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JURISPRUDENCE 229 No 3155. - Tribunal de 1re instance de Liége. - 23 mai 1931. MM. Halleux, jug·e; de Froicourt, subst. du Procureur du Roi. Mtres J. Musch (Liég-e) et M. Braun (Bruxelles) cf Guillot (Liége). (Société [(ardt et Rosclt cf Société Magotteau:L). Société étrangère.- Registre de comme1•ce. - Propriété industriel1e. - Droit de poursuivre en Belgique les contrefacteurs. Les commerçants mi les sociétés de commerce ayant en Belgique un établisseuieut, une succursale on une agence qnelconque, doivent seuls requérir leur inscription a1t registre de commerce. · La convention de La Haye du 6 novembre 1925 accorde aux étrangers les mêmes avantages ,qu'(lltX pour la protection en Belgique de leur propriété industrielle et leun permet tout recours contre les atteintes portées à leur droit. Attendu que la société Kordt et llosch, propriétah·e du brevet helg·e délivré le 20 janvier 1928 sous le no 331669 pour « corps broyeurs pour moulins tubulaires, moulins à tambour et mouliris à boulets n soutient que la défenderesse a sciemment contrefait le dit brevet en fabriquant et vendant des corps broyeurs similaires des- tinés aux mêmes fins; Que la ,demande a pour objet la constatation de la contrefaçon dont la défenderesse se serait rendue coupable, l'interdiction à la société des Fonderies Magotteaux de continuer fabrication et la vente de corps broyeurs analogues à ceux incriminés, sa condamnation au paiement de la somme de 100.000 francs à titre de dommages intérêts et la pùblication du jug·ement à intervenir dans cinq journaux belges ou étrangers; Sur la recevabilité ; Attendti qüe l'action en r,ontrefaçcin de lJrevet ile prend pas naissance dans un acte réputé commercial mais dérive d'une atteinte portée au droit civil du hrè-\reté (Cass. H mai J882-1-125); Attendu que c'est à tort que la défenderesse soutient que la société Korclt et Rosch ne serait pas recevable en son action à défaut d'immatriculation de sa raison sociale au « Registre de commerce JJ en Belgique ; que la loi du 30 mai '1924 modifiée par celle dn 9 mars 1929 n'impose-cette obligation qu'aux commei·çants ou sociétés de commerce ayant en Belg'ique un établissement, une succursale ou une ag·ence quelconque, ce.qui n'est point le cas de la dite· société dont le siège social et les établissements sont à Wipperfuth en Allemagne; que l'article J2 de la dite loi du 9 mars i 929 ne lui est donc applicable ; Que d'autre part, aux termes de l'article 2 des conventions signées à La Haye le 6 novembre 1 92.) relatives à la 11ropriété industrielle et approuvées par la loi du 23 mai -1929, la demanderesse jouit des avantages, de la protection et du J'ecours accordé aux nationaux coutre toute· atteinte portée à leurs droits, sans condition de domicile ou d'établissement dans le pays; ( ..... le reste sans intérêt pour cette Revue). ' Observations. - Cette décisipn est conforme, en tous points, aux textes légaux sm· lesquels elle s'appuie. N°3155

No 3155. - Tribunal de 1re - KU Leuven · et leun permet tout recours contre les atteintes portées à leur droit. Attendu que la société Kordt et llosch, propriétah·e du brevet

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JURISPRUDENCE 229

No 3155. - Tribunal de 1re instance de Liége. - 23 mai 1931. MM. Halleux, jug·e; de Froicourt, subst. du Procureur du Roi.

Mtres J. Musch (Liég-e) et M. Braun (Bruxelles) cf Guillot (Liége).

(Société [(ardt et Rosclt cf Société Magotteau:L).

Société étrangère.- Registre de comme1•ce. - Propriété industriel1e. - Droit de poursuivre en Belgique les contrefacteurs.

Les commerçants mi les sociétés de commerce ayant en Belgique un établisseuieut, une succursale on une agence qnelconque, doivent seuls requérir leur inscription a1t registre de commerce. ·

La convention de La Haye du 6 novembre 1925 accorde aux étrangers les mêmes avantages ,qu'(lltX n~tionaux pour la protection en Belgique de leur propriété industrielle et leun permet tout recours contre les atteintes portées à leur droit.

Attendu que la société Kordt et llosch, propriétah·e du brevet helg·e délivré le 20 janvier 1928 sous le no 331669 pour « corps broyeurs pour moulins tubulaires, moulins à tambour et mouliris à boulets n soutient que la défenderesse a sciemment contrefait le dit brevet en fabriquant et vendant des corps broyeurs similaires des­tinés aux mêmes fins;

Que la ,demande a pour objet la constatation de la contrefaçon dont la défenderesse se serait rendue coupable, l'interdiction à la société des Fonderies Magotteaux de continuer ~a fabrication et la vente de corps broyeurs analogues à ceux incriminés, sa condamnation au paiement de la somme de 100.000 francs à titre de dommages intérêts et la pùblication du jug·ement à intervenir dans cinq journaux belges ou étrangers;

Sur la recevabilité ; Attendti qüe l'action en r,ontrefaçcin de lJrevet ile prend pas naissance dans un

acte réputé commercial mais dérive d'une atteinte portée au droit civil du hrè-\reté (Cass. H mai J882-1-125);

Attendu que c'est à tort que la défenderesse soutient que la société Korclt et Rosch ne serait pas recevable en son action à défaut d'immatriculation de sa raison sociale au « Registre de commerce JJ en Belgique ; que la loi du 30 mai '1924 modifiée par celle dn 9 mars 1929 n'impose-cette obligation qu'aux commei·çants ou sociétés de commerce ayant en Belg'ique un établissement, une succursale ou une ag·ence quelconque, ce.qui n'est point le cas de la dite· société dont le siège social et les établissements sont à Wipperfuth en Allemagne; que l'article J2 de la dite loi du 9 mars i 929 ne lui est donc pa~ applicable ;

Que d'autre part, aux termes de l'article 2 des conventions signées à La Haye le 6 novembre 1 92.) relatives à la 11ropriété industrielle et approuvées par la loi du 23 mai -1929, la demanderesse jouit des avantages, de la protection et du J'ecours accordé aux nationaux coutre toute· atteinte portée à leurs droits, sans condition de domicile ou d'établissement dans le pays;

( ..... le reste sans intérêt pour cette Revue). '

Observations. - Cette décisipn est conforme, en tous points, aux textes légaux sm· lesquels elle s'appuie.

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230 JURISPRUDENCE

No 3155.- Cour d'appel de liége (2me ch.). -- 28 mai 1931. 1\'Il\'I. Louche, prés. ; l\'Jtrcs Hogge (Liég·e), Rimé Bertrand (Bruxelles),

H. Le Clercq (Bruxelles), lVI. Sand (Bruxelles) et lVIae~ (Verviers), avocats.

(Leroy, Buurmans et Cie, appelants, Jenn'i et Cmmllission de la Bourse de Bruxelles, intervenants l•olontalres cf Catz, intimé.)

1. Commission. de la Bourse. -- Défaut de personnalité juridique. -Action individuelle de ses membres dans une pensée de solidarité professionnelle. - Intérêt insuffisant. - Non recevabilité.

II. Titres au porteur.- Dépossession involontaire par un fait de guerre (loi du 24 juillet 19 21, art. 33).- Portée de la loi limitée aux rap­ports entre le porteur priginàire et le détenteur actuel. - Non rétroactivité.

I. La Commission de la Bourse lle B ru:relles ne jouit pas de la personnification civile. Le sent-iment de solidarité professionnelle, 'inspirant une. action individuelle de ses membres ne parait pas suffisant pour la justifier; ils ne sont recevables que s'ils justi­fient d'nn intérêt suffisamment direct et immédiat.

JI. La loi du24juillet 1921, qui a instauré en son article 33 pour les titres an por­teur, une nouvelle cause d'éviction afférente à 1m vice jusqu'alors non prévu, en l'assi­milant a1t cas de perte ou de vol, à savoir la dépossession du porteur o1"iginaire par un événement quelconque an cours de l'occupation ennemie, n'a d'autre but que de garantir le porteur originaire contre les conséquences d'une dépossession par un fait de guerre quelconque et n'a pour effet que de régler les razJports entre porteur dépossédé et posses­seur actuel ét•incé.

Cette loi est étrangère anx rapports juridiques existant entre ·un détenteur déJiosséclé et l'agent de change qui lui a vendu le titre azYtnt l'entrée en ~·igueur de la loi : ces rapports demeurent soumis aux rëgles du droit_ commun en viguettr à l'époque oh ils ont pris naissance.

La doctrine et la jurisprudence s'accordent pour dénier tout effet rétroactif à nne loi nouvelle lorsqu'elle est susceptible de remettre en question des droits légitimes et définit ivlment acquis. ·

Le détenteur actuel encourt ctinsi personnellement les risques inhérents à sa propriété.

Attendu que les causes inscrites sub Nis ... du r6le de la Cour sont connexes ; uu'il échet de les joindre pour y être statué par un seul et même. arrêt.

Attendu qu'il appert des éléments de la cause tlu'en 1913, un sieur Lomhois, sujet français, avait déposé en nantissement, en g-arantie d'un compte ouvert à la Société française de Banque et Dépôts à Bruxelles, un certain nombre d'actions ordinaires de la Compag·nie du Kat.anga; qu'il est également. acquis qu'au cours de l'occupation, la dite société ayant été mise sous sequestre par l'autorité ennemie, un sieur Wilberg-, sujet allemand, préposé à ce sequestre, donna ordre à Jenni, ag·ent de chang-e à Bmxelles, de réaliser ces titres à la bourse officieuse qui fonctionnait alors sm' cette place, en s'abstenant toutefois de remplit' les formalités prévues par l'article 4 de la loi du 5 mai 1872; que Jenni, conformément à cet ordre, vendit

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!l'ensemble de ces titres dans le courant de ,1917 et que le produit de cette réalisation fut porté intégTalement au crédit du débiteur Lomhois.

Attendu que, pal'llli les titres ainsi négociés, figurait notamment l'action no 14925 ·dont il s'agit spécialement au litige actuel et qui, après avoir passé successivement entre les mains de toute une série d'intermédiaires, fut livrée le 23 août 1920 par J'appelant Leroy, en son agence de Verviet·s, à l'intimé Gatz poùr le prix de 4688 fr. 50.

Attendu que c'est clans ces conjonctures que Lombois, se basant sur l'article 33 de la loi elu 24 juillet 1921, introduisit contre Gatz l'action en revendication préyue par cette disposition, action qui, par anêt de cette cour en date du 9 mai '1928 passé en force de chose jugée, fut déclarée reeevable et fondée.

Attendu que Gatz ainsi évincé au profit de Lombois et remboursé d'ailleurs elu ~)rix d'acquisition elu titre lHig·ieux conformément à l'article 3 ~ de la même loi, a assigné Leroy et J enni aux fins de s'entendre condamner solidairement notamment .ù lui livrer une action de même espèce, avec les coupons attachés depuis '1923, en remplacement du titre no '14925 faisant l'objet de l'éviction,. ou à lui payer une .somme équivalente à la valeur dn susdit titre, en Bourse de Bruxelles à la date de l'éviction, en plus, le cas échéant la valeur des dits coupons.

Attendu que Leroy ayant :appelé en g-arantie son vendeur, la firme Buurmans et. üe, celle-ei a, à son tour, formé recours contre son propre vendeur et que d'autres mises en cause s'en sont ég·alement suivies. _ -Attendu que Gatz s'en étant rapporté à l'appréciation du tribunal sur le mérite de son action directe contre Jenni et ayant été déboüté de ses prétentions à cet ég·ard, ne conclut plus contre lui.

Attendu d'autre part que la Commission de la bourse de Bruxelles intervenue à la cause pour la sauvegarde des intérêts de la corporation des ag-ents de change, ayant été déclarée non recevable par les vremiers juges, a interjeté appel tant contre Gatz que contre Leroy et Jenni.

Attendu que la firme Buurmans et Cie a, de son coté, interjeté appel contre Leroy, défendeur au principal, qui est lui même appelant contre Gatz, demandeur en prin­cipal, du ju~rement-qui a fait droit aux diverses demandes formulées par ce dernier.

Quant à l'intervention de la Conwûssion de la bourse de Bru.relles Attendu qu'il est constant que celle-ci ne jouit pas de la personnification civile,

qu'elle ne peut donc ester en justiëe, ne formant pas une entité juridi4ue distincte des membres qui la composent. .

Attendu il est vrai que ceux ci ont déclaré agir, pour autant que de besoin à titre individuel et personnel. \

l\'lais attendu que la seule qualité en laquelle ils agissent n'est pas telle qu'on IHiisse leur attribuer un intérêt suffisamment direct et immédiat à intervenir à la contestation pendante entre parties ; que cette intervention apparaît plutot comme inspirée par un sentiment de .solidarité professionnelle qui ne suffit pas pour la justifier.

Attendu que la seule question qui reste soumise à l'appréciation de la Cour est .de savoir si Gatz, évincé de son titre par suite de la: revendication de Lombois est fondé à exercer un reeours contre l'agent de chang·e Leroy qui le lui avait cédé le :23 aoùt 1920.

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Attendu qu'à celte derl1ière date, Gatz en était, en <c principe, propriétaire incon-­testable en vertu de la maxime ''. En· fait dè meubles la possession vaut titre ,, , énoi1cée par l'article 2279 alinéa 1 du Code· civil alors seul en \rig-ueur.

Attendu que, suivant le second alinéa du même article, ce titre n'eùt pu être revendiqué contre le dit Gatz et, par suite, que ce dernier ·n'etH pu exercer un. recours contre celui de qui ille tenait qu'en cas de perte ou de vol, « que Gatz est d'accord avec Leroy pour admettre qu'aucune de cès deux causes de revendication n'existait à la date du 23 aoùt 1920 '>, qu'il s'ensuit, étant admis par une doctrine pour ainsi dire unanime, que cette restriction de l'alinéa 2, constituant une excep­tion à un principe fondamental, ne peut être étendue par analog-ie, que lë titt'e litig'ieux n'était donc, ù la dat~ IWérappelée', vieié par aucune cause de revendica­tion, ni entre les mains de Leroy ni entre les mains de Gatz à qui il l'avait délivré;. qu'on peut en conclure, en l'espèce, que Leroy avait, en toute évenf.ualité accompli vis-à-vis de ce dernier toutes les oblig·ations auxquelles il était tenu.

)Attendu toutefois que l'article 33 de la loi du 2~ juillet 192'1, sur lequel se hase l'arrêt préravpelé de cette Cour· dù 9 mai -1928, a instauré une nouvelle cause de l'evendication et, par le fait même, établi une nouvelle cause d'éviction afférente ù lill vice jusqu'alors non prévu et que le lég'islateur q, suivant l'exposé des motifs, assimilé au cas de perte ou de vol, c'est-à-dire, daùs le cas actuel, la dépossession. du porteur orig·inaire par un évènement quelconque au cours de l'occupation. ennemie.

Attendu qu'il importe d'examiner si cette nouvelle lég'islation a pu atteindre l'in-­tégrité et, par conséCJllent. la nég·ociabilité elu titre dont s'ag-it, ù l'époque où il était en la possession de Leroy et à laquelle celui-ci l'a transriüs à Gatz.

Attendu que la loi du 21 juillet f92l, n'ayant d'autre but que de garantir le porteur orig-inilire contre les conséquences d'une dépossession par un fait de guerre quelconque, n'a pour effet que de rég·ler les rappo1·ts entre por·teur dépossédé et possesseur actuel évincé.

Attendu que cette loi est donc étrang·ère aux rapports juridiques existant entre Leroy et Gatz, que ces rapports demeurent soumis aux règles du droit commun en vig-ueur à l'époque où ils ont pt·is naissance.

Attendù, en effet, que si cette .même loi institue une nouvelle cause de revendi­cation, avait en effet rétroactif, s'il s'ensuivrait qu'elle pourrait frapper, en les. viciant indirectement, et la propriété du titre, jusqu'alOI'S· absolue et ineontestahle dans le chef de Leroy, et le contrat, justru'alors intang·ible, intervenu eH Ire ce der-· nier et Gatz, remettaut ainsi en. question des droits lég·itimes et définitivement àcquis.

.. Attendu que la doclrine et la jurisprudence s'accordent pour dénier tout effet rétroactif à une loi nouvelle lorstru'elle est susceptible de produire semhlahles conséquences. ··Attendu que l'article 33 en autorisant la revendication dans les conditions qu'il

détermine, atteint titres ayant fait l'objet de la dépossession originaire uniquement et directement entre les mains de celui. qui, les détenant actuellement et en étant devenu propriétaire, encourt ainsi personnellement les risques inhérents à &a pro­priété; que ee de1;nier trouve neanmoins dans les dispositions de l'article a4 une-

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compensation à la perte qu'il éprouve, dans le remboursement qu'il peut exig·er, du prix que les titres lui ont coùté, si son acquisition offre d'ailleurs les garanties spéciales qui y sont ég·alement prévues. . 1

Attendu, au surplus, que la dépossession du sieur Lombois dans les circonstances prérappelées ne peut être considérée comme une perte dans le sens prévu à l'article 2279, al. 2 du Code civil; que, suivant l'expression d'Aubry et Rau (T. II, pag-e 140), on doit considéré!' comme perclus : « les objets ég·arés par suite d'une nég!ig·ence directement ou indirectement imputable à celui qui les possédait n ; que tel n'est évidemment pas le cas actuel; que cette dépossession ne peut davantag-e constituer un vol puisqu'il est cons'tant <rne le sequestt'e 'Vilberg·, inculpé non du chef de ,vol mais de détournement, a bénéficié d'une ordonnance de non lieu, et que Jenni lui-même, poursuivi devant le tribunal correctionnel de Bruxelles sur le pied de l'article 4 de l'arrêté-loi du 3,1 mai 19'17, pour avoir volontairement prêté ~on. coneours à l'exécution de mesures irrég·ulières prises par l'ennemi portant atteinte à la propriété privée à l'égard de biens appartenant à des Belges ou à des sujets alliés, a été remoyé des pomsuites par jug·ement de ce tribunal en date du 25 juillet 192!. ·

Attendu, pour ces mêmes motifs, qu'il ne serait pas soutenable qu'un pt'étendu vice aurait entaché le titre litig-ieux entre les mains tant de Leroy que des intermé- · diaires antérieurs, antérieurs, pàrcc que cette détention ne serait que la conséquence de l'un des actes de dépossession visés par le susdit arrêté-loi.

Attendu qu'aussi bien l'arrêt elu 9 mai J 928, admettant la revendication, ne se fonde pas davantag·e sur l'arrêté-loi du 3l mai ,1917 mais sm' les clispositiOJlS-llLus----~ générales de l'article 22 de la loi de 1921.

Attendu enfin qu'il n'est pas inutile d'observer que la liquidation des titres de Lomhois pat' le sequestre à l'intervention de Jenni, liquidation dont le produit a été porté au crédit du dit 1Lombois, eùt pu être profitable à celui-ci en cas ·de hai!:se subséquente de ces valeurs; que la hausse qui s'est manifestée par la suite constitue un facteur purement extrinséque, dont il est résulté un dommage sans doute, mais dont' il n'y a pas lieu de tenir compte pour apprécier le fait dans ses élé1nents constitutifs et essentiels et pour le caractériser au point de vue ci-dessus envisag·é.

Attei1du que le recours prévu par l'article 2279 alinéa 2 du Code civil manquant. de base en l'espèce, il importe peu que le contrat intervenu entre Leroy et Gatz constitue une vente ou un mandat; fJU'il n'échet donc })as d'examiner ici quelle influence la nature spéciale de l'un ou l'autre l)e ces contrats a pu exercer. sur les rapports existant entre parties,

Par ees motifs, La Cour rejetant toutes conclusions autres ou plus amples et joignant les causes

inscrites sub nume~is ... du role confirme le jug·ement entrepris en ce qu'il a déclaré non recevable l'intervention de la Commission de la Bourse de Bruxelles, et l'a con­damné aux frais ·de cette intervention; dit ces frais récu}Jérables eonjointement ù r.harge de chacun des membres de cette Commission intervenus au lilig·e et, 1~

réformant en tant qu'il a fait droit aux diverses demandes de Gatz contre Leroy, déclare le dit Gatz non fondé en celles-ci, l'en déboule et. le condamne aux dépens des deux instances, tant ceux relatifs à l'action principale que ceux afférents aux

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di vers recours en g·arantie qu'elle a nécessités et ceux exposés par Buurmans et Ci'! en leur appel contre Leroy ; dit toutefois que les dépens des appels didg·és contre Gatz, Leroy et Jenni par les intervenants composant la Cmmnission de la bourse del Bruxelles seron~ supportés conjointement Ùar ces derniers .

. Observations. - 1. Un sieur Lornbois, de nationalité française, avait, avant la guer•re. obtenu de la succursale établie à Beuxelles par une banque feançaise, une ouverture de ceédit gaeantie par un certain nombl'e de titres au poeteur parmi lesquels se teouvaient notamment des actions Katanga et des actions de· Glaceries.

Pendant la guerre, la banque française fut mise sous séquesti·e par les allemands. Lombois devant, en compte eoueant, une somme de 500.000 frs environ, le sé.questee allemand fit réaliser un cm·tain nombre de titres pour nue somme approchant 510.000 ft'. Par la suite, le net pt'oduit cle la vente fut por·té au crédit du compte de Lombois chez la banque française.

La guerre ayant pris fin~ Lombois liquida son compte avec la banque.

La législation en viguem' à l'époque ne lui permettait pas cr exercer un re"cours quelconque.

Parmi les ageüts que la banque Ü'ançaise chargeait cl~ acheter et de venclf•e les titres au poeteur se trouvait notamment le sieur J en ni, agent de change ageéé à la bourse de Bruxelles, de. nationalité suisse~ {!lÜ avait~ d~ordre elu séquestre allemand et de la banc1ne. vendu les titi'es remis par Lombois en garantie de rom'"ef'ture cle crédit lui COll­

sentie. Lombois poeta plainte contre Jenni. Celui-ci tut acquitté par juge­

ment 'rendu le 25 juillet 1921 par le TI'ibmull coel'ectionnel de Bt'nxelles. (Voir le jugement et la note dans Prtsicrisie, 1921, III, 198).

Le 24 juillet 1921 était promulguée la loi sur la dépossession des ti tres au portem~.

Lombois, en vertu de cette loi, fit opp<;>sition sur les titres~ dont les -cours étaient en hausse, mais il ne se préoccupa pas de ceux dont les cours avaient baissé clans des propol'tions souvent considérables. Pal'mi les titres frappés d'opposition se trouvai~nt notamment 51 actions Katanga. j

- Ces oppositions donnèrent naissancèà de nombreux procès. 2. Il fut cl' aboed statué par les tr·ibunaux de Bruxelles sur certaines

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JURISPRUDENCE 235

•Oppositions et sur les contradictions que ces oppositions avaiell t .provoquées.

Par jugement rendu le 5 août 1925 (Jur. comm. Bnt:r. ~ 1925, 398), 1le Tribunal de commerce de Br'uxelles refusa de consicléeer· comme fait de guerre la réalisation des tih·es constituant le gage de <Lombois : celui-ci voyait clone rejeter sa demande .en revendicati.on.

Ce jugement fut confirmé par un arrêt de la Com· d'appel de Bru­xelles du 15 décembre 1926 (Pas., 1927, II, 97).

La Cour de cassation rejeta le pouevoi foemé contre cet arrêt, considéeant que la décision de la Cour d'appel de Br·uxelles était .rendue en üüt (Cass. 24 nov. 1927~ Pas., 1928, I~ 25).

Lom boi.s recommen ca un prod:ls, a V erviees, contre un sieur Gat z Bt, à Dinant, contre le baron de Rosée.

Ces deux teibu naux, contrairement aux décisions rendues précé­·demment, estimèrent que la réalisation des titres de .Lombois, vn les .. circonstances dans lesquelles cette réalisation s'était·produite~ consti­tuait un fait de gueere et que, par conséquent, il y avait lieu d'm·­

. -donnee la restituti'on à Lombois .des tilees qu'il revendiquait. Ces deux décisions furent conAr·mées par arrêts rendus pae la Cou!'

··cl' appel de Lié ge, le 28 janvier 1928 (Pas., 19.28, II, 79). Le pom·voi dirigé contL'e cet an·êt fnt repoussé, la Cour de cassation

·estimant que la décision était rendue en fait (Cass., l 0 octobre 1929 ~ Pas.~ 1929. I, 323).

3. Un sieur Delvallée: de nationalité française, s'est trouvé dans la .'même situation que le siem· Loil1bois.

Par un al'rêt, rendu l~ 29 janvier 19.27 (J. J'rib.~ l 927, col. 149), ·la Cour d'appel de Liége avait rendu u.n an·êt ot·donn'ant la restitution à Del vallée des titres qu'il revendiquait, pat· application de la loi dn 24 juillet 1921.

Toutefois, par son arrêt en date du 3 avril 1930 (Jtttr. Li~r;e~ 1930, .p. 161). la Cour d'appel de Liége refusa à ce même Del vallée la .restitution de titees qu'il revendiquait a charge d'autres porteurs.

4. Le dépossédé pat• fait de gtucwt·e ayant obtenu la restitution de titres revendiqués~ par application de l'a loi dn 24 juillet 1921, se .posait aloes la cjuestion de savoir si le détenteur nctuel. qui a dù .renrlee le titee contee remise du prix payé pone l'acquisition de "celui-ci, a un eecours contre Pagent de cl}ange qui avait, pmi.e s:::>n

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236 JURISPRUDENCE

compte~ 1:égocié l'a.chat elu titre litigieux en bourse a une époque­antéi'ieure <~la pr-omulgation de la loi du 24 juillet 1921.

C'est la question intéeessante que la, Cour d'appel rte Liégea eu à élucider dans l'arrêt publié e:i-clessus.

Toutefois, ici encore, la jurispeudence a quelque peu varié. Par un jugement rendu le 15 février 1927. en cause Smulders contre

Ducllâteau (J~w. Liége, 1927. p. 157 ), le Tribunal de commerce de Liége refusa œ admettre le recoues du poeteur dépossédé. La Cour d'appel de Liége saisie elu litige~ réforma cette. décision par arrêt du 12 novembee 1928 (J~t1', Liége, 1929, p. 18; - J. T., 1929. coL 82).

La question fut plaidée à nouveau (en cause Gatz et Leroy et con­sorts) devant le Tribunal de commeree de Verviers! lequel, par juge­ment du 24 mai 1930, suivit là thèse défendue par l'arrêt de la Cour d'appel de Liége du 12 novembre 1928 précité.

Dans son arrêt en cette cause~ publié ci-dessus, la Cour d'appel de· Liége revient sue sa. précédente jurlsp1·udence, mais non sans raison à noti'e avi5.

Si l'on s~en l'éfère, en effet~ aux pr·incipes du droit et au fait que la loi du 24 juillet l 921 ne contieilt aucun aeticle ni aucune disposition visant le cas de l'espèce, il apparait que c'est la thèse défendue par­l'arrêt ci-dessus du 26 mai 1931 qui doit prévaloir. C'est aussi, semble-t-il, 1 'avis du législateur tel que le révèlent les travaux préparatoire8.

5. Notes de jurispPudenc~. Un changement de législation modiflant ou détruisant certaii1s:

droits attachés à, la chose est .à charge de racheteur. Cons. : DALLOz,. c. ciy., ai·t. 1626, 11° 77; - LAURENT, tome 24, n° 224; - Cass. Ü'.,_

11 nov. 1891, D. P., 1892, I, 293; - Paris, 11 déc. 1897, SmEYt 1897, II, 312; - GUILLOUARD, De la vente, t. I, Il0 306; - DUYER­GIER, c. civ., De la .vente~ t. I, 11° 314; - BAUDRY-LACANTINERIE, o. civ .. tome 19, 11° 352; - AUBRY et BAU, c. civ., t. 5~ p. 84; -THIRY. C. civ., t. Ifl, fl 0 571, 1°.

Non rétroaetivité des lois. Cons. : LAURENT, c. civ., t. I, n° 50;­Cass. 12juillet 1925, Pas., 1925, I, 358.

Les effets d'un conti'at sont régis par la loi ~n vigueue au moment où il ~ été conclu. Pour qu'il y ait rétroadiv_it~, la volonté du légis· latem' doit êtL·e nettemet1ot exprimée. Cons. : Cass. fe., 7 juin 1901, l?cts. C. 1901, IV, 149 .; - Liége, 13 avril 1892, Pas., 1892, II, 187 ;

N° 3156

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237

- BELTJENS! c. ci v.' art. 2,· no ] 2 ; - BAUDRY-LACANTINERIE, Code ·Civil t·~ I, no 156 et les autorités citées ; - Pand. belges yo RétJ'Oac­tivité des lois civiles et politiques, t. 91~ nos 136 et 172.

Loi du 24 juillet 1921 ; trayaux préparatoires. Voie.: Sénat, 1er juin 1921, Ann. 1xwlem .. session 1920~19.21, p. 618, déclar. de :YI. HursMAN- VA:'{ DEN NEsT, rappodeur.

En ce qui concerne les recom·s. Cous. : BEZARD-FALGAS, Opposition st.t1' les 'titres œu podeur, loi (française) de 1872, p. 176 ; -Lyon, 7 nov. 1888, Si1·ey! 1888, II, 288 et la 110te; - Cass. fe., Il f~v~'Ïer

1931, J. T., 19::31, col. 308:- Cass. fr., Il juin 1877, Sirey~ 1878, I! 445 ; - LxoN-CAEN et RENAULT~ Droit comme1·cial, t. II. no 658 ; ·- Coui'ti'ai, 14 août 1850, B. J., 1850, p. 1004.

René BERTRAND~ Avocat près la Cour d'appel de Bruxelles.

Sur la I'ecevabilité de l'action individuelle· de membres d'une asso­·Ciation dépourvue de la personnal1té jur.idique, nous ne pouvons partagee la doctrine de l'arrêt. L'intér~t est la mesure des actions; mais un intécêt! si minime soit-il, même simplement moral, est suffisant pour rendre recevable une· demande en justice. Dans le cas présent, la Cour reconnaît l'existence d'un intérêt d'ordre profes­sionnel et moral (solidarité professionnelle) dans le chef des interve­nants membres de la Commission de la Bom~se de Bruxelles, néan­·moins elle les écarte comme non-recevables. Cela nous paraît peu logique. Il semble que la recevabilité était ceetailie, quitt.e pour la Cour à apprécier en quelle mesure la dernancle de 1 'intervenant pouvait ou devait être accue.iilie au fond! ·selon la mesut'e réelle de l'intérêt invoqué.

F. P.

No 3151. - Cour d'appel de Bruxelles (7c ch.). - 9 juin 1931.

IVlM. X ... , prés. ; Huwal't, av. g·én.; 1\itres Touchard et Van Malderghem, av.

(Soc. an. 1llétallurgique de Sambre et Moselle of l'Etat Belge, 1lfin. des Finances).

Droit d'enregistrement.- Remboursement d'actions. -Droit de par­tage.- Inapplicabilité.

N'est pas soumis au droit proportionnel d'enregistrement établi par les art. 1° et 3o de la loi du 15 mai 1905, modifiée par les lois .du 24 octobre 19l9 et du 2janvier ,1926, .le procès-verbal de v assemblée générale des actionnaires d'une société anonyme portant

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238 JURISPRtfDENCE

1'ésolution de transformer les actions privilégiées de la société en actions ordina-ires du. même montant et de rembourser au porteur de chacune des actions pri·vilég·iées une· somme de NJ3,50 f1·. a~n de donner à cette catégorie d'actions la ·même vale·ur uniUtire que celle attri.l;uée aux actions ordinaires et de les assimiler les unes aux autres. Pareille allocation ne constitue ni le partage, ni la liqnirlation soumise au droit de 0,60 aja.

Attendu que l'action intentée par l'appelante à l'Etat Belge a pour objet le rem­lJOursement par celui-ci de l;:t somme de 12737 francs 4~ ems, que l'appelante prétend avoir acr1uittée imlument à titre de droit vrovortionnel d'enregistrement d'un pré­

. tendu acte de partag-e entre les porteurs d'actions privilégiées aux termes du procès­verbal de l'assemblée générale de l'apvelante du 27 décembre ·1927, visé dans le .i ugemen t a quo ;

Attendu que, contrairement à la thèse soutenue par l'Etat helge, l'appelante vré­tend que l'allocation résolue aux termes du elit procès-verbal, ne cm1stitue 11i le partag·e, ni la liquidation frappée du droit proportion'nel' d'enregistrement var ;lpplication de l'article 1er 1° et 3° de la loi du Hi mai 19ù!J, droit porté à' 0,60 o;o par les lois des 24 octobre '1919 et 2 janvier 1926 ;

Attendu qu'à juste titre le premier jug·e a refusé à la dite t'ésolulion le caractère de partag·e ; qu'en effet, celui-ci suppose une indivision: que, sous l'empire des lois. belg·es, le patrimoi11e d'tme société conunerciale est indépendant de celui des action­naires: q)l'une telle soeiété existe jusqu'à sa liquidation et qU'aussi longtemps que dure sop existenee, son avoir ne eonstitue pas une indivision entre actionnaires; qu'en l'eSJ)èce, an surplus, il n'y a eu qu'une résolution de rembourser au porteur· de ehp.cune des actions privilég-iées la somme de '1.53,50 fr., afin de donner à cette eatég·orie d'actions la même valeur unitaire que celle altri.lmée aux actions ordi~ naires et de les assimiler les unes aux autres ;

Attendu que la' jurisprudence belge a consacré la Wéorie de la séparation du patrimoine de la société commerciale d'avec celui des actionnaires et partant celle de l'absence d,e partag·e, en cas de remboursement sm les actions (Civ. J..iég'f\ -12 mai 1927; appel Liège, 7 janvier 1929; Cassation, 10 juillet J930);

Attendu qu'on ne peut davantage voir, dans la résolution litig-ieuse, une liquida­lion dans le sens du 3° de l'ai'ticle -L er de la loi dÙ 15 mai J 91 5 ; qu'en effet, aux termes du paragraphe 3 çle l'article 72 de la loi sur les sociétés, si la réduction du eapital doH se faire par un remboursement aux acliounaires, -ce remboursement ne veut être effectué que_ six mois après la publication de la décision prise à cet eH'et;

AtteJldu tru'en l'espèce, la décision a été lH'ise le 2i décembre 1927; que l'aete <rui ta ronstale et qui fait l'objet du droit d'enregisti'ement n'a pas mentionné la remise aux actionnaires des sommes dont le rem}loursement a été décidé et qu'il ne )louvait le fai.re sa,ns·coptrèyehir àfarticle 72 de la loi slir les sociétés; /AÙendu que la portée de la résolution se troure doue limitée à la recdunaissance

d'un droit de créance de chacun des 110rteurs d'actions pt•ivilégiées et., dans le chef de l'appelante, d'une obligation vis-à.vis de ces actionnaires; qu'en aucun cas, on ne peut voir dans cette reeonnaissance une liq~Iidation, qui ne petit se concevoir sans une réalisation d'une müversalité,indivise, en espèces liquides à répartir eHtre co ·imlivisait'es,;

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JURISPRUDENCE 239

Attendu que l'acte litig-ieux n'a en consé(jnence, le caradère ni d'un partage, ni d'une liquidation ; qu'il n'est pas fra11pé du droit proportionnel établi par la loi du H> mai 1905, article 1er et des lois qui l'ont modifiée et que, dès lors, l'action de répétition des droits acquittés est fondée;

Par ces motifs, La Cour, de l'avis conforme de 1\I. Uuwart, avocat g-énéral, donné en audience

publique, rejetant toutes autres conclusions, met à néant le jugement dont appel ; émendant, dit pour droit que le droit' de partag·e n'est pas dù; condamne l'Etat belge à rembou_rser à l'appelante la somme de douze mille SPJit. cent trente-sept francs quarante hu:t centimes; le condamne aux intérêts judiciaires de cette somme et :iux dépens des deux instances.

Observations. - L'assemblée géné1·ale des actionnaires de la société demanderesse a décidé le 27 décembt'e 1927 de transf'ormer les 13.830 actions p1·ivilégiées de 500 fr. chacune en actions ordinaires du même montant et de payer aux porteurs d'actions privilégiées une somme de 153 fr·ancs 50 centimes par titre, tt préle-rer Sllr le fonds de réserve, et ce, en sus du dividende de l~e:xercice 1926-1927. Le fisc perçut sur le procès-verbal de cette assemblée générale le dt·oit de 0,60 °/o applicable en matièl'e de pal'tage ou de liqu~datiou. La société !:Outint qu'il n'.Y avait pas lieu ù perception du dt•oit proport:ionuel d'enregistrement~· à déümt de partage et ù défaut de liquidation ; Je tribunal de première instance admit qn'H n'y a pas partage~ mais décida qu'il y a liquidation; la Com· décida que Pacte litjgieux n'a le caractère, 1JÏ d'un partage, 11i d~une liquidation. Il s~ensuit que le seul dt·oit exigible en l'espèce est le droit fixe.

Aux termes de l'article premier, Pet 3°, de la loi dn 15 mai 1905, il a été établi un droit de 0,25 °/o (porté ~t 0~60 °/o pa1· les lois des 24 octobre 1919 et 2 janvier 1926) "sur les actes portant; P z;cwtage , total ou pal'tiel, provisoire ou dénuitif des biens, meubles ou immeu­" bles ; ... 3o liquidation de sommes on valeurs dépendant on t<wmant , le pt~ix de bieus prorenaut d~uue communauté conjugale~ d'ui1e suc­" cession ou d'une société. Le dr·oit est perçu sur la valeur de tous , les biens dont l'acte f'aii cesser l'indivisimi, soit eJJtl•e tons les " co-propriétaires~ soit ù régard de run ou de plusieurs d'entr·e eux, , et plus généralemm~t sm· le ,moutant to~al de~ s.911V'P:es e.t valeurs " dont pacte détermine le SOrt, sans distraction des charg~.S n,

Pour que le droit de partage soit applicable, il est nécessa1re qu'il y ait une indivision et que l'acte :intm'venant entre co-propriéti:Ür'es des biens indivis y mette fin.

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•240 JURISPRT.IDENCE

En l'espèce jugée, ces deux. éléments faisaient défaut. Avant la décision de l'assemblée générale auc:un indivision n.'existait, ni au sein

·de la société, ni entre celle-c.i et ses actionnaires : l'art. 3 des lois sur les sociétés commerciales dispose, en effet, que la société anonyme possède une individualité juridique distincte de celle des associés. Après la décision de l'assemblée générale, aucune indivision n'a existé, ni entre la société et les actionnaires~ ni entre ceux-ci; car,·si l'avoir social s'est trouvé amoindri à la suitè de la décision dont s'agit, l'être moral a gardé intacte sa personnalité jue~dique. L'art. 1868 du Code

. civil n'est applicable qu'aux associations qui ne forment pas des indi­vidualités juridiques et dans lesquelles ill existe une indivision. La

·Cour observe à bon droit que, sous le régime des lois belges, le patl'i­moine cl 'une société commerciale est indépendant de celui des aution­naires, que cette société garde son entité juridique distincte jusqu'~t la clôture de sa liquidatim~ après dissolution et qu'àussi longtemps que duPe cette existence, l'avoir social ne constitue pas une indivüdon entre actionnaires.

Le système des lois belges s'oppose nettemeiit à celui des lois fran­çaises en cette matière. En France, la jm~isprudence ne voit dans les apports en société qu'aue mutation sous condition stispensivè au profit de celui des associés auquel ils seront attribués lors de la liquidation de la société ; par suite, Jes biens appaeaissent comme indivis entre les actionnaires. Le législatem· belge, au contraire, considère les apports faits comme comportant mutation définitive au profit de l'être social.

Non seulement~ ropél'at:ion litigieuse ne compor'tait ni indivision préalable, ni co.-propr~étaÏI'es, mais on n~y trouvait pas d'acte inter­venant entre les propriéta.iees. Cet acte est qu~lifié acte de par·tage

. quand les biens indivis sont çles biens imn:eubles ou des biens meubles autres que des créances ou sommes d'argent. Lorsque les biens à par­tager sont des créances ou des sommes d'argent, l'acte se dénomme acte de liquïdation. En l'espèce·! il est inteevenu un acte unilatéral de la ·société elle-même, s'exprimant par son organe léga.l, la majorité des actionnaÎI'es réunis en assemblée générale et portant résolution de rembom'ser au porteur de chacune des actions privjlégiées, la somme

. de 153,50 fe.~ afin de donner it cette catégorie d'actions la même valeur

. unitaire que celle attribuée aux actions ordjnaires et de les assimiler·

.les unes aux autres. La jurisprudence admet l'absence de partage en

N' 3157

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JURISPRUDENCE '241

,~as de dé·cision sociale pm'tant rei11boursement sur les àctions, tant a.. ··cause de l'absence de tout contrat entre tous les actionnaires~ qu'à ·cause du principe què le patrimoine social est sép.aré de celui ·des actionnaires. La décision que nous reproduisons consacre cette manière de voir.

La loi de 1905 dispose que le droit est dû en cas de liquidation de :-sommes ou v,aleurs dépendant ou formant le ·prix de biens provenant d'une succession, d'une communauté conjugale ou d'une société ; la •loi vise les créar~ces et sommes d'argent sur lesquelles les parties ont tm droit en' vertu d'une sticcession. rl'une communauté conjugale dis­-~oute ou d'une société dissoute. Le législateur a visé. spécialement .ces ·droits parce que les créances et les sommes d'm'gent se divisent de .plein droit èt ne sont p·as susceptil?lel:; d'indiyision~ et que l'acte. par !lequel les ayants-droit cli~tt·ib~mLt eu tre eux les .CI'éan~es et les sonm:Îes ·d'argent ne constitue. pas un acte de partage, à défaut .d'indivision ,préalable. 'Cet acte de liquidation est soumis· au même impôt que l'acte' ·de. partage proprement dit. Comme on l'a vu, en l'espèce, le procès­verbal' de l'assemblée générale ne comportait pas un acte de liquidà­tion dù sens de la loi de 1905,, parce qu~il ne s'agissait pas de créances ·OU sommes d'argent appartenant déjà aux parties qui, par un acte. les répartissaient entr~ elles ; les sommes d'argent n~appartenaient,: ·en effet, qu~à une seule personne, la société qui, par"' un acte unila­téral~ a décidé de répartir ces sommes entre ses actionmiires. La Com' 'Ühserve surabondamrp.ent qu'aux termes du paragraphe 3 de l'ar"t 72 -des lois coordonnées, si la 'réduction du capital doit se faire par un remboursement aux actionnaÏI'es, ce remboursemel'l.t ·ne peut. être ·effectué' que six mois après la. publication de la décision prise h cet ·effet; que, par conséquent, cette décision est const;;ttée pa.r un acte -~ soumis à enregistre~ne11t - qui ·ne peut mentionnér"·la l'emise aux .actionnaires· des sommes à ren1boursm~ sans contrevenir au dit article.

La portée de la résolution litigieuse se trouve effectivement limitée ~à la reconnaissance d'un droit de créance de chacune des porteurs d'actions privilégiées et, clans le chef de la société~ d'une obligation :vis-à-vis des actionnaiJ~es. Le droit d~oblig~tion de 2,16 °/o. prévu par .J'aJ't. 69, pal~. 3~ 11° 3 de la loi de Frimaire n·est pas dù,. car l'art. 10 de la loi du24 mars 1870 exempte du droit proportionnel l'acte par Jequel une société décrète un payement à ses' actionnaÜ'es, qu'il ~s'agisse d't~Ii dividende ou d'un remboursemen~ d'actions. La société.

N~ 3157 ·1G.

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242 1 JURISPRJ,TDENCE

dans ce cas, .s'oblige à effectuer le payement ep v~rttr des titres -acti,ons et coupons - que possèdent les actionnair~s : ces titres sont exemptés de l'enregistrement et ilu'y_a pas de novation :;la réparti-­tion des bénéfices entre les actionnaires n"estd'ailleurs que l'exécution. du contrat de société qu.i a subi la formalité d~ J'er~registremeni.

Félix PARIDANl'!

avocat près l;;t Cour d'appel .d.e Bmxelles. · ,

No 3158. - Cour d'appel de Liége (3e ch.). - 23 janvier 193L 1\ll\'1. Genart, p'és. ff. - Loiseau, av. ~rén.;- 1\Jtres Cornesse cf C. Dupont. avocats

(Charbonnage du Hasard c. Direct. des conttib. de Liége). 1

Impôts sur les revenus. - Centimes additionnels communaux à la tax~ professionnelle. - Société par actions. - Siège social et ~iège d'ex­

. ploitation. - imposition au siège soç~al ou au principal établissement.·

A raison de soù caractère addUionnel, l'imj}ôt. communal, faisant l'objet de l'art. :i de la loi dzt 16 juillet '1922 1'emplaçant les 2 de1'niers al. de l'art. 83.des lois coord. d'impôt sur le re·venu, frappe le même contribuable déjà sujet ù la ta.xe professionnelle,. due à l'Etat, encore que cet impôt en solt différent par son origine et Slt destination. ' Il est de règle, consacrée par les art. 48 et 49 des lois coord., que les sociétés par. actions ayant en Belgique leur siège soc'ial ou lem· principal établissement admüzistrati( sont imposées, notamment à la taxe profès.c;ionnelle, dans la commune de leur principal établ-issement; c'est là que se centraUse le produit de l'activité sociale etlà seulement que se détennine'le résttltltt financier global unique sur lequel peut s'établir la taxe.

Attendu que les communes de Cheralte et de Fléron ont établi un impôt de 50centimesaddilionnels à la taxe professionnelle de 1926, 19'27, 1928 et -J92!J. qu'elles entendent per~evoir à charg-e de l'appelante, qui possède sur leur territoir~ des sièg·es d'exploitation, mais dout Je sièg·e social et Je principal établissement sont à Micheroux, commune tjui n'a pas établi ce même impdt, taxe maintenue par hl. décision dont cet appel ;

Attendu que Je droit pour les communes d'établir un tel impût, · sulwrdonnée- à l'autorisation du Gouvernement; est consacré par l'art.~ de la loi du 16 juilletl922 reinplaÇant ies 2 dei'niers alinéas de l'art. 83 des lois coordonnées du 29 octobre 1919 et du 3 aoùt 1920; que, sans doute, ce droit est reconnu à routes communes, mais que les pouvoirs commtmaux se limitent aux personnes et aux choses qui se trouvent dans l'étendue de leur ressort territol'ial; 1

Altendu qu'à raison d~ son caractère fd,clhionnel, c~t impdt ~p1ppgw.a.l frappe lé même contribuable déj,~~ sujet à la t:;t~~~i>xofè$sionnellb due à l~~lat, ~ncore que cet impôt en soit différent"p:,tr son ori~·j~1e et.s~ destinatlçm. ·. ·

Attendu qu'il est de règ:Ie, consacrée par· les· articl'es 48 et 4 9 des lois coordonnées d~s 29 octobre 1919 e·t S a'oùt -1920, que les sociétés par actions ayant en Belg-iqué

N° 3158 • 1

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·JURISPRUDENCE 243

leur sièg·e social ou leur pt~incipal établissement administratif, sont i-mpo·sécs, notamment à la taxe professi9nnelle, dans la éommune de leur principal établisse~

ment; Attendu que c'est. là qtie se centralise le lH;oduit de l'activité; sociale et lù

seulement· que se détermine ·Je résultat financier ~;-lobai n'nique sur lequel peut s'établir la tax~ ;

Attendu qu'aucun texte légal ne prévoit pour celle-ci, ni en vue de l'imp6t additionnel communal une division du bénéfice total de l'entreprise qui permette de le répartir entre les différentes communes sur le territoire desquelles, une société possède divers sièges ·d'~xploitation, ni non plus une subdivision des taxes elles­mêmes sur quelque hase que ce soit ;

Attendu que vainement on invoque pour en chercher une, les -dispositions de l'arrêté rosai du 28 aoùt 1922 ; que son texte clair et formel règle exdusivement l'exécution de l'art. 81 des lois cooi'données du 29 octobre 1919 et du 3 aoùt ·1920 modifié par l'art. {er de la loi du -16 juillet 1922,-- c'est-à-dire l'attribution ~et la répartition de la part d'impot et notamment dela part de taxe professionnelle qui, perçue au profit de l'État, est attribuée par la loi aux provinces et aux communes ;

Attendu queles lois subséquentes du n mars Hl25 (art. 3) et 3-1 décembre -1925 (art. 16) modifient uniquement, la prenü.ère les articles 80 et 81-~ la.s~ond:e' les articles 80 et. 82 des lois coOI'données ;

Attendu que ees trois· derniers articles et l'art. ·1 et· de la loi du 16 ·juillet 1922 ainsi que l'arrêté royal du 29 aoùt 1926 visent seulement, des modifications d'attri­bution et de répartition aux provinces et aux eonununes ; qu'ils sont c~omplètement étrangers à l'impôt additionnel communal admis d'abord par l'art. 2 de la loi du 16 juillet 1922 puis par l'art. 4 de la loi du 17 mars -1925, modifiant tous deux l'art. 83 des lois coordonnées ;

Attendu que toute loi fiscale est de stricte interprétation ; qu'il ne peut y avoir {}'impot sans ùn texte positif d'où se déduit avec certitude que le législateur a entendu l'établir ; que partant aucune perception de taxe ne peut être justifiée par raison d'analogie ou d'identité de motifs ;

Par ees motifs, La Cour, ouï 1\L l'avocat g·énéral Loiseau en son avis conforme, 'écartant toutes

autres conclusions,.émendant la déeision du Directeur des contriJnltiOilS d.!l'~cteset du cadastre cte la t)ro:vince dr. Liég·e, dit pour dwit que la soCiété apJ)elàllte ·ile JlOUYail, pour les anuées ·1926, 1927, 1928 et HJ2D, ètre frappée de centimes additionnels à la taxe professionnelle par les communes der Fleron et de ·cheratte.

Ordonne en conséquenee la restitution avec les intérêts lég·aux à i)artir du jour du paiement de toutes les·sommes payées en trop par la société appelante duchef des dites taxations ;

Condamne l'Administration des finances aux dépens;

Observations. - La question de savoir quelle communepeut établir­des centimes ·additionnels à la taxe professionnelle, au cas où une société possède son princîpaL établissement et des sièges d'exploitation dans différentes connntmes, a suscité des controverses qui ont eu leue

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244 JUE,lSPRUDENCE

écho dans la ·docteine et la jurîsprudence. Cèlles-ci Pont tt~anchée . ·unanimement dans le sen~ indiqué par l'ari'êt de la Cône de Liége ici reproduit. Seule la commune du princii)al é~ablissement. ou. elu siège social a ce pouvoÜ'. La Revue a publié sur ce point un aiTêt de la même Cour en date du 16 janviee 1929 (Remte~ 1929, 11° 2955), ainsi qt(UÎ1e étude' de Me G. RASQUIN : " De l~absence cle 1'elation entre l'attribution auxp1··ovinces'et a~t"x com~mtnes d'wze quotité elu p~·oclm't de certains impôts et la pm·ception des additionnels à ces taxes établ1:s 1J(W les cmnmunes et les provinces" (Revue, 1929, 11° 2962).

M.F.

No 3159. - Cour de cassation de France. - 3 mars 1930.

Primes d'émission d'actions. ~ Apports.- Droit d'enregistrement.?­Impôt sur le revenu.

Lés primes d'émission d'actions étant des sommes d'argent mises en commun dans un .i11térêt social pour az1oi1· droit à. la répartition de l'actif social~ participent de la nature des apports et donnent onve1:tnre ait droit d'enregistrement à l'époque de leur versement.

Elles peuvent~ en mitre, être passibles plu,c; tard de l'impôt sur le ?'evenu, si elles soni distribuées aux actionnaires en plus de leur appm·t initial.

Sur le. moyen unique, pris de la violation des articlès H, 68 § 1, no ~a et§ 4 de la lol du 22 frilnaire an VII, 1 et 2 des lois du 28 février 1892 et 29 juin 1872, ensemble violation de l'art. 7 de la loi du 20 avril1810, défaut de motifs et manque de base lég·ale ;

Attendu que la Cie des l\'Iines d'Aniche ayant procédé à une augmentation de son capital, par l'émission d'actions nouvelles dont la valeur nominale était majoi·ée d'une pl'ime, l'Administratîon de l'Enre~ristremeut a perçu le dl'Oit d'apport (1 p.c.) sur le montant total des actions et des prÙ1ies;

Attendu que le Tribunal de· la Seine, saisi par la Cie des l\lines d'~\niche d'une action en restitution des droits afï0rents au montant des primes, l'ayant déboutée de sa ·demande (23 mars 1928), le pourvoi fait gTief au jug-ement d'avoir décidé que les pl'imes d'émission sont assujetties au droit d'apport, alors qu'elles donnent déjà ouverture à l'impôt cédulaire sur le revenu institué par la loi du 29 juin 1882 ;

l\'Iais attendu que ces primes, étant des sonmi.es d'argént mises· en commun dails nu intérêt social pom· avoir droit, au mêine titre et dans la niême mesure que toutes autres apportées déjà par ies associés, à la répartition de l'actif social, participent de la nature des apports et donnent ouverture aux mêmes droits d'enregistrement, à l'époque de leur versement; qu'elles peuvent, en outre, êt.re passibles plus tard de

· l'impôt sur le revenu, si elles sont distribuées aux anciens actionnaires, en plus de leur apport initial; puisque ceLte distribution, qui les fait passer de la caisse sociale dans le patrimoine personnel de ces actionnaires et leur procure un véritable enri-

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JURISPRUDENCE 245

chissement, est un fait juridique distinct de l'apl)Ort et g-énérateur d'un nouvel impôt;

D'où il suit que le jugement attaqué, qui est motiYé, n'a violé aucun des textes visés au .moyen ;

Par res motifs, Rejette ....

Observations. -'--- La Cone de cassation de France a résolu, tont comme la Coue suprême eu Belgique, la question d,e l'application du droit d'enregisteement aux primes cFémission q~actions. Elle se bas~ sue un seul argument, d'ordre génét·al, à savoie que ces primes con­stituent un apport. En Belgique, la Com~ suprême, dans deux arrêts du: pr mars 1928 (voir Remte, 1928, no 2867), interprétant rexpression "capital socictl" de rarticle 4 litt. b de la loi du 30 août 1913, créa­.teur de ce droit d'enregisteement, lui avait àttribué la signification large du droit commun, par opposition au capital statutai1·e ou capital social des sociétés a responsabilité limitée· ou sociétés· par actions; C'est " l'ensemble des biens ou capitaux que les associés ont mis en commun et soumis a un régime spécial d'indivision, dans la vue de se i;artager le bénéfice qui pourra résulter du travail et de l'industrie de l'homme appliqués à ces biens ". Les primes d'émission en font partie; elles constituent donc des apports. Et ici l'argLlmentation de l~~ Cour de· cass~tîon de Belgique se rencontre avec celle de la Cour de cassa..; tion de France.

Rappelons encore que nous avions également conclu à la taxation dans notre étude, pubLiée dans la Rev·ue 0922, n°247S) : "Le droit cl' em·egistrenwnt sw· les actes cle société ".

Nous avons eu l'occasion; dans cette· étude, (rattirer l'attention sm· la distinction juridique existant entre, d'une part, le droit d 'enregis­trement frappant les primes d'émission à l'époque de leur versemen.t, et l ïmpôt sm· le revenu engendré par leur distribution éventuelle aux actionnaires, distinction qui exclut l'application de la règle non bis in idem. La Cour de cassation de France en a décidé de même dans

. l'arrêt ci-dessus reproduit. M.F.

N° 3159

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246 JV'RISPRUDENCE

No 3160. -·Tribunal de 1re instance de Liége.- 19 février 1931. '(Admz. des finances cf Cie Belgo-Luxembourgeoise).

Enregistrement. - Fusion de sociétés. - Loi du 23 juillet 1927 : apport â une société nouvelle. - Non application.

On ne saurait conclure des termes très larges : « de quelque manière qn'elle (la tusion) s'opère n, employés à propo:;; de la modalité de la fitsion, que la loi n'exige pas, dans son te:L·teComme drûis son esprit, la pl'éexistence de deûx sociétés mt moins .

. Attendu que l'Administration des finances soutient que l'acte reçu par Me Grég·oire, notaire à Liég-e, le 26 avril 1928, enreg·istré, par lequel a été formée la soc. am dénommée « Compagnie Belgo-Luxembour~reoise d'assurances, prêts hypothécaires, gestions, rentes viag-ères n ne pouvait bénéficier de la modération d'impot accordée par la loi du 23 juillet J·927 __ sur les actes portant fusion de sociétés commerciales ou de sociétés civiles ayant leur principal établisserilent' en Belg'ique';

Attendu que le capital de la société nouvelle a été formé par l'apport de l'actif et du passif de la société anonyme « Drapeau Liégeois l> en liquidation, et par des souscriptions en espéces, et que l'Administration, pour le motif qu'aucune fusion n'aurait été opérée par l'acte susdésig·né a donc décerné contrainte pour le supplé­ment de droit qui, d'après elle, aurait dû être perçu ;

Attendu que la <<Compagnie Belgo-Luxembourg·eoise » demanderesse sur opposi .. tiori, prétend qu'au contraire elle devait bénéficier de la réduction du droit, l'exposé des motifs de la loi de J 9~7 disant express.ément que celll:l-ci << s'applique à toute fusion de. sociétés » quel que soit le mode adopté pour la réaliser, qu'elle aH lieu par voie d'absorption ou par voie de création d'une société nouvelle, eng·lobant une

· ou plusiems sociétés existantes ; Attendu qu'à la simple lecture de ce texte, il apparaît déjà que les mots << une ou >>

n'y ont été introduits ou maintenus que pat' inadvertance, le contexte parlant claire­ment et expressément de «fusion de sociétés n (au pluriel) ;

Attendu que le même document (~xposé_d_es motifs) se charge d'ailleurs lui-même de dissiper toute doute lorsque, quelques Iig·nes plus loin, il déclare qi]e. la réduc­tion d'impôt est subordonnée notamment à la condition que les sociétés entre les­quelles intei'vient racte de fusion aient été constituées pat' des actes enregistrés avant le jour où la loi sera obligatoire ;

Attendu que cette dernière condition fig·ure dans la loi pour ainsi dire textuelle­ment (article 3 littera h) et suffirait à elle seule à faire éelate1' la volonté du Iég'is­lateur, si' le mot c< fusion n par définition, n'indiquait pas déjà suftlsamment que deux sociétés au moins, préexistantes ù l'acte envisag·é, sont nécessaires pour que la réduction de droit puisse être accordée ; '

Attendu que l'interprétation de hon sens CIUi admet que la loi est applicable ù la formation d'une société nouvelle qui absorbe deux ou plusieurs sociétés préexis­tantes à la mise en vigueur de la loi, qu'il y ait ou non apport de capitaux nou­veaux, respecte le principe inscrit dans la loi elle-iüême ; que celle-ci est applicable à la fusion <t de qùelque manière flU'elle s'opère », mais qu'on ne saurait cepe~dant conclure des termes très larges ainsi employés à propos de la modalité de la fusion,

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JORIS PRUDENCE 247

·que la loi n'exige pas, dans son texte comme dans son esprit, la préexistence de deux sociétés au moins ; · ·

Par ces motifs, I~e Tl'ibunal, dè l'avis conforme de M. de Longrée, Premier substitut du Procu­

reur du Roi, et-rejetant conune non fmidées toutes conclusions plus amplés, cOii­traires ou autres, . déboute la société demanderesse de son opposition ; dit que la i:ontrainte décernée par 1' Administration sortira ses effets et condamne la demande­resse aux dépens.

Observations.- Sous l'empire de contingences d'ordre économique, -en vue d'une meilleure oeganisation du travail, de la- réduction des frais généraux et de production, la loi du 23 juillet 1927, complétée et -dont L'effet a été prolongé p~tr rarticle 16 de la loi du 2 juillet 1930, a admis, pone favoriser les fusions de sociétés, une réduction de deux tiers des dPoits d'ent'egistrement et de teanscPiption sur les actes por­tant fusion " de quelque manière qu'elle s'opère de sociétés commer­·ciales et de sociétés civiles ayailt emp11mrté on non la fm:·lne de sociétés -commerciales et ayant leur principal établissement administratif en Belgique " (art. 1).

Une des conditions mises par le législateur àTobtention de cette fa veut' était que les:sociétés ·fussent constituées a une date antérieure à la loi. Ceci exclut clone de son application le cas d:apport d'une seule société existante à une société nouvelle. Ge cas apparaît, d'ailleurs, .étranger au but et à l'économie de la loi.

M.F.

No 3161. :__ Courd'appel de Gand (.2e ch.) - 30 juin 1!!)1. l\IM. de Cocquéau des-1\Iottes, .. prés. tf.;--..: de Clercq et de Poortere, c01is.;

Uemy, avoc. gén.;- Pl. : Mtres Touchard (Bruxelles) cf Boddacrt (Gand), avocats.

(Banque d'Outremer, cf Dir. des Contrib. dir. à Bruxelles).

I. Société anonyme en liquidation.- Actions en justice.- Pluralité de liquidateurs. - Acte â'appel. - Pourvoi en cassation. -Action isolée d'un liquidateur.- Exception.- Conditions derecévabilité .

. II. Impôts sur les revenus.- Taxe mobilière.~ Revenus de valeurs étrangères payés en Belgique à des étrangers n'ayant dans le pays ni domicile ni résidence.

1. Lorsqu'une partie n'a contesté la 1·~cevabilité ni de l'appel ni dtt pourvoi en cassa­tipn d'nne société anony·me en liquidat-ion faits par un seul liquidateur alors que la . .société est poztrvue d'un collège de deu.x liqttidateurs, elle n'est plus recevable à con-

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24~. JURISPRUDENCE

tester· la valicUté de la procédure antérieure llu. chef. de défaut de qualité; pour s'être·· abstenue de présenter ce moyen in limine litis.

Les dispositions des art. 156 et '/f$4 in ,fine des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, stipttlant que les liquidateurs pezwent 'intente·r. et. soutenir toutes ·actions pow· la société et qu"Us forment ttn collège, ne sont pas d'ordre public et ne font pas obstacle à ce que, soit les statuts, soit l'acte de liquidation donnent à chac1t1z des liquida-teurs mandat cl' agir isolément. ·

II. Atwztne disposition légale n'assujettit à la ta:-ce mobilière,· les revenus de valeurs étrangères payés en. Belgique à des étrangers qzti n'ont dans le pays ni domicile, ni résidence.

I. Sur la recevabilité de la requête et de la notification : Attendu que l'Administration n'a conteste ni la recevabilité du recours devant la

Cotir d'appel dè Bruxelles, ni celle du pourvoi devant la Cour de cassation, alors que ces actes étaient diligentés par le liquidateur Charles Fabri; qu'elle a donc incontestablement admis que la société requérante était valablement représentée en justice et a lié avec elle le contrat judiciaire; que partant elle n'est plus recevable à contestù ia validité de la requête et de la signification faites en prosécution de cause, pom s'être abstenue de présenter in limine litis le moyen tiré du défaut de finalité du requérant;

Attendu, au surplus, que cette exception n:est pas fondée; Attendu que l'art .. 156 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales (Code

de commerçe, L. I, t. IX) stipule, il est vrai, qu'à défaut de disposition contraire dans les statuts ou dans l'acte de nomination, les liquidateurs peuvent intènter ou soutenir toutes actions pour la société et que l'Ùt. 154 in fine des mêmes lois décide que les liquidateurs fol'ment un collège qui délibère suivant les règ·Jes indiquées à l'art. 67 ;

Attendu que ces dispositions, qui ne sont pas d'ordre public, ne font point obstacle à ce que soit les statuts, soit l'acte de liquidation donnent à chacun des liquidatems mandat d'agir isolément ; qu'ainsi que le sig-nale le rapporteur (séance du 2 mai 1910; p. 201, no 217) la loi a entendu, sauf .disposition conventionnelle contraire, lier la minorité des liquidateurs par la majorité, quant aux décisions à prendre;

Attendu qu'en l'espèce, l'acte de dissolution de la société requérante, reçu le 30 janvier ·J 928 par le notaire Scheyven, stipule expressément que les deux liqui~

. dateur:-. pourront ag'ir seuls ou conjointement; qu'ainsi se trouve établie rexistenee d'une disposition conventionnelle dérogeant au princit)e fixé eu l'alinéa final de l'art. 154 précité; · . 1 . ·

. Attendu que l'exception formulée par l'Administratio11 n'est donc ni recevable, ni fondée ; que, régulièrement saisie par une requête déposée au gTeffe et sig-nifiée dans le délai imparti parl'art. 1 de la loi du 6 septembre 1895, la Cour est tenué de statuer au fond ;

II. Au fond. - Attendu que le recours est fondé, aucune disposition lég·ate n'assujettissant à la taxe mobilière les revenus de valeurs étrang·ères payés en Belg'ique à des étl'ang·ers qui n'ont dans le pays ni domicile, ni résidence;

Attendu que l'Administration n;invoque d'aillems aucun mo~'en de fond ; que,.

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,TURISPRt!DENCE 249)

contrairement au prescrit de l'art; 9 de la loi du 6 seplembre '1890, elle ne produi~ même pas une copie certifiée conforme de la décision attaquée ;

Attendu qu'en l'absence de tout essai de justification de la part de l'Administra-· ti on et de toute contestation quant au montant des imposition~ illég·alement perçues, il échet de faire droit à la demande de la rertuérante, laquelle apparaît juste et hien fondée;

Par ces motifs, i · .La Cour, ouï en son rapport M. le Conseiller, if. de président de Cocquéau des·

Mottes et, en son avis conforme, l\'1. l'avocat g·énéral Remy, le tout à l'audience publique, reçoit le recours; le déclare fondé ; en consé({Uence dit pour droit que la· taxe mobilière n'atteint pas les l'even us de rentes et valeurs mobilières étrang·ères attribués à des personnes physiques ou morales qui ne résident pas dans le pays et qui n'y sont pas domiciliées ; ordonne le remboursement de la somme de 78.578.87 fr., indüment payée avec les intérèts judiciaires depuis le jour de la: réclamation.

Condamne l'Administration aux dépens ;

Observations. - La Cour de Gand a statué en cette espèce comme· cour de renvoi. La Revue a l)ublié (1930 ~ 11° 3011, p. 43) le texte de l'arrêt de la Cour de Bruxelles elu 29 juin 1929 et de celui de la Com~ suprême du 3 février 1930, qui Pa cassé en renvoyant la cause a la Cour de Gand.

Celle-Ci s'est rangée, quant à la question fîsc:.tle, à l'avis de la Cour de cassation. Aussi bien l'Administration avait-elle, sur ce poült~. abandonné une lutte visiblement devenue sans espoir.

Mais l' Administ1'atioi1 s'était raccrochée in extremis à. un moyen. de procédùre qui a donné l'occasion à la Coue de Gand œétablir un. point de droit sur lequel les tribunaux n~avaient pas encor·e été appelés~ que nous sachions, à se peononcerdepuis le vote de la refonte en 1913, de la loi sur les sociétés commerciales. Il s'agit des conditions d'exer­cice du pouvoÜ' donné aux liquidateurs de représenter en justice la. société en liquidation. Lorsqu'il y a plm'alité de liquidateurs, les liquidateurs ne peuvent-ils agir qtl'en collège? Ou l'un d'eux a-t-il· isolément qualité pour agir? Supposé que non, l'exception qui en· résulte est-elle d'ordre public· et peut-elle êtl'e opposée en tout état cle·caltse~ ou bien peut-il y être dérogé contractuellement par les statuts ou pae l'acte de liquldation et doit-elle êtt'e opposée in linûne litis :•

L'appelante a présenté à la Courraegumentation ré.sumée ci-après: "L'article 114 de la loi du 18 mai 1873~ devenu l'article 156 des

lois coordonnées sur les sociétés commerciales, dit que les liquidateurs­peuvent intenter et soutenir toutes actions poul' la société.

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250 juRISPRUDENCE

- Sous le réghne dA la loi du 18 mai 1873',' ctraeun des liquiâ'àtèl:frs pouvait agir seul-au nom de la société, à moins qu'il ne f~'tt: ~~pJ.·ime <Ia11s les statuts ·on dans Pacte de dissolution que l'un d'eux ne. pou;. vait agir sans le concom's des autl'es. Voir l'arrêt de la Cour de Gand, du 7 décembre 1898, qui a fait jurisprudence (Revue~ 1899~ p. 316). {Cfr aussi: C. civ, art. 1995;- Beux. 24 févT. J844, Pas., 1845, II, 202; -Comm. Liége, 11 févi'. 1858, J~w. Liége, p. 5; - Liége, 9janv. 1884~ Pets., 1884_, II,.141; -Huy, 23 avril 1890, P. P. 1890, 1068; - 1?. B. voLjquida~ion .de soc. comm. no 299 et s. -<Contra: vVAUWERMANS, Maimel, no 945; ~:,Com.m. Brux., ,28;,mars 1883, B. J., 703. - Un jugement du Trib11nal 'de- comrnm'ce de Bruxelles du 18 mai 18'89 décide qu'il fa.ut distin.1:5Üer selon rimpor­tance et la gravité de !"acte à,accomplÜ' {P. P.1889, 1319) ; les Panel. bel,ges, yo Liquidation de soc. comm. no 306, combattent cette distinc­tion).

La loi du 25 mai 1913 ajouta à l'art.ic!e 112 de la loi de 1873 {devenu J?article 154 des lois coordm~nées) un alinéa ainsi conç.u : " Les liquidateurs forment un collège qui détibère suivant les règles indiquées à l'article 67 ".

Cette disposition n'est pas d'ordre public, mais simplement supplé­tive de la volonté des actionnaires. En conséquence, un liquidateur

~ ne peut agir sans le concours des autres, à mgins que les statuts ou l'acte de dissolution aient dérogé à cette r·ègle. 1

Le rappod fait au nom de la Commisslqn de la Cllamlwe, le 2 mai 1910 poete, en effet, ce qui suit :

"Votre Commission a adopté un amendement qui foi'me le 3m ., alinéa de l'article ·112, dans ,Je but de mettl'e fin à une ,contro-" vePse au sujet des pouvoirs des liquidateurs. _

"La juPif;pendence reconnaît à chacun d'eux le droit d~agir séparé­" ment en justice. On discute la question de savoir s'il est des actes " qu'ils ne peuv~nt faire que de .commun accord.

" Une telle situation présente des inconvénients graves. " Désormais, sauf clisppsitions conventionnelles contrai1·es, la majo·

.,,. rité des liquidateurs obligera la minorité co.mme dans les conseils ;, d'administra t'~ on , . . .

En,conséquence, disait 1 'appelante~ la question est de savoir ce que elisent mes statuts : en fait, ils autorjsent l'action soit conjointe :soit séparée des deux liquidateurs ".

N" 3161

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,J\iJRISPRGDENCÈ 251

La Cour de Gand n'a donc pas admis la théoeie qui:faisait de P·aqtion isolée l~ t·ègle et de l'action collective un·e exception expPê~Sl.e êt positive~ Elle décide~ au contraire, que la disposition d.e l'art. l5li, ql~i oblige à délibération collégiale lorsqu'il y a plqealité de liquidat~urs, n'est pas d'OJ'dre ·public et dDit être entendue en ce séns seulem~üt qu'elle ne fait pas obstacle à ce que _les statuts ou l'acte de dissolutidn ·D.onnent à chacun des. liquidateurs le mandat d'agir isolément.

C'est~à~dire que, pour con.uaître les pouvoirs des liquidateurs, il faudra avant t~ut consulter les stat~üs et l'acte dedissolutioü, lesquels sont ·libres de détermü~ee ces pouvoirs au gré des contractants; s'ils sont muets, la I'ègle sera la délibération collégiale, dans laquelle, la m<:1jorité liera la minoPité. Donc en cas de pluralité de liquidateurs, un 'liquidateur agissant isolément en justice au nom de la société devra - s'il y a contestation de sa capacité, - rapporter la preuve qu'il ,exécute une décision majoritaire du collèg~ des liquidateurs.

Dans le cas de l'espèce jugée, l'acfe de dissolution désignait deux 'liquidateurs, mais spécifiait qu'ils pouvaient agir seuls ou conjointe­ment ; la société avait donc expressément usé de la faculté légale de ·donner à chacun des deux liquidateurs, pouvoir d'agir, donc d'intenter ·OU de soutenir des actions eil justice, sans Je consentement de l'autre.

No 3162. - Cour d'appel de Bruxelles (9e ch.). - 13 juin 1931. l\Ii\'l. Torsin, conseiller ff. de Président; Istas, rapp. ; Louveaux, avocat g·énéral ;

Mtrcs Jos. Goedseels cf Luc Rommel, avocats.

(Soc. an. des U8ines X ... (Cercle l'Etoile) cf Admin. des Contrib. dir. de la prov. elu Z ... ). ,/

·Cercles privés (œuvres sociales). I. Taxes sur les spectacles et divertissements publics. - Produit

affecté à une œuvre de bienfaisance.- Remise totale.- Modération. II. Débit,de boissons. ~Taxe d'ouverture•

En vertu de l'article 2 §1er de l'A. R. elu 4janvier -1922Jwisen exécution de la loi .dn 28 f'évrier 1920, il y a lieu à remise entière des impositions afférentes alliE spectacles et di:vcrtissements pnblics, lorsque le boni des recettes a été intégralement versé à des ,œuvres d'un caractère philanthropique, artistique, littératre ou scientifique ainsi que .d'utilité publique conformément aux définitions des articles 4 à 6 elu snsdit A. IL -du 4 janvier 1.922, même si cette affectation n'atteint pas le cinqnième de la recette .totale.

Il ne peut être question, dans ce cas, d'appliqutJJ' l'al'inéa 3, du§ 2 du même A. IL

N• 3162

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252 JUlUSPRlJDENCE

lequel ne concerne qzwles conllilions dell~ modération ile l'ùnpot .. ~ans l~,scas où muY partie setllement des recettes est atfèctée ù une des œm,res dont a:·~.; agit . .

La Cour, r ;·

Attendu que le recours formé par la Société anonyme X ... à l'ei1contre de la, décision rendue par le >Directeur des Contributions Directes et dn Cadastre du Z... ainsi que les co1.lclusions par ·elle prises à {'audience se fondent en ordre principal sur ce qulelle se trouve en droit d'obtenir par application de l'article 2 §fer de l'A. R. elu 4 janvier 1922 pris en ~xécution de ~a loi elu 28 février 1.920 relative à la taxe spéciale sur les spectacles et divertissements publics, remise entière des impositions afférentes

a) au produit de la vente des consmiunations débitées dans· le café ·du cr Cet'cle· l'Etoile n les 26 et 27 septembre -1925 à l'occasion des fètes commémoratives du vingtième anniversaire ·de la fondation cies Usines X ... , taxe s'élevant à.851. fr~ncs. et 87 cts. 1 .

b) aux recettes réalisées du chef de l'org-anisatio~l de soirées par la dramatique les 7 novembre Hl26 .. et 30 Janvier 1927, taxées d'un hnpcH de 82 fr. et 50 cts. et par la section de gymnastique les 17 janvier 1926 et 16 jamier 1927, Laxe se chifl'rant à '156 fr. et 39 cts.

c) aux recettes des séances cinématographiques organisées du 1er octobre -192tl au 31 janvier 1927, taxe se montant à 6.9·16 fr. et -Lü cts.

Attendu flUe pour assujettir les spectacles ou divertissements précités aux laxes indiquées ci-dessus la décision entreprise argue de ce que, d'après l'art .. 1er de l'anêté royal susvisé, <c la remise 1> s'entend d'un dégrèvement fatal et «la modération» d'un dégrèvement partiel et de ce que l'ancien alinéa 3 du paragTaphe 2 de l'art. 2 de ce même arrêté royal (alinéa qui doit continuer à régir le litige actuel) dispose qu'aucun. dégTèvement n'est applicable si l'affectation (aux œuvres spécifiées aux art. 4 à G de cet arrêté royal) ne représente pas au moins le éinquième des recettes ; que dès lors, la remise comme la modération constituant un véritable dég-rèvement, celui-ci, qu'il s'oit total ou partiel, se trouve subordonné à la condition que'l'allectation atteig·ne au moins le cinquième des recettes·;

Que la décision incriminée en tire la conclusion que: même lorsque l'intégTalité du produit net des recettes a été '~ersé aux œuvl'es spécifiées, il ne peut cependant y avoir lieu ù remise complète de la taxe que clans le cas où cc << boni n s'élève au moins au cinquième du produit ~rut des·recettes; cat' si cette fraction portait sur· le produit net des recettes, l'alinéa 3 du paragraphe 2 de l'art. 2 ne pourrait être étendu au paragraphe 1er de ce dernier article, et ne pourrait, par conséquent, faire obstacle au dégrèvement total, puis( rue l'affectation comprenant l'entièreté du pro­duit net des recettes eng·loberait nécessairement le cinquième de celui-ci ; mais que toute c.ette arg·um~ntation porte à faux ;

Attendu une la disposition relative à l'affectation représentant au moins le c.inquième des recettes forme l'alinéa 3

1du paragTaphe 2; que c.e dernier s'attache·

uniql.lement à déterminer quand il y a lieu à modération, or èet alinéa 3 fait partie intégt'ante et inséparable du parag-raphe 2 ; qu'il se borne à en limiter le champ­d'application et c.e, en vue d'éviter tout abus, mais qu'il ne peut être étendu atl

paragTaphe 1 et· de l'artiele 2 pour en dénaturer ou restreindre .le sens et la portée ;. 1

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JURISPRUDENCE 253

que -ce paragraphe 1 cr est clair et ne comporte aucune interprétation analogique ; qu'il· accorde de façon expresse, sans restriction ou J'éserve, remise entière lorsque le produit des recettes sous la seule déduction des .frais normaux, est versé intégra­.lement à une ou plusieurs des œuvres spécifiées aux art. 4 à 6 ;

Que la condition. d'une affectation atteignant au moins le cinquième des recettes ne peut viser, dès lors, que la modération et non point la remise de la taxe;·

Attendu que· cette interprétation de l'alinéa 3 du paragraphe 2 de l'article 2 de l"arrêté royal du 4 jamier 1922 apparaît conforme à l'esprit·qui a dicté la disposi­.tion de l'artiele 2 paragraphes J, 2 et 3 de la loi du 28 février -1920 relative à la taxe :spéciale sur les spectacles et divertissements publics ; que cela ressort notamment .{].e la déclaration· faite lors de la discussion de l'art. 2 de :cette loi à la séance de la Chambre du 12 février ,1920 par Monsieur JASPAR, Ministre des affaires économiques, ,lequel s'exprime comme suit : << La disposition disting·ue entre la remise pure et .simple, c'est-à-dire le dégrèvement total, et la modération, c'est-à-dire la remise d'une 11artie de la taxe ... Conformément à ce qui se pratique actuellement, la ·remise sera faite aux sociétés ou aux comités charitables (lUi organisent des spectacles ou des divertissements publics dont le produit, après déduction faite des dépenses normales, à l'exclusion des rémunérations accordées à certains organisateurs, sera affecté à .une œuvre de bienfaisance, à une crêcl~e ou à une institution d'invalides, d'orphe­lins, etc; dans tous ces cas il s'agit cl'tme remise complète dy la taxe; une modération seulement sera accordée au professionnel qui a organisé ttn spectacle on des divertisse­ments dont il affecte une partie lln prodttit à nne œ1wre de bienfaisance, mais la partie .affectée à cette œnv1·e sera seztle admise tl la réduction de la taxe; (voyez Annales par­lementaires- Chambre des représentants 1919-1920, s~ance du 1'2 février 1920; rliscussion p. 341);

Attendu que ces paroles décèlent le sens de .la portée de. la loi et de l'arrêté royal; Que le législateur a entendu n'accorder qu'une modération de la taxe à l'org·ani-.

·sateur qui g·arde à son profit une partie des recettes ; que, s'inspirant du même l)l'Ïncipe, le Gouvernement charg·é par la loi elle~ même de déterminer par arrêté royal les conditions de la remise ou de la modération, dev:;üt s'efforcer d'empêcher que, moyennant l'abandon d'une portion infime du produit net des recettes, l'entrepreneur ·de spectacles et· de divertissements publics ne pùt s ·attribuer la pl us grosse part de celle-ci, en exemption tout au moins partielle de la taxe ;

Qne semblable abus 11e setùblait point pouvoir se faire jour lorsqu'il y avait .abandon total du produit net de la recette aux œuvres spécifiées; qu'en,ce cas, la fixai ion d'un minimum d'affectation n'a donc point paru devoir être imposée ;

Qu'il suit de ces diverses considérations qu'une saine interpt•étation de l'alinéa 3 ·du paragraphe 2 de l'article 2 de l'arrêté royal du 4 janvier 1922 règ·la.nt en vertu .de la ·loi du 28 février 1920, les conditions de remise ou de modératio1r de ta' taxe, i1e peut, dans l'éventualité du versement total du produit net des recettes aux œuvres visées par cet arrêté, subordonner le dégTèvement complet de la taxe ;à la condition que cette affectation aux œuvres représente au moins le cinquième du produit .brut cles recettes ; ·

Attendu qu!'il est acquis au procès et que la décision attaquée admet d'ailleurs .que les t'bonis n de 327 fr. et 95 cts. et de 2.293 fr. et 70 cts. provenant rest)ective-

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inent de~,.recet~è~~ t;l·~ la s·ection dramatique et de celles des spectacles cinématogra­phitÙles 'ont.· é'té·intég1r.f\lement versés à des œuvres d'un· caractère philanthropique, ai·tj~fiqne, littéraire:o~'scj.ep,tifique ainsi que· d'utilité publique et répondant à la ùéthütion qu'en .itomJ~Ilt' lè's·!~I;,ticles 4 à 6 de l'arrêté roy~l dù 4 janvier f922; que nci't::inunéilt le ho'ni de 2.2.93di·;·:·e~ }.0 cts. laissé sur les recettes des spectacles ciflématographic'tues a été abandonné· à::Vécole ménagère ;

·Que dès lor& et sur base des J)rirt~i})es oo~1s.acrés plus haut, la décision attaquée a inilig'é gTief à la société- anonyme: l'equér;nite>.en ne lui accordant point remise complète. des taxes en question etce, sousjwétexte,(tQe la dite société n'avait point I'appot·té la preuve de ce que le produit net d,es rece'ttès_ J>ar elle entière]nent versé aux œnvres:qu'elle avait créées, représentait le Cinqiü~me·:\Qqpoins du produit brut de ces mêmes recettes ;

Attendu que la société requérante obtenant ainsi g·aiil·de,caw~e. sur le moyeu présenté par elle en ordre principal, il serait oiseux de reùcontr~r. lA n~.oyen pré­sentée pû elle en· ordre subsidiaire et déduit de. ce que la Iiemi~e .• .. totale) serait encore de droit en vertu de l'article 2 par. 2 de la loi du 28 février i920r les·.:t!}xes litig·ieuses concernant, à ce qu'elle prétend, des représentations ouconcérts orga­nisés par des amateurs et exclusifs de tout b1lt de lucre ;

Attendu que, dans ses réclamations des 20 octob!'e 1925, 23 février 1926 et 2 mars l927, la société reqq~rante sollicite, en outre de la remise des taxes sur les spectacles et divertissement~ publics, le dégTèvement de la taxe d'ouverture de 800 ft•. afférente au débit de poissons fermentées exploité clans le local de l'associa­lion dénommée cercle d'E~oile ,>et fondée par elle sans esprit de lucre, en vue de la création, de l'org·anisation et du développement d'œuvres sociales;

Mais que, pour obtenir la restitution des· 800 francs par elle payés du chef de celte taxe d'ouverture, elle ~e prévaut à tort de ce qu'elle n'est point un exploitant professionnel ; . ·

Qu'en effet, aux termes de l'art. 5 de la loi du 29 avrill919, est considéré comme débit de boissons tout établissement où l'on vend des boissons fermentées à con- -sormùer sur place, que 1~ local soit à demeure fixe ou non, ou que le débit soil permanent OU intermittent, et alors même qu'on liVI'er•ait gratuitement OU laissel'ÜÎt consonuner des boissons ~;ms un lieu accessible au public en g·énéJ;~li mt seulemèllt ù lles sociétaires;

Que de ce que l'alinéa final du par. 2 de l'art. '10 flisvose qu'à défaut d'autorisa­tion d'ouverture, la soulme payée du chef de la taxe est I'estiluée, la sodélé requérmlte infèrecerronémellt que la taxe cesse -d'être 'clue quand il n'y a point de tenancier professionnel ou que le débit de hoissous n'est qu'intermiltent;

Attendu LfUe l'alinéa ,précité vise uniquement le cas du débitant qut at).rès le , p1aien1ent ely la taxe;,renopce à ouvrir ou' à ··exploiter .son établissement ; qtîe cel~t rcssOI't à L'évidence du rapprochement de cet alinéa mec le l)aragraphe p!'eiuier de l'art. 10 qui impose le p[!iement de la taxe· en une fois au momeut mêine de la décl':u·ation ; '

Attendu qu'il est coq~tant en fait et non méconnu pm' la société requérante (1u'èlle a ouvert un e,afé ~u lieü de rél).nion du. cercle l'« Etoile» CI'éé par elle, et !ltÙ'~ncol'e flUe l'exploitation de ce débit fùt exclushj de tout but de lucre, le local

N° 3162 1

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.JtJlÜS.PRtJDENCE

où il était établi était accessible non seulement' aux. memJJres. du cercle e't ·à leur famHle, mais .encor.e au public en. général et que.l' on y livrait et' lais sail ;consommer des boissons fermentées;

Que dans ces conditions, c'est à bon .droit quela décision enlrèpriEe a admis que le débit de boissons ouvert au cercle l'cc Etoile n était passible de la taxe d'ouvet·turè ~

Que d'ailleurs, dans son recours, la société ànonyme ..... ne soulève plus le moyen déduit de son prétendu droit à I'ezwnption de la taxe d'ouver~ure;

Par ces motifs, La Cour, entendu en audience publique :M. le conseiller A. Islas en son rapport

et :M. l'avocat g·énéral Louveaux en son avis conforme et sans avoir ég·ard à toutes autres fins et conclusions ; Reçoit le recours et y faisant droit.

Ne le déclare fondé qu'en tant que la décision défé1:ée a refusé remise complète des taxes sur les spectacles et divertissements publics, afférentes au produit· de la vente des. consommations débitées dans le café du cercle l' u Etoile » ainsi que relatives aux recettes laissées par la soirée de la section dramatique et de gym-nastique e.t par les séances cinémalographiques ; ·

Accorde en conséquence remise entière des susdites taxes ; ordonne la restitution de toutes sommes payées inclùment du chef de ces taxes avec les intérêts moratoires à décompter aux taux et d'après le mode prescrit par la loi du 8 aoùt 1925 et par l'avant-dernier alinéa de l'art. 20 de la loi du 28 f$vrier 1924;

Rejette le recours comme non fondé pom le sut·plus ; condamne l'Etat belg·e (Administration. des fiuances) aux dépens.

Observations. - Pour faire saisir la poetée de ·Ft rrêt reproduit ci-dessus~ exposons d'aborù les éléments de la caus.e.

La société appelante a~ait créé sous la dénomiuatioq de·" Cercle de l'Etoile " une série d'œuvees en fuvem' de son personnel.

Ces œuvres, cela .va sans dire! ne.eappol'tent aucun bénéfice à leurs OL'ganisateurs .. Au contraire, leue existence comporte de très impor­tants sacl'ifices financiers. La question de pr·incipe ,qui se posait était de savoil' si ce déficit devait encore êtr~e augmenté par l'application d'impôts établis pour assurer à 1' Etat une pal't dans les bénéfices des exploitants de divertissements pnb lies.

Eu fait, fe litige p01;t9-it principaleùient .sm· les points suivants : 1 °) Le Ceecle " FEtoile ", comme beaucoup de cercles analoguest

possède une " buvette ". Ce n'est pas vraiment un café~ un . estaminet destiné à .rœocur·er des bénéfices an tenancier par la ve1.1t~ de b.ojssons à consommer· SUI' place. En réalité, cette buvette. e~t destinée aux bénéficiaires du Cercle. Mais eomme il ani ve fréquemment dans les buvettes de ce genre, il est permis aux associés d'y recevoir. des connaissances et des amis.

,'!,

Les jours de festivité, la pi'>opor·tion d'étrangers est aS-Sez grande

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JURISPRl-:DEI'{CE.

!"parmi les consommateur·s .. Tel fut: le: cas les c26 et 27 septembre 192l5, .à roccasiolÏ" d'es fêtés comruémoratives du xxe ·anniversaire de la fondation des Usines X ...

La taxation exigée de c~ chef. s'élevait à 851,87 fr. 2°) La sectio11 dt~aniatique çlnCercle "L'Etoile." avait organisé deux

soirées, les 7 noYembre l926 et 30 janvie1t 1927.. . , . . · La section de gymnastique avait égalellllent donné deux fêtes. les

• . 1 •

16 janvier 1926 et 17 janvier 1927. · Pour· couve.ir pa1·tiellement les dépensés de ces sections, il avait été

• ' 1

.perçu des droits d'entrée à cl.iarge des assistants. Il était réclamé. de. ce chef des taxes s'élevant à 82,50 fr. et à

156~39 fr·. 3°) Le Cercle possède aussi un cinéma ou le public est admis

:.moyennant une légère rétribution. Pour les séances organisées du 1 ct· octobre 1925 au 31 janvier 192·7, le fisc avait perçu une imposition

:s'élevant à 6.916,10 fe. 4°) La récla1nation i>eimitive portait enfin sur la' débition d'une

taxe d'ouverture de 800 fr. aJférente an débit de boissons fermentées clans certains locaux du Cercle " L'Etoile ".

Cette partie de la réclamation aYait été abandonnée· dans le recours fol'mé devant la Gour d~appel.

Là qüestion primordiale soulevée· dans le litige était de savoir s'il peut être dù un ensemble de taxes s'élevant de plus de 7000 fr.

·{abstraction faite de la taxe d'ouverture) pour un ensemble de séances dont les unes avaiel1t laissé un déficit de 24.000 fr., tandis que le léger boni des autres était intégralement affecté à une école ménagère

régalement dépendante elu Cercle'" L'Etoile " . . La décision entrept•ise ne contestait pas les chiffres. que 1 'Administra­

tion avait d'ailleurs pu vérifier. Mais, disait la décision, les sommes ·versées à FEcale mén:1gère n' atteignen~ pas la cinquième des recettes. Aucün dégrèvmnent IJ.e peut donc être accordé, suivant certaine inter­peétation du texte de l'arrêté royal du 4 janvier 1922. · Cette interprétation est-elle fondée? ·

Hemontons 'd'abord au texte légal (loi ~u· 8 février 1920, art. 2). Celui-ci est absolument formel : " Remise oü ·modération de la taxe est accordée si l'organisateur établit soit que le ·produit des recettes,

:·sous la seule déduction des feais normaux; a été versé à des ·œuvres

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JURISPRCDENCE 257

]Jhilanthropiques ou d~un caractère artistique, littéraire, scientifique ou d'utilité publiqüe ... "

D'après le même texte légâl, un at•rêté royal détermü1era les condi..: ti ons de remise. ou de modération de la taxe.

Le pouvoir donné au Roi est donc bien défini. L'at·rêté peut ,déterminer les conditions de remise ou de modération de la taxe. Il -est évident qu'il ne peut pas abroger la loi et que si l'arrêté avait cet -effet, la Cour d'appel ne pouvait pas 1 'appliquer (Constitutioil art. 107)!

La question se posait alors de savoir si c'est l'A. H .. du 4 janvier 1922 qui est non conforme à la loi du 28 février 1930', oü si c'est seulmnent l'interprétation administrative de ce même A. R. qui est --erronée. La partie appelante a. soutenu que c'est rin:terprétation administrative de rA. R. qui est seule en cause.

En effet, l'art. 2 du elit A. H. du 4 janvier 1922 contient deux ,paragraphes nettement distincts.

Le premier paragraphe vise le cas m\ le produit des recettes, sous ia seule déduction des feais normaux, est intégralement versé à une des œn vres spécifiées aux articles 4 à 6.

-Dans ce cas, qui était celui de l'espèce soumise it la Cour, il y a :lieu à remise totale de l'imposition.

Le second paragraphe de l'art. 2 de l'A. H. est relatîf au cas où nne, partie seulement des recettes, déductio'n faite des frais normaux, ·e$t affecté à üne œuvre. Dans ce cas, la remise n'est que partielle.

Suffira-t~il qu'une part infime des bénéfices soient affectés à une œuvre pour qu'il y ait lieu à remise partielle _de la taxe? Non. L.'alinéa final du second paragraphe a soin de spécifier que l'affectation partielle rloit représenter au moins le ciùquiéme des 'recettes pour qu'il y ait lieu à un degrèvemeùt quelconque~.

La partie ap-pelante sDutenait, e~1 outre,· que, ·si le moindre doute :pouvait néanmoins exister quant à ce premier moyen, elle serait en -rleoit d'invoquer le texte du paragraphe 2 de raet. 2 de la loi du 28 févl'ier 1920, aux tet'mes dllquel la remise est applicable aux repré­sentations ou concerts oPgapisés par des amateurs et exclusifs de tout cbut de lucre . . Par son arr~t lo11guement motivé, la Cour d'appel a admis. le

premier moyen. Elle a jugé~ avec raison, que, dès loes, elle n'avait ,plus à se prononcer ~ur le second argument qui lui était soumis.

Jos. GoEDSEELs,

Avocat à la Cour d'appel de Bruxelles. N° 8162 i7

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JURISPR UI' El'\ CE

No 3163. - Tribunal de 1re instance de Bruxelles (2e ch.). 10 juh11930.

Ml\'1. Bail, prés. ; De Bischop et Carlier, juges; l\Itrrs Foucart cf Va~dewiele, aHJC'als.

(Fanfare royale Phalange artistique .de Bruxelles cf 1° Phalange artistique de Bruxelles, ~oC ... , llf ... , P ... , H ... , H ... et lll ... ).

Société d'agrément. - Association sans but lucratif dénuée de per-­sonnalit~ civile.

I. Dénomination soèiale. - Objets communs. - Droits indivis des associés. -- Société dissidente. - Priorité de droit de la société-premièrement fondée. 1

II. Membres démissionnaires.- Abandon des! droits indivis. III. Acquisition de personnalité civile. - C~mtinuation de la Eociété·

ancienne.

En cas d'existence â~une association non douée de la personnalité ci·t•ile, ses membre~· n'en ont ]Jas moins, les uns vis-à-t•is des autres, les droits et obligations déterminés par les stat1tls a'll:rquels ils s'étaient contractuellement soumis.

Ces droits ont notamment pour objet le titre de l'association et les objets mis en commun, la copropriété indivise de ceux-ci étant e.nrcee par les mandatai res choisis­pa,r les assoc'iés.

l'out membre de pareilleassocia('ion qui cesse d'en faire .partie, perd, par le fàif 1/lême, tout droit S1l1' l'avoir social indivis, sans qu'il y ait lieu d'examiner les faits qui ont provoqué la scission au sein de l'ancienne soci~té, surtout si les démissionnaires sont une uûnorUé de diss'illents.

Si la société acqzl'iert la personnalité civile, elle ne fait que continuer celle-ci et peur revendiquer le titre de l'ancienne associat'ion et les objets ayant appartenu à. celle-cL

Attendu que les aCtions fig-urant au role général sous les nos 45.6~6-et 50.841 sont connexes et qu'ii' y a lieu d'y statuer par un même jug-en1ent ;

. Qu'elles tendent, en éffel, l'une et l'autre, la première vis-à-vis des fondateurs de la société défeuderesse, la seconde vis-à-vis de la société défenderesse elle-même, à faire défense à celle-ci de conserver le nom de << Phalang·e artistique de Bruxelles ll, à entendre prononcer la dissolution de la dite société avec les mesurrs. de publicité appropriées' et ù obtenir enfin, contre. les as::;i~rnés <!n'elles mrtt_cnt res­pectivement en cause, les mêmes condamnations solidaires aux dommag-es-intérêts. postulés et ù la restitution des mêmes objets spécifiés dans les assig·nations ; -

Attendu que la société demanderesse s'est constituée en association sans ]Jut luct·atif sous le nom de cc Phalang·e artistique de Bruxelles>) conformément ù la loi du 27 juin 1921, par un acte sous seing· privé en date du 2~~ juin 19:!.9 enreg-istré le 27 juin suivant et publié au Muniteur belge du 13 juillet -1929 sous le numéro 717;

Qu'à la même datE', figure au Moniteur sous le numéro 7l2, l'acte de Maître Dupont, nqtaire à Bruxelles, en dale du 20 juin -1~20, enregistré le 22 juin- suivant, portant constitul.ion, conformément à la loi susvisé~, ùe la société défendéesse sous le titre

·<t La Phalang·e at·tis!ique de Bruxelles >l ;

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JURŒPRUDENCE 259"

Attendu .qm~ ta sodété défenderesse a, depuis sa fondation, complété sa dénomi­nation •et &e révèle .aujourd'hui au public sous le titre c1 Fanfare roy3le la Phalange artistique de Bruxelles >>, en telle sot; te que les deux sociétés sont connues sous la mên1e dénom.iuation1 ce fJUi crée une confusion assurément dommageable pour celle des deux sociétés. qui, seule, aurait droit à pareil titre ;

Att-eadu que c'est à ce droit que la soeiété défenderesse prétend, sous prétexte qu'eUe aurait été la première à prendre le titre dans un acte constitutif antérieur en date, coul.me· fest aussi J'enregistrement de celui-ci et sa parution au Moniteur;

Attendu qu'.elle ne peut méconnaîlre. cependant que, lors de la constitution, il existait une société d'ag·rément, fondée en mil huit cent soixante dix neuf, qui portait déjà le titre de <' Fanfare royale Phalange artistique de Bl'Uxelles l> ;

Attendu que cette société ne possédait pas encore, sans doute, à ce, moment, la pet·sotmification civile, mais que ses n1embres n'en avaient pas moins, les uns vis-à" vis des autres, les dt·oits et obligations déterminés par les statuts auxquels ils s'étaient contractuellement soumis et- fJu'ils avaient, notamment, sur le titre sous lequel ils étai'ent ligués et sur les objets flu'ils avaient mis en commun~ droit de copropriét~ indivise à exercer par les mandataires de lem· choix suivant les règ'les statutaires ;

Attendu qu'il n'est pas douteux, d'autre part, que tout membre de pareille as~o­ciation perd, dès qu'il cesse d'en faire partie, tout droit dans l'indivision qui en dépend, celle-ci continuant à sulJsister entre les individus restés membt'es de la dite association ; que lei est le cas des fondatem·s de la société défenderesse ;

Attendu qu'il est, d'ailleurs, sans intérêt d'examiner les faits qui ont amené une scission an sein de l'ancienne société et de rechercher si le comité de celle-ci a violé les statuts en se t·efusant à convoquer une assemblée g·é1~érale dont la demande lui était faite et en prononçant certaines exclusions; qu'il était loisible aux membres qu1 se croyaient en droit de se plaindre des agissements du comité de s'adresser à la justice pour fait'e respecter les statuts prétendùment violés à leur détriment, m:1is qu'ils ne pouvaient prétendre, en fondant une société nouvelle; ressusciter au pt'oflt de celle-ci, les droits de copropriété qu'ils ·:.naient dans l'ancienne, d'autant moins qÏI'il s'agissait dans l'esr)èce d'üne minorité de mécontents;

Attendu qu'il éehet enfin œexamiueJ' si la société drmauderesse a plus de droit que la société défenderesse au titre rewndiqué;

Attendu qu'il apparait clairement dPs éléments arquis aux Mhats, <Ille la société demandm~esse ne fait que continuer, comme elle le dit au début de snn acte consti­tutif, l'ancienne soeiété du même nom, fondée en -1879, dont elle a regroupé,· lors de cet acte, au siège soci:ll resté le même, tous les éléments de toutes catégori~,s, ù l'exception d'une minorité de clissidénts qui l'at•aient quittée pour former la sooi,élé défenderesse ; ·

Que la société demanderesse ne s'est, e11 réalité, formée que dans le seul)mt de faire hénéficiei' l'ancienne société des disiJositions de la loi du 27 juin '1921, en lui procurant les avantages, dont. elle était ]H'ivée jÙsqu'alors, de la personnalilé civHe;

Qu'elle est donc recevable autant que fondée à revendiquer pour elle le titre cie l'ancienne association, dotée dorénavant, grâce à· elle, d'une existence juridique· nouvelle, et tous ohjets appartenant à celle-ci ;

Que les actions, lorsqu'elles tentent à cette double fin, sont donc fondées;

N° 3163

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260 JURJSPRl'DENCE

Attendu que les entrave~ apportées à l'exercice des droits de la société deman~ . der esse par les prétentions et les agissements injustifiés de la société défenderesse ont causé à la société demanderesse un domma~re moral certain, dont elle trouvera la réparation dans le présent jugement, mais qu'aucune justification du préjudice matériel allégué n'est rapportée;

Pat' ces motifs, Le Tribunal, ecartant toutes conclusions plus amples ou contraires, et joig·nant

les causes figurant au rôle général sous les nos 40.6M et 50.841, Fait défense à la société sans but lucratif éonstituée le 20 juin J)ar acte de Maître

Dupont, notaire à Bruxelles, sous le nom !< Fanfare arListique de Bruxelles» de porter encore ce titre ; 1

Condamne solidairement ·les parties défenderesses à payer à la société demande­resse à titre de dommages-intérêts la somme de un fraulc avec les intérêts judiciaires;

Condamne indivis] L>lemcnt les parties défenderesses à restiluer datls les huit jo ms de la sig·nification du présent jugement, les objets repris dans les exploits introduc­tifs d'instance savoir : les drapeaux, bombardons, trompettes, lt'épieds, insig·nes, couronnes et médailles.

Reserve à la société demandet'esse ses droits à tels dommages-intérêts qu'il appartiendra au cas cl'inexécution.

Condamne les pÙties défenderesses solidairement aux dépens. Déclare le jug·ement, sauf quant aux dépens, exécutoire par proYision 11onobstant

appel et sans caution.

Observations. - Voie ci-après l'arrêt confirmatif de la Cour d'appel de Bruxelles du 1!1 avril 1931 et la note d'observ'ations sous cet arrêt.

No 3164. - Cou~ d'appel de Bruxelles (3me ch.). - 15 avrU 1931. Mtrcs Resteau et Vande 'Viele cfl\'Iorichar et Foucart.

(Phalange (trlist·ique cf Fanfare 1'oyale Phalan:ge artistique)

Société d'agrément·.__,. I. Existence.- Continuation. · II. Minorité.- Droits de celle·ci. III. Membres dissidents ou exclus.- Absence de droits quelque soit

leur nombre. IV. Société non personnalisée. -Capacité. V. Acqui.ition de la personnalité civile. -Effets.

I. Les sociétés cl' agrément ne cessent d'exister que. par la' liquidation de leur avoir oLt par leur dissolution ; elles perdurent dans leur existence quel que soit le nombre des membres qui continuent à les compose1'.

·II. Une minorité peut parfaitement contin1ter à constituer une société d'agrément et il la faire ·vivre. et· exister. .

III. Les membres dissidents qui se retirent volontairement de ces sociétés ou qtli en

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JURISPRUDENCE 261

sont valablement e.vclus n'ont aucun droit de contester l'e;r:istence de la société dans le chef de cmtx qui sont J'estés membres.

Les agissements de membres dissidents cr une société ll' agrément ne peuvent avoir pour effet de la ]JJ'iwer des droits q1t'elle possédait S1t1' sa dénomination et sur les objets acq1t'Ï8 par se$ membres.

IV. Une société d'agrément n'ayant aucune personnalité civile est apte it posséller par les membres qui la C011l}JJsent, Cell.X-Ci et pour autant qn'ils aient conservé leur t'ifre de memb_re, ayant seuls qualité pour exercer les droits de l'association.

V. Lorsqu'une société d'agrément vient à acquérir la personnaUté C'ivile, elle conserve le nom qu'elle a ioujoztJ's eu, ainsi que la propriété des objets soc·iaux et s'applique · uniquement 1tne organisation nouvelle qui lui accorde la f(tveur de la personnification juridique qzt'elle ne possédait point jztsque là.

La société personnalisée est seule aux droits de l'ancienne société et des membres qui la composaient, elle seule est désormais apte à agir pour la ·sauvegarde de ces droits.

Attendu qu'ilnepeut être contesté que, lors de la constitution, le 25 juin-1929, de la société appelante Phalang·e artistique de Bruxelles, il existait à Bruxelles une société d'ag-rément, fondée en 1879, sei us la dénomination de Phalange artisÜquc de

·Bruxelles et qui, en -1883, fut autorisée de porter le titre de Fanfai'e royale; Attendu que les sociétés de ce g·enre ne cessent d'exister que par la liquidation

de lem avoir ou par leur dissolution ; qu'elles perdurent dans leur existence quel que soit le nombre des membres qui continuent à les composer, les membres dissidents qui se retirent volontairement de leur sein ou qui en sel'aient éloignés par une exclusion prononcée valablement contre eux, n'ayant aucun droit de con­tester l'existence de la société dans. le chef de ceux qui en sont restés memùres ; qu'une Ùlinorité de membres peut donc parfaitement continuer a constituer la société et à la faire vivre et exister ;

Atteüdu qu'en l'espèce, loin qu'il conste d'u.11e liquidation ou d'une dissolutiou de la société intimée, la Fanfare royale Phalange artistique de Bruxelles, il apparaît sans le moindre doute que la dite société a continué à subsister ;

Que cela est si vrai que, le 12 février -1929, certains membres de la société dont les principaux fig·urèrent plus tard à l'acte constitutif de la société apvelante, fil'ent des démarches auprès du président de la société pour attire1· son attention sur une question impliquant l'avenil' de la société et pour- demander la démission de M. P. connue chef de musique de celle-ci ;

Que cela est si vrai encore que, le -17 juin suivant, le même gToupe de membres sollicitait du président la convocation d'une assemblée générale pour examiner certains gTiefs et pour aviser ·aux mesures à prendrè en vue du relèvement .de la société;

Que cela est si vrai enfin que, le 13 juin, les mêmes membres toujours proposaient au président un ordre du j.our pour. une assemblée .g·énérale à tenir le 17 juin, qui, loin de tendre à provoquer la dissolution .de la société, comportait au contraire sa conservation et la continuatioli de son existence ;

Attendu que, brusquement, le 20 juin, les dits membres ou du moins certains d'entre eux comparurent devant le notaire Duvont, résidmlt à Bruxelles, pour s'y constituer en association sans but lurratif, mais que, là encore, ils reconnurent si

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262 . JURJ SPRUDENCE

bien Pexistencc de la société intimée, la- Fanfare· royale Phalange artistique de nruxelle~, qu'ils.se dirent à l'acte membres de la dite société;

Attendu qu'en ag-issant ainsi sans avoir obtenu au préalable la dissolution de la société à laquelle ils disaient appartenir, ils doivent être tenus JlOtÜ' s'en être en réalité volontaii'ement I'etii'és et ils n'ont pu empêcher qu'elle ne continuât à subsister avec tous ses éléments actifs non dissidents ainsi qu'avec ses membres d'honnem et ses membres honoraires rtni étaient restés g-roupés autour d'elle;

Attendu que ces ag·issements des membres dissidents n'ont_ pu avoir davan_tag·e pour eifet'de priver la société des droits qu'elle vossédait tant sur le nom sous lequel elle avait toujours existé que sm les objets divers que ses membres avaient acquis ;

- Que hien que n'ayant aucune personnification Civile, une société d'agTément, comme était la soeiété intimée, n'en est pas moins apte à posséder par les membres (JUÎ la composent, ceux-cietpour autant encore qu'ils $lient conservé leur titre de membre, aya'nt seuls qualité pour exercer les di'oits de l'association ;

Attendu que la société la Fanfare royale Phalang·e artistique- de Bl'llxell~s. sans personnification civile au 26 jnin -l929, n'a -d'ailleurs pas tardé à acquéril; celle-ci;

Que, dès le 20 juin, elle se eonstitua en association sans but lueratif, apportant à la nouvelle société non seulement son nom mais tout l'encaisse de l'association, ainsi que les drapeaux, médailles, couronnes, musiques, bibliothèque, instruments déposés sous sa garde et dont elle était pl'opriétaire ;

Attendu que les appelants objectent vainement que la soeiété qu'ils avaient fm•il1ée le 20 juin a pris le nom de Phalang·e artistique de Bruxelles avant que la société intimée ne le prît le 25 juin suivant; que la société intimée en avait la propriété depuis sa créatim1 en 1879 et qu'elle n'a fait le 25 jùin -t929 que eonserver le nom qu'elle avait toujours eu,. en s'appliquant uniquement une org-anisation nouvèlle qui lui accorda la f~weur de la personnification civile qu'elle ne possédait point jusque là ;

Attendu c1ue la société intimée avait donc seule droit à la dénomilialiQn de Phalange artistique de Bmxelles et. que nulle autre, que ce .soient les membres ~lissiùents de la société ou la société appel~nte elle-même, n'avait le droit de s'eu emparer; 1

Qne cette constatation d0it être faite non set~lement vis-à-vis de la société ~q)pelante elle~même mais aussi vis-à-vis des appelants, ceux-ci ayant, par un fait personnel, déclare à l'acte qu'ils entendaient donner à leur assoeialion not~velle le nom de Phalang·e art.istique de Bmxelles ; ·

Attendu qu'elle avait aussi, de même, seule droit à la propriété des objets par elle revendiqués· et que son action, ainsi que l'a constaté le 1wemier juge, est clone entièrement fondée à cet ég·ard ;

Attendu que, depuis sa réorg-anisation (25 juin 1929), la soc.iété intimée est seule aux droits de l'ancienne société et des membres qui la composaient et qu'ayant reçu à ce moment la personnification civile, elle se trouve depuis lors seule apte à ag·ir pour la sauveg·al'de de ses , droits; que la recevabilité clans· son chef de l'aetion qu'elle a intentée ne peut donc être contestée ;

Attendu-que le premier jug·e a.fait aus'si une juste estimation du préjudice dont la société intimée peut raisonnahlemmt se réclamer;

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JrRISPRUDENCE

Attendu, d'autre part, qu'il n'y aj)oint lieu à accorder m1e as freinte pour le cas ·de non restitution des objets. revendiqués ; que la dite astreinte est demandée à titre de clause pénale et que les tribunat~x n'ont point le droit d'accorder pareille pénalité;

Qu'il y a lieu uniquement à cet ég·ard de réserver à la société intimée, ainsi que ra fait le premier juge, tous ses droits à tels dommag·es-intérèts qu'il appartiendra --en cas d'inexécution ;

Par cés motifs, La Cour, rejetant toutes conclusions contraires, reçoit les appels tant prin~ipal

qu'incident et y faisant droit, elit la demande orig·inail·e des intimés recevable vis-à-vis de tous les appelants ; dit qt1e la société appelante, bien que constituée le .20 juin, n'a pas d'antériorité vis-à-vis de la société intimée reconstituée pal' réor­ganisation cinq jours après, mais existante depuis de nombreuses années; dit qu'il ~st frustratoire et sans intérêt de dénombrer les membres dissidents de la société .. ancienne, ainsi que ceux qui sont restés fidèles à celle-ci ;

En conséquence déclare les a1)pelants, parties de 1\f. Yanden Driessche, sans ~Tiefs, met lem appel au néant, déclare les appelants, ·parties de lVI. Cox, ég-alement sans g-riefs ;

Confii'I}le _le jug-ement attaqué et condamne les appelants solidairement aux -dé]lens d'appel.

Observations. - Les décisions de jul'isprtidence en matie1'e d'asso­·ciation saus but lucr·atif concernent fréquemment des congeégations I'eligieuses. Cette particularité constitue souvent une gêne pour le ·commentateur qui, pour cer·tains, peut paraître influencé dans ses .appréciations par se~ convictions personnelles, favorables ou défa-.;ro­rables à cette catégorie d'organismes. Le cas d'espèce trauché par les

·.cieux dé0isîons reproduites ci-dessus est, tout d,abord~ très intéi'essant .-paree qu'aucun. malentendu n'est possible du poiiü de vue qui vient d~être signalé. Comme on peut s'en rendre compte pap· la lecture elu jugement et de rarrêt, il s'agissait, en effet, d'une controverse se mou- . Y a nt exèlusivement entre une association laïque et ù' anciens meinbt'es ·de celle-ci.

Pour ce qui ·concerne les faits de la cause, nous nous bot'nerons à les -exposee uniquement dans la mes\Ire nécessaire à mettre en lumière les considérations de principe~ du plus haut intérêt, qùi sont fot'mulées :])ar• i'une et l'autre dés décisions judiciaires reproduites. ·

En substance, le cas d'espèce se résume comme suit : En 1879, une société d'agrément s'est constituée en association de

·fait sous la dénomination " Phaiange artistique ". Au com's de 1 'année 1929, certains diffééends surgissent entre lest m'embees cle cette asso­-ciation. Quelques-uns d'entre eux comparaissent le 20 juin 1929

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JURISPRUDENCE

~~vant un notaire de·BeüxeUes et cènistituent ime 'assoéiation sans but: lucràtif sous cette niêùie déliotnirl'ation de··" Plüüange artjstiqüe ". Quelques jours plus tai'd~ le 25 juin· 1929, les autres membres de la société primitive se constitU:ent à leur· tour en association sans but. lucratif sous la dénomination " Fanfare i'oyale Phalange artistique ".

· La question à résoudre était celle de savoir laquelle· de ces deux associations avait deoit à la dénomination sociale et âu patrimoine de l'ancienne.association (instruments de musique~ bannières, médailles, etc ... ). Le Trilmnal et la Cour d'appel· ensuite ont décidé que ce dr·oit. appartenait exclusivement à l'association cm1stituée le 25 juin 1929. Pout· justifier cette conClusion, les deux décisions se sont basées~ sur

. 1

une serie de principes jU:ridiques qui sont, selon lions, en dehm~s de toute contestation et qu'il nous a paru hautement intéressant de dégager du débat.

1 o En cas d 'exis~ence d'une association non ·douée de la persoü­- nalité civile, ses membres n~en ont pas moins, les uns vis-à-vis des~ autres~ les droits et obligations déterminés par les statuts auxquels ils s'étaient contractuellement soumis. · C'est l'applicatien pure èt simple de la docti·ine dont le bien fondé

a été lumineusement démontré notamment pae V ANDEN HEUVEL.

Il serait superflu d~insistee sm' cette proclamation si, pour quelques· uns au moins, ne subsistaitpoint la pensée que les associations de .fait sont des sortes d'êtres mystérieux a,uxquels l'existence n'est d'ailleurs reconnue-que pour concluee à leur incapacité et, paPtant, ~ la nullité·· des actes jur:idiqties relatifs à ces prétendus êtees, prétendùnient incapables.

Toute cette fausse idéologie est à bon droit reJ)oussée par les deux_ décisions. En l'absence de pel'sonnalité civile~ une association n'est qu'un jeu pius ou moins complexe de contrats innommés (Code civil,_ art. 1107.)

La teneur de ces· conventions est évidemment ce que les con trac-' tailts ont stipulé~ à ··~·üoins que ceux-ci n'aient enft·eint une prohibition légale. Sous cette seule réserve, ces conv.eütions opUgènt non seule-­ment à ce qui y est exprimé, mais encoee à toutes les suites que· l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa natnre­(Code civil, àrt. 1135).

2? Par application de ces principes, les con\rentions sociales engen-

N• 3164

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JURISPRUDENCE

drent une indivision quipode notamment sm· la dénomination socüÜ~ ~ et sur tous les objets mis en commun par les associés.

Cette règle est expi'essément ·confirmée par le jugement et par l'arrêt. Nous avons déjà signalé antét·ieurement que la dernièr'e juris­prudence de la Cour de cassation est dans ce sens,{-Dass. ,. 8 octobre· 1928, Revue, 1929, no 2928, p. 541 et notee note doctrinale à la_suite de cet 'arrêt).

3° Mais voici qu'au cours de l'existence so.ciale quelques différends suPgissent entre les associés : un certain nombee d'entre eux se sépa­rent du geoupe ; quels sont leurs dl'oits?

L'arl'êt reproduit· ci-dessus est particulièrement explicite sur le point suivant, à savoir que, pmu~ déteÏ·mineP les droits de ces dissi­dents, iln 'y a pas lieu de s'arrêtel' à leur nombre relatif. Peu importe qu'ils soient ou non les plus nombreux. La convention sociale et ses suites, consacrées par le texte dwParticle 1135 du Code. civil, détee-/ minent leul' situation juridique. S'ils sont des " dissidents " (ou éven­tuellement éles ex-associés régulièrement exclus), ils n'ont aucun · droit à fait·e valoir ni sur l'actif social, ni quant à la dénomination sociale.

Un jugement de Bruxelles avait déjà décidé pareillement que, loesqu'une scission se pl'oduit dans une sodété J'ageément, le matériel doit, en l'ègle génét·ale,. appartenit· au geoupe qui, pae le chiffre de ses membres admis antéeieueement à la scission, doit être considéré· comme le noyau de l'ancienne société â l'exclttsion des dissidents (Civ. Brux. 10 janvier 1900, Pand. Pér. 1900, no 220).

4o Et vojci que sul'git une situation nouvelle ct·éée par la loi du 27 juin 1921 : l'ancienne association de fait acquiert la personnalité civile. En résulte-t-il la naissa~ce d'un être jm·idique nouveau, entiè­l'ement distinct de ce qui existait antérieurement?

Nous avons péjà exposé autrefois nos at•guments en faveur d'une réponse négative a cette qnestion.(Revue, 1925,no 2590~ p. 1 : "La personnalité civile des sociétés et les droits des tiet·s ").

Les deux· décisions de jurisprudence ci-dessus constituent, sel0n nous, une coL1firmation éclatante de la maniere de voir que n6us avons sontenüe en cet endl'oit. Lorsqu'une société d'agrément v.ient a acquéeie la personnalité civile; eU~ çonseeve le dr-oit au_ nom· qui a­toujours éte le sien; ainsi que la p"t•Ûpl'iété des' OQjets sociaux_. Il jT a certes un changement. Ma~s celui-ci ne touche pas au fond même cln.

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'26ô Jt'"RISPRUDENCE

{]l'Oit. C'est seuleti1ent une " organisation no-uvelle." -(}ne .les associés ~e sont donnée, qui lui accorde la faveur de la personnification civile "(JUe l'associatioti ne possédait. point" jusque là. - Oomp. :Appel Gand, 17 niars 1926, Revue, 1926,11° 2681, p. 135.- Oiv. Brux., 24 avril 1929, Revue, 1929, no 2981, p. 291.. _

. &0 Pai' voie de conséquence, Jeq deHX décisions admettent que la société peesonnalisée est seule âux deoits de l'ancienne société et des ·membres qni la composaient. Elle seule -est désor~mais apte à agir pour la sauvegarde de ses droits.

Tout cela est excellemment jugé. En l'espèce, le cas se compliquait -d'une contestation entee deux associations sans but lucratif qui JWé­tendaient toutes deux êtee les -continuatrices de l'association primitive. Par applicatioii des peii1cipes rappelés ci-avant, ce point a été teancllé -en favem' de celle des deux associations qui a été considéeée comme la continuateice de l'ancienne soci8té, encore qu'elle eùt acquis en -dernier lieu la personnalité civile.

* * -* Nous terminons cette étude en formulant le souhait ·que les deux

-décisions· ci-dessus fixent la jnrisprudence,}t eaison du caractère -éminemment juridique des pdncipes qui y sont formulés. Selon nous, -ces mêmes 1wincipes doivent être appliqués quelle que soit la catégorie .<'t laquelle appadient une association déteeminée. Il n'existe d"aillenrs -aucune raison plausible de limiter cette application aux seuls conflits -entre associés. Nous estimons que les mêmes règles sont d'application mutandis rrmtt:ttis à toutes les ·relations Juridiques entre les 'associations ·et tous tim's quelconques.

J. GoEDSEELS,

Avo_cat près la Cour d'appel de nruxelles.

No 3165. - Tribunal de comm~rce de Bruxelles (Ioe ch.). 2 décembre 1930.

· MM. Rossum-, jug-e unique-; - Clavareau, référ.; . Mtres De Busscl1er (Gand) c. Cuvelier, avocats.

(Bl ... et consorts cf Edouar(l Bl ... et soc. Bl ... et Ue).

:Société en commandite simple.- I. Rapports entre commanditaires et ~érant. -- Action directe en dommages-intérêts des associés comman· ditaires contre le gérant en faute.

:Ii. Pouvoirs du gérant.- Transaction.- Mandat exprès nécessaire.

N• 3165

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JCRISPRÜDENCE

/. Dans les sociétés par intérêts, notamment danH la commandite simple, les associés, outre la révocation, ont cot~-tre · le gérant en faute une action directe en douunages­inlérêts; cette· ·action appartient it chaque associé dans la limite de son intérêt pai·ticulier.

II. Le gérant d'une société en commandite ne peut transiger sans mandat e:rprès ; s'il y avait un doute sur l'étendue du mandat, il faudrait l'entendre d'une mairièl'e 1'estrictive en (aveûi; elu 1izandant.

Attendu que les causes inscl'ites au R. G. sous les nos 14298 et 14299, t43ll0 et 14301, sont coimexes et qu'il. échet de. les joindre ;

Attendu que· par l'exploit introductif d'instance des 21 et 22 mars Ul~8, les demandeurs (l'instance fut reprise le L5 mai 19~9, par Carl V~·· et Marie Joséphine BI ... , seuls ayants droit du demandeur Arthur V ... décédé), ont assig·né Edouard BI... et la société BI... et Co ; que celte dernière, appelée en .intervention et en déclaration de jugement commun,: e~t défaillante; qu'en .ce qui la conc~rne la demande paraît juste et bien véJ'ifiée ;

Attendu que, par une autre procédure, Edouard Bh .. a appelé Fil· min et Victor BI. .. , pour intervenii· dans l'instance· entre les demandeurs au pr·incipal et Edoüard EL. et la société BI. .. et co, el pour g·ar~ptir Ed. BL .. de toutes les con­damnations qui pouri·aient être p1·ononcées à sa CQflrg·e ; qu'ils ont également été assig·nés en payement d'un miJlion de francs à titre ~e dommages-intrrèts ; que celte action eh intervention et en ~raranÎie n'a pas été join~e à la demande principale ;

A. Quant à_ la recevabilité-: . \ Attendu que Edouard BI... sou lient que l'action dirig·ée contre lui et qui est

hasée sur de g1·aves abus de g-estion, aetes dolosifs, fautes lourdes, etc., qu'il anrait eonimis en qualité de g·ét·ant de la société en commandite simple Bl... et co, n'est pas recevable, cette action ne pouvant se concevoir que subrog-atoirement aux d1·oits de la dite société et non comme action directe;

Attendu que la société en commandite simple est une société par intérêts ; que c'est à tort que le défendeur prétend appliquer à la respoJ1sabilité du gérant d'une commandite les règ·les qui concei'nent les s.ociétés par aCtions; que, comme l'en­seig-ne DALLoz; Répertoire pratique, V0

, Société, no 48.4, outre la !•évocation, les :1ssoeiés ont contre le g·érant en faute une action directe en dommag;es et intérêts .

. C'est, dit-il, l'applicaUon de l'a1·t. 1992 du Code civil, aux termes duquel ce manda­tail·e répoùd noir Éeulement du dol, mais d~s fautes qu'il commet dans sa g·estion et de l'art. !850, spécial aux fautes commises par les .:~.ssociés. Cette action en donunages-inté1·êts appartient à chaque associé dans la limite de son intérêt parti~ culier, puisque chaque associé a donné mandat d'administrer la société dans la mesure de son intérêt social (Cf. loc. cil., V0 ,.Société, nos 866, 871 et suiv.); que si, <'xmnhiant la question THALLEli et Pic (Sociétés commerciales, t. 1, no 501 ): d~cident dans le même sens, mais spécialement en ce qui concerne les droits des associés en nom e0llectif, la solution peut être. la même en ce qui concerne une société en com­mandite simple, autl'e type de société pal' intérêts et dont on .peut dire également1

•fiJU'en ~·éalité, la société, ce sont les associés; · __ ...Attendu_~que de ces considérations, il appert que l'action est recevable en tant ~au'.adiou .dü·.ede ;

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268 JtTRISPRUDENCE

B. Au fond : Attendu que le défendeur prétend que, le J 8 janvier 1926, serait intervenu entre,

. la société en commandite simple BI. .. et Co, représentée par les sieurs Firmili et, Victor BI..., et lui-même, une transaction,, qui a mait mis fin à toute contestatiot) par un at'l'angement ayant, aux terü1es des dispositions de l'art. 2052 du Code civil l'autorité de la cllose jug·ée en dernier ressort;

Attendu que les demandeurs déclarent que cetle transaction a été conclue à leur· insu et qu'aucun d'eux n'y est in.teryenu en personne, ni par fondé de pouvoirs; q-q.e partant, elle ne saurait ni leur nuire, ni leur profiter ;

Attendu que le défendeur fait état de ce que les demand.eurs amaient conféré à Firmin et Victor BI. .. , par un acte publié anx annexes du Moniteur Belge, des. 9-10 novembre 1925· (n° 12609) des pouvoit's tels qu'ils pouvaient valablement conclme une transaction liant la société et ses commanditaires ; ' Attendu que kt lecture de l'acte en question démontre que les gérants de la société en commaüdite simple BI. .. et Co, n'ont pas expressément t'eçu le pouvoir de· transiger; que le g·érant d'une société en commandite ne peut lransig·er sans mandat exprès (C. c., art. .1988; - NA:IIUR, t. II, nos 884;, 1198, 1206; - GUJL­

LOUARD, Société, n'.) 1241; - LAURE~T, t. XXVI, no 3l0; t. XXVII, Il0 129; -Pand. B., vo Transaction, no 241; ~ Comm. Anvers, 20 mai 1895, Rev. prat. soc., 1896, 124) ; que d'ailleurs, s'il pouvait y avoir un doute quelconque sur l'étendue· du mandat, il faudrait l'entendre d'une manière restrictive en faveur du mandant (Brux., 17 juin -J867, Belg. jtul., 1868, 401):

Attendu que la convention '~er!Jale du 18 janvier 1926, doit donc être 'Considérée comme nulle, Firmin et Victor BI. .. , ayant été sans pouvoirs pour la conclure au nom de lasociété en commandite simple BI. .. et CO; que les dits g·érants n'avaien~ 1Jas davantage pouvoir de transiger sur les biens et droits des demandems à l:x présente action et qu'ainsi c'est à tort que le défendem· prétend opposer aux demandeurs la dite convention, qui ne le dégage pas de·sa-responsahilHé de g•érant maladroit et infidèle (DALLOZ, Rép. Pr., vo Société, nos 866 à 87-1);

C. En fait: Attendu que Edouard BI ... soutient que la convention verbale ~u 18 janvier 1925

a été rig·oureusement exécutée par lui; qu'il n'appartient dès lors, point aux deman­deurs, plus de trois ans apr'ès, de feindre de l'ignorer ;

Attendu qu'il échet de remarquer qu'après le départ du gérant Edouard BI. .. , qui s'est effectué.Je>:p·remier,aoùt'l925 et qui a été',porté à la connaissàliêe des tiers les 9-1-0 novembre 1925, la g·é_rance de la commandite fut repris~ par Firmin et Victor BI., le premier octobre 192.) ; qu'à la suite de nombreuses et gT~ves difficultés, un accord amiable intervint entre les demandems et les nouveaux g·érants, Je -16 mai 1927; qu'aux termes des bases d'arrangement ol'ig'inairement indiquées par les deman­dems, Firmin et Victor BI. devaient reprendre la sifuatiop act~ve. et passive de. la société 'et effectuer entre les mains des demandeurs le verseme_ilt d;une somme à convenir; que c'est au cours des pourparlet's transactionnels que les g·érants firent, le -16 mars 1927, ~onÎ1aître aux demandeurs, leur intention ·de vendre l'immeuble sis à Schaèrbeelc, 142, Avenue Voltaire, ce à quoi les demandeurs déelarèrerit s'op­poser formellement; que les gérants leur déclarèrent alors qu'ils étaient liés par

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JURISPRUDENCE 269

:une promesse de vente dont les bénéficiaires les avaient mis en demeure de passer l'acte de vente; que c'est à cette époque que fut révélée aux demandeurs l'existence> .de la convention verbale du 18 janvier 1926 ; que les circonstances. ci-dessus rap~ ·pelées ne permirent point que l'immeuble de l'avenue Voltaire ne Iùt pas yendu; que c'est dans 'ces conditions qu'après déduction du prix de vente dé cent mllle francs, montant d'une dette hypothécaire repri5e par un tiers et des intérêtsj le .solde trui, aux termes de la'convention verbale du 18 janvier ·J 926, était acqui~ à la firme Bl. & Co, fut, d'ordre de celle-ci, versé aux demandeurs par l'entrenHse de leur conseil, le 21 mai 1927 ;

·Attendu que de ces comidérations, il ne peut être conclu que les del1landeurs auraient accepté et exécuté la convention verbale du 18 janvier 1926;

Attendu que le défendem n'a pas contesté la réalité des griefs fonnulés à sa ·rllarg·e et qui servent de fondement à l'action des demandeurs;

Par ces motifs, Le Tribunal, rejetant toutes fins et conclusions autres, plus amples ou con­

traires, joint comme connexes les causes inscrites au role g·énéra1 sous les nos 14298, 14299, 14300 et 1430l et statuant par un seul et même jugement:

Donne acte à nt Carl V ... et à Mad. Maria Joséphine BI... de ce qu'ils reprennent l'instance introduite par leur auteur feu M. Arthur V ... ;

Déclare les demandeurs recevables et fondés en leur action; dit que les infrac­tions et actes exposés à l'exploit introductif d'instance, que les demandeurs reprochent au défendeur d'avoir accomplis comme g·érant commandité de la société en commandite simple Bl... et Co, sont délictueux, fautifs et frauduleux et que le défendeur _est tenu de réparer le pl'éjudice qui en est résulté pour les demandeurs ;

'Condamne en conséquence le dit défendeur à payer à titre< de dommages et intérêts :·

J) Aux demandeurs Carlos BI..., Julienne Bl ... et son époux lVI. Léon P ... et \Villy BI ... , agi::,sant comme seuls ayants-droit de leur père, feu M. Arthur Bl ... , la somme de 544.000 fr., soit. pour chacun d'eux 181333,33 fr., et les intérêts judiciaires sur ces sommes ;

2) Au demandeur Léon Bl..., une somme de 338.000 fr. et les intérêts judiciaires :sur cette somme ;

3) Au demandeur Oscar Bl..., une somme de 324.000 fr.; -1.) Aux demandeurs Carl V ... et Marie Joséphine BI ... , agissant comme seuls

ayants-droit de leur père et époux, feu M. Arthur V ... , une somilie de 189.000 fr. et ·les intérêts judiciaü·es.

Condamne le défendeur aux dépens, taxés à 13t;BOJr. Donne défaut contre la société en commandile simple Bl... et co et, statuant sur

le profit, la condamne à intervenir dans l'action principale ; déclare le présent jugement commun à la dite société en commandite simple BI. .. et co ; commet l'huissier Dubois, de ce Tribunal, pour sig11ifier le présent jug·ement à la défen­clere se défaillante ; déclare le présent. jùg·ement exécutoire par provision, nonobstant appel moyennant caution.

Observations. - La jul··isprudence belge n ~.abonde pas dans la matière de la société en commanditesimple. Il existe, d'autre part,.

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JURISPRUDENCE

l)eu d'études doctrinales sr.Jéciales sur ce type de société. Il convient donc de r·ecueillie avec un soin partknliet· les décisions fllli vjennent it êtt•e t'en dues en ce domaine.

Celle que nous publions çi-dessus montre Fintérêt et l'arnplr.ur des c1uestions que la commandite peut faÜ'e surgir.

L C'est à tort, a notre avis~ que le Tr·ibnnal établit une ditféeence de pt·incipe ___; du 1noins en deoit belge -· entee les sociétés par actions et "les sociétés commet·ciales de personnes quant il !~exercice de l'action en 1'espo11sabilité_de la gestion sociale.

Dans les sociétés commePciales belges.· par intéJ'êts comme. par actious, la responsabilité de la gestion est instituée envers le corps social ; lui séul -possède. en pl'incipe, ràctio mwulati clirecta puisque c,est lui q~ti est réputé le mandant des gér·ants et des aclmiuistr·ateui·s.

Dans les s"ociétés anonymes, l'actio manclati avait cependant été conservée, en cedain cas, aux acLionnaires pris individuellement, à savoie dans des cas où l'on pouvait les considéeee comme no11 obligés pae la décision de la majot·ité. Mais le législateur belge~ en 1913 -pae l'effet cFune inadvertance de délibéeatîon plutôt que par nn dessein peéconçu - refondit de telle sode Tal't. 64 (actuellement 77) que Fon a CI'n devoie décltÜJ'C elu nouveau texte la snppression radicale de tonte action individuelle. Nous teuons cette déduction pone contl'o­''er·sable ; m~1..is il est de ülit que la jucispeudence !a consacre régu­lièi·ement.

La loi ne s~est pas pr'ononc.:ée expressément. qnant au t'égime de la .reç:ponsabililé des gér>ants clans les sociétés imr iJltéi·êt.s(société en no1u collectif et société en commandite simple). Il faut donc ici se référm· <lll x. principes généraux,

Dans ce tyr1e de société commerciale. la société, ton t en étaut jm·idi<}UCIÜent. d1stjncte, en sa lJ~l'SOil11a!ité, f~es ëlSSOG;és, en est lCllUe

pou l'tant tr·ès rapprochée p~ù::. l'effet de ·la responsabilité iodéfirlie et solidaire de ceux-ci· (société en nom collectif) ou de certains d'entre eux (commandite simple). Tous les auteurs et lajurisprudenc.:e sout. pae :1illeurs, d'accord poür reconnaîtr'e que ces sociétés l'estent régies, dans tous les points où les lois spéciales n'ont rien pr·escrit, par les règles civiles elu contrat de société ..

Mais loin cie pouvoie en conclure que, dans ces sociétés. la respon· sabilité du géeant existe vis-~t-vis des associés individuellement pr·is, il faut, au contraire, se donnm· cle garde que la loi belge sm· les

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JURISPRl'DENCE 2.71

sociétés èommerciales a modifié, sur un point fondamental;, le régilile-­civil du contrat de société en conférant expressément aux sociétés des types consacrés par elle, la personnalité juridique.

L'ad. 2 de nos lois coordonnées, dernier alinéa, est formel : . " Chacune cl' elles (c.-a.-d. des sbciétét3 i'econunes par la loi) constitueo une individualité juridique distincte de celle des associés ".

En BelgiquP, cette peesonnali té juridique propre, distincte de celle­de ses associés s'interpose donc nécessairement < ntre celle-Ci l~t

quiconque entre en rapports COIÜ!'[t_ctuels avec Pêtre social. Il s'ensuit que, pendant rexistence de la société, toutes actions Bociales se cou­centreut en son chef; le gérant est le représentant diJ·ect, l'organe-

-de la société envers les tiees; c'est envers ell(qn'il est responsabl0 de ses fautes de gestioG ; c"est le pakimoine social qui est préjudicié­par ces fautes.

En fait _1:l'action en responsabilité, seule sera donc reèevable, à notee avis, pendant l'existence de la société, l'actiou de celle-ci.

Après la dissolution de la société, comme elle est réputée subsistee­pour les besoins de sa liquidation·, c'est le liquidateur qui se1·a rece­vable. à intenter, en son nom à elle~ l'action mamlati.

M. P. Pic, dans le ü~aité de la 3ociété du Bé1Jedoire pratique de. DALLoz, professe que :

" C'est rapplicatimi de l':ù·t. 19~l2, aux te1·mes duquel le manda­" taire répond non seule~nent du dol, mais des fautes qu'il ccnimet " clans sa gestion, et de l'ad. 1850~ ~pécial aux fautes commises par "les associés (Lyon. 3 déc. 1857, DALLoz, Pér., 1859, II, 171; Re(1.· '' 28 mai 1889, Dalloz, Pér., 1890, I~ 414). Cette action en dom­" mages-intérêts appm'tient à chaque as$ocié détns la limite de.· son. " intérêt particulier, puisque chatllle associé a-··donné mandat d'ad­" miuistrer la société dans la mesure de son intéyêt social- (Req. , 9 juin 1874,- Dalluz Pér., 1878~ I, :3::>7). " (Répertoire pratiquet yo S~ciété. 11° 484 ; cfr. au.ssi no .866 et suetout R7l et suivants}.

MM. THALLER et PIC professent de même, ~l pl'opos de la société en nom collectif et cette ~héorl~ s'applique, 11a1· identité de motifs, à la commandite simple :

" Soit une société en nom collectif comprenant" quatre. associés, " ayant les mêmes droitS' dans Ia répartition des IJénéfices : chacun " d'eux pourra~ par un~ actio1) séparée, réclamer dnlgérant le quart

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:272 O:URISPRUDENCÉ

" des dommages-intérêts représentatif du préjudice global éprouvé par _, la société " (THALLÉR et PIC, Sociétés comme1·ciales, t. I, no 501).

Mais l'argument adopté par ces savants auteurs ne résout pas, nous , semble-t-il~ la question posée. Dans toute société, il est vrai de dire que ".chaque associé a donné ma-ndat d'administrer la société dans la

:mesure de son intérêt social " ; mais lorsque la loi constitue expres­sément la société en une individualité juridique distjncte de celle des associés - comme le fait la loi belge à la différence du droit fl'ançais,

. où la personnalité des sociétés commerciales n' èst que jurispruden­tiellement reconnue - les associés ·r~e donnent pas ce mandat pour

. administrer en leur propre et privé nom : ils le donnent pour admi­nistrer œu nom cle llét?·e social constihté; leur vote lJOurvoit la société

·d'un organe d"admiaistration qui sera son gérant; celui-ci sera, des lors, responsable de sa gestion envers la société ; il devra s'en expli­quer devant l'assemblée des associés, autre organe de la société," et dans cette assemblée la décision de la majorité liera la minorité, sauf stipulation contraire.

Conséquence_: aussi longtemps qu~il subsiste une assemblée générale des associés, donc pendant l'existence de la société par intérêts, les associés sont non recevables, en Belgique, à poursuivre personnelle­ment et pour leur part sociale,· le ·gérant en responsabilité. Leur .reconnaître ce droit, ce serait supprimer virtuellement la person­nalité juridique de la société et annuler pratiquement l'art. 2 dernier alinéa, régissant le pacte social.

Les associés commanditaü~es seront-ils donc dépourvus de tous droits? Non point, mais ils devrout exercer leurs droits, dans la forme et

-dans l'orbite des statuts aussi longtemps que subsistera la société. C'est-à-dire qu'ils pour1·ont refuser, en assemblée, la déchai'ge elu géeant ; ils pourront le révoquer, et le remplacer, s'il n'est pas gérant statutaire ; s'il est nommé par les statuts, ils pourront poursuivre en

justice la résolution du contrat de société pour cause légitime (art. 1856, C. civ.) ; ils aboutiront ainsi à faire pouesuivee le gérant en faute, soit pae son successeue, soit l)ar le liquidateur, ù1ais toujours au nom et pour compte de la société.

Il n'en pourra aller autrement que dans les cas où le gérant aurait accompli des actes_ sortant de l'orbite des statuts. En ce cas, il est clair que le géeant ne ponrr9-it exciper du; pacte social et de la loi JJOUr faire déclarer non recevalJle l'action individuelle des comman-

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JURISPRUDENCE 273

·ditaiees. Ceùx-ci ne sont liés envers lui r>ar le pacte social~ créant la personne jm'idique de la société, que pour. et par les actes faits en -exécution· de ce pacte et du mandat de gestion qu'il contient. Pour autant que t~ gérant s'en sm~ ait écarté~ it ·aurait agi sans aucun droit, ni aucune qualité ; ilserai~ directement responsable: envers les com­·manditaires~ -c0mme eil vers tout tiers, du pr~jud ice leur infligé 1par ces actes. Il serait inadmissible qu~il pût _se pré-raloi1', pour faire écarter comme ieeecevable 1 'action en réparation de ces actes, de ce même contrat de soc.iété Ëm dehors duquel il se serait placé pour les commettre.

Nous pensons donc, en dernièee analyse, qu'une distinction s'im­~pose : pom' des fautes de gestion~ c'est-a~dire pour des actes préju­diciables commis dans l'orbite des statuts~ seule la société, personne juridique distincte, I'elwésentée pa1· un nouveau gérant 'OU par un liquidateur, _est .yec2vable à ngir par l'action nzanclctti dù·ecta; au ·contraire, pour des actes. préjudiciables commis en dehors des statuts, les associés du géeant (commanditaires ou èo-associés en nom collectif) sont recevables à mouvoir contre lui r action en responsabilité du dl'oit commun (art. 1382 -C~ civ.), faute, quant a ces actes, d'une ~relation contractuelle entre le géJ'ant et eux. ,_

Il se peut qpe la sol.ution doive ou puisse être différente sous l~em­:pire de la législation ou de la jurisprudence françaises ; mais la solu­tion ci-dessous nous paraît s'imposer. en deoit belge, en raison de la disposition expresse de l'art. 2 c1e i1os lois COOI~données. ·

i' 1 •• ·' ·, !

II. La décision rélatée est encore intéressante en ce qu'elle se· pro~ nonce su_r l'étendue ~es pouvoirs du gét'anten cas de silen~edes statuts'.

Le pt·incip~ est qt~e le géeant, dont les pDuvoirs n'ont pas reçu de -CléteJ•miJlatioii spéciaJe, peut faire t9ns l~s_'. acte~-- nécessaires à la .J.~éalisation ,du but' social ; ce mandat est, parla nahu·é dës- choses, dit L. FREDERICQ (D1·oit commçrcial,- .t. II, no 731), plus étendu que celui ·du mandê"J,taire généra_! Ot'dinaire (art. 1988. C. c.) ; il compr~nd non seulement les actes d'étdministration, mais aussi des actes de disposi­tion çlans ·la 1nesm'e oilla marelle des affaires l'exige.

Ce même auteur ~joute : " Il repr'ésente la société en justice et H peut transigee et compromettt·e sür tout ce ... -dont il a, en qualité d'administl'~tem', la libee disposition (art. 2045, C. c:; - LY:ON­CAEN, 11°. 145 ; - C. Pr. ciy., aet .. 1003) ".

Cette opinion est controversable et controversée. Le jugement se

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274 JL1RISPRUDENCE.

prononce, on vient de le voil', en tel'mes expressémeüt contraires, eit' s'appuyant sm· dm;; décisions de jurisprudence et des autorités doctri-­nales imposantes; tQutefois ces auteurs ne pi•ononcent pas l'incapacité,: de tran~iger dans les termes absollls que dit le jugement, ils y ajoutent. ce tempérament : '" ~t. moins què la transaction et le compromis ne

portent sur des objets dont il a la libre disriosition ". Dans ce même·· Eiells Se· prononcent : GT.TILLERY' Soc. comm.' t. I~ no 378 ; - POTHIEH,

Du Oontràt de société, chap. I~I, 11° 68; - DELANGLE, no 150; rrROPLONG, ll0 690 ; - PARDESSl1 S~ 11° 1014; - :MoLJN1ER, no 306 ; --::-· DUVERGIER, 11° 320.

Dans 1 'opinion qui reconnaît le d1·oit de tl'ansactjon elu gérant,. celui-ci· pourrait-il transigee avec un gét•ant peécéde11t~ l'évoqué ou démissionnaire, sm· la responsabilité de sa gestion ? logjquemell t iL faut répondre pal' l'affit•mative, le cas de collusion étant - bien entendu - eéseevé. Le non veau. gé1·ant, en ce cas. agira sous sa l'esponsabilité personnelle :. it aueait éventuellement à répondre de la faute de gestion qu~il pomTait avoir con~mise. ell t1·ansigeant sm· l'action sociale en.resp,onsaiJiiité, dirigée c~nt1·e son rn:édécesseur· .

. ...) '

No 3166. - Tribunal de commerce de Liége. - 13 mars 1931.

Prés. M. Nagant, Vice-pt•és. ; - Référ. lU. Follet; ~ rll. Mtm; Buisseret et de Schmidt, avocats.

(Banque Wallonne cf Ghyse et autres).

Société anonyme. - Actimi solidaire d·'actionnaires contre des admi-· nistrateurs et commissaires.- Compétence du tribunal civil.

Les contestations entl·e associés et commissaires' sont de la C0111]iélenc3 de la furülic-tion civile. · · ·

Lorsque l'action tend â obtenir une condamnation solidaire contre des allministrateun-r el des commissaires d'une société, elle doit être portée de11ant le tribunal civil.

Attendu que la présente action intentée par 'la S. A. la Banque Wallonne et autrrs demandeurs a pour but d'entendre condamner les défendems aux dommages­intérêts et insertions déterminés à l'exploit et. tenus ici pour reproduits, pat·ce que les assig·nés auraient, à titre d'adminisll·ateurs et commissaires de la dite société, cm1voqué irrég·ulièremeut une assemblée décla1;ée nulle par décision de jtistice, assemblée qui, aux dires des l'equérants, leur· aurait causé un préjudice; ~Attendu qu'aux termes-,~~~l'arL' 1-2; ·:no:·3:.dejà loidu 25 mars1.S,7~, l~s.·td»'unaux

de commerce connaisseii(d~~ COIJilest~~~io,lS èhtN~ -:;ts~;oeiés ou entre administrateurs et associés pour raison. d'un~ société d~ 'convnerce ;

~0 3166

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JURISPRUDENCE 275

Attendu qu'il résulte de cette disposition que les trilmhaux de eommerce sont .compétents ,pour connaître : 1. o des actions dirigées par la société contre les administrateurs; 2° de celles intentées pàr les actionnaires en cette qualité contre les admin'istrafeurs ;

Attendu que les contestations entre associés et commissaires sont de la compé-tence de la juridiction civile; · · .

Attendu qu'il -ne peut :;.pparlenir à une partie de distraire son adversaire de son juge naturel, en matière de compétence d'attribution; par un moyen quelconque, rn assignant en même temps que lui, une personne justiciable d'une autre juridiction;

Attendu que l'incompétence ·d'attribution est d'ordre publie et doit être soulevée d'office par le tribunal indùment saisi;

Attendu que le tribunal de commeree étant une juridiction d'exception dont la compétence est limitée d'urie façon précise par· des textes légaux, il suit que l'action ne pouvant être divisée, doit être pm·tée devant la juridiction civile (RESTEAU, Sociétés anonymes, t. II, pp. 210 et 211);

Par ces motifs,-Sans avoir égard à toutes autres conclusions ou plus amples ou contraires, le

Tribunal se déclare incompétent pour connaitl'e du présent litig-e; Condam,ne les demandems aux dépens.

Observations. - La compétence des tribunaux de commerce est, pr·ise--en so] ,- ·exceptionnelle:·L'â'd. 1'2, _2° 'dé lir loi sur la- c01i1pétence est lui-même une disposition exceptionnelle. Elle est, pa1' conséquent, d'interprétation stdcte. Oe, elle n'émunèi'e pas les commissaires avec les administrateurs. Il s'ensuit que les contestations entre associés et commissaires r·elèvent de la compétence ord:inajre~ c.-:'t-d 1 d~ celle des tribunaux civils. (VoÏI': 'Re1)ue, ]906, 11° 1711; - 1907. l1°" 1770 et 1795; - 1910, l}e 2068; - 1914~ ll 0 2:395. - 1923,Ù0 2518; -Comm. __ A_nvm·s, 1er oct. 1925, Rerue, l92G~ ll0 2705;---:- Cf!·. Revue, 1931~ 11° 3135).

Le falt d'assigne!' en. même temps nne personne justiciable de la j ni·1dict1on consul a ire ne pent naturelh-me11t pns modifim· la co'mpétence d'attl'11Jtitiol1, qui est«l'm·d1:e public.

No 3167. - Tribunal de corrn:n~rce de Bruxelle-s '(5e ch.). -· -· ·· 24-'janvier 1931.

Sièg·. : 1\HI. Peyralbe, prés. ; Van DroogeùJJroeck et Cantenne; ~ Van Meerbeke, référ.;- PLl\'Itrcs Van Onuneslag·lle et lleetvé'!~' avocats.

(JJe Levéque, curateur de la faill. De Waaï cf Sec. an. Comuœl1Cl~le Finàncière et Agricole du Congo) .

.... -~~--·

Société congolaise. - Dem~nde de mise en faillite. -:-- Compétence et

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276 JURISPRUDENCE

conditions d~ f';m~. -,- LQi congolaise applicable. - Lieu du princi­pal établissement : définition.

Les sociétés commerciales conslllùées sous le régim.è de la législatioiz en vigueur dans la Colonie, sont, aux termes de la loi belge elle-même, soumises e.i'élusivement aux lois coloniales et soustraites au:r lois belges, 11.zême d'ordre pnblk C'est donc, en cas de demande de faillite d'une telle société, ll' après les prescrizitions de là loi congolaise, qù'U faut décider quel est le trilnt1utl compétent Jl01l1' déclarer la faillite et ~·'llèlleS' sont les conditions de fond requises pour cette déclaration. ' ·: ::: ., ~

D'après la loi congolaise, c'est le tribunal lln llo:micile de éelui qui est en état lle . faillite de fait qui est compétént pour prononcer la faillite sitr · dssïgjzatüm. Lorsqn'il (agit d'mw société, il faut entendre par domicile le lien de son ]Jl'inG'ipal établissefne1ii~ même si celui-ci se trouve situé antre part qn' au siège Social.:

La loi congolaise doit être interprétée en ce sens que l'état de cessation de paiement est la condition nécessaire et suffisante pour qn'un comuwrçaùt puisse être déclaré en état de faillite.

;iltendu que l'action tend à faire déclarer en étaUle faillite la société Commer­dale Financière et AgTicole elu Cong·o, en abrégé Socofina, société ccing·olaise ù responsabilité limitée, constituée suivant acte Lie lVlc T'Serstevens, .notaire à Sailù~ Gilles-lez-Bruxelles, le 25 février 1928, approùvée par arrêté royal, société en liquidation volontaire depuis le 5 mars ·1930 ; _ -·

Attendu que la dite société plaide que le Tribunal de BruxeliPs est incompétent pom prononcer sa faillite et au fond demande que le demandeur qualitate qua soit débouté de son action et condamné aux dépens ;

.Attendu l!U'aux termes de la loi belg·e dü 1 H oetohre '1908, organique du gouver­ll\ment de la Colonie, celle-ci est. règ-le par des lois particulières, et· partant, sousti'aHe aux presc1·iptions des lois llelg·es, même .. d'ordre pu1Jlic, non rendues applicables au Congo (ffrux. 9 janvier 1924, Jur. comn~.- Bmx .. p. 89) ;·

Attendu, d'autre })art, qÙ'aux ternies de l'art. 2 de .la loi belg·e du 21 août ·1921, publiée au Moniteur belge du9 octollre 1921, les sociétés conùnerciales constituées, soit en Belg-ique,. soit au Cou go, sous le h'g'ime oe la législation ·en vigueur dans la Colonie, sont soumises exclusivement aux lois . coloniales, mêi\le si elles ont eJl Belg'ique l~m· principal stèg-e adiilinisll·atif et que leur t:onseil ·d'administration et leur assemblée g·énérale s'y réunissent (même aérêt) ;

Attendu crue la défenderesse, dont le sièg·e social a été, lors de sa constitution,· fixé à Bunia (Cong·o belg·e) et dont l'acte çonstiLUtif a été, suivant les exig·enres de' la l,oi cong·olaise, approuvé par arrêté royal, est une telle société;

Attendu qu'il échet donc d'abord de reehercher quel est, suivant la loi COIHl'Olaise, le tribunar compétènt pour prorionéer la faillite cl'ui1e soCiété. eon~Üt~ée. sous le t•ég'ime qe cette lég·islatioü ; éventile\lemen't, quelles sont les conditions intrinsèques pour qu'une t~l,le sqciété puisse êlre déc1al'é.e ·en faiJiite, et enfin ~i la société défenderesse se trouve dans ce& conditions ;

Attendu qu'aux termes de l'art. ·ter du décret congolais du ·18 mars l887, la f.aillite pourra être déelarée par jugement du trib~nal de première instance (la compétence d'attribution étant sans applic~tion au· congo) ; .

Attendu Q'!'.* la. vé~·Hé cet arUcle ne désigne pas teL- trilwlial de prernièrlf ·

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JÜRlSPRl':Î:mNCE

ins~anc~ plu tot qu'un autre, m;üs Que la raison en est qu'ù la-date où le décret a été pl,:pmu,lg'Lié, il n'existait qu'un seul tribunal de première instance dàns tout le Çongo belg·e, celui de Boma (De~ la faillite au Congo, par J. VAN DAlll~Œ et VAN DE

KERKHOVE, Revue de jurispnulenc~ et de clroit colonüil, .,1930-1931, p .. 40) ; ~. _ Attendu toutefbis'. que l'al~t. 114 du décretcoügolais du 9 juillet 1923 sur. h)I;g·a­

nisation judiç.iaire et la compétence, dit. qu'en malière civile, le jug-e du domicile est seul compétent pour e-onnaitre l~e la cause sauf les modificatiqns et ·exceptiOns prévues par la loi ;

Attendu qu'ainsi, de la combï'n~son d~s deux articles précités, on peut couclme que, d'après le régime légal c6ng6Iais, le tl:ilmnal de domicile de celui qui est en état de 'faillite de fait est comp'éte~1t pour prono'ncer sur assig·nation sa faillite ;

Attendu qu'en fait, après avoideu une activité en Afrique, la Société Com:mereiale Financière et Agricole du Coùgo fut mise en liquidation à Bruxell~s par ·une réünion de son assemblée g·énérale du 5 mars J 930 ; uue les liquidateurs domiciliés à Bruxelles, avaient même le pQuvoir de déléguer leur mandat à telles per9onnes qu'ils estimeraient les plus apté§ à cet effet pour représenter et sauveg·arder les iniérêtscle la· société en Afrique ; qu'eux mêmes dàns l'acte d'opposition de l'huis­sier Perpet du .~5 mars 1930, au jugement par défaut obtenu contre la société· le 26 novembre 1929 par De Waaï, indiquaient le sièg·e social de la société comme se tro_uvant ~ Bruxelles, 19.2, rue Royale ;

Attendu qu'à 'la vérité~ le principal etablissement d'une société (le -lieu que la loi appelle le « domicile » pour la personne physique) peut très bien ne pas être le sièg·e social; qu'il semble bier~ qu'il en fut ainsi en l'espèce, même pendant la durée de l'activité de la société défenderesse puisque, bien que le sieg·e social ftH·.~ Bunia, c'était de Bruxelles que pai·taient les ordres, à Bmxelles que :se tenaieut les éci·itures sociales centrales, pat' l'administration de Bruxelles que se traitaient les principales opérations toüt an moins d'ach;ts, en un mot, à Bruxelles que se inanifestait l'activité intellectuelle et süpérieme et dii·ectrice de la soCiété; · Attendu, en tout cas, qu'il ressort en plus de ce qui est dit plus haut, qu'<Ùle doit être considérée depuis sa lirt'uidation, comme ayant son sièg-e sociallui-mènie ù .:Bruxelles; que le· Tribunal d~ Bruxelles est donc compétent pour déclarer. sa faillite ; - Attendu d'aùtre part,· que le Codë congolais ne détermine pas les conditions dont l'existence est nécessaire pour constituer l'état de faillite, mais que l'on peut ·déduire du préambule à l'or~onnaiicè ·du Gouvernementeong·olais drr 2-1 ·septembre ~1866, que la cause efficiente de la faillite, 'est l'état de cessation de.p~.liement(inème ~rticle 'de la Revne dejnrispruçlence coloniale, p, 49) ; qu'en effet. ce préambule est ainsi conçu :. << Considérant qu'il y a lieu de fixer provisoirement, tant .dans l'inté­rêt des commerçants que des créanciers de ceux-ci et des tiers, les règ·Ies sommai­res qui ser-ont.ohservée.s:quand· un conimerçant-ouun~Arme:commerciale <<cessera ·ses paiements » et se trouvera en état de faillite Il ; .

Attendri enfin qu'eril'espècê, l'état de cessation de paiement de ia société défen­deresse est évident ~t tl' est d'ailleurs pas sérieusement· contesté ;

Par ces motifs, · Le Tl'ihunal, se déclarant compétent, déclare ou verte la faillite de la Société ano-

nyme Commerciale, Financière et Agricole du Cong·o ... (la suite sans intérêt). ·

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LEGISLATION

Observations. - Ce jugeinent est intéressant en ce qu'il tranche en deoit par des consiclét'ations qui nous paraissent judicieuses, la ques­tion de compétence teee.itol'iale' qui peut se poser à propos d'une­demande eu faiLLite de cei·taines sociétés congolaises : celles dont le siège social statutaire est différent de celui de leur principal établisse­meJ:?.t. En droit, le tribunal compétent est, d'après la loi congolaise, celu(du .. dornicile ; or potÙ' Une ·société, le domicile· est "l'endroit où. elle a so_n principal établissement. En ùtit, le tribunal constate que, clans l'espèce, la société était venue établir en:Belgique son principal établi.~sement.

Le mêf?e jugement peécise, dans le silence des textes légaux, qu"au regard dudt'oit congolais, la fc1ïllite a pour cause la cessation de-paie­ment.

Le lecteur se reportera, . au surplus, aux références visées dans la décision.

No 3168- Dispositinns fiscales nouvelles relatives aux sociétés commerciales. ·

1. -DROIT D'ENREGISTREi\1ENT SUR LES ACTES DE PROROGATION DE

SOCIETÈS COOPÈRATIYES ET D'Ul.'\IONS DU CRÈDIT.

· Loi cl~t 1er j~tin 1931. (Moniteur du 7 juin 1931).

Art. 1. - Par modification aux àrt. 4 de la loi du 30 aoùt 1913 et 25 de la loi du 10 aoùt 1923, la base du droit d'enregistrement sur les aCte-s poi~hillt peorogation de soci"éfés coopéeatives et d'imfons du crédit est représentée par le capital effectivement veesé au jour de la prOt'O­

gation majoré des apports nouveaux constat.és·dans l'acte de proroga-tion.. ,

.J!rt~ 4.·. :- Disposi_~ion tra.r~si t.QÜ'e : La _bas,e d.e .. P:erceptiot!_.:détet·minée paL' l' at·t. 1. O.e .la "P'eésente 'loi SUI' les rie tes. po l'tant prorogation de sociétés est applicable pour l'erÜ'egistrement des actes postéPienrs au 1 ür avril 1931.

Lo-i elu .22 fuillet 1931 (Moniteur du 25 jÙillet. 1931).. -·

Art. 12. -Sont réduits des deux tiers, les droits d'enregistrement et de transcdption exigibles d'apeès les lois en ,iigueur sur les actes pot·tant transfoemation ou conversion d'nne ·société en nue· société d; une eSÎ)éCe difféeente ..

:N~ 3168

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Les droits con ti nueront a être perçus an taux plein sur les appo~'ts :JlOnveaux qui seraient constatés dans l'acte de transformation ou de ·conversion.

Les dispositions qui préqedet)t ne sou t'" applicables qu'aux sociétés ' . .ayant leur principal établissement en Belgique.

·.2. - TIMBRE (ACTIONS NOMINATIVES DEL~ BANQUE DES RÈGLEl\ŒNTS

INTERNATIONAUX).

Loi rlu 1er ju·in,1931 (Moniteue du 7juin 1931). ·

Art. 2. -·~· Sont exemptés dn droit de timhPe les actions nominatives 'fie la Banque des Règlements in ternationanx, les certificats constatant !leur inscription SUl' le registre de la dite Banque, les titres remis en ·représ~ntation ou contt·e-paetie de ces actions s'il en est fait usage en .Belgique.

3. - lMPo'T SUR LES REVENUS.

Lo~ du 20 juillet 1931 (Monitem' d~1 26 juillet 1931).

Art. 1. - Le 2e al. du par. 1er de l'art 32 des lois·coord. I'elatives ·aux inpôts suf' les revenus est remplacé comme suit :

Selon le cas les revenus de l'année ou de l'exereice imposable sont -éventuellement diminués des pePtes professionnelles éprouvées pendant les 2 années précédentes ou durant les 2 exercices antérieurs.

Art. 2. Par. 1. -Par modification du litt. b du par. 4 (nouveau) -d·e l' aet. 83 des \ois coord. :

a) IL est établi 100 centimes additionnels à la partie de la taxe pro­Jessionnelle q~1i correspond proportionnellement aux rérnunérations" des administratett~·s·, ~o~miss~ires ou Üqui.dat~t~I~~· ·des sôciéles. par .actions, y compris les gouverneurs~ directeurs~ régents, censenrs et .autees remplissant des fonctions analogues à cellès des dits redevables.

Toutefois, pour ceux d'entee eux qui exel'cent d'autres. fonctions, :réellês 'et llePmanenté~: le~ traitemei;'t~ affét;~n-ts

1a ces fOnctions res­tent soumis au droit commun, poue autant qu'ils soient fixés· dans un .contrat d'emploi ou de louage de sm·vices.

b) La taxe passible des a1ditionnels établis pace le litt. a) qui pré­·cèàe est exempte d'additionnels pt'ovinciaux ou communaux et aucune taxe similaire ne peut êtl'e établie sm• les rémunérations qui y sont assujetties. .

Par. 2. -'- Un arrêt royal détermine le mode'de retenue à la source -de la taxe et des additionnels y afférents.

N° 3168

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280 JURli:-PRUDENCE

,Par. 8. ·-Le supptément d'impôt éveùtuellement dù sue la base de· l'ensemble des r>evemi's peofessionnels des redevables visés au par. 1 el'

du pr'ésent article est établi Pannée stÜ\rante clans la commune qu'ils, habitent au 1er· jan vier de cètte année. on· à Bruxelles s'.ils ha"bitent l'étranger'.

Art. 4. ----:- L'aeticle 1 Cl' de la peésente loi est ar)plicable pOUl' la ll'e

fois aux pertes subies en 1930. Les dispositions de l'aeticle 2 sont applicabl~s aux impositions de

1930 basées sm· les ·eémunér'ations touchees ou atteibuées en 1929 saut' à déduÎPe du montalit de la taxation les additiOnnels Oli. la taxè spé­ciale qui .aurait été éventuellement levée poni' cette pér'iode.

Loi clzt 22 juillet 1931 (~iqniteue du 25 juillet 1931).

Art. 2. - L'article 24 de la loi précitée du 13 juillet 19.'30 est com­plétée comme suit :

La société est tenue de joinclr·e à sa· déclàration.a'nrmélle un Pelevé indiquant, par bénéficiaire, le montant des sommes allouées OLl attl'i­buées.

Cette disposition est àpplicable aux .sommes allouées ou a.ttt·ibuéeS­à partie clè 1929.

No 3169. - Co_ur d'appel de Bruxelles (5c ch.). - Jf! :.avril 1931 .. l\11\L Lamai, prés. ; Winckelmans et Devos, cons. ; Collar'd~ b:~(g•én. ; Plaid.

-= ;, .• :',1. \ '

JUtrcs Van 1\'Ialderg·llem cf Vanden Bosch (AnvM's), îWocàts. - {· .. ' •. ~ ,-;_ .

. · (État belge [enregistrement] cf Soc. an{'h~hzg~).' ' ·' 1 ;, . .

Enregistrement. -'Société anonyme. - Augnte~ta'Üon du capital par _réévaluation d'actif résu,It:ant de la dépréci~'ti6n :inonétaire.- Droit proportionnel : non débition. , ,

Le droit él{tbl'i par·l'article 4 de la lo'i cln 30 août 19;1/rë~lJtlt (lroit d'apporte! n'est exigible qtte s'il y a mw nouvelle mise-en commun ré,c;ult'iuÜ Wun àpJJ01't extérieur qui fera pas,c;er des biens on ellis valeurs déterminées d'ttn·ozÛlê Jilusümr.ç patrimoines parl t'iculiers dans le .patrimoine social. ,

L' allgmentat'ion de capital {l'une société par za· réévaln~tiôn ile l'actif ou par l' inco'r, poral'ion des ·réserves n'est nullement constitut-ive d'apport ëi h'est llês lors pas passiblrY du droit proportionnelll'enregist1~ement prévu par la loi susdite. · ·

(Appel du jug-ement rendu pat; le Tribunal de fre instance.d'Anvers !e29ju~n 1929).

Attendu que par acte dt'essé le 16 février 1928, par le notaiN~ Cols d'Anvers, l'as~

N° '3c169

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JURISPRUiJENCE 281

semblée g-énérale des actio"nnaires de la ·société intimée décida << l'aug-mentalion ·du n capital social de la société à concmreilce de la somme de 6i'> millions et port<\· ll celui-ci par la réévaluation de certains postes de l'actif, de 35 millions à cent )) nüllions de francs )) ;

Attendu, que. cet acte Jut présenté à l'emèg-istl'ement le 23 février 1928 au ·1 et·

bureau d'Anvers et qu'il fut soumis au droit proportionnel de -1,20 °/o sur la :dite somme de 6:>.000.000 soit 780.000 fr., pal' application de l'article 4 de la lohlu 30 aoùt ·1913, modifiée par l'at·ticle 17 de la loi du 24 octoiH'e 1919.et par l'article 127 de la loi du i janvier -1926 ;

Attendu que la clenùmde originaire te11<l à obtenir la reslitution de la somme per­çue pom le motif que cetle.pel'ception était illégale et inclue et qne seul le droit fixe de J2,50 ft·. était exig·ible en l'espèee ;. ; ·

Attendu qne le jug·ement rendu par: défaut contre l'État le 13 octobre 1928, con­damna celui-ci à i·estituer à la demanderesse la dite sonime de· 780.ü0.fl fr., avec les intérêts compensatoires depuis. le. 22 février -1928 et les intérêtsjuclieiaires;

Que, sur opposition de l'État, intervint, le 29 juin 1929, un jugement qui, rece­vant l'opposition, déclara celle-Gi non ·fondée et dit,'.en consétruenee, que le jug-e­ment par défaut du 12 octobre-1928, sortil'ait ses pleins et entiers effels;

Qu'appel fut interjeté du jugement pat· défaut et du jugement rendu sur opposi--tion; ·

Attendu qu'il ressort du procès-verbal de l'assemblée génét•ale du ·16 février -1928. que le premier objet à l'ordre du jour portait,<c aug·mentation elu cavital à concur­'> renee de 6:1 millions de l'ran~s pour le p01·ter de 35 millions à ceut millioils lie nJt·ancs pat· réévaluation de certains postes ile l'actif; en représentati::m de ."cette '' augmentation, création de 6500 actions nouvelles de -lü. 000 fr. chacune, :iu por­>l te ur, entièrement libérées, avec jouissance au 1 m· janvier 1928, ù remettre gTatiü­l> tement aux détenteurs clesactions anciennes, à raison de U actions nouvèÎles n pout' 7 actions anciennes » ;

Qu'après que. fut fait à l'assemblée l'exposé de la situation, il fut 11i·oposé, an nom du conseil d'administration et en se basant sur le:s circulaires ministérielles, de reviser les évaluations des immeubles et des participations, figurant clans .les livres au 3-1 décembre -1926, pour les mettre eu rappot·t avec la situation économique aCtuelle et la.clépréciation de notre vateur monétaire; qu'au cours de la délibération il ftit précisé << que le réajustement de capital -propos~ 1 .ne. comportait-nullement n .. l'abandon par les adionnait·es à la soeiété de parts de réserYes ni de hénéfiees. >> accumulés; en d'autres mots ne comportait nullement la capitalisation de réser­>) vés, ni la capitalisation de bénéfices accumulés, mais tendait uniquement à préve­ll nir que, par suite de la dépréciation de notre monnaie, devenue définitive pat• la >> stabilisation, une partie du capital social ne sui! distribuée sous l'appat•ence de )) bénéfices 1) ; e

Attendu que, sm· la hase des déclarations ci-dessus rappelées, l'assemblée g·éné­rale décida la révision des évaluations .des immeubles et des participations. de la société, .dans les propositions détaillées au procès-verbal. et décréta u que ce réa­'' justement serait exprimé dans les écritures et compensé au passif par son ineot·­>> I)Oratiou au capilal à concurTe~1ce de 65 millions de francs, p01·tant ainsi l'expr~s-·

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282 JURISPRUDENCE.

n sion du capital social de 3:lmillions de franes à cent millions de francs » et qu'en :représentation de ce réajustement seraient créées les 6500 actions noijvell~s décrites d-devant; ·

Attendu que, pour justifier la taxation litig-ieuse, rÉtat soutient en premier ordre <rue toute augmentation du capital, _quelle qu'en soit l'origine, interne ou externe, fonne juridiquement un apport par définition, même s'il est réalisé par une réé va·

' luation d'actif ou par l'incorporation des réserves ; . .Attendu que l'État soutient, en outre, que la perceplion incriminée était. parfaite­

ment justifié11, l'augmentation de èapital dont s'ag·i t, comportant d'une part une répar­tition proportionnelle ·entre' tous 'les":actionnail·gs,(!!6J, la plus,value.~o.nstat~e.et d'autre _part, un apport immédiat par les dits actionnaires de la plus value ainsi répat'lie .entre eux; que l'État ajoute qu'en décider autrement reYiendrait à prétendre que l'aug-mentation du capital d'Une société par incorporation des plus values, peut avoir lieu sans que les plus values affectées à cette aug·mentation tJ'aversent, ne fût-ce que pour un inst:,mt de r.aisQI), le patrimoine_personnel d~s. assqciés; .

Attendu que l'article 4 littet·a B de la loi du 30 août 19I3 porte que : << seront J> enregistrés au droit de 0.50 o 1 o (actuellement .J. 20 o 1 o) les actes de sociétés civiles

»> ou coinmerciales portant: b) adhésion de nouveaux associés ou modification des >· statuts d'une société antérieure, avec augmentation du capital >> ;

Attendu que le rapport de la section centt·ale précise que << l'article 4 rappelé ci­>> dessus, vise toutes les sociétés civiles ou commerciales, tous les actes, instruments 1) du contrat défini par l'article 1852 du Code civil : la mise de quelque chose en n commun dans la vue de partag·er les bénéfices qui en résultent n ;

Que le même ràpport ajoute : << l'apport fournissant la base imposable lors de la .n constitution de la société est la mise sociale, c'est-à-dire l'ensemble des biens que >> les associ

1és mettent en commun, peu importe leur nature ... Il et, plus loin : « si

>J de nouveaux apports se font pendant l'existence de la société, soit par l'augmen-1> tati on du capital à la suite d'une modification aux statuts, soit par l'entré·e de nou­

l> veaux membres, c'est sur ces nouveaux apports que le droit de 0.50 °/o (actuelle­)) ment t..~J 0 /o) sera perçu,;.q.~s ~ppprts ,YienJ1ent. s'ajoq.ter aux. apports,pr,imitifs,

.)) apports" dont le cours des opérations a pu modifier la consistance et qui demeurent n confondus dans le fonds social actùel ; de ce· que le droit est assis sur lrs apports~ ~' fournis, il s'ensuit que l'entrée de iwuveaux associés ou la substitution d'associP.s n n'entraîne pas l'applicalio~l du droit proportionnel si le capital socialne.se trouve n pas, ù cette occasion, modifié par aug·mentation n ; . , \i .

Attenctti'"que l'exposé des~motifsëde la 'foi du 30 août 1913 dit que : << le projet n substitue au simple droit fixe établi par la loi du 22 frimaire an VII, un léger n droit propoi~tionnel à percevoir sur la valeur brute des apports n ;

Attendu qu'èn se basant sur les déclarations du législateur, reproduites ci-dessus, -on peut en déduire les propositions suivantes : le « capital social n doit s'entendre {le tout ce que les associés ont mis en commun en vue de la réalisation du but de la ·société; durant la vie de celle-ci des apports nouveaux peuvent venir aug·menter le -capital social et ces apports uoilveaux constituent une nouvelle mise en commun qui

,. vient s'ajout-er ù celle faite lors de la création de-la société ; cette nouvelle mise en .commun résultera donc d'un apport extérieur qui fera passel' des hiens ou des

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JFRISPRUDEL'\CE 283

valeurs déterminées, d'un ou de plusieurs patrimoines particuliers dans le palrimoin e. -social; il doit donc y avoir un transfert réel et effectif des hien·s qui viennent au~;­

menter, par leur apport, le capital social; les mots << augmentation du· capital social '' ·de l'article 4 littera B de la loi de 1913 signifient l'accroissement de l'avoir, du patri­moinE! social, par de nouveaux apports venant s'ajouter aux apports primitifs (Cas­·sation, 1er mars 1928) ; enfin, le droit fixe pat· l'article 4 littera B constitue un droit ·d'apports dont t'exigibilité est subordonnée à l'existence d'apports ( à percevoit· sm· la valeur bt~ule des apports, dit l'exposé des motHs cité plus haut) ;

Attendu (iu'Ü est imb.ossihle''d'adtüettre; avec l'État, ·quw toute aug·menlaHon de -capital, quelle qu'en soit l'origine interne· ou externe, forme juridiquement un

·.apport par définition, même s'il est réalisé par une réévaluation d'actif ou par l'hl­·{~orporation des réserves ; que cette thèse va ;\l'encontre des principes déduits ci­·dessus et qu'elle reviendrait à dire qu'il peut y avoir1 un apport même sans augmen­'lation de l'avoir,social.; que ee,f.?erait donner implicitement aux termes « capitaJ social n de l'article 4 le sens de capital statutaire ; ·

Que ces termes 1( capital social '' ne doivent pas être pris dans le sens technique -r.t comptable, spécial aux sociétés anonymes, mais bien dans le sens de <<fonds ·social l> ou « avoir social n sens applicable tant aux sociétés civiles qu'aux sociétés .commercialrs;

Attendu, que dans l'espèce, il faut constater qu'il n'y a jamais eu, dans l'opéra­•tion faite par la société intimée, aucun mouvement de fonds quelconque ;·qu'aucune espèce, aucune valeur, n'est sortie de l'avoir social ou n'y est ent1·ée; que l'opéra­. ti on litig'ieuse n'a consisté qu'en la-réadaptation des biens sociaux à la valeur sta­]Jilisée de notre monnaie natiqnale; qua cette réad:wtation, qui s'est traduite uni-

·quement dans les écritures sociales, n'a pas eu pour conséquence d'enrichir le patri­moine de la société; que celui-ci est resté, a11rès l'opération, ce qu'il était avant

. celle-ci et que les droits des actionnaires sui' l'avoir social sont restf>s ce qu'ils <étaient avant la réadaptation ou la capitalisation des réserves ou plus values ;

Attendu que, dans ses conc1usions additionnelles, l'appelant prétend découvrir . dans l'avoii· soCiaJ deüx élémeùts 'distincts : ·1 °) le capital so'cial, :les,·;biens -mis f'll

li'ommun, l'ensemble des appo1·ts; 2°) les bénéfices, et en déduit que chaque fois que la valeur des biens constituant des bénéfices,- des réserves ou des plus values pas-.srra du compte résrr\'e au capital, viendra g-ro~sir la -mise sociale, i'ensemble des !liens que les associés ont précédemment convenu de Jllelll'e en commun, il y aura

:apport ~u sens de la loi de -19·13 ; . Attendu què, pou'1· appuyer ce soiltètù~ment, l'appelant invo(iue un passage dù rap-

-· J port de la section. centrale où il est dit que si la fusion permet ù une des sociétés fusionnées d'aug·menter le chiffre de son capital en plaçant sous le rég'ime des biens

·soumis aux l'isques s9ciaux le montant des réserves, le droit d'aug·mentation est dù ·sm· cet excédant et cemclut que le législateur a clairement distingué entre les d.eux ·composantes de l'avoir social : 1 o les biens soumis aux riSIJUes sociaux, ~o les l'L'serves apparentes ou occultes ;

Attendu qÙ'il a été précisé ci-avant ce qu'il fallait entendre par les termes<< capi­. tal social n ; qu'il a, de même été rappelé qu~T-article 4 de la lffi de 1-9.J3- -\isait ~toutes les sociétés civiles ou commerciales;

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284 Jf'RISPiù'rbE:ICE

Attèntlù (Jue les bénéfièes résult~tllt de l'activilé sociale et de l'usag:e des biens n}is eti COll11lltllllle peuv'ent êlt'e considérés COlllllle ayant une existence.phrticulière pae le fait qu'ils auraient été poT tés en tin compte <1 rései·ves n ; que ces trénéfices pas.:.: sés à la << réserve )) font partie intégTailte elu patrimoine commun ; ·que la décision de l'assemblée générale par laquelle lé compte'<< réserve n passe au com11te <l ca pi-. tai il n'a el't üour résultat que de reliclrè ees réserres indisponibles mais· non pas d'augmenter le patriinoine de la société, puisque cette 1~serve en était déjà l'tm_des éléments co,nstitutifs ;'qu'il ne 11eut clone être question d'un << apport'n.; .. r

Attendu îwe le passag-e du rapport <l~ la section· centrale .invoqué par l'appelant n'est pas en oppositioil avec cette notion de l'apport; que, dans èe passage; Le Ié~ris~ lat.eur a voulu marquer qu'en c::i.s de fusion, le droit serait perçu non s'éulement sur le capital statutaire cl es sociétés apportant leurs fonds social à la sociétë abs'orbante,• mais éventuellement sur les résenies ; qu'il. se voit nettement qu'il. 1ie ··s'agit .pas dans ce cas d'uÎle opération interne mais trilil ap11ort extérielir et d'une mise"en:-com­mun nouvelle ; que rien de tel n'existe eil i'espèce, puisqu'aucun ami0rt notiYeau n'es't fait au patrilnoinè social; qu'il s'ensuit que l'arg·umeut tiré· i1:ir l'appeja:nt du cas de fusion de sociétés est sans pePtinence clans le cas a cl uei ; . ,

Attendu que le second système pl'éseuté par l'État âttne base absolument fictiVe~; que, pour l'étayer, r.f~tat est forcé de prétendre que les bénéfices ou plus-va:lues affectées à l'ang-metltation du capital uut clù traverser, ne fùt~ce quepom·uninstant' de i'aison, le pall'imoine personnel des associés; qti'ainsi l'aug·mentation de ·capital dont s'agit aurait co1ilporté, d'une part, une répartition pl'Oportibnnelle de la.I)lus. value Lonstatée enlt'e tous les actionnaires et, d'autre part; un ap110rt immédiat,· par les dits actionnaires, de la plus-~raJue ainsi répartie ent1·e ·eux ;

Attendu que ce système, assurément ingénieux, suppose des opérations icléale.s ftui ne conespnndent nullement·à la réalité ; qu'une transmission de propriété pré~ suppose des actes matériBls traduisant la volonté commime des parties: pour la société celle de procéder an partag·e entre ·ses actionnaires du montant des ·piüs~ values ou des réserves et traduisant cette volonté par un partage effectif effectuant la tl'ansmission de propdété ; pourJes actionnaires, la volonté de rétrocéder à la société la part sociale qu'ils ont effectivement reçue et rexécution de cette rétroces­sion sous la forme d'un apport réel, translatif· de propriété, apport qui va consti~ tuer ainsi une augmentation elu capital social ;

Attendu quP. ~ette double transmission de pr·opriété n'a nullement été réalisée en l'espèce et que les opératio;rs imaginées pat' l'Ëtat sont restées dans le domaine de l'esprit puisqu'aucune distribution d'une pa~·tie du patl'imoine socfal n'a eu lieu. et qu'aucun apport nouveau n'a été fait à la société par ses actionnaires; ·que la per­ception d'un dt·oit fiscal ne peut avoir lieu que sur ùne opét•ation réelle; en l'espèee une trailsmissioil cle.,propl'iété et un mouvement de valeurs, e,t non sur une sim!1Ie spéculation de ·l' espi'it ;

Attendu, ali sui·plus, que le système imaginé par l'appelant est cil opposition_avec 1a première thèse soutenue pati lui et dans lattuelle il affirmait qu'Un apt)ort interne •. aàg·menfant le capital statutaire, suffit. pour justifier -la perception du droit propnr­tioünel;

Attendu que le capital de la société intimée avarit comnie ap1'ès l'assèn'lhlée géné-

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JURISPRODEJ\'CE 285

rale chi 16 février 1928, était et est resté composé des mêmes immeubles et des mêmes participations et e.st, par conséqùent, demeuré inchangé ; que les actionnai­res ont cm:iservé, après le réajustement du capital social, la même quote part dans l'avoir social que celle qu'ils avaient avant le réajuste1nent; que le titre représenta­tif de leurs dt'oits et l'expression du montant de ce droit. ont seuls varié à raisopde la réévaluation de l'actif social ; .

Attendu qu'on iüvoque vainement aussi la compensation légale : la société ~erait d·éllitrice de la v~leur des réserves vis-à-vis de chacun des aclionuaires en propor­tion du nombre de ses actions, et la sociéte, à raison de la soi-disant souscription de nouvelles actions par ehaque actionnaire, serait créancière pour une somme étiUivaleÙte ail montant; des réserves prétendluÙent distrÙmées;

Attendu que les valems de la rése1·ve sont la propriété de la société ; qu'elles ne sauraielit être considérées eomme faisant l'objet d'·une cop'ropriété indivise au profit {les associés et,· à défaut de réalisation J1.l'éalable de ces valeurs, aUcune compensa­ùoh légale n'est po·ssible entre la p1;étendue créance des associés sur une quo te part de la rése1·ve et leür })l'étendue dette du montant de la souscriptioi1 des titres nou­vellement créés ; . Attendu qu'il suit de cès considéi·ations que 'les conditions d'applicabilité du droit p1;oportionnel fixé par l'article 4 de la loi du 30 aoùt 19·13 li'étaient pas réunies f'n l'espèce et que, partaüt, ce droit proportiOnnel n'ét.ait pas exigible; que seul ('tait exig·jlJle le droit fixe cl'acle prévu par laîDi de fdmaire an VII ;

Par ces riiotîfs, et ceux du jug'ement entl·epris, La Cour, de l'aviscoilforme, ~loimé el1 audience pu1Jlique par l\1. l'ayocat g·énéral

·Collard, r'ej'ela-nt toutes conclusions plus amples ou contraires, .reçoit les appels, les ·déclare mal folidés; en conséquence, confirme les jug;ements entrepris et condamne l'appelant. aux dépens.

Observations. - Le même jour, la même chàrnbre de la Cour ·d\tppel de E'rùxelles a rendu trois autres arrêts diü1s le même sens :

en cause de )a soc. an. : Ihe Ant~cerp l!.'ngineering (Pl. Mtre {]yseliück, av.) ;

en cause de la soc. an. : Pdgnages ûe laine de Hoboken (Pl. Mtrc {i-ysolinck~ av.) ;.

en cause de la soc.· an. : Entrfp1·ises Acker1hdns et Von Hcwen (Pl. lYPl:e Schül}el', ~w.).

L'objet e11 litige était, à peu.de chose pres; le même: la dévalorisa-tion mo11él aiee était à la base· de l'aug·mentation de capitrd à laquelle

. av<dt proèédé la société allon.)rme Bunge; dans les b'ois autr·es affaires, 1'augmentc.ition de cat>ital ~~~tait faite i)ar l'incm·poration d('s réservès indépenda;nment de toute t•éévat~~ation d'actif c. à d. pa-t~ une opél~a­:tion pnl'ement interne, saüs aucun a.ppel extérieur de fonds ou d'ap-: [ports, • it'V ~iide- d·'tüÜ3' simple inodificatibn Eles-.écdtuees sociales décidée

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286 JURISPRUDENCE

par la majorité des acUo11n.àit·es. Dans ces qnatre affaii·es, l' Adminis­tl'ation de l'enregistrement avait fWet<:-ndu percevoir le dJ'Oitde 1.20°/u.

M. l'avocat génér·al CoLLARD a donné, ùans ces quatre .affaires, un long avis que nous reproduisous ci-arwès~ eu vue. de compléter la docu­mentation doctr·inale et juri~pr·ucleutielle, tees auondante, publiée p1·é., cédemmeut pal' la Revue, sm· cette importante question.

La première que·stion qui a été soulevée devant la'Cour est celle de savoir quel:c est la nature du droit établi par l'article 4 ùc la loi du 30 août 1913.

La Joi du 30 aoùt 191.3 a été une réaction contre cette idée du législateur de fri­maire an VII que tuut ce qui n'oblige, ne libère, ni ne transmet doit échapper· au droit 11roportionnel. Tout en maintenant la conception fiscale du caractère déclaratif des apports, le législateur de 1.913 a estimé que rien ne s'oppose à la perception d'un dr·oit proportionnel sur les actes de société, dès lors que ces actes offrent à vareil impot une base rossible. En d'autres termes, le législateur de 191.3 a substi­tué au·. droit fixe uu d1'olt p'rojwrtiémnel sû.1' les appo1'ts (Exp~sé' des molifs ·du p•·oje't de la loi de 1903: GoTHOT V. Annales dn nota1'iat et de l'enregistrement, 19z7, p.ibtl), bien que le nouveau droit ait la même cause, le même caractère et soit soumis aux mêmes règles d'exidbilité que le droit fixe établi par l'article 3 de la loi de 22 frimaire an VII. (Exposé des motifs : Pasinomie, 1.913, p. 513).

Quel que saille caractère que' l'on veut ·'attribuer, au ;droit proporH.onnel érahli par l'article 4 de la loi du 30.aoù.t 1913, soit qu'OIÎ le considère comme un droit forfaitaire suùstitué.au droit fixe étal)li par la loi de frimaire an VII, soit qu'ou le rànge parmi les droits de mutation. basés sur, le mouvement des valeurs, on est d'accord pour admettre que ce droit conslitue un droit d'apJ)orts, dont l'exigibilité est subordonnée par essence à l'existence cl' apports (A. LtEBEl\, Des aug'IÙcutaliom> de capital des sociétés anonymes par incorporation des résenes ou r·éévaluatiou d'actif au point de vue du droit d'enregistremeùt .. Rev. prat. not. belge, 1930, p. 706;- CAPRASSE, Les augmentations de capital par incorporation de résrrvrs ou par réévaluation d'act ii au poi11t de vue du droit commercial et du droit d'emeg·is­trement Rev. prat. soc. 1 !l:-11. p. 20 et suivaf!tes).

L'exposé des motifs dit textuellement: <de projet établit pour les actes de sociétü » un régime fiscal analogue à celui qui a été c.ousacré par la loi du 5 mai 1 U115 vout Il les a'ctes de parta3·e: il substitue au simple droit fixe ètahli vat· la loi du 2'2 fri­ll' maire an VH un lég~r droit proportionnel à percevoir sur la ''alem brute des. " apport? 1> (Pasinomie, 1913, p. M3, c.ol. 1 ). ·

Et le rapport de l\'1. WAUWEI;l~IANS à la Chambre des.Représentants est formel à ce sujet: <1 L'apport, fournissant la base 'imposable lors de la constitution de Ja Société~ n est la mise ~oe.l_~l~, ~:e~t-Ù~:~Îl'C l'rnsemhle.qes,bi~~1S(lUe ·les asso.ciés- mettent f'Il

;,1commuu, peu unporl,e leur nature ... Le. pllls souveut, le montant ·ctes ·apports. 1) correspondra-au capitàl social; JiÙlis il n'en sera par toujours ainsi, notammeut ''dans le cas oti l'apport est fait ayee des charg·es 1 (flasinomie, 1913, p. 527, col. 2). , La tin du passage du rapport de M. WAUWEI\MANS. nous amène à constater qu'eu cas de constitution d'une société par actions, le chl.ffre du eapital statutaire u'cst pas celui qui s~rt, de hasg;\à l'ünpo~ ..

N° 3169 · ..

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JURISPIUJDEXCE 287

Il peut y avoir concordance ent1·e ce chiffre et la Yaleur soumise à l'im}Jàt., mais pareille concordance n'est nullement nécessaire.

Le droit d'apport devait, dans Ja première pensée du législateur, frap})er unique­ment les apports faits lors de ·la constitution de sociétés. Il suffit de lire l'exposé­des molil's de 1!:!03 pour s'en convaincre Il ne s'agit que du contrat de st•ciété etH n'est question que du remplacement paY un droit vroporlionnel de l'ancien droit fixe de 7 fr. leqqel ne se pereevait que sur les acles de constil1ltion de société~ L'exp(•sé­des motifs du projet de 1913 est coi1çu dans le même esprit (Pasinomie, p. 5 J 3, col. 1;--.... GoTHoT, Ann. du not. et de l'enrrg., 1927, p. 169 ;-F. CAPRASSE, Lrs aug"­mentations de ca1jitalpar incorporation de réserres et le droit d'cureg'istrement, Rev. prat. soc. 1929, nu 2971, p. 2-4~ ).

Seulement comme les ap})Orls sociaux constituaient la hase du nom·eau droit proportionnel, il était nécessaire d'atteindre par l'hll}Jàt nouveau, non seulement les actes constitutifs de société, mais ég-alement tous ceux qui constatent des apports faits à une .Société déjà constituée. De là la disposition l.e l'alinéa 3 de l'article 4, aux termes dm1uelle droit frappe 11 l'adhésion de 11ouveaux associés ou modification aux statuts d'une sodé té anté1·ieure, avec augmrntation du capital social ,, .

lU. WAUWERMAl'IE, dm1s ~on rapport, précise la portée de cetle disposilion: 11 Si » de nouveaux apports, dit-il, se font pendant l'e.L·islé11ce de la société, soit par l'aug·­ll mentation du capital à la suite d'une n:oditication aux statuts, soit par l'entrée de » nouveaux membres, c'est sur ces nouvean.1: apports que le droit de. 50 centimes ,, (aêtuellemciü J .':20 fr.) sera perçu Ces a11}Wrls viennent s'ajouter aux apports n primitifs, apports dont le cours des opérations a pu modifier la consistance et qui 11 demeurent confondus daus le fonds wcial actuel. _

,, De ce que le droit est assis sur les apports fournis, il s'ensuit que ·rentrée de » nouveaux associés ou la substitution d'associés n'entraine pas application de droits. » propo'rlionnels si le ca1Jilal social r:e se trouve pas, à cette occasion, modifié pat 11 aug·menlation >> (Pasinomie, p. 538, col. i ). _

Il résulte de èette déclaration que tous les apvorts }JOstél'ieurs à la constitution d'une société sont frappés du même droit. fJUe les apports primitifs.

Le dl'oit proportionnel établi var l'article 4, litt. b. de la loi du 30 aoùt 19 J 3 constitue donc un droit d'apports dont l'exigibilité est subordonnée à l'existence ou à la uon existence d'une mise en comn:um •wmelle, exactement comme à la consti­tution de la société (GoTÙoT, V. 1. c., p. 170; - CAPRAssE, Re11. prat. soc., 1931, p. 21{; ~ Cass. ·1 rr mars 1928, Pas., 19~?-, I, 89).

Mais quand y a-t-il apport? C'est la qu stion t.ui, en fait, dh·he les parties. Comme l'apport, aux termes de l'article 4, s§ 3 et 5, est l'augmentalion du' capi­

tal social, il importe de rechercher tu ut d'abord cc qu'il faut en lendl e rar capital social.

Ainsi que le dit ln tennlnis l'ai'licle 4 de la loi du 30 avril1913, le droit. d'enre­gistrement frappe aussi bien les actes de sociétés chiles que les a~.t_es de. sociétés commerciales et il faut, dè3 lors, chercher le sens des. mols 11 capif~Z/ social.~» non -dans la loi exceptionnelle des sociétés commerdales, mais. dans le Code cisil où il a _sa sig·nification la plus large, à savoir « tout ce qui est mis en commun en vue de

.>l partager le lJénéfice qui pouna en résulter n (art. 18~2).

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2.88 JURISPRl'DE~CE

L:arrêt de cassation du 1er mm.'s ·19~8 au rappô1;'t de IH. le con' eiller DE HAENE détermine avec précision ce qu'il faut entenclre p~1; <t capital social 11. .

<< Le cajJital de la société, dans le sens usuel de ce nwt ou fonds social, ou avoir social, d'une part >J dit cet arrêt, <<et,d'autre part, le capital statutaire ou capital &ocial .dans le sens spécial du mot sont.. deux choses hien distinctes, encore qu'une

· terminologie indécise les fasse parfois confondre :. l'une concrète et d'ordre écono­mique, essentielle ù toutes sociétés civiles ct commerciales, com110Sée. de tous les biens déterminés que les associés ont mis en commun et de leurs accroissements; l'autre, abstraite, d'ordre juridique et çomptable, spéciale aux sociétés var actions, .qui ne répond à aucuns biens déterminés et. qui n'est que le chiffre fixe, au-dessous duquel les associés se· sont interdit de ramener la valeur de l'avoir net par des dis-tri1mtio.ns de dividendes 'l. ·

(Voir également.A"IIAUD~ Les comptes de réser~es dans les sociétés par ,action.s, p. 310). . D~ns l'article 4, litt. b. de la loi du XO aoùt ·1913, qui vise' tous les types de socié­

tés, << capital social n signifie donc l'ensemble des biens apportés par les associés. ·Cette interprétation ressort du rapport de la section centrale que nous avons déjà.

cité et qui ne fait aucune distinction entre les types de société .. On ne peut cl 'ailleurs admettre que, soumettant les actes pm' tant constitution de

-société~ civiles et commerciales ù un même régime fiscal, la loi aurait, pour les actes qui constatent des ap11orts nouveaux, créé cles rég·imes différents et, sans s'en être au.tt'ement exprimée, VOUlU que l'impdt fJ.t perçu 1ur des bases diffét'entes, SUiVaÙt tille les sociétés sont, ou non, 11ar actions. _1

· Aug1Jwntation du capital social dans l'article 4, ]~tt. b. de la loi du 30 août 1913 signifie donc; d'aptès l'arrêt de la Cour de cassation du 1er mars 1928 : (<accroisse­>> ment de l'avoir du patrimoine social par de llüuveaux apports venant s'ajot~ter aux n apports primitifs n. .~

La question revient donc à examiner si une nouvelle mise en commun a été effec­tuée par la réa:lisation d'apports nouvea~lX.

La mise en commun, de par sa détinition même, ne·peut évidemment s'entendre .que de biens qui, jusqu'alors, étaieill excl~s du patrimoine de la société. On ne ~onçoit pas, en effet, qu'il puisse· être question de mise e1i commun von l'des. biens Jaisant déjà pat~tie antérieUI'ement du ]lalrimoine social·: il y a là, comme leremar­que M. CAPRAssE (Rev. pmt. soc., -l931), une .contradiction in termlnis.

Quand le capital est, augmenté p.cu·J~t~corporation de réseï'\'e,s QU pa)~ la réévalu~-:· tion de l'actif,· aucune l'iche.sse, aucune valeur nouvelle n'entre dans le patrimoine de l'actionnaire ; aucuil élément nouveau I1'ent1'e à l'actif de la société. «· Tout se réduit. >l èomme l'écrit l\1, Pl', DE PELSMAEKER (Rev. prat. SOC., Hl26, 11° 2671, p. 8~), « à une consolidation par la société, d'éléments préexistants dans son patrimoine.

)) Au point de vue COÙ1ptable, cettP. consolidation se. traduit par un virement d'écritures :.le poste<' Réserves >> du bilan est viré .. au poste « Capital n, rien de :plus. Au point de vue juridique, les plus values représentatives des rése1'ves devien­nent in distribuables pom• les actionnaire!r;' elles soilt désorma.is indisponibles comme le.capital social. , ,

Jl Ce capital social, g·age des tiers, constituant le:mi_nimum d'actif que la société

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'jURISPRUDENCE 289

ne peut Jamais distribuer à ses membres sans manquer à la parole donnée aux tiers, ce capital est renforcé ».

Les conséquences juridiques de l'augmentation du capital par incorporation de -réserves ou réajustement de l'expression du capital sont certes les mêmes que si la société avait.augmenté s9n capital en suite d'apports nouveaux a)'~nt la valeur des réserves incorporées.

Toutefois il existe une différence essentielle entre les deux situations. L'incorporation des réserves n'ajoute rien à la valeur de l'avoir social. Le passif­

n'rst pas modifié, cai· l'opération consiste ù fondre en un seul, deux postes séparés jusque-là.

Au contraire, en cas d'apports nouveaux, l'avoir social s'enrichit de tout ce que les actionnait·es apportent (BÉATSE, Impots sur les revenus, 2e éd., no 47).

Dans l'opération faite par la Société Bunge, il n'y a eu aucun mouvement de fonds quelconques. Aucune valeur n'est sortie de l'avoir social ou n'y est en trée. L' ùpérat.ion litigieuse n'a consisté qu'en la réadaptation des l>iens sociaux à la valeur stahiliséè de notre monnaie nationale. Cette réadaptation, qui s'est traduite dans les éeritu1·es sociales n'a pas eu pour conséquence d'enrichir le patrimoine de la .société. Celui-ci est resté, après l'opération, ce qu'il était avant celle-ci et les droits des actio"nnaires sur l'avoir social, sont restés ce qu'ils étaient avant.

Dans seseonclusions additionnelles, l'État déclare qu'il y a « apport au sens de » la loi de 1913, chaque fois que la valeur des biens constituant des bénéfices, des » plus-values ou des réserves, passera du compte Réserve au Capital, viendra » grossir la mise sociale, l'ensemble des biens que le.s associés ont précédemment » com·enu de mettre en comin un ». -

II invoque que, par défiuition, « le capital statutaire est constitué par les apports » individuels des associés, n'étant pas autre chose que l'ensemble des lliens mis en >> commun par les actionnaires et que, juridique'ment, toute augmentation du capital n nominal on statutaire implique nécessairement un apport fait par l'a.<~~ocié -à l'être » moral ll.

Dès que l'activité sociale a joué, ajoute-t-il, à la mise sociale, à l'ensemble des apports, au capital social va normalement s'adjoindre un autre élément : (< le béné­fice ,>. Cet élément ne se confond pas avec le capital social primitif, avec les biens mis en commun. Par definition, il en est, juridiquement, nettement distinct. 1\'Iais, comme, pout· le fisc, tout ce qui est mis en commun en vue d'un bénéfice est un ap])Ort, chalJue fois qu'une 1)artie des '' bénéfices ll passrra du compte Réserve ou '' Plus­values de tout genre ,> aux apports dont la valeur est re1wésentée par le capital nominal, il y aura augmentation du capital social au sens de l'article 4 de la loi du 30 aoùt 1913 et le droit devra être 11erçu, puisqu'alors existe l'apport qui est la matière imposable.

L'Administralion cite, à l'ap~mi de son argumentation, une phrase extraite du rapport de la section centl·ale qui est conçue connue suit : '' Si la fusion permet à une des sociétés fusionnées d'augmenter· le _chiffre de son capital en plaçant sous le régime des biens soumis aux risques sociaux le montant des réserves apparentes ou occultes, le droit d'augmentation de capital sera dù sur cet excédent ll (Pasinomie, 1913, p. 538). - Elle estime qu_e cet e xtJ'ait de rapport disting·ue clairement, dans l'a voir social,

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290 JURISFR UDEN CE

les deux varties qui le comrlosent : la prEmii're : « lPs biens soumis aux riEqlH's sociaux n ; la seconde : ((lEs ré senes appa1 ( nles ou oc culles H. les hifns sclimis aux risques sociaux, ce sont les apports, le C'apital statutaire; les rés~rves sont les bénéfices selon la définition de l'arrêt de cassation (lu 23 juin 1913. Le passag·e du montant des réserves au capital, en aug·menlation de cr capital, est un apport, sm' lequel le droit d'aug·mentation est üù.

, Î

. Ce système que l'Etat, à la fin des débats, a présenté dans ses condusions addi-tionnelles, a déjà été rencontré dans les très remarquables conclusions prises par M. l'avocat g·énéral PEPIN devant la Cour d'appel de Liég·e (Ann. not. et enreg., 1931, Pl>· H et sui v.; Il ev. pral. soc., 1P3-1, 11. 14), auxquelles nous empruntons de nombreuses considé1·ations (Voir ég-alement CiL DE /Si\IETH : Dictionnaire fiscal, V0

(< Capital, aug·mentation l>, p. '139). . 1

La thèse de l'Administration procède d'une fausse conception üe la nature et du r6le du capital ~tatutah·e, et reiwse sur une confusion entre la valeur nominale des titres et leur valeur réelle, la premié1·e étant en fonction du capital nominal, la seconde en fonction de l'avoir ou fonds social.

A l'origine de la société, le capital se confond, ou du moins est censé se confon­üre avec l'avoir social. A ce moment, en effet, tout le patrimoine social consiste uni­quement dans les apports des associés, mais du fait que le capital social ne peut com- · prendre alors que ·la valeur de ces apvorts, il ne faut pas en conclure qu'ilne puisse ôtrenécessairement augmenté, clans la suite, (Jue par des apports nouveaux.

Dans une étud.e publiée dans la Rev. prat. soc., 1907, no '1830, pp. 241 et suiv., et no 1840, p. 279, 1\1. Pr. DE PE.LS:'IIAEKER a (léfinila nature et le r6le juridique du capital social. Il a insisté sur là nécessité de différencier les deux notions : celle de capital nominal, d'une part, celle d'avoir 8ocial ou de capital réel, de l'autre: Il a expliqué l'inscription elu capital social au passif du bilan et précisé quel est lP droit (le l'actionnaire du I'eg-anl du patriii1oine de la société.

Ces mêmes idées. ont été ulté1•ieurement re11rises et développées dans deux études publiées dans la même Bev1le, l'une 15ar l'tl. DE LIAE"E, consriller à la Cour de cas­sation : << Les plus-values des sociétés anonymes devant le droit de patente H, ( t 911, pp. 209 et suiv. ll 0 2'155 et pp. 238 et suiv. no 2158), l'autre due à la plume de .M. Wono~ (1913, pp. 79 eL suiv. no 2303).

Le capital social est institué par la loi dans l 'i11térèt des tiérs, non dans l'intérêt des action11aires. << Sa fonction, a dit M. le conseiller DE 11Amm, est de rappeler la somme des valeurs que la société s'est engagée à maintenir dans son patrimoine pour la sùreté des tiers et que les associés se sont eng·ag·és à ne pas l'eprendre. C'est en vue de la sauveg-arde des tiers que le capital nomiual fîg·ure au passif du bilan, invariable en dépit lles gains et tles perles; la préoccupation dominante du lég-islateur en org·anisant le capital social, se résume en ceci :. << Protection. des· liers, contre­partie et rançon de la limitation de la ~·e-sponsabilité H (Les plus-values des sociétés anonymes devant le droit de patente, Hel'. prat. soc., 19H, p. 2H) n.

Il est certain qu'en fait, l'actif net de la société, ce que nous appelons l'avoir s·ocial, ne va jamais correspondre exactement au chiffre du capital pOI'té au bilan, lHÜsqnc représentant le surplus de l'actif hrut sur le passif réel, l'avoir social ne crsse vas un seul joUI' de noiti'C ou de décroiLI'e sous l'influence de chances IJeu­retises ou malheureuses.

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JURISPRUDENCE 291

(A. AmAuo, Traité théorique et pratique des comptes de réserves dans les sodé­tés par actions; Paris, -1920, p. 308; - WAHL, not.e au Sirey, '1903, 2, 57; -PILET, De la formation et de l'emploi des fonds de réserves dans les sociétés par actions; Poitiers, 1.907, p. 3l ; --,-- SPA CH, Étude du capital social dans les sociétés par aclions; Nancy, 1913, p. 44;- Bouc:ART, note au Sirey, '1918-1919, 2, 50).

L'activité économique de la société a pour but une recherche de bénéfices. Il est clair qu'à tout moment cette recherche de bénéfices doit aboutir à ce que la fortune i'éelle de la société tende à dépasser peu à peu le montant dt~ capital social qui reste immuable. , Dans les sociétés anonymes, loin de rester immuable, l'avoir social va avoir obli­gatoirement une tendance à s'élever peu à peu, puisqu'il est spécifié que, chaque anllée, il sera 011éré un prélèvement sur le chiffre des bénéfices obtenus pour con­stituer un fonds de réserve elu montant duquel va s'accroître tout naturellement l'actif net de la société.

En dehors de ce prélèvement oblig·atoire, il sera procédé fréquemment à d'autres prélèvements plus ou moins importants dont le résullat sera la constitution de réser­ves statutaires, de réserves extraordinaires et, par là même, un accroissement corré­latif de l'actif net de la Société.

Dans les sociétés par actions, le capital social ou statutaire ne s'identifie donc pas nécessairement avec les sommes apportées ù la société par les actionnaires. Il se ramène uniquement', au point de vue juridique, aux sommes doilt la soeiété g·aran­tit à ses créanciers le maintien dans son patrimoine. Il peut être inférieur ou supé­riPur aux sommes apportées par les actionnaires. Il sera, par exemple, inférie~1r en cas d'emission d'actions avec. ]H'ime, au cas où une société a régulièrement 01)éré une réduction de son capital ; supérieur, en cas d'aug·mentation du capital par rééva­luation d'actif ou ti'ansformation des résenes en capital.

(Voir l'étude_ de M. DE PELSMAEKER, 1, c, et les observations de 1\'I. Henri CLos oN dans les Annales dn notariat et de l'enregistrement, ,1927, p. 94 et s. ; - avis de M. l'avocat g·énéral PEPIN, Re'ÎJ. prat. soc. 1931, p. 17; -A. AJ\IIAUD, o. c.: p. 388).

L'aug·mentation du capital dans ces sociétés ne requiert partant pas nécessairement d'apports nouYeaux et peut s'accomplir directement, en dedans du l)atrimoine soeial, par une opération purement interne consistant dans la réévaluation du capital, dans l'incorporation des réserves ou des plÜs values réalisées {Gand, 3,1 jamier 1928, Pa8. 1928, Il, 121, et Rev. prat. soc. 1928 p. 73 et suiv., avec les observations de M. Paul CoART; - Liége, -15 décemlll'e 1930, Ann. not. et enreg. 1931, IL 8; ·_ Rev. pmt. soc. 193'1, p. U).

La thèse de l'Administration part de l'idée erronée que toute augmrntation de capital est, comme la constitution de capital ou de la Société elle·mi~me, inséparable de la notion d'apport. Il serait eontrail'e à l'esprit de la loi et aux nécessités pt·ati­ques de soutenir que les exig-ences des articles 29 et 34 de la1 loi sur les sociétés en ce qui concerne les apports soient absolues et applicables à toute augmentation de capital quelconque. Ces al'ticles n'excluent et ne prévoient pas tout autre niocle d'augnientation qui s'opère directement au dedans de la société elle-même avec. toutes les g·aranties pour les créanciers sociaux (voir l'étude approfondie de M. CoART-FRÉSART, Rev. pmt. soc. 1927, ll0 2738, et l'article cie M. CAPRASSE, Rev. prat. soc. 1931' p. 29).

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292 JtJ:RlSP:Rüb:E:Nc:ff

L'arrêt de la Cour de <·àssation du 23 jüin 1913 (Pas., 1913,J, 339) dont l'aJ)pel.ante fait état, rendu en matière de primes d'émission sous l'empire du droit de patente, n'implique pas que toute aug;mentation de capital statutaire constitue un apport nouveau. Cet arrêt définit l'acct·oissement de capital ft•appé par l'impot à. litre de « bénéfice » au reg·ard du droit de patente : << tout ce qui, dans l'avoir net, dépasse » la valeur des apports, représr.ntée par le capital statutaire, ·sans distinguer entre >> le revenu ou JWoduit normal de l'activité soeiale et les plus-values de tout g·enre » qui, réalisées au coms de l'exercice eonsidéré, ont pu grossir le·patrimoine ».

Le capital social, représentatif des apports faits par les associés, constituant l'élé­ment Jfermanent du patrimoine social et en formant l'élément. produrtif serait, d'après l'Administration, tout différent de natme des valeurs représentatives des réserves qui, provenant des pt•élèvements faits sur les produits de l'exploitation industrielle, auraient au moment de leur production le caractère de fruits et neper­draient pas ce caractère par ce J'ait qu'au lieu de les distribuer à. la fin de l'exerciee, la société a préféré les conserver dans l'entreprise.

Les réserves ne pourraient jamais être considét·ées comme une augmentation du capital, le mot << capital » étnnt pris celte fois dans son acception économique, mais resteraient toujours !les bénéfices accumulés.

Il est facile de· répondre à cette arg·umentation; œlle-ci d'ailleurs ne parait pas applicable à l'affaire Bung·e, car il ne s'ag·it pas d'une augmentation de eapital par incorporation de rèserves, mais uniuuement d'une réévaluation par suite de la déva-lorisation monétaire. ·

Une fois le capital social entièrement couvert, l'excédent d'actif net existal)t à la cloture d.e !'.exercice apt·è.s déduction des prélèvement! en f.àveur des résenes, peut ineontestablement ètre réparti aux ayants droit.

Les sommes ainsi distribuées doivent sans aucun dqute ètrr considérées connue des fruits par ceux qüi les recevront, mais elles nP constitueut des fruits que paree tine la société les dislrilme et en tant <1ue la soeiété les distribue (A. Ai\UAFD, efr. cit. p. 3'19 ; - THALLER et Paul Pic, Traité des Sociétés, II, ll 0 1-J 94).

Les réserves d'une société par actions ne peuvent donc être considérées eomme une accumulation de fruits, puisque les valeurs qui y correspondent n'ont jamais pu prétendre au caractère de fruils. Les deux notions de réserves et de Jruits doivent nous apparaître comme incompatibles l'une avec l'autre, pnisqùe la notion de fruits ne peut trouver d'existence que clans une distribution eifeclive.

Les différents comptes de réserves doivent, en définitive, être cousiclérés comme ayant pour but de déterminer, à l'intérieur du patrimoine social, lP montant des som­mes qui ont pu être. prélevées sm les bénéfices en vue de réaliser tel ou tel dessein particulier. · ~

Ces sonùnes, en raison même du but qui est lem raison d'être, pourront obéit• à telles ou telles règ·les partieulièr es, mais ne doivent pas nous faire oublier que les réserves font partie du vatrimoine social au même titre que le capital soeial. ~

C'est ce que remarque un jugement r-écent du Tribunal civil de Courtrai du 0 février 1931 (inédit, en cause de DPnys, nofairP à Sweveg·hem cj Étal BeJg·e) : << Le fonds de réserve d'mlé soeiété alimenté par pt·élewments successifs sur les béué1i­ces.annuels, rappelle cette décision, constitue un capital subsidiaire destiné à répa·

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rer éventuellement les bl'êches du capital primitif ct les valeurs dont il se compose se trouvent capitalisées au fur et à mesure de leur affectation à la réserve n (CoR.­BIAC, Rev. prat. soc., 1898, p. 97 et s. ; - Liég·e, 30 mai 1924, Pas., 1925, II; 99 ; Panel. B. vo Réserve (sociétés) no 26).

<< La décision de l'assemblée g-énét·ale incorporant dans le capital une quote-part <les réset·ves, continue le jug·ement précilé, ne modifie donc nullement l'avoir réel de la société. Elle ne fait qne renforcer le chiffre d'actif que les associés s'engag-ent à ne pas t'eprendre au détriment des créanciers en conso1idant dans le patrimoine de la société des éléments préexistants, mais rlle ne fait entrer dans ce patrimoine ancun hien nouveau ll (FRÉDÉRICQ, Les sociétés, no 993).

Si l'incorporation des réserves dans le capilal a comme corollaire l'attribution à chacun des associés d'un plus gTancl nombre de titres qu'auparavant, ·« cette attri­n lmtion n'a nullement J)QUr effet, comme le remarque M. DEPELSi\IAEKER, d'augmen­n ter la participation de chacun des associés dans la société et de leur procurer un n enrichissement. Elle ne fait que modifier la représentation des droits ·de chacun ll des associés et reconnaitre la plus value de ehacun de ses titres tout en le section­n nant et en faisant disparaître l'écart entre sa valeur nominale et sa valeur réelle. n L'action ot~ les actions nouvelles remises (eu cas de l'éévaluation ou de consolida­)) tion des réserves dans le capital soda!) aux actionnaires, jointes à l'action ancienne n ne représentent, réunies, que la même quote-part de l'actif social net que re pré­)) sentait déjà, à elle seule, l'action ancienne. Les deux actions réunies, ancienne n et nouvelle, ont clone la même valeur que l'unique· action ancienne » (ni. DE PELS~IAEKER, Re11. pmi. soc. -1926 p. 86).

En matière de primes d'émission, l'État a soutenu et fait triompher jusqu'en cas· sat.ion la thèse <Ille, dans l'article 4litt. h ), capital social sig·nifiait avoir social. Il faut donc, vour l'application de ee texte, un accroissement de l'avoh· social, c'est-à-dire un apport nouveau.

L'État a ainsi, par avance, condamné sa th$se actuelle (voir : GoTHOT, Ann. not. et enreg. ·1927, p. 172; ....:....... CAPRASSE, Les aug·mentations de capital par incorporation des réserves. Rev. prat. soc. f929. no 297!, p. 249 et s.).

Prétendre que toute augmentation du capital statutaire, parce que augmentation, est un apport par définition, même s'il est réalisé par réévaluation d'actif ou incor­l10I'ation des rései'Yes, équivaut, comme le signale à juste titre M. l'avocat g·énéral PEPl:\, à soutenir qu'il y a apport même sans aug1nentation de l'avoir social ; c'est par conséquent, donner implicitement, mais nécessairement, aux termes capital social de l'al'ticle 4 le sens de capital statutaire.

Le passage du rapport dé 1\'I. WAUWER~IANS <lUe l'Administration invoque est sans pertinence dans le cas actuel. Il concerne uniquemerit les fusions de sociétés. Le rapporteur a voulu dire que le droit de J ,20 doit être liquidé surIe montant de l'ac­tif réel (11at' Ol)JWSition à l'actif nominal) apporté par la société absorbée à la société qui l'absorbe.

Ce passage des travaux préparatoires n'est <l'ailleurs pas en opposition avec. la thèse des partiesintimées. En effet, il en résulte cine l'exig"ibilité du. droit de !,20 sur l'augmentation de capital est subordonnéé au transfert de valeurs d'un patri­moii~e dans un autre patrimoine et que c'est l'augmentation réelle (montant des

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résenes compris, celle-ci constitu.nlt en quelque sorte le prolongement du capital et devant ètre considérées comme formant déjà partie elu capital social (Déc. adm. 10 octobre 1924, Rev. prat. not. '1925, p. 5H.) et non l'augmentation nominale elu capital qui importe. Il ne s'ag·it donc pas d'une opération interne, mais d'un a1)port extérieur et d'une mise en commun nouvelle.

En Ot'dre subsidiail;e, l'État reprend les premièt'~s conclusions <IU'il ayait prises devant la Cour et, faisant appel à la doctriue et a la jurisprudence française, soutient que la réévaluation du capital social ainsi que l'incorporation des réserves au ca pi­tal suivie de la remise de nouvelles actions aux actionnaires, constituent une opé­ration complexe, comportant nécessairement au point de vue juridique plusieurs phases successives bien distinctes, à savoir :

La première :celle par laquelle l'assemblée génét'ale des actionnaires de la Société anonyme Bm~g·e, a décidé de reviser les évaluations de ses immeubles et participa­tions, s'élerant respectivement à 2.800.000 fr. et 30.3;)8.000 ft'. au 31 décembre '1926, pour les l)Orter à 4.800.000 fr. et 93.358.000 fr. ;

La deuxième : celle qui consiste dans la répartition entre les actionnaires, pro­portionnellement à la part de chacun dans le capital, dn montant de la plus value de 65.000.000 fr. accusée par la réévaluation du fonds social, plus value transférée du patrimoine de la société dans le 1)atrirnoine pet'sonnel des actionnaires ;

La troisième : celle- trui réalise l'augmeutation du capital de la société à COilCUI'­

rence de 60.000.000 fr. par la création de 6.500 actio11s nouvelles d'une valeur nomi­nale de 10.000 fr. chacune, attribuées à raison de treize actions houvelles pour sept actions anciennes aux anciens actionnaires <rui, en libération de leurs nomelles parts sociales, apportent à la société la somme de 65 millions, montant de la plus value qui vient d'ètre répartie entre eux.

Perdant de vue que, dans la première thèse <Itl'il a soutenue, toute augmeutation de capital est juridilruement apport, quelle qu'en soit l'orig·ine interne ou externe, l'État soutient crue le montant de la réévaluation cl-ii eapital et les réserves, étant devenus capital de par la volonté des actionnaires, il faut uécessaircmeut admettre qu'elles ont été mises, ne fùt-ce qn'un instant de raison, à leur disposition pour ll'ur donner cette destination par voie de nouvel apport.

Cette thèse est admise en France par certains auteurs, et parmi eux : UouPrx­BosnEux, Tr. gén. théor. et prat. des sociétes civiles et comm. tome '!cr, no G57 et Étude publiée par le Journal 'des sociétés civiles et commerciales, 1908, p. 385 et suiv. ; -WAHL, Étude sur· l'augmentation de capital, loc. cit. ,1900, p. 347 et suiv.; - RoussEAU, Des sociétés commerciales françaises et étrangères, 1902, t. II, no 2570. his; - ARTHUYS, Traité des sociétés commerciales 1906, t. II, no 627, p. '106, note 2 ; - DEcums, Traité pratique des sociétés par actions, p. 443. l\1. DEcuGrs se sépare légèrement de 1\f. HouPrN en ce qu'il considère que l'apport J'ait à la société est un apport indivis fait par l'ensemble des actionnaires et non un apport individuel fait par chaque actionnaire pour une somme lui appartenant en propre.

D'après ces auteurs, il faut juridiquement décomposer toute transformation des

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réserves en capital en cleux opérations distinctes : la première comportant la répar­tition aux actionnaires ou autres ayants droit elu montant clcs comptes de réserves à tl'ansformer ct la seconde assurant l'aug·mentation du capital ])ar souscription de nouvelles actions par les actionnaires ou autres intéi·essés, reversant à la société les. sommes dont elle vient de leur effectuer la répartition.

Celte théorie a été combattue par l\1. THALLEH. dans une éttHle publiée pa{ les Annales lle droit commercial (i907, p. 177 el suiv. : «De l'aug·mentation du capital par transformation en actions soit elu passif, soit clPs réserYes de la société n) et son opinion a été reprise vae l\1. l\IAIUA. (Des modifications du capital social au cours de la vie sociale dans les sociétés par actions, p. 208 et sui v.) ; pa1· PEn.cEn.ou (Transfonnation des plus values de l'actif en augïnentation elu capital social; Anna­les lle droit conunercial, l92L, p. 173 et suiv.) el par A. Aî\IIA.l!D (Traité théorique et pratilrue des comptes de réserves dans les sociétés par actions, p. 401).

Les deux temps que l'on yeut voir üans ce systh11e supposent des opérations idéa­les qui ne corrPspondent nullement à la réalité, puisqu'pu fait la distribution aux actionnaires reste f)ctive et que le versement du montant des souscriptions se réalise par simple voie de compensation.

Nous disons que la dis_tl'ilmtion aux actionnaires est tictive. Comme le remarque fort juclicieusenwnt l\'J. DE PELS~IAEKEH., dont nous nous plai­

sons à reproduire les justes observations (nev. prat. soc. 1922, p. 40)- << la réparti­tion ne se fait ni en numéraire, ni en nature : la révartition en numeraire suppose­raU, en effet, la réalisation préalable des biens représentatifs des réserves ; la répar­tition en nature, c'est-à-dire l'attribution aux actionnaires d'une part indivise des mêmes biens, supposerait une double mutation: JH'emière mutation elu patrimoine de la société au patrimoine de l'actionnaire; seconde mutation, aux fins de libération des noàvelles actions, du patrimoine de l'actionnaire au patrimoine de la société ; hypothèses manifestement insoutenahlPs, puisque les valeurs immobilières ou mobi­lières, re1wésentatives des réserves ne sont pas réalisées. qu'elles ne quittent jamais, à aucun moment, le patrimoine de la société n (Voir également F. THA.LLEn., De l'augmentation du capital pal' transformation en aetions soit du passif, soit des réser­ves de la société, Annales de droit commercial, 1907, p. 190 et suiv.).

<< La répartition, telle qn' elle est admise dans l'analyse 'juridütue de M. Hou PIN,

twrte sur la valenr des réserves. La société se reconnait débitrice, à concurrence du montant de cette valeur, vis-à-vis de chacun des actionnaires en proportion elu nom­bre de ses actions, et comme, d'autre part, la société, à raison de la souscription sub­séquente des nouvelles actions, devient néancière pour une somme équivalente au montant distribué des réset'Ves- les cleux clettes s'éteignent par le jeu normal de la compensation >>.

(( Supposer une distribution théorique des résenes, puis un appmt à la ::;ociété par voie de compensation, J)etll faire honneur à l'ing·éniosité de ceux qui préconisent ce système juridique. Mais cette argumentation tomhe complètement à l'aux.

n Cette décomposition n'est que théoricrue. Elle est arbitraire, nettement contraire à la volonté des associés.

n Si les actionnaires n'ont rien reçu, ils n'ont rien rapporté non plus Pt l'opéra­ion: croule avec ce raisonnement par défaut d'appûl't.

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n Les actionnait'ei n'apportent aucune valem à la société puisque celle-ci est déjà pi·opriétaire des réserves qu'elle va transformer en capitaL

»Les valeurs composant la réserve ne deviennent pas capital. Elles faisaient déjà partie elu capÜal social et le droit de propriété de la société s'exerce clans les mêmes conditions sur le capital et sur les rése1 ves qui, le plus souvent, se confondent en une masse unique Jl •

. En incorporant définitivement les résm·ves au capital, en réajustant le chilfre elu capital, l'assemblée g·énérale n'a pas voulu répartir ces somnH'S eomme dividemles aux actionnaires. Elle a entendu les conserver daùs le patl'imoine commun, non plus pl'Ovisoirement en les affectant au fonds de réserve, mais définitivement en les incorporant au capital social, d-e telle sorte que leur distribution entre les action­naires ne peut 11lus avoir lieu avant rexpiration de la société.

Les droits des actionnaires dans la société ne sont, à leur tour, en rien modifiés par cette transformation. Ils sont se·ulement représentés par un nombre de titres plus important, attribués du reste aux actionnaires dans la proportion mèrne de lems titres anciens : ce qui, pour eux, ramène l'opération à un sectionnemelit de leurs titres 11rimitifs.

Les valeurs de la réserve étant la propriété cie la société, ne samaient être consi­dérées comme faisant l'objet d'une copropl'iété indirise de la part des associés et, à défaut de réalisation J1réalalJJe de ces valcms, aucune compensation légale n'est possible entt·e la prétendue créance des associés sur une l[uote-part de la rései'Ye et leur prétendue dette du montant cie la souscription des titres nouvellement créés.

La distribution toute théorique des I'éserves, la souscription raJ1portée ensuite par les actionnaires, la compensation <lUi vient comonuer cette double opération, tout ceci tourne clone, en réalité, suh'ant l'expression de M. THALLER, à l'état de simple jeu d'esprit. L'opération se ramène simplement clans la réalité à un virement d'écritures, qui Iait passer les réserves accumulées par la société d'un ou plusieurs comptes de réserves au compte capital; l'actif social reste immuable 11endant le cours de l'opét'ation; la qtiote-part éventuelle de chaque associé sur cet actiJ comme ses droits clans la société restent identi<Jues (Cf. en ce seils : THALLER, loc. dt., Annales de droit commercial, 1907, p. 77 ; - DoLBEAU, « La t1;ansformation cl es réserves en actions et la doctrine », Gazette des sociétés, '1920, p. 1 ; - CoRmA u Des divers modes d'augmentation elu capital social clans les soc.iétés anonymes, Rev. pmt. soc., J 908, p. 65 ; - BÉATSE, Tmvots sur les revenus, 2c éd. n" 47; - Lrm.;­CAEN et RENAULT, I\fanuel de droit commercial, 1922, p. 279, note 2; ·- CoART­FRÉSART, De l'augmentation du capital des sociétés anonymes par incorporation des réserves au point de vue elu droit commercial et de la faxe mobilière, Hel'. prat. soc., 1927, p. '1). .

Cette opération a pour conséquence une modification du rég·ime juridïque appli­c.able aux valeurs transférées d'un compte à un autre du bilan. La société augmente à l'ég·ard des tiers le chifft'e d'actif net qu'elle s'eng·ag·e à maintenir en tout état de cause dans son patrimoine. Le droit de li,bre dispositio~~ relative que la société pou­vait avoir sur ses réserves facultatives disparaît.

<< Ajoutons que la société qui réajuste son c.apital ou qui annexe ses rése!'ves au

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capital peut ou bien remettre de nouvelles actions aux actionnaires ou se borner ~\

supprimer la valeur nominale des titres. >> Dans l'un ou l'autre pl'Océdé, le capital est augmenté; les droits de l'aetionnaire

sonlmis en corrélation avec cette augmentation. La 11ature de l'opération, les effets juridiques sont les mèmes; or, la décomposition théorique préconisée par l'Admi­nistt•ation fournit une explication du premier procédé. Elle ne peut expliquer le second >> (DE PELS)IAEIŒR, [{ev. )Jl'rt~. SOC., 1922, p. 4·3).

L'Administration invoque la jlll'isprudence française et notamment l'anèt de cas­salion de France du 8 mars ·1922 (nec. gén. de11lléc. admin., 1921, p. 56, no -16069; voir le long mémoire de l'Administration de l'emeg'istrement de France, mème Becueil, pp. 58 et suiv.).

La Cour de cassation de France, qui a, à diverses reprisrs (Cass. req. 7 juin1880, .2 arrêts, Sirey, 1880, I, 473; - Cass. req. 3 avril 1911, Sirey, 1914, I, 396; -Cass. req., 2t juillet ·J9U, Sirey, 1914, I, 398; D.P., ·1912, I, 489), .reconnu dans l'opération une appropriation des réserves pat• les actionnaires, passible, à ce titre, de l'impot sur le revenu des valeurs mobilières, n'a pas consacré cette· décom­position de l'opération en une distribution fictive suivie d'un apport à la société; la CoUr SlllH'ème de Ft•ance voit l'aJ>propriation tlu'elle relève, dans le fait tlue les actionnaires ont re~~u, en représentation des réserves transformées en capital, des titres dont ils ont la propriété et la libre disposition.

L'analyse jmidi<JUe de l'opération faite par l'Administration, quel<Iu'ing·énieuse qu'elle pamisse, est contt·aire à la réalité. Un acte juridique doit être interprèté con­fonnément à l'intention des parties. Comment soutenir qu'une société, soit en réa­justant l'expression de son capital social, soit en incorporant les réserves au capital, ait voulu en faire la distribution aux actionnaires?

Dans l'affaire Bung-e, le texte de la résolution de l'assemblée génét•ale dressé par _Me Cols, le 16 fé\rriet· 1928, prouve qu'il a été décidé de t•éajnster l'expression du capital social pour le mettre en rath)ût't aYeè la valeur réelle du fonds social, c'est­à-dire de ce qui avait été antél'ieurement mis en commun par les actionnaires.

La lH'oposHion du conseil d'administration qui a abouti à cette résolulion, a d'ailleurs été commentée au préalable 11ar le président elu conseil d'administration répondant à l'interpellation d!un actionnaire. D'après le procès-verbal, le président a indiuué : « que le réajustement de capital proposé ne comportait nullement l'aban­don par les actionnaires à la société des parts de réserve, ni de bénéfices acc.umu­lés; en d'autres mots, ne comporte nullement la capiralisation de réserves, ni la capitalisation de bénéfices accumulés; mais tend uniquement à prévenir que, par suite de la dé11réciation cie nott·e monnaie, devenue définitive p~u· la stabilisation, uue partie du capital social ne soit distribuée sous l'apparence de bénéfices».

L'arrêté royal du 25 octobre ·19 26, lH'is en exécution de la loi elu ·J6 juillet 19~6, en réduisant la valeur de l'unité nationale au septième environ de ·l'unité établie par la lég·islatiou antérieure (Cas s. ·U février !929, Pas., '1 929, l, 87), a créé une

·situation anormale, en ee sens que l'expression du capital social cie sociétés consti­tuées avant la g·uerre, ou à une époque oü le chang·e de la monnaie nationale se

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298 JTTRISPR UDENCE

rapprochait encore très sensiblement lies changes étrangers ne répondait plus du tout à la valeur effective du fonds social.

Le jugement dont appel met cette anomalie eu lumière dans l'attendu suhant : « Attendu que, lorsque se trouye majoré, eousécutiYement à la substitution de la

· nouvelle unité monétaire à celle eu vig'neur jusque là, le nombre de francs reprt'­sentant la valeur d'un bien, tel le patrimoine social, dont, comme en l'espèce, la consistance n'a pas rarié, la plus-value qui en résulte. est une plus-Yalue, non pas réelle, pat'ce que afférente ù Llll acct'oissement de richcss~, mais pnn'ment nominale t'l apparente, ne eonstituant t{ne l't•xpl'ession différente d'une valeur dememée iden­tique à elle-même n.

L'Administration des tiuanct's a, d'ailleurs, précédemment admis <ru'il en était ainsi, car claus une Circulaire en date du 6 avril '1927, relatiYe à la 11lus-Yalue cl es approvisionnements, elle a reconnu expressément que : ((la stabilisation de la mon­naie à un taux sensiblement inférieur à la valeur du franc en '1 925 entraînera pour les commerçants et les induslriels, la constatation d'un bénéfice <tui n~ sera en par­tie que l'équivalent de la dépréciation monétaire n.

On peut tliflieilement admettre qu'alors (!UC l'Administration des contributions entrage le) commerçants et les industriels à dresser désormais leurs bilans en ft'ancs papier, l'Administration de l'emeg·islrement· s'en prévale pour taxèr les sociétés du ehel' tl'aug-mentation de capital.

*

Par arrêt du 6 llécemiJre IH26 (Pas., '1927~ 1, ·101 ; A.nn. nol., 1927, p. !H avec une note de M. Henri CLosoN), la Cour de cassation a cléeidé qu'eu aug·mentant son capital au moyen d'un prélè\'emrnt sm les fonds de prévision et de réserve et en eréant, en représentation tle la somme dont le montant de son capital se trouve ainsi accru, des actions nouvelles qu'elle remet g-rat~1itement aux porteurs des actions primtlives, (( la société ne s'est dépouillée d'aucune partie de son avoir au profit de ses actionnaires ; si, par suite de l'opération, les réserves de la société sont deve­nues indéfiniment non distribuables, elles n'en eontinuent pas moins à Jaire partie de la société et sont soumises, comme les autres éléments de l'actif, à tous les ris­({UCS sociaux, d'où il suit qu'en décidant que l'opération dont il s'agit constitue l'attribution de pt'ofits à l'actionnaire, comprise clans l'article '15, ~ ·1er-, liU. a, tl es lois coordonnées le 29 octobre '1919 et en rejetant la réclamation de la soeiété demanderesse, l'arrêt attaqué a contrevenu aux textes cités elu moyen o.

Ce l'les, cet aiTèt a été rendu en matière de taxe mobilière et s'expli<tue par le l'ait que, potu· que la taxe mobilièn' soit exigible, il faut attribution d'un profit à l'action­naire, ce qui imvlique la réalisalion de deux conditions : une distribution et un profit. Or, clans l'espèce soumise à la Com de cassation, aucune de ces deux comli­tions, aussi essentielles et indispensables l'une que l'autre, n'était réalisée. Par cet arrêt, la Cour de cassation a implicitement décidé que l'aug-nientalion de capital pa1· incorporation des réserves, constitue non une opé1;ation complexe, mais une opération unique et ce principe g·énéral s'applique au droit cl'enreg'istrement comme à la taxe sur le revenu des capitaux mobiliers.

La Com d'appel de Gand, à laquelle la Cour suprême avait renvoyé l'affaire, le

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dit en tel'mes dairs et pt·écis (anêt 3ljanvicr 1928, Pas., 1928, II, 121; .- nc1•. prat. soc., ~1928, p. 73 avec une note d'observations de l\'1. Paul CoART).

Les· réserves incorporée-; au capital n'ont pas été mises, fùt-ce un instant de rai­son, à la disposition des actionnaires, parce que, dit l'arrèt : << la transformatioù s'est faite directement au dedans du patrimoine social, sans nouveaux apports, en Ycl'tu d'une décision lie l'assemblée générale statuant comme telle et ttne celle-ti 1wuvait prendre sans excès de pouvoir ; si, qzwd non, les résenes avaient été mises à la disposition des actionnaires ut singuli, cllacun d'eux aurait été libre d'en eon­vertir sa part en nouvel apport ou d'en faire quel<tn'autre emploi, tat}dis que la résolution de l'assemblée g·énérale entraînait la comersion obligatoire pour tous n.

Plusieut·s juridictions du pays ont déjù été appelées à trancher le problème fis<' al soumis à la Cour.

La Cour d'appel de Liége, en date du 15 décembre 1930 (1lnn. du notarial, '1931, p, 8; - Ret•. ]Jrat. soc., 1931, p. U) a confirmé en tous points un jug·ement du tl'i­Imnal de Namur du 15 avl'il1929 (.Ann. dn notarial, 1929, pp. 213 et sui v. ; - Be1•. prat. nol., '1929. p. 424; - Hev. prat. iiOG., 1929, ll 0 2970, p. 2U) ct décidé <ill'-« en imposant au dl'Oit de 1, 20 °/o les acles portant augmentation du capital des sociétés, l'article 4 a entendu atteindre les apports fails ù une société déjà constituée, <.'.'est­à-dire l'accroissement du patrimoine social réalisé an moyen d'apports noun'aux. L'augmentation lie capital réalisée par Yoie d'incorporation des réserves ne eom­porle aucun apvort nouveau. Pal'eille opération n'est donc passible que du droit fixe n.

Le Tribunal de Courtrai vient, en ùate elu 5 JévriL'l' 1931, de rendre un jugement lt'ès judicieusement motivé (inL'dit, en cause du notaire Denys cf État belg·e) adop­tant les mêmes princives.

Précédemment, le Tribunal de llruxelles, <'Il date elu 21 février 1927 (.4nn. not., 1927, p. '199;- HeL'. prat. soc., t927, p. BL9),ct en date elu 8 mai 1930 en cause Sodété anon~1ne métallurgique Sambre et Moselle, avait adopté une manière de voir idenli!JUC à celle elu Tribunal de Namur.

Celle-ci est confol'me à l'ancienne jurisprudence administrative du: Département des finances. Une décisiou du 2~ avril1921 (JLG~ ,15780) lH'oclame que: ((ne ren­ferme pas augmentation de capital rentrant dans les prévisions de l'article. 4 de la loi du 30 aoùt 1913 l'acte qui constate une nouvelle estimation de l'avoir social pour le mettre en rapport avec la situation économique actuelle et la déprédation de la valeur monétaire ,, . Cet aele ne donne ouverture qu'au droit fixe de 2,50 fr. (Pa1ul. B., vo Tdbuts ct impüts) (droits cl'enreg·istrements, no 520).

Nous renvoyons, d' autl'e par·t~ le lecteur aux décisions assez nom­lweuses ainsi qu'aux études doct.rinales qne nous avmiS publiées SUl' la question (Revue : 1929, nos 2970 et 2971 ; - 1930, n"s 3033 et 3064 ; - 1931, nos 310.2, 3103 et 3104).

La Coue de Cassation aura prochainement à se pt·ononcee au sujet de cette importante question.

F. C.

,.·

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No 3170. - Tribunal de commerce de Liége. - 16 mars 1931. Prés. : M. Gérard, jug·e; Référ. : l\f. Robert Ring·let; Pl. : nJtrcs de Falloise cf

· · De Swart (Bruxelles), avocats. ·

(Société << Constantia n cf Société « Prévoyance sociale n et autres).

Socièté.--.,.- Dénigrement par ses agents, d'une société concurrente. Défenses faites aux agents par la société. - Responsabilité commune de la société et de ses agents. - Concurrence! illicite.

La société rl'asszu·ttnces qni, par l'organe de ses agents~ dénigre une compagnie con­cltl'rente, est responsable in solidum avec ceu:r-ci, qni sont considérés comme des pré­posés.

Il importe peu que la société ail fait lléfense à ses agents de recourir à ces procédés répréhensibles et préjudiciables à la compagnie concurrente.

Si les agents d'une société !l'assurances peuvent faire valoir anprès de la c(ientèle les aL'antages de la société qu'ils représentent, il leur est interdit de tenir sur le compte ll'une compagnie concurrente des propos Ile nature it faire croire à le ruine prochaine lle celte dernière.

Hevu ~e jug·ement interlocutoire en date du 24 avril 1930; Vu en expédition emegistrée (T. fr. 6,50) le procès-ver hal de l'enquète directe à

laquelle il a été procédé en exécution du elit jugement ; . Attendu tJlie la demanderesse se plaint de ce que les défendems, agents de la

société la PJ'évoyance Sociale, anraient tenu des provos désobligeants à son ég·anl ; <IUe l'action tend ù Jaire r~onclamnet• les défendeurs ù payer solidait·emcnt une s6mme de 10.000 fr. à titre de dommag·es-intérèts; lln'elle sollicite en outre l'autorisation de Jaire publier le jug·ement dans un certain nombre de journaux tânt à Liége qu'à Bruxelles;

Attendu que la société la Prévoyauce Sodale conclut à sa mise hors cause sous prétexte 'que les pi'Opos désobligeants n'auraient été prononcés éventuellement que p:n· les sieurs Houtain et Vaessen et tlu'aucune condamnation solidaire ne pourrait ètre prononcée contre elle ; qU'au surplus-, elle ne serait pas responsable des actes clommag·eahles commis par ses ag·ents ;

Attendu !lueles actions en concurrence déloyale troment leur hase dans I'artiele 1 B82 du Code civil aux tet·mes duquel tout fait de l'homme qui cause à autrui nu dommage, oblige celui par la J'ante duquel il est commis, à le réparer ;

Attendu tiu'il est cie doctrine et de jnrisprudence constantes que lorstitl'lm acte dommageable est accompli par plusiems pet·sonnes ag'issant de concert, les coupa­bles pourront être condamnés à réparer chacun l'entièreté du pt•éjudice subi lors­!IUC ce préjudice est la conséquence d'une faute commune ; que, dans ce cas, ils peuvent être condamnés non pas solidaireinent mais in solidum ;

Attendu qu'en l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats, que la campa­gne de dénigTement dirig·ée contre la société demanderesse pàrait être g·énét•ale et a d'aillems fait l'objet de plusieurs 1wocès intentés non seulement à Liég·e mais dans d'autres parties elu pays et contre plusieurs sociétés concurrentes; que les propos diffamatoires ont été prononcés par de nombreux ~lgents.c;

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JURISPRUDENCE 3bi

Attendu qu'il I;ésulte des dépositions du témoin Renant Jacques, que le journal dont faisait état les ag·ents auprès des assurés de la demandei'esse, se trouvait entre les ~nains de l'inspecteur envoyé par la soc~été la Prévoyance Sociale auprès de ses représPntants ; qu'il en résulte que la société, par l'intermédiaire dé l'inspecteur chargé de la représenter, a eu co!lnaissance des agissements de ses ag-ents; qu'elle y a collaboré en les tolérant; qu'elle est par conséquent responsable, au même titre que les ag·ents, des actes dommag·eahles auxquels elle a indirectement collaboré ;

Attendu au surplus qu'aux termes del'article 1381 du Code civil, les maîtres et commettants sont responsables du dommag·e causé par leurs domestiques et prépo­sés dans les fonctions auxquelles ils sont employés ;

Attendu sans doute que le courtier d'assurances qui représente plusieurs sociétés et qui n'a ayec celles-ci aucun lien de subordination ne peut être considéré comme un préposé; qu'il n'en est pas de même de l'agent d'assurances qui reçoit de la société qui l'occupe toutes les directives et toutes les instructions, qui est payé par elle fùt-ce en pomcentag·e sur les affaires traitées par lui ; qu'à raison des rapports étroits existant entre ces ag-ents et la société, celle -ci doit être tenue vis-à-vis des tiers, de la réparation du préjudice subi par eux à raison des actes t'é]wéhensihles accomplis par ces agents dans l'exercice de leurs fonctions ;

Attendu qu'en vain ia défenderesse allèg·ue qu'elle aurait donné pour instructions à ses agents de ne pas dénigrer les ·compag·nies concurrentes ; que ces instl;uctions sont reproduites dans l'org·ane mensuel de lu défenderesse des mois d'aoùt -1923, décembre 1927 et mars 1928 : qu'elles ne constituent que des conseils donnés aux agents et non une défense formelle d'avoir recours aux procédés actuellement repro­chés; qu'il n'est pas établi d'ailleurs que les défendeÙrs Vaessen et Hautain en aient eu connaissance ; qu'en tout état de cause la société serait responsahle vis-à-vis des tiers, eu wrtu de l'article ·1384, des ag'issements de ses ag·ents même si ceux-ci n'avaient pas respecté les instructions qui leur avaient été données; que si les actes reprochés aux défendeurs sont répréhensibles, la société doit être tenue avec eux cie la réparation elu préjudice subi par la demanderesse ;

Attendu qu'en aoùt-septemhre 1929, le « Courrier des assurances >> publia un article I'eproduisailt le bilan de 1928 de la société demanderesse ; qu'il résnlte de la dé110sition de tous les témoins qui ont été entendus que les sieurs Vaessen et ITou­tain se sont présentés chez les elients de la demanderesse, clients pour la plupart illettrés et leur ont fait remarquer l'article du << Courrier » en en accompagnant la lecture de commentaires désohlig·eants à l'adresse de 'la demanderesse;

Attendu sans doute <Ju'en vertu elu principe de la liberté de commeJ'Ce et de la libre concurrence, il était permis aux ag·ents de la défenderesse d'user de tous les moyens loyaux 110ur détoul'llcr, au profit de la société qu'ils re1wésentaient, la clien­tèle d'une compag·nie concurrente; que cependant ce principe est 'tempéré par la loyauté qui doit présider à l'exercice de tout commerce ;

Attendu que rien n'empêchait les ag·enfs dela société défenderesse de faire miroi­ter, aux yeux des personnes qu'ils visitaient, les avantag·es de la société qu'ils repré­sentaient, mais qu'est hat1tement répréhensible et doit être réprimé le fait que ces agents ont tenté d'attirer la elientèle ·f'll tenant, sur le compte de la compag·nie con-

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302 JURISPRUDENCE

cunente à laquelle les personnes Yisitées avaient donné leur confiance, des propos tlui étaient de nature à faire cr0ire à sa ruine et à sa faillite prochaine;

Attendu que ces faits sont d'autant plus blàmables, qu'ils avaient pour lmt unique et non dég·uisé de faire la concurrence à la soCiété demanderesse et d'attirer à la société défenderesse un certain nombre de clients assurés précédemment à la société la « Constantia n ;

Attendu que les propos tenus par les défendeurs, fussent-ils même exacts et l'ar­ticle incriminé ne dépass:\t-il pas les limites d'une critique autorisée par la liberté de la presse g·arantie par l'article 18 de la Constitution, encore est-il qu'il n'apJ)aJ'­tenait pas aux défendeurs cle commenter cet article auprès d'un puhlic spécial, dans le seul bÜt de nuire à la compagnie coQcurrente, pour en tirer personnelle­ment tn'ofH ; que le fait répréhensible ne con:iste p~s, de la part des ag·ents, à avoir commenté l'article du << Courrier », mais dans le fait cl'ayoir Jait visite à la clientèle de la demanderesse et d'avoir prononcé contre celleJci des paroles qui avaient pour !mt, et qui. elevaient nècessairement avoir 'pour résultat, de jeterJa suspicion sur la société concurrentP, surtout dans l'esprit des psrsonnes peu habituées à déchiffrer des bilans;

Attendu que celte campagne tle dénig-rement dirig-ée contre la -demanderesse a dù nécessairement faire suhir à cette clernièr,e un préjudice dont elle est fondée ù clemander réparation;

Attendu true la demanderesse ne justifie pas dè la somme de 10.000 fi'. qu'elle réclame à titre de dommag-es-intérêts; qu'il n'est pas établi qu'un seul client ait quitté la <t Constantia » à la suite de la concurrence déloyale lit1gieuse; que les actes clommag·eahles ont eu plut6t pour conséquence (le causer ù la demanderesse un vré­juclice moral non suscet)tiblt: d'évaluatiou pécuniaire ;

Attendu que ce l)réjudice n'est cependant pas assez important pour justifier la · demande de .4 insertions, les faits s'étant, en ce qui conceme la présente action,

localisés à Liég·e ; que l'insertion du présent jug·ement dans un journal constituera la réparation équitable du préjudice subi par la demanderesse ;

Par ces motifs, Le Tribunal, sans avoir égard à toutes conclusions contraires, vidant son inter­

locutoire du 24 avril 1930, déclare la demanderesse recevable en son action, en tant que dil'ig·ée contre les trois défendems;

Ce fait, autor1se la demanderesse à Jair~ puhlier le présent jug-ement, motifs et dispositions sous le titre (( Réparation judiciaire » une seule fois dans un journal à son choix, les frais de cette iÙsprtiol1, qui 'ne pounont excéder la somme de 5. 000 fr. étant récupérables, in solidwn, contre les trois cjéfendeurs, sur simple production de la quittance des impl'imeurs ;

Déclare la demanderesse uon fondée pour le smplus en son action, l'en déboute ; condamne les défendeurs aux dépens. ·

Observations. - Ce jugement applique aux sociétés l_es principes ..... cel'tains du droit commun en matière de responsabilité des maîtres et

commettants, quant aux actes dommageables commis par leurs domes­tiques et peéposés, dans l'exeecice des fonctions auxquelles ils les ont

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JURISPRUDENCE 303

employés. On sait qu!c\ la dHférence des pere et mère, des instituteurs et des artisans, dont la responsabilité est réglée par le mên:e article 1384, C. c., les maîtres et commettants ne sont pas recevables à s~exo­néeer de la lem' en prouvant qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui y

donne lieu. Il était clone sans relevance, clans le cas jugé, que la société cléfencleeesse eùt fait des défenses (ou plut<)t des recommandations) à ses agents : elle t'esta.it responsable de leurs procédés. de dénigrement et. leur fan te concourant aYP.c la sienne comme cause du, préjudice, elle était tenue inclivisiulement (in solidmn) aYec eux, de la réparei'.

No 3171. ..,..-·Tribunal de commerce d'Ostende. - 12 mars 1931.

Prés. : M. P. Laroyc ; Référ. : M. Raoul Fontaine;- Plaid. : J\'Jim Van de Male cf llorgers, avocats.

(M. Van de Male, qq., curateur faillite Vanllen Steene ~/ FranchoJmne).

Prêt. - Affectation aux besoins d'une industrie. - Participation aux bénéfices.- Droit de contrôle.- Société en participation.

Pour qnalifier ile prêteu( ou ll' itssocié le bailleur de f'onlls dont le rôle vùitable est contesté, il faut rechercher avant tout si l'apporteur a entendu se résen,er, !lans la marche de l'aff'aire une collaboration active ou tout au moins unpo1li'Oil' de contrôle très étendu., inconciliable avec le rôle passif et eff'acé, dévolu au simple prêteur d'argent.

Est constitutive, non d'un contrat de prêt de consommai ion, bien qu'il ait pln au:E par­ties de la qualifier tel, mais ·de société en participation, la convention portant qu'une Jiersonne 1net à la disposition d'nne antre personne, zwm· un lenne de neuf mmées, une somme de 60.000 fi·., qui,serviront au.r besoins e.1:clusi{s de l'industrie de cette per­sonne, laquelle s'engage à payer à son contractant un tiers des bénéfices ainsi qu'un traitement inensuel fixe de '1000 fr., alors surtout que l'apporteur s'est rése7'1'éun droit de contrôle permanent de l'exploitation et de la comptabilité et a effectué ce prétendn prêt sous forme de dépôt en banque, en stipulant que les retraits de fonds de'l'l'ont être contresignés par lui et que les rentrées de fonds de l'e:1.:ploilation devront ilfre effectuées en la dite banque.

Vu la déclaration de créance du 5 octobt•e 1930 JH'oduite par A. Franchomme, se disant créancier ù la faillite deR. Van de Steéne, de la somme de 60~000 fr. à titre èl1irog1'aphaire, du chef d'un prêt consenti le 7 juillet suivant à la Banque Demees- .

. ter, à Brug·es, au crédit du compte, du failli; Entendu le curateùr, M. A. Van de Male, et le produisant en leurs moyens et

conclusions.; Attendu qu'en ses dernières conclusions, le produisant déclare minorer le mon­

tant de sa créance et le réduire ù 59. 374 fr. ; qu'il conclut ù son admission au pas· sif de la l'aillite pour le dit montant ;

Attendu lJUe le curateur conclut au rrjet de· ertte c1·éance; qu'il soutient que

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l'avance de 60.000 fr. ne constitue pas un prêt mais une connüandite; avec cette conséquence que le commanditaire, étant un associé ne peut, à la différence elu prêtet.r, qui est créancier, en cas de faillite de la société, produire à la masse puis­qu'il a risqué sa mise ;

Attendu, en ordre subsidiaire, que le curateur conclut qu'une somme de 3880 fr. prélevée par le produisant le 14 octobre 'J 929, soit retranchée du montant de la pro­duction;

Attendu qu'à s'e11 tenir au sens littéral des termes reproduits dans l'acte du 7 juillet l: 29, il s'ag·il'ait ineontestablement d'une avance de fonds faite à titre de prêt; qt.Ie cette opinion tronve encore sa confii'IÙation clans. une JeUre du 9. avril 1929, par laquelle le failli informait son créancier que le matériel de l'usine était affecté en g·arantie elu prêt de 60.000 fr. ; ·

,1\fais attendu que les stipulations contenues dans l'acte du 7 juillet sont les unes exorbitantes, les autres absolument incompatibles avec un contrat de prêt; que dans ces conditions il échet de rechercher si la ·nature juridique de l'opération que pc.trties oilt voulu réaliser, répond à la qualification qu'elles lui ont donilée et, le cas échéant, de restituer à la convention sa véritable physionomie ; que le nom ou la for1ùe que les parties lui ont donné par ig·norance ou à tin de dissimulation importe peu (Cass. 18 mai 193o', Pas., p. 204);

Attendu que, pour qualifier de twêteur ou d'associé le. bailleur. de fonds dont le ràle véritable est contesté, le juge, tout en tenant compte, mais à titre de critérium subsidiaire, des clauses réglant le mode de participation aux bénéfices et aux pertes, devra rechercher avant tout si l'aJ1porteur a entendu se réserver dans la ma1·che de l'affaire, une part de collaboration active, ou tout au moins un pouvoir de controle très. étendu, inconciliable avec le rôle passif et effaeé, dévolu au simple prêtem· d'argent;

Attendu qu'il ressort des stipulations du contrat que les deniers prêtés. devaient être atrectés à l'exploitation de l'usine de bonneterie du failli ; que cette affectation est déjà peu compatible avec la notion du prêt puisque, en principe, le créancier ne saurait jamais gêner son emprunteur dans l'emploi des fonds, qui ont été l'objet de la convention ;

Attendu, bien plus, que ce prêt faisait l'objet d'un dépôt en banque et que, pour toutes opérations rclalives à ce llt'•pot, les signatures des deux contractants étaient requises; que contrairement à la disposition de l'article ,1893 du Code. civil, l'em­prunteur ne devenait donc pas propriétaire des deniers déposés puisque leur tradi­tion était subordonnée à l'adhésion du, bailleur de fonds;

Attendu que.l'interYention du bailleur de fonds lors de ces retraits lui assurait un véritable droit de controle; qu'en effet, s'il s'est réservé ce droit ee ne pouvait être que dans le but d'ohlig·er l'emprunteur de lui fournil• les justifications nécessaires au sujet de l'emploi et de la destination des fonds retirés ;

Attendu qu'il a été stipulé dans le même espl'Ît, que les rentrées dr fonds de L'usine devront être effectUées à la Banque Demeester; ' ·

Attendu que ce droit de controle est d'ailleurs formulé explicitement dans l'acte aux termes duquel : «Le premier soussig-né (Franchomme) aura un droit de controle permanent de l'affaire et de la romptabilité » ;

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J lJRISP RUDE!'\ CE 305

Attendu que le droit de fait·e acte d'ing-érence sous forme de communication de livres, de réclamation de comptes, de surveillance de l'exploitation a pour effet de fàire dég-énérer un contrat de prêt en un contrat de société; que cette faculté d'in­tervention est, en effet, le lJl'Opre d'un associé tandis qu'un prêteur, n'étant tlu'un tiers, n'a pas ce droit ;

Attendu que les considérations ci-dessus, qui tendent à restituer à la convention :le caractère juridique d'une société, se trouvent encore corroborées par le inode de rémunération des deniers avancés ;

Attendu qu'à cet égard il a été stip~lé : (( le premier soussigné (Fr::mchomme) i'ecevra, à titre de rémunération de son prêt, un tiers des bénéfices industriels réalisés par le second soussigné, ainsi qu'un traitement de mille francs par mois;

Attendu que la stipulation d'un partage de bénéfices de l'industrie de l'emprun­teur n'implique pas nécessairement que le bailleur de fonds devienne un associé, lJien que cependant la rémunération du p1·êteur consiste le plus souvent dans l'alloca­tion d'un intérêt fixe, avec; adjonction éventuelle à l'intérêt stipulé, d'une participa­tion variable ;

Mais que le juge àu fond se prononcera généralement en Saveur d'un contrat de société, en présence d'nne clause faisant participer le bailleur de fonds aux 1Jénéfi­-ces seulement, sans qu'il soit question d'intérêts, alors surtout que cette participa­tion se tl·ouve accrue d'tm traitement fixe; qu'eli effet, la notion même du traitement implique une prestation de services, une coopération, une activité quelconque et est incompatible en tous cas avec le loyer d'une simple avance de fonds ;

Attendu surabondamment que la durée déterminée à l'opération et sa survivance en cas de décès de l'un des contractants, sont encore des éléments qui plaident en faveur du contrat de société ;

Attendu qu'en vérité toutes les clauses de l'acte, ù l'exception du mot « prèt ll,

doivent faire admettre cette opinion ; Attendu que vainement le produisant objecte, pour dénier le caractèl'e de société

.;_\la convention, que la contribution aux pertes, qui est de l'essence de la société, n'a pas été prévue ;

Attendu, en etfet, qne le contrat, qui, dans son ensemble, présente le caractère d'une société comme en l.' espèce, et où la contribution aux dettes n'est pas réglée au regm·d d'un des associés, doit être entendu comme iml)liquant pour cet. associé une ~ontribution aux pertes, égale à sa participation dans les bénéfices (Code civil, art. -1853);

Attendu qu'il découle de cet ensemble de circonstances, que parties ont été enga­-~·èes dans les liens d'une société, Je texte et l'espi'it de l'accord devant faire admet­tre cette interprétation ; que c'est donc improprement, par ig-norance ou à fin de dis­,gimulation, que parties ont dénommé prêt, le contrat litig'ieux ; .

Attendu que cette société revêt le caractère non d'une commandite, mais d'.une .association en participaliou ; qu'en efl'et, lorsqu'un particulier fournit de l'argent à un commerçant en convenant qu'il recevra une part dans les bénéfices de son exploi­tation, s'il est avéré que l'accord, eu égard ·aux stipulations qui l'accompagnent est une société et non un prêt, la forme de la société ainsi constituée entre les part.iP;s .est une association en participatiŒl, dès l'instant qu'il n'y a eu ni acte de socié~é

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306 Jl'RISPRUDENCE

rédigé, ni capital mis en commun, ni raison sociale, ni clause 'cl'aueune sorte pré­voyant la publication de l'entreprise ;

En ce cas, le bailleur de fonds concomra aux pertes par com11ensation du droit qu'il aurait eu à une part des profits si l'affaire s'était heureusemenlliquidée;

Par ces motifs, Le Tribunal, entendu M. Paul Carbon, juge. commissaire à la faillite, en son rap­

port verbal préalable aux débats, statuant contradictoirement, dit pour droit que le produisant a été engagé avec le failli clans les liens d'une association en participa­tion, et comme tel, ne peut être admis à 11roduire à la masse pour le montant de sa participation ;

Déclat'e en conséquence rejeter la créance du produisant.

Observations. - La distinction à faire entre le contrnt de ptêt et le contrat d~apport en. société est une opét'ation de jugen1ent presque toujours délicate. L'appréciation du juge du fait y est souveraine, comme en toute matière d~interprétation de contr·at ; mais, en outre~ il est pour ainsi diee impossible à la doctrine de lui four·nil' des critères fixes de discrimination.

Le problème est celui de la recherche de l'intention réelle et intime des parties ; ·elles peuvent avoir des intérêts divers h la dissimuler sous les tm~mes de leurs éct~its de contrat ; et quant aux dispositions mêmes de ceux-ci et aux actes des contractants, ils peuvent offrir les mêmes termes et apparences dans le prêt que dans la société ; rapport d'une somme d'a;'gent, le prêt de consommation se réalisent, en effet, tous deux par une teadition d'espèces; la différence contractuelle ne résideea., en vérité, que dans le but pouesuivi : l'auteur du versement sera appol'teur, donc assoeié - on prêteur, donc créancier - selon qu~il aura été mù - ou non - par l'affectio societatis, pae le désir

· de soumettre la somme ver'sée aux chances et risques de r entrepr·ise de l'emprnntem'.

Le juge en seea, par conséqneüt~ réduit à s'effut·cer· de discernee dans les circonstances du cas douteux, celles qui sont de nature tt révé­ler le secr·et des intentions réelles des prétendus prêtem· et emprun­teur.

Il ne nous appartient pas de juger du bien lou du mal fondé de la décision rendue ci-dessus par le Tribunal ~f commerce d'Ostendet dans la cause qui lui était déféeée : il doit restee seul appréciateue souvel'ain de la force probante des présomptions qui, dans l'espéce, ont déteemirié sa sentence. C'est seulement dans la mesure où il lem' a donné un tour d'expression générale et axiomatique qu'elles peu-

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JURISPRGDEN CE 307

vent tomber dans le champ d'appréciation ouvert au commentateue. Nous tenant dans ces limites, force nous est de dire que, prises sépa­

rément ou simultanément, les présomptions énoncees par le juge d!Os­ter1de n~ apparaissent pas péremptoires.

La plüs pr·obante d'entre elles, aux yeux du juge ostendais, paraît avoÏL' été la clause réservant au prétendu baillem· de fonds une paet de collaboration active dans les affaires de l'empruntem·. Un prêtem' pur et simple reste étranger, en effet, d'ordinair'e, à la gestion des affaires de soù emprunteur. Encore peut-on remarque!' que rien ne s'opposerait, en raison ni en fait, à ce qt(un employé! par ex_einple, prêtât de l'argent à son patron ou à ce qu'un pati·on réservùt la faveur d'un emploi chez lui à celui qui lui fet·ait la faTeur d'un prêt.

De même, en est-il de la condition posée par le capitaliste, cl 'assi­gr .. ei', comme condition du peêt~ a la somme prêtée un emploi exclusif, par exemple : qu'elle serve aux besoins seulement du commerce ou de l'industrie de Pempnmteur, à l'exclusion de dépenses personnelles. Tous les prêts commei'ciaux sont implicitement ou explicitement dans ce cas ; les ouvertuees de cf'édit sont presque toujours s11bordonnées à des clauses limitatives de ce genre. Ce genre de condition entraîne logiquement le dt'oit. pour le capiütliste, de surveiller dans le détail, l'observation de la clause de réserve. On n'aperçoit pas en quoi !"im­position de pareille ·condition ni les précautions de contrôle que se réRerverait conséquemment le prêteur (telles que le dépôt en banque de la somme prêtée, la nécessité de la signature du prêteur à. chaque prélèvement pat'Liel de l'emprunteur) devraient nécessairement tlt contre la volonté commune et sincère des parties, modifiee la nature juridique elu vet~sement ou du ceédit et le teansformer en apport

.De même encore, quels pl'incipes on dispositions jtœidiques f.ont obstacle ii ce que le peêteUL', soucieux de diminuer· ses l'isques de non eemboursement~ puisse, sans devenir associé, stipuler que l'einprun­teur devra faire effectuer ses rentrées de fonds par une banque déter­minée, et peemett.i·e au prêteur ou à son mandataÏL'e une surveillance spéciale de ses affaires? Qruuitité (rindustries n'obtiennent le concours financier de banques qu'à des conditions de cette espèce. Cette condi­tion se 'rett'onve aussi dans maints arrangements concordataires.

Il est à peine besoin de faire observer que la fixation d\me durée déterminée pour le prêt, sans infiuence du décès de l'une ni de l'autre des parties, ne constitue, à aucun titre, une présomption.de l'intention d'association.

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308 JURISPRUDENCE

Plus révélatrices der affPctio societatis semblent clevo.ir être, de soi, ·les clauses de par·ticipation aux l>énéflces. M<-tis le TriiJuual d'Ostende remarque lui-m.ême, avec raison, qu"elles ne funt 1,as nécessai1·ement dégénérer le prêt en apport ; ce qui serait décisif, ce sentit la clause de participation aux pel'tes.

A cet endroit elu jugement, le juge d'Ostende comutet, SE·mhle-t-il, une pétition de principe : constatant l'absence (Fune telle clause dans l'accord entre parties qui lui est soumis,- l'absence n'une stipulation expresse de participation aux p·Prtes, -: au lieu d'en induÏl'e logique­ment une pr·ésomption contee l'hypothèse d'un contrat de société, il invoque, pour en tenir lien~ la disposition de l'art. 1853 du Code civil.

Celle-ci est supplétive, sans doute, du silence des parties sur ce point, mais seulement lorsqu'il y a~ entre elles, contrat de société prédérnontré par aillem's.

Si l'on s.~abstenait de cette démonstral:iou préalable~ il n"est pres­qu'aucun }Jrêt qui ne t'ùt exposé hêtre interprété comme ·apport. : il suffirait, en effet, à. l'interprète. d'àlier puiser dans le mLigasÜl des dispositions supplétivt>s du titre IX, elu Livre III du Code civil, les clauses qui manqueraient explicitement an contrat de prêt àes parties, pOUl' faire office de con tl' at de société.

En réalité, les regles de~ art. 1843 et sn iv. dn Code civil ne doiv_ent ê1re appliqnées que lorsqu'il y a vrai.meut contl'at de sot:iété; cette ·existence d'un eontrat de société doit~ si elle est douteuse ou con­testée, f.tiee l ~objet d'une démonstration distincte et préalable, tirée des élémeats de la cause. Le défaut dé stipulation exp1'esse de la part des COtit.l'actants sur l'un ou l'autre des points réglés supplétivement par le titre IX, Livre III elu Coàe ci vi 1, ne sera évidemment pas, à soi seul, une preuve de l'inexistenee d'un tel coulrat, mais moins euco1·e pourra-t-ou conclure du silence des padies, qu?elles ont néces­sairement eu l'intention de se réfé1·er'. pour y suppléer, plutôt an titre IX qu'au titre X. - Ct'r'. Notes posth. de PIRl\ŒZ, Revue, 1900, no 1139, pp. 197 et 198 ; - Étude de lVI. A. SCHICKS, Rev·ue, 1~93, pp. 43 et suiv. nos 1:3 et suiv.; -Revue, 1889. no 52, p. 209; -1895, nos 602 et 645; - 1897, Il08 787 et 794; - 1898, n° 895 ; - 1911, no 2108, p. 22; - Gand, 24 janv. 1921, Revue, 1922, 11° 2459, p. 236 ; - Cass. fl'., 2 mars 1926, ll0 2716, p. 295;

· Comm. Liége, pr févr. 1927 ~ 11° 2799~ p. 279. Par ailleurs, le jugement applique correctement les principes du

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J ORISPRUDENCE 309

droit des sociétés en qualifiant " paeticipation " une société formée sans acte rédigé, ni capital mis en commun, ni raison sociale, ni clause de publication.

No 3172. - Tribunal de 1re instance de Tournai. - 19 février 1931.

(Soc. an. « Pompes Fztnèbres Belges n cf État [Finances]).

Enregistrement.- Société anonyme.- Apport de la part indivise d'un bien suivi de la vente de la part restante. -Art. 4 de la loi du 15 mai 1905 : application.

Des termes de l'art. 4 de la loi du 15 mai ,1905 sont généraux et s'appliquent à tons les cas où des acqnisitions immobilzères partielles et antérieures à des actes de uwta­tion postérienrs ont été effectuées par voie contractuelle; les exceptions à cette règle générale, telles qn' elles résultent des travaux préparatoires n'ayant même pas été visées par la loi elle-même, sont de stricte interprétation et ne peuvent s'appliquer aux appm·ts faits dans un acte constitntif de société commerciale.

Si la loi fiscale ·atteint les mntations, ce n'est pas elle qui qualifie les actes en vert1t desquels elle perçoit tel ozt tel clroit; 11uûs c'est uniquement la loi civile qni reste sou­veraine' à cet égard, sans qn'il y ait à considérer si, dans tel cas déterminé, la loi fis­cale, pour favoriser le commerce on l'indnstrie, frappe d'un droit mitigé tel acte juJ"i­dique comme l'apport d'ltn immeuble à une société conunerciale

1

dans l'acte constitutif de cette société.

Attendu que l'action tend principalement ù faire condamner le défendeur à rem­bourser à la demanderesse la soimne de 4950 fr., à prétexte d'une perception erro­née de droits de mutation perçus sur un acte de vente passé le ~5 janvier 1929 par devant l\1. Glorieux, notaire à Tournai et d'une fausse application de l'article 4 de la loi du 15 mai 1905 ;

Attendu que le 13 octobre -1928, par acte enreg·istré cl~ notaire Paul Glorieux de Tournai, a été constituée la société anonyme << Pompes Funèbres Belges n dont le siége social est à Tournai ;

Attendu que dans cet ac.te Mme ve Verriest-Vandamme et cinq de ses enfants ont fait apport à la dite société de tous leurs droits indivis, s'élevant à quarante-cinq quarante-huitièmes en pleine propriété et un quarante-huitième eu usufruit, dans un inuneuble sis à Tournai, rue de l'Arbalète, cadastré section F ne 1 '21g, pour une conteuanc.e de 4 ares ; que cet apport a donné lieu à la perception du droit d'enre­gistrement de 1,20 °/o et du droit de transcription de 1,80 °/o;

Attendu que Mme Jeanne Verriest, épouse séparée de M. Rossignol, sixième enfant de Mme Verriest-Vandamme; n'a pu faire apport dans cet acte à la dite société de !!es droits indivis dans le même immeuble, soit deux quarante-huitièmes en pleine propriété et un quarante-huitième en usufruit, à raison de ce qu'elle n'avait pu {)btenir l'autorisation de son mari ;

Attendu qu'ayant obtenu ultérieurement l'autorisation maritale nécessaire, elle

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310 JURISPRUDENCE

vendit le 25 janvier 1929, à la société des « Pompes Funèbres Belg·es » ses deux qllarante-huitièmes en pleine propriété et son quarante-huitième en usufruit, dans l'immeuble sus indiqué pour le prix de cinq mille francs ;

Attendu que l'administration de l'enregistrement a perçu sur cet acte la somme de 5t30 fr. s'établissant comme suit : droit de mutation 9,60 °/o sur la valeur vénale (soit 80.000 fi'.) de l'entièreté du bien,~soit 7680 fr., déduction des droits perçus (3 °/o ou 1802 plus 120~) sm l'acte du 13 octobre 1928 pour l'apport des droits indivis appartenant à Mme Verriest et ses cinq enfants, droits évalués à 75.000 fr., soit 2250 fr. ;

Attendu tpe la demanderesse prétend que l'administration ne pouvait en suite de la vente du 20 janvier 1929, ùercevoir qu'une somme de 480 fr., c'est-à-dire le droit de mutation de 9,60 °/o sur 5000 fr. ou bien le droit de partage de 60 centimes 0 io sur 80.000 fr.; fJLl'il a donc été perçu en trop 54

130 fr.- 480 fr. = 4950 fr.

Attendu que le défendeur soutient qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 15 mai 1905 « lorsqu'un tiers a acquis conventionnelleJ

1

ent une part indivise de biens appartenant à une ou plusieurs personnes, le droit proportionnel établi pour les ventes est dù sur la valeur des biens dont la totalité lui advient par l'effet d'une cession ou d'un partage ultérieur, sauf déduction du droit payé elu chef de l'acqui­sition de la part indivise >> la prétention de la demanderesse ne peut. Ptre admise

Attendu qne pour combattre l'application que le défendeur a faite de cet article dans le cas actuel, la demanderesse inYoque quatre arg·uments, à savoir :

· 1 o Que l'article 4 prérappelé a eu pour objet l'empêchement d'éluder une grande partie des droits dans le cas d'une aliénation immobilière au moyen de la création d'une indivision fictive suivie d'un partage approprié aux intentions des intéressés; mais qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi de 1905 que le législateur a voulu excepter de l'article 4 toutes les hypothèses où la fraude ne peut se concevoir en envisag·eant la situation abstraitement; que dans l'espèce actuelle, au point de vue abst!'ait, la fraude est impossible ; .

2° Que la part iudivise ayant fait l'objet de la perception attaquée aurait pu être apportée à la société en suite d'une augmentation de capital qui n'aurait donné lieu qu'à la perception d'un dt'Oit d'acte de 1,20 °/o et elu droit de transcription de 1,80 °/o sur la valeur de cet apport, <ru'on aurait, clans ce cas, fait correspondre avec le montant de la dite aug-mentation;

.3° Qu'il faut, pour qu'il y ait application de l'article 4, que l'aCllllisition orig'inaire créant l'indivision soit le résultat d;une acquisition conventionnelle, ee qui ne serait pas le cas en l'espèce, l'administration elle-même ayailt appliqué lors de cette acqui­sition non pas le droit de mutation, mais le droit d'acte et ayant ainsi, claus le sys­tème de la demanderesse, tranché elle-même le litige ;

4° Qu'il résulte des travaux préparatoires que l'article 4 ne pourra recevoir d'application dans le cas où l'acquisition d'une part indivise a eu lieu par contrat de mariag·e, qui n'est qu'une espèce de contrat de société, et qu'il semble y avoir ana­logie,entre ces deux contrats, les apports échappant, s'ils sont effectués dans un contrat de mariag·e ou dans un acte constitutif de société, au droit de 'mutation ;

Attendu que le soutènement de la demanderesse n'est pas l'ondé ; qu'il importe de remarquer tout d'abord que les termes de l'article 4 sont g·énéraux et s'appliquent à

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JURISPRUDENCE 311

to1,1s les cas où des acquisitions immobilières partielles et antérieures à des actes de mutation postérieurs ont été effectués par voie contractuelle ; que les exceptions à -cette règle générale telles qu'elles résultent uniquement des travaux préparatoires, n'ayant même pas été visées dans la loi elle-même, sont de stricte interprétation et ne peuvent s'appliquè aux apports faits dans un acte constitutif de société com­merciale ;

.Attendu que l'on doit écarter à priol'i les arg·uments sub 2° et 41) de la demande­resse : qu'il est, en effet, sans intérêt de rechercher si celle-ci eùt pu acquérir la part jndivise de l'immeuble dont il s'ag-it, par une voie moins onéreuse que celle qu'il · lui a plu de suivre,, puisqu'elle a, en fait, acquis cette part par achat; que d'autre part, pour fes motifs indiqués dans l'attendu précédent, on ne peut assimiler les apports faits dans un acte constitutif de soeiélé à ceux faits par contrat de mal'iage, ces deux conventions ayant des caractères distincts et <<sui g·eneris Jl et l'exception prévue aux dispositions. de l'article 4 dans les travaux préparatoires ne visant que la dernière de ces conventions;

Attendu qu'il n'est pas exact, comme le fait la demanderesse, de prétendre que dans un cas tel que celui qui nous occupe, la fraude est abstraitement impossible : qu'il se conçoit, en effet, qu'une société voulant acquérir un immeuble sans acquitter le droit de vente, puisse aniener le propriétaire de celui-ci à apporter à la société une part indivise de ce bien et rachète ensuite le surplus du bien par une cession équipollente à un acte de partage; que semblable manière d'ag-ir, presque identique ù celle qui a été pratiquée en l'espèce présente, aurait pour résultat évident de frau­der le fisc si l'article 4 ne lui était pas applicable ;

Attendu enfin que le troisième argument de la demandéresse, pour séduisant qu'il apparaisse tout d'abord, ne peut être suivi; qu'en effet, si la loi fiscale atteint les mütations, ce n'est pas elle qui qualifie les actes, en vertu desquels elle perçoit tel ou tel droit, mais que c'est uniquement la loi civile qui reste souveraine à cet égard, sans qu'il y ait à considérer si dans tel cas déterminé, la loi fiscale pour favoriser le commerce ou l'industrie, frappe d'un droit mitigé tel acte juridique comme l'apport d'un immeuble à une société commerciale dans l'acte constitutif de cette société;

Attendu qu'il est incontestable que, dans le cas actuel, au· moment où l'apport des quarante-cinq quarante-huitièmes de l'immeuble dont s'ag·it a été fait par cet acte à la personne morale qu'il créait, il y a eu mutation au sens de la loi civile ; qu'en effet, un bien est sorti du patrimoine de personnes déterminées pour entrer dans celui de la personne morale auquel cet acte même donnait naissance ; que cette personne morale ayant une personnalité distincte de celle des fondatem·s de la société était, dès sa création, un tiers vis-à-vis de ceux-ci et que ce tiers acquérait 11ar voie contractuelle le contrat constitutif de la société à une part indivise de l'im­meuble dont l'acquisition partielle subséquente par la demanderesse a donné lieu au litige actuel ;

Attendu, dès lors, que c'est à juste titre que le défendeur a fait application, lors de .cette dernière acquisition, des dispositions de l'article 4 ~t que la perception établie IJar le receveur des actes civils est régulière ;

Par ces motifs, Le Tribunal, statuant contradictoirement, de l'avis conforme de M. Amy; substitut

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312 JURISPRUDENCE

du Procureur du Roi, donné à l'audience publique du 12 février 1931, déboute la: demanderesse de son action et la condamne aux dépens.

Observations. - La disposition exceptionnelle contenue en l'art. 4 de la loi du 15 mai 1905 est certes celle qui, dans l'application de cette loi, a engendré le plus de difficultés. Elle intervient en matières d'ap­ports sociaux lorsqu'une société peesormalisée après avoü~ acquis, par voie d'apport, une paet indivise dans un bien, devient ultéPieuremeot propriétaire de la totalité de ce bien, so:it par voie cPapport, soit pat•· une vente de part restante. Pareil cas entl'e, en effet, dans le cadre du dit article 4. A cet égard, il faut se rallier aux arguments produits

1 par le TJ'ibunal de Tournai en réponse aux objections des demandem's. ·Tou tet ois, il y a lien de faire observeP, que, lors de la seconde acqui­

sition, par la société, après laquelle celle-ci devient propriétaire de la totalité elu bien, l'article 4 recevra on non application suivant que cette acquisition aura été réallsée par apport ou par vente.

Dans l'hypothèse de rapport, il n'y a pas de place, en effet, pour l'application de la disposition en question et la pm·ception de clt>oits de mutation. Les deux actes successifs d'acquisition par la société consis­tent en " apports sociaux ". Seul donc le droit spécial cr np port est né, tout comme si le h.ien tout e:1tier était entr·é dans le patrimoine social en suite d'un seul acte d'apport plutôt que de deux actes successifs. Et la perception de ce droit spécial d'apport exclut celle de tout auü'e deoit d'enregistrement : elle épuise le d1·o.it elu fisc. Au surplus, la fr·aude ou le pr·éjuclice subi par le Trésor - raison d~être de la dispo­sition particulièr·e et exceptionnelle de l'article 4 - ne saurait être ici envisagée, puisque la société est en deoit d,acquérir, moyennant la perception du d1~oit réduit instauré par la loi du 30 aoùt 1913, la tota­lité du bien, et il appa1·aît sans importance qu'elle- d~ctlise cette acqui­sition au moyen d'un acte unique œapport ou de plusieurs actes succes­sifs de même natuee.

~ais. le p1~oblème. se présente sous un jour différent si, a11 lieu d~êtl'e réalisée par un acte d'apport, la mutation de la part restante se fait, dans lfl chef de la société, par un acte de vente 1:"1 celle-ci. En ce cas, le droit spécial d' appol't étant exclu sue ce 1

1

deuxième acte, le deo.it d'enregistrement J'este dù en vertu de rarticle 4 de la loi de 1905,. dans les termes duquel, nous l'avons dit, se retrouve l'opération. Il n'existe, dès loes,"plus de raison d'en éviter l'application rigoureuse~

Il est bien vrai que le Fisc serait mal venu à prétendre, ainsi qu'on

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JURISPRUDENCE 313

l'a objecté, qn'il serait fe.usté si l'on se contentait de ne percevoir le· droit de mutation que sm' la valeur de la part ayant fait l'objet de la vente, ni qu'il pourrait être victime d'une fraude de l'espèce de celle qu'a visée le législateur en instituant la disposition de l'article 4; car les parties, nous venons de le voir, eussent pu transmettre l'in1égra­lité elu bien a la société sous le couvert du seul df'oit réduit d'apport. Une telle argumentation apparaît sans pertinenee. Que les parties eus­sent eu la faculté d'éviter, en dehors de toute f1~aude ou irrégularité, la charge de droits onéreux~ en ayant recours à d'autres actes juridi­ques que ceux qu'ils ont eux-mêmes clwi8js, il n'importe. L'opération, telle qu'elle a été jm·iclic1uement réalisée~ entre-t-elle dans le cadre de l'article 4 : tout est là. Dans l'affir·mative, cette disposition doit être appliquée, à moins que les actes, ·au moyen desquels elle s'est accom• plie, ue tombent sous le coup d'une perception spéciale, exclusive de

. toute autre, tels des actes à' apports successifs dans rhypothèse que nous avons exposée ci-dessus (l). .M. F,

No ~173.- Cour d'appel de Liége. - 8 décembre 1930. Prés. : ?t'I. Louche; Min. publ. : M. Pepin, av. g·én.; Pl. : Mtres Lalou et Goi!Jot

cf C. Dupont, avocats. 1 '

(Poitie1' cf Etat belge).

Enregistrement. - Société en nom collectif. - Apport de terrains par · les associés.- Attribution des terrains avec les constructions y édi­fiées par la société. - Absence de d1•oit de mutation sur les terrains.

1./art. 4 de ta loi d'lt 16 mai 1905 n'est applicable que pour autant que l'att1'ibnlion de la totalité d'un bien de la société en ait acquis au p1'éalable une part indivise conven­tionnellement.

An cas oü les bâtiments ont été édifiés par la société sur les terra(ns appo1'tés par les associés, il est inexact de prétendre que c'est conventionnellement que les bâtiments sont clevenus la prop1'iété des associés indivisaires, mais c'est par 'Voie d'accession, mode légal d'acquisition, qn'Us sont entrés dans -l'avoir de la société.

Vainement sontient-on que les bât'iments ne sont que l'accessoire dn sol qui leur sert d'assiette, qn'ils n'ont tJasd'existence propre et indépendante et que, par vole de con­séquence, en acquérant conventionnellement le terrain nn, les associés mit virtuêllement acqnis les constmctions; la pro]JTiété du sol et de la superficie peuvent êt1'e divisées et le démembrement de la propriété peut être l'effel de la prescription ou de la p1'euve con­traire;

(1) Dans le même sens que le jugement de Tournai Ci\'. Brux., 8 mai 1930 Rec. gén. de l'en1'eg., no 16;848.

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314 JURISPRUDENCE

Si, conune le porte le 1'apport de M. Tibbaut à la Commission de la Chambre des Représentants, c'est le bien tout entier, les plus-values y comprises, qui est fi·appé du droit proportionnel de mutation, cette totalité du bien c'est, dans l'espèce, le terrain tlans l'état oit il se trouvait au .fonr de la constitntion de la société sans les construc­tiozts, qui sont vennes s'y ajouter non comme plus-values mais par voie d'accession, mode légal d'acquisition étranger à toute convention.

Attendu que par acte avenu le 21 février 1925, devant Maitre Ll~yh, notaire à Spa, eureg·istré, les siem·s Wayaffe et Vandistadt ont constitué sous la raison sociale Wayaffe et Ge une société en nom collectif ayant pour objet la construction et la vente de maisons à érig·er sur les terrains apportés par les deux associés à savoir : Vandistadt un terrain sis à Weg11y estimé 30.000 fr. et Wayaffe une pm·c~lle de

·terrain en nature de carrière situé même commune, évalué i893, 75 fr. ; Attendu qu'en conformité du but social quatre maisons furent édifiées sur le ter­

rain provenant de Vandistadt; Attendu que par un second acte passé devant Maitre Pottier, notaire à Spa, le

29 février 1920, également eme~ristré, il fut procédé à la dissolution de la dite société et que l'actif social tout entier dont le terrain apporté par Vandistadt évalué pro fîsco à 20.000 fr. ainsi que les quatre maisons estimées 46.000 fr., fut attribué ù 'Vayaffe moyennant paiement par celui-ci ù son co-associé d'une somme de -125.000 fr. et la prise à charge de la totalité du passif chit·ographaire se montant à la somme de 5 000 fr. ;

Attendu que l'administration de l'enreg'istrement se basant sur l'article 4, § '1, de la loi du ·15 mai '1905 et sur l'article 7, § -1, de celle elu 30 aoùt 19i3, a perçu sm· ·~et .acte le dt·oit de mutation à titre onéreux et celui de tt·anscription, soit en tout 9,60 °/o non seulement sm· 1~ valeur du terrain nu, mais également sur celle des construc­tions, soit au total la somme cle 10.080 fr. ;

Attendu que l'appelant soutient que cette l)erception est exag·ét·ée et qu'elle ne devrait être affectée que sm· la valem du sol, tanLiis que les constructions n'étaient passibles que du droit de partag·e de 0.60 °/o; qu'il conclu,t donc à ce que l'admi­nistration intimée soit condamnée à lui rembourser la somme de 81i5fr., représen­tant le montant des droits d'enreg-istrement et de transcription perçu indûment sur les constructions y compris une somme de 525 fr., montant du droit payé lors de l'acquisition du terrain Vandistadt, par les associés ; que l'intimé reconnaît le hien fondé de la demande en ce qui concerne ce dernier poste seulement;

Attendu que l'article 4, § J, de la loi du H> mai 1905 invoquée par l'administra­tion ùe l'eureg·istrement pour établir sa perception stipule que « lorsqu'un tiers a acquis conventionnellement une part indivise de biens appartenant à une ou plu­sieurs personnes, le droit proportionnel établi pour

1

1es ventes est dû sur la valeur des biens dont la totalité lui advient par l'effet d'un} cession ou d'un partag·e ulté­rieur, sauf déduction du droit payé du chef de I'acq~1isition de la part indivise » ;

Que cette disposition a ét<~ votée par le législatem· en vue d'empêcher que par la création d'indivisions fictives suivies de partag·es appropriés aux intentions des intéressés, l'on arrive à se so~straire au paiement des droits dus à raison de muta­tions immobilières ;

Attendu que de son côté l'article 7, § ,J, de la loi du 30 août 1913, en disposant .que la perception des droits d'enregistrement et de transcription sur les biens dépen-

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JURISPRUDENCE 215

dant de sociétés en nom collectif et en eommandite simple, sera calculée comme si ces biens apnartiennent persomiellement et individuellement et indivisiblement aux associés, a eu pour but de permettre l'application de l'article 4 de la loi de '190;), dans les cas où par suite d'un partage ou d'une eession équipollente, l'un des asso­ciés est devenu propriétaire de la totalité d'un ou de plusieurs biens ayant fait par­tie de l'avoir social ; que l'exposé des motifs de celte loi rappelle que sous la légis­lation antérieure, il était généralement admis que lorsqu'un immeuble avait fait l'objet d'un apport dans une société constitutive d'une individualité juridique tout associé pouvait devenir ultérieurement propriétaire des biens de la société sans être tenu de payer le droit proportionnel établi pour les transmissions immolJilières ; que c'est en vue d'empêchet· toute fraude à ce sujet, qu'il a été décrété que la pro­priété des biens composant l'avoir social d'une so'ciété ne pourrait plus passer clans le patrimoine persolinel d'un associé, de quelque manière que l'acquisition s'opère sans le paiement du droit de mutation (Cass. 20 mai 1920, Pas., 1920, 'i, 165);

Attendu que le·s dispositions légales ci-dessus rappelées étant dérog-atoires aux règles du droit civil comme aussi ù celles du droit fiscal, constituent des exceplions qui doivent être interprétées restrictive melH, que, r,ar conséquent, pour trancher le désaccord existant entre pa1:ties, il y a lieu de rechercher si l'espèce actuelle rentre bien dans les cas d'application visés par la loi;

Attendu qu'en vertu du texte même de l'aPticle 4, § 1, celui-ci n'est applicablr. que pour autant que l'attributaire de la totall.té d'un bien de la société en ait acc1tlis au préalable une part indivise conventionnellement ;

Attendu que si telle était la, situation quant au terrain apporté par Vandistadt an moment de la constitution de. la société, iln'e11 était pas de même relativement aux constructions élevées sur le terrain pendant l'existence de la société ;

Attendu, en effet, qu'à l'époque où celle-ei a été fondée, aucune des maisons attri­buées à Wayaffe n'existait, qu'il est donc inexact de prétendre que c'est convention­nellement que les bâtiments sont devenus la propriété des associés indivisaires mais que c'est par voie d'accession, mode lég·al d'acquisition de la propriété, qu'elles sont entrées dans l'avoir de la société;' qu'il en résulte donc que l'attrilmlion à 'Vayatfe de la totalité elu terrain avec les constructions y élevées aurait donné lieu à la pet·­ce.ption de deux droits différents, dt·oit de mutation du cheï de transmission du sol rt droit de partage quant à la transmission des bùtiments;

Attendu c1ue l'a1·gumentation de l'administration intimée pour fail'e rejeter cette solution manque de base, que vainement soutient-elle que les bâtiments 11e sont que l'accessoire du sol qui leur sert d'assiette; qu'ils n'ont pas d'existence propre et indépendante, que pa1· voie de conséquence, en: acquérant conventionnellement le tetTain nu, les associés ont virtuellemeut acquis les constructions érigées sur ce terrain;

Attendu que ce raisonnement va à l'encontre des principes mêmes du droit civil en supprîmant l'accession comme mode légal d'acquisition de la propriété ;

Attendu que les constructions élevées sur le sol n'appartiennent d'ailleurs pas nécessairement au maitre du terrain, ~que l'article 553 du Code civil qui règle la matièl'e présume simplement que les constructions, plantations et ouvrages élevé.s sur un terrain sont faits par le propriétaire du sol à ses frais, et qu'ils lui appm;tien­nent, mais qu'il ad1üet la preuve contraire de même qu'il reconnaît que l'on peut

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316 JT.7RISPRUDENCE

acquérir par prescription la propriété d'un souterrain sous le bâtiment d'autrui ou celle de toute autre partie du bàtiment; que, comme le dit Laurent (tome 9, p. 254),_ la propriété du sol et de la superficie peut être divisée et le démembrement de la propriété peut être l'effet de la prescription ou de la preuve contraire ;

Attendu dans l'espèce que si les constmctions ne formaient avec le sol qu'un seul bien au moment de la dissolution de la société, cette incorporation qui n'était qu'une conséquence de l'accession avait pour cause deux modes d'acquisition successifs et complètement distincts : l'un conventionnel, l'autre légal;

Attendu que la volonté du législateur de soumettre au droit de mutation la totalité du bien avec toutes ses plus values au jour cle l'acte de cession ou de partage est sans relevance au procès actuel, que, sans cloute, comme le porte le rapport présenté par lU. Ttbbaut au nom de la commission de la Chambre des Représentants, c'est le bien tout entier, les plus values y comprises, qui est fraJ)pé du droit proportionnel dr, mutation; mais que cette totalité du bien c'était, dans l'espèce, le terrain dans l'état où il se trouvait au jour de la constitution de la société sans les constructions qui sont venues s'y ajouter, non comme plus value, mais par voie d'aceession, c'est­à-dire par un mode lég·al d'acquisition étranger à toute convention que l'arlicle 45 L.;

Attendu qu'il se voit de ce qui précède que la Jisposition invoquée ne peut recevoir son application en ce qui conceme les bfttiments construits sur le terrain liti~rieux, le lég·islateur ayant exclu tous les cas où un tier·s devient acquéreur d'une part indivise d'un immeuble social par un mode d'acquisition antre que la convention;

Attendu que le second moyen- invoqué par l'appelant et basé sur l'article 4 § 2 de la loi de 1905, aux termes duquel l'alinéa 'l du même article n'est pas applicable lors­que le tiers acquéreur a acquis avec d'autres la totalilé d'un ou de plusieurs biens sociaux, se confond avec le premier moyen et repose connue celui-ci sur la distinc­tion à établir entre les modes différents de l'acquisition du sol et des bâtiments ; qu'en présence de la solu'tion donnée à la première question il n'y a pas lieu de s'ar­rêter à ce second moyen ;

Attendu que l'ap1Jelant est clone fondé en sa demande, à laquelle il échet de faire· droit en ordonnant à son profit la restitution de la sopnne qu'il réclame;

Par ces motifs, La Cour, de l'avis conforme de M. l'avocat g·énéral Pepin, écartant toutes conclu­

sions autres ou contraires, réforme le jug·ement dont appel, condamne etc ...

Observations. - La difficulté, dont a eu à s'occuper la Cour de Liége, est encor·e une de celles issues de l'application de l'.art. 4 de la loi du 13 mai 1905~ instituant un deoit proportionnel sur les actes de pal'tag·e. L'aerêt que nous comment::;ns réforme un jugement rendu le 28 jar~vier 1929 par le Tribunal de Verviers ~Jur.Liége, ·1929, p. 125). La CoÙI' d'appel de Beuxelles. par arrêt, réfor-mant un jugement du Tribunal de Br·uxelles du 27 janvier 1921, s'est peononcée en sens con-· traire (Beux., 15jnill. 1923: Bec. Gén.~ 1924, No 16.073).

Pou1· résoudre le problème, il faut, it notre sens~ partir du principe d'oedre général : " qzwcl solo inaeclifi.catzw ·vel implantatztr solo ceclit ".·-­C'est l'incOI·poration au sol, règle consacrée par les articles 552 et s.

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,JURISPRl'DENCE 317

·du Code civil, notamment l'article 554. A ce sujet, on objecierait erro­nément qu'en Yertu de ces dispositions du Code civil. la prop1·iété des constructions dans le chef du propriétaire elu sol peut ètl·e combattue par la preuvf:l contraire, qu·elle n'est que présomption furis tantwn. Ou remarquera tout d'abord qu'en Fesp8ce, alors que fiscalement (ar-t. 7 al. 2~ loi du 30 aoùt 1913), 'res associés sont toujoues censés être pro­priétaires indivis des biens sociaux, le propriétaire elu sol est, en fait, celui des bâtiments. Mais, surtout, la seule considération vertinente, relathrement au principe fondamental, pr'érappelé, réside clans Fincor­poration qu'il établit des constructions au i'Ol.

L'ar·gument qui consiste a dire que l'accession est uu mode légal d~acquisit.ion est, il est vrai, par lui-même, des plus sérieux. Pourtant, il vient se heurter a la volonté du législatem' de l9C5. Si l'on consulte les travaux préparatoü·es se rapportant ~t l'article 4 - disposition exceptionnelle tant en matière fjscale qu'en droit commun - on vüit~ notamment par· les déclarations de lVI. rribbaut, rapporteur à la Cham­bre, que, les dl'oits clé mutation, pm·tar1t sur la valeur actuelle du bien,

·les plus values qui sont Yenues Faccr·oître y sont comprises. On a con­sidéré que l'acte, passible des dt·o.its de mutation, était censé consti­tuee titl'e d'une vente de la totalité du bien à celui qui, orig-inairement, en avait acquis par conveution 'ttne part indiYise. Et l'on peut ajout~r que, par cette prescription, le législateur avait eu en vue~ non seule­ment de déjouer la feaude mais aussi d'établit' un correctif opposé à''la suppression des droits de mutation sur les actes de partage ou équipol­lents à paetage (Pasin. 1905, No llO~ pp. 128 et 129).

Eu somme, l'opération visée pa1·l' ar·ticle 4 est une~ mais doublement conditionnée : en premier· lieu, pa1· une acquisition partielle en ve~·tu cl'nne convention: ensuite par l'acquisition de la totalité. Une fois certe douUle condition réalisée~ l~al't. 4 s'applique à l'opération iout enl.ièee, les droits de mutation fr·appant la valeur totale elu bien. Les faits ou les actes intel'venus entl'e ces deux termes - tels que plus Yalues passives, travaux d'amélioration, ( onsü'uctions - demeurent i11différent.s et ne sam·a:ient restreindre l'application de l'article 4, en diminuer la rigueur.

Au surplus, ne pourrait-on souteniP. dans le cas d'une société ayant pom· objet la construction d'immeul.Jles sur des terrains apportés par les àssociés, que les constructions, indivises entre les assoeiés en vertu de Part. 7 al. 2, de la loi du 30 aoùt 1913, le sont devcnueB de par le. conteat social, donc conventiolineilemen~ ?

M.F.

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ars JURISPR{;DENCE

No 3174. - Cour d'appel de Bruxelles (7e ch.). - 9 juin 1931.

PrP.s. : l\'1. Morelle; 1\'lin. pub. : 1\I. Huwart, av. g·éiL (J ... of D .. .)

~ Opérations de bourse à terme. - Compétence. - Exception de jeu indices à consulter· (valeurs de spéculation ; disproportion des opé­rations avec les ressources; règlement par différences). - Volonté unilaterale de jouer.

1. En matière cl'e.rception de jeu, la question de compétence se confond avec la question de fond; si l>on estime qu>U 'If a cu des opérai'ions sér'ieuses d'achats cle titres pour les revendre~ l'action se mpporte à des atJtes commerciaux de leur nature et l'exception lie jen n'a pas de fondement; an contraire, s''ilrésulte des circonstances de la cause qu'il n'y a pas eu d'opérations commercü:tles sér'ieuses, mais jen, l'exception de jen est fon­dée f•t la juridiction commerciale est incompétente.

II. La solution de la question d~ savotr s'il y a eu jen dépend des éléments de la cause tels que la sitnation sociale modeste du client, la disproportion des opérations relative­ment à cette situation, la nature spécnlative des valenrs traitées, le fait que tou:es les opérations se sont toujours réglées par différences constituent des circonstances caracté-1'ist'iques de jen on pari.

Il n'est pas nécessaire pour qu''il y ait Ueull'admettre l'e.1·ception de jeu, que les par­ties aient en la volonté in'itiale et commnne de jouer : la volonté de jouer peut se mani­j'ester aprës des opéral'ions de placement; elle ne doit nullement être commune ; un intermédiaire qui rend sc'iemment le jeu jJossible n'a pas plus d'action que le joueur lu·i­mème.

Attendu que l'opposition à l'arrêt par défaut du 3 février 1931 est régulière en la forme;

Attendu que l'appelant conclut en ordre prin ci val à l'incompétence du 1er juge, en ordt·e subsidiaire à entendre déclat·er l'intimé non fondé en sa demande;

Attendu qu'en cette matière la question de compétence se confond avec la ques­tion de fond ;

Attendu, en effet, que si l'on estime qu'il y a eu des opérations sérieuses d'achats. de litres pour les revendre, l'action se rapporte à des actes commerciaux de lem tÎature et l'exception de jeu n'a pas de fondemrnt;

Altendu, au contraire, que s'il résulte des circonstances de la cause qu'il n'y a pas eu opérations commerciales ~érieuses, mais jeu : l'exception de jeu est fondée~ et la juridiction commerciale est incompétente ;

Attendu que la solution de cette question dé [)end des éléments de fait de la cause ; Atteudu qu'en l'espèGe l'appelant est un employé de baüque de situation modeste ; AtLeudù que les opérations ont porté aux diverses liquidations sm· des sommes

de tH5Ji9l - 298.1.74- 389.365- 384.652 - 408 454 etc., pour les achats et sur des sommes correspondantes (plus ou moins dJtrérence de cours) pour les ven~s; · 1

Attendu que toutes ces valeurs sont pat·mi celles dont s'occupe le plus la spécu-laLion ; ''

Attendu qu'aucun titre n'a jamais été levé par l'appelant;· que tous les titres.

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JURISPRUDENCE 319

achetés étaient, d'après les bordereaux, toujoui·s revendus avant la liquidation : de sorte qu'à chaque liquidation il y avait uniquement une différence de débit et de crédit;

Attendu que seml)lahle opération porte bien en elle-même le caractère du jeu ou pal'i : qu'elle n'indique aucune volonté de faire une opération commerciale, fùt-ce même une opération spéculative;

Attendu que œrtaines décisions ont dédaré, smlout en ces derniers tem])S, qu'il fallait, pour qu'il y ait lieu d'admettre l'exception de jeu, la volonté initiale et commune des parties de jouer ;

Attendu qu'on ne voit pas pourquoi cet~e volonté devrait être initiale et ne pour­rait se manifester après des opérations de placement ou de spéculation commer­ciale : qu'en fait; en la présente cause, les relatious entre parties débutent par une liquidation portant, tant comme achat que comme vente, sur '100 T1·amw. Buenos­Ayres, 200 Tanga, 200 Kaïping·, 2;)0 Kasaï, '100 Thessali et se soldept par une cÜ1fé­rence : ce qui ne pouvait induire l'intimé en erreur sur les intentions de son client ;

Attendu que la volonté de jouer ne doit nullement être commune, car alors il faud!'ait dire qu'on ne pourra opposer l'exception de·jeu qu'à l'agent de change CJUi a été lui-même contre-partie: que ce serait restreind1·e la pmtée de l'artiele 1965 du Code civil; qu'un intermédiaire fJUi sciemmen,t a rendu possible le jeu n'a pas plus d'action que le joueur lui-même ;

Attendu que la décision attaquée objecte qu'il est peu vraisemhlahle que le demandem ait couru le risque de se placer entre une opération réelle l'oblig-eant ù payer et une opération fic ti \'e le laissant sans recours contre le défendeur ;

Mais attendu qu'il est à remarquer que l'intimé avait la précaution d'exig·er à cha­que liquidation le paiement du solde, et restreignait ainsi considérablement son risque; ce qui explique que, pour des opérations très importantes, dont les cour­tages seuls s'élèvent, au dire de l'appelant, à 18.000 fr., l'intimé n'a à réclamer que le solde des deux dernières liquidations ;

Attendu que l'appelant défendeur n'est pas commerçant; que la contestation n'est pas relatiye à des actes commerciaux; qu'il échet de faiJ·e droit à la conclusion prin­cipale de l'appelant ;

Par ces motifs, La' Cour, ouï, à l'audience publique, 1\L l'ayocat g·énéral Iiuwart en son avis,

recevant l'opposition, rapporte l'::.trrêt par défaut du 3 février 193-1, et faisant droit à l'appel, met à néant le jugement a quo, dit que le premier jug·e était incompétent; condamne l'intimé aux dépens des deux instances.

Observations. - ~et ai'J•êt, nous Ie constatons a:vec regret. est en conteadictiou absolue avec·lajurispt'ndence la plus récente (cfJ'. Revue,

·1931, no 3149, les observations et les réféeences citées). Il ne pour-ra~ à notre avis, que contribuer à hfttm· la suppression législative de rex­ception de jeu. La nécessité des relations avec les bourses étrangéres,

·le développement des opérations d'arbiti'age entre Pal"i.s et Bruxelles demandent notamment cette suppression. Cfr : Des conditions de rece~

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-:320 JURISPRUDENCE

vabilité de l'exception dejeu en matière d'opél'ations de bourse pae feu DENEUS! Revue~ 1925, 11° 2597. p. 41 et su.iv.

·cette obseevation générale faite, l'aerêt donne occasion à cerLaines observations particulières sur des points non dépourvus d'intéioêt.

Sur la possibilité pour un client de se renseigner, comme sur le .défaut de pel'tinence des paiements pae solde débitem· ou créditem>, voie Bruxelles, 10 mars 1931 (Ret·ue, 1931, ll0 3149).

Po_ur qu'il y ait jeu, .il faut la volonté commune de jouer. C'est l'évidence, puisque le jeu est un contrat. Mais comme le elit Farrêt, .cette volonté ne doit pas nécessairement être initiale. c. à d. affectee .cléj à la peemière des opét·ations d'une séeie. Des opérations successives penYent, par leur répétition, dégénét·er en jeux de bourse. La Remte l'avait fait remaequet· (Bt·uxelles, 8 juillet 1929, Revue, 1929, ll0 2995). Peut-êtt·e la jtu•isprudence, cléfavo,·able à l'exception de jeu, a-t-elle trop insjsté sur cette nécessité de vouloir jouer dès le commencement des opérations pour en admettre encore l'application. Ma.is la modifi­cation de caractère r1es opérations au cours de leur accomplissement, doit se prouvee et ceLte preuve incombe à celui qui invoque Pexception de jeu.

Atnrmel' que le pari ne requiel"t pas la volonté commune de jouer, tandis qu'il constitue pourtant un conti·at, parait 'f01·t hasardé. On conçoit d'ailleut·s qu'un agent de change, tout en exécutant en bourse des opérations poue compte de son client, puisse êtl'e ou devenir un

jouent' vis-à-vis de son commettant, par suite notamment de la répé­tition des opérations en sens contraire et de leur caractère d'alter­nance. Poul' qt(il y aitjeu de la pm't de ragent, il ne faut pas néces­sairement qu'il soit contrepartie. Ainsi l'intention de j<JUer appaeaît dans les t'eparts de bourse (Cfr. Ret'ue, 1931, 11° 3126) et non dans le repol't peoprement dit.

Ce qui permettra l'application cle rexception, ce n'est pas le paie­ment pae difféeence, modalité de règlement des comptes~ c'est la mul­tiplicité des opérations en sens contraiee.

La façon dont une opération se termine au poiut de vue comptable, 1mrait sans relevance au point de vue de sa validité (Brux., 20 octobee 1926~ Revzte., 1926, no 2733).

Maurice TIENIUEN,

avocat à la Cour d'appel de Bruxelles.

N° 3174