-ments scolaires et universitaires dIle-de-France , samedi. De son ct, la minis-tre de lducation nationale a indiqu que tous les voyages scolaires prvus ceweek-end sur le territoire national taient annuls. La dcision sapplique aux dplacements dlves ltrangeren raison de la fermeture des frontires,a prcis le rectorat de Paris.

    La prfecture de police a prcis que toutes les manifestations de voie publi-que sont suspendues jusqu nouvel or-dre dans la capitale. Toutes les mairiesdarrondissements Paris devaient res-ter portes closes, lexception des per-manences tat-civil mariage . Idem pour tous les quipements de la Ville : coles, muses, bibliothques, gymna-

    ses, piscines, marchs alimentaires. Dessalles de spectacle cessent aussi provi-soirement leur activit : le groupe U2, qui se produit depuis plusieurs jours lAccorHotels Arena (ex-Palais Omnis-port Paris-Bercy), a dcid dannuler son concert programm samedi. Len-semble des comptitions sportives, qui devaient avoir lieu, samedi et diman-che, en Ile-de-France ont t suspen-dues. Le secrtariat dEtat aux sports a fait passer ce message aux prsidentsde fdrations sportives et aux direc-teurs techniques nationaux.

    Hpitaux : mobilisation gnrale

    Plusieurs stations de mtro, situes dans les 10e et 11e arrondissements de la capitale o se sont produites la plu-part des attaques , taient toujours fermes, samedi matin.

    Dans les tablissements de sant,lheure est la mobilisation gnrale.

    LAssistance Publique-Hpitaux de Pa-ris a dclench, vendredi soir, le planblanc , un dispositif prvu pour les si-tuations sanitaires durgence et de crise. Dans la loi depuis 2004, il permet de mettre en place des moyens hu-mains et matriels pour absorber laf-flux de patients ou de victimes. Il avait dj t lanc pour faire face des pi-dmies de grippe et de gastro-entrite.

    Des organisations de mdecins engrve depuis vendredi (Le BLOC, le SML,la FMF, lUFML, le MPST) ainsi que la F-dration de lhospitalisation prive ont appel reprendre lactivit dans un communiqu commun. Devant les attentats terroristes qui viennent de se produire (), nous appelons tous les m-decins et professionnels de sant () tre immdiatement disponibles afin de pouvoir faire face toute urgence sani-taire sur le territoire , indiquent-elles. p

    bertrand bissuel

    Ecoles et muses ferms, rencontres sportives annules

    les ont eus ! On embrasse le ser-veur et on change les mails.

    Il est 2 h 30 du matin sur lesChamps-Elyses. Des policierssont arrivs vers 23 heures, en gi-lets pare-balles et en armes,criant : Partez, cest dangereux,explique le groom de lhtel Mar-riott. Tout le monde sest volati-lis, comme un tour de magie. Sur toute la longueur des Champs, une seule personne des-cend lavenue et une autre la re-monte. Quand elles se croisent au

    Des vols vers Paris reportsPremire compagnie arienne mondiale, American Airlines a dcid, ds vendredi 13 novem-bre, de reporter ses vols vers Pa-ris depuis les Etats-Unis, la suite des attentats parisiens. United et Delta ont maintenu les leurs. Au Japon, ANA et JAL pr-voyaient un trafic normal .Air France indiquait, samedi matin 14 novembre, le maintien de ses vols depuis et vers la France. Des retards au dpart et larrive sont prvoir suite aux renforcements des contrles aux frontires par les autorits , prcisait la compagnie dans un communiqu. Les aroports dOrly et de Roissy fonction-naient normalement samedi matin.Le tour-oprateur japonais JTB a annul les voyages prvus les 14 et 15 novembre sous sa mar-que Look JTB , qui concer-nent plus de 300 personnes. Une autre agence nippone, H.I.S., a dcid de les maintenir, tout en annonant que dven-tuelles annulations feraient lobjet de remboursements. En Belgique, les tour-oprateurs Jetair, Sunjets et Thomas Cook ont propos leurs clients dan-nuler et de rembourser leur voyage Paris. De son ct, le parc de loisirs Disneyland Paris a dcid de rester ferm samedi 14 novembre.

  • 0123DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 2015 les attaques terroristes paris | 11

    Depuis Charlie , une srie dattaques rates ou djouesAu moins six projets dattentats ont vis la France depuis dix mois

    D epuis les attaques deCharlie Hebdo et de lHy-per Cacher, les 7 et 9 jan-vier, les autorits franaises nont eu de cesse de djouer des projets vise terroriste plus ou moins aboutis. Certains ont t stopps trs en amont, alors mme que lesplans des candidats au djihad nentaient qu ltat de conversa-tions sur Internet. Dautres lont t plus tardivement. Certainsnont toutefois chou que par miracle. Parmi ceux formelle-ment djous, une partie seule-ment a t rvle au grand pu-blic, tant les interpellations se succdent depuis des mois.

    Trois attentats natteignent pasla totalit de leurs objectifsQuelques semaines seulementaprs les tueries de Charlie Hebdo et de lHyper Cacher, une attaqueisole a lieu Nice. On est le 3 f-vrier, et un homme de 30 ans, Moussa Coulibaly, se rue au cou-teau sur trois militaires en factiondevant un centre communautairejuif. En garde vue, il va exprimersa haine de la France, de la police et des juifs. L incident apparat mineur au regard des attentats dejanvier : il est vite oubli.

    Le 26 juin, un autre attentat estentrepris par un homme seul Saint-Quentin-Fallavier (Isre). Le patron dune socit de trans-ports, Herv Cornara, est dcapitpar un de ses employs, Yassin Salhi. Sa tte est retrouve accro-che sur un grillage, encadre par deux drapeaux portant des insi-gnes de lEtat islamique (EI). Las-sassin, dont les motivations sont troubles, a tent ensuite sans suc-cs de faire exploser lusine, clas-se Seveso, o il a pu pntrer, en prcipitant son fourgon de livrai-son contre des bouteilles de gaz. Il

    na pas de casier judiciaire, mais fait lobjet dune fiche S ( Surt de lEtat ) depuis 2006. Il a t arrt.

    Lattaque rate du train Thalysreliant Amsterdam Paris, le 21 aot au soir, va rappeler que la menace vise tout le monde. Ayoub El-Khazzani, 25 ans, dori-gine marocaine, fich pour son is-lamisme radical, commence ouvrir le feu sur les passagers du train bond. Deux personnessont blesses, lune par balle, lautre par arme blanche. Deux militaires amricains en permis-sion et un de leurs amis russis-sent le matriser et empcher ce qui aurait pu tre un carnage. Les motivations du tireur restent in-connues.

    Trois projets dattentats offi-ciellement djous Le 19 avril, untudiant algrien en informatiquede 24 ans, Sid Ahmed Ghlam, estarrt Paris aprs avoir appel lessecours parce quil sest, dit-il, tir malencontreusement une balle dans la jambe. Sid Ahmed Ghlam est souponn davoir un peu plustt tu une professeure de fitness dans sa voiture, Aurlie Chtelain, Villejuif (Val-de-Marne), o il aurait eu le projet dattaquer une glise lheure de la messe. Il taitconnu des services de renseigne-ment pour avoir bascul dans lis-lam radical, et plusieurs lments denqute attestent, l encore,

    quil a reu des instructions en provenance, semble-t-il, de Syrie.

    Le 13 juillet, un projet en appa-rence plus anodin est empch et rvl. Quatre jeunes de 16 23 ans sont souponns davoir voulu attaquer le camp militaire du fort Bar, Port-Vendres (Pyr-nes-Orientales), et davoir envi-sag la dcapitation dun officier.Ils revendiquent leur engagementdjihadiste aux cts de lEI.

    Le dernier projet dattentat d-jou rendu public remonte seule-ment au 11 novembre, quand le ministre de lintrieur confirme linterpellation dun homme de 25 ans, Hakim M. Il a t arrt le29 octobre et mis en examen pour association de malfaiteurs en re-lation avec une entreprise terro-riste alors quil cherchait se procurer du matriel pour un pro-jet dattaque contre des militaires de la marine nationale Toulon. Iltait surveill depuis un an pour ses vellits de dpart en Syrie et son activit sur Facebook. Les en-quteurs ont pu tablir quil tait en contact avec un donneur dor-dres situ en Syrie.

    Un homme interpell rvlequil a reu des consignes Le 15 aot, un projet dattentat peu avanc est rvl par un homme de 30 ans lors de sa garde vue. Cenest que le 18 septembre quontt officialises son interpellationet sa mise en examen pour asso-ciation de malfaiteurs en vue dune entreprise terroriste . Aprs avoir brivement sjourndans les rangs djihadistes Raqqa,en Syrie, ce Franais a expliqu aux enquteurs avoir reu desconsignes trs prcises pour me-ner un attentat, dans lidal , lors dun concert en France. p

    lise vincent

    Un attentat complexe indit sur le sol franaisLes attaques simultanes de commandos-suicides sont typiques des pays o svissent des guerres asymtriques, Afghanistan, Irak ou Syrie

    Cest une premire enFrance en matiredattentat. Plusieurskamikazes se sont

    fait exploser, dans la soire du vendredi 13 novembre, au termedassauts meurtriers mens auxabords du Stade de France, Saint-Denis, et dans cinq lieux Paris, rue de la Fontaine-au-Roi, rue Bichat, boulevard Voltaire, ruede Charonne et dans la salle de spectacle du Bataclan, aprs la prise en otage du public. Ces atta-ques, dites complexes , au re-gard de modus operandi en plu-sieurs tapes, sont inspires dune forme de violence ayant cours depuis plusieurs annesdans des zones de conflit telles que lAfghanistan, lIrak ou la Syrie, o rgne une forme de violence dont la France se croyait jusqualors protge.

    Lattaque complexe type,telle quelle est mise en applica-tion en Asie du Sud ou au Proche-Orient par des groupes insurgs,cumule plusieurs actions afin de drouter les futures victimes en associant trs souvent le com-mando suicide et lassaut arme la main. Lors de montages plus ambitieux, elle peut combiner plusieurs attaques simultanescontre un mme lieu ou contre

    des endroits distincts. Les cibles sont minutieusement choisies pour le symbole quelles incar-nent, mais les personnes qui sytrouvent sont souvent tues au hasard et pour leur seule prsencedans ces lieux. Le but est de faire lemaximum de victimes et de frap-per les esprits par la peur.

    Selon les premiers lments delenqute de flagrance conduite par le parquet, notamment sur les quatre assaillants qui ont pntr dans les locaux du Bataclan, ces derniers portaient des ceintures dexplosifs en entrant dans lta-blissement. Ils ne les ont dclen-ches que lors de lassaut des for-ces de lordre. Seul un des quatre assaillants ne parviendra pas se faire sauter. Il a t tu par les hom-mes de la brigade de recherche et dintervention lors de lassaut.

    Auparavant, ces quatre hommes

    se sont appliqus tuer leurs vic-times par balles au moyen dar-mes automatiques, en tirant soit sur les gens terre, soit sur ceux qui tentaient de fuir. Leur inten-tion tait clairement de mourir en martyr , analyse un enquteurmobilis tout au long de la nuit sur les lieux du drame.

    Comme sur des scnes de crimeidentiques en Irak ou en Afgha-nistan, la police scientifique a ra-pidement pu identifier les corpsdes kamikazes coups en deux auniveau des ceintures dexplosifs. Un constat similaire a pu tre fait aux abords du Stade de France concernant lun des corps des assaillants.

    Les assaillants se dplaaient

    Lautre nouveaut de ce type dat-taque sur le sol franais porte, se-lon certains magistrats anti-terroristes parisiens, sur la simul-tanit des attaques qui a permis aux autorits, trs vite dans la soi-re, de considrer quelles taient confrontes une attaque terro-riste de grande ampleur et dont on pouvait craindre le pire. La pa-nique et la confusion sont gran-dement accrues lorsque les lieux dattaque sont ainsi dmultiplis. Le manque dinformation a tdautant plus grand que plusieurs

    assaillants se dplaaient pour se-mer la terreur et ne se conten-taient pas de viser un seul endroit.

    Les services de renseignementavaient, en thorie, envisag un tel scnario. Lorsque jtais la tte de la Direction centrale du ren-seignement intrieur, nous avionsenvisag ce type dattaque contredes gares, des stades ou des sallesde spectacle , rapporte au Monde Bernard Squarcini, qui a dirig le service de 2008 2012. Il ne sagitpas dun acte aveugle, cette atta-que complexe sinscrit dans un contexte politique particulier, celuide la COP21 qui doit se tenir dansdeux semaines.

    Lhistoire contemporaine desattentats commis sur le sol fran-ais reflte un lent glissement vers cette forme dattentat propre des pays o svissent desguerres asymtriques entre des puissances technologiques et des opposants dpourvus de moyens et sacrifiant leur vie pour provo-quer le maximum de dgts hu-mains. Mais le mouvement sest acclr depuis le dbut du conflitsyrien en 2011, la France crai-gnant, comme dautres grandesdmocraties occidentales, le mo-ment o des djihadistes ayant combattu dans ce pays revien-nent en Europe pour y commet-tre des attentats.

    Comme un signe avant-coureur,la proximit entre les frres Sadet Chrif Kouachi, les deux auteurs de lattaque, le 7 janvier, contre les locaux de CharlieHebdo, Paris, et Amedy Couli-baly, qui a men, seul, celle contre une picerie cacher, a pu laisserpenser quune forme de concerta-tion aurait pu exister en amont.Lenqute ne la pas dmontr for-mellement ce jour. Mais les lienssont avrs. Entre 2010 et ce dbutdanne 2015, sur le seul territoire franais, les frres Kouachi et leurs amis de la filire dite des Buttes-Chaumont (19e arron-dissement de Paris) poursui-vaient leur radicalisation, ache-taient des armes et entretenaient des contacts avec des prochesayant choisi de combattre enSyrie ou en Tunisie dans les rangs djihadistes.

    Violence indite

    Lanne prcdente, le 24 mai 2014,Mehdi Nemmouche, revenant de Syrie via la Thalande et lAllema-gne, assassinait quatre personnes au Muse juif de Belgique, Bruxelles. Agissant seul, il prsen-tait certaines similitudes avec Mo-hamed Merah, auteur, deux ans plus tt, des tueries des 11, 15 et 19 mars 2012 Toulouse et Mon-tauban. Le premier avait t ge-lier en Syrie dans les prisons de lEtat islamique. Le second avait tent laventure djihadiste en Afghanistan et dans les zones tri-bales pakistanaises, avant de reve-nir en France. Leur volution ne stait pas faite sans les encourage-ments et le soutien dun entou-rage islamiste radical, mais leurs actions restaient individuelles.

    Les attentats la bombe artisa-nale de lt 1995 et 1996, commis dans les transports parisiens,montraient un mode opratoire propre ressemblant une signa-

    Ce type

    dattaque

    associe

    trs souvent

    le commando-

    suicide et lassaut

    arme la main

    LES DATES

    1995Neuf attentats commis entre juillet et octobre Paris font dix morts. Ils sont revendiqus par le Groupe islamique arm.

    3 DCEMBRE 1996Une bombe explose dans la rame du RER B la station Port-Royal, faisant quatre morts.

    11, 15 ET 19 MARS 2012A Montauban et Toulouse, Mohamed Merah tue sept personnes, trois militaires et quatre civils, dont trois enfants.

    7, 8 ET 9 JANVIER 2015Dix-sept personnes tombent sous les balles des frres Kouachi et dAmedy Coulibaly.

    Cette attaque

    complexe

    sinscrit

    dans un contexte

    politique

    particulier, celui

    de la COP21

    BERNARD SQUARCINI

    ancien directeur de la DCRI

    ture. Unit de lieu, choix dune heure de forte affluence, utilisa-tion dune bouteille de gaz et de clous. Cette campagne dattentats avait t commandite par les mirs algriens du GIA associs des petites mains franaises, nati-ves de la rgion lyonnaise.

    Ce terrorisme restait cependantcirconscrit certains rseauxconnus des services de renseigne-ment et a pris fin ds que leur dmantlement a t rendu pos-sible. Il navait, en rien, le carac-tre massif des vagues djihadistesqui irriguent la Syrie et qui ontfini par submerger les filets anti-terroristes et importer sur le solfranais une forme de violence indite. p

    jacques follorou

    Le dernier

    projet dattentat

    djou rendu

    public remonte

    au 11 novembre

    1-9$"*& A 8, rue Blanche 75009 paris ! [email protected] ! www.syndeac.org

    7+2 '% 28)?L1L 'L;8)4+1?5/%2+:2 +412 %1 2+:2 )/(

  • 12 | les attaques terroristes paris DIMANCHE 15 - LUNDI 16 NOVEMBRE 20150123

    Lantiterrorisme la peine face une menace insaisissableLes djihadistes parviennent chapper lattention des services jusqu leur passage lacte

    suite de la premire page

    La menace est quasiment impos-sible prvenir dans sa globalit , ajoutait un cadre de la policejudiciaire de la Prfecture de po-lice de Paris (PJPP). Elle est tropmultiple, varie et complexe. Et on ne peut pas mettre un policier surchaque menace rpertorie. Sanscompter les retours de Syrie et les stratgies de dissimulation mises en place par les intresss qui com-pliquent la tche des services de renseignements.

    Une autre source issue de lacommunaut du renseignement franais indiquait, dbut novem-bre, que la grande crainte des ser-vices portait, aujourdhui, sur lesretours dissimuls de Syrie, un mode de dplacement manifes-tant la volont claire de commet-tre des actes rprhensibles .

    Un jour seulement aprs les at-tentats de Charlie Hebdo, un membre de la Direction gnrale de scurit intrieure (DGSI) ex-pliquait : Il faut prioriser, si lesgars ne commettent pas derreur,cest compliqu de justifier des coutes. On ne peut pas surveiller H24 des personnes contre qui on

    na rien. Ainsi, les auteurs de lat-taque, les frres Kouachi, avaientfait lobjet de surveillances de laDGSI (entre novembre 2011 et juin 2014 pour Sad, entre novem-bre 2011 et fin 2013 pour Chrif), avant que les services ninterrom-pent leur travail, les coutes nayant rien donn de probant.

    Stratgie partiellement caduque

    Dautres questions se posent surle suivi de certains profils radica-liss. Moustapha Mokeddem, dont les services de renseigne-ment supposent quil aurait donn des consignes Hakim Marnissi pour commettre un attentat Toulon contre des mili-taires, tait dj connu de lanti-terrorisme. Arrt en 2012, Mokeddem avait t condamn pour avoir profr des menaces contre Charlie Hebdo. Sorti de pri-son en avril 2013, il avait pourtantpu rejoindre la Syrie, en dcem-bre 2014, sans problme. Son contrle judiciaire ntait pas as-sorti de la saisie de son passeport.Marnissi, lui, a t interpell le29 octobre et mis en examen le2 novembre pour association de malfaiteur en relation avec uneentreprise terroriste.

    Des interrogations staient ga-lement poses propos de Mehdi Nemmouche. Parti se battre enSyrie en tant que gelier dans les prisons de lEtat islamique (EI) avant de rentrer en Belgique, o il est accus davoir assassin, le