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N° 24 - Avant la première. Michel Fournier Textes déposés à la SACD 1 — 26 Michel Fournier 28 rue du General de Gaulle 52300 Thonnance les Joinville Tel : 06.31.69.54.48 Mail : [email protected] [email protected] Site : michelauteur.over-blog.com

N° 24 - Avant la première. Michel Fournier · Pas étonnant que tu bouffes les répliques des autres. PATRICIA : Je ne bouffe pas vos répliques, je suis trop dynamique. THERESE

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N° 24 - Avant la première. Michel Fournier

Textes déposés à la SACD 1 — 26

Michel Fournier 28 rue du General de Gaulle

52300 Thonnance les Joinville Tel : 06.31.69.54.48

Mail : [email protected] [email protected]

Site : michelauteur.over-blog.com

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Rappel : Ce texte n'est pas libre de droits. Vous pouvez le télécharger pour le lire et travailler. Si vous exploitez ce texte dans le cadre d'un spectacle vous devez obligatoirement faire le nécessaire pour obtenir l'autorisation de jouer, de l'auteur directement, soit de l'organisme

qui gère ses droits (en France la SACD). Pour les textes des auteurs membres de la SACD, celle-ci peut faire interdire la représentation

le soir même si l'autorisation de jouer n'a pas été obtenue par la troupe. Le réseau national des représentants de la SACD (et leurs homologues à l'étranger) veille au respect des droits des auteurs et vérifient que les autorisations ont été obtenu, même a posteriori.

Ceci n'est pas une recommandation, mais une obligation, y compris pour les troupes amateurs

Avant la première.

Synopsis : Une équipe de comédiennes se retrouve pour les dernières répétitions avant un spectacle. En attendant l’arrivée des retardataires, les esprits s’échauffent et les langues se délient. Derrière les comédiennes, il y a déjà des femmes… Pièce satirique tout publique. Durée 70 min Le lieu : Sur la scène d’un théâtre. À quelques jours de la représentation. L’époque : De nos jours Les rôles : Thérèse : Assez grande 45/50 ans Patricia : Jeune femme, allure dynamique 35/40 ans Evelyne : Femme ronde, blonde 50 ans Claudine : Petite, alerte, sans trop de formes 50/55 ans Arlette : Petite, allure sympathique 42 ans Lucile : 14 ans Anaïs : 12 ans

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Acte I

Scène 1 (Josette – Patricia)

Une femme d’environ cinquante ans est assise sur un petit tabouret et se fait les ongles. Sur scène, un banc, un vase et un bouquet de fleurs artificielles sont posés dessus. THERESE : C’est chaque fois pareil, elles ne sont jamais fichues d’arriver à l’heure pour les répétitions. Elle regarde sa montre. Il est vrai que je suis toujours un peu en avance. La prochaine qui arrive ce sera Patricia. Elle me dira : Entrée de Patricia. PATRICIA : Déjà là toi ? THERESE : Je suis toujours la première. Bonjour ? PATRICIA : Ça ne sert à rien d’arriver trente minutes plus tôt. Oui bonjour ! THERESE : Quarante… PATRICIA : Quoi ? Quarante ? Quarante bonjours ? THERESE : Quarante minutes. Quarante minutes que j’attends et non trente. PATRICIA : Bof ! À dix minutes près. THERESE : Dix minutes, quand tu attends, c’est long. PATRICIA : Arrive dix minutes plus tard. THERESE : Dix minutes plus tard, je serais à la bourre. Non ! Je ne peux pas. PATRICIA : Pourquoi tu ne peux pas ? Dix de plus, dix de moins. THERESE : J’aime arriver la première. PATRICIA : Pour quoi faire, puisque les autres arriveront de toute manière en retard, comme d'habitude ? THERESE : Pour les voir arriver. PATRICIA : Arriver quarante minutes en avance pour être sûre de voir arriver ses camarades de théâtre… en retard… ouais, mais bon ! THERESE : Camarades, camarades ? Il ne faut pas exagérer, mais… chacun son plaisir. PATRICIA : Eh oui ! Chacun jouit comme il peut… THERESE : Oh ma petite, quand tu auras joui autant que moi…

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PATRICIA : Te casse pas la tête pour la petite, j’ai ma dose tous les jours, moi. Je ne suis pas encore veuve. THERESE : Tu n’es même pas mariée ! PATRICIA : Justement, cela me permet de jouir, comme bon me semble THERESE : C’est sûr qu’avec ta tenue… la brigade des chiens renifleurs doit être de sortie. PATRICIA : Tu es jalouse ? Tu veux que je te présente des copains ? THERESE : Non merci ! Tu me vois, à mon âge, avec une tenue aussi courte. PATRICIA : Je n’ose même pas l’imaginer. THERESE : Sympa ! PATRICIA : Sincère ! THERESE : On peut dire que tu ne fais pas dans la dentelle toi ! PATRICIA : Il ne te plaît pas ce petit ensemble ? Petite veste légère à deux boutons… THERESE : Il n’y aurait pas de bouton… ce serait pareil. PATRICIA : Et petite jupe qui laisse apparaître le galbe de mes mollets. THERESE : Tu as les mollets drôlement hauts toi ? PATRICIA : C’est de mon âge... THERESE : C’est vrai. Mais tu verras, avec l’âge les mollets ont une fâcheuse tendance à redescendre sur les talons. PATRICIA : Pour l’instant, ils restent en haut. THERESE : J’ai de la chance moi, ils se sont arrêtés aux chevilles. PATRICIA : Normal à ton âge, on hésite à montrer ses mollets et encore moins ses cuisses… THERESE : Je ne suis pas la plus mal foutue de l’équipe. PATRICIA : Non, mais ne raccourcit pas trop ta jupe. THERESE : Regarde Claudine… toujours mal fringuée. PATRICIA : Elle a des jupes qui trainent par terre… THERESE : À cause de ses mollets !

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PATRICIA : Parce que tu as déjà vu les mollets de Claudine ? THERESE : Non, mais, elle doit les avoir aussi sur les talons. Elle est un peu plus âgée que moi. PATRICIA : Plus âgée… et peut-être encore neuve. THERESE : Encore neuve ? Tu crois ? PATRICIA : Elle n’a jamais eu d’homme dans sa vie, ça se voit. THERESE : Et tu vois cela comment ? PATRICIA : Pas de seins… pas de cul… elle n’a jamais été pelotée. THERESE : N’importe quoi… Claudine est une gentille fille… toujours prête à rendre service… Elle est toujours en train de rire… la première à faire des blagues… PATRICIA : Peut-être, mais c’est une vieille fille. Avec ses vieilles manies… et puis elle joue à la belote tous les jeudis. THERESE : Ce n’est pas une tare. Elle est entrée au Club des cheveux d’argents l’année passée. PATRICIA : Justement, ce n’est pas là qu’elle se fera baiser. THERESE : C’est vrai… elle voulait que j’y aille aussi, j’ai refusé… Tu me vois chez les vieux à jouer à la belote ? PATRICIA : Oui très bien… tu as déjà la tenue. Et puis tu es veuve, alors… THERESE : Les veuves ont bien le droit de retrouver l’amour. PATRICIA : Oui bien sûr, c’est comme le vélo, cela ne s’oublie pas. Il faut juste graisser la chaine de temps en temps. THERESE : Fuiiit ! Tu fais fort ce soir. Mais que font-elles ? On va encore démarrer en courant. PATRICIA : Comme d’habitude. Il n’y a pas de quoi en faire un plat. THERESE : J’aime bien faire des exercices de respiration, mais on les fait toujours à la va-vite. PATRICIA : La respiration pour la faire dans de bonnes conditions, il ne faut pas avoir de vêtements qui te serrent la poitrine. THERESE : C’est pour cela que tu ne mets pas de sous tifs ? PATRICIA : Si j’en mets… enfin des fois. Tiens aujourd’hui, j’en ai mis un.

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THERESE : J’en ai un aussi. PATRICIA : Oui, mais moi, ce n’est pas une obligation. THERESE : Personne n’est obligé de mettre un soutien-gorge. PATRICIA : Obligée non, mais encore faut-il avoir une belle poitrine. THERESE : Tu fais quoi ? Un 90 à tout casser. PATRICIA : Oui, mais ils tiennent encore tout seuls, ce n’est pas forcement le cas de tout le monde. Tu vois ce que je veux dire ? THERESE : Non pas vraiment. J’ai lu dernièrement dans une revue que les hommes préfèrent les femmes rondes. PATRICIA : Oui, c’est leurs fantasmes, et un fantasme réalisé n’est plus un fantasme. THERESE : Ils préfèrent aussi les gros seins. PATRICIA : Gros surement, mais pas en forme de gant de toilette. THERESE : Ils préfèrent aussi les blondes. PATRICIA : Si je comprends bien, les hommes aiment les femmes rondes ? THERESE : Oui. PATRICIA : Blondes avec des gros seins ? THERESE : Oui. PATRICIA : Grandes et belles, avec une démarche chaloupée comme les mannequins ? THERESE : Oui PATRICIA : Alors, tu n’as aucune chance. Arrête de rêver. THERESE : Toi non plus. PATRICIA : Peut être, mais moi je ne cherche pas l’homme idéal qui aime les femmes rondes, belles, grandes avec de gros seins… THERESE : Tu cherches quoi ? PATRICIA : Rien, je ne cherche rien. Ils arrivent tous seuls. THERESE : Les hommes aiment les mannequins… regarde notre Président.

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PATRICIA : Je n’ai pas envie de finir comme Carla Bruni avec un Président dans mon lit. THERESE : Il est quand même Président. PATRICIA : Ah oui ! Tu aimes les hommes comment toi ? THERESE : Beau, grand, sportif avec un beau regard bleu, un homme tendre quoi ! PATRICIA : Ben tu vois, toi aussi tu n’en aurais pas voulu. THERESE : C’est vrai qu’il est petit, le regard noir, pas très beau, plein de tics… mais il est sportif. PATRICIA : Oui, il court… il court… Après quoi ? Après qui ? Non avec un mec comme ça tu es sure d’être cocue. Et moi je préfère faire que subir. THERESE : Tu as voté pour le Président ? PATRICIA : Non. Pourquoi ? THERESE : Pour savoir. PATRICIA : Et bien tu sais. Tu n’es pas blonde toi ? THERESE : Quel rapport ? PATRICIA : Aucun, juste pour te dire que ce n’est pas possible de voter pour un Président. THERESE : Ben si. PATRICIA : On vote pour un candidat, pas pour un président. THERESE : Alors, tu as voté pour un homme. PATRICIA : Qu’est ce qui te fait dire cela ? THERESE : Tu as dit un candidat, pas une candidate. Je déduis. PATRICIA : Tu veux que je te dise pour qui j’ai voté à la dernière élection. THERESE : Oui, dis voir, si on est du même bord. PATRICIA : Je ne suis pas allé voter, il n’y en avait pas un qui me plaisait. Ils étaient tous trop vieux… et moches. THERESE : Tu pouvais voter pour une femme. PATRICIA : Une femme… ah oui, je n’y ai même pas pensé. Dans la rue je regarde surtout les hommes et là j’ai fait pareil.

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THERESE : Tu as toujours raison toi ! Mais qu’est ce qu’elles font ? PATRICIA : La prochaine, se sera Évelyne avec son « Bonjour les filles, en forme » THERESE : Puis Anaïs et Lucile « On arrive du collège, on est crevées » PATRICIA : Et enfin Arlette « Mon mari n’était pas rentré, je ne peux pas laisser les gosses tout seuls » THERESE : Deux fois par semaine, c’est toujours les mêmes propos… PATRICIA : Et Arlette qui va nous gueuler dessus, si on se plante. THERESE : Encore une qui ne dit rien chez elle et qui fait le chef à l’extérieur… PATRICIA : C’est souvent le cas. Plus elles sont petites plus elles sont agressives. THERESE : Comme les petits chiens ! Tu connais son mari ? PATRICIA : Je l’ai vu une fois au Mac Do avec ses filles THERESE : Tu vas au Mac Do toi ? Pas étonnant que tu bouffes les répliques des autres. PATRICIA : Je ne bouffe pas vos répliques, je suis trop dynamique. THERESE : Au Mac Do… tu parles d’une cuisine… steak haché et frites… ce n’est pas un repas. PATRICIA : Moi j’aime bien, et puis c’est jeune. THERESE : Tu as raison… mais, moi, j’ai encore mes dents… et son mari, il est bien ? PATRICIA : Oui pas mal… vieux pour moi… mais pas mal. THERESE : Elle n’en parle jamais, ni de ses filles. PATRICIA : Quand on arrive ici, c’est pour bosser, on n’a pas le temps de raconter sa vie… et puis moi la vie d’Arlette, je m’en fous comme de ma première chemise. THERESE : Tu t’en souviens encore ? PATRICIA : De quoi ? THERESE : Ben de ta première chemise ! PATRICIA : C’est une expression… il y a bien longtemps que je dors à poil. THERESE : Tu verras un jour, tu la remettras ta chemise. PATRICIA : Je ne suis pas frileuse.

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THERESE : Moi non plus, mais avec l’âge, j’ai appris à offrir les cadeaux emballés. PATRICIA : C’est peut-être mieux pour toi, mais moi je n’aime pas faire attendre. THERESE : Encore dix ans et tu verras… PATRICIA : Je verrais quoi ? THERESE : Toi, tu retires ta chemise et lui, ses lunettes… et tu as tout de suite compris

Acte I Scène 2 (Thérèse – Patricia — Évelyne)

Entrée d’Évelyne. EVELYNE : Compris quoi ? Bonjour les filles ? En forme ? Il n’y a personne ? THERESE : Non, il n’y a personne, tu vois bien. PATRICIA : À part nous… mais pour toi, nous ne sommes personne. THERESE : C’est vrai que toi, tu es quelqu’un. EVELYNE : Vous avez révisé depuis la dernière fois. Parce que ce n’était pas terrible. Je ne m’éclate pas cette année. On le disait avec Claudine « Arlette laisse aller, elle n’est pas assez exigeante » PATRICIA : Ah ! Arlette, pas assez exigeante… il faudrait déjà qu’elle sache ce qu’elle veut et puis moi, je ne viens pas ici pour me faire engueuler. EVELYNE : Arlette est trop bonne avec vous. Merde ! On joue bientôt… THERESE : Oh arrête, Évelyne, on le sait qu’on joue. Ne monte pas la pression PATRICIA : On connaît notre texte. THERESE : nous serons bonnes comme d’habitude. EVELYNE : Moi, je trouve que vous ne vous donnez pas à fond. À la place d’Arlette, je n’accepterais pas certaines choses. PATRICIA : Tu n’es pas à la place d’Arlette. THERESE : Laisse Patricia, Evelyne finira chef. EVELYNE : Je trouve quand même que vous ne rentrez pas assez dedans. Tiens-moi par exemple…

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THERESE : Ah non, tu ne vas pas recommencer… PATRICIA : Tu es la meilleure. EVELYNE : Oui, mais je me défonce. THERESE : Tu sais ton texte sur le bout des doigts. EVELYNE : Ce n’est pas le cas de tout le monde. PATRICIA : Tu connais tous tes déplacements. EVELYNE : Je connais même les vôtres THERESE : Tu ne te trompes jamais. EVELYNE : Heureusement, sinon cela vous perturberait. PATRICIA : Tu ne bouffes pas les répliques des autres. EVELYNE : Allez vite ne veux pas dire précipitation. THERESE : En un mot, tu es la meilleure de nous toutes ? EVELYNE : Là vous me flattez les filles. Vous savez reconnaître mon talent. Elle part s’assoir sur le banc. J’ai couru toute la journée, je suis morte aujourd’hui. PATRICIA : Cela tombe bien, tu es déjà assise sur le cercueil. Fais attention de ne pas tomber dedans. THERESE : Rires. Tombe, cercueil, morte on est en plein dans le sujet. EVELYNE : Se lève rapidement. Je l’avais oublié celui-là. Drôle d’idée de jouer « Mort sur l’escabeau » une pièce rigolote avec un cercueil au milieu de la scène. THERESE : Mort sur l’escabeau, c’est plus rigolo que mort sur l’échafaud. EVELYNE : Je ne sais pas pourquoi j’ai accepté de jouer dans cette pièce. PATRICIA : Lui balance un drap noir. Arrête de poser des questions. Tiens, transforme le banc en cercueil, ce sera toujours ça de gagner. EVELYNE : Au début j’en rêvais la nuit, je commence à m’habituer doucement. Elle dispose le drap et pose le vase dessus. THERESE : Pour sur, puisque tu t’assois dessus maintenant. PATRICIA : Tu verras que pour la générale elle va se coucher dessus. EVELYNE : Cela m’étonnerait.

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PATRICIA : Pourquoi pas ? EVELYNE : Arlette voudrait que je sois en noir. THERESE : Et alors, en noir, tu ne peux pas te coucher ? EVELYNE : Noir sur noir, le public ne me verra plus. PATRICIA : Oui, ce serait vraiment dommage, tu joues si bien. EVELYNE : Je sens que vous me flattez les filles. THERESE : Cela m’étonnerait ! PATRICIA : Tu n’as pas besoin de nous, tu te flattes très bien toute seule. Mais dis-moi, tu connais bien Arlette ? THERESE : Évelyne connaît tout le monde… je dirais même mieux… EVELYNE : Quoi encore ? THERESE : Tu connais la vie de tout le monde. EVELYNE : Il ne faut pas exagérer, j’aime les gens, alors je m’intéresse à eux. THERESE : Tu vois, je ne me suis pas trompée. EVELYNE : Vous voulez savoir quoi ? Et sur qui ? PATRICIA : On voudrait en savoir un peu plus sur Arlette. EVELYNE : Arlette… quarante-deux ans… mariée… deux filles, Julie et Sonia… Elle les a eus sur le tard. THERESE : Sur le tard, elle n’a que quarante-deux ans ! EVELYNE : Julie à quatorze ans. PATRICIA : Elle l’a eu… à… vingt-huit ans… EVELYNE : C’est ce que je disais… vingt-huit ans pour la première… c’est sur le tard. L’autre est arrivée deux ans après… mais pas du même homme. PATRICIA : Elle a été mariée deux fois. EVELYNE : Non, c’est le travail de Philippe… PATRICIA : Philippe ?

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EVELYNE : Oui… Arlette a eu un amant… Philippe… et il lui a fait Sonia. THERESE : Ben ça alors. Arlette un amant, je ne l’aurais jamais cru. EVELYNE : Personne ne le sait à part moi… et Philippe. THERESE : Et tu sais ça comment ? EVELYNE : Oh une vieille histoire de douze ans. Mais attention, je ne veux pas d’histoire, vous ne le répétez à personne. THERESE : Tu peux compter sur nous. PATRICIA : On sera muette comme des tombes. EVELYNE : Ne parlez plus de mort. Philippe était copain de boulot de mon homme. PATRICIA : C’est bien les hommes ça. Il faut toujours qu’ils se vantent de leurs conquêtes. EVELYNE : Non, il n’avait rien dit. Mon homme coupait des branches en foret pour faire des rames à petits pois. THERESE : On s’en fout de tes petits pois, abrège. EVELYNE : Bon ça va. Mon homme a vu la voiture à Philippe dans un chemin, il s’est approché et il a vu. THERESE : Vu quoi ? PATRICIA : Les petits pois ! Qu'est-ce que t’es gourde … L’Arlette les jambes en l’air. THERESE : Tu n’en sais rien, tu n’y étais pas toi. EVELYNE : Ils étaient en train de faire Sonia. Neuf mois après l’histoire, la petite était là, pile, poil. PATRICIA : C’est peut-être une coïncidence. Ce n’est peut-être pas lui le père. Si chaque fois que j’ai eu un amant j’avais un mouflet, on n’aurait jamais fermé la maternelle. EVELYNE : Le père était en déplacement à cette époque là. Tout le monde n’est pas comme toi. PATRICIA : Tu es jalouse de mes amours… c’est vrai que toi tu es de l’autre côté de la barrière. EVELYNE : Et pourquoi je n’en aurais pas, moi des amours ? Tu crois peut-être que les hommes sont justes pour toi ? PATRICIA : Non, mais c’est drôle… tout à l’heure avec Thérèse on parlait des fantasmes des hommes.

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EVELYNE : Et… c’est quoi leurs fantasmes . THERESE : C’est vrai que la vie est bizarre, ton mari te fait cocue à tour de bras. EVELYNE : Oh avec l’âge il commence à se calmer. Mais bon il est travailleur, gentil, on ne peut pas tout leur demander a ses messieurs. THERESE : Oui n’empêche que tu devrais avoir tous les hommes à tes pieds ; EVELYNE : Moi ? PATRICIA : Oui toi. Thérèse a lu dans un magazine que tu étais le fantasme des hommes. EVELYNE : Moi, dans un magazine… Moi, le fantasme des hommes, je le saurais. PATRICIA : Si, tu es ronde, blonde… THERESE : Tu as des gros seins, à quatre-vingts pour cent tu es la femme idéale que chaque homme souhaite dans son lit. EVELYNE : Et les vingt pour cent qui manquent sont pour qui ? PATRICIA : C’est moi qui les ai ! THERESE : C’est toi qui les as ? PATRICIA : oui moi, j’ai ce qui vous manquera toujours… EVELYNE et THERESE : Quoi ? PATRICIA : L’âge, les filles, l’âge. EVELYNE : Un jour ton tour viendra. PATRICIA : là, vous serez hors d’âge. EVELYNE : Bon alors, que vous voulez savoir d’autre sur Arlette ? PATRICIA : Voilà quelques mois qu’elle travaille avec nous et on ne connaît rien sur elle. THERESE : elle ne parle jamais de sa vie, de ses journées ? EVELYNE : Il ne faut pas hésiter à me demander. Vous voulez savoir autre chose ? THERESE : Moi j’aime les cancans. Son mari est venu la chercher un soir, il n’est pas mal. PATRICIA : Et la veuve, tu t’excite ? THERESE : N’importe quoi, il est trop jeune.

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PATRICIA : Pour moi il est trop vieux. THERESE : Bizarre qu’une femme comme ça ait trompé son mari. En plus, elle est un peu curé… bizarre. EVELYNE : Il n’y a rien de bizarre. Et puis elle était jeune et lui toujours en déplacement. Elle a eu un amant, il y a douze ans de cela… elle est rangée maintenant. THERESE : Avec l’âge, on se calme. PATRICIA : J’espère bien que non. Tu te souviens de ta dernière chemise Évelyne ? EVELYNE : Heu oui justement, je l’ai achetée le mois dernier avec les points de Super U, c’est te dire si je m’en souviens. Pourquoi ? PATRICIA : Pour rien, juste pour savoir. EVELYNE : Et bien tu sais. Dans dix ans si les points super u existent encore tu feras comme moi. THERESE : Dix ans Patricia, dix ans, ça va si vite la vie. PATRICIA : Bon ça suffit vous deux, vous allez me foutre le bourdon. THERESE : C’est la vie, on ne peut avoir été et être encore. Tu connais d’autres trucs sur Arlette, Évelyne ? PATRICIA : Non suffit ! Sa vie semble trop calme, pour un coup de canif dans le contrat ce n’est pas assez excitant. Je vais rester pour ce soir encore dans mon rôle de femme fatale. THERESE : Patricia, la croqueuse d’hommes. Eh… tu nous racontes un peu ta vie… toi. PATRICIA : cela ne vous regarde pas, bande de concierges. THERESE : C’est toi qui dis ça ? EVELYNE : Moi j’aime savoir qui je côtoie. Alors, je me renseigne et je sais tout… THERESE : Ce qui fait que tu connais tout sur nous… ? EVELYNE : Tout, non il ne faut pas exagérer, juste ce qu’il faut. Tiens justement, toi Thérèse, tu ne sors plus avec le patron du bar « le balto ». THERESE : Qu’est-ce que cela peut te faire . Je ne m’occupe pas de savoir avec qui tu sors toi. EVELYNE : Ne te fâche pas, il n’y a pas de mal à se faire du bien. Si tu ne veux rien nous dire, c’est ta vie privée.

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N° 24 - Avant la première. Michel Fournier

Textes déposés à la SACD 15 — 26

THERESE : Alors, ferme là et occupe-toi de travailler ton rôle. PATRICIA : Le patron du Balto ? Ben dit donc Thérèse… mais c’est un vieux. EVELYNE : Vieux ? Il ne faut pas exagérer. Soixante-deux ans de nos jours, ce n’est rien… et puis il a des sous ! PATRICIA : Oui, s’il a des sous et elle une chemise… THERESE : Cela suffit, Armand, c’est juste un copain… et puis il est veuf. EVELYNE : Comme toi. Mais faites attention dans nos villes de province, tout se sait…, tout ! PATRICIA : Avec des nanas comme toi c’est obligé ? Toujours à guetter les autres. EVELYNE : Et alors tu étais bien contente de savoir des trucs sur Arlette, quand c’est sur toi c’est moins marrant. THERESE : Oui c’est vrai… mais il n’y a pas que le cul dans la vie ? PATRICIA : Non, il y a les seins... Tiens j’entends du bruit, c’est surement les autres qui arrivent.

Acte I Scène 3 (Thérèse – Patricia – Évelyne — Claudine)

Entrée de Claudine en pleurs. CLAUDINE : Bonsoir les filles… je ne vous embrasse pas. PATRICIA et EVELYNE : Bonsoir. THERESE : Bonsoir Claudine. Tu es déjà dans ton rôle de veuve. PATRICIA : Évelyne venait justement de mettre le cercueil en place. EVELYNE : Alors là, les filles, vous avez vu Claudine ?… Chapeau, elle tient bien son émotion… THERESE : Tu seras super pour la scène du deuil. PATRICIA : Arlette n’en reviendra pas… CLAUDINE : Mais… Sniff Sniff ! EVELYNE : Garde tes larmes pour tout à l’heure. THERESE : Mais ce sont de vraies larmes ? Tu pleures vraiment ?

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N° 24 - Avant la première. Michel Fournier

Textes déposés à la SACD 16 — 26

PATRICIA : C’est connu, un morceau d’oignon dans le mouchoir et tu pleure comme si tu avais vraiment un deuil. EVELYNE : Elle est bonne comédienne notre Claudine. THERESE : Fait attention elle va prendre ta place. PATRICIA : C’est vrai qu’elle joue bien cette scène. THERESE : Mets-toi derrière le cercueil Claudine pour voir l’effet. CLAUDINE : Sniff !... Je suis seule maintenant… je n’ai plus personne… PATRICIA : Ce n’est pas dans le texte ? THERESE : Elle improvise… c’est mieux… plus vrai… PATRICIA : On s’y croirait. CLAUDINE : Sniff, que vais-je devenir sans lui ?… Plus personne à qui parler. PATRICIA : Elle improvise toujours ? EVELYNE : Je le savais… elle ne se rappelle plus son texte… je le savais. THERESE : Laisse-la faire, c’est bon comme ça. Que de l’émotion… et des larmes. EVELYNE : Le but est de faire rigoler la salle, pas de les faire chialer. PATRICIA : Peu importe le résultat, c’est l’effet qui compte… c’est Arlette qui l’a dit ! EVELYNE : Vouai ! Je ne suis pas sure que l’auteur apprécie le changement… THERESE : Le principal est qu’elle soit bonne, et dans le ton. CLAUDINE : Sniff ! Mais je ne joue pas, je viens de perdre la seule personne de ma famille qui me restait. EVELYNE : Je croyais que tu étais de l’assistance publique ? CLAUDINE : Sniff ! Ben oui. THERESE : Sans famille et sans enfant ? CLAUDINE : Sniff ! Ben oui. EVELYNE : Tu disais que l’on était ta seule famille. THERESE : Si nous sommes ta famille, on n’est pas morte que je sache ?

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N° 24 - Avant la première. Michel Fournier

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CLAUDINE : Sniff ! Il y a déjà eu la mort de César ? PATRICIA : En aparté. César, c’était son cleb… un Chihuahua croisé avec Shih Tzu. Une bête féroce grosse comme mon poing… CLAUDINE : Sniff ! Mais non, il n’était pas féroce… Sniff ! Il se défendait quand vous lui marchiez dessus, normal. Pauvre César. EVELYNE : Pauvre César, il faut dire qu’il n’était pas bien gros… THERESE : On faisait attention pour ne pas lui marcher dessus. PATRICIA : N’empêche qu’une fois, alors que j’attendais le bus avec toi, il m’a pissé contre la jambe, le César. CLAUDINE : Sniff ! Il ne voyait plus très clair en dernier, il t’avait pris pour un lampadaire. EVELYNE : Un lampadaire… ben dit donc toi qui n’es pas une lumière, c’est flatteur. PATRICIA : Tu seras toujours aussi con toi ! CLAUDINE : Sniff ! Il ne l’a pas fait exprès. Il était tout gêné. PATRICIA : Peut-être, mais c’est quand même moi qui avait une bottine pleine comme une baignoire. EVELYNE : La prochaine fois, tu mettras des nus pieds. PATRICIA : Cela ne nous dit pas pourquoi elle pleure. THERESE : Oui, dis-nous, Claudine, pourquoi tu pleures en vrai. CLAUDINE : Sniff ! J’étais déjà arrivée sur cette terre toute seule, sans parents. Je n’ai jamais eu d’homme qui m’aime dans la vie. THERESE : Oh tu sais les hommes ! PATRICIA : Ceux qui disent t’aimer sont souvent des menteurs… EVELYNE : Comme cela, tu n’as jamais été cocue toi ! THERESE : C’est vrai que toi, tu connais le sujet. PATRICIA : Une biche avec des cornes, ce n’est plus une biche… EVELYNE : Oh ça va, je passe encore sous les portes. THERESE : Parce que tu es petite.

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CLAUDINE : Sniff ! J’aurais préféré être cocue au moins je n’aurais pas été seule. PATRICIA : Mais tu n’es pas seule, tu as le théâtre, tes rôles… CLAUDINE : Sniff ! J’ai toujours joué des rôles de veuve. PATRICIA : Pour une vieille fille, c’est marrant ça. CLAUDINE : Sniff ! Je n’avais comme compagnie que César, il m’a quitté le mois dernier et Christophe, il y a une heure. THERESE : Ah oui Christophe, je l’avais oublié. CLAUDINE : Sniff ! Plus personne pour me parler. EVELYNE : Surtout pour te siffler. CLAUDINE : Sniff ! C’était sa façon de m’accueillir, dès que je mettais ma clé dans la serrure, je l’entendais. Ce soir, quand je rentrerai après la répétition, l’appartement sera silencieux et vide. PATRICIA : D’un calme, tu veux dire. THERESE : Arrête ! On est là nous Claudine, tu peux compter sur nous. On ne te laissera pas tomber. PATRICIA : À quand l’enterrement ? EVELYNE : Arrête Patricia. Tu n’es pas drôle. THERESE : Oui c’est vrai, fais un effort… essaie d’être triste. PATRICIA : Vous ne voudriez pas que je pleure en plus ? CLAUDINE : Sniff ! Je l’aimais mon petit compagnon. THERESE : Pour être petit, il était petit. EVELYNE : Et lui il ne t’a jamais trompé. CLAUDINE : Sniff ! Si une fois, par une belle journée d’été… sur le balcon. EVELYNE : Même lui, le salaud et avec qui ? CLAUDINE : Sniff ! Une petite mésange qui passait par là. PATRICIA : Bon ce n’est pas fini vos conneries, vous n’allez quand même pas pleurer Christophe. CLAUDINE : Sniff et pourquoi on ne le pleurerait pas.

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PATRICIA : Je n’aimais déjà pas ton chien, alors ton Christophe… EVELYNE : Qui n’aime pas les bêtes n’aime pas les gens. THERESE : Si elle aime les… belles bêtes. PATRICIA : Oui, c’est vrai, moi les bestioles, ça me gonfle. CLAUDINE : Sniff ! Il faut que je fasse quelques choses pour lui. PATRICIA : Tu l’enroules dans un essuie-tout et… hop ! Dans le vide-ordure. CLAUDINE : Sniff ! Je ne te souhaite pas de perdre un être cher. PATRICIA : Ben tu vois, moi comme être cher ce mois-ci… c’est mon percepteur, alors si j’apprends sa disparition, je ne pleurerais pas. EVELYNE : Mauvais exemple ! PATRICIA : Pourquoi ? EVELYNE : Ils se reproduisent entre eux. THERESE Claudine si tu veut, quand toutes les filles seront là on fera une quête pour t’en offrir un plus beau. CLAUDINE : Vous êtes gentille, je savais que je pouvais compter sur vous. PATRICIA : Une quête ? À sept pour lui payez… un serin ? On ferait mieux de lui payer une annonce pour chercher un mec… THERESE : un mec qui aime les animaux ! CLAUDINE : Une annonce ? Un mec ? Pour quoi faire grand dieu ? THERESE : Pour s’occuper de ta chatte. CLAUDINE : Vous êtes gentilles, mais Mounette c’est fait écraser au passage à niveau à la sortie de la ville. THERESE : Tu vois EVELYNE, toi qui disais que le train n’était pas passé dessus, et bien c’est fait maintenant. CLAUDINE : Oh il y a déjà deux ans que le train est passé sur ma Mounette. Rires des trois filles et pleurs de Claudine. THERESE : Bon assez rigolé, je vais dans les loges passer ma tenue. Vous ne vous changez pas ? Arlette va arriver et on va se faire enguirlander.

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PATRICIA : Tu as raison, allons nous changer. EVELYNE : Je vous rejoins. Je voulais te demander un service Claudine. CLAUDINE : Dit toujours. EVELYNE : Arlette voudrait que je sois en noir pour la scène du cercueil. CLAUDINE : C’est une scène de deuil, c’est logique. EVELYNE : Oui, mais noir sur noir on ne me verra pas. CLAUDINE : On est toutes en noir sauf les gamines. Tu voudrais être comment ? EVELYNE : J’ai une jolie robe rouge toute froufroutante. CLAUDINE : En rouge, mais tu ne respectes rien. EVELYNE : C’est du théâtre… il n’y a pas mort d’homme. CLAUDINE : je te rappelle que l’on joue « Mort sur l’escabeau » et que nous sommes sensées être quatre veuves qui se retrouvent lors des obsèques de leur mari. EVELYNE : Je sais… je sais… bon tu ne veux pas m’aider à convaincre Arlette. CLAUDINE : Non ! Moi je suis comme Arlette, je ne veux pas d’histoire. C’est elle le metteur en scène, point barre. EVELYNE : Je te croyais ma copine ? CLAUDINE : Mais je suis la copine de vous toutes… du moins, je l’espère. EVELYNE : On ne le dirait pas. Si c’était Thérèse ou Patricia, tu dirais oui… mais moi ! CLAUDINE : Mais EVELYNE… tu ne vas pas me faire des histoires pour une robe noire ? EVELYNE : Pour une robe rouge. Je veux mettre une robe rouge pas une robe noire. CLAUDINE : Tu nous fais des caprices de gamines. Tu n’es pas sérieuse ? EVELYNE : Vas-y, continue, agresse-moi. Et pourquoi tu dis nous ? CLAUDINE : Nous, je n’ai pas dit, nous ? EVELYNE : Si, tu as dit « Tu NOUS fais un caprice de gamine » CLAUDINE : C’est vrai, tu nous fais un caprice de gamine… ta robe rouge, ta robe noire, moi je n’en ai rien à foutre. Tout ce que je sais c’est que je viens de perdre Christophe et que tu pourrais toi aussi, faire un effort.

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EVELYNE : Un effort… mais je ne vois pas le rapport entre la mort de ton Christophe et ma robe rouge. CLAUDINE : Moi si, tu te dis ma copine, tu n’es jamais contente, tu n’arrêtes pas de râler, je suis veuve moi, madame pourrait faire un geste et mettre une robe noire pour m’aider à porter le deuil… non, madame me fait chier avec sa robe rouge… EVELYNE : Vouaaa ! Calme-toi. C’est la première fois que je te vois en colère, et tout cela, pour un serin. CLAUDINE : Non, pour une robe rouge, et n’inverse pas les rôles. Oui, je suis en colère et j’en ai marre de faire du théâtre avec des filles qui ne pensent qu’à elles. Des filles qui sont là à faire des courbettes devant et qui par derrière te le mettent profond. EVELYNE : Sois polie s’il te plait ! CLAUDINE : Je suis polie ! Je comprends que l’on me traite de vieille fille, de mal baisée… EVELYNE : On n’a jamais dit cela. CLAUDINE : Ah bon, je croyais. EVELYNE : On n’a jamais été aussi loin envers toi. On a juste dit… une fois… pas baisée, ce n’est quand même pas pareil. CLAUDINE : Vas y continue à te foutre de moi. J’attends Arlette et je lui donne ma démission. EVELYNE : À quelques jours du spectacle, tu ne vas pas nous faire ça. On a besoin de toi. CLAUDINE : Toi, besoin de moi ? Cela m’étonnerait, tu fais toujours la chef. Et puis j’ai droit à trois jours pour un décès dans la famille. EVELYNE : Un serin n’est pas une famille… c’est nous ta famille. On va se cotiser et t’offrir un chien… un chat… un serin… d’accord… on fait la paix ? CLAUDINE : Oui, mais… EVELYNE : Quoi tu n’es pas contente ? CLAUDINE : Si, mais… EVELYNE : Mais quoi ? CLAUDINE : C’est gentil les animaux… mais si cela ne vous dérange pas… si c’est possible… la petite annonce… avant qu’il ne soit trop tard. EVELYNE : Et bien voilà Claudine, une sage décision.

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CLAUDINE : Rejoignons les autres pour nous préparer.

Acte I Scène 4 (Lucile et Anaïs)

Entrée fracassante de Lucile et Anaïs. LUCILE et ANAIS : On arrive du collège, on est crevées. LUCILE : Tiens c’est la première fois que l’on arrive les premières. ANAIS : Vouai ! Tu vois les vieilles comme elles sont mauvaises langues. LUCILE : La EVELYNE « Vous n’êtes pas sérieuses les gamines, on n’attend plus que vous pour démarrer. » ANAIS : Et la Thérèse, faux cul comme pas deux « Allez vous préparer mes petites chattes, on vous attendra encore un peu » LUCILE : Dis donc t’as vu le nouveau prof de dessins, qu’es ce qu’il est beau ! ANAIS : Oui, je l’ai eu cet aprèm. LUCILE : Et alors ? ANAIS : Vouai, pas mal pour un vieux ! LUCILE : Attends, un vieux ? Il doit tout juste avoir vingt-trois ans et encore. ANAIS : C’est bien ce que je disais, c’est un vieux, je préfère le nouveau prof de musique. LUCILE : Monsieur Moréno ? Mais il a au moins quarante ans. ANAIS : oui, mais j’aime bien les hommes avec les tempes grisonnantes, ma mère dit que ça leur donne du charme. LUCILE : Ta mère dit ça ? ANAIS : Oui, elle l’a dit plusieurs fois au proviseur ; LUCILE : Au proviseur ? Et il a répondu quoi, lui ? ANAIS : Rien, il a rougi et il m’a dit « Bon Anaïs, je passe pour cette fois, mais traiter Madame Durant de grosse, ce n’est pas gentil, tu as de la chance que ta maman est intervenue » LUCILE : Alors comme ça tu préfères le prof de musique ?

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ANAIS : Pour tout te dire, les profs, je leur fais des clins d’œil et des sourires pour ne pas avoir trop de mauvaises notes. LUCILE : Moi aussi, mon père, il ne rigole pas quand on va au conseil de classe. Il dit toujours « Lucile, quand feras-tu un effort pour être digne de ton père » ANAIS : Oui à croire qu’ils n’ont jamais été jeunes. Moi c’est ma mère qui va aux conseils de classe, elle ne dit trop rien. LUCILE : Tu as de la chance ta mère est cool. ANAIS : Non elle rouspète aussi quand j’ai une mauvaise note ou que je fais une bêtise. LUCILE : elle te punit ? ANAIS : Non, elle dit simplement. « Il va falloir que je passe encore une heure chez le proviseur pour arranger tes bêtises » LUCILE : Ah bon ta mère est convoquée chez le proviseur ? C’est drôle mon père n’y va jamais. ANAIS : Cherche pas à comprendre ce sont des histoires d’adultes, le principal c’est de ne pas être virée. LUCILE : J’attends le lycée avec impatience, j’en ai marre d’être avec des gamins. ANAIS : Le collège… le lycée… tout ça me gonfle. LUCILE : Tu n’aimes pas apprendre ? ANAIS : Si bien sur, mais mon rêve c’est d’être humoriste. LUCILE : C’est pour ça que tu fais du théâtre ? ANAIS : Vouai ! J’ai demandé à Arlette qu’elle m’aide à monter un spectacle. LUCILE : Elle n’a pas voulu ? Et avec qui ? ANAIS : Non, elle m’a dit « travaille d’abord avec la compagnie et on verra après. » LUCILE : Tout à fait une réponse d’adulte. ANAIS : Les adultes, tu croirais qu’ils n’ont jamais été jeunes. Ne fais pas ci, ne fais pas ça. Ils savent tout, ils ont tout fait et tout vu… tous des vieux cons. LUCILE : Je n’irais pas jusque-là. Que voulais-tu monter comme spectacle ? ANAIS : J’aime bien la Roumanoff ou Devos, tu vois un truc où tu es toute seule sur scène… c’est toi la vedette. Ici, les vieilles, ce sont elles qui font la pièce, nous on est juste là pour lancer le spectacle.

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LUCILE : Moi je m’en fous, c’est la première année avec les adultes avant je jouais avec le club des juniors. ANAIS : J’y suis allée une fois, cela ne m’a pas plu non plus. Une ambiance de gamins. LUCILE : Oui c’est sur, mais avec les vieilles ce n’est pas marrant, en plus elles critiquent tout et tout le monde. Mais on travaille dans une autre ambiance, on aborde un autre monde. ANAIS : Je n’aurais jamais imaginé que le monde des adultes soit aussi critique. LUCILE : On dit que le monde des enfants est un monde méchant, mais eux les adultes, ils sont lâches et hypocrites. ANAIS : Et individualistes… eh oui Lucile, nous allons devenir comme ça. LUCILE : Nous le sommes surement déjà. ANAIS : Oui, mais nous n’avons pas encore le bâton de maréchal. Le bâton du commandement, celui du pouvoir de l’adulte. LUCILE : Le bâton de la curiosité, le bâton « je sais tout » d’EVELYNE… ANAIS : Celui de la connaissance, le bâton « je fais tout bien » de Thérèse… LUCILE : Le bâton de l’amour, le bâton « je suis la plus belle » de Patricia… ANAIS : Et celui de Claudine, le bâton de l’égoïsme « je n’aime que moi » LUCILE : Il ne manque que celui d’Arlette… donnons-lui celui de la gentillesse, elle le mérite bien à se dévouer pour essayer de faire de nous des comédiennes. ANAIS : C’est marrant que l’on soit les premières aujourd’hui… tu es sure qu’il y a répétition ce soir ? LUCILE : Je crois, Arlette avait dit je serais surement en retard, mettez-vous en tenue, on affinera la scène du cercueil. ANAIS : Oui tu as raison. Tiens en attendant j’ai trouvé un truc… c’est Michel un copain à ma mère avait écrit ça il y à quelques années. LUCILE : C’est quoi ? ANAIS : Une sorte de sketch, je vais te le lire, tu veux bien ? LUCILE : Oui, c’est rigolo ? ANAIS : Tu verras… son titre c’est « Chapeaux » Bonjour… je suis un chapeau.

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Non ! Pas un vulgaire chapeau. Un vrai chapeau… un beau… un vrai. Un chapeau d’exposition. Un chapeau que l’on met en vitrine. Un chapeau que l’on admire. Je suis là, dans ma vitrine. À me pavaner… comme un Panama. Au côté d’un borsalino qui discute avec un Bogart. Dans un coin, le béret se penche sur un canotier. En bordure de vitrine, prête à s’échapper… L’Indiana attend son heure d’aventure… En compagnie du country et du Stetson. Ils sont tous là, à attendre un crâne… Velu avec des poils de brosse ou des poils longs. Des poils gominés… des raies… des mèches rebelles. Des crânes chauves brillants sous la lumière… Des crânes classes, des crânes de baroudeurs, de voyageurs. Des crânes de pécheurs, Des crans d’hommes tout simplement. Haut perché dans la vitrine, le Tyrolien montre sa plume. Au fond, ne se mélangeant pas aux autres, Le melon, le haut de forme et le diplomate. Semblent appartenir à un autre monde. Je suis là… au milieu de ce monde de couvre-chef. Je suis un chapeau… un beau… un vrai… Je suis… olé !... le sombréro ANAIS : Alors ? LUCILE : C’est joli, avec une belle mise en scène. ANAIS : Tu vois, j’aurais aimé le monter, avoir des chapeaux et faire un spectacle… une première partie d’une pièce par exemple. LUCILE : Oui, bien sûr, demande à Arlette qu’elle le monte, il faudrait deux ou trois autres textes pour faire vingt ou trente minutes. ANAIS : Toi aussi tu pourrais en faire un. LUCILE : Faire un spectacle toutes les deux, sans les vieilles, voua… ce serait super. ANAIS : On pourrait faire un truc ensemble… LUCILE : Toi, tu as une idée ? ANAIS : oui, mais faudra décider Arlette.

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LUCILE : Trouve le texte, Arlette, j’en fais mon affaire. ANAIS : J’ai un texte délirant là, qui pourrait le faire… LUCILE : Je savais bien que tu avais une idée derrière la tête. Passe-moi un texte. ANAIS : Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? LUCILE : Je ne vois rien, si ce n’est un petit chaperon rouge. ANAIS : Un petit chaperon rouge ? Est-il seul ? LUCILE : Oui, il a juste un grand panier avec un pot au lait. ANAIS : Alors, c’est Perrette qui s’en revient de chez sa grand-mère. LUCILE : Depuis quand Perrette porte-t-elle un chaperon rouge ? ANAIS : Depuis les dernières soldes. Elle l’a trouvé à la caverne d’Ali.

LUCILE : Chez Ali ? Le frère de Baba ? Il y avait les soldes ? Qua

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