ADERE - NORD

Le Revenu Territorial v2

Le Revenu Territorial - solde des entrées et sorties d'argent dans le territoire1 - est le"carburant" du marché intérieur, condition première du développement économique dela région2.

Connaître préalablement l'origine et le volume des flux qui concourent à former leRevenu Territorial est déterminant pour la pertinence et l'efficacité de la réflexionstratégique régionale. Même approximative, cette connaissance facilite et rationalise larecherche de stratégies concrètes, axées sur les flux les plus importants et prioriséesen fonction de leurs effets actuels et potentiels :

– au plan économique : impacts sur l'offre et la demande intérieures de biens & services, entermes de revenus, de temps, d'investissements et autres facteurs de production ; impacts enretour sur les exportations, importations et transferts ;

– au plan social : impacts sur l'équité de la redistribution du RT dans la population, en termesd'emploi, de santé, d'éducation, de culture, de paix et de sécurité ; et

– au plan environnemental : impacts sur la destruction, la dégradation, la création, la préservationou le renouvellement de ressources naturelles.

Le schéma spatial / financier est simple et peu coûteux à construire à partir de données"ordinaires", sans souci de grande précision. Facile à expliquer, il visualise de manièreordonnée et logique les enjeux économiques de la région ainsi que leurs poids relatifs.Il permet de faire participer les non-spécialistes aux réflexions et aux débats surl'économie locale, et améliore ainsi l'identification, l'évaluation et l'appropriation destratégies imaginatives et pertinentes pour le développement régional.

L'ÉCONOMIE REGIONALE Schéma des mouvements de l'argent entre la Région et l'extérieur

Ventes à l'extérieur du territoire

Achats à l'extérieur du territoire

Flux non-marchands (publics et

privés) entrants et

sortants

LA REGION

L'ÉCONOMIE REGIONALE Schéma de la circulation de l'argent à l'intérieur de la Région

Entreprises Ménages

Salaires

Achat de biens & services

Administ- rations

Salaires

Impôts locaux

Achat de biens & services

Adminis-trations

Ménages

Salaires Im

pôts locaux Achat de Biens & Services

Entreprises Salaires

Achat de Biens & Services

TR

AN

SF

ER

TS

E

CH

AN

GE

S

CO

MM

ER

CI

AU

X

FLUX FINANCIERS REGIONAUX : SCHEMA CONSOLIDE

Aider les acteurs locaux à acquérir une compréhension globale de l'économie de leur territoire en clarifiant et consolidant les perceptions fragmentées, mais souvent perspicaces, qu'ils en ont. C'est dans ce but qu'a été mis au point, dans le cadre du programme Adere-Nord, le petit outil d'analyse économique simplifiée présenté ci-après. Cet outil, qui fonctionne surtout comme support d'animation de la réflexion locale, cherche, en les quantifiant par quelques approximations simples, à donner plus de consistance et de rationalité aux perceptions vécues que les acteurs locaux ont des grands flux financiers qui entrent et sortent de leur territoire. Il est basé sur une approche où le territoire est considéré comme un agent économique en soi, avec ses recettes et ses dépenses, c'est à dire ses entrées et sorties d'argent, tous acteurs confondus (entreprises, ménages et administrations). Les sorties ("dépenses" du territoire) regroupent importations et transferts sortants. Les entrées ("recettes" du territoire) regroupent exportations et transferts entrants. La méthode, basique, consiste d'abord à construire les chiffres d'affaire des grands complexes d'activités ou filières (consommations et productions) dans le territoire, en s'efforcant d'en oublier le moins possible et de limiter les doubles comptes. On estime ensuite sur la base de ratios la part d'importations et d'exportations de chacun des complexes identifiés. Les activités qui réduisent les sorties d'argent sont assimilées à des recettes du territoire (ex. productions locales de substituts d'importations). On obtient ainsi une image approximative des principaux flux financiers entrant et sortant du territoire. Le solde global de ces flux - l'argent qui "reste", ou "revenu territorial" - donne une idée du volume potentiel maximal du marché intérieur - l'argent qui "tourne" dans le territoire (la différence étant l'argent qui "dort"). L'impact des différents flux sur le revenu territorial donne une idée du rôle relatif des différents complexes d'activité dans le développement potentiel du marché intérieur. La première image, rapidement esquissée, peut ensuite être progressivement précisée. Les premières approximations de Gao, obtenues après un mois de travail, continuent d'être affinées progressivement, sans changer beaucoup les proportions entre les différents flux.

Cette façon d'aborder l'économie d'un territoire à travers des flux financiers n'est pas très orthodoxe, mais elle est proche des perceptions des administrateurs et autres acteurs locaux, élus et non élus. Elle leur permet de visualiser et de comparer entre eux des flux qu'ils pensaient ne pas pouvoir connaître sans études longues et coûteuses. Elle change ainsi la perspective des décideurs locaux dans le choix de leurs actions sur l'économie du territoire, en remettant parfois en cause certaines idées reçues. Dans la région de Gao, seule encore à avoir mené au bout l'exercie, l'idée que l'exportation informelle de poisson vers le Niger et le

Nigéria amène dans le territoire un revenu 20 fois supérieur à celui du tourisme, a soulevé incrédulité et résistances, la visibilité des 2 activités étant très inégale. Inversement, le constat que la part des transferts de l'aide internationale qui reste sur le territoire (de l'ordre de 40%) constitue plus du 1/4 du revenu territorial, a conforté les élus régionaux dans leur action de lobbying auprès des bailleurs. Toujours à Gao, le revenu territorial 2007 indique un volume potentiel maximal du marché intérieur de 11 milliards de Fcfa, soit 22 000Fcfa par habitant. Sachant qu'une partie de cet argent (à déterminer avec l'aide des agences bancaires) ne circule pas, ce chiffre donne un ordre de grandeur du marché intérieur, et donc des chances de développement endogène.. Une autre grandeur intéressante est le rapport du revenu territorial au volume global des échanges, de l'ordre de 16%, qui donne une idée de la "productivité" des échanges du point de vue de la région de Gao dans son ensemble. La construction de ces différents chiffres, d'autant plus facile que le territoire est réduit, pourrait appuyer l'élaboration de politiques économiques locales par les élus de toute Collectivité Territoriale. S'ils étaient connus dans toutes les régions du Mali, ils pourraient aussi être un complément utile dans l'élaboration de la politique nationale d'aménagement du territoire.

Toutefois, la connaissance du revenu territorial ne dit rien sur sa distribution et ses utilisations dans le territoire. Des investigations plus détaillées sur la structure et le volume des dépenses des différentes catégories de population sont nécessaires pour identifier la structure des utilisations du revenu territorial et apprécier son rôle dans le domaine social et dans le domaine économique. Les utilisations sociales du revenu territorial accroîssent la consommation finale de biens et services par les populations. Les utilisations productives génèrent, directement ou indirectement, du revenu territorial nouveau en finançant les consommations intermédiaires des productions locales destinées aux marchés extérieurs au territoire, et des activités locales produisant des substituts d'importations pour le marché intérieur et/ou contribuant aux transferts entrants. Cette approche montre que l'emploi, fonction sociale, ne joue un rôle économique pour la région que lorsqu'il concourt à des activités génératrices de revenu territorial. Elle confirme aussi que les productions de substitution aux importations et les transferts entrants jouent le double rôle de redistribution sociale et d'accroissement - direct ou indirect - du revenu territorial.

Cette approche spatiale et simplifiée de l'économie locale permet également d'aborder avec un regard différent le rôle économique de la ville dans le territoire. L'urbanisation, ignorée ou regrettée, n'est pas encore un sujet brûlant dans les préoccupations des décideurs publics du Mali. Mettre en lumière les rôles

économiques des villes dans des termes partageables par tous pourrait contribuer à faire évoluer ce paradigme. La différence majeure entre le rôle économique de la ville de celui du village est la capacité de redistribution, productive et sociale, du revenu territorial,. La ville est plus performante que le village pour la redistribution productive, du simple fait qu'elle concentre plus de moyens de production (hommes, énergie, communications, etc.). Autrement dit, la productivité des villes en termes de revenu territorial par habitant ou par hectare, dépasse inévitablement celle de leur hinterland. La redistribution sociale, contrairement aux apparences, est elle aussi plus importante dans les villes que dans les villages. Malgré des solidarités moins fortes et des inégalités plus grandes qu'au village, la ville offre en effet des opportunités de consommation à un plus grand nombre. C'est pourquoi elle attire les pauvres.. On peut en déduire que la spécificité économique de la ville tient d'abord à la densité de son peuplement par rapport au territoire environnant. La population seule ne dit rien : 5 000 habitants font une capitale régionale dans le nord du Mali mais un gros village dans d'autres régions du pays. Le niveau d'équipement, le rang institutionnel, etc. sont des facteurs importants mais seconds par rapport à celui de la densité relative du peuplement. Appliquée à la ville, l'approche "revenu territorial" pourrait guider l'action économique des décideurs, en leur permettant d'apprécier son rôle économique dans le territoire et l'importance relative des différents flux qui l'alimentent ou le réduisent.

L'approche "revenu territorial" a été mise au point après avoir essayé sans succès de partager le concept de valeur ajoutée, plus orhodoxe, mais qui s'est avéré difficile à comprendre et à manipuler pour les acteurs locaux, et difficile aussi à spatialiser, devenant vite d'une complexité indébrouillable. L'idée était de contourner le "pouvoir" des spécialistes pour promouvoir la participation des acteurs locaux à la réflexion collective sur l'économie du territoire, leurs perceptions "non-scientifiques" étant souvent peu considérées. Le concept de revenu territorial, soutenu par quelques appuis théoriques trouvés chez Davezies et d'autres, notamment Werner Sombart (théorie de la base, 1913), a été soumis à plusieurs experts économistes, qui n'ont pas soulevé d'objection de principe sur sa validité et son intérêt. En revanche, il soulève une résistance chez plusieurs bailleurs de fonds, outrés par la simplicité réductrice de cette interprétation "par l'argent" de l'économie locale, et peut-être aussi par la crainte qu'elle soit utilisée pour estimer l'impact économique de leurs interventions. Le terme "Revenu Territorial" désignait aux 18ème et 19ème siècles le revenu fiscal de la terre ; il n'est plus employé aujourd'hui. La dénomination étant disponible et permettant d'englober l'ensemble des agents économiques, c'est pourquoi il a été retenu.

L'économie régionale : schéma simplifié

Chi

ffres

d'a

ffaire

s ré

gion

aux

Consommations intermédiaires

Vale

ur A

jout

ée

Charges

Salaires

Impôts

Exc

éden

t Bru

t d'

Exp

loi-t

atio

n Transferts

Revenu Brut Disponible

Investissements

Région Reste Mali Reste Monde

+

+

+

+

+

+

Selon leur origine et leur destination, les différents flux d'argent générés par les activités dans la région n'ont pas un impact économique équivalent pour le territoire.

L'argent d'origine extérieure est le vrai moteur d'un développement économique potentiel (secteur "basique").

L'argent qui vient de l'intérieur correspond à une redistribution : fonction économique intermédaire et fonction sociale.

L'argent qui sort du territoire peut être considéré comme une évasion de richesse, perte pour le territoire.

= Revenu

Territorial Extérieur

Rôle économique et rôle social du revenu territorial R

even

u +

Consommations Finales des ménages, administrations et entreprises à marché intérieur

Consommations Intermédiaires des entreprises exportatrices

Rev

enu

+

Consommations Finales des ménages, administrations et entreprises à marché intérieur

Consommations Intermédiaires des entreprises exportatrices

Rev

enu

+

Consommations Finales des ménages, administrations et entreprises à marché intérieur

Consommations Intermédiaires exportateurs

Ventes à l'extérieur

Ventes à l'extérieur

Rev

enu

+

Ventes à l'extérieur