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Walckenaer, Charles-Athanase (1771-1852). Histoire de la vie et des ouvrages de J. de La Fontaine. 1858.

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HISTOIRE DE LA VIE ET DES OUVRAGES DE

J.

DE

LA

FONTAINE

TYPOGRAPHIEH. FIRMIN DE DIDOT. MESNILEURE ( ).

HISTOIRE DE LA VIE ET DES DE LA OUVRAGES

J.

DE

FONTAINE

PAR C. A. WALCKENAER MEMBRE L'INSTITUT. DE Demarevenue enfance nfaitlesdliees. il Ducis. QUATRIME DITION, EETAUGMENTE D'APRS HOTES LES POSTHUMES DEL'AUTEUR. TOME PREMIER.

PARIS LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRRES, FILS ET Cie IHPKIHEDRS L'INSTITUT DE RUEJACOB, 56 1858 Droit etraductiondereproduction d et rserva.

NOTICE

HISTORIQUE

SUR LA VIE ET LES OUVRAGES DE M. LE BON WALCKENAER,

PAR M. NAUDET, ET DES I BELLES-LETTRES. DEL'ACADEMIENSCRIPTIONS PERPETUEL SECRTAIRE 1832. Lue dans la sancepubliqueannuelledu 12novembre

Au moment de prendre la parole pour vous entretenir de la vie et des travaux de M. le baron Walckenaer, une rflexion douloureuse me saisit : je songe que vos suffrages, on peut dire unanimes, avaient dsign d'abord, pour succder cette place et pour faire cet loge, un autre que moi ', qui semblait avoir de si nombreuses et si vaillantes annes consacrer au service de l'Acadmie, la gloire de l'Institut et des lettres franaises. Jeu terrible et mystrieux de la Providence ! Entre deux vieillards, dont l'un, en lui laissant son hritage acadmique, meurt plein de jours, de jours fortuns, et l'autre, qui avait applaudi aux succs de son enfance dj remarquable, devait, selon l'ordre naturel, lui demander tout au plus un loge funbre, et non une succession, l'homme jeune encore tombe dans sa forte maturit, lorsqu'il allait recueillir sa moisson si laborieusement prpare et dj si fconde. Mais chaque jour sa peine et son deuil. Le temps viendra M.EugneBurnouf, lu secrtaire perptuel le 14 mai 1852, mort le 23 du mmemois. a

II NOTICE SUR LA VIE ET LES OUVRAGES de dplorer cette perte irrparable. loignons aujourd'hui des proccupations trop affligeantes, qui nous dtourneraient du devoir prsent, non moins pieux, mais plus exempt d'amertume. Quel objet plus consolant, en effet, l'esprit pourrait-il choisir pour s'y reposer et s'y complaire en s'instruisant, que la longue carrire d'un homme de mrite et d'un homme de bien, toute remplie par une constante uniformit de devoirs gnreux, de services rendus au pays, de travaux utiles et houorables, de flicits de la famille, qu'interromun seul vnement lamentable, pent, au commencement, et dans un temps o les calamits n'pargnaient que ceux qui les faisaient peser sur les autres, puis, dans un ge plus ayanc, quelques-unes de ces preuves invitables pour qui a multipli, avec ses affections les plus intimes et les plus chres, les chances fatales des regrets. Charles-Athanase Walckenaer naquit Paris le 25 dcembre 1771. Il fut priv , ds son plus bas ge, du sourire et des soins de ses parents ; mais il trouva dans M. DuclosDufrnoy, son oncle, l'affection d'un pre. Tout ce que la richesse peut procurer de secours pour accomplir une ducation splendide et classique dans la maison paternelle lui Tut doun, lui fut prodigu ; il y manquait seulement la vigilance assidue et svre d'un mentor. M. Duclos-Dufrnoy, par sa fortune et par sa position , tait livr au grand monde, vers lequel l'attirait, outre la libralit de ses gots et de son caractre, le plus irrsistible des entranements, la satisfaction d'tre recherch pour luimme , pour la piquante vivacit de son esprit et le charm de ses qualits personnelles. Notaire et conseiller priv du roi, plac la tte de sa compagnie par une rputation de probit intgre et de haute capacit, ses talents et ses connaissances en conomie politique , ainsi que la grandeur et la multiplicit de ses relations, le portaient dans une sphre plus leve et dans un tourbillon

111 DE M. LE BARON WALCKENAER. d'affaires et de plaisirs la fois, selon les moeurs du temps. Il fut consult par les ministres, et plus d'une fois il leur vint en aide, grce aux transactions facilites par le crdit et la considration dont il jouissait, et il soutint le gouvernement, dans des circonstances orageuses, par des crits fort remarqus sur l'tat des ressources publiques. Sa maison tait le rendez-vous de ce que la finance et la robe avaient de plus distingu, avec une lite d'hommes de lettres, de savants et d'artistes, d'artistes surtout auxquels,; en sa qualit d'amateur clair, sa gnrosit et mme la sagacit de ses conseils ne furent point inutiles ; runion brillante , srieuse et enjoue, respirant une sensualit dlicate, et dans laquelle, de mme que dans toute la socit polie , alors, les femmes rgnaient et donnaient le ton par l'autorite de l'esprit et de la grce. Le jeune Walckenaer vivait ainsi, auprs de son oncle, dans une honnte libert, passionn pour les spectacles,; pour les conversations, pour tout ce qui pouvait animer et dvelopper sa pense. Que de sductions et d'cueils, s'il n'avait pas eu, pour y chapper, un double prservatif : d'abord, une insatiable envie d'apprendre, qui le ramenait; sans cesse des occupations solides et profitables; puis, la frquentation habituelle d'une autre maison, galement riche, mais moins bruyante et plus grave, celle de sa tante , reste veuve d'assez bonne heure, et admirable institutrice de sa famille nombreuse, au sein de laquelle s'levait une chaste et pieuse jeune fille, pouse destine au jeune Walckenaer dans les desseins de leurs parents, et qui devait rpandre sur la plus grande partie de sa vie tant de charme et de srnit. En attendant, l'colier, ou plutt le mondain de dix-sept ans, tait ft, caress dans les salons de son oncle, o l'on admirait, avec les agrments de sa figure et de ses manires, la prcocit de son intelligence et de son savoir. On se plaisait les mettre l'preuve; il rsolvait, ds l'ge de dix

NOTICE SUR LA VIE ET LES OUVRAGES ans, des problmes de mathmatiques ; une question d'histoire ne l'embarrassait pas ; l'abb Delille applaudissait ses traductions de Virgile et d'Horace en prose anglaise, et d'autres bouches encore lui adressaient des compliments qui le flattaient davantage. M. Duclos-Dufrnoy jugea qu'il tait temps de le drober au danger des solutions trop faciles de beaucoup de problmes qu'on aurait pu lui proposer, et il l'envoya en Angleterre et en Ecosse, pour frquenter les universits d'Oxford et de Glasgow et se perfectionner dans la pratique de la langue anglaise. C'tait un temps bien trange que celui o se rencontrait l'adolescence de M. Walckenaer : un scepticisme qui branlait toutes les bases de l'tat, avec une confiance aveugle dans des rves d'avenir; une aspiration universelle du peuple et de ce qu'on appelait alors les penseurs vers une rgnration sociale, dont on ne s'expliquait nettement et certainement ni les moyens ni les fins ; une impatience et fire hostilit contre le prsent, irrite, enhardie par le mpris systmatique du pass; l'imprvoyante insouciance des uns et les justes mais trop ardentes prtentions des autres, conspirant renverser au lieu d'abaisser par degr la barrire qui brusquement, sparait les classes et les conditions civiles, pour les confondre au lieu de les rapprocher et de les unir ; les rles travestis, intervertis dans tous les ordres et dans tous les rangs ; des courtisans qui trouvaient de bon got de dnigrer, dans les cercles de la ville, les puissances de la cour; des abbs qui se piquaient de passer pour esprits forts et pour modles de galanterie, tandis qu'une philosophie moqueuse et agressive sapait les garanties religieuses des bnfices dont ils vivaient sans devoirs et sans crainte; des grands seigneurs qui affectaient de se rendre populaires en se familiarisant avec la bourgeoisie et surtout avec les lettrs frondeurs, mais sans renoncer leurs privilges, et sans oublier la diffrence du sang ; une bourgeoisie qui, en sa qualit de tiers tat, lasse

IV

V DE M. LE BARONWALCKENAER. de n'avoir t rien jusque-l, voulait tre tout dsormais, sans rflchir qu'elle n'entrerait eu guerre que tranant de prs sa suite une arrire-garde qui pourrait bien se lasser son tour de la soutenir, et se prcipiterait sur elle pour la pousser en avant, et finirait par l'craser, si elle s'arrtait de repentir ou d'effroi ; les coryphes de la littrature n'estimant les dons du gnie qu'autant qu'ils servaient une polmique acharne sur le terrain de la religion et du gouvernement, et transportant la satire et le pamphlet dans le drame, dans le roman, dans l'histoire, et jusque dans la posie lgre ; le monde, l'envi de la littrature, mlant les questions brlantes aux propos frivoles, prenant feu pour l'Een mme temps! mile, le Contrat social et l'Encyclopdie, que pour les querelles des gluckistes et des piecinistes, et appelant grands cris la rforme des abus, en s'enivrant de dlices et de divertissements ; partout une fermentation me-; naante et un raffinement de mollesse et d'lgance voluptueuse, de sorte que jamais nation ne s'amusa tant si prs d'une catastrophe. Il y avait dj prs de vingt-cinq ans, sept ans avant la naissance de M. Walckenaer, que Voltaire, dans sa correspondance avec le marquis de Chauvelin , avait crit en riant cette prdiction sinistre : Tout ce que je vois jette les semences d'une rvolution qui arrivera immanquablement, et dont je n'aurai pas le plaisir d'tre tmoiu. Les Franais arrivent tard tout, mais enfin ils arrivent. La lumire s'est tellement rpandue de proche en proche, qu'on clatera la premire occasion ; et alors ce sera un beau tapage. Les jeunes'; gens sont bien heureux ; ils verront de belles choses. Le jeune Walckenaer tait de ceux qui pouvaient accueillir, et mme avec enthousiasme, les belles choses, mais qui n'aimaient point le tapage. Et bientt il s'arma pour le rprimer, 1 2 avril 1764. a.

NOTICE SUR LA VIE ET LES OUVRAGES et fit preuve de zle et de courage dans les rangs de la garde nationale : car, aux premiers clats de la tempte, il s'tait empress de traverser le dtroit pour se runir, sa famille. Les troubles croissant, la rquisition proclame, M. Duclos-Dufrnoy eut encore assez de pouvoir pour lui procurer une direction dans les transports militaires de l'arme des Pyrnes. Sa nature n lui permettait ni froideur ni lenteur dans un emploi quelconque de ses facults. II fit donc trsrapidement son apprentissage d'administrateur, et il servit bien la rpublique, qu'il n'aimait gure, et surtout avec plus de dsintressement que plusieurs de ses collgues qui l'aimaient beaucoup. Mais il lui tait impossible de rompre tout commerce avec les sciences. Ce genre de distraction faillit un jour lui coter cher. Pendant une tourne en Poitou pour une leve de chevaux destins aux convois, se trouvant au dpt de Saint-Maixent , il lui prit envie, si proche de la mer, de visiter ces parages. La gographie commenait l'occuper ; il en avait contract le got dans ses voyages Londres, peuttre dans les conversations du clbre Banks, le compagnon de Cook. Le voil sur le rivage, en face d l'le de Rh, une carte la main, braquant une longue-vue sur diffrents points de l'horizon. Par malheur, des gardes-ctes passent en cet endroit, l'aperoivent, l'observent: on devenait bientt suspect alors ; ils le prennent pour un espion de l'ennemi, et l'emmnent , malgr ses rclamations, et plus opinitrment en raison de leur vhmence, la Rochelle, o il est interrog, fouill, mis en prison. La forme trangre de son nom, une lettre en anglais, des pistolets anglais, qu'on saisit en mme temps que ses instruments d'optique , sa colre mme, qui brouillait un peu ses explications, tout concourait exciter la dfiance et la svrit des magistrats. L'affaire du prvenu prenait un tour alarmant. Un interprte improvis avait lu dans la lettre en anglais des mots de place attaque, de prise VI

VII DE M. LE BARON WALCKENAER. d'assaut. En ce temps, les procdures marchaient vite au dnoment, et l'incarcration seule pouvait avoir des chances fatales. Mais son cousin, M. Marcotte, averti par un message, vole son secours, et parvient, non sans peine, dmontrer qu'il s'agit, dans la lettre, d'une aventure galante, et prouver l'identit du fonctionnaire rpublicain; M. Walckenaer est enfin rendu la libert. Quelques jours de retard, il et t massacr dans la prison avec les autres dtenus. A peine chapp ce danger, il allait tomber dans un autre par bont de coeur. A vingt-trois ans (et pour le coeur, M. Walckenaer eut toute sa vie vingt-trois ans), il lui et t difficile de se tenir si bien en garde contre les entranements de l'amiti, qu'il ne se compromt jamais pour obliger. Plusieurs de ses amis furent introduits dans son service titre de commis ou de conducteurs, comme dans un asile o se cacher. Ce personnel de charrois tait trop bien ou trop mal compos, comme on voudra l'entendre, pour ne pas attirer les regards des patriotes. Vainement avait-on essay de leur donner le change par un simulacre de club o l'on faisait retentir les plus belles dclamations. Un oeil exerc distingue les sentiments qu'on a de ceux qu'on tche de feindre. Le club fut dnonc. Heureusement, c'tait au reprsentant Fraud, qui, ne cherchant point de victimes, ne trouva pas de criminels. Mais on annonait l'arrive imminente d'un autre proconsul moins traitable. Il tait temps de se drober aux inquisitions ; M. Walckenaer se hta d'aller se mettre sous la protection du gnral de l'arme des Pyrnes, Dugommier, qu'il connaissait, et qui lui accorda un passe-port. Mais, Bordeaux , un, obstacle imprvu l'arrte. Tallien avait mis en interdiction les postes du Midi. Il faut obtenir une exception ; mais point de rponse aux messages, point d'accs auprs de la personne. Que faire? M. Walckenaer escalade le mur du jardin, et se trouve en face du reprsentant, qui se promenait. Celui-ci, d'abord un peu surpris de cette manire

NOTICE SUR LA VIE ET LES OUVRAGES nouvelle d'emporter une audience, coute cependant le solliciteur : Il y a pril pour le train des quipages, et par consquent pour l'arme, si on lui reruse les moyens d'aller, devant le comit de la guerre, exposer l'tat des choses , expliquer ses projets, discuter ses demandes. La physionomie ouverte du jeune administrateur, son air d'assurance aidant l'effet des paroles, le permis lui est dlivr, et il court Paris, non pas devant le comit, mais dans une maison du o il demeure ignor. faubourg Saint-Germain, Tandis qu'il avait men cette vie d'affaires et un peu d'aventures sous son dguisement officiel, la tte de son oncle tait tombe sur l'chafaud, et la victime avait pu dire comme le proscrit de Sylla.: Ah ! malheureux, ce sont mes grands biens qui me tuent ! La terreur eut son terme. Un dcret de la Convention venait de crer l'cole polytechnique. M. Walckenaer s'inscrivit sur la liste des candidats, et fut admis I. Il puisa, il dvora VIII 1 M. Walckenaerse rappelait toujoursavec plaisir lesliens qui l'attachaient l'Ecolepolytechnique. J'extrais le passagesuivant du discoursqu'il pronona en, 1817lorsqu'il prsida, en remplacementde M. de Chabrolde Volvic,prfet de la Seine, la sanced'ouverturedu concours d'admission: Onvit alors un spectacle peut-tre unique dans les,annales de l'enseignement: au milieu d'unenationen dlire et de l'Europeensanglante,les et ceux savantsles plus illustresdans les sciences physiques mathmatiques, dont la carrire paraissait acheveet dont la gloire tait complte,se avide runissentpour se consacrertout entiers l'instructiond'une jeunesse de les entendre. Pour hter ses progrs,les plus rudestravaux ne les effrayent,point, et, dans les heures d'intervalle d'un pnible enseignement, connues a en inet ils s'occupentsansrelche perfectionnerles mthodes venter de nouvelles.Bientt, le suecscouronnantdesi grandseffortset de si grandstalents, ils s'aperoivent u'ils nesont plus entourspar deslves q balbutiantdesnotionslmentaires,mais par des disciplescapables des'lancer dans les hauls rgionsde l'esprit humain. Alors, non contentsde les guider, ils les entranent avec eux : avec euxet par eux ils font de noudans l'empiredessciences,et en reculentles limites. vellesconqutes de Pluson est loin soi-mme pouvoir prtendre aucune espced'il-

IX DE M. LE BARON WALCKENAER. l'instruction dans tous les cours, et il figura dignement dans cette promotion de l'an III, illustre par tant de noms qui brillrent dans toutes les carrires, ingnieurs, magistrats, professeurs, gnraux: Brochant de Villiers, Francoeur, Malus,Chezy, de Vailly, Dutens, Chabrol de Volvic, Tupinier, le gnral Bernard, d'autres que je nommerais encore, si je n'tais retenu par un scrupule de pudeur en leur prsence (Eh ! pourquoi, parce qu'ils peuvent ou m'entendre aujourd'hui ou me lire demain, serais-je plus modeste pour eux que la renomme et que l'histoire?), Sainte-Aulaire, Jomard, Poinsot, Biot. L'ambition fut toujours la moindre des passions de M. Walckenaer, quand mme une courte et dure exprience ne l'et pas dgot des fonctions publiques. Il ne demanda aucune de celles auxquelles il avait acquis des titres. Amasser une ample provision de semences pour la culture des sciences et des lettres avait t son but ; et d'ailleurs il venait de contracter cette union qui en donnant la noble veuve sa tante un fils de plus, ses jeunes cousins un frre et un guide, luimme une compagne aimable et dvoue, leur faisait sentir tous le besoin de vivre insparables, contents de quelques dbris sauvs du naufrage, qui leur donneraient le temps de se prparer un avenir meilleur, dans une tranquille indpenlustrntion,plus il est doux, plus il est facile derendre une clatantejustice ses ancienscompagnons d'tude; et si une faussemodestiem'avait fait passersoussilencele tableau des premierslvesde l'cole polytechnique, dontj'ai fait partie, il et suffi, pour le retracer toat entier vos yeux, de nommerceuxd'entre eux qui ornentnos acadmies,qui remplissent avec tant d'clat et d'utilit pour la patrie des emplois distingus dans les conseils du roi, dans les cours souveraines,dans l'arme, dans l'adminisirationpublique. Et certesje n'eussepoint oubli danscettehonorable liste et le magistrat clairque j'ai l'honneurde reprsenterici, et netre examiaateur , que la plus clbre des compagniesavantes de s ** l'Europea jug digne de remplacerdans son sein l'illustre Lagrange M.Poinsot. Moniteurdu20 aot1817,P.916.

NOTICE SUR LA VIE ET LES OUVRAGES dance et dans un loisir selon les gots de M Walckenaer, un loisir occup, la campagne, sjour qu'il affectionna dans toutes les conditions et toutes les poques de sa vie. II avait confiance en lui-mme, en son courage aid de facults puissantes, et il avait doubl sa force, du moment o il se vit responsable d'une autre existence que la sienne. C'est un ressort d'une grande nergie pour une me bien ne, que le devoir, et un tel devoir. Ses heures furent bien remplies. C'est l que, par d'immenses lectures et par la lecture intelligente et passionne de ce grand livre que la nature tenait ouvert devant ses yeux, il se rendit non pas encore savant (je le compare lui-mme), mais tout prt l'tre. Cependant on aurait difficilement saisi dans ses premires productions, qui parurent en 1798 et 1799, un pronostic de sa vocation future. Elles tmoignaient d'une certaine sve de pense, d'un jugement prompt et hardi, mais par des observations plus tendues qu'approfondies. Elles trahissaient l'indcision d'un talent qui cherche sa voie, et qui se hasarde avant de s'tre suffisamment orient. Il dbuta par l'Essai sur l'histoire de l'espce humaine. La jeunesse aime crer par la synthse, et s'impatiente des lenteurs de l'analyse. Il lui plat de transformer les faits singuliers en lois gnrales, et les conjectures en axiomes; de rgner et de dogmatiser sans obstacle dans les espaces infinis de l'histoire spculative, et de construire des thories sur les fondements de ses illusions trs-srieuses. Son Essai fut bientt suivi de deux romans, dont l'un eut les honneurs d'une traduction allemande, et l'autre ceux d'une seconde dition. C'tait en quelque sorte un progrs ; l'auteur entrait plus franchement dans le domaine de l'imagination. Il obissait alors au got du jour dans le choix de ses sujets : un roman philosophique, des considrations sur les origines hypothtiques des socits et des gouvernements.

X

XI DE M. LE BARON WALCKENAER. Un indiscret et dangereux ami, dans une annonce de journal , crut lui rendre un bon office en lui attribuant le dessein et la prtention, si des circonstances imprieuses ne l'eussent arrt, de pntrer dans l'obscurit de l'histoire pour des historiens dvoiler les erreurs, les passions,l'ignorance contemporains, de dvelopper les causes de la stabilit, de la prosprit et de la dcadence des nations, et de donner par l la politique une base pose sur les faits et sur l'exprience, qui la placerait au rang des sciences exactes, etc. I. La pense tait bien venue au jeune auteur de critiquer un peu l'Esprit des lois, mais non de faire mieux et plus. Dans un ge plus mr, il recueillit avec respect quelques manuscrits de Montesquieu, et il fit son loge historique. doii par la nature, mais trs-suscepTrs-heureusement tible des impressions du monde extrieur, M. Walckenaer est un des exemples les plus remarquables de J'influence que l'ducation, les conjonctures, les amitis peuvent exercer sur un esprit d'une conception facile et d'une mobile nergie. Cette ducation libre et toute pleine d'enchantements dans son premier ge, cette multiplicit de connaissances acquises sans discipline et sans but prescrit, l'avaient accoutum se livrer aux inspirations du moment, et lui donnaient beaucoup d'aptitudes diverses, sans y imprimer une direction prcise et assure. Il tait tout l'oppos de ces hommes dont, au dire du matre, l'unit d'application fait le gnie, Timeo. unius libri virum. C'est M. Walckenaer qui m'a en quelque sorte dict lui-mme ces rflexions, lorsque, dans l'introduction d'un de ses plus savants ouvrages , par un touchant retour sur le pass, presque septuagnaire, il se reprochait ses tudes trop varies, et poussait la modestie de sa confession jusqu' se mconnatre et regretter, l'injuste et l'ingrat ! encycl.,4c anne,t. 21Mayas, ancienne...des II, p, 469. p. 64. Gographie Gaules,t. II, I,

XII

NOTICE SUR LA VIE ET LES OUVRAGES

d'avoir perdu trop d'annes ce qui fait une si grande partie de sa gloire et ses liens avec nous, aux poursuites de l'rudition. Quelle que soit la leon tirer de cet aveu, il faut bien reconnatre que chez M. Walckenaer le caractre dominait souverainement les habitudes de l'esprit, et que, s'il ne lui fut pas possible de s'enchaner un seul objet, il se fit une loi de traiter chacun de ceux qui attiraient tour tour sa prdilection, avec une tnacit d'enqute, une curiosit d'exactitude , qui lui ont mrit la plac qu'il occupe dans le monde savant. Il revint Paris, o il renoua d'anciennes liaisons et en forma de nouvelles, principalement avec des membres de l'Institut : l'abb Delille, qui se plaisait causer avec lui des salons d'autrefois, et lui demanda sans doute pour sa seconde dition de l'Enide, qu'il ne devait pas voir, des notes gographiques , dont l'ensemble est une des meilleures tudes de d'auteur en ce genre I ; M. Lacroix, qui ajouta une prface et prta l'autorit de son adhsion la traduction de la gographie de Pinkerton, modifie, corrige, refaite en plusieurs 1Un savant hellnistea bien voulu me communiquerce passagecurieux d'une lettre que M. Walckenaerlui crivit pour le remercier de l'envoi de quelques-unsde ses ouvrages: " En onvraut un des deux volumes, je suis tombsur une phrasequi pourrait devenirpour moi le sujet d'un assez long commentaire,si j'avais le temps de l'crire , et vous de le lire. Lorsqueje fus parvenu faire recomposerpar M. Delilletoute la partie de la navigation autour de la Sicile pour la secondedition de la traduction de (il l'Enide avait, dans la premire,brouill toute la gographie, si exacte dansle poteancien), madame Delilledsira que j'engageasseson mari traduire les Bucoliques afin de revendreun Virgile incomplet.J'eus alors , avec Delilleune de ces discussionsauxquelles il aimait tant se livrer avecceux qu'il savait sincresamantsde la posieet de la belle littrarature, etc. i s M. Walckenaere plaisait raconter les anecdotesdesoncommercentime avec l'abb Delille.

XIII DE M. LE BARON WALCKENAER. celui de la France ; articles importants , particulirement George Cuvier, qui s'associa, en 1809, au traducteur des Voyages de D. Felix d'Azara dans l'Amrique mridionale, et jugea ce travail assez beau pour l'enrichir de ses notes; MM. Gosselin, Dacier, de Sacy ; sous les auspices desquels ! il s'engagea dans des rgions qui ne lui taient pas inconnues, mais o des sentiers plus rudes et plus ardus allaient le conduire plus droit et plus vite au terme de sa lgitime ambition. Ds lors il se consacra entirement au labeur patient, mais fcond, de l'rudition et des sciences naturelles. Un changement frappant s'est opr en lui; L'historien un peu aventureux de l'espce humaine se renferme tout coup dans le cercle troit et obscur d'une aride philologie. Il a dcouvert un gographe du huitime sicle, du nom de Dicuil, compilateur peu instruit, incorrect et barbare dans son langage, mais prcieux, par les fragments de tables thodosiennes pars dans son livre, pour la connaissance des divisions poli- tiques de l'empire romain au quatrime sicle. M. Walckenaer en fait une dition si fidlement, si scrupuleusement copie sur l'original, que les manuscrits mme semblent s'tre rpandus en Europe et s'offrir aux lucubrations des rudits en nombre gal celui des exemplaires du livre imprim . Deux ans auparavant ( 1805), il avait livr au public ses Tableaux des Jranides, dont les premires esquisses lui I Voicile tmoignageque Pinkertonlui mmerendait sontraducteur : s La traduction franaise de cet ouvragea contribu par son grand succs ouvrir denouvellessourcesd'instruction; et je ne puis me dispenser de reconnatreque l'crivain auquel on la doit est un bomme qui s'lveaudessusdes traducteurs ordinaires, et qu'il a enrichile texte d'un grand nombrede notes prcieuses. Et dans celte dition l'auteur anglais traduisait son tour l'article France, tel qae M.Walckenaer l'avait refait, et il lui emprunta une grande. partie de ses notes, ayant soin d'en avertir le lecteur. 2 Il avait ainsi prar le texte d'un des travaux qui commencrent la gloire de Letronne. b

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avaient tellement acquis les suffrages du clbre entomologiste Fabricius, que celui-ci apporta de Kiel au savant franais ses propres collections. Le professeur danois avait pressenti Je lgislateur de cette branche considrable de l'entomologie. Qu'on ne me croie pas assez tmraire pour prononcer de mon chef la critique ou l'loge en pareille matire ; mais mon devoir est d'enregistrer ici avec dfrence et confiance l'opinion des juges comptents I. Ils ont approuv encore, mais en la plaant un moins haut degr d'estime, la Faune parisienne, qui date de 18022. M. Walckenaer semblait tenter ainsi les abords de l'Acadmie des sciences et de celle des inscriptions et belles-lettres. L'oceasion d'un concours l'attacha, sinon exclusivement , du moins pour toujours , la seconde. Elle proposait, en 1810, un sujet immense, capable d'exercer les mditations d'une vie entire, en traant ce programme : Rechercher quels ont t les peuples qui ont habit les Gaules cisalpine et transalpine aux diffrentes poques 1J'cris ce qui suit sousla dicted'un savant illastre : Le travail entole mologique plus important de M. Walckenaerest son livre intitul: TableaudesAranides, et publi en 1805.M.Walckenaera t le premier tudier d'uae manirecomparative et approfondieles. caractresfournis par l'appareil buccalet par le mode de groupementdes yeux des araignes; et le systmede classificationqu'il a ainsi tabli sert encoreaude jourd'hui de base pour la distributionmthodique cesanimaux.C'estun travail qui fait rellement poquedans une brancheconsidrablede l'entomologie. i M.Walckenaera publiplus rcemment uelquesobservationsntresf q santssur la Faunefranaise ( autre ouvrage que la Faune parisienne); et dans ces derniresannesil a expos d'une manireplus compltel'enrelativement la structure extrieure,.auxmoeurs sembledesesrecherches et la classification araignes,dans un ouvrage en trois volumesintides tul : Histoirenaturelledes insectesaptres, et faisant partie des suites de Buffon imprimes Roret. s , par encorele Journal des Savants, anne1836,numrodejuillet. Voyez 2 Fauneparisienne, ouHistoireabrge insectesdesenvirons Paris. de des

XV DE M. LE BARON WALCKENAER. dterminer l'emantrieures Vanne 410 de Jsus-Christ; placement des villes capitales de ces peuples et l'tendue du territoire qu'ils occupaient; tracer les changements successifs qui onteu lieu dans les divisions des Gaules en provinces. Une circonstance qui semblait la mdiocrit faciliter l'entreprise la rendait, aux yeux des habiles , plus pineuse et plus redoutable : on avait explorer des pays parcourus, dcrits par Danville, et il fallait, aprs lui, les clairer d'un jour nouveau. M. Walckenaer divisa son Mmoire en trois poques : 1 l'ge antrieur la conqute de la Gaule transalpine par Csar, celui des irruptions diverses, des longues fluctuations, de l'tablissement dfinitif des races ibriennes, celtiques, teutoniques dans les contres qu'entourent les Pyrnes, l'Ocan, le Rhin, les Alpes, et mme par del les Alpes, le P et les Apennins ; 2 ensuite, la frontire des Alpes releve par les victoires de Csar et d'Auguste entre l'Italie et la province gauloise, et la division provinciale remplaant les divisions des anciens peuples ; 3 enfin, les innovations opres successivement dans la topographie des gouvernements et des cits, et dans ce vaste rseau des voies militaires, impriales, depuis Auguste jusqu' l'extinction de l'empire. Il parut avoir si bien rempli les conditions du programme, que ses juges, aprs l'avoir couronn, relevaient, deux ans peine couls, au rang de leur confrre. Il nous a rvl lui-mme, avec une rare bonne foi, le secret d'une conjoncture qui lui.assurait une incontestable supriorit sur ses concurrents ; mais de pareils bonheurs n'arrivent qu'aux initis de premier ordre, munis d'une ample et forte instruction. Il venait d'achever son analyse gographique des itinraires anciens pour les Gaules cisalpine et transalpine, quand le concours s'ouvrit. Il ne parle pas de ses tudes critiques, dj trs-avances, sur les ditions de Ptolme et sur les cartes informes, mais instructives, qui accompagnent ces ditions; il ne parle pas d'une infinit de

NOTICE SUR LA VIE ET LES OUVRAGES documents qu'il avait amasss dans la familiarit de son commerce avec les gographes et les historiens de l'antiquit , ni des instruments prcis de vrification qu'il s'tait faits avec les notions des sciences mathmatiques. Le succs avait fix sa destine. Mais, aprs les preuves des temps difficiles, vinrent celles de la prosprit. La vieille royaut, son retour en 1814, trouva en lui un royaliste d'origine et d'affection, mais modr, sans prjugs, sans rancune, bienveillant pour tous, et partisan de ce temprament du pouvoir et de la libert, dont Tacite avait vu l'idal ralis sous Trajan. La rvolution politique amena dans ses affaires personnelles toute une rvolution, trs-heureuse quant la fortune, dangereuse pour la carrire qu'il avait embrasse. Sa famille recouvra une partie des biens qu'elle avait perdus, et M. Lan, son ami, dont les sentiments taient les siens, lui fit accepter les fonctions de maire du et, peu prs, celles de secrcinquime arrondissement, taire gnral de la prfecture de la Seine, dans lesquelles, associ par la confiance plus que subordonn par la hirarchie son ancien camarade d'Ecole polytechnique, M. de Chabrol, il seconda dignement cette honnte, habile et bienfaisante dilit. Quelques-uns de ses amis pensrent alors qu'il tait dsirer pour lui d'ajouter l'estime d'un nom ennobli par le mrite le relief d'un titre nobiliaire ; des lettres patentes lui confrrent celui de baron en 1823. On l'avait port pour candidat ladputation, l'anne prcdente, et il avait eu le bonheur d'chouer. Enfin, aprs dix ans de coopration et de parfaite unanimit, il ne se spara de M. de Chabrol que pour devenir son collgue et porter dans le dpartement de la Nivre les excellentes pratiques administratives dont l'exemple lui avait d'autant mieux profit, qu'il y avait particip lui-mme. Il avait commenc sous les auspices de M. Lan, il reut sa dernire promotion de M. de MartiXVI

gnac, l'Aisne. Durant ces quatorze annes, on ne le vit manquer aucun de ses devoirs, ni l'assiduit, leon et contrainte quitable et douce pour les infrieurs, ni cette facilit d'accs, politesse de l'homme public, une partie aussi de ses devoirs, mais en mme temps une partie de son autorit. On serait tent de croire que les affaires prises si fort coeur allaient absorber tous ses moments et toutes ses penses, et que les lettres n'y devaient plus dsormais trouver place que comme des souvenirs. Cependant il n'y eut point dans toute sa vie de priode plus fertile pour sa renomme, plus lucrative pour ses libraires. Et chose noter encore : des commis philosoont remarqu qu'il fut du petit nomphes et observateurs bre des hommes de lettres devenus administrateurs qui ne portaient leur bureau ni manuscrits revoir ni preuves corriger. C'est qu'il prit le contre-pied de la rgle de conduite que son ami la Fontaine s'tait faite : il dormait peu et travail-! lait tout le jour. Lorsqu'il entrait dans son cabinet de secrtaire gnral ou de prfet, il avait pass dj quatre ou cinq heures dans sa bibliothque , et il attendit souvent les autres et ne se fit jamais attendre. Telle fut son hygine administrative et littraire pour concilier en conscience les lettres et l'administration. Il dut la Fontaine le commencement de sa rputation d'historien, une de ses inspirations les plus heureuses , un succs de vogue et de dure ; la Fontaine lui doit une sorte de rhabilitation aprs tous les rcits dont on avait charg sa mmoire, et l'honneur de M. Walckenear est d'avoir li ja- ; mais son nom celui du fabuliste. Ce n'tait pas un faible mrite, en parlant d'un personnage si aim et si populaire, de nous apprendre des choses que nous ne savions pas, de nous en faire mieux connatre d'aub.

XVII DE M. LE BARON WALCKENAER. de qui le mit, en 1829, la tte du dpartement

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tres que nous savions mal ou incompltement, de dtruire des erreurs accrdites. On lui sut gr encore d'avoir eu, en un tel sujet, le bon got de la simplicit et l'lgance du naturel en n'affectant que le vrai, et de dpouiller l'amourpropre d'auteur par amour pour son hros. Les crivains qui ont compos de trs-beaux loges de la Fontaine n'ont qu'un tort, c'est de nous occuper d'eux-mmes plus que du pote, et de mettre avec prmditation trop d'esprit louer la navet du bonhomme. Je les admire ; j'aime mieux qu'on me le montre lui-mme, lui-seul, sans appareil, sans ornement, tel qu'il fut, tel qu'il vcut, lui tout entier. M. Walckenaer aspirait et russit rsoudre ou plutt faire vanouir ce problme qui se prsentait toujours la rflexion quand on lisait la plupart des compilateurs d'a Comment se put-il faire qu'un necdotes sur la Fontaine homme qui ne savait ni converser ni vivre ft si recherch par Molire, Racine, Boileau mme, et par la socit la plus aimable et la plus brillante de son temps? La vanit de quelques grands seigneurs peut bien leur donner l'ide de montrer chez eux un auteur de renom ; le monde ; peut tre curieux, comme dit Fontenelle, de l'avoir vu plutt que de le voir ; mais on n'en fait point son commensal et son ami, si tout ce qu'il a de bon peut s'acheter six francs chez le libraire. Les biographes avaient exagr ses distractions et ses inadvertances jusqu' la caricature, pour la satisfaction des gens qui aiment regarder les hommes de gnie par un ct ridicule, et de ceux qui se flattent qu'on a du gnie quand on a ds distractions. Aprs avoir lu M. Walckenaer , je comprends que Saintvremont ait entam et poursuivi avec quelque opinitret toute une intrigue diplomatique pour enlever la Fontaine madame d'Hervart, et l'attirer en Angleterre, la cour des duchesses de Mazarin et de Bouillon, ces charmantes exiles. Ni( les trois ditions de cette histoire en moins de quatre

XIX DE M. LE BARON WALCKENAER. ans, ni la multitude de notices dans lesquelles il retraa la vie de tant d'hommes clbres de l'antiquit et des temps modernes, et d'autres injustement oublis, pour lesquels il revendiqua et refit une clbrit 1 , ni les piquantes recherches sur les contes de fes et sur l'origine des feries, ces fantaisies fabuleuses dont il retrouve la gnalogie dans l'histoire des peuples et des superstitions de l'Asie orientale, ni beau-' coup d'autres publications de littrature solide et agrable la fois, ne pouvaient arrter les retours frquents de M. Walckenaer vers les sciences gographiques et naturelles, pour lesquelles sa passion ne s'affaiblit jamais. En 1815, sa Cosmologie, o la description du globe s'illumine par le concours de l'astronomie, de la physique, de la gologie et de l'histoire, excellent livre lmentaire, utile mme aux hommes instruits. En 1817, le Mmoire sur les abeilles solitaires qui composent te genre halicte. C'tait encore une biographie pleine d'intrt dramatique et d'observations de moeurs, o se montre le narrateur ingnieux et facile, ainsi que le naturaliste consomm ; biographie d'une petite tribu, dont il a fait reconnatre le droit de cit dans la classification des abeilles2 , en mme temps qu'il la crait la science par une rvlation. Que d'tres errent dans l'espace, circulent dans les eaux , s'agitent sous l'herbe, qui sont pour nous comme s'ils n'existaient pas! Faire connatre, c'est crer; la sagacit qui dcouvre, c'est l'invention, c'est la posie du savant. 1Entre autres, de Maucroix, uclos-Dufrenoy, l'auteurd'une D Tsalmanazar, partie de l'Histoireuniverselle anglaise. 2 a M.Walckenaer 'tait occupde la classification abeilles.II a obs des servqae danscettefamilleles abeillesmineuses ouvaientformerun genre p particulier, dont le caractre essentielest, dans les femelles,un sillon longitudinalau dos du dernier segment e l'abdomen.M. Kirby, dansson d excellenteHistoiredes abeillesd'Angleterre, a adopt cette division, et il a fait du genrehalictede M. Walckenaerla quatrimedivisiondu grand genremlite. ( Annales encyclop., 818,t. 1, p. 181.) 1

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En 1819 vient le Tableau historique et gographique de la Polynsie et de l'Australie, exposition aussi neuve que docte, alors que cette cinquime partie du monde venait de prendre son rang la suite de ses anes ; oeuvre de matre, qui marquait des rformes aux systmes antrieurs, et n'eu a pas subi I. En 1821, les Recherch es sur l'intrieur de l' Afrique septentrionale, qui semblaient pressentir la conqute franaise et signalaient de loin la route une gnration future de savants voyageurs et aux explorations armes de nos lgions, qui allaient renouveler les victoires et redresser les monuments des lgions romaines dans les municipes dcouverts et restaurs. Enfin, de 1826 1830, l'Histoire gnrale des Voyages, que les immenses proportions qu'elle avait prises forcrent de s'arrter au vingt et unime volume, et au tiers peine de la route ; vaste et riche rpertoire, plus consult que vant par ceux qui profitent en le consultant. Les tudes gographiques, il faut l'avouer, avaient langui dans les dernires annes du dix-huitime sicle et au commencement du ntre. M. Walckenaer sera cit au premier ; rang des hommes de savoir et d'action dont les ouvrages, les exemples, les fondations, celle entre autre d'une socit illustre 2 , concoururent raviver cette branche si essentielle i des connaissances humaines. Il me semblerait que je manque aux intentions de M. Walckenaer, qui fut ausssi de la grande promotion universitaire de 1809, parmi les professeurs d'histoire choisis par M. de Fontanes pour les futures facults des lettres 3, si j'oubliais la part que l'Universit, alors puis- ! sant, a prise ce mouvement de renaissance par ses exer1Voy.Journaldes Savants, avril, p. 214-224;juillet, p. 104-416. 2 La Socitde gographie fonde 1821. en , 3 Voirle Moniteur,23 novembre 1809,p. 1297,

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cices de gographie compare dans le concours d'agrgation d'histoire, par les leons et les livres estimables autant que nombreux de ses professeurs, par un enseignement spcial qui honore depuis tant d'annes la Facult des lettres de Paris I. M. Walckenaer tait tout prs d'atteindre sa soixantime anne, lorsqu'une quatrime rvolution le rendit, en 1830, la vie prive, en renversant un trne qu'il aimait. Ce fut pour lui une douleur sincre autant que dsintresse ; ce ne fut point un drangement. On ne peut pas dire qu'il se remit travailler, il continua, sans plus rien donner de son temps aux emplois publics : car le titre passager de trsorier de la bibliothque nationale, et celui de conservateur adjoint qu'il garda jusqu' sa mort dans le mme tablissement, ne firent jamais obstacle ni mme diversion ses libres et infatigables tudes. L'histoire de sa vie, dater de ce moment, est dans l'numration de ses ouvrages, qui serait trop longue ici ; bornons-nous en nommer quelques-uns. Un libraire intelligent conut, vers l'anne 1837, le projet d'ajouter de nouvelles suites Buffon; il fit appel aux notabilits de la science, et M. Walckenaer figura, non sans distinction , dans ce cortge des Blainville, des Dumril, des BlilneEdwards, en apportant pour son contingent les trois volumes de l'Histoire des insectes aptres. Il a, dans le mme genre, un autre crit que je ne saurais oublier : car c'est moi qui lui en donnai le sujet sans m'en douter, et lui fournis par mon ignorance cette nouvelle occasion de montrer son savoir, pour air si dire, argent comptant. Ayant rencontr, dans un passage de Plaute, le nom 1 Cette chaire fut d'abord occupepar MM.Barbier du Bocagepre et fils, successivement; lle est remplieaujourd'huipar M. Guigniauddepuis, e seizeans.

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d'un insecte, involoulus, que je ne connaissais pas, et sur lequel les dictionnaires ne m'apprenaient rien, j'allai consulter M. Walckenaer, toujours prt donner un bon avis ou rsoudre une question difficile. Un nom seulement s'offrait son attention; aussitt, la mditation alimente par la science ayant fcond la matire, il rpondit par un Mmoire sur les insectes qui nuisent la vigne, o l'rudition ne laissait rien dsirer , et tel que pouvait seul le faire un profond entomologiste. Du mme coup, une lacune fut remplie dans l'histoire de l'agronomie ancienne, et un chapitre intressant ajout la science moderne. Les deux annes 1839 et 1840 furent pour lui une poque mmorable. Dans la premire, il mit au jour sa Gographie ancienne de la Gaule ; pendant la seconde, il donna l'Histoire de la vie et des crits d'Horace, et il fut nomm secrtaire perptuel. Ainsi, trente ans d'intervalle, il demandait et obtenait la sanction du suffrage public pour l'ouvrage qui lui avait gagn sa premire distinction acadmique, et quelques mois plus tard il recevait de l'estime de ses confrres un titre, un honneur, le plus beau couronnement de toute littraire pour ceux mme qui l'emportent carrire par droit de conqute et de mrite minent, comme pour ceux qui ne le doivent qu' une confiance bienveillante. Le retour du vieil acadmicien l'oeuvre du laurat d'autrefois ne trahissait point une faiblesse de vanit aveugle. II avait conscience de l'utilit de sa publication. La gographie est un des indispensables fondements de l'histoire critique et positive, de la vritable histoire. Pourrat-on s'expliquer certains vnements des plus graves pour la destine des tats, si l'on ne se fait une ide nette des lieux qui en ont t le thtre? Suivra-t-on avec une entire intelligence les migrations et les collisions des peuples, les origines et les progrs des cits, les expditions des grands capitaines et les manoeuvres de leurs batailles, les vicissitudes et

XXIII DE M. LE BARON WALCKENAER. les changements de routes et de places du commerce dans le cours des ges, si l'on ignore comment les terres et les mers ont favoris ou contrari ces mouvements ? Et l'on ne saurait dire laquelle , de la ncessit ou de la difficult de ces tudes, crot en plus grande proportion, lorsqu'il s'agit des temps anciens. C'est alors qu'il faut' dterminer, travers l'obscurit des sicles, les limites mobiles des nations tour tour envahissantes ou envahies, fixer l'emplacement des villes effaces entirement de la surface du sol, ou changes en humbles villages sous des noms mconnaissables, retracer les lignes des chemins dont tous vestiges ont disparu sous la terre, rtablir les positions relatives des territoires transposs sur les cartes antiques par l'ignorance des rdacteurs ou des copistes, discerner sous des ressemblances trompeuses de dnominations les diffrences normes de mesures itinraires souvent mles et confondues. Chaque point d'observation est matire problme. Des sciences qui s'appliquent l'antiquit, il n'y en a point qui ouvre une sphre plus spacieuse la spculation , et qui doive s'astreindre de plus subtiles analyses, qui exige plus d'efforts de mmoire et plus de calculs de toute espce, plus de hardiesse de conjecture et plus de circonspection de jugement , une runion plus nombreuse de connaissances plus diverses, physique du globe terrestre et histoire des peuples de tous les temps, philologie et histoire naturelle, archologie et astronomie ; il n'y en a pas enfin qui conduise de plus ingnieuses conclusions, mais qui soit plus expose aux mprises, que la gographie compare. Dans une telle science, il serait injuste de demander, et malheur qui oserait promettre , ce qui excde les forces humaines, une certitude constante. Ce qui donne, en ce genre, aux ouvrages de longue haleine une valeur relle, et leur assure la dure, c'est la rectitude de la mthode, la solidit des principes, la sincrit de l'rudition. Des dcou-

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vertes de restes de voies romaines, de bornes mi lia ires, d'inscriptions qui ont conserv le nom d'un municipe, ou d'une station militaire, ou d'une divinit locale ; des recherches concentres sur une petite circonscription de territoire, pourront indiquer des rectifications de dtail faire dans le livre de M. Walckenaer ; mais il n'en demeure pas moins une autorit avec laquelle devront compter, une source o viendront puiser tous ceux qui dsormais toucheront de prs ou de loin la gographiedes Gaules 1. Un homme clbre, chez qui l'insomnie tait devenue une habitude et une nature, et qui ne supportait pas plus que M. Walckenaer l'ennui de l'oisivet, a dit qu'il se reposait de sa perptuelle tension d'esprit par la varit des objets. Je me figure que M. Walckenaer, par un procd semblable, tandis qu'il mettait la dernire main sa Gographie de la Gaule, prenait du relche en se jouant avec Horace. Sutone a crit une page sur la vie de ce pote. Des savants , avec leurs annotations et leurs citations l'appui, ont fait de cette page de petits volumes in-quarto. On a joint certaines ditions la nomenclature biographique des personnages qu'Horace a nomms ou dsigns. D'autres ont essay de retrouver les dates, et, par elles, les occasions, les motifs, les inspirations de tous ses pomes, et, la conjecture aidant aux indices plus ou moins prcis, on est parvenu dresser leurs actes de naissance dans des tables chronologiques qui 1Le prsidentdela Socit d d royalegographiquee Londres, ontM. Walm ckenaertait membre a pay, cette anne, me, un juste tribut d'estime , sa mmoire, et s'exprimeainsi sur l'ouvragequi nousoccupe en ce moment : Sa passion dominantetait la gographiecompare,et il en a donn une preuveclatantedans son remarquable ouvrage intitul : Go, graphie ancienne etc., qui lui valut un desgrands prix de l'Institut, et , une placedanscet illastre corps. D'minents ographes tels que Deliste , g et Danville, Rennell, Gosselin Vincent,ont reconnul'immensedifficult etla gographie oderne... m l a qu'ontrouve comparera gographie ncienne est Notrehabileet infatigable associ parvenu triompherdecesobstacles.

XXV ne sont pas toutes d'accord ensemble. Les campagnes, les maisons qu'Horace habitait, ont eu leurs topographies et leurs restaurations. Je ne parle pas des volumes de commentaires o sont expliques les allusions aux lois, aux coutumes , aux modes, aux vnements. M. Walckenaer entreprit de remanier ces innombrables dissertations, de les faire passer au crible de sa critique, retranchant , corrigeant, supplant de son propre fonds, et de cette laboration industrieuse est sorti un livre l'usage des gens du monde, et non sans profit pour les matres, offrant le journal de la vie prive et potique d'Horace, la presque totalit de ses oeuvres sous le dguisement de la traduction par condescendance pour la majorit des lecteurs, enfin le tableau de Rome au sicle d'Auguste, telle que serait la relation d'un voyageur spirituel et instruit, russissant merveille dans les descriptions de lieux, mais n'ayant pas eu le temps de faire un assez long sjour dans le pays pour en apprendre fond la langue et pour entrer ainsi dans la connaissance intime de la vie des habitants. Qu'on ne s'tonne pas de la rapidit de son passage sur les terres du Latium ; il tait si proccup du dix-septime sicle, un attrait si puissant le rappelait au sein de cette socit polie dont les entretiens lui taient devenus une habitude et un besoin, depuis que la Fontaine l'avait conduit naturellement l'htel de Carnavalet. Lorsqu'il donna l'essor au premier volume des Mmoires sur madame de Svign, il y avait plus de dix ans que les premiers chapitres taient crits; il a pris soin de nous en instruire I. C'tait en effet une de ses oeuvres de prdilection, longtemps mdite, retouche, perfectionne, avant qu'il se risqut la produire. Le prcepte d'Horace: Nonumque prematur in annum, avait plus profit madame de Svign qu' Horace lui-mme. 1 Voy.tome 1, p. 2, note 2.

DE M. LE BARON WALCKENAER.

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M. Walckenaer venait d'largir son cadre biographique pour le satirique latin ; dj les personnages et les objets ac cessoires s'y taient multiplis et partageaient l'attention avec la figure principale. Mais la composition s'agrandit sur ui plan tout nouveau dans les Mmoires : l'auteur tale un vast tableau d'histoire pour servir de fond au portrait. Il me semble que M. Walckenaer, quand il lut pour II (premire fois les Lettres de madame de Svign, dut prou ver ce que nous prouvons en gnral, des impatiences asse frquentes de ne connatre que superficiellement, peine, e seulement pour les avoir vus passer dans les histoires ou la y avoir entendu nommer, beaucoup de personnages qu'elle aimait, dont elle tait aime, beaucoup qu'elle rencontrai journellement dans le monde. De plusieurs autres avec qu elle a vcu dans l'intimit, nous ne savons rien. Nous ne savons rien non plus (je dis les ignorants comme moi, c'est le grand nombre, et il faut bien faire quelque chose pour eux) nous ne savons rien d'une foule d'incidents auxquels elle fait allusion, intrigues de la cour, intrigues de la ville, intrigue; de galanterie, d'intrt, de fortune ou d'amour-propr, petites causes souvent de trs-grands effets. Plus il pntn dans ces chroniques secrtes, plus il s'instruisit par ses immenses lectures, et plus il vit combien il restait de choses apprendre, et de choses importantes. A ct de l'histoire des faits publics de gouvernement, de guerre, de diplomatie qu'on appelle la grande histoire, et qui se complique parfois de desseins si petits, d'artifices si mesquins et si vulgaires , de passions si misrables, se joue incessamment, en s'j mlant plus qu'on ne pense, le drame de la vie prive, qui n'a point d'histoire, ou qui n'en a que par fragments, par chappes. Voil celle que M. Walckenaer se proposa de faire, mais suivie et d'ensemble. On croirait que ces rcits, qui embrassent tant de choses, nous drobent trop souvent et trop longtemps madame de

XXVII DE M. LE BARON WALCKENAER. Svign dans leur infinie varit. Non, elle est toujours l, prsente, quoique invisible ; car nous assistons au spectacle des vnements qui la touchaient plus ou moins, ou qu'elle racontait sa manire, ou dont elle s'enqurait avec inquitude ou avec malice, et qui fournissaient de matire aux conversations o elle brillait. M. Walckenaer ne l'aurait pas fait vivre compltement, s'il n'avait ressuscit autour d'elle ce qui l'a mue, afflige ou charme. Des critiques dlicats lui ont reproch de n'avoir pas su garder, dans son style, la couleur du temps et des lieux. S'il n'a pas la touche correcte et lgre du pinceau des matres, personne du moins ne lui refusera l'exactitude de l'esquisse qui reproduit les dtails les plus fins, les plus fugitifs, cette fidlit ( qu'on me pardonne ici moi-mme un anachronisme de langage ), cette fidlit du daguerrotype, mais d'un daguerrotype vivant, qui aurait la vertu d'animer ses empreintes, de les faire mouvoir, et de nous entraner leur suite. Pour arriver ce degr de fidlit, combien de documents recueillis , confronts, corrigs les uns par les autres ! Qui pourrait numrer seulement les mines qu'il a fouilles ; annales , mmoires, correspondances, papiers d'tat, journaux, pamphlets, chansons ? Car la chanson compte pour beaucoup dans notre histoire. Mais ce qui domine cette rudition, ce qui lui donne sa consistance et sa force, c'est l'quit consciencieuse, le sentiment d'homme de bien qui claire et affermit partoit les jugements de l'auteur contre toute faveur et toute prvention. Ses admirations pour le grand roi n'absolvent, ses yeux, ni les guerres d'ambition, ni le faste ruineux, ni les amours adultres, ni l'dit de Nantes rvoqu. Sa partialit pour madame de Svign ne l'empche pas de reviser froidment le procs de Fouquet, de condamner le coupable ; mais sans excuser les rigueurs ajoutes l'arrt de la justice,

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et la vengeance de l'amant, qui dshonore la svrit du roi. L'auteur des Mmoires tait, mieux qu'un savant crivain : c'tait un noble esprit et un noble coeur. Tel il se montrait encore, apprciateur affectueux et juste des qualits, de l'me comme de celles de l'intelligence, dans les nombreuses notices historiques des confrres que nous avions perdus, Daunou, meric David, de Pastoret, Mongez, Letronne ; Lettonne, un de ses amis les plus Raynouard, chers, qu'il avait connu bien jeune et protg d'abord. Car M. Walckenaer tait de ceux qui se souviennent, une fois arrivs au fate, qu'ils ont eu la monte gravir comme ceux qui les suivent ; qu'ils commencrent par tre peu connus, heureux quand ils trouvaient un patronage qui les aidait se faire connatre. L'ge, au lieu d'affaiblir chez lui ces souvenirs en les loignant, ne faisait qu'en accrotre l'obligeance et y ajouter une bont plus facile. A qui venait lui demander secours et conseil, il ouvrait sa magnifique bibliothque, oeuvre aussi d'rudition et de got, sur le frontispice de laquelle il aurait pu inscrire cette devise d'un savant du seizime sicle : A moi et mes amis I. Il communiquait de mme tous les richesses de sa mmoire et de son exprience, ses trsors de notes manuscrites, ses innombrables cartes de gographie ancienne et moderne, traces en partie par luimme entre une classification d'histoire naturelle et la rvision d'un texte de la Sablire, de la Fontaine ou de la Bruyre. J'allais oublier un de ses derniers titres, en date et non en valeur, l'estime des amis de notre littrature classique. L'dition de la Bruyre de 1845 n'est pas seulement une rimpression diligente et correcte, c'est toute une restitution habile , ingnieuse, et en quelque sorte une oeuvre d'histoire : I Jean Grollier, hommed'tat et administrateur. Tous les livres de sa bibliothque portaientcesmots : J. Grollertiet amicorum.

DE M. LE BARON WALCKENAER. XXIX histoire de beaucoup de choses et de personnes dans les Remarques et claircissements ; histoire du livre mme, dont les changements , les additions, les retranchements ne cessrent de tenir dans l'attente et d'occuper la ville et la cour, depuis sa premire apparition jusqu' sa neuvime et dernire forme originale, si prs de la mort de l'auteur, qu'il n'eut pas le temps de la revoir tout entire ; l'histoire de l'auteur lui-mme, connu par cet unique livre, mais immortalis par lui avec le tmoignage de ses affections et de ses inimitis, de ses principes et de sa politique prive, de ses bons sentiments et de ses succs d'humeur vindicative. Carie moraliste svre ne fut pas exempt des faiblesses de l'humanit. Il eut celle, entre autres, d'aspirer avec plus d'ardeur que de raison l'Acadmie, faisant comme beaucoup d'autres, qui commencent, je veux dire qui commenaient par en mdire (cela ne se voit plus ), et qui finissaient par trouver fort biensant d'en tre, sans compter les candidatures honteuses, qui n'attendaient pour clore au soleil que des esprances moins douteuses de succs. Son impartial diteur ne nous laisse pas ignorer que, mme durant la poursuite des honneurs acadmiques , o il ne triompha pas tout d'abord, il ne se refusait pas, aprs tin chec, la satisfaction d'ajouter, dans l'dition nouvelle, un petit portrait satirique de ceux qui lui avaient refus leur suffrage, ou qui dans le monde avaient mal apprci son talent, et cela avec un art, dont la tradition ne s'est pas perdue, d'arranger les citations pour le besoin de la cause I. En effet, ce qui faisait sa vogue populaire, outre les mrites minents qui lui acquraient l'estime des juges vritables , c'est que la malignit publique allait chercher dans son amusante galerie, non pas seulement la peinture gnrale des vices du sicle ou de l'humanit, mais des portraits dont on devinait aisment, sous le voile du pseudonyme, les Voy. . 652,679des Remarques claircissements. p et

XXX

NOTICE SUR LA VIE ET LES OUVRAGES

originaux, qu'on rencontrerait dans les ruelles, au palais, aucours ou Versailles. Mais un portrait de Van Dyck ou de Rubens, ce n'est pas un homme, c'est l'homme, l'expression toujours vraie de l'me humaine, et dont la ressemblance revit toujours quelque part. Si nous possdons aujourd'hui le texte pur et complet de ce chef-d'oeuvre, que nous avons appris par coeur dans notre enfance et relu avec dlices dans l'ge mr, mais toujours plus ou moins dfigur par les diteurs les plus magnifiques , si nous pouvons pour la premire fois le suivre dans ses phases diverses de premire cration , de perfectionnements successifs, et dans les accidents de mutilations ncessites par les circonstances et rpares maintenant force de recherches, c'est au savant et judicieux travail de M. Walckenaer que nous le devons. Sa verve d'investigation et son ardeur d'crire ont suivi jusqu' la fin, pendant un demi-sicle, sans se ralentir, trois voies diffrentes la fois, gographie ancienne et moderne , sciences naturelles, rudition historique et littraire, tantt passant de l'une Fautre alternativement, tantt poussant ses travaux de front sur deux ou trois en mme temps , et il a marqu son passage sur toutes les trois par des monuments qui ne laisseront pas prir sa mmoire. On ne peut se dfendre de quelque tonnement, lorsque l'on considre le nombre et l'importance de ses productions. Que serait-ce, si nous allions redemander aux recueils scientifiques, aux encyclopdies, aux dictionnaires de biographie, les articles et les notices dont il les a enrichis avec une libralit qui semblait ne lui coter rien ? Et combien, parmi ces opuscules, comme il les appelait, yen avait-il qui renfermaient en un court espace toute la substance d'un trait sur un point de la science 1, tout un rsum d'une poque de Cartes des (1)voir dans l'Encyclopdie gensdumonde,les articles , Afrigue, Dcouvertes gographiques, (voyages), Egypte,Europe, etc.

DE M. LE BARON WALCKENAER. XXXI l'histoire I. Que serait-ce encore, si nous dressions l'inventaire des matriaux qu'il avait assembls, des cartes qu'il avait dessines, de ses tudes sur Ptolme, de ses mmoires de gographie compare dj crits ou prts l'tre ? On se demande comment put suffire des labeurs si grands une vie non pas mondaine, mais qui ne se refusait pas aux devoirs du monde, ni surtout au commerce de l'amiti. Ceux qui ont vcu dans sa familiarit peuvent dire son secret : il ne perdit pas un seul jour, et le jour avait pour lui une dure qu'il n'a pas pour tout le monde. De plus, il reut ce don du ciel, de pouvoir lire, mditer, crire dix oudouze heures sans prouver de fatigue. Au moment o la nuit n'est pas encore prs de finir pour les autres, sa matine commenait, et , toujours aussi bon que studieux, il ne voulait pas que sa veille anticipe dranget personne, pas mme un domestique : Laissez-les reposer, disait-il quelquefois, ils nous ont attendus, si tard; comme s'il avait dormi lui-mme tandis qu'on l'attendait. Et puis, avec quel bonheur il se retrouvait, dans le silence et dans le calme de son cabinet, en prsence de ses chers livres, tous amis d'un choix exquis malgr leur nombre ! Car il estimait d'eux l'utilit des services et non le faste de la possession, sachant quel abme spare le got de l'amateur qui travaille et la vanit du bibliomane oiseux. L, les heures coulaient rapidement et se multipliaient par la docte direction des lectures et par la facilit de la rdaction; et plus l'tude se. prolongeait, plus il s'y attachait passionnment. L'heure du repas venue, c'tait un combat pour l'arracher ses livres: Sa jeune famille qu'il aimait tant, ses amis qu'il avait invits, ne remportaient pas toujours une victoire prompte; mais, une fois vaincu, il se (1)Voirdans la Biographieuniverselle : Dicarque,Denys le Prigte, de Budoixe Cyzique,Marciend'Hracle, etienne de Byzance et pour les ; tempsmodernes: Edrise, Fra-Mauro, Livio Sannto, GuillaumeDestisle, M Buache, arco Polo, etc., etc.

XXXII NOTIC ESUER LA VIE ET LES OUVRAGES livrait de bonne grce,avec abandon, gai canceur et conteur intressant. Jen'ai pas dit tout son secret : pendant plus de cinquante annes veillaprs de lai,commme un ange familier, dont la bnigne influance l'environnait sans cesse en se montrant peine, son pouseanssi bonne que modeste, qui, prenant pour elle-mme tous les soucis du rgime intrieur et des affaires, et ne partagent avec lui que les mnntions des joies de la famille, lui mnager pour la cloture des lettres la fibeautd'un clitaire. cequi favorisait envore puissamment cette application si vive et si continue,c'tait la parfaite scurit, la surprme d'une me pane, que me troudait accun rapentir qutude dans dans le pass, aucun mcompte le prsent, aucun souc d'ambution pour l'avenir .Il veut femmedans sa foi politique comme dansda foi religieurse, grandait ses affections la vieulle noyaut, dans le dluis de laquelle il avait vu pnir son pnce et onatrimoine s p , mais dans tous les temps soumis adoptif au pouvoirqui gouvernaitson pays, sans lui mien demander que la sumettede son hritage pourles siens, et pour lui-mme le loisir du travail. c unejour oette flicit futsoulnement brise par Ilvuit un coupfunestte : il pendit la compagne de sa jeunnesse, de somge mr de sa vieillesse, et il en domeura longtemps acrest Mais dequelles cabl. Il aurait suconmb, s'il tait seul. se des sympaties mles de hommes, consodations admissibles les on de pareils moments, trois gnrations de ses enfants l'entounrent pour l'aider supporteur son deil ! Peu peu il se nanim aux tendres impresions, aux douces baleines de ce printemps qui flaurissait autour de lui, La vigneur du corps et de l'esprit futle reste ; il senemit travailler ; il tait souv. Vous l'avez va, il n'y a pas encore longtemps, lonsqu'un hasard nomit l'acadmie en possession desproprier de Prnett, guns dans unebibliothque particuliredepuis plus

DE M. LE BARON WALCKENAER. XXXIII de vingt ans ; avec quelle vivacit juvnile, quelle force d'attention il se mit l'oeuvre pour en dbrouiller le dsordre ; quel rapport lumineux il fit de cette opration, et, se rappepelant cette occasion l'odieux abus qu'une cabale avait fait jadis du nom de Frret pour donner cours un mauvais et scandaleux crit, avec quelle fermet de raisonnement il rfuta l'imposture accrdite jusqu'alors. C'est par une maladie imprvue qu'il fut enlev, octognaire, sa famille et l'Acadmie, dans toute l'activit de ses habitudes laborieuses, donnant une leon ses petits-fils, et corrigeantles preuves du cinquime volume des Mmoires sur madame de Svign. La mort ne pouvait pas plus le surprendre sans un ouvrage commenc qu'avant sa tche de savant accomplie.

HISTOIRE DE LA VIE ET DES OUVRAGES DE J. DE LA FONTAINE.

HISTOIRE DE LA VIE ET DS OUVRAGES DE

J.

DE

LA

FONTAINE.

LIVRE

PREMIER.

16241661. Je me propose d'crire la vie de la Fontaine, ou plutt je vais entretenir mes lecteurs de la Fontaine et de ses ouvrages; car aucun vnement digne d'tre racont n'a' signal le cours de sa longue et heureuse carrire. Ses; premires posies, ds qu'elles parurent, lui acquirent une grande rputation. Il fut chri et lou par les crivains les plus illustres de son temps ; les hommes les plus remarquables par leurs hauts faits, leurs talents, leur puissance ou leurs richesses, les femmes les plus? clbres par le rang, les grces ou l'esprit, recherchrent sa socit, protgrent ou charmrent ses loisirs ' : l'amiti lui pargna mme jusqu'aux soins et aux soucis R I Molire, acine,Boilcau, Chapelle,Dernier, Pellisson,la Bruyre 1 I.

HISTOIRE DE LA FONTAINE. de sa propre existence. Il laissa doucement couler ses sans contrainte ses gots et jours., et s'abandonna son gnie. Aprs sa mort, par reconnaissance pour lui, sa famille fut dispense d'acquitter les charges publiques; et lorsque la gloire, la science, la vertu, l'innocence et la beaut ne pouvaient flchir le coeur des bourreaux de la France, le nom seul de la Fontaine Fnelon, Bayle, Sint-Evremond, de Maucroixont t au nombre des amis de la Fontaine et en ont fait l'loge.Il eut aussi pour amiset protecteurs Turenne, le grand Cond,les deux princes de Conti, Fouquet, le duc de Vendme,son fire le grand prieur, la Rochefoucauld,le duc de Guise, le duc et le cardinal de Bouillon, les ambassadeursBonreposet de de Barillon,la duchesse Bouillon,sa soeurla duchessede Mazarin,Me de de d Montespan,Mme Thianges, Mme Svign, Mme e Grignan, Mmede la Fayette,la duchessedouairired'Orlans,Mme la Sablire, Mme de Hervart, etc. Des diversesvies et notices qu'on a publies de la Fontaine, cellesqui, pour les faits, mritent attention, sondes suivantes: 1 Celleque Perrault a publie en 1696,un an aprs la mort de la Fontaine dans son ouvrage des Hommes illustres, page83; 2 cellede Mme Ulrich, en tte des OEuvres posthumes de ta Fontaine, 1696,in-12; 3 celle de d'Olivet,dans l'Histoire de l'Acadmie, in-4,page 277 314, en 1729 4 celle de Ma ; thieu Maraisqui n'a t imprimequ'en 1811,par Chardonde la Rochette, mois qui fut composeavant cellede d'Olivet; 5 celle du pre Kiceton, dans les Mmoires pour servir l'histoire des hommes illustres, t. XVIII,in-12,1732,p. 314; 6 celle de Titon du Tilletdans le Parnasse Franais, in-folio,1732,p. 460; 7 celle que Montenaulta mise en tte de l'dition des Fables dite : des Fermiers gnraux, 4 voi; in-fol., 1775. Il a t aid par l'abb d'Olivet,ainsi qu'il le dit lui-mme; 8 celle de (.hauffepi,Supplmentde Bayle, in-fol., 1750,article la Fontaine, t.-II, p. 66de la lettre F ; 9 celle du Frron, insre dans l'dition des Fables, par Barbou,et dans ses Mlanges. Tousces auteurs ont t,, ou contemporains dela Fontaine,ou ont reu des renseignementsdes enfantsmmes de la Fontaineou d ceux qui avaientconnu cet hommeclbre. Ce sont aussi les seuls sur lesquelson puisse s'appuyer, quoique,ainsi que nous le verrons, ils ne soient pas exemptsd'erreurs. Il y a eu depuis un grand nombrede noticessur la Fontaine; mais leurs auteurs ont crit dans un temps trop loign de celui oit il a vcu, pour pouvoir tre considrs commetmoinshistoriques.

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LIVRE I.

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sauva d'une mort invitable ses derniers descendants '. Enfin, de nos jours o l'on s'est plu dprcier le grand il chappa l'insicle qui le vit natre, non-seulement gratitude de cette envieuse postrit, mais presque tous ceux qui voulurent le peindre lui prtrent, dans leurs notices et leurs loges, des vertus qu'il n'avait pas. L'enthousiasme qu'ont fait natre ses dlicieux ouvrages n'est pas la seule cause de cette disposition de tous la bienveillance pour ce qui le concerne. La bont, qui faisait le fond de son caractre, et qui se manifeste dans ses crits , exerce sur les mes un empire plus puissant que le gnie mme : celui-ci excite l'admiration, mais l'autre et l'amour veut tre indulgent inspire l'amour; pour si la Fontaine poul'objet de ses affections. Cependant, vait reparatre un instant parmi nous, il nous dirait : Ce n'est point servir ma mmoire selon mon gr que de s'carter du vrai et du naturel. J'ai donn dans mes Fables des leons de sagesse pour tous les rangs et pour tous les ges; mais, vous le savez, je n'ai pas toujours t sage dans ma conduite et dans mes vers. Si vous parlez de moi, que ce soit donc, comme je l'ai fait moiet sans rserve. mme, sans dissimulation JEAN DE LA FONTAIHEnaquit le 8 juillet 1621, Chmatre des de Charles de la Fontaine, teau-Thierry, eaux et forts, et de Franoise Pidoux, fille du bailli 1 Madame comtessede la Marson,anire-petite-fllle de la Fontaine, et sesenfants.(Voyez Crcuzde Lesser, Fables de la Fontaine, dit. 1813, in-8",Didotan, tomeI, p. XXIX.)

HISTOIRE DE LA FONTAINE. et il de Coulommiers I. Sa famille tait fort ancienne, fut, comme on le verra par la suite, victime des pritentions qu'elle avait la noblesse 2 . Son ducation paet on croit qu'il tudia d'abord rat avoir t nglige, dans une cole de village, ensuite Reims 3, ville pour particulire. Lorsqu'il laquelle il avait une prdilection eut termin des tudes imparfaites, un chanoine de Soislui fit prsent de quelques sons, nomm G. Hricart, livres de pit 4, et il crut avoir du penchant pour l'tat Ce n'est pas une des moindres singulaecclsiastique. rites de cet homme clbre, lorsque l'on considre son ses gots, les inclinations qui l'ont domin caractre, pendant tant d'annes, et la nature d'un grand nombre et la fin de sa de ses crits, de voir le commencement vie consacrs des tudes pieuses. Il fut reu l'institution de l'Oratoire le 21 avril 1641. Son exemple y attira la mme anne, au mois d'octobre, Claude de la Fontaine, son frre pun, qui persista dans sa rsolution, se fit prtre, et en 1649 donna tous ses biens son frre Jean, condition que celui-ci lui payerait une rente via de l'Oratoire jusqu'en gre. Claude resta l'institution o il est 1650, et se retira ensuite Nogent-l'Artaut, 4 I Pices justificatives, la fin du second volume; Mmoires de Coulanges, p. 505; d'Olivet, Histoire de l'Acadmie franaise, in-4, 277. p. 2 Pices justificatives; la Fontaine, pures, pit. VI,t. VI, p. 76 et 77, , note 1. 3 D'Olivet, Histoire de l'Acadmie franaise, in-4, p. 304; Frron, Fables dela Fontaine, dit. de Earbou, 1806, n-12, p. VI. i 4 Entre autres, d'un Laclance,dit. de Lyon, 1548. VoyezAdry, Fables n de la Fontaine, dit. de Barbou,p. XXII, ote 2.

LIVRE I.

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mort du vivant de son frre. Jean avait t envoy au le 28 octobre 1641 ; mais, sminaire de Saint-Magloire bientt ennuy de ce genre de vie, il en sortit aprs y tre rest environ un an I. A cette poque de moeurs lgres et relches, peu de jenes gens taient dvots, mais fort peu taient incrdules. Des sentiments inns, et qui qui paraissaient n'taient que le rsultat des impressions reues dans faisaient considrer la religion comme un l'enfance, lien qu'on pouvait largir, mais qu'il fallait se garder de rompre. On continuait regarder le salut comme le but de la vie; seulement, on ne voulait lui consacrer que le et jusqu'au dernier motemps strictement ncessaire, ment on diffrait de s'en occuper. Personne pourtant n'aurait voulu mourir dans l'impnitence finale, et la Fontaine lui-mme, pendant les deux annes qui prcdrent sa mort, se livra toutes les pratiques d'une pit aussi tendre qu'exalte. Il ne parat pas cependant avoir t dans sa jeunesse port la dvotion, et l'on ne saurait comment expliquer sa retraite au sminaire ; sans une coutume assez singulire de cette poque. Celui voulait tirer parti de ses taqui, comme la Fontaine, devait recevoir la lents, et faire fortune par les lettres, tonsure, et devenir abb, pour se rendre apte recevoir 1 des bnfices, sans tre nanmoins forc de renoncer ses gots mondains ou d'entrer dans les ordres. D'ail-: leurs le costume que la loi fixait pour l'homme de lettres I Adry, Fables de la Fontaine, dit. de Barbou, 1806,p. XXII,note 2. l.

6 roturier

HISTOIRE DE LA FONTAINE. ne diffrait que trs-peu du costume ecclsias-

tique. Quoique la culture des lettres ft le seul motif qui dcidt la Fontaine se faire abb, il fallait pour le devenir savoir un peu de thologie. Mais cette tude ennuyait la Fontaine, qui ne pouvait y russir, et lui-mme il crit sa femme, propos de quelques paroles trs-lgres sur une Madeleine du Titien : Aussi ce n'est pas mon fait que de raisonner sur des matires spirituelles; j'y ai eu mauvaise grce toute ma vieI . Rentr dans le monde, la Fontaine fit, en effet, bientt voir par les inclinations qui le dominrent combien il s'tait mpris sur sa vocation. Dans le journal manusde sa jeunesse, nous apprenons crit 2 d'un contemporain par ses disque ds lors notre pote se fit remarquer et son vif penchant pour les son indolence tractions, plaisirs. Son pre, s'tant rendu Paris pour suivre un procs, l'avait emmen avec lui. Il le chargea un jour . d'un message press, en lui disant que de sa clrit dpendait en partie le succs de son affaire. La Fontaine de ses camarades, se met sort, rencontre quelques-uns causer avec eux; et, oubliant son message, il se laisse conduire la comdie : ce ne fut qu' son retour que les ce dont il s'tait reproches de son pre lui rappelrent 1 Lettre en datedu 12septembre1663. 2 GdonTallemant des Raux, Mmoires manuscrits intituls Historiettes. Au sujet dece manuscrit voyez nos prfaces des OEuvrescompltes de la Fontaine, 1823,in-8, t. VI, p. XIII, et des Nouvellesoeuvres de 3. de la Fontaine, 1820,in-8,p. XI.

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charg, et lui firent connatre la faute qu'il avait commise. Une autre fois, en revenant cheval de Paris Chteau-Thierry, il avait attach l'aron de sa selle des papiers de famille de la plus grande importance ; ils se dtachrent, et tombrent sans que la Fontaine, occup rver, s'en apert. Le courrier de l'ordinaire passe quelques minutes aprs, voit un paquet terre, et le ramasse; puis quelque distance il aperoit un cavalier seul sur la route : c'tait la Fontaine, auquel il demanda s'il n'avait rien perdu. La Fontaine, tout tonn de la question, regarde de tout ct, et rpond avec assurance que rien ne lui manque. Cependant, dit le courrier, je viens de trouver terre ce sac de papiers. Ah! c'est moi, s'crie la Fontaine, et il y va de tout mon bien. Puis il reprend son paquet avec empressement, et l'emporte V Vers cette poque aussi la Fontaine fut souponn avec plusieurs dames de Chd'intrigues amoureuses teau-Thierry et des environs. Un jour, pendant l'hiver, et durant une forte gele, on l'aperut, la nuit, courant, une lanterne sourde la main 2, et en bottines alors la grande parure 3. blanches, ce qui caractrisait Cet incident donna lieu bien des suppositions. Son aventure avec la femme du lieutenant du roi de d I Tallemant es Raux,Mmoiresmanuscrits. l 2 Tallemant, oc.cit. 3 Ausujet de ce costumevoyezles Mmoiresde Grammont, chap. III,: dansles OEuvres d'Hamilton, 1.1, p. 29,ligne7, dit. 1812,in-8. II parait que vers 1657la modedes souliersprvalut si bien qu'o ne portaplus ni bottesni bottines. (Tallemant es Raux, t. I, p. 270.) d

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HISTOIRE DE LA FONTAINE.

fit encore plus de bruit. Il en tait amouChteau-Thierry Pour reux , et dsirait vivement la voir en particulier. chez elle pendant la nuit, fela il rsolut de s'introduire en l'absence de son mari. Mais cette dame avait une petite chienne qui faisait bonne garde. La Fontaine comchez mena par se saisir de la chienne, et l'emporta avec la suivante, lui; puis, le mme soir, d'intelligence il se glissa dans la chambre coucher de la dame, et se cacha sous une table couverte d'un tapis housse. Malla lieutenante avait retenu une de ses heureusement, amies pour passer la nuit, et se trouvait couche avec elle. La Fontaine ne fut pas dconcert par ce contreet, s'approtemps. Il attendit que l'amie ft endormie, chant ensuite doucement du lit, il dit voix basse : Ne il prit en mme temps craignez rien, c'est la Fontaine; la main de sa dame, qui par bonheur ne dormait pas. Tout ceci fut fait avec tant de promptitude et d'adresse qu'elle n'en fut point effraye. La Fontaine s'entretint avec elle loisir, et s'chappa avant que l'amie ft veille. La lieutenante, dit l'auteur du journal, parut enchante d'une si grande marque d'amour, et quoique la Fontaine assure qu'il n'en a obtenu que de lgres faveurs, je crois qu'elle lui a tout accordI . Lorsque la Fontaine eut atteint l'ge de vingt-six ans, son pre voulut l'tablir, et dans ce dessein il lui transmit sa charge 2 et lui fit pouser Marie Hricart;, fille 1 Tallemantdes Raux,Mmoiresmanuscrits. 2 MathieuMarais,Histoire de la vie et des ouvrages de la Fontaine,

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au bailliage de la Fert-Milon. lieutenant Elle le 10 novembre elle, lui' 1646; pousa la Fontaine survcut de treize ans, et mourut le 9 novembre 1709 Chteau-Thierry, ge de soixante-dix-sept ans, seIon son acte mortuaire. Si cette nonciation est exacte, elle serait ne en 1632, et avait trente et un ans lors-' que la Fontaine lui adressait ses lettres. Elle n'aurait eu que quinze ans lors de son mariage, et ce calcul s'accorde bien avec une lettre de la Fontaine qui nous apprend qu'en 1656 elle n'avait pas encore vingt-cinq ans. La Fontaine se soumit ces deux engagements plutt par complaisance que par got. Mais, incapable il par caractre de toute gne et de toute contrainte, ngligea presque toujours l'exercice de sa charge, qu'il garda vingt ans. Il s'loigna peu peu de sa femme, et finit par l'abandonner tout fait; il parut mme oublier en quelque sorte qu'il tait mari. On a parl fort diversement de la femme de la Fontaine. On s'accorde dire qu'elle avait de la vertu 1, de la beaut et de l'esprit; mais d'Olivet, le pre Niceron et Montenault 2 prtendent qu'elle tait d'une humeur 1 Frelireet son ami Robbe furent les seuls qui, par haine pour la Fontaine,aient mis en doutela vertu de sa femme. (Voyezle Recueildes Factionsde Furetire, Amsterdam,1694,in-12,t. II, p. 345.)La prtendue de pilaphe la Fontaine qu'on trouve dans le Variltasiana, 1734, in-12,, p. 23, n'est pas de Varillas. C'est une pigramme de Maynard,relative un autre. (Voyez Auguste de Labouisse,dans le Journal anecdotique, M. au 4 septembre1822,p. 69, et la 3editionde cette histoire, p. 8, note i.) 3 D'Olivet,Histoire de l'Acadmie, in-4, p. 278; Montenault, Fables de la Fontaine, in-folio, 1.1, p. x; Niceron, Hommes illustres, t. XVIII, p. 315.

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imprieuse et fcheuse. Ils n'hsitent mme pas penser que c'est elle que la Fontaine a voulu peindre dans ! le conte de Belphgor, sous le nom de madame Honesta : Belle et bien faite. ... mais d'un orgueil extrme; Et d'autant plus, que de quelque vertu Un tel orgueil paroissoit revtu 1. La Harpe et plusieurs autres auteurs 2, pour excuser la licence de quelques-uns des contes de la Fontaine, ont avanc, comme une chose reconnue, que les moeurs de cet homme clbre taient pures et irrprochables. Dans ce cas, sa femme, qui, pour n'avoir pas su dominer ses dfauts, l'aurait forc de s'exiler du toit domestique, aurait eu tous les torts. Mais cette assertion sur les moeurs de la. Fontaine est malheureusement tout fait contraire la vrit, et celle qui concerne l'pref du caractre de sa femme est au moins douteuse. Les auteurs des Mmoires de Trvoux 3 affirment, sur le tmoignage de personnes qui ont connu madame de/la Fontaine, qu'elle tait du caractre le plus doux, le plus liant, et que son mari n'a pas plus pens elle dans la pice de Belphgor; qu'il n'a song faire le portrait d'autres personnages de son temps en peignant dans ses crits des ridicules ou des vices.Si nous devons craindre d'admettre sans restrictions les tmoignages, donns pro1 La Fontaine,Contes,5.7. 1 La Harpe, loge de la Fontaine, dans le Recueil de l'acadmie de Marseille,1774,in-8, p. 47s et Chamfort,mmerecueil, p. 37. ;3 Juillet 1755et fvrier1759.

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de madame de la Fonbablement par des descendants taine, sur celle dont ils voulaient dfendre la mmoire, nous devons aussi nous dfier du zle des amis d'un pote dont la perte causait de si vifs regrets :pour justifier cette partie de sa conduite, la moins susceptible de justification , ils ont accueilli avec trop de faveur peut-tre les rumeurs incertaines et les interprtations malignes d'un public frivole et lger. Il est un moyen d'chapper toutes ces incertitudes, c'est de s'en rapporter sur ce la point, comme sur tous les autres qui concernent l'homme le plus inFontaine, la Fontaine lui-mme, gnu et le plus vrai qui ait exist; qui toujours se plut confier sa muse ses projets, ses dsirs, ses penses les plus secrtes, les plus caches, et! ses inclinations qui a laiss en quelque sorte son me entire par crit. ; Nulle part il ne s'est plaint de l'humeur imprieuse de sa femme; mais il lui reproche de n'avoir de got que des pour les choses frivoles, et de ne point s'occuper soins du mnage 1.Ce reproche est grave pour une femme qui devint mre quelques annes aprs la clbration de son mariage; et, comme il n'y a jamais eu d'homme, plus ennenii du souci que la Fontaine, et moins propre augmenter, ou mme conserver sa fortune, il ne pouvait tre heureux avec une compagne qui manla quaient les vertus qui lui taient le plus ncessaires, Mais if tait trop honnte prvoyance et l'conomie. homme pour rien crire dans la vue de l'outrager; et si 1 LaFontaine,Lettres sa femme, lettre I.

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HISTOIRE DE LA FONTAINE.

ses vers prtrent quelque allusion ou quelque rapsur ce sujet dlicat, ce fut, nous osons l'afprochement firmer, sans aucune intention de sa part. La Fontaine et sa femme ont subi les inconvnients qui accompagnent souvent les unions prmatures. Marie Hricart n'avait pas encore seize ans lorsqu'elle pousa notre pote, et lui, quoique alors g de vingt-six ans, tait loin d'avoir une raison assez forme, et surtout des penchants assez bien rgls, pour supporter patiemment les entraves dans lesquelles l'hymen retient ceux qui veulent vivre heureux sous ses lois. Nous savons, et la suite de ce rcit en fournira des preuves trop nombreuses, que nul homme n'a plus que la Fontaine aim les femmes, que nul n'a t plus tt et plus longtemps sensible leurs attraits, et ne s'est abandonn plus ouvertement,et avec moins de scrupule,aux Icharmes de leur doux commerce. Ce tort, si grand pour un homme engag dans les liens du mariage, non-seulement la Fontaine le sentait; mais il a fallu qu'il en fit en quelque sorte l'aveu public. On le trouve, cet aveu, la fin du conte intitul les Aveux indiscrets; et il est bien plac l, car les seuls aveux indiscrets qu'ait jamais faits la Fontaine ont t pour rvler ses dfauts, et non ceux des autres. Le noeud d'hymen doit tre respect, Veut de la foi, veut de l'honntet ; Si par malheur quelque atteinte un peu forte Le fait clocher d'un ou d'autre ct, Comportez-vous de manire et de sorte

LIVRE I. Que ce secret ne soit point vent. (Gardez dfaire aux gards banqueroute; Mentir alors est digne de pardon. Je donne ici de beaux conseils, sans doute : Les ai-je pris pour moi-mme? hlas! non 1.

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Les faits rvls par l'auteur du journal, son contemque trop bien ces aveux. Une porain , ne confirment jeune abbesse, que les incursions de espagnols avaient alla loger chez force de se retirer Chteau-Thierry, il sut lui plaire. C'tait 1, la Fontaine.Il en fut pris,et probablement Claude-Gabrielle -Anglique de coucy de 1 sans Mailly 2. Un jour sa femme les surprit ensemble; se dconcerter il fit la rvrence, et se retira. Le mmeauteur cite encore de lui des discours qu'on exagrait peut-tre, mais qui prouvent qu'il avait pour sa femme la plus complte indiffrence 3. Selon Tallemant des; Raux, la femme de la Fontaine, qui passait pour coquette, parlait de son mari comme d'un homme qui restait parfois trois semaines sans se croire mari, et qui, en entendant nommer quelqu'un qui en voulait son honneur et cajolait sa femme, s'cria : Ma foi, qu'il fasse ce qu'il pourra; je ne m'en soucie point : il s'en lassera comme j'ai fait 4 ! ou plutt il se laissa perCependant il se persuada, suader un jour, qu'il en devait tre jaloux, et voici ) : quelle occasion. 1 La Fontaine,Contes, 5. a Voirci-aprs,p. 37. 3 Tallemantdes Raux, Mmoires manuscrits. 4 Tallemantdes Raux, Historiettes, t. Il, p. 141et 143,in-8, 1834. 2 I.

0HISTOIREDE LA FONTAINE. Il tait fort li avec un ancien capitaine de dragons, retir Chteau-Thierry, nomm Poignant, homme franc, loyal, mais fort peu galant. Tout le temps que Poignant n'tait pas au cabaret il le passait chez la Fontaine, et, par consquent, auprs de sa femme, lorsqu'il n'tait pas chez lui. Quelqu'un s'avise de demander la Fontaine pourquoi il souffre que Poignant aille le voir tous les jours : Et pourquoi, dit la Fontaine, n'y viendrait il pas? c'est mon meilleur ami. Ce n'est pas ce que dit le public ; on prtend qu'il ne va chez toi que pour madame de la Fontaine.Le public a tort; mais que faut-il que je fasse cela? Il faut demander satis faction, l'pe la main, celui qui nous dshonore. Eh bien, dit la Fontaine, je la demanderai. Il va le lendemain, quatre heures du matin, chez Poignant, et le trouve au lit. Lve-toi, lui dit-il, et sortons en semble. Son ami lui demande en quoi il a besoin de Je lui, et quelle affaire presse l'a rendu si matinal. t'en instruirai, rpond la Fontaine, quand nous se rons sortis. Poignant, tonn, se lve, sort avec lui, le suit, et lui demande o il le mne : Tu vas le sa voir, rpondit la Fontaine, qui lui dit enfin, lorsqu'il fut arriv dans un lieu cart : Mon ami, il faut nous battre. Poignant, encore plus surpris, l'interroge pour savoir en quoi il l'a offens, et lui reprsente que la partie n'est pas gale. Je suis un homme de guerre, lui dit-il, et toi, tu n'as jamais tir l'pe. N'importe, dit la Fontaine, le public veut que je me batte avec toi. Poignant, aprs avoir rsist inutile-

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son pe par complaisance, se rend aisment ment,tire matre de celle de la Fontaine, et lui demande de quoi il s'agit. Le public prtend, lui dit la Fontaine, que ce n'est pas pour moi que tu viens tous les jours chez moi, mais pour ma femme. Eh! mon ami, je ne t'aurais jamais souponn d'une pareille inquitude, et je te proteste que je ne mettrai plus les pieds chez toi Au contraire, reprend la Fontaine en lui ser rant la main, j'ai fait ce que le public voulait; mainte nant, je veux que tu viennes chez moi tous les jours, sans quoi je me battrai encore avec toi. Les deux s'en retournrent, et djeunrent antagonistes gaiement ensemble'. Si la femme de la Fontaine n'eut pas tous les dfauts odieux qu'on lui a trop lgrement prts, il parat certain qu'elle ne possdait aucune des qualits aimables qui auraient pu inspirer de l'amour son mari ; on ne voit aucune trace de ce sentiment son gard dans ce ne laisse, au conqui nous reste de lui. La Fontaine de faire la satire de traire, jamais chapper l'occasion l'tat conjugal, et se montre trop vivement affect des in