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Comprendre la rhologie :de la circulation du sang la prise du bton

CoordinateursPhilippe Coussot Jean - Lou is Grossiord

7, avenue du Hoggar Parc dActivit de Courtabuf, BP 112 9 1944 Les Ulis Cedex A, France

ISBN 2-86883-546-5Tous droits de traduction, dadaptation et de reproduction par tous procds, rservs pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 nautorisant, aux termes des alinas 2 et 3 de larticle 41, dune part, que les N copies ou reproductions strictement rserves lusage priv du copiste et non destines une utilisation collective , et dautre part, que les analyses et les courtes citations dans un but dexemple et dillustration, > (alina le de larticle 40). Cette reprsentation ou reproduction, par quelque procd que ce soit, constituerait donc une contrefaon sanctionne plar les articles 425 et suivants du code pnal.

O EDP Sciences 2001

Prface

Si la dfinition de la rhologie est trs simple : science de la matire en coulement, son contenu mrite quelques explications. En effet, la rhologie recouvre des activits scientifiques majeures et se trouve associe des technologies irremplaables. Mais elle nest pas assez enseigne ni prise en compte cejour en France, o elle reste encore mystrieuse pour beaucoup, mme pour certains scientifiques. Le Groupe Franais de Rhologie (GFR), association sans but lucratif vocation purement scientifique, rgie par la loi de 1901, et la Socit EDP Sciences se sont donn pour objectif de publier une srie de documents en franais ddis la rhologie. Ce premier ouvrage contient essentiellement les textes rdigs par un groupe damis runis cette occasion sous la conduite de leurs cleustes Ph. Coussot et J.-L. Grossiord. Chacun vient parler dun sujet quil affectionne, sans souci dexhaustivit. lheure o le livre, selon Bernard Pivot, ne fait plus mme un dixime de laudience TV des spectacles humains organiss sur M6, le GFR fait dans le trs srieux du point de vue mdiatique. I1 vise pour lheure un public qui apprcie encore leffort de la lecture. Mais dautres opportunits pourront tre saisies pour produire des images, dautant plus que le sujet sy prte bien. Finalement le prsent ouvrage sadresse aux tudiants scientifiques des Universits et des coles, aux industriels, et la socit en gnral. Je pense en effet que lintrt des exposs et le talent des diffrents auteurs faciliteront une meilleure perception de la rhologie auprs du public le plus large, ainsi que lappropriation de son vocabulaire, deux points essentiels pour cette activit interdisciplinaire.

I1 est mon sens crucial que les chercheurs et les enseignants soutiennent les activits interdisciplinaires dans la mesure o les problmes les plus pertinents et les voies de leur rsolution nont pas de raison dappartenir lune des disciplines dcrtes par Auguste Comte, penseur, philosophe, mais farfelu extrme ses heures. I1 faut que les tudiants soient avertis que louverture disciplinaire est une voie essentielle de lexcellence et de la russite professionnelle, et quils puissent faire dautres choix que ceux des seules orientations troites dans lesquelles trop dorganismes et de responsables pourraient encore plus ou moins les maintenir, compte tenu de leurs rattachements administratifs officiels.Interdisciplinaire par essence mme, la rhologie fait appel la chimie, la physique, la mcanique, aux mathmatiques et la biologie, qui lui fournissent

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Comprendre la rhologie

des instruments de base, et se montre utile chacune de ces disciplines. La faon dont elle est ne ne laisse aucune doute ce sujet. Cest aux tats-Unis quEugne Cook Bingham (1878-1945) a propos en 1929 de crer le mot savant rhologie, compos de deux racines grecques PEW et hoyoo, en mme temps quune revue ddie et un congres. Lmergence de la rhologie tait lie lpanouissement de lindustrie des polymres, et des cooprations avec le National Bureau of Standards Washington, ainsi qu liimerican Institute of Physics. Par la suite, cest en 1940 que fut fond le Club des Rhologues Britanniques, par des scientifiques qui ralisrent la similitude entre les difficults rencontres par ceux dentre eux qui voulaient mesurer les proprits dcoulement des scrtions cervicales de vaches, et ceux qui tudiaient les encres dimprimerie.

lissue de la Seconde Guerre mondiale, la rhologie sest dveloppe rapidement au niveau international. Depuis 1948 ont t mis en place la fois un grand Congrs international priodique et un Comit international de rhologie formel.Le dernier en date de ces grands congrs a t organis Cambridge en Angleterre en aot 2000, avec 700 propositions darticles et autant de participants. Les socits de rhologie de la plante qui totalisent actuellement environ 7 O00 membres actifs sont regroupes en trois zones gographiques distinctes : Amriques, Europe. Pacifique. Lide europenne ayant conduit lorganisation priodique de congrs europens de rhologie depuis 1982, la Socit Europenne de Rhologie a t cre en 1996. Elle dcerne en particulier le prix Weissenberg, daprs le nom du savant illustre Karl Weissenberg (1893-1976), renomm dans le domaine des mathmatiques, ainsi que pour ses tudes thoriques et exprimentales sur les rayons X en cristallographie et en mdecine, et bien sr pour ses travaux en rhologie. Son nom est associ en rhologie :

1. leffet Weissenberg, par lequel de nombreuses substances telles les prparations culinaires grimpent le long dun axe en rotation malgr les forces de pesanteur et les forces centrifuges,2. au rhogoniorntre Weissenberg, qui permet de mesurer les diffrentes composantes des contraintes en coulement de cisaillement,3. lhypothse de Weissenberg, selon laquelle lune des diffrences de contraintes normales sannule en cisaillement simple stationnaire,

4. au nombre de Weissenberg We, le nombre absolument capital de la rhologie, qui mesure le rapport de lchelle de temps typique du matriau lchelle de temps reprsentative de lexprience que lon fait avec ce matriau. Le nombre de Weissenberg vient complter dautres nombres sans dimension clbres (par exemple, les hydrodynamiciens ont le nombre de Reynolds et la turbulence inertielle). Comme eux, il se dcline de multiples faons dans les

Prface

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applications de lingnieur, ainsi bien sr que dans les quations, ou au sujet des instabilits. Pour prendre pied dans les activits de la Socit Europenne de Rhologie, et au-del, il suffit de se connecter sur la toile. On trouvera alors toute une srie de sites interconnects. Les rfrences aux travaux et aux ouvrages publis par les rhologues peuvent se trouver, elles aussi, avec les outils de la recherche informatise, mais on ne peut manquer de signaler quil existe trois revues interiiationales de trs haut niveau scientifique exclusivement ddies la rhologie : le Journal of Rheology, Rheologrrn Acta, et le Journal of Non-Newtonian Fluid Mechnn ics. Comme le clbre MonsieurJourdain de Molire dcouvrit quil avait dit de la prose depuis plus de quarante ans sans le savoir, un grand nombre de personnes avaient pratiqu la rhologie bien avant que le nom ne soit invent ou que des organisations soient cres. Trois points de vue sont envisageables. Les scientifiques qui apprcient les mathmatiques aiment bien dire que les premiers travaux en rhologie sont ceux des savants des XVIIe et XIXe sicles qui ont largement prcd son identification, tels Newton et Hooke qui sont universellement clbrs pour leurs ides sur la viscosit et llasticit. Au XIXe sicle, des Franais, Cauchy, Fourier, Navier et Poisson, et un Britannique, Stokes, ont apport des contributions essentielles la thorie du champ. Poiseuille introduisit pour sa part un manomtre et publia ses travaux sur les coulements capillaires. la fin du sicle, Couette poursuivit les tudes de Poiseuille sur les capillaires et construisit la clbre cellule de Couette. Mais de trs nombreux autres savants ontjou un rle majeur dans lavancement de la connaissance des problmes dcoulement, y compris complexes et non linaires, dans le champ et aux frontires, et ce ds le XIXe sicle. Lenseignement au XXe sicle a rapidement privilgi et isol les formes mathmatiques linaires les plus simples, et vacu tout le reste, jusqu offrir parfois aux tudiants un dficit de sens physique. Le temps joue un trs grand rle en rhologie, comme latteste le nombre de Weissenberg. Or cest aussi un thme ternel qui rend quelques drives invitables. On rencontre ainsi dans certains travaux des rfrences aux textes sacrs et des croyances varies bien trangres toute activit scientifique. Des dtails techniques comme la proximit du r et du t sur les claviers, ou lintervention intempestive de correcteurs typographiques qui veulent absoliimen t remplacer rhologie par thologie, ne font quaccentuer le phnomne. Mais au-del, toutes les sciences nont-elles pas t dans leur histoire soumises lpreuve des comportements humains : acharnements dorigine religieuse contre lvolution des espces ou la rotation de la Terre, interprtations hasardeuses des paraboles ambigus nonces par les philosophes anciens, voire autopersuasion des rayons N, de leffet Jacq, ou de la mmoire de leau. La rhologie ne peut faire exception. Le troisime point de vue que j e propose est relatif la connaissance de la rnatikre, au dveloppement des arts et des techniques qui, le p l ~ souvent, sont s

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Comprendre la rhologie

pralables aux dveloppements scientifiques, et se sont poursuivis continment depuis des poques si anciennes que lon ne sait pas les identifier. Si j e dis que ). II est remarquable de constater que, malgr ces diffrentes chelles de temps, ce sont les mmes grandeurs et les mmes lois de comportement qui rgissent lcoulement de ces liquides. En plus de leurs proprits visqueuses, qui feront lobjet dune prsentation indpendante, la plupart des liquides possdent galement des proprits lastiques. On verra que ces proprits sont dautant plus marques que le liquide possde une organisation molculaire plus complexe. La uiscolustzczt concerne ltude de lensemble des proprits visqueuses et lastiques des substances. Elle fera lobjet dune prsentation qui, bien que relativement sommaire devrait sensibiliser le lecteur ce mode danalyse extrmement puissant, et lui permettre de suivre cei tains des dveloppements des chapitres suivants. Mais avant de dfinir ces diffrentes proprits, il sera ncessaire dintroduire la notion de mouvement de cisaillement. Nous nous limiterons en effet ltude des seuls rnouuements de cisuillement qui reprsentent les mouvements les plus frquemment mis en uvre en rhologie.

1. Quest-ce quun mouvement de cisaillement ?Un exemple particulirement simple de cisaillement concerne le mouvement dun chantillon entre deux surfaces planes, lune au repos, lautre anime dun dplacement parallle elle-mme. Ce mouvement peut tre celui dune peinture brosse sur un mur, dune crme cosmtique tendue sur la peau, du beurre tal sur une tranche de pain ... (Fig. 1.1). Sous leffet de ce cisaillement, le matriau scoule en couches planes, parallles entre elles, animes de vitesses diffrentes qui varient continment entre O pour la couche au contact de la surface fixe et V pour la couche au contact avec la surface mobile. On admet en effet que les couches de matriau au contact avec les deux surfaces planes sont solidaires de ces surfaces ; cest ce quon appelle lhypothse de non-glissement la paroi. Deux grandeurs vont permettre de caractriser quantitativement le cisaillement.

1 - Des concepts aux outils

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Surface mobile

V

Surface fixeFigure 1.1 :Mouvement de cisaillement entre deux surfaces planes.Lune est la vitesst de cisaillement, encore appele gradient de vitesse, quon notera y : elle caractrise la variation de la vitesse entre les couches limites et est gale au quotient de la vitesse V et de lpaisseur e de lchantillon (Fig. 1.1). La vitesse tant une longueur divise par un temps, ce quotient sexprime donc en inverse de seconde (s-l). La valeur de la vitesse de cisaillement dpend par consquent, non seulement de la vitesse de dplacement de la couche mobile mais aussi, et de faon critique, de lpaisseur e cisaille. Si cette dernire est faible, on peut atteindre des vitesses de cisaillement trs leves, mme avec des vitesses de dplacement relativement faibles, et inversement. Lautre est la contrainte de cisailkment. Sous leffet du dplacernent relatif des diffrentes couches, il apparat en effet des forces de frottement entre les couches, forces qui sexercent tangentiellement la surface de ces couches. On a lhabitude de rapporter ces forces lunit de surface et de dfinir ainsi ce quon appelle la contrainte de cisaillement quon notera 7,et qui sexprime en pascal (Pa). I1 est bien vident que les mouvements de cisaillement rels ne possdent pas toujours une symtrie plane de translation. Cest ainsi que la plupart des viscosimtres et rhomtres sont rotatifs et prsentent des symtries cylindrique coaxiale, ou cne-plateau, ou plateau-plateau. De mme, ces mouvements de cisaillement ne sont pas toujours engendrs par le dplacement dune paroi solide. Dans de nombreiises applications, le cisaillement est provoqu par une diffrence de pression applique aux extrmits de lchantillon, ou encore par le seul effet de la pesanteur : cest le cas des coulements dans les tubes cylindriques, quil sagisse de canalisations industrielles, de vaisseaux sanguins, de tubes capillaires.. .

2. Comment dcrire les proprits dcoulement des liquides ?Intuitivement, il est clair que la valeur de la contrainte de cisaillement va en gnral crotre avec la vitesse de cisaillement, mais que le rapport entre ces deuxEn toute rigueur, la vitesse de Cisaillement et le gradient de vitesse sont des notions qui concident seulement pour des coulements prsentant des symtries particulires comme Icoiileinrnt plan o u I6coiilenieiit i travers un tube cylindrique.

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=yL ; i ,Liquide rhofluidifiant ou pseudoplastique Liquide rhopaississant

Y

Liquide seuil de contrainte (ou plastique)

Figure 1.2 :Rhograname des dffbents comportements.

grandeurs va dpendre des proprits du liquide considr. Ce rapport de la contrainte la vitesse de cisaillement est appel coefficient de viscosit. Not 7 , il sexprime en pascal.seconde (Pa.s). On pourrait croire que ce coefficient suffit caractriser les proprits dcoulement des chantillons, une temprature donne. Cest vrai dans le cas des liquides navtoniens pour lesquels il y a proportionnalit entre contrainte et vitesse de cisaillement, si bien que la viscosit est indpendante du cisaillement. Mais ce nest plus vrai dans le cas des liquides non newtoniens, pour lesquels la relation de proportionnalit nest plus vrifie, et qui prsentent un comportement en coulement beaucoup plus riche et complexe. Le graphe qui reprsente lvolution de la contrainte en fonction de la vitesse de cisaillement est appel rhogramme. I1 rsume lensemble des proprits dcoulement de lchantillon. On a lhabitude de dresser une typologie des diffrents comportements selon le profil du rhogramme reprsentatif. On distinguera principalement (Fig. 1.2) : le comportement rhoJluidzfiant (encore appel pseudo~lastique) est dfini qui par un rhogramme dont la concavit est tourne vers le bas. On en dduit facilement que la viscosit dcrot lorsque le cisaillement augmente : le liquide devient moins visqueux et donc plus > lorsque le cisaillement crot : le comportement rhopaississant (encore appel dilatant) qui est dfini par un rhogramme dont la concavit est tourne vers le haut : le liquide devient plus visqueux et donc plus )

le comportement seuil de contrainte (encore appel plastique), qui est dfini par un rhogramme prsentant une contrainte critique appele seuil dcoukment : le matriau ne scoule quau-del de cette contrainte critique.

1 - Des concepts aux outils

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Y

.

Figure 1.3 :Comportenient rhofluad$nnt.

I

Y2

Figure 1.4 :Inflexion d u rhiogramme en foncfion de lu taille de.y lments d u fluide.

Le comportement rhofluidifiant, qui est de loin le plus frquent est souvent dfini par un graphe qui est reprsent dans le systme de coordonnes (q, et non plus (T, Cette nouvelle reprsentation (Fig. 1.3), quivalente la prcdente, permet de mettre en vidence lexistence de deux plateaux newtoniens, dfinis pour les faibles et hautes vitesses de cisaillement. Les valeurs correspondantes des viscosits seront notes et qm. Soulignons cependant que lobservation de ces deux plateaux newtoniens nest pas toujours possible : cela dpendra videmment de la position du point dinflexion I du rhogramme dans la fentre dobservation (Yi, y z ) , impose par lappareil. Par exemple, pour les polymres fondus ou en solution concentre, seule la partie gauche du point I est pratiquement observe (Fig. 1.4). On peut montrer que la > moyenne des lments constituant le fluide complexe est un des paramtres qui influe le plus sur la position de I.

r).

r)

1 - Des concepts aux outils

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Tableau 1.1 : Quelques valeurs de viscosit de substances usuelles a temprature

ambiante (en Pa.s, ordres de grandeur). Air Eau Huile dolive Glycrine Miel Polymres fondus Bitume

1o 1 1O-

-~

1oo101o3

los

vitesses de cisaillement mises en uvre. I1 existe une formule trs gnrale, directement dduite de la relation de dfinition, et sappliquant nimporte quel liquide, quil soit newtonien ou non newtonien, qui fournit un ordre de grandeur approximatif de la vitesse de cisaillement :

y =

vitesse maximale paisseur de la zone cisaille

Dans le cas dun coulement travers un tube cylindrique, coulement qui est caractris par un gradient de vitesse htrogne, on prfre utiliser la relation suivante :

Cette relation nest valable en toute rigueur que pour un liquide newtonien. En effet, directement dduite de la loi de Poiseuille, elle permet dobtenir la vitesse de cisaillement maximale dans le tube (valeur la paroi du tube) en fonction du dbit volumique travers le tube Qet du rayon du tube R I1 faut retenir que, selon les applications considres, la vitesse de cisaillement est susceptible de varier dans des intervalles trs tendus. Si lon considre par exemple lindustrie des peintures, le gradient de vitesse peut varier de lo-* s- (coulure) lo5 s- (pulvrisation).Ltalement de sauces de couchage sur du papier met en uvre des cisaillements encore plus levs qui peuvent atteindre lo6 voire lo s-. Cela pose parfois des problmes si lon dsire simuler sur le plateau dun rhomtre les conditions dapplication, dans la mesure o aucun rhomtre, mme trs perfectionn, nest capable lui seul de couvrir une gamme aussi tendue. Signalons que les possibilits dextrapolation des modles thoriques dajustement sont parfois mises profit pour prvoir la rponse rhologique dun liquide pour une vitesse de cisaillement inaccessible exprimentalement.

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2.2. Des proprits dcoulement singulires : les liquides thixotropesJusqu prsent, on a suppos implicitement que les comportements rhologiques prsents taient indpendants de lhistoire mcanique antrieure de lchantillon, et quen particulier les rhogrammes obtenus par cisaillement croissant et dcroissant taient superposables. Ce nest pas toujours le cas : pour certains liquides, le graphe qui dcrit un cycle de cisaillement monte-palierdescente (constitu par une phase de cisaillement croissant, une phase de cisaillement constant et une phase de cisaillement dcroissant) prsente une boucle dhystrsis, ce qui traduit un comportement dpendant de lhistoire passe de lchantillon. Un cas particulier important et trs connu dun tel coniportement est celui dun liquide thixotrope, qui possde des proprits trs spcifiques : I1 possde un caractre rhofluidifiant qui se manifeste par une diminution de la viscosit lors de la monte. Les effets de cette fluidification ne se produisent pas en totalit ds lapplication du cisaillement. Ils se produisent aussi de faon retarde dans le temps : le cisaillement induit une dstructuration qui se manifeste de faon diffre ; si bien que la courbe descente est situe en dessous de la courbe monte ; ce qui signifie que, pour une mme valeur de la contrainte ou de la vitesse de cisaillement, la viscosit est plus faible la descente qu la monte. On ne parlera de thixotropie que si le liquide considr ne rgnre sa structure initiale quaprs un temps de repos suffisant. Comme la dstructuration, cette restructuration (quon appelle aussi de faon abusive > 1) et comportement visqueux aux temps longs (De (avec la mme signification que celle adopte lors de la dfinition du nombre de Dborah). Ces mouvements mettent donc en jeu llasticit des chanes, dabord une longation brutale, qui correspond llasticit instantane, suivie, en gnral, dune longation ralentie par les frottements internes des chanes, qui correspond llasticit retarde. Dautres mcanismes vont faire intervenir des mouvements de lensemble de la chane : ce sont les mouvements grande chelle (mouvements de reptation, par example) qui seront caractriss par des temps (c'est--dire une frquence suprieure la frquence de croisement). Ce comportement, qui est commun la plupart des liquides viscolastiques, peut F'expliquer par des analyses molculaires qui different selon la structure de l'chantillon. Dans le cas d'un polymre liquide enchevtr, on peut comprendre assez facilement l'origine d'un tel comportement en remarquant que les chanes macromolculaires adjacentes forment des boucles d'enchevtrement topologique les unes avec les autres : pour les > frquences, la dure de la priode

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log G

Figure 1.9 :volution de G P de G en fonction de O pour des polymres liquides 6 structure t enchmtre.de cisaillement est suffisamment longue pour permettre aux boucles de se dnouer, si bien que le polymre prsente des proprits liquides ; linverse, pour les > frquences, la priode est trop courte pour que les enchevtrements se dfassent, si bien que le polymre a tendance se comporter comme un rseau rticul, les boucles denchevtrementjouant le rle de liaisons chimiques. Cette dpendance des grandeurs rhologiques oscillatoires en fonction de la frquence provient donc du fait que le rgime harmonique joue en quelque sorte le rle dun filtre qui ne slectionne et nexcite que les temps propres du matriau dont la valeur est voisine de linverse de la pulsation utilise. Cette proprit permet une trs grande richesse de caractrisation : si lon dsire obtenir une description relativement complte voire exhaustive. il ne suffira pas denregistrer les principales grandeurs une frquence donne, mais il faudra dterminer la rponse dynamique sur une gamme de frquences suffisamment tendue pour exciter lensemble des temps propres de la structure.

4.2.

Quelques applications de lanalyse oscillatoire

Sans prtendre lexhaustivit, il est intressant de prsenter quelques exemples dapplications de la rhologie dynamique, qui illustrent la puissance, la diversit et la richesse de caractrisation de ce type danalyse dont linterprtation ne ncessite pas ncessairement de recourir un formalisme complexe.

4.2.1. Caractrisation dune structure donne au voisinage

de lquilibrePar sa puissance de description, la viscolasticit dynamique permet une identification extrmement prcise de la structure de lchantillon tudi5. PourII sagit ici de la structure au repos, puisquon applique une oscillation de faible amplitude de part et dautre dun cisaillenieni nul. Mais on peut gnraliser cette mthode lanalvse de la structure stationnaire atteinte sous un cisaillement constant donn (cest donc une structure (De > (De>> l ) ,il en est de mme de la relation entre la contrainte applique O et la r onse, caractrise par la dformation lastique y. Cette relation a la forme simple :(> stationnaire z= TO, qui est en fait un tat hors dquilibre, au sens thermodynamique). Qui se rduit la loi de Hooke, dans le domaine linaire, avec y = Cte, dune manire tout fait similaire la relation contrainte-vitesse de dformation qui, dans le domaine linaire, se rduit la loi de Newton, avec q = Cte.

1 - Des concepts aux outils

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volution ne pourra tre obseive pratiquement que si la dure de lexprience tE et tc sont du mme ordre de grandeur: on retrouve ici encore le nombre de Dborah, De = tc/tE. Ainsi, la thixotropie ne pourra tre observe que si De = 1 : en effet, si De 1 , elle aura eu lieu, mais dune manire quasi instantane, trop rapide pour tre visible sur une chelle de temps tE. Les mthodes qui permettent de caractriser la thixotropie correspondront donc des mesures effectues en rgrne transitoire (en se plaant dans le domaine De = I ) . Lintrt de ces mesures sera de tenter den dduire des informations concernant les cintiques de d- et restructuration induites par lcoulement. I1 existe trois types de mthodes : ce sont la relaxation, lefluage, et les cyclp~ dhystrsis. I1 faut souligner que les deux premires mthodes faisant appel des excitations du type chelon, elles mettent en jeu deux groupes deffets9 : dune part, linertie des pices mobiles du rhomtre, ce qui exigera de corriger les mesures avant toute analyse, dautre part, les proprits lastiques du matriau, dans les tout premiers instants de lexprience. Lorsque les effets du second groupe doivent tre pris en compte, on retrouve le comportement viscolastique non linaire des fluides complexes, qui prsente de nombreuses similitudes, au moins qualitatives, avec celui des polymres. Nous allons dcrire plus en dtail ces mthodes, en nous limitant la relaxation et aux cycles dhystrsis (le fluage tant un test symtrique de la relaxation, nous ne le prsenterons pas dans cette revue simplifie).

5.1. La relaxationCette mthode est base sur la mesure de la variation de la contrainte T ( t ) en rponse lapplication dun chelon de vitesse de cisaillement 7. Sur la figure 1.13, on compare, pour diffrents fluides, lallure des volutions de la contrainte en fonction du temps, en rponse un crneau de vitesse de cisaillement, de dure T, appliqu partir du repos ( i e . avec une contrainte initiale nulle) : on obtient ainsi Ics courbes de formation et de relaxation de contrainte. En supposant lamplitude suffisamment grande pour modifier la structure, ces courbes ont t traces dans les cas suivants :a) un fluide newtonien inlastique, pour lequel on retrouve une rponse en crneau ;

b) un fluide newtonien lastique, pour lequel la mise en coulement est retarde par les effets lastiques : dans les premiers instants, une partie de lnergie

Bien que de nature trs diffrente, ces deux groupes auront au niveau rntrologiqiie des effets demme i p e . l o Dans la mesure o les effets dinertie dus la inisr en mouvement du fluide et (surtout) de la partie iiiobile du i-homtre sont ngligeables. ce que nous supposerons ici, dans toute la suite.

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vitesse de cisaillement

Excitationtemps

Tcontrainte

RponsesI

temps a) fluide newtonien inlastique

T

contrainte

temps

Tb) fluide newtonien lastique

contrainte

c) fluide thixotrope inlastique

d) fluide thixotrope lastique

T

Figure 1.13 :Mesures en r6gimp (tp relaxation.

mcanique applique est progressivement emmagasine dans le fluide sous forme dnergie lastique : cest ce qui entrane une relaxation de la contrainte vers sa valeur dquilibre, z = (do 1 nom de la mthode). Lorsque lcoidement est arrt, cette nergie est rcuprbe et la contrainte relaxe vers O ;

1 - Des concepts aux outils

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c) un fluide thixotrope inlastique, avec le pic de thixotropie t = O, pic qui correspond la valeur initiale de la contrainte (produit de la viscosit au repos par y ) , bien videmment suprieure sa valeur dquilibre, puisque la mise en coulement provoque une baisse de la viscosit. Cette baisse de viscosit constitue la manifestation la plus directe de la cintique de dstructuration. Quant ail retour au repos, la contrainte, de nature purement visqueuse, sannule donc instantanment ds larrt de lcoulement ; d) un fluide thixotrope lastzque, pour lequel on cumule les effets observs dans les cas b) et c). Dabord, la relaxation due llasticit retarde leffet du pic de thixotropie, puis on retrouve la dcroissance vers un tat dstructur : on observe ce qui est appel un dpussement de contrainte (plus habituellement dsign par le terine >), observ aussi dans les matriaux polyiuriques, mais en gnral avec une origine diffrente.

5.2. Les cycles dhysteresisCette mthode est base sur la mesure de la variation y ( t ) ou T ( t ) , en rponse un cycle croissant-dcroissant de T ou de yI2. Elle prsente lavantage de diminuer les effets de linertie de lappareil, et cela dautant plus que la croissance du cisaillement est moins brutale. Mais son plus gros dsavantage est de superposer la variation temporelle de lexcitation la cintique de structure, rendant ainsi plus difficile linterprtation des rponses. La figure 1.14 donne deux exemples de cycles dhystrsis : a) Lorsquon applique successivement trois en cisaillement, le retard la restructuration (lors de la descente) par rapport la dstructuration (due la monte) saccumule de cycle en cycle, conduisant une rduction progressive de la viscosit (dans le cas dun fluide rhofluidifiant) , do le dplacement des boucles montr sur la figure 13. b) Lorsque le fluide prsente un seuil de contrainte, le mme retard la restructuration conduit, la fin de la descente, Ln seuil de contrainte plus i faible que le seuil initial, atteint aprs une priode de repos (cela est illustr sur la figure par lingalit OC < OA). Une attente plus ou moins prolonge aprs la fin de la descente peut laisser la restriictiiration se poursuivre, conduisant une augmentation de la valeur finale du seuil, le point C tendant progressivement vers le point A, sans ncessairement latteindre.I Notons que, par dfinition, un fluide thixotrope est, en rgime stationnaire, un fluide pseudoplastique. On parle de rhopmir, ou encore duntithisotropie dans le cas dun fluide rho@uississnnt. Nous mons dj mentionn i i n cycle de ce type, cependant avec un palier de cisailleirient plac entre nionte et descente (cf: Fig. 1.5). II peut arriver, lorsque la durGe du cycle est assez grande, que la surface de la boucle soit rduite, voire tende vers zro: les deux courbes morite-descente finales se confondent alors avec le rhogranime stationnaire.

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contrainte

lecycle

cycle

3 cycle

vitesse de cisaillement

a) rponses trois rampes successives

contrainte

B

A

C

vitesse de cisaillement

b) cas dun fluide seuil de contrainte : OA = seuil initial; OC = seuil final

Figure 1.14 :Deux exemples de cycles dhystrsis : variations de la contrainte en rponse ci des rampes monte-descente de vitesse de cisaillement.I1 faut noter cependant quon peut obtenir un trs grand nombre dallures diffrentes, dpendant des diffrents paramtres caractrisant lexcitation (amplitude, dure, type de variation, histoire antrieure.. .) . Leur description dpasserait le cadre de cet ouvrage.

1 - Des concepts aux outils

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q = Kpt K : constante d appareil p : masse volumique t : temps dcoulement

Figure 1.15 :Principe de mesure de la viscosit laide dun viscosimtre capillaire.

6. Un peu de rhomtrieCe dernier paragraphe prsente brivement les principaux types dappareils (uiscosimtres, rhomtres) et leur principe dutilisation dans la mise en uvre des analyses rhologiques.

6.1. Les rhomtres capillaires :des appareils simples et prcis mais limitsCe type de viscosimtre est utilis pour la mesure rapide et prcise de la viscosit de liquides newtoniens. Le principe de fonctionnement est le suivant : sous leffet de la pesanteur, le liquide scoule lintrieur dun tube cylindrique de faible section capillaire (Fig. 1.15). Pratiquement, le principe de la mesure consiste dterminer le temps dcoulement dun volume donn de liquide (contenu initialement dans le rservoir NIN,) travers le tube capillaire. Utilisant la loi de Poiseuille, on dmontre que la valeur de la viscosit est proportionnelle ce temps dcoulement, la constante de proportionnalit tant une constante dappareil qui est dtermine par talonnage. La principale limitation de ces appareils provient du fait que leur utilisation est strictement limite aux liquides newtoniens. En effet, comme le cisaillement est htrogne lintrieur du tube (voir 5 2.2), il est impossible dappliquer la loi de Poiseuille un liquide non newtonien, si bien que la distribution des vitesses de cisaillement est inconnue 14.l4 noter quil existe des tubes capillaires pour lesquels lcoulement est obtenu par application dune pression variable. I1 est alors possible, en mesurant les dbits pour diffrentes pressions motrices, et en utilisant la formule de Fbbinowitsch, dobtenir les rhogrammes de liquides non newtoniens.

32

J.-L. Grossiord, D. Quemada

Rotor

Stator

Echantillon cisaill

Grandeurs exprimentales: M (couple de rotation) a (angle de rotation) ~ = d a / d t (vitesse angulaire de rotation) Grandeurs rhologiques: *T=AM *y = B a *y= B UFigure 1.16 :Rhomtrr! rotatg

6.2.

Les rhomtres rotatifs : des appareils polyvalents indispensables

Dans un rhomtre rotatif, lchantillon est cisaill entre deux surfaces solides, lune immobile (cest le stator), lautre en rotation sur son axe (cest le rotor). I1 sagit donc dun mouvement dont le principe est identique celui du mouvement de translation qui nous a servi au dbut de ce chapitre dfinir la notion de cisaillement. Mais la diffrence du mouvement de translation, le mouvement se referme sur lui-mme (Fig. 1.16). Les trois grandeurs exprimentales de base sont le couple M (appliqu ou mesur), langle de rotation du rotor mesur partir de la position de repos a et la vitesse de rotation du rotor O (respectivement mesurs ou imposs). Le grand intrt et lavantage de ce type de rhomtre, qui le rend pratiquement indispensable, rside dans le fait quil est possible de contrler et de faire varier quantitativement les conditions de cisaillement mis en uvre (valeurs de la contrainte ou de la dformation ou de la vitesse de cisaillement), et cela, de faon absolue, indpendamment de la gomtrie utilise et des proprits rliologiques de lchantillon. I1 est possible en effet de dterminer tout instant la contrainte la dformation et la vitesse de cisaillement, partir des valeurs des graiideiirs exprimentales M , O! et O.

1 - Des concepts aux outils

33i w

M

entrefer

Il

Echantillon cisaill

Figure 1.17 :Gomtries cylindrique coaxiale et cne/plateau.sous certaines conditions, quon supposera en gnral vrifies (conditions de faible entrefer entre rotor et stator), il existe en effet des relations de proportionnalit entre la contrainte et le couple de rotation dune part, et entre la dformation et la vitesse de cisaillement et respectivement langle de rotation et la vitesse angulaire de rotation du rotor dautre part. Ces relations de proportionnalit font intervenir des constantes dappareil notes A et B qui dpendent de la gomtrie de lassociation rotor/stator (Fig. 1.16). Les gomtries rotatives les plus frquemment rencontres prsentent une symtrie cylindrique coaxiale ou cne/plateau (Fig. 1.17). Les rhomtres rotatifs sont donc capables denregistrer les rhogrammes dcoulement des liquides. La plupart dentre eux sont en outre susceptibles de mettre en uvre la plupart des tests wscolastiques (test de fluage ou de relaxation et test oscillatoire). Le principe de la rhomtrie, tel quil vient dtre prsent de faon sommaire, est relativement simple. I1 ne faudrait cependant pas en dduire que les analyses exprimentales sont toujours faciles mettre en uvre et que linterprtation des rsultats est toujours vidente. Sans dresser un catalogue exhaustif, il nest peiittre pas inutile de sensibiliser le nophyte en donnant quelques exemples de problmes exprimentaux quon peut rencontrer.

6.3. Quelques phnomnes responsables dartefacts exprimentauxDes effets exprimentaux perturbateurs sont susceptibles de provoquer des erreurs dinterprtation plus ou moins graves. Parmi ces effets, on peut mentionner : les glissements de lchantillon aux parois du rhomtre. Contrairement ce qui a t suppos prcdemment ( 5 l ) , lhypothse de non glissenient la paroi nest pas toujours vrifie. Selon la nature des parois solides et de lchantillon, des phnomnes de glissement sont susceptibles de se

34

J.-L. Grossiord, D. Quemada

produire. Ils peuvent parfois tre dus une perLe dadhrence de lchantillon, suivie ou non de reprise. Mais ils sont plus souvent produits par la cration dune couche dite de dpltion au voisinage des parois, provoquant ainsi un cisaillement inhomogne (plus intense dans la couche de dpltion, plus faible dans le volume de lchantillon) ; les phnomnes de fracturation de lchantillonqui consistent en lapparition, sur un plan de cisaillement, dune discontinuit des profils de vitesse. Comme dans le phnomne de dpltion, on observe un cisaillernent inhomogne, responsable de modifications importantes du profil du rhogramme ; les effets de bord qui interviennent linterface chantillon / air (vaporation, creusement), ou encore les effets de sdimentation ou de crmage dans le cas de systmes disperss.. . Lensemble des diffrentes perturbations, ainsi que les mthodes de correction correspondantes sont dcrites en dtail dans les ouvrages spcialiss.

RfrencesBird R.B., Armstrong R.C., Hassager O., 1977. Dynamic of Polymmc Liquids. Fluid Mechanics, J. Wiley and Sons. Couarraze G., GrossiordJ.-L., 2000. Initiation la rhologie, Tec et Doc (Lavoisier), Paris, 3e dition. Coussot P., Ancey C., 1999. Khophysique des ptes et des szispensions, EDP Sciences, Paris. Darby R., 1976. ViscoelasticFluids,Marcel Dekker, New-York. Ferry J.D., 1980. ViscoelasticProperties o Polymers, J. Wiley and Sons. f Harris J., 1977. Rheology and non-Newtonian Flow, Longman. Macosko C.W., 1994. Principles, Measurements, and Applications, VCH Publishers. Midoux N., 1985. Mcanique et rhologie des Jluides en gnie chimique, Tec et Doc (Lavoisier). Persoz B., 1969. La Rhologie, Masson et Cie, Paris. Piau J.M., 1979. Fluides non-newtoniens, Techniques de lingnieur, A710, 1-16, A711, 1-24. Quemada D., ( paratre). L a modlisation rhologzque des dispersions concentres et des jluides complexes, Tec et Doc (Lavoisier), Pans. SchowalterW.R., 1978. Mechanics of non-Newtonian Fluids, Pergamon Press. Tanner R.I., 1985. Engznemng Rheology, Clarendon Press, Oxford. Walters K., 1975. Rheomehy, Chapman and Hall, Londres. Whorlow R.H., 1980. Rheological Techniques, J. Wiley and Sons. Wolff C., Viscosit, Techniques de lingnieur., p. R 2350-1 R 2351-18, 1982.

De la macromolcule aux matires pIastiquesJ.-F. Tassin', N. El Kissi2, B. Ernst3, B. Vergnes4

Les matriaux polymres ont des proprits rhologiques extrmement riches et diverses, l'origine du champ trs tendu de leurs applications industrielles et qui jouent u n rle essentiel dans leur mode d'obtention. Les diffrents coniportements qu'ils prsentent peuvent tre expliqus par leur structure molculaire et leurs proprits dynamiques, si bien qu'ils constituent des modles permettant d'expliquer par des mcanismes molculaires relativement simples la grande varit des proprits viscolastiques des autres matriaux. Ces substances interviennent en outre, d e faon presque systmatique, dans la formulation de produits finis qui feront l'objet des prochains chapitres, pour fixer ou modifier leur rhologie et leur texture. Pour toutes ces raisons, il a sembl naturel que le premier chapitre concernant l'inventaire des proprits rhologiques des principaux fluides d'intrt biologique ou industriel soit consacr aux polymres.

Introd uctionLes polymres, couramment appels plastiques ou matires plastiques, sont la base de trs nombreux objets de notre vie quotidienne o ils se prsentent sous des aspects varis comme par exemple des bouteilles pour l'eau minrale, les huiles, le lait, des films qui serviront l'emballage de divers types de produits ou qui au contraire seront utiliss comme support dans les bandes magntiques, des fils ou fibres que nous retrouverons dans nos vtements, des pices trs diverses dans les automobiles allant des pneumatiques certains lments de carrosserie en passant par les pare-chocs, les planches de bord, les joints d'tanchit, les balais d'essuieglaces...Universit d u Maine, Polymres Collodes et Interfaces, UMR CNRS 6120, Avenue Olivier Messiaen, 72085 Le Mans Cedex. Laboratoire d e Rhologie, UMR CNRS 5520. BP 53, Domaine Univerit, 38041 GI-enoble Cedex 9. ATOFINA, CERDATO, 27470 Serquigny. cole des Mines d e Paris, CEMEF, UMR 7635. BP 207, 06904 Sophia Antipolis Cedex.

'

36

J.-F. Tassin, N. El Kissi, B. Ernst, B. Vergnes

Pour obtenir ces produits finis, il convient de choisir, parmi la vaste gamme de structures chimiques sous-jacentes, les mieux adaptes, en terme de proprits physiques, mcaniques ou thermiques et bien sr de cot. Ainsi, un premier critre sera sans doute ltat souhait du matriau la temprature dutilisation. Un pneumatique, par exemple, se doit dtre souple, lastique (cest--dire capable de se dformer sous contrainte mais de recouvrer ses dimensions initiales lorsque la sollicitation est supprime) tout en maintenant ce type de performances sur une gamme de tempratures assez large (environ 40 C de part et dautre de la temprature ambiante). linverse, des proprits radicalement diffrentes sont requises pour une vitre de caravane oii la rigidit et la transparence du matriau seront des conditions dterminantes. Bien que le nom commercial voire chimique de certains polymres soit bien connu du grand public, il nous a sembl important de rsiinier dans lencadr 2.1 quelques notions de base sur les polymres, en insistant sur ce qui les diffrencie des petites molcules.

1. Les diffrents tats des matriaux polymresPour illustrer les diffrents tats dun matriau polymre, considrons une exprience simple dans laquelle nous mesurons sa rigidit (ou le module dYoiing : rapport de la contrainte dextension la dformation) en fonction de la temprature. Dbutons avec lexemple dune rgle constitue de poly(mthacry1ate de mthyle). titre dillustration, lvolution du module dYoung avec la temprature est schmatise sur la figure 2.1. basse temprature, la rgle prsente (comme tous les matriaux polymres) un module dYoung lev (de lordre de quelques GPa). Lexprience nous montre que le matriau est alors dur et cassant, ne supportant que de trs faibles longations en gnral infrieures au pourcent. Le matriau est dans ce cas dans ltat vitreux (zone 1).Lorsque la temprature augmente, ses proprits sont peu modifies avant environ 100 C. En plongeant la rgle dans leau bouillante, on constate quil devient possible de la dformer sans la casser et sans fournir defforts trs importants. Cette zone de temprature correspond la transition vitreuse ( T g ) qui se caractrise prcisment par une chute de module dYoung dun facteur 1 000 10 000 en lespace de quelques degrs seulement (zone 2). Au-dessus de Tg,la rgle devient de plus en plus facilement dformable quand la temprature augmente. Dans une premire zone de tempratures, le module ne diminue pas significativement avec la temprature. Cest la zone du plateau caoutchoutique (zone 3 ) . I1 faut atteindre des tempratures leves (de lordre de 200 OC), pour que la rgle puisse se dformer sous son propre poids dans un temps raisonnable. Sa viscosit reste donc particulirement leve, mme des tempratures largement suprieures 100 C. I1 est courant de parler de fluiditication ou de zone terminale (zone 4). Ce comporternent est caractristique dun niatriaii amorphe.

2 - De la macromolcule aux matires plastiques

37

s sur les polymres a succession d'un quelques milliers)

l est donc constitue e t-on la notation (A) fi

sation de petites ons, de ragir entre

, du mthacrylate

'

comportement de ces des homopolymres ;

BBBBBBBBBBBrentes de celles des homopolymres et il n'en sera pas fait allusion dans ce chapitre.5

En toute rigueur, les extrmits de chanes srnit souvent diffrentes des autres units de rptition. Naiiriioiiis, compte tenu dii grand nombre d'units, leur rle (du point de vue des proprits pliysiqiies) est pratiquement ngligeable.

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J.-F. Tassin, N. El Kissi, B. Ernst, B. Vergnes

10'0

1o9 1o81o7

1061o5

I o41o3 1O* -100

-50

O

50

100

150

200

250

300

Temprature ( O C )

Figure 2.1 :DiffntJ tats d'un polymre amorphe.

Prenons maintenant le cas d'une bandelette dcoupe dans une bouteille de lait en polythylne et reconduisons la mme exprience. Le comportement est schmatis sur la figure 2.2. Ce n'est cette fois qu' trs basse temprature (< -120 OC) que ce nouvel chantillon prsente un module d'Young trs lev de l'ordre de quelques GPa, voisin de celui du PMMA en dessous de sa transition vitreuse (zone 1). des tempratures lgrement suprieures, le module chute lgrement (zone 2) et la bandelette parat plus souple (zone 3). I1 est possible de lui appliquer des dformations de quelques pourcents sans engendrer de rupture. Ce comportement se poursuit jusqu' environ 140-150 "C (zone 4) o l'on observe un changement important dans le matriau qui devient nettement plus fluide et se dforme sous son propre poids, comme le PMMA haute temprature. Dans cet exemple, la transition vitreuse n'est plus le phnomne principal qui va dterminer l'tat du matriau. Le changement le plus important correspond la fusion des parties cristallines, de telle sorte que le matriau, des tempratures suprieures la temprature de fusion, se trouve dans un tat amorphe analogue celui rencontr dans le premier exemple (zone 5). Cette importante diffrence de comportement est due la nature semicristalline du polythylne, qui apparat compos de parties dans lesquelles un ordre cristallin existe, de faon analogue ce qu'on observe avec les petites molcules, et de parties amorphes dans lesquelles les molcules ne possdent pas d'ordre particulier i grande distance.

2 - De la macromolcule aux matires plastiques

39

1oO1o9

1O*1 o7 1o6 1o5 1o4 1o3 1O* -1O 0

O

1O0

200

300

Temprature ( O C )

Figure 2.2 :DzJffrents tats dun polymre semi-cristallin.

Le comportement caractristique de ltat fondu nest donc obtenu quau-del de la temprature de fusion. Pour clore cette description des diffrents tats des matriaux polymres, il convient de considrer un dernier exemple. Reprenons toujours la mme exprience, mais cette fois avec un bracelet en caoutchouc pour lequel le comportement est reproduit sur la figure 2.3. basse temprature, llastique apparat dur et cassant. Ceci correspond des tempratures infrieures la temprature de transition vitreuse. Au-dessus de -60 C environ, llastique peut tre tir de plusieurs centaines de pourcent, sans dvelopper de forces considrables. Cest ce comportement que nous retrouvons temprature ambiante et lexprience nous montre le caractre lastique de la dformation puisque lchantillon revient ses dimensions initiales aprs suppression de la force. Si nous continuons lever la temprature, nous nobservons pas de variation sensible de module, contrairement aux exemples prcdents. Tout au plus, ce dernier tend-il augmenter trs lgrement avec la temprature. I1 nexiste donc pas de zone de fluidification dans cet exemple. La diffrence de comportement doit tre recherche dans la structure de ce matriau comparativement aux deux autres. Dans tous les cas, les molcules qui constituent ces matires correspondent des chanes macromolculaires, cest-dire lenchanement dun trs grand nombre de motifs trs frquemment identiques (couramment lo3 lo4).Cependant, durant sa fabrication, le bracelet en caoutchouc a subit une tape supplmentaire appele rticulation qui consiste tablir des liaisons chimiques de nature covalente entre les chanes. I1 en rsulte

40

J.-F. Tassin, N. El Kissi, B. Ernst, B. Vergnes

-1O0

-50

OTemprature (OC)

50

1O0

Figure 2 3 :DZffrenty tats dun lastomw rtzcul. .

que ces dernires sont toutes relies entre-elles, un peu limage dun filet de pcheur. basse temprature, la mobilit molculaire est extrmement rduite. Les seuls mouvements possibles concernent la rotation de certains groupements, ou des changements conformationnels isols. la temprature de transition vitreuse, des mouvements de chane impliquant quelques dizaines de liaisons apparaissent. I1 en rsulte une possibilit de dplacement des chanes les unes par rapport aux autres, ce qui explique la diminution forte du module dYoung. Un comportement de type liquide ne peut tre obtenu que si les chanes sont capables de se dplacer indpendamment les unes des autres. Tel nest videmment pas le cas du bracelet en caoutchouc o les chanes sont relies entre elles. I1 ne deviendra donc jamais liquide ! Lorsque des parties cristallines sont prsentes, dans lesquelles les chanes sont ordonnes, il convient de les faire disparatre en amenant le matriau au-dessus de la temprature de fusion. Les mouvements molculaires impliquant un dplacement de lensemble de la chane peuvent alors avoir lieu, conduisant lobservation dun &at liquide. Cest dans cet tat liquide, couramment appel phase fondue, que sont conduites la plupart des oprations de mise en uvre des matires plastiques, qui permettent de passer de granuls solides un objet fini. Dune manire gnrale, ces oprations sont complexes piiisquelles impliquent tout dabord damener le polymre (mauvais conducteur de la chaleur) une temprature suffisamment leve pour lui confrer une viscosit adapte, de forcer le matriau fondu

2 - De la macromolcule aux matires plastiques

41

scouler au travers dun outillage de forme donne, ventuellement lui faire subir un ou plusieurs tirages puis un refroidissement pour redescendre lobjet temprature ambiante.

2. Les grands procds de mise en forme : importance de la rhologieLa transformation des granuls en produit fini implique en gnral le passage dans une extrudeuse (Fig. 2.4) dont la fonction est dassurer la fusion (ou plastification) de la matire, le mlangeage et son convoyage vers la filire. Ceci est ralis par la rotation dune vis sans fin lintrieur dun fourreau cylindrique. La matire est chauffe non seulement par un apport de chaleur extrieure (colliers chauffants ou fluide caloporteur) , mais galement par lautochauffement d au cisaillement (la puissance dissipe par unit de volume par autochauffement scrit P = qy, o y dsigne la viscosit et y le taux de cisaillement). Cette opration, a priori relativement simple, est donc fortement anisotherme et montre le couplage qui existe entre le comportement rhologique (suppos, pour simplifier, purement visqueux du polymre) et le comportement thermique. La matrise du procd ncessite donc de connatre non seulement la dpendance de la viscosit avec le taux de cisaillement mais galement avec la temprature. I1 convient ensuite de coupler les aspects mcaniques et thermiques pour connatre par exemple les relations pression-dbit qui conditionnent le procd. Le passage du polymre fondu travers une filire saccompagne, la sortie de celle-ci, du phnomne de gonflement, cest--diredun extrudat dont lpaisseur est suprieure (jusqu 2 voire 3 fois) celle de la filire (Fig. 2.5). Le gonflement est troitement li la temprature, au dbit, la gomtrie de la filire ainsi quaux caractristiques molculaires du polymre. Ici encore, la prvision de ce phnomne (qui nest pas chose simple) relve de la rhologie, impliquant des tudes exprimentales dtailles sur une varit de matriaux et des travaux de modlisation. Lextrusion du polymre peut galement saccompagner de lapparition de dfauts, comme la peau de requin (aspect rugueux de lextrudat se manifestant par des rayures relativement rgulires perpendiculaires la direction dextrusion), voire donner lieu des phnomnes de rupture dextrudat (distorsions fortes) (Fig. 2.6). Ici encore, les conditions dapparition de ces dfauts sont troitement lies la rhologie du polymre ltat fondu. La mise en uvre des matriaux polymres se caractrise galement par une large varit de taux de cisaillement. Si lextrusion implique classiquement la gamme 10 1 O00 s-, linjection, en particulier lorsque la matire entre dans le moule, fait appel des cisaillements nettement plus levs (typiquement lo4 lo5 s-l) ainsi que des pressions telles que la viscosit ne peut plus tre considre comme indpendante de ce paramtre. Dans ce procd, la matire entre dans un moule dont la temprature est en gnral infrieure la transition vitreuse du polymre, ce qui conduit un fgeage progressif de la matire partir des parois

Zone 111 du cylindreCanaux de refroidissement

Zone II du cylindreE Im ent chauffant

Zone 111 de la visZone de sortieFigure 2.4 :Schma de principe d ' u n extrudeuse.

Zone II de la visZone de compression

Zone I de la visZone d'alimenta ti0 n

2 - De la macromolcule aux matires plastiques

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Figure 2.5 : Gonflement en sortie de filire dun poly(dimthylsi1oxane) (Clich : laboratoire de Rhologie, Grenoble).

Figure 2.6 :Dfauts dextrusion dune gomme depoly(dimthylsi1oxane). a) peau de requin ; b) rupture dextrudat (Clichs :laboratoire de Rhologie, Grenoble). du moule. De plus, lanisotropie molculaire induite par lcoulement de la matire peut tre importante et entraner un gauchissement de la pice la sortie du moule ou lors dun rchauffage ultrieur. La prvision du comportement du matriau dans cette tape passe par lutilisation dun logiciel de remplissage de

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J.-F. Tassin, N. El Kissi, B. Ernst, B. Vergnes

Figure 2.7 :SoufJage de gaine de polythyknes (ClichsJean-Marc Andr, Atojna).moules. I1 fait classiquement appel des donnes thermiques et rhologiques sur le matriau. Lextrusion simple du matriau au travers de la filire peut tre suivie sur certains procds doprations dtirage (filage) ou de soufflage de gaines (films). Dans ce cas, intervient non seulement la rhologie du matriau ltat fondu, mais galement son aptitude cristalliser et la morphologie qui en rsulte. Dans de nombreux cas, laspect du produit fini et ses proprits mcaniques dpendent troitement, pour un procd donn, des caractristiques molculaires du matriau, qui influent sur sa rhologie mais galement sur dautres facteurs, comme lapparition de la cristallisation par exemple. Ceci est illustr sur la figure 2.7 par la forme des bulles lors dune exprience de soufflage de gaine sur des polythylnes qui diffrent uniquement par la nature du polythylne utilis. Les paramtres de rglage du procd sont identiques. Ces cas simples laissent augurer de la complexit et du rle de la rhologie dans des oprations de mise en uvre de mlanges de polymres gnralement non miscibles entre eux, donc se prsentant sous forme biphasique, o la taille des phases sera gre par de multiples paramtres dont le taux de cisaillement, le

2 - De la macromolcule aux matires plastiques

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a)

b)

Figure 2.8 :uolution de la morphologle dun mlange lors dune opkation de mise en uure. a ) au repos ;b) aprs extrusion soujjage de gaine (ClichsJean-Marc Andr, Atofina).rapport des viscosits et la tension interfaciale. De plus, la non-uniformit du taux de cisaillement dans les filires pourra donner naissance des htrognits de structure et de morphologies au sein du produit fini. titre dillustration, la figure 2.8 montre un mlange de polymres au repos, o la phase disperse se prsente sous forme de nodules. Lors de la mise en uvre par extrusion soufflage de gaine, ces nodules ont t fortement dforms et se prsentent alors comme des fibrilles. Enfin, si le cisaillenient prdomine dans la plupart des coulements lis la mise en forme, llongation uni- ou multiaxiale peut tre galement prsente. Majoritaire dans le cas des procds de filage, on la retrouve videmment dans les procds de soufflage de gaine ou de bitirage, mais des composantes longationnelles sont galement prsentes chaque fois que le parcours de la matire subit un changement de section. Comme nous le verrons plus loin, il convient donc de caractriser galement le comportement de la matire lors dcoulements longationnels.

3. Techniques dtudes usuelles de la rhologie des polymres fondusLa complexit du comportement rhologique des polymres, qui apparaissent comme un excellent exemple de matriaux viscolastiques, dont la rponse est sensible au pass thermomcanique ainsi quau mode de sollicitation, rend la caractrisation exhaustive de la rhologie du matriau particulirement lourde. Celle-ci dbute habituellement par ltude du rgime linaire, gnralement conduite sur une large gamme de tempratures, se poursuit par ltude du rgime non linaire, laissant ainsi place non seulement au rgime permanent mais galement au rgime transitoire ; dans la rgle de lart, ceci se doit dtre effectu, ici encore, sur une large gamme de tempratures et de taux de Cisaillement, ou

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J.-F. Tain, N. El Kissi, B. Ernst, B. Vergnes

dlongation. La prsence dune forte lasticit dans les fluides polymres impose galement de chercher caractriser ce dernier comportement. Paralllement, se sont galement dveloppes des techniques dtudes plus fines du comportement rhologique dans lesquelles des mthodes optiques, spectroscopiques ou de diffusion des rayonnements sont mises profit. La plupart du temps, ces expriences de nature plus fondamentales sont conduites dans des coulements longationnels ou de cisaillement simple. Face des situations dcoulement complexes, si une premire approche peut impliquer une caractrisation trs globale (par exemple au travers de ltablissement de relations pression-dbit comme en rhomtrie capillaire), des mthodes dobservation directe de la rponse du fluide in situ peuvent galement tre utilises. Elles font appel lutilisation de traceurs comme il est classique en mcanique des fluides (suivi de particules afin de visualiser les lignes de courant) ou dautres techniques optiques, comme Ianmomtrie laser Doppler. Compte tenu des trs nombreuses possibilits qui sont offertes, nous avons choisi (assez arbitrairement) de dvelopper plus particulirement lapport des techniques de caractrisation rhomtriques les plus courantes. Nous chercherons dgager les grandeurs pertinentes et les comportements typiques des polymres fondus en insistant sur linfluence des paramtres molculaires. Nous donnerons galement quelques informations sur des techniques plus spcialises mais qui apportent des informations sur le comportement de la matire lchelle des molcules qui la constituent.

3.1. Rhomtrie linaire3.1.1.

Aspects exprimentaux

On cherche dans ce type dexprience caractriser le comportement viscolastique du matriau, cest--dire dterminer les modules dynamiques G, G sur la plus large gamme de frquences accessibles. Cette caractrisation seffectue aisment. En phase fondue, on utilise classiquement une gomtrie de plans parallles, lentrefer tant gnralement choisi entre 1 et 2 mm. I1 est relativement simple, par moulage, dobtenir une pastille de lchantillon tudier, qui soit exempte de bulles et libre de contraintes internes parasites qui rsultent de lopration de moulage haute temprature et relaxent au cours dun recuit de quelques heures. On peut utiliser aussi bien un rhomtre contraint? qu dformation impose. Ltendue du domaine linaire demande tre vrifie systmatiquement mais, classiquement, en particulier haute temprature pour des matriaux non chargs, celle-ci stend souvent au-del de 10 % de dformation. Cependant, quelques degrs au-dessus de la temprature de transition vitreuse, le domaine linaire peut tre infrieur 1 %. La plage de frquences couramment balaye est comprise entre lop2et lo2 rad.s-, limites qui tiennent aux capacits des rhomtres et la patience de lexprimentateur. Le comportement dynamique est souvent tudi sur une large gamme de tempratures, ce qui correspond en pratique des balayages en frquence

2 - De la macromolcule aux matires plastiques

47

IO'

IO?

IO'O

100

101

I02

IO'

IO'

IO'

IO'O

IO"

IO'

10:

IO'

(rad/s)

(rad/s)

a)

b)

Figure 2.9 : a ) Module de consmation G' en fonction de la frquence pour dflrentes tempratures. lastomre styrne-butadine (26 % de styrne, M , =I30 O00 g.mol-I). 6) Module de perte G" en fonction de la frquence pour dflrentes tempratures pour le mme lastomre.isothermes conduits des tempratures espaces de quelques degrs seulement l'approche de la temprature de transition vitreuse et d'environ une dizaine voire une vingtaine de degrs quand on approche la zone terminale. Les plus hautes tempratures accessibles sont dictes par l'aptitude du polymre ne pas se dgrader pendant la dure de l'exprience. Les plus basses sont lies l'apparition d'une ventuelle cristallisation (dont on a vu qu'elle modifiait considrablement les proprits des matriaux de telle sorte qu'on peut considrer que la

3.1.2. quivalence frquence-temprature: courbes matressesNous donnons, titre d'exemple sur les figures 2.9, l'volution des modules dynamiques d'un lastomre synthtique (copolymre statistique styrnebutadine) en fonction de la frquence pour diffrentes tempratures. Toutes ces expriences ont t ralises en cisaillement entre plans parallles, le diamtre des plateaux passant de 25 8 puis 4 mm lorsque la temprature devient voisine de Tg (-47 O C ) , alors que l'paisseur augmente corrlativement. L'observation de ces rseaux de courbes montre que le passage d'une temprature l'autre se fait avec une variation modeste de la dpendance en frquence de chacun des deux modules. En particulier, tout se passe comme si (et se justifie l'aide de concepts thoriques qui seront exposs plus loin) l'utilisation d'une temprature plus leve qu'une certaine temprature choisie arbitrairement comme rfrence permettait de rvler un comportement des frquences plus basses que ce qui avait t observ auparavant alors que l'exprience ralise une temprature plus basse fournit au contraire une information sur le comportement

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plus haute frquence. De ce point de vue, il est donc quivalent pour explorer le comportement viscolastique de modifier indiffremment la frquence de sollicitation ou la temprature. Ceci est exprimentalement bien illustr par lexprience du silli-putti, dcrite dans lencadr 2.2.

2 - De la macromolcule aux matires plastiques

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1o61os

101oo 10-310-1

10-2

io0 10 u) .a (rad/s)

io2

io3

io4

Figure 2.10 :Courbes matresses des modules G et G ; 75 C, correspondant a u x donnes des figures 9a et 5%.

Manifestement, la rponse du matriau la temprature choisie englobe les trois tats que nous avons souligns plus haut. Le passage de lun lautre est command par la frquence de sollicitation. Laction du marteau est assimilable un choc, donc une sollicitation haute frquence (10 Hz) . Manifestement, le polymre est vitreux dans cette condition. Le rebond sur le sol est caractristique de frquences beaucoup plus basses (typiquement lo3 Hz), alors que lcoulement du matriau est lent et se caractrise donc par de basses frquences ( Hz environ). Cette exprience atteste donc quil est quivalent (au moins qualitativement) de modifier la frquence ou la temprature pour observer une rponse quivalente du matriau. On notera la forte sensibilit la temprature puisquune variation de quelques 10 C entrane (de faon trs grossire, mais pour fixer un ordre de grandeur) une variation des frquences qui est de lordre dune dcade. Quantitativement maintenant, il est possible de faire glisser (essentiellement horizontalement6) les courbes de la figure obtenues diffrentes tempratures sur une plage limite de frquences pour construire, une temprature de rfrence choisie arbitrairement, une courbe matresse couvrant maintenant une trs large gamme de frquences (Fig. 2.10). Les tempratures plus hautes que la rfrence sont dcales vers la gauche de la figure, soit la partie basses frquences, alors que les tempratures infrieures sont dcales vers les hautes frquences. La superposition des parties communes des courbes obtenues diffrentes

II peut parfois tre ncessaire dappliquer une lgre translation verticale (qui doit tre identiquesur G et C) pour obtenii- la superposition optimale des courbes.

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10

lo810

lo6

io5 io4 io3lo21010

io- i o

lo3

lo5

10

lo9

10

ma

crrro)

(rads)

Courbe matresse (tembrature de rkfrence 75 C) couvi-ant une trs Figure 2.11 , lurge gamme de rquences (lastomre styrne-butudike (SBR) 26 % de styrne, ir, = I70 000 g.mol- ).

f

tempratures est gnralement bonne (voire excellente) et la mme valeur du dcalage est observe sur G comme sur G. Le facteur de dcalage (en chelle logarithmique) entre la temprature Tet la temprature de rfrence To est not log uT,To ou de faon abrge a F La courbe matresse fait donc appel, pour une temprature de rfrence To, une frquence Lallure de cette courbe est indpendante du rduite qui scrit choix arbitraire de la temprature de rfrence et lchelle de frquences rduites est maintenant trs large. Classiquement, on couvre 12 dcades ou plus entre la zone de transition vitreuse et la zone terminale, comme lindique la figure 2.1 1 o la courbe matresse a t trace partir de donnes allant de -40 C 125 O C . On a donc trs largement augment la gamme de frquences accessibles au rhomtre. Ce trac de courbes matresses est couramment pratiqu en rhomtrie des polymres fondus. Il sapplique bien aux systmes homognes (homopolymres, copolymres statistiques, mlanges compatibles), mais est mis en dfaut dans des systmes plus complexes (alliages incompatibles, copolymres blocs) o son applicabilit nest que partielle, voire inexistante. Lexistence de cette superposition est lie une dpendance identique avec la temprature de tous les temps de relaxation caractristiques des processus molculaires qui grent lallure de G et G(co).Des lments complmentaires sur la dpendance en temprature sont fournis dans lencadr 2.3.

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1.8

2

22 .

2.4

26 .

2.8

3

32 .

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3.7.3. Les paramtres rhologiquesa) La zone terminaleLe comportement observ sur la courbe matresse basses frquences correspond la zone terminale. I1 se caractrise par des pentes respectives de 1 et 2 pour les modules G et G en fonction de la frquence dans une reprsentation bilogarithmique. Lorsque ce comportement est effectivement observ, on peut affirmer que le comportement du matriau polymre est celui dun fluide viscolastique. I1 est alors possible de dterminer : la viscosit limite basse frquence (LisCosit newtonienne) qui scrit : G ( O ) qO(T)= lim q(T) = lim W-10

040

la complaisance lastique limite

Cette dernire quantit caractrise llasticit stocke pendant lcoulement (mme trs lent) de la matire. Elle se manifesterait sous forme dune recouvrance observe lors dune exprience de fluage-recouvrance conduite dans le rgime linaire. Elle est importante pour les manifestations du caractre lastique des polymres fondus comme celles dues aux contraintes normales. partir de ces deux grandeurs, il est possible de dfinir un temps de relaxation, dit temps terminal, de la faon suivante :

En pratique, on peut considrer ce temps terminal comme caractristique de lcoulement du polymre. b) Le plateau caoutchoutiqueOn observe, dans un domaine de frquence intermdiaires entre la zone terminale et le dbut de la transition vitreuse, une croissance lente du module G associe gnralement un niinimum de G plus ou moins prononc suivant les matriaux. Cette zone est couramment appele plateau caoiitchoutique, par analogie avec ce quon observe sur des lastomres rticuls. Le module au plateau O caoutchoutique, not GN, est un paramtre important, intimement li la structure chimique du polymre. Diffrentes possibilits sont couramment utilises pour caractriser GN . o

la valeur de G au minimum de tan6O 2 a lintgration de G ( o ) selon lexpression : GN = - G(o)dLno o la

n

borne suprieure de lintgrale correspond la remgnte de G vers les hautes frquences.

2 - De la macromolcule aux matires plastiques

53

Figure 2.12 :Reprsentation de lorientation dune macromolcule sous cisaillement.

3.2.

Rhomtrie non linaire

Le rgime non linaire ouvre la porte de nombreuses et souvent dlicates expriences de rhomtrie. Quelques aspects seront dcrits au paragraphe 5. Nous nous limiterons dans limmdiat des techniques moins usites, mais qui apportent une information intressante pour la comprhension du comportement des polymres sous coulement lchelle molculaire.

3.2.1.

Les techniques de birfringence

Lanisotropie qui apparat lchelle molculaire dans les liquides en coulement peut tre caractrise par des mthodes optiques, en particulier la birfringence. Cette technique peut tre utilise pour des mesures ponctuella dans des cas o lcoulement est uniforme mais galement en champ large principalement lorsque la distribution des contraintes OLI des vitesses de dformation est complexe. Elle permet alors de raliser une cartographie de lcoulement, impossible raliser par des mesures mcaniques directes. Dans un matriau isotrope, lindice de rfraction, inversement proportionnel lavitesse de propagation de la lumire, est indpendant de la direction considre. En prsence dun coulement, les macromolciiles se dforment et sorientent prfrentiellement selon une direction particulire. I1 en rsulte une vitesse de propagation qui diffre suivant la direction de polarisation de la lumire, donc une birfringence locale. Considrons Icouleinent de cisaillement schmatis sur la figure 2.1 2 et supposons que la lumire se propage suivant laxe neutre du cisaillement (direction 3). Les axes optiques principaux du milieu correspondent aux directions I et II, dont la direction I fait un angle (pris par convention entre - 45 et + 45) par rapport la direction de la vitesse. Lanisotropie optique du milieu est caractrise par la birfringence A n = nI - nil et se manifeste par lapparition dun retard de phase 6 entre les deux composantes du champ lectrique qui se propagent paralllement aux axes principaux I et II. Le retard de phase 6 est reli

x

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lyseur cellule dcoulement

dtection champ large camra CCD

Figure 2.13 :Schma de principe de visualisation de la barj+ingence. la birfringence par : 6 = 2 A n - Kd A . o d est lpaisseur de fluide traverse et h la longueur donde de la lumire utilise. Une mesure de birfringence consiste caractriser A n et simultanment. Diverses mthodes sont accessibles pour raliser des mesures ponctuelles. On peut citer titre dexemple la mthode de Snarmont, qui ncessite des lments optiques relativement simples et dans laquelle langle et la birfringence sont dtermins successivement, ou dautres mthodes plus modernes, bases sur une modulation de la polarisation, qui permettent des mesures vritablement simultanes de langle et du dphasage et sont donc efficaces en rgime transitoire. Nous renvoyons le lecteur des ouvrages plus spcialiss pour des informations complmentaires sur ces mthodes. Les mesures en champ large sont en gnral bases sur lobseivation de rseaux de franges noires correspondant des conditions dextinction de la lumire transmise. Un montage classique est reprsent sur la figure 2.13, dans laquelle les polariseurs et analyseurs sont croiss. On montre que lintensit transmise scrit :

x

I = Iosin 2 ~ x s i n 2 o est langle entre la direction de polarisation et une direction principale du milieu et 6 le dphasage. Lextinction est lie deux conditions :

2

26

x

x = kn/2 o k est un nombre entier. Ce rseau de franges est appel isoclineset se dplace lorsque lensemble polariseur et analyseur est tourn.d est appel lordre de la raie. Ce second rseau de franges est appel isochromes. Le calcul de la birfringence ncessite de compter les ordres partir de la situation isotrope.

kh 6 = 2kx, ce qui conduit une birfringence locale qui scrit A n = - oii k

II est alors possible partir du clich dtablir la carte des birfringences en traant des lignes disobirfringence pour chaque ordre. Cette mthode ncessite videmment des matriaux suffisamment birfringents pour conduire plusieurs ordres mais pas trop pour viter des lignes trop rapproches.

2 - De la macromolcule aux matires plastiques

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Figure 2.14 : Clich de birjiringence dun polystyrne dans une contraction. O n notera 1existence de recirculations (clich : C E m , cole des Mines de Paris).Un exemple de clich est donn sur la figure 2.14 qui correspond lcoulement dun polythylne dans une contraction 41 monte en sortie dextrudeuse. Ce clich illustre pai ticulirement bien laugmentation de Ianisotropie lapproche du capillaire et montre galement les recirculations prsentes dans les coins du rservoir. Dans les situations dcoulements complexes, cette technique exprimentale est prcieuse pour caractriser linfluence de diffrents paramtres comme la gomtrie de la filire, les caractristiques molculaires du polymre qui affectent sa rhologie, lapparition de dfauts dextrusion ou dinstabilits... Le passage des mesures optiques aux mesures mcaniques de la contrainte tangentielle ou des diffrences de contraintes normales repose sur lapplication de la loi tensio-optique. Lorigine physiqiie de cette loi est simple comprendre dans le cas des polymres. La contrainte est lie ltirement des chanes macromolculaires sous coulement. I1 est donc logique dune part que les axes principaux (optiques ou mcaniques) concident et dautre part que les contraintes principales soient prcisment le moteur de lorientation molculaire qui est 2 lorigine de la birfringence. Dun point de w e mathmatique, cette loi sexprime comme une proportionnalit entre le tenseur des indices de rfraction et le tenseur des contraintes, le coefficient tensio-optique C tant li essentiellement la structure chimique des macromolcules m a la polarisabilit des units de rptition.

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On en dduit les relations suivantes :

An sin 2~ = ~ C Z An cos 2x = C Niqui montrent laccessibilit la contrainte tangentielle z et la premire diffrence des contraintes normales NI par ces mesures optiques. La loi tensio-optique sapplique raisonnablement sur des systmes simples (homopolymres) 5 des tempratures suffisamment leves par rapport la transition vitreuse (quelque 20 C) et lorsque les contraintes ne sont pas trop leves de telle sorte que lextension des chanes reste trs infrieure lextension maximale. Ces restrictions sont rarement rencontres dans les situations dintrt pratique. Ces mesures ouvrent la possibilit de tests de lois de comportement dans des situations dcoulement complexes et permettent donc de juger de leur robustesse.

3.2.2. Les techniques de caractrisation de lorientation molculaireDes techniques puissantes, mais plus lourdes que la birfringence par exemple, peuvent tre utilises pour caractriser ltat de dformation des chanes macromolculaires dans les coulements. Leur utilisation a surtout pour objet de rpondre des questions de nature fondamentale : comment un coulement agitil sur une chane de polymre, quels sont les mcanismes molculaires qui sont lorigine de la relaxation ? Ces techniques sont appliques des coulements simples de cisaillement ou longationnels. Le dichrosme infrarouge est, si lon peut dire, la partie imaginaire de lindice de rfraction ce quest la birfringence sa partie relle. En effet, une longueur donde correspondant prcisment une bande dabsorption infrarouge, la partie imaginaire de lindice de rfraction est non nulle. Si le matriau est isotrope, labsorbance est indpendante de la direction de polarisation du champ lectrique incident. Par contre, si les units de rptition ne sont plus rparties alatoirement, du dichrosme apparat, ce qui correspond une absorbance qui dpend de la direction du champ lectrique par rapport une direction de rfrence de lchantillon. Lexplication est dqnne sur la figure 2.15 o nous avons reprsent le moment de transition M associ au changement du moment dipolaire lectrique dune unit de rptition lors dune vibration particulire. Labsorbance lmentaire due au moment de transition ,de M,) , la viscosit varie nettement plus fortement avec la masse suivant la loi : qo = M3,4O,. Cette trs forte dpendance de la viscosit avec la masse implique, titre indicatif, que si lon double la longueur des chanes, la viscosit est multiplie par un facteur suprieur 10. Cette loi est suivie par une trs grande varit de structures chimiques, pour peu quelles correspondent ces chanes flexibles. Des mesures de viscosit effectues

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log : J

b

M ;.Figure 2.1 7 :Influence de la musse molaire sur la viscosit limite.

log M

Figure 2.18 :Influence de la masse molaire sur la cornplaisance ilastique limite.

avec des chanes extrmement longues montrent que lexposant possde une trs lgre tendance diminuer dans ce cas, sans pour autant atteindre 38 . La masse critique Mc dpend fortement de la structure chimique du polymre, variant de quelques 1 O00 g.mol- (PET, polybutadine) quelques 10 O00 g.mol- (polystyrne...).On attribue le changement de rgime (qui dans la ralit correspond une transition douce entre les deux comportements) lapparition denchevtrements entre les chanes. On peut considrer que M, = 2 Me o Me reprsente la masse moyenne entre enchevtrements. En pratique, les polymres utiliss industriellement correspondent une situation o les chanes sont enchevtres. b) La complaisance lastique limite Ici encore, on observe deux rgimes schmatiss sur la figure 2.18. Aux plus faibles masses ( M < M,), la complaisance J, est proportionnelle la masse, alors quaux masses plus leves, la complaisance devient indpendante de la longueur de la chane. La transition est observe pour des masses critiques Mc qui sont suprieures la masse M, dfinie plus haut (pour une structure chimique identique), puisque correspondant environ 5 7 enchevtrements par chane. I1 rsulte des deux observations prcdentes que le temps terminal augmente fortement (lorsque les chanes sont enchevtres) avec la masse molaire (M3,4). Les spectres viscolstiques se caractrisent donc par un plateau caoutchoutique dautant plus long et donc marqu que les chanes sont longues.Lesposant 3 correspond i la prvision de la tliforie de reptation qui sera dcrite plus loin

2 - De la macromolcule aux matires plastiques

61

h

ua,(rad/s)

3

O

o.a,(ra/s)

Figure 2.19 : Modules dynamiques G' et G" en fonction de la frquences pour 3 iopolymres statistiquu de t p e SBR n 26 % de styrtne. Masses molaires : 130 000, 230 000, 430 O00 g.mol - .

Y

10' 1O"

10'

LI,--,-.,

' n111117.1

""'., "T

111)1",

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E

lo.,10410-5 10-6 102

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102G"mnx

104

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100Co U T '

102Co c''ma%

I o4

CouT/ w

Figure 2.20 :Normalisation des courbes de la figure 2.19 montrant l'univmsalit des modules dynamiques en fonction de la frquence.cj L'allure des modules G ' et G" Un exemple d'influence de la masse molaire sur les modules G' et G" est donn sur les courbes de la figure 2.19. On notera qu' quelques dtails prs dont la raison apparatra plus loin, l'allure des courbes est dsigne une valeur moyenne sur un grand nombre de chanes identiques. La chane apparat donc trs replie sur elle-mme ; on parle dune conformation en pelote statistique. Si lon considre la densit de segments, d, lintrieur du volume occup par la n - 1/2 1,2 =n , cest--dire que d chane, il est facile de montrer que d =>)

1

diminue lorsque la longueur de la chane augmente. Un polymre en masse dans ltat fondu est constitu de telles chanes quil faut simaginer comme animes dune dynamique interne trs rapide, lie des tempratures suprieures la temprature de transition vitreuse. Lorientation dun segment par rapport au prcdent change donc rapidement, et ces mouvements rapides vont permettre la chane de se dplacer. Lorsque les chanes deviennent suffisamment longues, elles sinterpntrent ncessairetnent puisque la densit macroscopique du matriau reste constante. I1 en rsulte que les dplacements dune chane deviennent particulirement gns par la prsence des chanes voisines situes dans le volume occup par la chane considre. Cette gne, essentiellement topologique son origine, provient de limpossibilit pour une chane de se dplacer en sectionnant une chane voisine. On dit alors que les chanes sont enchevtres, et on dsigne par le mot enchevtrement >> ces gnes locales.( de la sauce. Si lon estime la contrainte exerce par le produit sous son propre poids pgh, le produit cesse de scouler pour une hauteur h telle que cette contrainte est infrieure au seuil dcoulement, soit ainsi environ 0,l mm pour une contrainte seuil de 1 Pa.

ConclusionComme nous lavons soulign en introduction, la rhologie est essentielle la caractrisation des denres alimentaires et la comprhension des modifications quelles subissent au cours des processus de transformation. Ce besoin explique lessor spectaculaire pris dans ce secteur dactkit par cette discipline, non seulement au niveau de la recherche mais aussi au niveau du contrle industriel. Lextrme complexit des systmes alimentaires fait que ceux-ci doivent tre souvent caractriss par un ensemble de mthodes. Les exemples prsents ici pour des systmes fluides et semi-fluides montrent bien la ncessit de combiner les mesures viscosimtriques pour valuer les proprits dcoulement et les caractrisations viscolastiques trs faible dformation. La structure des systmes solides tels que les gels ne peut tre caractrise qu trs faible dformation ; ce sont donc leurs caractristiques viscolastiques qui seront values. De nombreux

4 - Des sauces aux mulsions alimentaires

135

autres systmes alimentaires prsentent des comportements encore plus complexes et nous ne les avons pas voqus ici. La rhologie inteiTient donc dans les diffrents domaines voqus dans lintroduction, notamment pour la caractrisation des matires premires et produits semi-finis (systmes disperss), lapprciation de la valeur industrielle dune matire premire ou des proprits fonctionnelles dun constituant alimentaire, la description des modifications de structure dun milieu aii cours dun processiis de transformation. I1 est toutefois un doinaine o la rhologie napporte quune rponse partielle aiix questions poses. I1 sagit de celui de lapprciation de la texture des aliments. Ce qui est gnralement recherch dans ce cas, cest de connatre les relations entre grandeurs rhologiques et analyse sensorielle dans le but ultime de prdire celles-ci. Cette dmarche na pas alors pour objectif de comprendre les mcanismes physiologiqiies de la perception dun aliment, mais plutt de fournir des critres objectifs (en loccurrence rhologiques) permettant de savoir si le produit correspond un cahier des charges sensoriel donn. Si dans labsolu, une mesure physique objective, en loccurrence la viscosit, peut remplacer lintervention de dgustateiirs pour caractriser la consistance de produits fluides, il reste que, pour de trs nombreux descripteurs sensoriels (comme crmeux, onctueux par exemple), soiivent miiltidimensionnels, la dmarche est extrmement complexe et les nombreuses tentatives nont rencontr quun succs limit. I1 est vident que les quelques exemples prsents dans ce chapitre ne refltent quune part infime des applications de la rhologie dans la caractrisation des denres alimentaires et de leurs transformations. On trouvera dans les ouvrages et publications cits en rfrence des dtails sur un grand nombre dautres exemples (voir par exemple, Le Technoscope de Biofutur,no 167-168, 1997).

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136

J.-L. Doublier, J.-F. Maingonnat, G. Cuvelier

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Du magma la neigeP. Coussot', C.Ancey2

La surface de la Terre est constitue essentiellement d'un gaz et d'un liquide relativement simples : l'air et l'eau. Ces deux fluides sont si peu visqueux (environ 1,8.10-5 Pa.s pour l'air et Pa.s pour l'eau 20 OC) que la plupart des coulements naturels terrestres sont turbulents. L'tude des coulements d e tels fluides repose donc souvent sur des modles numriques sophistiqus. Ces coulements jouent un rle fondamental dans divers domaines tels que l'hydraulique, la mtorologie, l'aronautique, ou encore l'industrie maritime. Sous la crote terrestre, o n trouve e n revanche des matriaux d e plus en plus denses et visqueux (magmas) ail fur et mesure que l'on se rapproche du,centre de la Terre. En mme temps la temprature augmente, ce qui permet tout d e mme ce magma d e s'couler lentement. La crote terrestre est forme d e magmas rigidifis basse temprature (relativement aux tempratures internes). Parfois, le magma s'panche plus ou moins violemment la surface de la crotite terrestre : ce sont les ruptions volcaniques. Les divers coulements d'air et d'eau rodent ensuite progressivement cette crote. C'est lors d e phnomnes d'rosion d e grande ampleur que l'on rencontre nouveau des mouvements relativement rapides d e matriaux denses : dplacements d e dunes de sable, boulements, croulements, coulements pyroclastiques, glissements de terrain, effondrements sous-marins. Ces divers mouvements sont extrmement complexes car ils mettent la plupart d u temps e n jeu une forte concentration d e grains dans un fluide interstitiel. Pourtant il est important pour les gologues ou pour les ingnieurs de terrain d e connatre les proprits des matriaux impliqus aiin de prdire ou d e comprendre les coulements. Nous passons d'abord en revue de faon plus dtaille l'origine d e ces divers phnomnes ainsi que les enjeux d e leur tude. Puis nous nous intressons successivement trois coulements trs diffrents : les laves torrentielles, les laves volcaniqiies, et les avalanches. Laboratoire des Matriaux et des Structures du Gnie Civil (UMR113 LCPC-ENPC-CNKS), 2 Alle Kepler, 77420 Champs sur Marne. Unit de Recherche c< rosion Torrentielle, Neige et Avalanciies , Ceinrigref Domaine Universitaire, B.P. 76, 38402 St-Martin-d'Hres Cedex.

*

138

P. Coussot, C. Ancey

ir A ?\\\\\I I

II

Cycle de leaub

-

&Relief

Figure 5.1 : Schma de pmncape de loragne des coulements naturels de Jluades complexes. Les mouvements z n t m e s d u globe terrestre provoquent des dYfomataons de la surface et des panchements de magma. Le relaef est constamment faonn et rod par le cycle de leau et les mouvements dair, ce qui provoque davers types dcoulements sugate labre de susfensions.

1. Les diffrents types dcoulement de fluide naturel et leurs enjeuxLa partie externe (sur une paisseur denviron 500 km) du globe terrestre (asthnosphre) est forme de magmas anims de mouvements de convection (Fig. 5.1). Ces mouvements sont lents notre chelle, cependant ils conditionnent les grandes volutions gologiques de la surface de la Terre. Au-dessus de ce manteau se trouve, sur une paisseur variant de 70 250 km, la lithosphre comprenant la crote et la partie suprieure du manteau, essentiellement constitue de magmas refroidis, cest--dire des roches. Des lments de cette crote peuvent tre entrans plus ou moins indpendamment cause des mouvements de convection du manteau sur lequel ils reposent, ce qui donne lieu la drive des continents, aux tremblements de terre, et la formation des massifs montagneux. De plus, des ouvertures peuvent se crer entre ou au sein de ces plaques, au travers desquelles du magma en fusion remonte et spanche la surface du globe, donnant lieu aux ruptions volcaniques. Ces ruptions prennent diverses formes, allant de la coule de lave liquide sur les flancs des v