ÀGretchen,KarietZareen.Nousautresauteurssommestoujoursheureuxdepouvoircomptersurunéditeurdetalent.

Moi,j’enaieutrois.Merci,lesfilles,pourvosconseils,voscorrectionsetvotreenthousiasmepourlesGardiensdel’Ombre.

Ilsn’existeraientpassansvous.

PROLOGUELamort rôde. Le clair de lune filtre à peine par la fenêtre. D’habitude, cette lueur m’apporte

beaucoupderéconfort.Maiscesoir,seulConnorcompte.Allongéesurlescouvertures,jepromènemesdoigtssurletorsenudeConnor,quin’apasdaigné

enfilerlesweatquejeluiairapporté.—N’aiepaspeur,Brittany,mesouffle-t-ild’unevoixdouce.Maiscommentnepascéderàlacraintealorsquenousrisquonsdemourird’uninstantàl’autre?

Cetteéventualiténouspousseàprofiterdesderniersmomentsquinous sontofferts surcette terre.Tousnosrêvesflottentdansl’air,commeautantdeprojetsabandonnésàjamais.

Connormetientcontrelui,seslèvrestièdessurmatempe.Jesenslesbattementsréguliersdesoncœursousmamain.Rienàvoiravecmonpoulsdéchaîné!

Ilpromène sabouche surma joue,humemapeau, et j’enfouismonvisagedans soncouoù, àmon tour, je respire son odeur.Même à l’intérieur de cette prison, il sent les grands espaces, lefeuillage,lenectarsucré.Toutcequej’aime.

J’aitantdésirésentirsesmainssurmondosquejevoudraisquecetinstantdureuneéternité.—N’aiepaspeur,répète-t-il.Puis labêtesauvagequidorten lui reprend ledessus,et ilsemetàm’embrasseravecpassion,

comme si toute cette fougue pouvait repousser le danger. Je lui rends son baiser avec une égaleardeur. Jeveuxgoûter à lavie,mêmesi j’ai conscienceque tout cecin’arriverait jamais en tempsnormal.

Nousavonstoutperdu.Ilnenousresteplusqu’àsavourercequireste.—Jet’aime,Brittany,murmure-t-il.Unevaguedefrissonsmetraverse.Moncœurbatàtoutrompre:ilvientdem’offrircedontj’ai

toujoursrêvé.Ceàquoijepensaisnejamaisavoirdroit.Sonamoursetransformera-t-ilenhainequandilcomprendraquejel’aitrahi?

1Huitjoursplustôt.C’était le grand soir, celui que j’avais attendu toute ma vie. Ma première transformation. Ma

premièrevraiepleinelune.Jepatientais,assisesurlesvêtementsquejevenaisderetirer,dansunepetiteclairièreaucœurde

la forêt.Nous étions aumois de juillet, pourtant j’avais la chair de poule, carWolford, notre citésecrète,sesituedansunparcnationalàlafrontièrecanadienne.Etquandlesoleilsecouche,lesnuitsysontfraîches.

Cette transformation, j’en rêvais plus que tout. Même si je rêvais aussi de me trouver uncompagnon…Cependant,j’étaispersuadéequ’aprèscettenuitsymbolique–aprèsm’êtreprouvéquej’envalaislapeine–ungarçonallaitenfinmechoisir.

J’avais fêtémes dix-sept ans trois jours plus tôt, et c’était la première pleine lune depuismonanniversaire.Unefoisqu’elleauraitatteintsonzénith,jemetransformeraisenunemagnifiquelouve.

Cefilm,jemel’étaisrepassédescentainesdefois:j’allaisabandonnermonenveloppehumainepourrévélercequiavaittoujoursdormienmoi.J’étaissiimpatientequej’enoubliaisd’êtreinquiète.Monpelage seraitnoirbleuté, commemescheveux.Mesyeux, eux, resteraientbleu foncé.Unpeuplustôt,cetété-là,alorsquenousbuvionsdesbièresavecd’autrescampeurs,Connorm’avaitditquemes yeux lui rappelaient l’océan.Certes, cesmots dictés par l’alcool ne valaient pas grand-chose,maisilsavaientrenforcémonespoirqueConnordevienneunjourmoncompagnon.Espoirbrisépeuaprès.

Depuislanuitdestemps,lesgarçonsdenotreespècechoisissentleurcompagneavantsapremièretransformation,maisaprèsavoirdéjàsubilaleur.Eux,ilssetransformentseuls,contrairementauxfilles qui ont besoin de la présence d’un compagnonpour augmenter leur plaisir et diminuer leursouffrance.Jamaisaucunefille,paraît-il,n’asurvécuàsapremièretransformationensolitaire:sanscompagnonpourl’assister,elleestcondamnéeàmourirdansd’atrocessouffrances.

Ettelétaitlesortquim’attendait,étantdonnéqu’aucungarçonnem’avaitchoisie.LesSagesdenotreclan,nosguidesspirituels,avaientbiententédemecaseravecDanielpourlanuit.C’étaitsympadeleurpart,mais,nonmerci,jenevoulaispasmeretrouveravecn’importequi.Moi,lecompagnonquejevoulais,c’étaitConnorMcCandless.

Alors,deuxjoursplustôt, j’avaisquittéWolfordaubeaumilieudelanuit.JesavaisqueDanielpouvaitmesuivreàlatracegrâceàsonflair,maisjesavaisaussiqu’ilrespecteraitmadécisiondepartirsanslui.Ilyavaitsûrementunefillebienquil’attendait,quelquepart,saufquecettenana,cen’étaitpasmoi.

Lapremière transformationétantuneétape super intimede lavied’une fille, jenevoulaispasqu’unbouche-trouprennelaplacedemonvraicompagnon.Et,dansmoncœur,cevraicompagnonserait toujoursConnor.Si jem’étaisfaitaiderparquelqu’und’autre, j’auraiseul’impressiondeletromper.Jesais,c’étaitnul,carnousneserions jamaisensemble, luietmoi.Maisvousconnaissezdesgensquisaventcontrôlerleurssentiments,vous?

Ma mère, comme une copine pour un premier rendez-vous, m’avait même proposé dem’accompagner.Beurk ! Ilyavaitdeschosesque jenepouvais tout simplementpaspartageravecelle. Du coup, je l’avais encouragée à faire son voyage annuel en Europe. Je n’avais besoin depersonne.

Pourtant, tandis que je me concentrais sur la lune, beaucoup plus puissante que les gens nel’imaginent, un étrange sentiment de solitude me submergea. Ce soir-là, Connor se trouvait avecLindsey qui, elle aussi, subissait sa première transformation. L’été d’avant, il avait fait d’elle sa

compagnedevantlameuteaugrandcomplet.Ilcroyaitavoirtrouvélegrandamour.Mouais…Cesderniers temps, j’avais remarqué que Lindsey s’intéressait d’un peu trop près à Rafe. Je croyaisqu’elle aimait Rafe, mais au final elle se retrouvait quandmême avec Connor. Et son choix étaitirrévocable.

Si seulement Connor m’avait choisie ! J’adorais le voir se passer les mains dans sa crinièreblondepourdégagersesmagnifiquesyeuxbleus.Ilétaitgrand,fortetavaituncorpssculptéparlestransformations.CommetouslesLycansmâles,c’étaitundangereuxprédateur.Tropsexy!

Attention,iln’yavaitpasquesonphysiquequimeplaisait!J’aimaisaussisamanièred’analyserlessituations,d’envisagerdiversessolutions,etlefaitqu’ilnesetransformaitpasaumoindresignededanger.Bref,c’étaitquelqu’underéfléchi.

Etj’auraisaiméqu’ilfassepreuvedecettemêmesagesselejouroùilavaitchoisiLindseypourcompagne. Car, comme le voulait la coutume, il s’était fait tatouer sur l’épaule un signe celtiquereprésentantleprénomdecelle-ci.

J’aizappél’imagedeConnoretdeLindseyensemble,vêtusdelatogecérémonialeréservéeauxcouples sur le point de s’engager. Il paraît qu’unepremière transformation lie un couplede façonindissoluble.Etqu’iln’yapasquelalunequivouscaresse,voustoucheetvousmurmuredesmotsdouxàl’oreille…

J’ai gémi et banni ces images de ma tête. J’allais déjà beaucoup souffrir durant matransformation,paslapeined’enrajouter.

J’ai levé la têtevers lavoûteétoilée.La lune,guidedenotredestinée,brillaithautdans leciel.J’allaiscommenceràressentirseseffetsd’uneminuteàl’autre.

Jamais personne ne parlait de sa première transformation, car c’était un moment intime,l’équivalentdesapremièrefois.Malgrétout,jem’étaissentieobligéededemanderconseilàKayla,quiavaitsurvécuàsapremièretransformationlorsdeladernièrepleinelune.Ellem’avaitexpliquéavoir eu l’impression que la lueur de la lune la touchait demanière tangible, qu’elle intimait à lalouvequisommeillaitenelledeserévéler.

Inquièteà l’idéedepassercetteétapeseule, jem’étaispréparéetoutel’année: jogginglematinpouraugmentermonenduranceetséancesdemuscu.J’avaissculptémoncorpsafindemettretoutesleschancesdemoncôtépourlegrandsoir.Ainsi,quandlalouveenmoiseréveillerait,jeseraisenmesuredel’apprivoiser.J’avaishâted’yêtre!

Sijesurvivais,j’allaisentrerdanslalégende.Jevoulaisprouverquenous,lesfilles,onpouvaitaussibiensurvivreseulesàcetteétapequelesmecs.Rasleboldecestraditionssexistes,onétaitauXXIesiècle!Notreespèceavaitdéjàsonlotdetraditionsringardes.Moi,j’avaisdix-septans,j’étaislibre,prêteàassumermadestinée.AvecousansConnor…

J’aifermélesyeuxetimaginéqu’ilétaitlà,soncorpstoutprèsdumien,sesmainsautourdemonvisage.Puisjel’aiimaginésepencherpourm’embrasser.Seslèvresbalaieraientlesmiennestandisqu’ungrognementsourdmonteraitdanssapoitrine,etlalouveenmoiluirépondraitd’unevoixplusdouce.Onseraitdanslesbrasl’undel’autre,onsurmonteraitlesvaguesdeplaisiretdedouleur,puisonsetransformeraitensemble…

Ces pensées réconfortantes pourraient, avec un peu de chance, m’aider à mieux supporter ladouleur qui allait bientôt me tomber dessus. Sauf que ladite douleur mettait un sacré temps à sedéclarer.

C’estnotreADNquidéterminesi,ouiounon,onpeutsetransformer.Malheureusement,pluslejour J approchait, plus je me réveillais en ayant rêvé que le soleil se levait sans que je me soistransformée.

Kaylam’avaitditqu’elles’étaitsentiedifférentebienavantlejourdesesdix-septans,avantmêmequ’ellen’apprenneofficiellementqu’elleétaituneLycan.Ormoi,jenesentaisriendespécial.

Je savais que j’allais finir la nuit sous forme de louve, pourtant je ne sentais rien venir. Enrevanche, je commençais à avoir la trouille, car j’avais toujours l’impression d’être une Statique(c’estuntermepéjoratifquenousemployonspourdésignerleshumains).

Non, non, non : j’étais une Lycan, mes parents étaient des Lycans et j’avais grandi parmi lesLycans.

J’aiessayédeprovoquermatransformationpar lapensée.Plustard, j’allaisêtrecapabledemetransformer à volonté, mais là, il fallait que je sois patiente. Autant dire que c’était missionimpossible!Jevoulais tantrejoindrelesGardiensdel’Ombre, lesprotecteursdenotreespèce,ceschevaliersquinouspréserventdesattaquesextérieures…Cesdernierstemps,undangereuxennemimenaçaitdenousexterminer,etlaconfrontationfinaleapprochaitàgrandspas.Jevoulaisêtredelapartie.

Cesoir-là,j’allaisenfinmedébarrasserdecestatutd’apprentiequicommençaitàmepeser…àconditionderéussirmatransformation.

J’airouvertlesyeux.Laluneétaitdéjàplusbassedansleciel.Impossible!Jen’avaistoujourspasressenti de changement. Peut-être que ma transformation avait eu lieu sans que je m’en rendecompte?J’airegardé.Non,j’étaistoujourshumaine,paslalouvequejem’étaisimaginédevenir.

Ets’ilfallaitquejememettedebout?Jemesuislevée,lesbrastendusversleciel.J’auraisvouluinvoquerquelqu’un,quelquechose…

Au loin, un hurlement a retenti dans la nuit. Je ne connaissais pas cette voix. Était-ce celle deLindsey?

Jen’allaistoutdemêmepasresterlà,lesbrasballants!Jemesuismiseàcouriraprèslalunequidéclinait,commesijepouvais…

Commesijepouvaisquoi?Remonterletemps?Jemesuiseffondréeàterre,enpleurs.C’étaittropinjuste!Mêmesi,pourêtrehonnête,jel’avais

toujoursredouté.Lapreuve:pourquoiConnorn’avait-iljamaiscomprisquej’étaissonâmesœur?Pourquoim’avait-ilpréféréLindsey?

Untrucclochaitchezmoi, je l’avaisdéjà remarqué.J’étais toujoursàpart,malgrémesefforts.Oh,bienentendu,lesautresremarquaientmaprésence,maisilyavaitdeladistanceentreeuxetmoi.

Net’approchepastrop,Brittany.Tuesl’unedesnôtres,maisiln’yaaucunlienentrenous.Lesfillesveulentbienteparler,maisjamaispourseconfier.Cesontdebonnescopines,pasdesamies.Lesgarçonst’acceptentdansleuréquipe,maispasquestiondevenirtedraguer.Blablabla.

Jamais aucun garçon ne m’avait proposé de sortir avec lui. Personne ne m’avait jamaisembrassée.Personnenem’avaitjamaisdévoréedesyeux.

Ma transformation avait-elle échoué parce que je n’avais pas de compagnon ? Peu probable :seulelalunenouspermetdenoustransformer.C’estellequinousappelle.

J’aipenchélatêteenarrière,etj’aihurlé…Maisçaneressemblaitpasauhurlementd’unelouve.C’étaitlecridésespéréd’unehumaine.Unehumainedontl’âmeetlecœursebrisaient.

Jen’étaispasuneLycan.Moi,BrittanyReed,jen’étaisrien.

2Lafatigueavaitdûprendreledessus,carjemesuisréveilléeaveclalumièredusoleilquidansait

àtraverslesfeuillesau-dessusdemoi.Jemesouvenaisjusted’avoirhurléjusqu’àcequemagorgeetlespoingsquejecognaisparterremefassentmal.

Moi qui adorais la nature, tout à coup, je neme sentais plus en harmonie avec elle, et j’avaisl’impression que les arbres se moquaient de moi. Il fallait que je retourne àWolford. Là-bas seréunissaient les Gardiens de l’Ombre pour décider des meilleures stratégies à adopter afin deprotégernotre–leur–espèce.Eneffet,Bio-Chrome,unlaboratoirederecherchequiavaitdécouvertnotre–leur–existence,étaitdéterminéàpercerlesmystèresdelatransformation,quitteànous–les–tuer.

Stop!Oustlespenséesnégatives!Cen’étaitpaseux–lesLycans–contremoi–lanon-Lycan.C’étaitnous,tousensemble.D’accord,j’avaiseuunlégerbug,maisrienn’étaitjoué.C’étaitsûrementun dysfonctionnement de la nature, facile à corriger. La date de la pleine lune était peut-être tropprochedecelledemonanniversaire.Jedevaisavoirbesoind’unnouveaucycleafindepréparermoncorpsàlatransformation.Oualors,ladatesurmonactedenaissanceétaiterronée.Bonsang,jemerattrapaisvraimentauxbranches!

Personne ne devait apprendre que ma transformation n’avait pas eu lieu. J’avais patienté troplongtemps, déployé trop d’efforts pour gagner le respect de lameute. Je refusais de croire que jen’étaispasuneLycan.Ildevaitbienyavoiruneraison!Etj’allaislatrouver.

J’aiattrapémonsacàdosavantdeprendrelaroute.Laveille,j’avaisprévuderegagnerWolfordàquatrepattes,dansmanouvellepeaudelouve,lafourrureauvent.Maislà,jemetraînaisd’unpaslourd.Ilyavaitforcémentuneexplication.Jepouvaispeut-êtrem’adresserauxSages;ilsétaientsivieuxqu’ilsdevaienttoutsavoir.Maisnon,jepréféraisquandmêmequepersonnenesachelavérité.

Car s’ils ladécouvraient, j’allaisà tous lescoups leur fairepitiéouhorreur.Nous, lesLycans,vivons au contact des humains, mais plutôt mourir que de ressembler à ces pauvres créaturesprisonnièresdeleurcorps!Et,quisait,ilsrisquaientdemerejeter.Unrisquequejenepouvaispascourir,avec ledangerquiplanait. J’étaisuneGardiennede l’Ombre,point final.Maiscommentseregarderdanslemiroiraprèstoutça?

Commej’avaispeurquelesSagesn’aientenvoyélesGardiensàmarecherche,j’aifaitundétourpourregagnerWolford.J’avaisbesoindemeretrouverseule,histoirederéunirlaforcenécessairepourdissimulerlavérité.Çan’allaitpasêtredugâteaupourmoiqui,d’habitude,suistoujoursdirecteetréaliste.Maiscetteréalité-làétaitvraimenttropdureàaffronter,mêmepourmoi.

Très peu de gens me connaissaient réellement. S’ils découvraient mon incapacité à metransformer, ils allaientme prendre pour unmonstre. C’était déjà hyper lourd de supporter leursregards en biais parce que je n’avais pas de compagnon, alors ne parlons même pas de matransformationratée.

Peu avantmidi, j’ai découvert les restes d’un feu de camp sur la berge d’une des rivières quicoulentdansleparc.Lecœurcognantàtouteallure,jemesuisagenouilléepourtoucherlescendres.Froides.Jen’avaisremarquéaucunelumièrelaveille:onavaitdûdressercecampplusieursjoursauparavant.Pourtant,j’avaislesentimentquecesvestigesétaientplusrécents.

Mesyeuxsesontarrêtéssurlarivièrequicoulaitàlavitessedel’éclair.J’aitressailli:quelqu’unauraittrèsbienpuvenirencanoëets’installericipourlanuit.Plusbas,larivièreformaitunesériedeméandres serrés où l’eau se déversait, torrentielle. Un coin idéal pour les mordus de sport,accompagnés d’un guide lycan qui leur faisait faire demi-tour dès qu’ils arrivaient trop près deWolford.

Mais,paranocommejel’étais,monmauvaispressentimentpersistait.J’aiinspectéleslieuxavecprécaution et remarqué quatre empreintes différentes de bottes. De toute évidence, elles étaientarrivéesetrepartiesparlarivière.Ilyavaitunsillondanslaberge,sûrementlaisséparuncanoë.

Del’autrecôtéducamp,j’aitrouvéunezoneoùl’onavaittentédecamouflerlesempreintesdepas en les balayant à coups de branches. Leurs marques disparaissaient au niveau d’un tapis defeuilles.J’aiattrapéunlongbâtonaveclequelj’aiinspectélesbuissons.Soudain,unmécanismes’estactionnéàl’endroitoùjesuspectaislaprésenced’unpiège,etunemâchoiredefers’estreferméesurmonbâton,mel’arrachantdesmains.Unecordeestremontéedanslesairsavantdefinirsacourseau-dessusdematête,libéréeparlesbranchesd’arbresquiavaientlestélepiège.Unpiègesommaire,maisquin’endemeuraitpasmoinsredoutable.Àenjugerparsonaspect,ilétaitdestinéàattraperunanimaldetaillemoyenne.Pasunlapin.Niunours.Maisunloup.

Unfrissonglacialm’aparcourul’échine,etj’aireculé.Jeconnaissaislescoupables,j’enauraismismamainaufeu.Cen’étaientnidessportifs,nideschasseurs.

C’étaitBio-Chrome,notreennemijuré.IlsavaientpassélavitessesupérieureafindecapturerunLycan.EtilsétaientsurlepointdedécouvrirWolford.

Ilfallaitquejerentrevite,quej’avertissetoutlemonde.Pourvuqu’ilnesoitpasdéjàtroptard…EnarrivantàWolford,j’aiétésoulagéedevoirlaprincipalebâtissetoujoursdebout.Iln’yavait

aucunetracedeviolence,rienquisortaitdel’ordinaire.Àlatombéedelanuit,j’aienfinatteintleportailenferforgéquientouraitnotrecité.Deuxcents

ansauparavant,laplupartdesLycansvivaientencoreici,coupésdumonde.Maisdepuislarévolutionindustrielle, ils s’étaientmélangés aux humains pour contribuer aux évolutions de la société et enbénéficier.Toutefois, les bois restaient notre véritable demeure, le seul endroit aumondeoùnouspouvionsêtrenous-mêmesetenêtrefiers.

J’ai glissé une clé magnétique dans la fente du portail. Cette combinaison de modernité etd’archaïsmeétaitbizarre : sionutilisaitdesclésmagnétiquespourentrer,onpratiquaitencoredesrituelsancestrauxoùlesgarçonschoisissaientleurcompagne.Allezcomprendre.

Jesuisentréeetsuisrestéeplantéelàpendantqueleportailserefermaitdansunclaquementquiarésonnédanstoutmoncorps.Aucunennemin’avaitjamaispénétréenceslieux,jem’yétaistoujourssentieensécurité.J’aifermélesyeuxetinhaléàfondpourrespirerlasérénitédemesancêtres.Maisjenemesentaispluslabienvenue,commesij’étaisdevenueuneétrangèreou,pire,unimposteur.

J’aurais aimé que ma mère soit là. D’habitude, je n’avais pas besoin d’elle, et moi qui avaistoujoursrevendiquémasoifd’indépendance,j’avaisunpeul’impressionderégresser.Heureusementqu’elleétaitenEurope,çal’empêchaitdemettresonnezdansmesaffaires.Nevousméprenezpas:j’adoraismamère,maisc’étaitparfoisunevraiesangsue.Àforcedemesurprotéger,elleallaitfinirparm’étouffer.

Quant àmonpère : inconnu au bataillon.Apparemment, il avait veillé surmamère lors de satransformationetl’avaitmiseenceinteavantdesefairelamalle.Maismamères’enétaitbiensortie,etc’étaitsoncouragequim’avaitconvaincued’affrontermapremièretransformationseule.

Jemesuisdirigéeversl’imposantmanoir,l’undesderniersvestigesdenotrecité.Ilyavaitbiençàet làquelquesbâtimentsoùl’onentreposait lesvivres,maisquanddescréaturesdenotreespècevisitaientWolford,ellesséjournaienttoujoursdanscemanoirgothique.Ensontemps,ilavaitabritéplusieursfamilles,àl’époqueoùlesLycansgoûtaientauxjoiesdelavieencommunauté.Depuis,onyavaitinstallétoutleconfortmoderne,bienentendu,etlesSagesyvivaientdefaçonpermanente.

Dissimulé dans la forêt, il faisait office de sanctuaire. Les Gardiens de l’Ombre travaillaientcommesherpas–autrementdit,commeguides forestiers–et tenaient lesvisiteursà l’écartdenos

grottes secrètes. Pour nous, le parc était notre propriété,même si, en réalité, le gouvernement enpossédaitunebonnepartie.

Ducoindel’œil,j’aicaptéunmouvementet,l’espritaffûtépardesheuresd’entraînement,jemesuisaccroupie.Àmagrandesurprise,j’aivuConnors’approcherd’unépaisbouquetd’arbres.Ilétaitdedos,maisj’auraisreconnusadémarchedécontractéeentremille.Leclairdelunesereflétaitsursescheveuxblondcendréetsoulignaitsoncorpsmusclé.Ilétaitgrand,élancé,maisilpossédaitcetteforcetypiquedesLycansquenousdissimulonssibien.

Connor adisparuderrière les arbres.Que faisait-il tout seul ?Oùdiable étaitLindsey ?Aprèsavoir partagé une transformation, les couples devenaient inséparables. Y avait-il de l’eau dans legaz?

D’un côté, j’aurais voulu que Connor me remarque, me choisisse et m’assiste dans matransformation.MaisjenevoulaispasnonplusqueLindseylemaltraite,niquelui-mêmeluifassedumal.C’étaitquandmêmemonamie,etjesouhaitaisàConnordetrouverl’amour.Enrèglegénérale,j’avaisdesidéesbienarrêtées,maislà,unefouledesentimentscontradictoiressebousculaitdansmatête.

J’aijetéunrapidecoupd’œilautourdemoi.Personned’autreenvue.J’auraisdûlaisserConnor,mais je ne m’étais jamais sentie aussi seule et bouleversée de toute ma vie. J’avais besoin d’uneprésence. Alors, pourquoi pas la sienne ? Juste quelques minutes… Je n’allais pas non plus luidemanderdetromperLindsey;j’avaisdesprincipes!Jevoulaisjusteluiparlerunpeu…

Parcontre, j’étaisvraimentcrade.En tempsnormal, j’auraispris lapeinedemedébarbouiller,carilauraitétéhorsdequestionqueConnormevoiedansunétatpareil.Maislà,jenevoulaispasraterl’occasiondeluiparlerseuleàseul.Peut-êtreparceque,malgrésonabsencedesentimentspourmoi, je sentais quandmême une connexion entre nous. C’était trop nul d’en pincer pour un mecamoureuxd’uneautre,maisàcemomentprécis,j’auraistoutdonnépourentendrelesondesavoix.

J’ai abandonné mon sac à dos à côté du manoir et me suis dirigée vers les arbres. L’herbecouvertederoséeavaitlaisséunetracenette,maisj’aieuunmalfouàleretrouverunefoisenfoncéedanslesboisoùfiltraitleclairdeluneàtraverslefeuillage.Sij’avaispumetransformer,j’auraisétécapable de flairer Connor, car tous les sens sont décuplés après la première transformation. LesLycansdéveloppentuneexcellentevisionnocturne,ainsiqu’unmeilleurodorat,uneouïetrèsfineetungoûtsanspareil.Mêmeleurpeaudevientplussensible.

Jem’ensuisremiseàmoninstinctetmesuiscontentéed’avancerenespérantqueConnoravaitfaitlamêmechose.Ilavaitbeaunepasêtremoncompagnon,iln’endemeuraitpasmoinsmonami.Etlà,j’avaisdésespérémentbesoind’unami.

Lesboisn’étaientpastoutàfaitsilencieuxlanuit,etlebruitfamilierdesinsectes,deschouettes,despetitsrongeursetdesfeuillessousmespiedsmerassurait.Seulementjen’entendaisaucunbruitdepasàpartlesmiens.Connors’était-iltransformé?Iln’avaitabandonnéaucunvêtementparterre,entoutcas.

Lesarbresontfiniparlaisserplaceàunruisseau.Etsurlaberge,immobilecommeunestatue,setenaitConnor.

Moncœuramanquéunbattement,commechaquefoisquejelevois.Parfois,quandonemballedesprovisionspournosexpéditionsaveclescampeurs,nosépaulessefrôlentetc’estcommesiuneflècheme transperçait jusqu’auxorteils. Je sais, c’estcarrémentdingued’êtreaussi affectéepar saprésence. Et ça faisaitmal de se dire que nous ne serions jamais rien de plus que des amis, qu’ilappartiendraitàuneautrepourtoujours…

Si j’avais eu une once d’intelligence, j’aurais fait demi-tour, je serais retournée au manoir etj’auraiscontinuémonpetitbonhommedechemin.Maiscommejesuisunequiche,j’aicontinuétoutdroitpourlerejoindre.Ilnem’apasaccordéunregard,absorbéparsacontemplationdel’eau.

J’avais tantde trucsà luidire,à luiexpliquer,maisaussià luicacher.Finalement, j’ai retrouvémon calme quand j’ai étudié le contour de son profil dans le clair de lune. Il avait des traits deguerrier et une mâchoire volontaire quasiment dissimulée sous ses cheveux ébouriffés, qui luiretombaientsurlecol.J’auraistantaimélescaresser…Etdéfairemanattepourqu’ilpasselesdoigtsdansmescheveux.J’auraisvoulublottirmonvisagedanslacourbedesonépaule,quesesbrasfortsm’encerclent.Bref,toutcequejenepouvaispasavoir.Commentmecontenterd’unesimpleamitiémaintenantquejelesavaisinaccessibleàjamais?

—Jesupposequetuesaucourant,a-t-ilenfinmarmonné.Connorn’étaitpasimpulsif,maisjel’avaisvus’emporterlejouroùils’étaitrenducompteque

Bio-Chromeavaitdécouvertnotreexistenceetqu’ilscomptaientnousutiliserpourparveniràleursfins.Toutefois,Connor avait confiance ennotre victoire, et il savait quenotre vie reviendrait à lanormale.

Pourtant,là,impossibledenepasmefairetoutuntasdefilmsenentendantsesparolesteintéesdecolère.Bio-Chromeavait-ilcapturéLindsey?Tué,peut-être?Existait-ild’autrespiègessemblablesàceluiquej’avaistrouvéplustôt?Était-cepourcetteraisonqueConnorétaitseul?Lindseyavait-elleraté sa transformation?Yavait-il euunproblèmeavec lapleine lune? J’avaisunedernière lueurd’espoir:cen’étaitpeut-êtrepasmoi,lasourceduproblème…

—Aucourantdequoi?ai-jedemandéaveccalme.Il portait un bandage sous lamanche de son T-shirt. Les bandages sont rares chez nous, étant

donnéquelesLycansontl’incroyablefacultédeguérireux-mêmesleursblessures,àmoinsqu’ellesn’aientété infligéesparunearmeenargentoupar lamorsured’unautre loup.Danscescas-là, lablessuremetuntempsinfiniàguériret laisseunecicatrice.C’étaitpourobtenircedonmystérieuxqueBio-Chromenousavaitdéclarélaguerre.

—Tuesblessé,ai-jemurmuré.Malgrémoi,j’aipromenémesdoigtsprèsdubandage;j’aisentisesmusclestressaillir.C’étaitla

premièrefoisquejeletouchais.Ilavaitlapeausidouce,sitiède…—Rafe,a-t-ilditcommesicenomexpliquaitàluiseultoutelasituation.RafeétaitaussiunGardiendel’Ombre,unmembredenotremeute,etilappartenaitànotreéquipe

desherpas.Commemoi,ilavaitdescheveuxfoncésetleteintmat.Ilavaitgrandiavecnous,combattulesmêmesennemisquenous.Ilétaittrèsloyalànotreespèce.

—Rafet’amordu?Connoralaissééchapperunpetitrirepleindemépris.—Etjeluiairendusamorsure.J’auraisbienaiméluirefilerlarage,tiens!—Jenecomprendspas.OùestLindsey?Ques’est-ilpassé?—Rafem’adéfiépouravoirLindsey.—Quoi?Ilt’adéfiédeloupàloup?Les duels ne sont jamais pris à la légère, car lorsqu’un loup en défie un autre, c’est la mort

assuréepourleperdant.—Oui.—MaisLindseyesttacompagne!Tul’aschoisie,etellet’aaccepté.Unefilleavaittoutàfaitledroitderefuserlesavancesd’ungarçon,mêmesi,àmaconnaissance,

celan’étaitjamaisarrivé.

—Ehbien,ondiraitquej’aitirélemauvaisnuméro.Ilregardaittoujoursdroitdevantlui,apparemmentmalàl’aise.Oupeut-êtrevoulait-iléviterque

jelisesasouffrancedanssesyeux,luiquiavaittoujoursaiméLindsey.Celaleconsolerait-ilsijeluiavouaismessentiments?Probablementpas.Jenepouvaispasremplacercequ’ilvenaitdeperdre.

—Jesuisdésolée.Jel’étais,sincèrement.J’attendaiscemomentdepuistoujourset,maintenantqu’ilm’étaitoffert,je

me sentais coupable. Comme si le simple fait d’y avoir pensé avait exaucé mon souhait et, parricochet,blesséConnor.

—Tun’yespourrien.C’estcommeça,mêmesilapiluleestdureàavaler.—Jem’endoute.Ils’esttournépourplongersonregarddanslemien.Malgréleclairdelune,jenedistinguaispas

sesyeux,quiétaientunpeuplusfoncésquelesmiens.Curieusement,ilnesemblaitpastriste,plutôtécœuré.Aufinal,ils’estressaisi,sansdoutepournepastropsedévoiler.Soudain,j’aicruliredanssesyeuxuntrucencoreplussurprenant:del’admiration.

—Aufait,tuassurvécuàtapleinelune!s’est-ilexclamé.Quelcran!Enfin,personnen’ajamaisdoutédetoncourage,maislàc’estextraordinaire!

C’étaithorribledelevoirmecomplimenteralorsquejeneleméritaispas.Jeluiauraisbienditlavérité,maiselleétaitsiaffreusequejecraignaisdel’effrayer.

Nous n’avions jamais admis un Statique au sein de notre clan. Mais j’étais quoi, moi,précisément?UneLycanquiavaitratésapremièretransformationmaisquiréussiraitplustard?Ouquelqu’unquidemeureraitàjamaiscequ’elleétaitàcetinstantprécis?

Etdanscecas-là,àquoibonvivre?CommentprotégerlesLycanssijen’enfaisaispaspartie?Jenepouvaispourtantpasleurtournerledos.

JemesuiséloignéedeConnor,etj’airegardélerefletdelaluneàlasurfacedel’eau.—Bof,c’étaitpasgrand-chose,ai-jerépondu.«Tum’étonnes!»—Comme tous les autres garçons, j’ai vécuma première transformation seul, et c’était assez

hard.—J’aipastropenvied’enparler.C’estplutôtintimecommeexpérience,tusais.—Jevois.Décevante,saréponse.J’auraispréféréqu’ilm’extorquedesaveux.—TusavaisqueLindseyétaitamoureusedeRafe?—C’estvraiqu’elleparlaitdeluiparfois.Cequim’avait toujours énervée : siConnor avait étémoncompagnon, je neme serais jamais

intéresséeàunautre!—Ellen’étaitpasfaitepourtoi.Tuesmieuxsanselle.Ilaéclatéd’unriresonore.—SacréeBrittany!Jamaisladernièrepourdirecequetupenses.J’admiretafranchise.OK,là,jepouvaismourirtranquille.Connorm’admirait?Moi?Luiquimeredonnaitlesourire,

alorsquequelquesinstantsauparavantjepensaisqueçaneseraitplusjamaispossible?Un silence s’est installé. Nous étions perdus dans les yeux l’un de l’autre. Voyait-il la vraie

Brittany ? Il avait l’air de cogiter, et j’aurais adoré savoir à quoi il pensait. J’ai essayé de ne paslaissermesyeuxtrahirmessentimentspourlui,car,inutiledelepréciser,jemesentaistoujoursunpeuvulnérabledepuisquelalunem’avaitjouéunsaletour.Jenepouvaispasrisquermoncœurpour

Connor,pasencore.Enrevanche,croiseretsoutenirsonregardnemedérangeaitpas.Sesyeuxsesontposéssurmabouche,quiacommencéàmepicoter.Voulait-ilm’embrasser?

Non, interdiction de m’embrasser avant d’avoir oublié Lindsey. Je n’étais pas un lot deconsolation ! Cependant, je n’ai pas pu m’empêcher de me passer la langue sur les lèvres et dem’imaginercommeceseraitbonqu’ilm’embrasse…

Connorasecouélatêtecommes’ilsortaitdetranseavantdelarejeterenarrièrepouradmirerleciel.

—J’aibesoindecourir,a-t-ilfaitdesavoixrauquesexy.Tuveuxveniravecmoi?Oui,oui,oui,millefoisoui.Saufqu’ilneparlaitpasd’unbanaljoggingdanslaforêt,maisd’une

courseendiabléesousformedeloup.—Matransformationm’aépuisée,ceserasansmoi.—Uneautrefois,alors,a-t-ilditavantdereportersonregardsurmoi.J’avaissuperhâtedevivre

mapremière transformation,mais jedoisdireque j’aibeaucoupsouffert.LesSagesauraientpu tetrouverquelqu’und’autresiDanielneteplaisaitpas.

—Ouais,ilsavaientsortisonnomd’unchapeau,ai-jeditsanscachermondédain.—Non,d’unbol.Jeluiaidécochéuncoupdepoingdansl’épaule.—Aïe!a-t-ilfaitensefrottantlebras,unsourirejusqu’auxoreilles.—C’étaitpassympa,nipourmoinipourDaniel.Daniel n’était pas un mauvais bougre. Seulement, nous avions passé quelques jours ensemble

avantdeconclurequenousn’étionspasfaitsl’unpourl’autre.—Jeneveuxpasd’unpis-aller.— Arrête, on ne te demandait pas de l’épouser ! Il était juste censé t’assister dans ta

transformation.Oui, sauf qu’il m’aurait vue nue puisque les Lycans ne peuvent pas se transformer avec leurs

vêtementssurledos.— Enfin bon, ce n’est plus d’actualité, ai-je soupiré. J’ai tout le temps de me trouver un

compagnon,maintenant.—Maistun’aurasplusjamaisdepremièretransformation.J’aihaussélesépaules.—C’étaitpassigénialqueça.Ilasouri.—Nelerépèteàpersonne,sinontuvasdétruirelemythe.Ilyaeuunéclatnouveaudanssesyeux.—Jesuiscontentquetuaiessurvécu.—Oui,moiaussi.«Enfin,sionveut…»—Dis,ont’adéjàparlédepiègesposésdanslesbois?ai-jelâché.—Non,pourquoi?—Jesuistombéesurl’und’euxàunjouretdemidemarched’ici,surlesbergesdelarivière.Il s’est immobilisé, comme un prédateur qui vient de flairer une proie. Il était passé enmode

guerrieretpotassaitunestratégie.—TucroisqueçavenaitdeBio-Chrome?a-t-ilenfindemandé.—Aucuneidée.Oui,peut-être.Entoutcas,ilétaitcensécapturerunanimaldelatailled’unloup.Connoralâchéunjuron,puism’alancéunregardsévère.

—Tuasfaittoutcecheminàpied?Tuauraisputetransformerpourallerplusvite.—J’avaisunsacàdos.«L’excusepourrie!»—Tuauraispulelaisserquelquepartetallerlerécupérerplustard.Son interrogatoire commençait àm’agacer. Surtout qu’il avait raison. Sauf que je n’avais pas

trente-sixmillemoyensdelocomotion:pourlemoment,jenepouvaismedéplacerquesurmesdeuxjambes.

— J’avais pris des objets de valeur sentimentale pour m’aider durant ma transformation. Çam’auraitennuyéedelesperdre.Etpuiscen’étaitpassipressé,etj’avaisbesoindepasserunpeudetempsseule.

Vu la tête qu’il faisait, j’ai eu confirmation que personne ne m’accepterait jamais si j’étaisincapabledemetransformer.Etjemesuisaussirenducomptequej’allaisavoirbeaucoupdemalàmentirsurmacondition.J’auraisdûinventerunemeilleureexcuse…Uneexcusequinem’auraitpasfaitpasserpourunedébileirresponsable.

—Jevaisallervoirça,a-t-ildit.Sijemetransforme,jepourraifairel’aller-retouravantdemainmatin.Tuescertainedenepasvouloirm’accompagner?

«S’ilsavait…»—Sûre.J’aicouvertmesarrières,maistudevraispouvoirsuivremonodeuràlatrace.De touteévidence,madécisionne luiplaisaitpas : ildevaitpenserque jemedéfilais.Eten lui

taisantlavérité,c’étaitexactementcequejefaisais.Maisbon,c’étaientmesoignons.—Àplustard,alors,a-t-ilditavecréticence.Ils’estdirigéverslaforêt.Jenel’aipassuivi:ilallaitôtersesvêtementspoursetransformeren

loup.Pouruneespècequipassesontempsàsedéshabiller,onestplutôtpudiques.J’ai regardé l’eau. Je regrettais déjà de ne pas l’accompagner. Oui, il me fallait avouer mon

handicap, malgré mon éventuel bannissement. Même sans pouvoir me transformer, je me savaiscapabledeprotégerlesLycans.Simesdoutesseconfirmaientàproposdupiège,celasignifiaitqueBio-Chromeétaittoujoursànostrousses.

CommejenepouvaispassuivreConnor,j’aipenséqu’ilvalaitmieuxrentreraumanoir.Etdirequ’àprésentqu’ilétaitlibre,j’étaisprisonnièredemonproprecorps…

Lefeuillageabruissé.Leplusbeauloupquej’avaisjamaisvusetenaitauborddel’eau.Unefoistransformé,Connor

étaitd’unebeautéàcouperlesouffle.Sonpelage,toutcommesescheveux,étaitd’unblondcendrétirantsurlebrunauniveaududoset

plusclairprèsdespattes.J’auraistantaiméplongermamaindanssafourrure,letenircontremoiettoutluiavouer.J’auraisvouluqu’ilretrouvesaformehumaine,qu’ilm’étreigne,meconsole…

C’étaitimpossible:s’ildécouvraitlavérité,ilseraithorrifié.Aprèsundernier regardsurmoi, ila traversé le ruisseauets’estélancé,baignépar leclairde

lune. Les Lycans guérissaient une fois transformés, mais la transformation pansait-elle aussi leschagrinsd’amour?

3Sur le chemin du manoir, une pensée m’a frappée avec force : j’avais enfin une chance avec

Connor.Puistoutm’estrevenuenpleineface.Cettechance,jenel’auraisqu’àconditiond’expliquercequi

m’étaitarrivé.Sérieusement,quelmecvoudraitsortiravecuneStatique?Unefoisarrivéeaumanoir,j’airécupérémonsacàdos,mesuisdirigéeverslaported’entréeet

me suis arrêtée net. Il était tard. Seules quelques lumières étaient allumées,mais je n’avais pas lecouragedecroiserquiquecesoitetderelancerlamachineàmensonges.Etpuis,j’avaisuntrucàvérifier…

Certains pensent que les Lycans existent depuis la nuit des temps. D’autres croient que noussommesnésàl’époqueduroiArthur,sousl’influencedelamagiedeMerlinl’Enchanteur.LesSagesn’avaient jamais confirmé aucune hypothèse sur nos origines ; ils se contentaient de protéger lessecretsdenotrepassé,consignésdansdestextesanciensrendussifragilesparletempsqueseulslesSagesavaientledroitdelesconsulter.

J’airéfléchiàtouscesgrimoiresconservésdansunepièceréservéeauxSages.IlsavaientmontrécettepièceauxGardiensdel’Ombre,avaientsortiunlivreanciend’unécrindeverreetnousavaientautorisésàentoucherlacouvertureencuir.Maisilsnel’avaientjamaisouvertdevantnous,nenousenavaientjamaisdonnélecture.Àcoupsûr,unetellereliquecontenaitdessecrets…etdesréponsesàmesquestions.

Mais impossiblede se faufilerdanscettepièceaveccesveilleursau flairhorsducommunquimontaientlagarde.J’étaismêmeétonnéeden’avoirencorecroisépersonne,maisjesupposaisqu’ilsétaient dans le périmètre. Ces veilleurs avaient pour mission d’éloigner les intrus, mais pas lesLycans,caraprèstoutnousavionsprêtéserment.Unsermentquej’étaissurlepointderompre.

J’aitournélapoignéedelaportedederrièrequi,sanssurprise,étaitverrouillée.J’aisortimaclémagnétiqueetattenduquelevoyantrougepasseauvert.Prenantunegrandeinspiration,j’aipénétréàl’intérieuretrefermélaportederrièremoiavecprécaution.

Jemetrouvaisdansunezonequel’onnousdissuadaitdefréquenter;j’avaisdoncintérêtàmelajouer discrète. Dans le couloir plongé dans l’obscurité, j’ai fermé les yeux et me suis représentémentalement la disposition des lieux le jour où nous étions venus avec les Sages. Dans l’entréeimmenses’alignaientlelongdesmursdestablesdécoréesd’antiquitésetdestatuettesàl’effigiedeloups.Sijeréussissaisàatteindrelecentredel’entrée,jepourraismerepérersansproblème.

J’ai avancédoucement, jusqu’àcequemesyeuxs’habituent à l’obscurité.Lepâleclairde lunefiltraitàtraverslesfenêtresetéclairaitlespiècesdontlesportesétaientouvertes.Maiscen’étaitpasl’uned’ellesquim’intéressait.

Lecœurbattantàtoutrompre,jemesuisarrêtéedevantuneporteclose.Sionmesurprenaitici,jepouvaisdireadieuàmontitredeGardiennedel’Ombre.Cequi,detoutefaçon,finiraitpararriversijen’élucidaispaslemystèredematransformationratée.J’aiposélamainsurlapoignée.Unfrissonm’atraversée,commesilesfantômesdupassémesoufflaientdanslanuque.

—Çasuffit!ai-jemurmuré.J’aifermélesyeuxettournélapoignée.Laportes’estouverte.J’ai pincé les lèvres pour retenir un cri de surprise. Je n’avais élaboré aucun plan, ni même

imaginéquelaporteseraitouverte.Yavait-ilquelqu’un?L’undesSagesétait-ilrestépourétudier?Nousfaisaient-ilssuffisammentconfiancepourlaisserlaporteouverteouquelqu’unavait-iloubliédelaverrouiller?

Àmongranddésespoir,laporteagrincé.J’aibalayéleslieuxduregard,puisj’aidécidédesauterlepas.J’aiouvertlaporteengrand,etjesuisentrée.

Personne.J’aialluméla lumière.Unbureauenacajoutrônaitdevant l’imposantecheminéeaumanteaude

pierreornédesculpturesdeloupsféroces,sansdoutecensésreprésenterlesGardiensdel’Ombreentraindeveiller surnos trésors.Lapièceétait spacieuse, avecdeschaises tenduesdebrocart etdescoffresenboiséparpillésunpeupartout.J’imaginaislesSagesinstallésici,passantenrevuetouteslesreliquescachéesdanscescoffres.Deslivresreliésdecuirs’alignaientsurdeuxmurs,maisceux-lànem’intéressaientpas.J’étaisvenueconsulterlelivredansl’écrindeverre,celuiquiétaitposésurleguéridondansuncoindelapièce.

J’ai jetémon sac à dos sur une chaise etme suis approchée du bureau où j’ai pris un presse-papiersenpierre,prêteàtoutpourobtenircelivre.Jem’occuperaisdesconséquencesplustard.Oui,j’agissais sous le coupde la colère,mais aussidudésespoir.Àmagrande surprise, jen’ai trouvéaucuncadenassurl’écrin.C’étaittout?Lelivren’étaitpasprotégé?

J’ai soulevé le couvercle de verre et poussé un soupir de soulagement. Voilà, pas la peine debriser l’écrin. J’ai posé le presse-papiers et j’ai saisi le précieux ouvrage, qui semblait peser unetonne. Je l’ai déposé avecmoult précautions sur lebureau,puis j’ai prisuneprofonde inspiration.Moncœurbattaitsifortquejen’entendaisplusquelui.Lentement,j’aiouvertlelivre…

…quiétaitremplidesymbolesincompréhensibles.J’aitournélespages.Toujourslamêmechose.J’étaisfurax!Jen’avaisqu’uneenvie:arracherlespagesdecemauditbouquinet…—Oh,monDieu,tuesvivante!Surprise,j’aitournélatête.Lindseyportaitunshortetundébardeur,etseslongscheveuxblonds

flottaientsursesépaules.Elleavaitl’airdifférente,plusconfiante,plusmature,plus…louve.Avantquejepuisserépondre,elleestvenuemeserrerdanssesbras.

—J’étaissiinquiète!Jemesuisretenuedelarepousser,car,quelquepart, j’avaisenviequ’ellemeserreencoreplus

fort. Elle n’avait pas idée du bien que ça me faisait… Elle qui avait obtenu ce que j’avais sidésespérémentdésiré,serendait-ellecomptedesachance?

Les sourcils froncés (sans doute à cause de mon manque d’enthousiasme), elle a reculé pourmieuxmeregarder.

—Toutvabien?Tun’aspastropsouffert?«Tun’imaginesmêmepas…»J’aihaussélesépaules,feignantl’indifférence.—Moi,j’aicruquej’allaismourir!—T’astoujoursétéunechiffemolle.—Plusmaintenant.Jetemontreraimafourruresitumemontreslatienne.Moiquinepleuraisjamais,j’avaissoudainenvied’éclaterensanglots.—Onverra,ai-jeéludéenessayantdeconservermoncalme.Puisj’aienfincomprislaportéedesesmots.—Uneminute.Tuétaisavectoncompagnon,tun’auraispasdûsouffrir.—Jen’étaispastoutletempsaveclui,non.Elles’estpassélalanguesurleslèvres,malàl’aise.Onétaitdeux.—Maintenantc’estRafe,moncompagnon,a-t-ellelâché.—Jesais.

—Ontel’adéjàdit?Je préférais ne pas lui révéler que j’avais vu Connor. Je voulais garder pour moi tous ces

momentspassésaveclui…mêmes’ilsnecomptaientquepourmoi.CarConnorallaitoubliernotreentrevuevitefaitbienfaitpourn’enretenirquel’évocationdespièges.Notreintimité,elle,neseraitplusqu’unlointainsouvenir.

—Non,maisvulatêtedeRafequandilteregarde,jemedoutaisquevousfiniriezensemble.—Tuauraisdûmeledireavant!J’étaiscomplètementpaumée.Commentai-jepuignorerque

nousétionsfaitsl’unpourl’autre?Celadit,jemesensmalvis-à-visdeConnor.Ilméritemieuxqueça.

Ohoui.Enfin,paslapeinederemuerlecouteaudanslaplaieetdelafaireculpabiliser:Connoretelleétaientamisdepuis toujours,çan’avaitpasdûêtrefacile.J’avoueque jen’avaispasété trèssympaavecLindseydepuisledébutdel’été,notammentparcequejetrouvaisConnortropbienpourelle.Ilétaitsansdoutetempsd’enterrerlahachedeguerre.

Lindseyajetéuncoupd’œilsuspicieuxautourd’elle,lebonheurdemeretrouversaineetsauvesedissipant.

—Brittany,qu’est-cequetufichesici?—Rien,ai-jerépondu,honteuse.Sonregards’estposésurlelivrereliédecuir.—Qu’est-cequetufabriquesavecnotrelivresacré?—Jevoulaisytrouverl’histoiredenosorigines.—Sansendemanderlapermission?C’estlaseulecopiedontnousdisposons.SeulslesSagesont

ledroitde…—AudiablelesSages.Ellem’alancéunregardoblique.—Viens,ons’enva.—Non,pasavantquej’aietrouvélesréponsesàmesquestions.Ildevaityavoirunetraductionmodernequelquepart.Peut-êtredansleslivressurlesrayonsou

dansundescoffres.—Tuteposesdesquestionssurlescompagnons?m’ademandéLindsey.J’ailaissééchapperunpetitrire,puislasignificationdesesparolesm’aredonnéespoir.—Oh,monDieu, tu crois que c’est pour ça ? Tu crois que c’est parce que je n’avais pas de

compagnon?—Qu’est-cequetumechantes?Etvoilà:jen’aipaspuretenirmeslarmes.Ilfallaitquejelediseàquelqu’un,quejepartagecet

horriblesecret.—Jenemesuispastransformée.Ilnes’estrienpassé!Elle m’a regardée, sans me dispenser la moindre parole de réconfort, le moindre mot

d’encouragement.—Tuenessûre?a-t-elledemandéd’unevoixhésitante.—C’estplutôtdifficiledenepass’enrendrecompte.—Tuespeut-être tombéedans lespommes.Onnepeutpas se transformerdans son sommeil,

maisçaarrivequandonestévanoui.—Non.J’aicruqu’elleallaitsetrouvermal,etmoiaussi.J’aieffleurélefrêleparcheminavecprécaution.

— Je me suis dit qu’il fallait peut-être que je fasse un rituel spécial, ou que je récite desincantations.

Lindseyasecouélatête.— Je ne crois pas. J’ai senti les premiers symptômes toute la journée. J’avais la peau hyper

sensible.—Pasmoi.Qu’est-cequinetournepasrondchezmoi?Pourquoijenemesuispastransformée?

C’est pour ça qu’aucun garçon ne m’a choisie ? Les mecs se sont rendu compte que j’étais unmonstre?

—Tun’espasunmonstre,a-t-ellecorrigé.Pleindegensnepeuventpassetransformer…—Oui,maiscenesontpasdesLycans!Je me suis tue. Lindsey arborait toujours son air décontracté, incapable de comprendre ma

souffrance.— Je n’ai jamais entendu parler d’un Lycan qui ne pouvait pas se transformer. Tu devrais en

parlerauxSages,m’a-t-elleconseillé.Ilssaurontquoifaire.EllevivaitvraimentdanslemondedesBisounours.—Non,ilsn’aurontaucunesolutionàmeproposer.Etjeneveuxriendireàpersonne.Jen’aurais

jamaisdût’enparler,d’ailleurs.—Jenelerépéteraipas.Maisquelqu’unfinirapars’enrendrecompte.Setransformer,c’estnotre

raisond’être.TudevraisaumoinsenparleràLucas.Lucas,chefdemeuteetdesGardiensdel’Ombre,s’étaitliéunpeuplustôtcetété-làavecKayla.

Ilsétaientfousamoureux,commetouslesLycans,prêtsàmourirpourleurmoitié.Unsentimentquejeneconnaissaispas…

J’aisecouélatête.—Commentest-cepossible?—Ilyapeut-êtreuneerreursurtonactedenaissance.EntendreLindseyévoquercettehypothèseàvoixhautem’afaitprendreconsciencedesastupidité.—Redescendssurterre.Tucroisvraimentquemamèreignoremavraiedatedenaissance?Elle

étaitunpeuprésentecejour-là,jetesignale.—Bon,bon,mais ildoitbienyavoiruneexplication.Et jepariequ’undesSagespourra te la

donner.J’aiessuyémeslarmesavecrage.Jenevoulaispasdesapitié,niqu’elleessaiederésoudremon

problème.J’étaisunegrandefille,jepouvaismedébrouillertouteseule.—Jevaistrouverunesolution.Jesuispeut-êtreunpeuenretard.Oui,voilà,cedoitêtreça.J’airefermélelivreenadressantunsourirenarquoisàLindsey.Notrerelationétaittenduedepuis

ledébutdel’été,etj’avaismisçasurlecomptedesonhistoireavecConnor.Maisnon,ilyavaitautrechose : je l’avais sentie changer, d’une manière qui m’était étrangère. Je m’en rendais compte àprésent.

—Jesuisdésoléed’avoirétésidurecesdernierstemps,ai-jesoupiré.Jen’étaispasdansmonétatnormal,etencoremoinsmaintenantdepuislapleinelune.

—Jecomprends.Enréalité,tuavaisraisonàproposdeConnoretmoi.Là,jecroisqu’ilabesoind’unami,etvuquetul’aimesbien,jemesuisditquejeneseraisplusunobstacleàvotrerelation.

—Maisquivoudraitd’unecopinequinesaitpassetransformer?—Uneâmeégarée?Jen’aipaspum’empêcherdesourire.—Tuestropromantique,ai-jelâché.

—Çanepeutpasfairedemald’allerluiparler,tunecroispas?Cequej’avaisdéjàfait,mêmesiLindseyl’ignorait.—J’ensaisrien.Peut-être.Promets-moisurtatêtedeGardiennedel’Ombrequetunerépéteras

monsecretàpersonne.—Croixdebois,croixdefer.Detoutefaçon,tonproblèmedoitêtretemporaire.Tuaspeut-être

besoind’attendreunnouveaucyclelunaire.«Siseulement…»—Aufait,qu’est-cequetufaisici?ai-jedemandé.—J’aiprisunraccourcipourrejoindreRafe.Ilsurveillelepérimètreetauraitbienbesoind’un

peudecompagnie.—Alorsnelefaispasattendre.—Oui,a-t-elleréponduenfaisantunpasenarrière.Çavaaller?J’aihochélatêteavecunpetitreniflement.—T’inquiète,jevaistrouverunesolution.Une fois Lindsey partie, j’ai replacé le livre dans son écrin de verre. J’en ai épousseté la

couverture avec mon T-shirt pour effacer mes empreintes bien que ce soit inutile : les Sagesflaireraientmonodeurdèsqu’ilspénétreraientdanslasalle.

J’ai passé la demi-heure suivante à examiner les autres ouvrages, tous écrits dans un alphabetinconnu, à part quelques livres de Shakespeare et de Dickens qui ne m’étaient d’aucune utilité.Dépitée,j’aijetéunultimecoupd’œilaumomentdepartir.Toutétaitenordre.

J’aiéteintlalumièreavantderefermerlaportesurmonavenirentantqueGardiennedel’Ombre.

4Unsilencedemauvais augurem’a suivie jusqu’à la chambreque jepartageais avecLindseyet

Kayla.Cettedernièreallaitsûrementmeposerlesmêmesquestions,etj’allaisdevoirtenirmalangue.Aussisilencieusementquepossible,j’aiouvertlaportedelachambre,plongéedanslenoir,éclairéeparunraideclairdelune.Malgrél’obscurité,j’aisentiquejen’étaispasseule.Ilyavaitcommedel’électricitédansl’air.

—Brittany?Kaylas’estredresséedanssonlitavantd’allumerlalumière.Je n’ai pas dissimuléma surprise quand j’ai vuLucas se dépêcher d’enfiler unT-shirt. Il s’est

passélesmainsdanslescheveux,alorsqueKaylaremontaitlabretelledesondébardeur.—C’estpasinterditdefaireça,mêmeentrecompagnons?ai-jedemandéd’unairdétaché,priant

pourquecettepetitediversionfonctionne.Seulslescompagnonsmariésavaientledroitdepartagerlamêmechambre.Quelsoulagementde

voirnotrechefdemeutetransgresserlesrègles,luiaussi!Rougecommeunepivoine,Kaylaestdescenduedesonlitpourmerejoindre.— Lindsey s’est absentée, et c’est si rare d’avoir un moment de solitude… Lucas vient juste

d’arriver,promis!Sionavaitsuquetureviendrais…Elleasecouélatête.—Enfin,fais-moiuncâlind’abord,etensuitejeteprésenteraidesexcuses.Sansattendremaréponse,ellem’aserréedanssesbras.—Onétaittousmortsd’inquiétude…SurtoutLindsey.AvecLucas,onsedisaitjustementqu’on

organiseraitunebattuedemainpourteretrouver.—Ohoui,vousétiezenpleinediscussion,c’estclair!l’ai-jetaquinée.Je lui ai rendu son étreinte ; j’avais tant besoinde son soutien. J’ai haussé les épaules avecun

sourireforcé.—Jenevoispaspourquoionfaittoutunplatdecettetransformation,c’étaitpasaussiterribleque

ça.HeureusementqueLucasétaitlà,sinonj’auraiscraquéettoutavouéàKayla.Sajoiedemerevoir

saine et sauvem’avait surprise. J’avais peut-être sous-estimé l’affection qu’elleme portait.Ce quipromettaitunedéceptionencoreplusdéchirantesielleapprenaitlavérité…

— J’aurais quand même préféré que tu te fasses assister, a continué Kayla. Tu es partie sansprévenir,lesSagesontvraimentflippé.

Jen’imaginaispasuneseulesecondelesSagesentraindeflipperpourmoi(nipourriend’autre,d’ailleurs) : ils étaient d’un calme olympien, comme si toute agitation les avait quittés depuislongtemps.

—Merciden’avoirenvoyépersonneavecmoi,ai-jelancéàLucas.—Tuauraischoisiquelqu’unsituavaisvouludel’aide,a-t-ilrépondu.—Mercipourtaconfiance.«Vite,changeonsdesujet!»—Aufait,j’aitrouvéunpiègesurlecheminduretour.Àcesmots,Lucass’estimmobilisé,commeConnorquelquesheuresplustôt.—UnpiègeposéparBio-Chrome?Jemesuismordulalèvreinférieure.Sij’avaissumetransformer,monflairm’auraitindiquéles

coupables.—Jecrois.J’aicroiséConnoràmonarrivée,ilm’aditqu’ilallaitvérifier.

Lucasahochélatête,satisfait.—Bien.Ilnousendiraunpeuplus.(Ils’estpenchéversmoi.)Tuessûrequeçava?«Pirechangementdesujetdetouslestemps!»—Biensûr.Pourquoi?Ilahaussélessourcils.—C’estlapremièrefoisqu’uneLycansurvitseuleàsapremièretransformation.LesSagesvont

sansdoutevouloirs’entreteniravectoi.Oh,parfait.Exactementcequ’ilmefallait.—Pasdeproblème.Kaylaapassésonbrasautourdumien,commesielleallaitm’annoncerunemauvaisenouvelle.—QuandtuasvuConnor,est-cequ’ilt’aparlédeLindseyetdeRafe?—Oui.—C’estuntrucdemalade!—Pas tantqueça…Dis, l’étédernier,quandtuasrencontréLindsey,vousvousêtesentendues

toutdesuite,c’estça?Kayla avait été adoptée par un couple de Statiques qui l’avait élevée en dehors de notre

communauté.L’annéeprécédente, elle était revenuedans notre forêt, là où ses parents biologiquesavaientététués.

—Oui.C’étaitbizarre,maisfamilieràlafois.Lesjouesempourprées,elleaadresséunpetitsourireàLucas.—Parcontre,jedoist’avouerquelelienquim’aunieàLucasm’ad’abordeffrayée.—Pourquoi?— J’avais l’impression deme prendre un coup sur la tête. Je pensais à lui tout le temps, sans

mêmesavoirsic’étaitréciproque.—Etpourquoiçanel’auraitpasété?ademandéLucasenl’attirantàlui.Sonamourpourellesesentaitàdeskilomètresà la ronde. Ilétait tempsque je leur rende leur

intimité.—Bon,jesuiscrevée.Unebonnedoucheetaulit!ai-jedéclaré.Lucasm’asouri.C’étaithyperraredelevoird’humeuraussilégère.Malgrétousnosproblèmes,

Kaylaréussissaitàluiredonnerlesourire.—D’accord,afaitKayla.Jevaist’attendre,onpourradiscuterensuite.—Paslapeine.Elle m’a regardée d’un drôle d’air. Même sans être amicale à l’extrême, je n’avais pas pour

habituded’êtreaussiasociale.—Jesuiscrevéedechezcrevée,ai-jeexpliquéalorsqu’ellenem’avaitriendemandé.Avantdem’enliserdansdesexcusesinutilesetd’attirerlessoupçons,jemesuisenferméedansla

salledebains.J’airegardémonrefletdanslemiroir.Aucunchangement.Jem’yattendais,maisçam’adéçue.

Pourl’instant,j’avaisréussiàdupertroisLycans.Etsijepouvaisembrouillerlesgensavecquijetravaillaistouslesjours,jepouvaisfacilementembobinern’importequi.Moiycomprise.

Lelendemainmatin,latêtesousl’oreiller,j’aiprétextéunmanquedesommeiletassuréàLindseyetàKaylaqu’ellespouvaientpartirsansmoi.Jenemesentaispas la forcedesupporterunnouvelinterrogatoire.

Plus tard, je suisdescendueau réfectoirequi,de tailleàaccueillirdes famillesentières lorsdenotrecongrèsannuel,étaitquasimentvide.Àcemoment-là,iln’yavaitquelesGardiensdel’Ombre

etquelquesapprentisquilogeaientàWolford.SeuleàsatableavecLucas,Kaylam’asourietproposéunechaisevideàcôtéd’elle.J’aifaitnon

de la tête.Lindsey etRafe, seuls eux aussi, ne prêtaient aucune attention à ce qui se passait autourd’eux, tropoccupésàse regarder l’un l’autreetà rattraper le tempsperdu.Ah, l’amour !D’autresGardiens, dispersés dans le réfectoire, me souriaient en levant les pouces. Oui, je sais, j’avaissurvécu.Tropcool.

Aprèsm’êtreservidesœufsbrouillés,dubaconetdestoastsaubuffet,jemesuisassiseàl’écart,n’ayant pas le courage de parler de ma transformation, contrairement à mes camarades : troisapprentisencerclaientdéjàmatable.

—Tuasréussi!s’estexclaméeMia,uneadodeseizeans,ensautillantsursespieds.Elleétaitblonde,avecunecoupedégradéequiencadrait sonpetitvisaged’elfe.C’était la seule

Lycanàporterlescheveuxcourts.—Tusaiscequeçasignifie?Qu’onn’auraplusbesoindesetrouveruncompagnonpournotre

transformation!Toncouragenousarendunotreliberté!Moncourage?Labonneblague!Jen’avaispasvouluêtreseule.Legarçonquimeplaisaitdepuis

toujoursenavaitchoisiuneautre!—C’étaitcomment?ademandé timidementJocelyne,une jeune filledumêmeâge,consciente

qu’entempsnormalpersonneneparlaitdesapremièretransformation.Sachevelureavaitlacouleurdesfeuillesd’automne.ElletenaitlamaindeSamuel,ungarçonde

dix-septans,quil’avaitchoisiedurantlesolsticed’été,aumomentoùnossemblablesserassemblentpourcélébrernotrecommunauté.Elle,aumoins,nesetransformeraitpasseule.

J’aireportémonattentionsurMia.Etsimonmensongerisquaitdelamettreendanger?—J’aicruquej’allaismourir.Jetedéconseilled’yallerseule.L’airtriomphantdeMiaadisparu.—Maistuassurvécu!—Dejustesse.Jenevoulaisquandmêmepasavoirsamortsurlaconscience!—Maissijecommenceàm’entraînercommetoi,je…—Tuasencoreuneannéedevanttoi,l’ai-jecoupée.Tutetrouverasuncompagnond’icilà.Lindseynem’avait-ellepaspromislamêmechose?Jedétestaisdonnerdefauxespoirs.Quelques

joursauparavant,j’avaiseulesmêmesrevendicationsqueMia.Maisàprésent,jesavaisàquoim’entenir.

—C’esttellementsexiste,commetradition!s’estentêtéeMia.—Ilyadesgensquiaimentlestraditions,arétorquéSamuel.—Pastous.Etpuis,regardetoutelatechnologiedontondispose.Quellehypocrisie!—Renforcernotresécuritégrâceauxnouvellestechnologiesn’arienàvoirlà-dedans.—Si!—Etsionpassaitàautrechose?estintervenueJocelyne,irritée,commesielleavaitdéjàassisté

àcedébatdesmilliersdefois.Onvoulaitjusteteféliciter,Brittany.T’asétégéniale.Tutrouveraisçabizarresi…jetetouchais?

«Etpuisquoi,encore?»—Euh…oui,çaseraitbizarre.Lestroisamissontrepartisengloussant,nonsansjeterquelquescoupsd’œilversmoi,toujours

étonnésdemevoirenvie.Monmensongeavaitdesrépercussionsauxquellesjen’avaispasréfléchi.Commentaurais-jepuimaginerporterunetelleresponsabilitésurlesépaules?

J’étaisuneGardiennedel’Ombre,censéeprotégersessemblables.J’auraisdûmelever,montersurmachaiseettoutleuravouer.J’étaisentraindepeserlepouretlecontrelorsqu’uneombres’estprofiléesurmonassiette.Lecœurbattant,j’airelevélesyeux,espérantvoirConnor.C’étaitDaniel,legarçonquelesSagesavaientessayédemerefourguer.Ilm’aadresséungrandsourire,quejeluiairendu.Aucunerancuneentrenous.

Ilaposésonassiettesurlatableetatiréunechaise.—Contentquetun’aiespaseubesoindemoi,finalement,m’a-t-iltaquinée.—Toutlemondemeregardecommesij’étaisunebêtecurieuse.—Normal,tuesentréedanslalégende.Parcontre,lesgarçonsontpeurqueleurscompagnesne

décidentdet’imiter.—Oui, je viens d’en avoir un aperçu. Je ne sais pas si je doism’en inquiéter oum’en sentir

flattée.—Laplupartdesgensapprécieraientcettenouvellecélébrité.—Jenesuispaslaplupartdesgens.—Jen’endoutepasuneseconde.Alors,c’étaitcomment?—Pareilquepourtapremièretransformation,jesuppose.Jedevenaissuperfortepourbrouillerlescartes.—Effrayantetgénialàlafois?—Voilà.Alors,quoideneufdepuismondépart?ai-jedemandé,impatientedechangerdesujet.—Pasgrand-chose.Lucasveutteniruneréunion.Onatousrendez-vousdanslasalleduconseil

aprèslepetitdéjeuner.Danielm’aexpliquécequ’ilsavaientdécouvertsurBio-Chrome.Jen’écoutaisqued’uneoreille:

j’étaisdans l’équipedesherpasqui lesavaitguidésdans laforêtcetété-là,et jesavaisdéjà toutcequ’ilfallaitsavoirsureux.MasonKeaneetsonpère–lecerveaudel’affaire–étaientfousàlier.

Pourquoin’avais-jejamaisrienressentipourDaniel?CommelaplupartdesLycans,ilavaitunevoixrauque.Enrevanche,ilétaitleseulàavoirlecrânerasé.Dommage,sescheveuxnoirsauraientmisenvaleursesyeuxvertémeraude.Malgrésonentrain,j’avaisdumalàmeconcentrersurcequ’ilracontait.

Normal : Connor venait d’entrer dans le réfectoire, et j’étais hyper consciente de sa présence.Peut-êtreunepreuvedemafiliationaveclesLycans…

D’unairaussidétachéquepossible,j’airegardéderrièremoi.Connorremplissaitsonassietteaubuffet.Mêmesamanièredeseservirétaitsexy!Jemedemandaiscequ’avaientdonnésesrecherchesaufeudecamp.Devais-jeluiproposerdevenirs’installeravecDanieletmoi?

Ilestpasséprèsdenousets’estassisàunetablevide.Oh!Etsienremontantmatrace,ilavaitdéceléquejenem’étaispastransformée?…

J’aireportémonregardsurDaniel,sentantceluideConnorbraquésurmoi.Commechaquefoisque la journée s’annonçait solennelle, j’avais nattémes cheveux ; je regrettais de ne pas les avoirlaissésdétachés.Celadit,jen’avaisjamaisététrèsféminine;jepréféraisjouerlesdures,mêmesi,àl’intérieur,j’étaisunpeuguimauve.Unefaçadequidevaitsansdouterebuterlesgarçons.

J’ai tâché deme concentrer surDaniel pour ne pasmemontrermalpolie.Même siConnor secontentaitdemanger,ilattiraitmonregardcommeunaimant.Iln’essayaitmêmepasdedétournerlatêtequandmesyeuxcroisaientlessiens.Était-ilcontrariédemevoirdiscuteravecDaniel?Ouétait-ilfurieux d’être le premier Gardien depuis des générations à perdre sa compagne ? Dans ce cas,pourquoineregardait-ilpasplutôtLindsey?

Daniela racontéuneanecdoteamusantesurdescampeursqu’ilavait récemmentguidésdans laforêt.J’airi.Ducoindel’œil,j’ailorgnéConnor.Fulminant,iladétournélatête.Victoire!Était-iljaloux?Moncœurafaitunbonddansmapoitrine.

Connor allait-il choisir une nouvelle compagne parmi les filles qui vivraient leur premièretransformation à la prochaine pleine lune ? Ou percevait-il lui aussi cette inexplicable connexionentrenous,commesiunecordeinvisiblenoustiraitl’unversl’autre?MaintenantqueLindseyl’avaitquitté,meremarquait-ilenfin?

—…etpuisl’écureuilagrimpélelongdemajambe,àlarecherchedenoisettes.J’aifaillirecrachermoncafé.Danielm’aadresséunsourirenarquoisavantderire.—Ah,enfintum’écoutes!—Maisjet’écoutais!—Non.IladésignéConnordelatête.Viveladiscrétion!—Commentt’envouloird’êtrecurieuseàproposdeConnor?Onl’esttous.—Pourquoi,«curieuse»?—Curieuse de savoir ce qui s’est passé entreLindsey,Rafe et lui, dans les bois, le soir de la

pleinelune.Aucund’euxnes’estexpliqué.—Enmêmetemps,cenesontpasnosaffaires.J’avaisrépondud’untonplussecquejenel’avaisimaginé,maisjen’aimaispasqu’oncassedu

sucresurledosdemesamis.—Pardon,mesuis-jevivementexcusée.Jenevoulaispasterépondreaussiviolemment,mais…—Jesais:vousformezuneéquipe.J’auraismieuxfaitdemetaire.Lucas,Kayla,Rafe,Lindsey,Connoretmoifaisionsvisiterlaforêtauxrandonneurs.Kaylaétait

nouvelle dans le groupe, mais les autres et moi-même étions allés à l’école ensemble et un lienindéfectible nous unissait. Daniel, quant à lui, venait tout juste d’emménager ici. Il y avait dessanctuaires lycans un peu partout, maisWolford était le plus réputé de tous. C’était une sorte decapitaledumondelycanou,dumoins,denotrecommunauténord-américaine.

—Jeterappellequ’undenosGardiensauraitpuylaissersapeau,ai-jelancé.La traditionvoulait qu’unduel entreLycans finissepar lamort duvaincu.Apparemment, nous

avionsévolué.Danielarougi.—Messagereçu.Cettehistoirenemeregardepas.Bon,onsevoitauconseil.Ilestparti,etjemesuisaperçuequeConnorn’étaitpluslà.J’aieucommeunesensationdevide.

Quelleidiote!J’enaiperdul’appétit.J’ai débarrassémon assiette avant de quitter le réfectoire.Dansma précipitation, j’ai faillime

cognerauSageWilde,legrand-pèredeLucas.LesWildeformaientunesortededynastielycan.Ilsétaientchefsdemeutedepuisdesgénérationset transmettaient le titreà leur filsaîné.Lucas faisaitfigure d’exception,mais personnen’avait jamais remis enquestion sa légitimité depuis qu’il avaitvaincusonfrèreaîné.

LeSageWildeaabattudesmainsétonnammentpuissantessurmesépaules.—Brittany, j’avais flairé que vous étiez de retour parmi nous. Les autres Sages etmoi-même

aimerionsvousparlerdanslasalledestrésors.Génial.Impossibledemedérobercar,malgrésongrandâge,leSageWildecouraittrèsviteune

foistransformé.Etjenepouvaismêmepasmecacher:grâceàsonflair,ilmedébusqueraitaussitôt.Alors,j’aifaitlaseulechoseenvisageable:j’aiacceptéd’unhochementdetête.

5LeconseildesSagesétaitcomposédetroismembresplutôtfringantspourdescentenaires.Bien

qu’ilsnefussentpasimmortels,leurdondeguérisonralentissaitleprocessusdevieillissement,sanstoutefois leur épargner les désagréments du grand âge.Malgré leurs cheveux blancs, leur échinecourbéeetleurpeauflétrie,ilspossédaientunevisionetunflairaiguisés.

Installée dans un fauteuil, j’avais la sensation que les ornements en forme de loups sur lacheminéeportaientdesjugementssilencieuxsurmoi.

Les Sages, eux, me scrutaient. Jem’efforçais de paraître détachée et priais pour qu’ils nemedemandent pas deme transformer sous leurs yeux. Et s’il le fallait pour être nomméGardien del’Ombre ? Je n’avais pas non plus songé à cette connexion instantanée qu’il y a entre les Lycans,commecellequ’avaientconnueLindseyetKayla.LesSagespourraient-ilsdevinerquejenem’étaispastransformée?Et,sioui,allaient-ilsmemettreaupieddumur?

J’aiviterefoulétoutescesquestions.—Aucune transformation non assistée n’a jamais été documentée, a commencé le SageWilde

avecunsourireindulgent.—Ilyaundébutàtout,ai-jerétorqué.—Était-cedouloureux?—Vousn’imaginezmêmepas,ai-jeditavecunriretimide.Enfin,si,puisquevousêtespasséspar

là,vousaussi.Ilsonttoussouri.Aumoins,ilsn’avaientpasperduleursensdel’humour.«Jevousensupplie,nemedemandezpasdemetransformer!»—Cela dit, nous pensons toujours que vous devriez vous trouver un compagnon, a déclaré le

SageWilde.Unevaguedesoulagementm’a traversée.S’ilscherchaient toujoursàmecaser,c’estqu’ilsme

prenaient pour une vraie Lycan. Alors, quel était le problème ? Si je leur avouais tout, medonneraient-ils une explication ? Ou bien décideraient-ils que je n’étais pas digne d’être uneGardiennedel’Ombre?AveclamenacedeBio-Chromequiplanait,j’étaisprêteàtoutpourprotégerlesLycans.Etmêmesij’étaisincapabledemetransformer,jesavaisquejepouvaisleurêtreutile.

J’aiacquiescé.—Ohoui,jesuisd’accord.Cependant,j’aimeraisyalleràmonrythme.—Nouspensionsvousenvoyerdansunsanctuaireàl’étranger.Ilsepeutquevotrecompagnon

soitailleurs,commecefutlecaspourvotremèrequiarencontrélesienenEurope.Premièrenouvelle!Mamèrenem’enavaitjamaisparlé!C’étaitdoncpourcetteraisonqu’elle

allaittouslesansenEurope?Pourpasserl’étéaveclui?Pourquoinem’avait-ellejamaisriendit?Et,surtout,pourquoinemel’avait-ellejamaisprésenté?Mamèreétaitsidiscrèteàproposdemonpère…Avait-ellehontedelui?

—Non,jenesouhaitepasquitterWolford,ai-jerépondu.D’autantplusque…«…queConnornesortplusavecLindsey.»—…quenotreexistenceesttoujoursmenacéeparBio-Chrome.—J’avaisprévenumescollèguesquevous réagiriezainsi, a lancé leSageMitchell.Vousavez

toujoursétélaplusloyaledenosapprentis.—C’estvrai,jeprendscetteaffairetrèsàcœur.Nousdevonsàtoutprixprotégerlameute.Mêmesicelasignifiaitmentiràproposdemacondition.—Nem’envoyezpasàl’étranger,lesai-jesuppliés.

—Comprenez qu’il ne s’agit pas là d’une punition, Brittany, a expliqué le SageWilde. Vousrisquezdevoussentirexclueàcausedevotrecélibat.

—Prioritéàlameute.LeSageWilde a soupiré et a échangédes regards avec ses collègues, qui ont hoché la tête. Je

savaisqu’unefoistransforméslesLycanspouvaientlirelespenséesdesautres,maisj’aieul’intuitionquelesSagesenétaientcapablesmêmesousformehumaine.J’espéraisqu’ilsnepouvaientpaslirelesmiennes.J’aiessayédefairelevidedansmonesprit.

—Vousnetrouverezjamaispersonneplusloyalequemoi,ai-jeajouté.Jevousleprouverai.—Nousnedoutonspasdevotreloyauté,m’acorrigéeleSageWilde.Nousvoulonscequ’ilya

demieuxpourvous.—Restericiestcequ’ilyademieuxpourmoi.Ilsontdenouveauhochélatête,puisleSageWildeasoupiré,vaincu.—Alorsc’estd’accord.VotreprésencenousestindispensabletantqueBio-Chromedemeureune

menace.Toutefois,sivotrecompagnonsetrouveailleurs,iln’estpasjuste–nipourvousnipourlui–devousreteniriciindéfiniment.

Non,mon compagnon n’était pas ailleurs.Mon « problème » empêchait toute connexion entreLycansdesefaire,voilàtout.J’allaisdevoirmedénicheruncompagnonselonlaméthodehumaine:enlefaisanttomberamoureuxdemoi.

«Boncourage,magrande!»J’aitapotémamontre.—Jedoisyaller.LucasvateniruneréunionenprésencedetouslesGardiens.—Unedernière question, a répondu leSageWilde en souriant.Avez-vous trouvé ce quevous

cherchiezdansleGrandLivre?Celle-là, je m’y attendais, ce qui ne m’a pas empêchée de me dégonfler comme une vieille

baudruche.J’auraisputoutnierenbloc,maismêmemoi,dénuéedeflair,jesentaislestracesdemonpassagepartoutdanslapièce.

—Etsivousnousexpliquiez l’objetdevotrerecherche?afait leSageWilde.Nouspourrionspeut-êtrevousaider.

—Rienquiméritedevousdéranger.J’aicraintqu’ilsn’insistent,maisleSageWildem’aregardéesansriendire,commes’ilm’avait

percéeàjour.J’aicruqu’ilallaitmepasserunsavonoumetorturerpourmefaireavouer,orils’estcontentéderépondre:

—Bien,vousdevriezvousrendreàlaréuniondeLucas,votrepremièreentantqueGardiennedel’Ombre.

Étonnée,j’aiessayédenemontreraucuneémotion.C’étaittout?Ilsn’avaientriend’autreàmedire?

J’aibondisurmespieds.—Sachez,Brittany, a cependant ajouté leSageWilde, quemême si les chimèrespeuvent nous

donnercedontonabesoindansl’immédiat,ellesfinissenttoujoursparnouslereprendre.—Jevousdemandepardon?l’ai-jeinterrogé,nerveuse.Connaissait-illavérité?—Puissiez-vousnejamaisl’apprendreàvosdépens.Jelesaisuivishorsdelapièce,avecl’impressionqu’onvenaitdememettreàl’épreuve.Sijenemetransformaispaslorsdelaprochainepleinelune,j’iraistoutavouerauxSages.Mais

pour l’instant, j’étais plus que jamais déterminée à faire ce dont j’avais toujours rêvé : être une

Gardiennedel’Ombre.Unefoisarrivéedanslasalleduconseil,jesuisrestéeenretrait,parrespectpourlesSages,qui

prenaientplaceautourdelatablerondeaumilieudelapièce.OnzeGardienssetenaientderrièreleurchaise.KaylaétaitprèsdeLucas,ainsiquesonbrasdroit,Rafe.Lindseyétaitquasimentcolléeàlui,sesdoigtscherchantlessiens,lesyeuxbraquéssurmoi,commes’iln’yavaitquemoidanslapièce.Ellemesuppliaitsilencieusementdetoutavouer,delalibérerdupoidsquipesaitsursesépaules.

«Désolée,Lindsey.Pastoutdesuite.»Le siège entre Connor et Daniel – lemien – était vide. Avant, quand je n’étais encore qu’une

apprentie,jem’installaissurunechaisecolléeaumur.Soudain,j’aimesurélaportéedecetteséance:onm’accueillaitenfinàlatabledesGardiensdel’Ombre.

Je savaisqu’ilme fallait avancer,mais j’avais lespiedsclouésausol.Lindseyavait raison : jedevaistoutavouer,illefallait.C’étaitmaldeposermesfessessurcettechaisedestinéeàaccueillirunvraicombattant.Jedevaismerendreàl’évidence…

Lucasm’asouri.—Allez,viens,Brittany.Jen’aijamaisconnuquelqu’unquivoulait–niméritait–cetinstantplus

quetoi.C’était tellement vrai. Personne n’avait jamais autant travaillé quemoi. Personne ne suivait un

régimeaussistrictquemoi(jen’avaispasavalédechocolatdepuisdeslustres).JemedonnaisàfondpourêtrelameilleureGardiennedel’Ombredetouslestemps.Jepratiquaislesartsmartiaux.J’étaisprêteàdonnermaviepourlesLycans.

Quelle importance, si ma transformation n’avait pas fonctionné ? Mon dévouement et mamotivationdemeuraientintacts.

J’aiprisunegrandeinspirationetjemesuispostéederrièremachaise,prèsdeConnor.Ilavaitune barbe de trois jours, comme s’il ne s’était pas rasé depuis la pleine lune. Ses cheveux étaient,commed’habitude,plaquésenarrière.Iln’avaitjamaisétéaussisexy,etsaproximitémeredonnaitlapêche.

TouslesGardienssesontassis.Connors’estpenchéenavant,etj’aicaptéuneboufféedesonparfumboisé,unique.—Bienvenueautourdelagrandetable,m’a-t-ilchuchotédesavoixgrave.Jemesuisefforcéedenepassourirecommeuneidiote.—Merci.Commentvatonbras?Sonregards’estdurci.OK,cen’étaitpaslesujetidéalpourentameruneconversation.—Ilestguéri,a-t-ilrépondupoliment.Lepeudecomplicitéquis’étaitinstalléeentrenouss’estévaporée.Connoratournélesyeuxvers

Lucas.— Comme vous le savez tous, a commencé ce dernier, nous avons découvert un laboratoire

installéparBio-Chromeaunord-estdelaforêt.Ilsnousontcapturés,Connor,Kaylaetmoi-même,maisnousavonsréussiànouséchapperavecl’aidedeLindseyetdeRafe.

J’airegardéRafe.SesyeuxbrunstrahissaienttoutsonamourpourLindsey.Ilavaitdûavoirunmaldechienàcontenirsessentimentstoutcetemps.

J’aicroiséleregarddeConnor,etmoncœuracognéfortdansmapoitrine.M’observait-ilparcequejeluiplaisaisouparcequ’ilserendaitcomptequejen’avaispasmaplaceàcettetable?

Puisque deux âmes sœurs étaient censées pouvoir communiquer par télépathie, pouvais-je metrouveruncompagnondansdetellesconditions?Pire:mespenséesseraient-ellesàjamaisillisiblespourlesautresLycans?

—EnrentrantàWolford,Brittanyatrouvéunpiège,aannoncéLucas.J’aientenduquelquescrisdesurpriseétouffés.—Jenesaispass’ilaétéposéparBio-Chrome,ai-jeadmis,sachantqu’unmensongeàcesujet

pourraitmettrelesLycansendanger.—C’estbieneux,adéclaréConnor.Jesuisallévérifierhiersoir.J’aiflairéleurodeur.Lapaniquem’atorduleventre.Commentexpliquerauxautresquejen’avaisrienflairé?Allais-

jedevoirtoutavouer?—C’étaitcelledeMason?ademandéKayla.Masonetelles’étaientliésd’amitiédurantl’étéavantqu’ellenedécouvresesintentionsvis-à-vis

desLycans.—Non,aréponduConnor.C’étaitcelled’undesmercenairesqueBio-Chromeaengagéspour

nousdébusquer.CommeBrittanyn’étaitpasavecnousquandons’estfaitcapturer,elleneconnaîtpassonodeur.

Ouf,plusbesoind’inventeruneexcuse!—J’aitrouvétroisautrespiègeslelongdelarivière,acontinuéConnor.JenecroispasqueBio-

Chromeaitprospectélesenvirons,maiscen’estqu’unequestiondetemps.Lucasahochélatête.—Beautravail,Brittany.D’habitude,j’appréciaislescompliments.Cettefois,ilmesemblaquejenelesméritaispas.—Uncoupdechance.—EtheureusementpourtoiqueBio-Chromen’aitpasétédanslesparages,amurmuréDaniel.—Qu’allons-nousfairepourleurlaboratoire?ai-jedemandé.Lucasm’aadresséunsourirebienveillant.Luiaussiavait leteintmat,maisilavaitdescheveux

multicolores :brun,noir, argenté,blanc.Cela le rendait facilement reconnaissablepar leshumainslorsqu’ilsetransformaitenloup.

—Danslemeilleurdescas,ledétruire,mêmesil’entrepriseestassezdélicate.Onnepeutpasymettrelefeu,carl’incendierisqueraitdesepropagerdanslaforêt.JeconnaisunLycanquipossèdeuneentreprisededémolition;jevaism’entreteniraveclui,voircequ’ilnousrecommande.

—Ilyaurasûrementdesscientifiquesàl’intérieurdubâtiment,anotéConnor.— Et veut-on avoir leur mort sur la conscience ? a demandé Lucas. Nous allons devoir y

réfléchir.—Sinousnouscontentonsdedétruirelelabo,ilsenconstruirontunautreailleurs,plusdifficile

d’accès,afaitremarquerConnor.Etilscontinuerontdenouspourchasser.—Nousdevrionspeut-êtredévoilernotreexistence,asuggéréKayla.Propositionaudacieusedelapartdequelqu’unquivenaittoutjustededécouvrirnotreespèce!—Jedoutequelemondesoitprêtàaccueillirlanouvelle,arétorquéLucas.Celapourraitnous

causerencoreplusdeproblèmes.LucasatournélatêteverslesSagespoursolliciterleuravis.LeSageWildes’estlevé.—Le tempsestpeut-êtrevenudedévoilernotreexistence,maisnousnepouvonsprendrecette

décisionà lahâtecar il faudraenassumer lesconséquences.Nousnepouvons ignorer lamanièredontnousavonsétépersécutéslorsque,dansdestempsanciens,notreexistenceétaitconnuedetous.Deschasseurs surentraînésétaientchargésdenouséliminer,etnousavonsdûnouscacherpendanttantd’annéesqu’àprésentnousnesommesplusqu’unmytheauxyeuxdeshumains.Bienentendu,le

mondeachangédepuis,maisa-t-ilassezévoluépournousacceptertelsquenoussommes?Nousnepouvonsl’affirmerpourl’instant,maisnousallonsétudiervotreproposition.

Ils’estrassis,lesmainssurlatable,poursignifierquesoninterventionétaitterminée.—Quandpourrons-nousagir?ademandéRafe.J’ai senti Connor se raidir. Rafe avait fait preuve de courage en venant à la réunion. Tout le

monde,autourdecettetable,étaitaucourantpourLindseyetlui.Mais qui de Rafe ou de Connor avait épargné son adversaire lors de leur duel ? J’espérais

secrètementqu’ils’agissaitdeConnor…—Jepensequenousauronsl’avantagelorsd’unenuitsanslune,grâceànotrevisionnocturne,a

déclaréLucas.—Ilsontdeslunettesàinfrarouge,aripostéConnor.—Peut-être,n’empêchequec’estnotremeilleuratout.Connorahochélatêteàcontrecœur.— On va former trois équipes, a repris Lucas. La première restera à Wolford, la deuxième

écumeralaforêtàlarecherched’indicessurBio-Chromeetladernièreserendraàleurlaboratoire.Maispourlemoment,onvasedétendreunpeu.Jevaisdresserunelisteetvouslacommuniqueraienfindematinée.Nousnousmettronsautravaildemain.Desquestions?

Latensiondansl’airétaitpalpable;nousétionstousdéterminésàprotégernotreespèce.—Non?Parfait,aconcluLucas.IlahochélatêteendirectionduSageWildepourluidonnerlaparole.LeSages’estlevé.— Vous portez tous une énorme responsabilité sur les épaules. Nous nous sommes toujours

tournésverslesjeunesLycansqui,plusfortsetplusdésireuxdeprouverleurvaleur,nousfournissentlameilleuredesprotections.Maislasagessevientaveclenombredesannées.

Ilaplantésonregardsurmoi,etj’aifaitdemonmieuxpournepasavoirl’aircoupable.— Nous sommes ici pour servir et guider. Quant à vous, vous nous protégez contre

l’obscurantismedel’humanité.Allez,àprésent.Alors que tout le monde commençait à se lever, je prenais mon temps, réfléchissant à une

remarqueintelligentequejepourraisdireàConnor,quandquelqu’unm’atirélanatte.C’étaitDaniel.Ilm’asouri.

—TuesunesacréeGardienne.—Merci.JesavaisqueConnorvenaitdepartir ; jesentaissonabsence.Quellenaze!Uncoupj’espérais

qu’ilpourraityavoiruntrucentreluietmoi,etuncouplaréalitémefrappaitdepleinfouet.Lejouroù il me faudrait révéler mon incapacité à me transformer, comment Connor réagirait-il ? S’iltombaitamoureuxdemoientre-temps,pourrait-ilmelepardonner?Oumedétesterait-ildavantage?

Lucas a fait signe à Daniel de les rejoindre, Connor, Rafe et lui. Sûrement pour les envoyerpatrouillerdanslesbois.

—Onsereparleplustard,afaitDaniel.—Oui,d’accord,ai-jerépondu.Jemesuisditquejedevraispeut-êtreleprésenteràunedesapprenties.Ilétaitnouveau,etilavait

besoind’élargirsoncercled’amisqui,pourl’instant,necomptaitquemoi.Danslecouloir,jesuistombéesurKayla.—Ilstevoulaientquoi,lesSages?m’a-t-elledemandé.—QuejequitteWolford.

—Hein?PourterenvoyeràTarrant?Tarrantétaitlapetitevilleàl’oréeduboisoùlaplupartd’entrenousavionsgrandi.—Non,ilsvoulaientm’envoyerdansuneautreforêt,avecd’autresLycans.Ilspensentquemon

futurcompagnonm’attendailleurs.—Sérieux?s’estexclaméeKayla,surprise.—Oui,ilsjouentlespapysentremetteurs.—Ilsdoivents’inquiéterpourl’avenirdenotreespèce…oupourtoi.Je culpabilisais dem’êtremoquée d’eux.Depuis tout petits, nous avions appris à les respecter.

MaisquivoudraitavoirsurledosuntriodeCupidonsquineconnaissentplusrienàl’amour?J’airegardéderrièremoi,dansl’embrasuredelaportedelasalleduconseil,etj’aivuConnor,

Lucas etRafe enpleinediscussion.Ces trois-là étaient, sans conteste, lesGardiensde l’Ombre lesplus puissants. Mais seul Connor me subjuguait. À en juger par son expression, le sujet de leurconversationlepréoccupaitgrandement.Siseulementilpouvaitmeregarderdelamêmemanière…

—Çatediraitd’allerquelquepartpourdiscuter?m’ademandéKayla.J’aisentimagorgesenouer.—Discuterdequoi?—J’ensaisrien.Destrucsdefilles.Destrucsdeloups.Jem’habituetoutjusteàcenouveaustyle

devie.Destrucsdefilles,passeencore.Maisdestrucsdeloups…c’étaituncoupàcequejemegrille.—Jevaisplutôtallercourir.Surmesdeuxjambes.Elleafroncélessourcils.—Tuasencorebesoindet’exercerpourresterenformemaintenantquetupeuxtetransformer?—J’adorecourirsurmesdeuxjambes.Iln’yariende telpoursedonnerunebonnedécharge

d’adrénaline.Je ne lui ai pas laissé le tempsdeme contredire et j’ai grimpé l’escalier jusqu’àma chambre,

soulagéedenepaslavoirmesuivre.J’aienfiléunshortetdesbaskets,j’aiattrapémoniPodetjesuissortie.

Pendantmon jogging, j’ai repensé à Connor. J’aurais dû prendre samain, la serrer. Lui fairecomprendre sans unmot que j’étais là s’il avait besoin demoi.Où diable était passéeBrittany lavaleureuse,cellequiétaitpartieseuleaffrontersapremièretransformationmalgrélesréticencesdesSages?Certes,Connorn’étaitpeut-êtrepasprêtàse lancerdansunenouvellerelationamoureuse,maisilavaitcertainementbesoind’uneamie…Uneamiequinefondaitpascommeneigeausoleilchaquefoisqu’ellelecroisait!

J’ai repensé ensuite àBio-Chrome et au plan que nous allionsmonter pour les anéantir.LePrKeaneetsonfils,Mason,voulaientpercerlesecretdenotretransformationpourentirerunsérumqui permettrait aux Statiques d’en faire autant et, surtout, de s’auto-guérir. Pour cela, ils devaientd’abord capturer unLycan, et personne ne savait si ce cobaye survivrait à leurs expérimentations.Pire:Bio-Chromenesegêneraitpaspourrévélernotreexistenceaumondeentier.EtmêmesiKaylaavait raison de croire qu’il fallait révéler notre existence, il était préférable que nous nous enchargionsnous-mêmes.Jen’étaispasconvaincuequelesStatiquesseréjouiraientdecettenouvelle,vuqueBio-Chromenenousconsidéraitdéjàpascommedesêtresvivantsavecdesdroits.Lapreuve:quandilsavaientcapturéLucas,ilsl’avaientjetédansunecage,commeunanimal.

Riennipersonnenelesempêcheraitdes’appropriernotrecapacitéànoustransformer.En un sens, je les comprenais. J’avais tant attendu cette pleine lune qui me permettrait de me

transformer…Etàprésentqu’elleétaitpassée,j’attendaislaprochaineavecimpatience,pourvoirsi

leschosesallaientbouger.Seuledifférenceavecmoi:Bio-Chromeétaitprêtàtuer…

6Enrentrantdemonjogging,j’aivuqueLucasavaitaffichélalistedeséquipes.Connordirigeait

l’uned’elles.Normal:ilsavaitanalyserlessituationsetn’avaitpeurderien.Ilferaitunparfaitchefd’équipe.Lechefdemonéquipe,puisqu’ilyavaitmonnominscritsouslesien.

Unlégerfrissonm’atraversée.Luietmoiallionstravaillerensemble.Pourvuquejenesoispasobligéedemetransformer…

Commej’avaisencorebesoindemedépenser,jesuisalléeàlasalledesport,ausous-sol.Visiblement, je n’étais pas la seule à ne pas tenir en place. Quelques garçons, dont Connor,

soulevaientdespoids.Certainsm’ontsaluée,maislaplupartm’ontsuperbementignorée.J’étaisl’unedesraresfillesàvenirs’entraîner ici.C’étaitpeut-êtrepourçaqu’aucungarçonnem’avaitchoisiepourcompagne:j’entraistropsouventencompétitionaveceux.

J’ai attrapé une serviette dans une pile près de la porte, et j’ai essayé deme calmer. Je n’étaisencorejamaisvenuem’entraînerenprésencedeConnor.

J’avaisd’abordpenséfairedeshaltères,maisleseulbancdisponiblesetrouvaitàcôtédusien,etje n’avais pas le courage dem’y installer. Je me suis dirigée vers le tapis roulant contre le murperpendiculaireaurangdebancs.Parfait,jen’avaisplusConnordansmalignedemire.Commejerevenais tout juste demon jogging, j’ai directement enclenché lemode difficile. J’ai allumémoniPodetmesuisplongéedansmacourse,oublianttousmessoucis.

Deux mecs se sont arrêtés pour me regarder, puis ont repris leur activité. L’aérobic ne lesintéressait plus depuis qu’ils avaient subi leur première transformation : rien ne valait la course àquatrepattes.D’ailleurs,surlemurenbriquesderrièremoi,quelqu’unavaitunjourcolléunstickerquiproclamait:«LesvraisLycanscourentàquatrepattes.»

Letapisroulantétaitdoncunetrès,trèsmauvaiseidéedemapart.Si quelqu’un me le faisait remarquer, je n’aurais qu’à prétexter l’habitude. Oh, et puis zut,

pourquoitoujourssejustifier?Cen’étaitpasmongenre,alorsjen’allaispascommencercejour-là.J’avaisquandmêmeledroitd’aimerlacourseversionbipède.

J’ai accéléré, mes pieds rebondissant sur le tapis en rythme avec la musique de mon iPod.J’écoutais une chanson d’amour, ce qui m’a incitée à regarder Connor, qui s’entraînait avec unénormehaltère.

Ses mouvements étaient si fluides qu’on avait peine à croire qu’il soulevait dix-huit kilos. Ilportait un short et un T-shirt noir aux manches déchirées. Je me plaisais à croire qu’il les avaitdéchiquetéesaveclesdents…Jesais:c’étaitdébiledefantasmersurunvieuxT-shirt,maispourneriengâcher,Connorétaitsupermusclé.Commelaplupartdesautresgarçons,d’ailleurs.

En sueur, il devait s’entraîner depuis un bonmoment. Il ne s’était toujours pas rasé, avait lescheveuxébouriffésetilarboraitcetaircoriace,dangereux,qu’ontlesgarçonshabituésauxvictoires.Pasétonnantqu’ilsoitdanssespetitssouliersdepuissadéfaitecontreRafe.

Desmecsparlaiententreeux,certainsriaient,maispersonneneluiadressaitlaparole.Ilatournélatêteversmoi,et j’aidétournémonregardsivitequemesyeuxontfaillisortirde

leursorbites.N’importequoi!Qu’est-cequeçapouvaitbienmefaire,siConnormesurprenaitàlemater?

J’ai repensé à la veille, quand il avait eu les yeux rivés sur ma bouche. Et à l’heure du petitdéjeuner,quandjel’avaisvumereluquer.EtauconseildesGardiensdel’Ombre,quandilyavaiteutoutecetteélectricitéentrenous.Jusqu’àprésent,cetteélectricitéavaitétéàsensunique,maislà,pasdedoute,elleétaitréciproque.

J’aidenouveaubraquélesyeuxsurlui.Ilfixaitlemiroirenfacedelui,saufquec’étaitmonrefletqu’ilscrutait,paslesien.Ilsoulevaittoujourssonhaltère,lesdentsserrées,commes’illuttaitcontrequelquechose.Pascontrel’effort,puisquel’exercicesemblaitêtreunjeud’enfantpourlui.

J’auraisaimé lui sortirunephrasequi faitmouche,un trucqui luiaurait faitcomprendrequ’ilm’indifférait ou qu’au contraire il pouvait m’avoir d’un claquement de doigts. Mais moi, j’étaisplutôt une fille d’action, je n’avais jamais dragué personne. Il me fallait peut-être des cours derattrapage.

Jen’airientrouvéàdireàConnor.Pourtant,jen’aipasdétournéleregard,etluinonplus.Ilavaitralenti le rythme, et sesmuscles frémissaient sous sa peau. Il aurait dû faire une pause,mais il acontinué.Levoir fournir un tel effortm’a retournée.Soudain, j’ai eudumal à respirer. J’aimoi-mêmeralentilacadencesurmontapisroulant.

Jen’avaistoujourspasdétachémonregarddeceluideConnor.Unefoisletapisarrêté,j’aiôtémes écouteurs et les ai fourrés dans ma poche. Je me suis passé ma serviette sur le visage enréfléchissantàcequej’allaisbienpouvoirfaire.

Demanière aussidétachéequepossible, jeme suis installée sur lebancprèsdeConnor et j’airetirémonT-shirt. Il faisait unpeu froid enbrassière.Dans lemiroir, j’aivuConnor fléchir, puisaccélérersesmouvements. J’aieu l’impressionde le torturer. Ilm’avaitpeut-êtreenfin remarquée.Pourdebon.

J’aisaisiunhaltèredequatrekilosetdemi,etj’aicommencéàimiterConnor,conscientequ’ilmedévoraittoujoursduregard.J’avaisdeplusenpluschaud,commelafoisoùj’étaisalléeauhammamavecmamèreetquejem’étaispayéleluxed’unmassageauxpierreschaudes.

—Tuveuxmaphoto?ai-jefiniparlâcher.Ilasecouélatête,sansdétournerlesyeux.—Tueslaseulefilleàt’entraînerautant.— J’y peux rien si les autres sont des feignantes. Si je veux être la meilleure Gardienne de

l’Ombredetouslestemps,jedoisresterenforme.—LesmecsseronttoujoursdemeilleursGardiensquelesfilles,alancéquelqu’un.J’ai tourné la tête vers Drew, un apprenti, qui faisait des flexions. Les apprentis avaient la

particularitéd’êtrearrogants,alorsquen’importequelGardienlesauraitpulvérisésendeuxtempstroismouvements.

—Jetebatsdirectàlacourse,l’ai-jedéfié.—Ça,c’estjustedel’endurance,pasdelaforce.—Alors quoi ?Tu veux voir lequel de nous deux peut soulever le poids le plus lourd ? ai-je

sifflé.Il a secoué la tête, rayonnant.Drewaimait les combatsphysiques (qu’ilprovoquait souvent), et

son impulsivité risquaitde luicoûtercherun jour.Àcôtéde lui,plusieursgarçonsontcessé leursexercicespournousregarder.

—Drew,laisse-latranquille,estintervenuConnor.—Merci,maisjepeuxmedéfendretouteseule,ai-jerétorqué.Agacéparmaréaction,ilalevélesyeuxauciel.—C’estlebut,quandonestGardiendel’Ombre,ai-jefaitremarquer.—Non,lebut,c’estdesebattreenmeute,aréponduConnor.Il avait raison, et çam’énervait. Tout lemonde est retourné à ses activités, car quandConnor

exigeaitquelquechose,onluiobéissait.S’ilnes’étaitpasaussibienentenduavecLucas, il l’aurait

déjàdéfiépourprendrelatêtedelameute.Etilauraitgagné,sansl’ombred’undoute.Oui,malgrésagaietéhabituelle(disparuedepuissaruptureavecLindsey),c’étaitl’undenosmeilleursGardiens.

Alors,commentavait-ilpuperdrecontreRafe?—QuoideneufentreDanielettoi?m’a-t-ildemandéd’unevoixsourde.J’aichangémonpoidsdemain.—Dequoituparles?—Cematin,pendantlepetitdéjeuner,onauraitditquetuavaischangéd’avisàsonsujet.—T’esjaloux?ai-jedemandé,avantdemerendrecomptequec’étaitunetrèsmauvaiseréponse.—Non,justecurieux.—Ilestsympa,c’esttout.QuelquechosevenaitdesepasserentreConnoretmoi,mais jen’arrivaispasàmettre ledoigt

dessus. Il a accéléré lemouvement, soufflantplus fort, lesyeux toujours rivés surmon reflet. J’aisuivisonaccélération.Jecrevaisdechaud;lasueurluisaitsurmapeau.Connoraregardéunegouttedégringolerlelongdemonventrepuisfinirsacoursesurl’élastiquedemonshort.Ilasouffléplusfortencore.Unelueursauvageaclignotédanssesyeux.Ilressemblaitauloupdanslapeauduquelilse transformait. J’étais àboutde souffle.Àcausedupoidsque je soulevaisoude lamanièredontConnormereluquait?

Malheureusement, la douleur dansmonbras s’est amplifiée et j’ai été contrainte d’abandonner.Haletante,j’ailâchél’haltèrependantqueConnor,lui,continuait.Bienentendu.

J’aiquittélebancpourm’installersuruntapisdesoloùj’aifaitquelquesabdominaux.Unefoismes bras reposés, je suis allée vers la barre de traction et, face au mur de briques rouges, j’aicommencél’exercice.Toutlemondeautourdemois’entraînaitavecardeur,sepréparantaussibienphysiquementquementalementànotrecombatcontreBio-Chrome.

J’ai continuémes tractions jusqu’à ce quemes brasme fassent souffrir. Je suis redescendue àterre.

—Tudois toujours t’attendreàuneattaquesurprise,m’aditConnord’unevoixgravependantquejefaisaisdesétirements.

Jesentaissonsoufflecontremanuque.—C’estcequejefais.—Onn’estjamaiscomplètementprêt.Soudain,ilm’asoulevéeetm’ajetéesuruntapisdesolavantdesemettreàcalifourchonsurmoi.

Lasalledesportétaitdevenuesilencieuse.Commentavais-jepunerienremarquer?Connoretmoiétions les seuls à faire du bruit pendant que nous soulevions nos haltères. Les autres s’étaientagglutinésautourdenouspourassisterànotreconfrontation.

Connorétaitfort.Très,trèsfort.Jen’avaisaucunechancederivaliseraveclui,maisj’étaistrèsagile,alors j’ai roulésur lecôtéhorsd’atteinte.J’auraisdûm’enfuir,maismanon-transformationm’avaittantenragéequej’aifoncétêtebaissée.

J’aibondisurledosdeConnoravantdeluifaireuncroche-pattedelajambegauche.Entombant,il s’est retournépileaubonmomentpourmemettreà terreavant lui.Pasgrave : je conservais lecontrôledelasituation,etillesavait.

LecorpsdeConnors’est raidi,etd’unmouvementsouple ila repris ledessus.C’étaitdifficiled’avoir une prise sur lui avec toute la sueur qui couvrait son corps. Pareil pour lui : sesmains –grandes,puissantes–glissaientlelongdemondosetdemescuisses.J’aiplantélesdoigtsdanssesépaules.

Nousnoussommesséparésetavonsbondisurnospieds.Ilavaitunelueurbestialedansleregard,et la tension était à couper au couteau. Ce n’était pas une tension entre compétiteurs, mais unedéchargeélectriqueentreungarçonetunefille.Unetensionsexuelle.

—T’esplutôtbonne,m’a-t-illancéavecunetouchederespectdanslavoix.Soncomplimentm’aempliedefierté,maisjenedevaispasbaissermagardepourautant.—Jetel’avaisbiendit,afaitLucas.Jenel’avaispasvuentrerdanslasalle.Depuiscombiendetempsnousobservait-il?Connor luiaadresséunhochementde tête imperceptiblepuisest retournéà lacharge.Je luiai

attrapélajambeet,enmeservantdesonproprepoids,jel’aibalancéausol.Unefoisàterre,jeluiaiprislebras,quej’airamenéversmacuisseavantdeletordre.Connorarugi.Labêteenluirefusaitdeselaisserdompter.

J’aisentisesmusclessedétendre;ilallaitserendre.Alorsj’airelâchémonétreinte…Etilm’ajetéeàterre,soncorpssurlemien,sapeaucontrelamienne…Son regard s’est promené sur mon visage, comme s’il me voyait pour la première fois. Il a

légèrementbaissélatête,etsesnarinesontpalpité.Ilétaitentraindehumermonodeur.—OK,j’abandonne,ai-jedéclaré.LeregarddeConnors’estarrêtésurmabouche,avecplusd’intensitéencorequelaveille,puisil

est remonté jusqu’à mes yeux. Il a froncé les sourcils et, finalement, a hoché la tête avant de serelever. Ilm’a tendu lamainpourm’aideràmemettredebout.Unevaguedeplaisirm’a traverséelorsqu’ilm’atiréeàlui.

—Elleferal’affaire,adéclaréConnoràquelqu’underrièremoi.Jemesuisretournée.J’aiaperçuLucas,lesbrascroisés,apparemmenttrèsfierdelui.Àsescôtés,

Kaylamesouriait.—Connorestàlatêted’uneéquipedeGardiens,aexpliquéLucas,etchaquechefabesoind’un

secondpourleprotéger.J’aiproposéàConnordetechoisir,maisildoutaitdetescapacités.Tuluiasmisunesacréeraclée!

J’ailancéunregardfurieuxàConnor,quis’épongeaitlecorpsavecuneserviette,commesiderienn’était.Jeluiaidécochéuncoupdepoingdanslebras.

—Hé!s’est-ilexclamé.Qu’est-cequiteprend?—C’étaituntest?Unbonsangdetest?Connor,tumeconnaisdepuistoujours,commentas-tu

pudouterdemoi?—Désolédet’avoirvexée,maisjenet’avaisjamaisvuecombattre.Alors,oui,jevoulaisvoirce

quetuavaisdansleventre.Jemesuisplantéedevantlui.—Jeteconseilledenepasmedéfierquandjesuistransformée.Sinon,tuneterelèverasjamais.«Tuparles!»—Bieeeen,estintervenuLucasenpoussantConnor.Onacompris,plusdetests!—Etjesuissérieuse!ai-jerugiavantdesortirentrombedelasalledesport.Danslecouloir,despaspressésontrésonnéderrièremoi.—Brittany,attends!m’acriéKayla.J’aipivotésibrutalementqu’elleatitubé.Jedevaisavoirl’airblessé,déçu,encolère.—Tuétaisaucourantdeleurpetitmanège?Mavéhémenceasemblé lasurprendre.Mais,pourautantqueje lesache, jamaisaucunGardien

n’avait été testé auparavant.Alors pourquoimoi ?Avaient-ils senti qu’il ne s’était rien passé à lapleinelune?

Kaylaaparugênée.—Oui,enunsens.JesavaisqueConnornerateraitpasl’occasiond’évaluertestalents.—Ettun’aspaspenséàm’avertir?—J’aiessayé,saufquetuespartiecourir.Oups ! Du coup, j’ai culpabilisé de m’être défoulée sur elle. Elle était nouvelle dans notre

communauté,n’avaitpasgrandiici,elleneconnaissaitpaslessubtilitésdenosrapports,nicedontonétaitcapables.Macolères’estenvoléeaussitôt.

—Ah,c’étaitça, tes« trucsdefilles»et tes« trucsde loups»?Tunepouvaispasmeledireautrement?

—Jenevoulaispasqu’onm’entendeetqu’onsachequej’allaisenfreindrelesordres.LesLycansontuneouïesifine!Commentpeut-ongarderunsecretici?

J’aisecouélatête.—Personnen’adesecret.Àmontourd’êtremalàl’aise.—Excuse-moi.Jen’auraispasdûpassermacolèresurtoi,ai-jelâché.—Cen’estpasgrave.Moiaussi,j’étaisénervée.Maistut’esdébrouilléecommeunchef.Soudain j’ai pris conscience que j’avais réussi l’épreuve : Connor m’offrait une grande

responsabilitéauseindelameute,parcequejel’avaisimpressionné.Maispourcombiendetemps?Jusqu’à ce qu’ilme demande deme transformer.Et alors, je perdrais le respect demes pairs quej’avaissidurementacquis.Pendantunefractiondeseconde,j’aipenséretournerdanslasalleettoutluiavouer.Non,j’étaisplusfortequeça,jevenaisdeleprouver.Jepouvaisêtreunatout,dumomentquelasituationn’exigeaitpasquejemetransforme.Jenevoulaispasratercetteopportunitéd’êtreavecConnor.J’allaisfairecommesiderienn’était,commesimesnerfsn’étaientpassurlepointdelâcheràtoutmoment.

—Jel’aimassacré,ai-jeréponduensouriant.—Oui,enfin,presque…Querépondreàcela?Niercequetoutlemondeavaitvu?—Ne temine pas pour ça,m’a rassuréeKayla.Tu t’es bien battue.Ça te dirait de rester avec

Lucasetmoicesoir?—Pourtenirlachandelle?—Maisnon,onserasages,a-t-elleréponduavecunsourireindulgent.Lucasm’aparlédelasalle

communeavecl’écrangéant.OnvasefaireunmarathonDVDaveclesautres.Laportedelasalledegyms’estouverte,etConnorestapparu.Ilahochélatêteenpassantprèsde

moi.Unfrissonm’aparcourue.J’avaisl’habitudedefrissonneraprèsunentraînement,maiscettefois-

ciçan’avaitrienàvoir:Connorenétaitlacause.Jel’avaisvusebattresousformedeloup,quandnousavionscroiséunanimalsauvagedansles

bois,prêtànousbondirdessus.J’avaistrouvéConnorvraimentbeau,quoiquedangereux,maisjenel’avaisencorejamaisvucombattresoussaformehumaine.Ilétaitencoreplussexy,plusterrifiant…

Surtoutaumomentoùilavaitcomprisquejel’avaislaisségagner.

7De retour dans notre chambre, j’ai pris une douche pour me détendre. En me séchant, j’ai

découvertdesbleussurmacuisseet surmonbras.Pleinede rage, j’aiabattumonpoingcontre lelavabo.N’importequelautreLycanseseraittransformépourlesfairedisparaître.Maismoi,j’allaisdevoirlescachersousdesvêtements.

DesfringuesquineséduiraientjamaisConnor…Incroyable.Moinsd’uneheureaprèscestupidetest,j’avaisdéjàhâtederevoirConnor.Mebattre

avecluiavaitététroublant…mêmesilaraisondeceduelétaitnaze.Caràprésent,j’étaiscertained’avoircaptésonattentionpourdebon.Etceconstatmeréjouissait

plusquelaplacedesecondqu’onm’avaitassignée.Enplus,ilavaithumémesphéromones…Queseserait-il passé si nous avions été seuls ? Est-ce qu’il aurait fini par m’embrasser ? Est-ce qu’ilm’aurait repoussée si j’avais glissémesmains sous son T-shirt pour lui caresser le dos ? Est-cequ’il…?

Uncoupsecàlaportedelasalledebainsm’afaitsursauter.—Jepeuxentrer?ademandéLindsey.Ellenepouvaitpasattendrequej’aiefinidefantasmeravantdevenirmedéranger!—Euh,jesuistoutenue.—Alorsenroule-toidansuneserviette,ilfautquejemeprépareavantderejoindreRafe.—Uneseconde,ai-jeditsansdissimulermonagacement.Tantpispourlefantasme.J’aiinspectémoncorpsenvitesseàlarecherched’autresbleus.Rien.J’aipasséuneservietteautourdemapoitrine,maismonbleuàlacuisseétaitvisibleparlafente.

Super.PourvuqueKaylaneremarquerien.Jemesuismisuneautreserviettesurlebrasdansl’espoirdecachermonbleu.

—Merci.Lindseyarefermélaportederrièreelleaprèsquejesuissortie.J’aifouillédansmonsacàdosd’oùj’aitiréunjean.—C’estunbleu?m’ademandéKayla.J’aibaissélesyeuxsurmacuisse,etj’aifeintlasurprise.—Oh,oui,ondiraitbien.—Tun’asqu’àtetransformerpourtesoigner,a-t-ellesuggéréenenfilantunhautvert.C’estl’un

desgrandsavantagesdesLycans.Elleacommencéàbrossersescheveuxroux.—Oui,jemetransformeraiquandvousserezsortiesdelachambre,ai-jementi.Kaylaacessédesecoiffer.—Jepeuxfermerlesyeux,situveux.Jecomprends.C’estplutôtintime,commeexpérience.La

premièrefoisquejemesuistransforméedevantquelqu’und’autrequeLucas,j’étaishypernerveuse.J’aicruqueçan’allaitpasmarcher.Jemedemandecequeçafaitdegrandirensachantqu’onpourrasetransformerunjour.J’auraisjamaiseulapatienced’attendre.

—Onn’apasvraimentlechoix.Elleareposésabrosse.—Tuessûrequetuneveuxpasquejet’attende?—Promis.Lucasettoipourrezvousembrasserautantquevousvoudrez.KaylaaouvertlaporteetarejointLucas,quipatientaitdanslecouloir.J’aurais tellement voulu avoir un copain qui m’attende dans le couloir, moi aussi. Et que ce

garçonsoitConnor.

JemesuishabilléeàlavitessegrandVavantqueLindseynesortedelasalledebains.Mercibien,maisjen’avaispasbesoinqu’ellemeconseilled’avouermonproblèmeenvoyantmesbleus.

J’ailâchémescheveux,imaginantConnorpassersesdoigtsdedans,encoreetencore…Bon,ilétaittempsquejecessedepenseràlui.LesSagesavaientsûrementraison:monâmesœur

devaitsetrouverailleurs,peut-êtremêmedansunpaysétranger.Certes,jenem’étaispasencoretransformée,etmasituationétaitunpeucompliquée,maiscelane

signifiaitpasquejeneméritaispasd’avoiruneâmesœur…ouaumoinsunpetitami.Jenevoulaispasnonplusm’engagerpourlavie,justeavoirunbisoudetempsentemps.UnbisoudeConnor,parexemple…

J’ai soupiré. Pourrais-je être heureuse avec quelqu’un d’autre queConnor ? Pouvait-il, de soncôté,trouverlebonheuravecquelqu’und’autrequeLindsey?

Cettedernière est justement sortie de la salle debains, rayonnantedebeauté,mince commeuntop-model.Pourmapart,jen’avaispasdutoutlamêmesilhouettequ’elle.Unjour,mongrand-pèrem’avaitditquej’avaisuneossaturerobuste.Exactementlegenredecomplimentquelesfillesrêventd’entendre.

—Ilparaîtquetuesdansl’équipedeConnor?m’ademandéLindseyenjetantuntasdelingesaleprèsdesonlit.

—Cen’estpasunsecret,ilyaunelisteaffichéeàcôtédelasalleduconseil.— J’aimerais que ça marche entre vous deux, tu sais. Mais Connor avait l’air un peu distant

aujourd’hui…—Sansblague?Tut’esmoquéedelui,Lindsey.Moi,jeneluiauraisjamaisfaitça.Lerougeluiestmontéauxjoues.— J’aurais dû prendre mon courage à deux mains et tout lui avouer quand je me suis rendu

compteque j’aimaisRafe. Jen’ai jamaisvoulu fairedemal àConnor,mais tout lemondecroyaitqu’onétaitfaitsl’unpourl’autre.Saufnous.

Je n’ai pas répondu. Aucune parole ne la réconforterait, de toute manière. Elle a quitté notrechambreensilence,et jemesuisassisesurmonlitenmedemandantcequej’allaisfaire.KaylaetLindseypasseraientlasoiréeavecleurscompagnons.Ducoup,seulConnorseraitdisponiblecesoir-là.Malgrémonenviedelerevoir,j’étaistoujoursencolèrecontrelui,etjen’étaispasd’humeuràallerlechercher.J’étaistellementdéçuequ’ilaitdoutédemescapacités.

J’aidécidédepasserlasoiréeseule.Je suis allée me prendre une boîte de pop-corn au distributeur automatique du hall, avant de

pénétrerdanslasallecommunequi,enréalité,ressemblaitplutôtàunpetitauditorium.Leslumièresétaientéteintescarlefilmavaitdéjàcommencé.J’allaissortirmaminilampedepochequandjemesuissouvenuequej’étaiscenséevoirdanslenoir…

Iln’yavaitpresqueplusdeplaceslibres.Et,bienentendu,c’étaitlemomentprécisdufilmoùlehéross’enfonçaitdansuneforêtsombre.Oui,àWolford,onadoraitregarderdesfilmssurlesloups-garoustantilsétaientridicules.Derrièremoi,j’aientendulaportes’ouvriretserefermer,maistropvitepourquejeprofitedelalumièreducouloir.

Puis quelqu’un m’a touché le bras, et une vague de plaisir m’a traversée. L’agacement quej’éprouvaisunpeuplustôtpourConnoradisparu.Mêmedanslenoirlepluscomplet,jesavaisquec’étaitlui,carjereconnaissaissonodeur.

—Tuattendsquelqu’un?m’a-t-ilchuchotéàl’oreille.J’aieudesfrissonslelongdelanuque.«Personne,àparttoi.»

—Non.—Alorsviens,onvas’asseoirensemble.Sansattendremaréponse,Connoraattrapémamain.Toutàcoup,l’écrandetélés’estéclairci,et

j’aipuvoircequisepassaitautourdemoi.Connorm’aconduiteversunerangéedesiègesdevantKayla et Lucas. Surprise, Kayla a écarquillé les yeux. Réaction qui ne devait rien au film, ai-jesupposé…

Connoretmoinoussommesassis.Jeluiaiproposédupop-corn,qu’ilaaccepté,etils’estvautréaufonddesonsiège,commesilesévénementsdel’après-midin’avaientjamaiseulieu.

Qu’avais-je espéré, au juste ? Qu’il passe son bras autour de moi ? Qu’il m’embrasse ? J’aipiochéunepoignéedepop-corn,toutappétitenvolé.

Surl’écran,quelquestouffesdepoilsontcommencéàpoussersurlevisageetsurlesmainsduhéros.Leseffetsspéciauxétaientpourris.

—C’estn’importequoi!amarmonnéConnorenlançantdupop-cornsurl’écran.D’autresspectateursontpoussédeshuées.D’habitude, je riais bien volontiers devant ces nanars. Mais ce soir-là, être témoin d’une

transformation,sirisiblefût-elle,mefaisaitmal.J’avais grandi avec l’image de la personne que je serais aprèsmes dix-sept ans.Ma première

transformationm’auraitpermisdeguérirmonmanquedeconfianceenmoifaceàl’indifférencedesgarçons. Transformée en louve, j’aurais possédé beauté, confiance et puissance. Jamais moncompagnonnem’auraitabandonnéedelamanièredontmonpèrenousavaitabandonnées,mamèreetmoi.

Toutàcoup,j’aisentilebrasdeConnorsurledossierdemonsiègeetsesdoigtssurmanuque.Surprise,jemesuisredressée.

—Çanevapas?m’a-t-ildemandéd’unevoixgrave.J’aisecouélatête.—Non,non,çava.Ilapassésamainautourdemoncouetm’acaressélementon,sonregardbraquésurmoi.J’ai

fixél’écranpourmedonnerunecontenance.J’avaistantespérécemomentquej’avaisl’impressiond’être dans un rêve. Peu de temps auparavant, il était encore prêt à se consacrer corps et âme àLindsey.Etàprésent, ilsecomportaitcommesiellen’avait jamaisexisté,malgrésontatouagesurl’épaulesymbolisantsonengagementéternel.Deplus,ilavaitdoutédemescapacitésphysiques.Etsijeluirendaislamonnaiedesapièce?

Ses lèvresont effleurémonoreille. Jen’ai pas résisté. J’ai pousséun long soupir tremblant, àdeuxdoigtsdemeliquéfiersurplace.

—Viens,ons’enva,a-t-ildéclaré.Sansme laisser le tempsdedécliner son invitation (ceque jen’aurais, àmonavis,pas fait), il

s’estlevé,m’aattrapélamainetm’aentraînéehorsdelasalle.Danslecouloir,ilm’aregardéedroitdanslesyeux.

—Jesuissûrquequelquechosenevapas.Jesaisqueçan’arienàvoiravecnotrecombatdecetaprès-midi,puisquetuasacceptédet’asseoiravecmoi.Alors,qu’est-cequitetracasse?

Ilyavaitdelapuissancedanssavoix.J’auraisvoulutoutluiavouer,qu’ilmerassure,qu’ilmeprometteque j’allaisdevenirune louvesuperbecomme je l’avais toujours rêvé…Mais jemesuissouvenue des regards en biais qu’on m’avait lancés quand j’étais montée sur le tapis roulant. Etencore,cen’étaitriencomparéàcequim’attendraitsijerévélaislavérité…

—C’estàcausedeBio-Chrome,ai-jerépondusansvraimentmentir.Jenesuispastropd’humeuràregarderunfilmquisemoquedenotreespèce.Masonetsonpèrenousconsidèrentcommedesratsde laboratoire, tout juste bons à se faire disséquer et étudier. Et ce film n’est qu’un ramassis declichés.

—Non,Brittany,cenesontpasdesclichéspuisquepersonneneconnaîtnotreexistence.Enfin,àpartBio-Chrome.Lereste,c’estde lapurefiction.Nous,onsaitque toutest faux,maisunfilmnepourrajamaiss’approcherdelaréalitétantquepersonnenesauraqu’onexiste.

—Ettucroisqu’ondevraitrévélernotreexistence?—C’estcequeveulentcertainsd’entrenous,maistuasentendularéponsedesSages.Tantque

personneneconnaîtnotresecret,noussommesàl’abri.—Tulepenses,toiaussi?—Moi,jepréféreraisfoncerdansletas,a-t-ilréponduenpiochantdupop-corn.Allez,viens,on

vafaireuntour.Ilaattrapélaboîtedepop-cornetl’ajetéedansunepoubelleavantdemeprendrelamainetde

meconduireà l’extérieur. Jenemeserais jamais laissé faireen tempsnormal,mais,ce soir-là, jel’auraissuivijusqu’auboutdumonde.

Nousavonstraversélacouretatteintl’oréedesbois.Connors’estappuyécontreunarbre,aposésesmainssurmeshanchesetm’aattiréeverslui,sesyeuxplongésdanslesmiens.Doucement,ilapromenésamainsurmonbras.Etdirequejeportaisdesmancheslonguespourcachermonbleu!Siseulement j’avaispu sentir soncontact surmapeau…Il aglissé sesdoigts entre lesmiens, etunedécharged’électriciténousaparcourus.Ilalevémamainjusqu’àsaboucheets’estmisàlécherlesrestesdeseletdebeurrefonduauboutdemesdoigts.Jen’avaisjamaisrienvécud’aussisensuelet,pourtant,toutcepetitjeunemeparaissaitpassincère.

—Jenesuispasunbouche-trou,luiai-jelancé.—MaisLindseym’aditquetuavaisunfaiblepourmoi,a-t-ilrépondu,surprisparmonton.Ohnon,Lindseyn’avaitpasledroitdemefaireça!—Ehbien?a-t-ilinsistéenmefixant.J’aiserrélesdents.PourvuqueConnornesefichepasdemoi!Enmêmetemps,c’étaittoujours

lui.Legarçonavecquij’étaisalléeàl’école,celuiquej’encourageaissurleterraindefoot,celuiquiportait tout notre barda lorsqu’on partait en expédition sans jamais se plaindre. Celui qui avait cesouriresisexy.Celuiqui–quandmême!–sesouciaittantdenotreespècequ’ilétaitprêtàdéfiersonfuturbrasdroit.

—Tum’aimesbiencomment?a-t-ildemandé.—Cen’estpasuntrucqu’onmesuresuruneéchelledeunàdix.D’autantplusquemessentimentspourluipulvérisaientladiteéchelle…—Unjour,tum’asvuetboum!tuasétéfoudroyée!—Non.—Lucasm’aditquec’estcequ’ilavaitressentipourKayla.Quec’étaitcommeuncoupdepied

dansleventre.—Commec’estromantique!ai-jeironisé.Etpourquoinepourrait-onpastomberamoureuxpetit

àpetit,commeleshumains?—Parcequenousne sommespashumains, a-t-il dit enme rapprochant de lui.Tum’as laissé

gagnercetaprès-midi;j’aisentiquetuavaisrelâchétapriseavantquejenedéclareforfait.Cen’estpastongenredefaireça.

Ilétaitdéçuquejel’aielaisségagner?

—JemesuisditquetonegoavaitdûprendreunsacrécoupquandRafet’avaincu,alors jenevoulaispast’infligerçaunesecondefois…Pasdevanttoutlemonde.

—ParcequetucroisqueRafem’avaincu?m’a-t-ildemandéendétachantchaquemot,commes’ilsétaientdouloureuxàprononcer.

—Ehbien,oui.D’habitude,levainqueurachèveleperdant.Etpuisqueaucundevousn’estmort,etqueRafeestrepartiavecLindsey,jesupposequ’ilt’aépargné.

Jemesuisalorsrenducomptedel’horreurdemesparoles.—Personnellement,ai-jerepris,j’auraismisésurtavictoire.Tun’espasaussifonceurqueLucas

niaussiintimidantqueRafe,maistuestrèsfort,etjetrouvequetueslemeilleuren…—Tais-toi,m’asouffléConnoravantdemescellerlabouched’unbaiser.Unbaiserfiévreux,sauvage,àl’imagedelabêtequidormaitaufonddelui.Uncourtinstant,j’aipenséqu’aucunebêtenedormaitaufonddemoi,puisj’aiviterepoussécette

idée pourme concentrer sur notre baiser. La barbe de trois jours deConnorme picotait la peau.C’était un baiser plein de passion, mais aussi de tendresse. Ses mains parcouraient mon dos, seglissaientsousmonT-shirt,descendaientlelongdemacolonnevertébrale.J’auraisaiméqu’ilenlèvesa chemise, que je puisse caresser son torse… Ses mains se sont immobilisées sur mes hanches.Soudain,ilm’arepoussée.

—Ilnem’apasvaincu,a-t-il lancé. J’ai cessé lecombatparceque jen’étaispasamoureuxdeLindsey.

—Pourtant…—Oui,jesais.Letatouage,ladéclarationenpublicettoutletintouin…Tuneveuxpasjouerles

bouche-trous?Parfait!Maisdanscecas,arrêtedemetenteravectoncorpsderêve…Avantquejepuissedirequoiquecesoit,ils’estmisàcourirensedéshabillant.Aumomentde

s’enfoncerdanslesbois,ils’esttransforméenloup,sonpelageblondreflétantleclairdelune.Voulait-il que jeme déshabille aussi et que je le rejoigne ? J’ai soupiré et me suis adossée à

l’arbre.Quevenait-ildesepasser?Connorm’avait-ildéfiéeàlasalledesportnonpourtestermescapacités,maisparcequ’il était attiréparmoi ?Avait-il voulu se rapprocherdemoi sousun fauxprétexte?

Il n’était pas amoureuxdeLindsey.Sesparolesme trottaient encoredans la tête.S’il ne l’avaitjamaisaimée,alorsjen’étaispasunbouche-trou.Etsijen’étaispasunbouche-trou,alors…

Alorscelasignifiait-ilquej’auraisConnorrienquepourmoi?Oui,jusqu’aumomentoùildécouvriraitlavérité.Bon,jen’allaispastraînercesecrettoutemavie.ImpossibledemeconfierauxSages.Mais…et

sijemeconfiaisàmamère?Elleseraitderetourd’Europelelendemain.Elleauraitsûrementdesréponsesàmedonner.Peut-êtreavait-elleeulemêmeproblèmequemoi?

Découragée, j’ai rebrousséchemin jusqu’àWolford.Arrivée là-bas, j’aicontourné labâtisseetfailli me cogner contre un couple en train de se faire des mamours. Lui était appuyé au mur enbriquesetelleétaitcolléeàlui,commejel’avaisétéquelquesminutesauparavantavecConnor.

Jen’avaisfaitaucunbruit,maislesdeuxamoureuxsesontbrusquementdétachésl’undel’autre.—Oh,j’aicruflairerConnor,alancéLindseyavecungloussement.Sansrépondre, j’ai reprismonchemin.Lindseym’aattrapéepar lebrasetm’afait fairedemi-

tour.—Maisoui, je flairebienConnor !a-t-ellecontinué.Tuétaisavec lui…Tuétaismêmecontre

lui!J’enavaismarredeleursuperflair!Onnepouvaitrienleurcacher.

—Etalors?ai-jeaboyé.Tul’asplaqué.Cequejepeuxbienfaireavecluineteregardepas.—Non,non,jesais.Maisc’estcool,çamefaitplaisirqu’ilpasseàautrechose.Seulement,jene

pensaispasqueçaarriveraitaussivite.—Euhnon,c’estpastoutàfaitça.—C’est-à-dire?Rafe nous a rejointes et a passé les bras autour de Lindsey avant de poser sonmenton sur le

sommet de sa tête. Ils s’imbriquaient à la perfection, commedeux pièces d’unmêmepuzzle.Maisétaient-ilstoujoursobligésdesetripoter?Neserendaient-ilspascomptequeçamefaisaitmaldelesvoirsecomporterainsi?

J’ailancéunregardfurieuxàRafe,espérantaumoinslefairereculer.Jen’allaisquandmêmepasparlerdeConnorensaprésence!D’ailleurs,jenesavaismêmepasencoresij’allaisdirequoiquecesoitàLindsey.

Cettedernièreahaussélesépaules.—TupeuxparlerdevantRafe,detoutefaçonilsaitliremespensées.—Seulementquandvousêtestransformés.—Non,toutletemps,acorrigéRafe.—Etilpeuttoutlire?ai-jedemandéàLindsey.—Oui,maisiln’apasledroitderépétermessecrets.Oh,super.Bientôt,toutlemondeseraitaucourantdemonproblème.—Alors,ils’estpasséquoiavecConnor?ainsistéLindsey.J’aifaitsigneàRafedenouslaisser.—Peuimportequ’ilsacheliretespensées,jen’arriveraipasàparlertantqu’ilseralà.Jem’attendaisàcequeLindseymetiennetête,quejeluitiennetêteenretouretquejemedéfausse

tranquillement.Loupé!ElleaplantéunbaisersurlajouedeRafe.—Vas-y,jeterejoinsplustard.Sansunmot,Rafeadisparu.Lindseys’esttournéeversmoi.—Allez!m’a-t-ellepresséeenmeprenantlamainpourmeconduireversl’escalierenpierrequi

menaitàlaporte.Nousnoussommesinstalléessurlesmarches.—Ilt’aembrassée?a-t-elledemandéavechésitation.—C’était…(j’aisoupiréenrepensantànotrebaiser)incroyable.Maispourquoituluiasditque

j’enpinçaispourlui?—Jecherchaisseulementàréparerlesdégâtsquej’aicauséslesoirdelapleinelune,arépondu

Lindsey,gênée.J’aiétéhorrible,Brit.Jenevoulaispas lui fairedemal,et jemesuisditqueça leconsoleraitd’apprendrequ’uneautrefillel’aimait.

Jen’avaispasenviedefairedumalàLindseynonplus,mais…—Ilm’aditqu’iln’étaitpasamoureuxdetoi.Lesmainscoincéesentrelesgenoux,elles’estpenchéeversmoi.—Oui,ilmel’aditaussi,etj’aicruquec’étaitpournepasperdrelaface.Illepensaitvraiment,à

tonavis?Oui,jelecroyais,maiscequis’étaitpasséentreeuxnemeregardaitpas.—Aucuneidée,ai-jeréponduenluidonnantunpetitcoupdepoingdanslebras.Aufait,merci

d’avoirtenutalanguecematinpendantleconseil.—J’aipromisdegardertonsecret,maisunjouroul’autre,ilrisquedenousmettreendanger.

Très diplomate de sa part. Car c’était plutôtmoi quemon secret risquait demettre en danger.Mêmes’ilreprésentaitaussiunrisquepourlesautres.N’était-cepaségoïstedemapart?

—Tuassansdouteraison,ildoityavoiruneerreursurmonextraitdenaissance.Mamèrearrivedemain,jeleluidemanderai.

—Tusais,lesSagesnetebannirontpassijamaistues…différente.—SaufquejeneseraiplusGardiennedel’Ombre.—Ceseradifficiledelerestersituesincapabledetetransformer,eneffet.—Oui,jen’arriveraipasàflairerquisortavecqui!Ellem’adonnéuncoupd’épauleamical.—Non,tusaiscequejeveuxdire.—Oui, ai-je dit en reprenantmon sérieux.Simamère n’a aucune réponse àme fournir, et si

jamais je ne me transforme pas à la prochaine pleine lune, alors je dirai tout. Et je quitterai lacommunauté.

—Pourquoi?Onauraforcémentdestâchesàteconfier.—Lindsey, jeme suis entraînée toutema vie pour être une guerrière. Tout ce que je voulais,

c’étaitpouvoirmetransformerenloup.C’estdevenuinvivablepourmoiici.Cesoir,quandConnors’est transformé devantmoi, j’étais tellement frustrée de ne pas pouvoir devenir, moi aussi, cettecréatureincroyable!J’enaiassezd’êtrenormale.

Jemesuis tueavantde luidireque jecomprenais les intentionsdeBio-Chromequi,euxaussi,enviaientcedonqu’ilsnepossédaientpas…

Visiblement, Lindsey ne savait pas quoi répondre. De toute façon, comment aurait-elle pu merassurer?Niellenimoinesavionscequim’arrivait.Jemesuislevéeetluiaisouhaitéunebonnenuit.

Notre chambre était vide. Kayla devait toujours regarder le film. Ou bien, hypothèse plusconvaincante,Lucasetelles’étaientéclipséscommeLindseyetRafe.Ah,l’amour!Beuuuurk.

Oui,bon,moiaussij’envoulais,del’amour.Jemesuismiseaulit,nonsansjeteruncoupd’œilauclairdelunequifiltraitàtraverslafenêtre

et dessinait desmotifs surmes jambes.La pleine lune était terminée.Bientôt, ce serait la nouvellelune.

J’ai essayé d’imaginer la sensation du clair de lune sur ma peau, à la manière des doigts deConnor.Ilavaitlesdoigtsrugueuxetcalleux,etcependantilsn’avaientétéquecaresse.Ypenserm’aredonnéchaud,etjemesuisefforcéedelechasserdemonesprit.

Pourtant,quandjemesuisendormie,ilm’arejointedansmesrêves,commed’habitude.

8Le lendemain, quand je suis descenduepour le petit déjeuner,Connorn’était nulle part envue.

Comme je n’étais pas d’humeur loquace, je me suis installée à une table vide, dans un coin duréfectoire.J’aiattaquémonrepasavecappétit,siconcentréequejen’aipasvuLucasprendreplaceàcôtédemoi.

Unsourcillevé,seulsignepourindiquerquej’avaisnotésaprésence,j’aibumoncafénoird’untrait,cequiaeul’airdel’amuser.

Unefoismatassereposée,ilaretrouvésonsérieux.—Ilfautqu’onparle,m’a-t-ildit.J’aihaussélesépaules.—D’accord.—J’aimeraisqu’onlefasseailleurs.J’aipromenémonregardautourdemoi.Certainespersonnesmedévisageaientsanslamoindre

discrétion,d’autresmejetaientdesregardspolis.Soitjedevenaisparano,soitilsmeprenaienttouspourunebêtecurieuse.

—Oùça?ai-jedemandéd’untonquej’espéraisdégagé.Nous sommesmontés sur le toit.On se sentait étonnamment libre, là-haut. Il n’y avait que des

arbresàpertedevueet,auloin,desmontagnes.—Dèsque j’oublie lesensdenotremission, jemonte icipourunepiqûrederappel,adéclaré

Lucasavecunprofondrespectdanslavoix.Jepenseausolsticed’été,quandlesmembresdenotreespèceseréunissent.Jepenseàlafragilitédenotresystème.Jepenseàcequenouspourrionsperdresinotreexistenceétaitdévoiléeaugrandjour.

Alorscommeça, ilavait lesmêmesinquiétudesquelesSages.Normal,puisquel’und’euxétaitsongrand-père.

—Connorpense,commeKayla,quenousdevrionsrévélernotreexistence,ai-jedit.Ilasouri.—Oui,jesais.Ilsontpeut-êtreraison.Celaétant,ils’agiraitd’unedécisionirréversible.Unpeucommeledilemmequimetorturait:sijamaisjeparlaisauxSages,ilsrisquaientdeme

démettredemesfonctionsdeGardiennedel’Ombre.Unefoisquejeleurauraisavouélavérité,jenepourraispasfairemachinearrière.

Jemesuisassisesurunmuretenbriques.—Alors,c’estdeçaquetuvoulaismeparler?TuveuxquejeconvainqueConnordegarderle

secret?Sonsourires’estélargi.—Non, je ne crois pas qu’on puisse faire changer d’avis Connor.Mais je sais qu’il ne nous

trahirajamais,contrairementàmonfrère.C’était son frère aîné, Devlin, qui avait révélé notre existence à Mason. Lucas est redevenu

sérieux.—J’aidiscutéavecConnorhiersoir.Ilaacceptéd’apporterquelquesmodificationsauxéquipes.

Jet’aitransféréedanslamienne.Lentement,jemesuisdétachéedumuret.—Quoi?J’aipourtantréussivotretestàlanoix.—Çan’arienàvoiravecletest,m’aréponduLucasavecunfroncementdesourcils.Enfin,peut-

êtreunpeu.Connorestimequetuledéconcentres,etjelepenseaussi.J’ailâchéquelquesjurons.

—Jenecomprendspas.C’estparcequejenel’aipassuividanslesbois?Lucasaeul’airdéconcerté.—Commentça?—JevaistâcherdeconvaincreConnorde…—Ilestpartihiersoiravecsonéquipe.Jemesuisrassise,lesbriquesdumurets’enfonçantdansmesjambes.J’auraisdûdireàConnor

que jeneme fichaispasde lui,que j’avaiscomprisque jen’étaispasqu’un lotdeconsolation.Siseulementnousavionsdisposéd’unpeuplusdetempsensemble,pournousconnaîtremieux…

—J’ai promuRafe à la tête de sa propre équipe. Tu prendras sa place dans lamienne, je t’ainomméeseconde.

J’aidévisagéLucas.—C’estpourménagermasusceptibilité?—Non,tun’aspaspleurétapeinepourdevenirGardienne.Tuserasunatoutprécieux.D’habitude,uncomplimentde lapartdenotrechefdemeutem’auraitenchantée.Mais là, jene

pensaisplusqu’àConnoretànotrerelation.—Oùestl’équipedeConnor?—PartierôderàTarrant.«Partierôder»,celavoulaitdiresousformedeloups.Enfindecompte,cen’étaitpeut-êtrepas

plusmald’avoirchangéd’équipe.—IlsserontsansdouteauSlyFoxcesoir.LeSlyFoxétaitunbarquiservaitdelamauvaisenourritureetdiffusaitdelamusiquemédiocre,

maisdontl’ambianceétaittrèsagréable.—Ensuiteilsirontaulabovoircequis’ytramependantqu’onseprépare.J’aihochélatête.J’allaispeut-êtreavoirl’occasiondecroiserConnoretdecomprendrecequ’il

yavaitentrenous.—Tuprendscettenouvellebeaucoupmieuxquejenel’auraiscru,aremarquéLucas.—C’estvrai,j’auraispumejeterdanslevide.Ilaéclatéderire.—Non,cen’estpastongenre.Parcontre,j’avaispeurquetunemepoussesdutoit.J’aisouri.Apparemment,j’avaislaréputationd’êtreunedureàcuire.—Onfaitquoimaintenant?—J’airendez-vousaveclemecquipourranousconseillersurladémolitiondeBio-Chromesans

risquerunincendiedeforêt.PuisKaylaetmoiironsenvoitureàTarrant.Jedoisdéposerlessacsàdosdespatrouilleursàl’oréedubois.Tupeuxveniravecnous,ilyauraassezdeplacedansmajeep.Àmoinsquetupréfèresyallerseule.

À pied, ce serait bien trop long. Sous forme animale aussi : malgré des pointes à soixantekilomètres à l’heure, lesLycans s’essoufflent vite.Y aller en voiture avecKayla et Lucas n’auraitdoncriendesuspect.

—Çamarche.Mamèrerentred’Europeaujourd’hui,j’aihâtedelarevoir.Combiendemensongesallais-jeencorepouvoirdébiteravantqueLucasn’éventelasupercherie?

Ilétaitloind’êtrestupide.Finalement,jecommençaisàregretterdenepasêtrepartieàpied.Surlabanquetteavant,Lucaset

Kaylapassaient leur tempsàsesourireetà seprendre lamain. J’étaiscontentepoureux,mais lesvoir ensemble me rappelait sans cesse que, moi, je n’avais personne. Alors je me contentais deregarderparlafenêtrelepaysagequidéfilait.

—Au fait, comment s’est passée ta rencontre avec lemec de la société de démolition ? ai-jedemandéauboutd’unmoment.

Lucasm’aregardéedanslerétroviseur.—Ilm’aproposépleindesolutions.Envérité,j’ignoreencoresic’estcequenousallonsfaire.

Sanscompterqu’ilauraitbesoindeconsulterunplandubâtiment.Sic’estuneconstructionsecrète,onnetrouverarienaucadastre.

—Qu’est-cequ’onvafairealors?—Entamerquelques recherches.Peut-êtreenvoyerunespion. Jen’en sais rien. Il fautque j’en

discuteavecmonpère.SonpèreavaitétéautrefoisàlatêtedesGardiensdel’Ombre.Puisilavaitpassécetitreàsonfils

aînéquinousavaittrahis.Lucasdevaitavoirenviedeprouverqu’ilneressemblaitenrienàDevlin.Kaylaajetéuncoupd’œilversmoi.—Raconte!Hiersoir,pendantlaséanceciné?Connorettoi?—Ce n’était pas un rencard.On est arrivés là-bas aumêmemoment, ai-je dit en haussant les

épaulescommesicelan’avaitaucuneimportance.Ons’estjusteassisl’unàcôtédel’autre.—Etvousêtespartisensemble.J’aisoupiré.—Qu’est-cequetuinsinues?—Jemedemandaisjustecequeturessentaispourlui.—Ehbien,jel’ignore.Jen’allaisquandmêmepasluidéballermessentimentsdevantLucas!—Jetrouvequevousallezbienensemble,acontinuéKayla.—D’accord,jem’ensouviendrai.KaylaareportésonattentionsurLucas,etmoij’aireportélamiennesurlepaysage.Nousétions

aumilieu de l’été, et la végétation était dense. Les rayons du soleil filtraient à travers les arbres,créantunesuperbemosaïqued’ombreetdelumière.

Quelque chose (un petit tas de fourrure ?) est passé devant mes yeux, trop vite pour que jedistinguequoiquecesoit.

—Lucas,arrête-toi!mesuis-jeécriée.J’aiouvertlaportièreavantmêmel’arrêtcompletdelajeepetj’airebroussécheminencourant.

J’ai sautépar-dessusun fossé.Des feuillesmortes etdesbrindilles craquaient sousmesbottes.Oùavais-jevucetruc?

Puisjel’aitrouvé,etmoncœurs’estaccéléré.Ils’agissaitd’unloup,immobile,dontlapoitrinesesoulevaitàpeineàchaquerespiration.Jemesuisagenouilléeprèsdelui.

KaylaetLucassesontaccroupisàcôtédemoi.—Ilestmourant?s’estécriéKayla.—Aucuneidée,ai-jechuchoté.J’aicaressésafourrurenoireavectendresse.Mesdoigtsontrencontréquelquechosededur.J’ai

écartélespoilsdel’animal.—Unefléchettehypodermique!aexploséLucasenlaretirant.ÇavientdeBio-Chrome,jesens

l’odeurdégueulassedeMason.Nousavonstouslestroisregardéautourdenous.—Pourquoiont-ilsfaitça?s’estenquiseKayla.—Ilsontdûcroirequ’ils’agissaitd’unLycan,ai-jerépondu.—Maispourquoil’ont-ilslaisséici?

Jen’avaisaucundébutderéponseàcettequestion.Lucasnonplus.—Ilssontpeut-êtreencoredanslesparages,asuggéréKayla.Lucasasecouélatête.—Non,l’odeurn’estpasassezfraîche.—J’aiencoretantdechosesàapprendre…,asoupiréKayla.Lucasluiaprislamain.—Tut’ensorstrèsbien.D’habitude,onn’apasaffaireàcegenredeproblème.—Etleloup?ai-jedemandé.Onnepeutpasl’abandonneràlamercidesprédateurs.—Jevaismetransformeretveillersurlui,aproposéLucas,puisjepartiraienreconnaissance.

Vousdeux,allezenville,jevousrejoindraiauSlyFoxcesoir.—Jeneveuxpastequitter,aprotestéKayla.—Toutirabien,l’arassuréeLucas.Si j’avaissume transformer, jeserais restéeavec le loup,mais jemesuis relevéepour laisser

Lucassetransformeretluiaccorderunpeud’intimitéavecKayla.—Faisattention,ai-jelancéenfaisantdemi-tour.—Promis,m’aréponduLucas.Quelque chose a craqué sous mes pieds. Je me suis penchée pour ramasser une lamelle de

microscoperecouvertedesangquej’aitendueàmesamis.—Ilsdoivent arpenter la forêt avecdumatériel scientifiquepour fairedes tests sanguins, ena

déduitLucas.C’estpourçaqu’ilsontlaisséleloupici,ilsontvuquecen’étaitpasunLycan.J’étaisfurieuse.NonseulementilspourchassaientlesLycans,maisenplusilsmettaientlesloups

endanger!L’animalaremué.—Il risqued’êtreagressifune fois réveillé.Vous feriezmieuxdedéguerpir,nousaprévenues

Lucas.—Faisattention,ai-jerépétéavantdetournerlestalons.Deuxminutesplustard,Kaylamerejoignaitàlajeep,lesvêtementsdeLucasroulésenbouledans

lesbras.—Etdirequej’aimaisbienMason,a-t-ellesoupiré.—Moiaussi.Dommagequesafolieaitprisledessus.Kaylas’estinstalléederrièrelevolant,etjemesuisassisecôtépassager.Elleajetélesvêtements

deLucassurlabanquettearrièreavantdedémarrer.—Ilss’approchentdenous,a-t-ellecommenté.Jelessens,pastoi?—Si…Entoutcas,j’avaisl’impressionqu’ilsnousobservaient.—Commentsedébarrasserd’eux?ademandéKayla.— Je ne saismêmepas si c’est possible.Connor a raison : si on détruit leur labo, ils finiront

quandmêmeparrevenir.Jepariequetun’imaginaispaspasserdetellesvacances!Kaylaaéclatéderire.—Grave!JenesavaismêmepasquelesLycansexistaient.(Puis,redevenantsérieuse:)Maisà

présent,jeferaitoutcequiestenmonpouvoirpourlesprotéger.—Pareil.—Tucroisqu’onvagagner?a-t-elledemandé.Jen’aipasrépondu:j’avaisatteintmonquotademensongespourlajournée.Bio-Chromeavait

violé notre forêt, notre vie. Et rien ni personne ne les arrêterait tant qu’ils n’auraient pas mis le

grappinsurl’undenous.

9Nous sommes arrivées à Tarrant et j’ai guidéKayla jusqu’à chezmoi.Mamaison, très classe

moyenne,comportaitunétage.Mamèreavaittravaillédurpournousl’offrir.J’avaistoujourssuquejene serais jamais chefdemeute,mais jem’étais faite à l’existencequemamèrem’avaitdonnée.Mon seul but était de devenir la meilleure Gardienne de tous les temps et de me trouver un boncompagnon.Sijen’avaisaucuncontrôlesurcettedernièreambition,j’avaisaumoinslesmoyensdeperfectionnermestalentsdeGardienne.

—Mercidem’avoirdéposée,ai-jeditàKaylaenattrapantmonsacàdos.—ViensnousvoirauSlyFoxcesoir,m’a-t-elleproposé.—D’accord.J’aihâtedesavoircequevadécouvrirLucas.Je suis descenduede la jeep etme suis élancéedans l’allée avant de ralentir quandKayla s’est

éloignée.Mamèreétaitlà:savoitureétaitgaréedevantcheznous.Unrideauafrissonnéderrièreunefenêtre.Etsimamèremedemandaitdemetransformerdèsquejeseraisentrée?Elleetmoinousétions toujours bien entendues, même si elle trouvait que ces histoires de Gardiens de l’Ombreempiétaientunpeutropsurmavie.

Quandj’airefermélaporte,mamèreacouruàmarencontreetm’aserréedanssesbras.—Oh,monbébé,toutvabien?Oh non, pas ce surnom ! Je n’étais plus un bébé depuis longtemps. En temps normal, j’aurais

repoussésonétreinte,saufquelà,j’avaisbesoind’uncâlin.J’airavaléleslarmesquimenaçaientdecoulersurmesjoues.C’étaitnuld’êtreaussisensible.

Finalement,mamères’estécartée,lesmainstoujourssolidementaccrochéesàmesépaules.Sesyeuxvertsontscrutélesmiens.Elleavaitlescheveuxd’unbrunacajouquejeluiavaistoujoursenvié.Jen’avaisjamaisvudephotodemonpère,mais,selonmamère,jetenaismescheveuxnoirsetmapeaumatedelui.

Sonregardatrahisonchagrin.—Tunet’espastransformée.Etmesbonsangd’yeuxsesontemplisdelarmes.—Commenttulesais?ai-jecoassé.Ellem’aattiréeàelleets’estmiseàmebercer.—Monbébé,jesuistellementdésolée.Ilyavaitdelaculpabilitédanssavoix.J’aifaitunpasenarrière,lesbrascroisés,etjel’aitoisée

avecsévérité.Aumoins,moninquiétudeavaitséchémeslarmes.—Désoléepourquoi?Qu’est-cequetuasfait,maman?—Assieds-toi,m’a-t-elledit.—Non,réponds-moid’abord.Mamèreahochélatêteenévitantmonregard.—L’étédemesdix-septans, jesuispartieenEurope.J’ai rencontréAntonioenFrance…et je

suistombéeamoureusedelui.LefameuxLycandontlesSagesm’avaientparlé!—C’estmonpère,n’est-cepas?Ellem’aregardée.—Oui.Jet’aitoujoursditqu’ilm’avaitassistéedurantmatransformation,maisc’estfaux.—Alorstut’estransforméeseuleettuassurvécu?—Non, j’y suis alléeavecunamiqui s’appelaitMichael,mêmesion savait tous lesdeuxque

nousn’étionspasfaitsl’unpourl’autre.Enplus,j’avaisdéjàrencontrétonpère…

—…quit’alarguéejusteavanttatransformation.Quelgrosloser!Commentas-tupul’aimer?Etquelestlerapportavecmon…?

—C’étaitunhumain.Lecielm’est tombésur la tête.Depetitspointsnoirsontcommencéàdanserdevantmesyeux,

puisj’aieudumalàrespirer.Moncorps,quim’avaitdéjàfaitfauxbondlesoirdelapleinelune,metrahissaitànouveau.

—Tunecroispas…tunecroispas…Jeneparvenaisplusàalignerlesmots.—…quetuauraisdûm’enparleravant?—J’espéraisquetuavaishéritédemesgènes,quetutetransformerais.Etpuisjenevoulaispas

brisertonrêvededevenirGardiennedel’Ombre…Monbébé,je…Elleatendulesbrasversmoi.Jel’aiviolemmentrepoussée.—Nem’appellepas commeça ! ai-jehurlé. Jene suispasunbébé. Je suis enfindevenueune

Gardienne de l’Ombre, mais je ne peux même pas me transformer ! Toutes ces heuresd’entraînement…

—Oui,jesais,c’étaittonrêve.Quandj’étaisenEurope,j’aiessayéderetrouvertonpère,aucasoùtuauraisbesoindelui.

—Etpourquoiaurais-jebesoindeluimaintenant?—Tupourraisvouloirprendredurecul,tetrouverunendroitoùsouffler.Plustondix-septième

anniversaireapprochait,plusjem’inquiétaisdenepassentir…Savoixs’estbrisée.—Quej’étaisuneLycan?ai-jefinipourelle.Elleahochélatête,honteuse.—Génial,maman.J’aitoujourscruquejepouvaiscomptersurtoi,etaumomentoùtonsoutien

m’étaitnécessaire,tun’étaispaslà!Commentas-tupumedissimulerlavérité?—J’avaishonte.Unhumain,tuterendscompte?Jen’aijamaisrienditàpersonne.Simapropremèreavaithonted’avoirfricotéavecunhumain,alorsqueressentait-elleàprésent

qu’elleavaitlaconfirmationquesafilleenétaitun,elleaussi?TouslesautresLycansallaientêtrehorrifiésàl’annoncedelanouvelle.Ilsmerejetteraient.Jeneferaispluspartiedeleurcommunauté.

—J’avaisledroitdesavoir,ai-jeditenmedirigeantverslaporte.—Oùvas-tu?—Affronterceproblèmecommej’aiaffrontélerestecesderniersjours:seule.J’aiprislecheminduSlyFox,lamortdansl’âme.Unjour,jelesavais,jeluipardonnerais.On

discuterait et on reprendrait nos rôles habituels. Moi, je serais la fille forte, et ma mère, elle,s’angoisseraitdenepouvoirtoutcontrôler.J’étaisfurieuse,blessée,déçue.Déçueparelleetparmoi-même.

Madated’anniversaireétaitcorrecte.C’étaientmesgènesquinel’étaientpas.J’étaisuneStatique,etjenepourraisjamaisrienyfaire.Etjamaisjenepourraismeconfieràquiquecesoit.

Si jamaisConnorapprenaitqu’ilavaitembrasséuneStatique, il se laverait laboucheausavon.Moi,entoutcas,c’estcequejeferais.

Lesoleilsecouchait.Tarrant,petitebourgadetouristique,fourmillaitdeboutiquesdesouvenirs,d’aubergesetdemagasinsdelocationlelongdesarueprincipale.Commejen’étaispasd’humeuràcroiserdestouristes,jemesuiscantonnéeauxruellesquibordaientlaforêtetquidébouchaientsurleSlyFox,construitàl’écartducentre-villepouréviterlesnuisancessonores.Là-bas,j’allaisretrouvermesamis,menoyerdanslechahutetsubirlabrûluredelarévélationdemamère.

J’avaismalàlatête.Etlecœurlourd.Commentavais-jepuêtreaussiaveugle?Lesmembresdenotreespèces’unissentpourlavie,les

hommesnepeuventpasabandonnerleurscompagnes.Biensûr,commepartoutailleurs,nousavonsnosmoutonsnoirs.Jecroyaisquemonpèreavaitrefusédesefairepasserlacordeaucou,rebellequ’ilétait.Malgrésonabsencedouloureuse,jel’imaginaisparfoisenhérossolitaire.Quelleidiote!

ConnorétaitsûrementdéjàarrivéauSlyFox.J’avaistantbesoindelevoir.L’épisodedelaveillen’allait sûrement pas se reproduire, n’empêche que j’avais envie de lui parler. Naturellement, unerelationavecluiouavecn’importequelautreLycanétaitdevenueimpossible.

Lelendemain,jeretourneraisàWolford.J’expliqueraisauxSagesquejenepouvaispasêtreuneGardienne de l’Ombre. Par contre, je ne savais pas encore si je leur expliquerais le pourquoi ducomment.J’ignoraismêmesimavoixfonctionnaitencore.

«JenesuispasuneLycan.JesuisuneStatique.»Maiscelanechangeaitrienàlamenacequiplanaitsur lesLycans.Ilmefallait leurprêtermon

concours,coûtequecoûte.Impossibledeleslaissertomberalorsqu’ilsétaientendanger!Jedevaislesaideràdétruirelaseulechosequipouvait,éventuellement,mesortirdemasituation.

Quelleironiedusort!J’aifaillientrébucher.LesambitionsdeBio-Chromeétaient-ellesaussiégoïstesqu’ellesenavaientl’air?Ouétaient-ce

lesLycansquisecomportaientégoïstement?Pourquoinepaspartagernotresecretavec lemondeentier?Etsijamaisunsérummepermettaitd’êtreuneLycan,aumêmetitrequemesamis,est-cequejemeleferaisinjecter?

Oui,sansl’ombred’unehésitation.J’aientenduunebrindillecraquer.Perduedansmespensées,jen’yaipasprêtéattention.Soudain,unbraspuissantm’aattrapée.J’aisentiuneaiguilles’enfoncerdansmoncouet,lesyeux

papillotants,jemesuisaffaisséecommeunepoupéedechiffon.Desyeuxverts,descheveuxbrunsetunsouriretriomphantsontapparusdevantmoi.Mason!—Laisse-toifaire,a-t-ilsusurré.Bio-Chrome!J’aivouluappeleràl’aide.Aucunsonn’estsortidemabouche.Puisçaaétélenoirtotal.Quand j’ai repris connaissance, mon mal de tête avait empiré. J’allais me masser les tempes

lorsque jeme suis rendu compte que j’avais lesmains liées dans le dos. Tout à coup, jeme suissouvenuedelapiqûreetdeMason.

J’aiouvertgrandlesyeux.Adosséeàunarbre,j’avaisleschevillesentravéespardesrubansdeplastique.Çasentaitvraimentleroussi.

—Hé,elleestréveillée!acriéquelqu’un.J’ai tourné la têteversunhommeà l’allurenéandertalienne,qui tenaitunpistoletà lamain.La

boule à zéro, il contractait sans cesse sesmuscles commepourmettre ses biceps envedette. Je nedistinguaispasleslumièresdelaville,maisonavaitbraquélespharesd’unevoituredroitsurmoi.

J’aivudeschaussuresderandonnéeserapprocher,puisMasons’estaccroupidevantmoi.—Coucou!a-t-ilcrié,commesinousétionslesmeilleursamisdumonde.Ilaattrapémanatte;j’airejetélatêteenarrièrepourmedégager.Saufquej’avaislescheveux

troplongsetqu’ilm’atiréeverslui.—Soisgentille,a-t-ildit.—Pourquoi?Tuesgentil,toi?—C’estpourçaquetudevraisl’êtrepourdeux,a-t-ilrétorquéenétudiantmanattecommes’il

n’avaitjamaisvudecheveuxauparavant.Alors,c’estça,lacouleurdetafourrure?

—Lafourruredemaparka?Non,jediraisplutôtmordoré.Comme celle de Connor… Si je pensais fort à lui, peut-être que je pourrais me tirer de ce

mauvaispas.Masonatiréplusfort.—Aïe!—J’aimepaslesmorveuses,a-t-illancéavecunepointedefoliedanslavoix.—Etmoij’aimepaslesquestionsstupides.Mafourrure?Dequoituparles?—Tuaffirmesquetun’espasunloup-garou?J’airoulélesyeux.—Parcequetucroisencoreauxloups-garous?—Ilsexistent,jelesais.TuconnaisDevlin?Qui ne connaissait pas Devlin, le frère de Lucas, celui qui nous avait trahis ? Il était mort à

présent,cequeMasonsemblaitignorer.Etjen’allaispasleluidire.—Devlin?Oui,biensûr.Ilestcomplètementmaboul.Masonasouri.—Ilm’aditquedesloups-garousvivaientdanslecoin.Onenacapturéun:Lucas.J’ailevéunsourcil,dissimulantmaterreurderrièreunmasqued’indifférence.—Lucas?Unloup-garou?—Oui,c’estcequeDevlinm’adit,aréponduMason,surladéfensive.Etlepelageduloupavait

lamêmecouleurquelescheveuxdeLucasquisont,tul’avoueras,d’uneteinteparticulière.—Çanesignifiepasqu’ils’agitdeLucas.Sérieux,écoute-toiparler!Desloups-garous?—Oui, lessherpassontdes loups-garous.Tuesunesherpa,alorsneprétendspas lecontraire.

Vous protégez vos secrets en empêchant les touristes d’entrer dans votre forêt.Vous contrôlez lesalléesetvenuesdescampeursetdesrandonneurs.

Ilensavaitbienplusquejenelepensais.—Tuestêtu!Lesloups-garousn’existentpas!—Tuvastetransformer,d’unemanièreoud’une…—C’estunehumaine,acoupéquelqu’un.Masonafaitvolte-face.—T’enessûr?Ethans’estavancé.Ilavaitfaitpartiedugroupequenousavionsguidédansleparcunpeuplustôt

cetété-là.Ilétaitsipâlequ’onluiavaitdirectcollél’étiquettedumecquisortjamais.Riend’étonnantàcela,puisqu’ilétaitsoi-disantunétudiantenbiologieduPrKeane.

—Lesangnementjamais,aréponduEthan.Lesienesthumain.Ilsm’avaient faituneprisede sangàmon insu?Les salauds !Merci,maman,d’avoirbatifolé

avecunStatique!—L’autre,enrevanche,aajoutéEthanavecungrandsourire,bingo!—Quelautre?ai-jedemandé,leventretorduparl’angoisse.J’aisuivileregarddeMason.Ilyavaitbienunsecondprisonnieràterre,lesmainsattachéesdans

ledos,leschevillesliées,lesyeuxclos.Connor.

10—Ons’estdégotéunloup-garou!afanfaronnéEthan.—Tuenessûr?aredemandéMason.—Ohqueoui.Ilestaussiunpeuhumain,maisloup-garousurtout.Ohnon,quellehorreur…—Cettenouvellen’apasl’airdetesurprendre!m’alancéMason.Certes, j’aurais peut-être dû feindre la surprise, pousser un cri, réagir, mais j’étais bien trop

inquiètepourConnor.Ilauraitdétestéqu’onl’appelle«loup-garou».C’étaitunLycan.—Parcequejesuissansvoix,ai-jerépliqué.Vousêtescomplètementfêlés…—Ferme-la,a-t-ilfait,prêtàmedonneruneclaque.Letestsanguinnousl’aprouvé.Mais Connor ne se transformerait jamais sous leurs yeux. Il ne confirmerait jamais leurs

suspicions,peuimportecequ’ilsluiferaientsubir…Cetteidéem’aglacélessangs.—Onlèvelecamp,aaboyéMasontoutàcoup.—Etlafille,onenfaitquoi?ademandél’hommedeNeandertal.Onlalaissepartir?—Non, a réponduMason avec le tonqu’il réservait aux idiots.Sinon elle ira tout répéter aux

autres.Onl’emmèneaussi.Etjepariequ’ellepourranousêtreutilepoursoutirerquelquestrucsauloup-garou.

L’homme de Neandertal a passé son bras autour de moi et m’a soulevée de terre. Une peurglaciale m’a paralysée. Connor était certes en danger, maisMason me réservait, à moi aussi, untraitementparticulier.

Ilsnousontjetésàl’arrièred’unvan,ontclaquélaportièreetl’ontverrouillée.D’autresportesontclaqué.Depuislabanquettearrière,Masonnousaregardés,commeunchasseurquicontemplelecerfqu’ilvientd’abattre.

—Etnetenterien.Johnsonadesfléchetteshypodermiques.Apparemment, l’hommedeNeandertalétait le Johnsonenquestion.Unmecqui lui ressemblait

commedeuxgouttesd’eauétaitauvolant.Ethan,lui,occupaitlesiègepassager.—Oùva-t-on?ai-jedemandéàMason.—Aulabo.Ceseraplusfacilepourétudierleloup-garou.—L’étudier?Pourquoifaire?—Kaylanet’ariendit?Si,mais j’espéraisgagnerdutemps.Quelqu’unallaitpeut-êtrenouscroiseravantquelevanne

démarre.J’aisecouélatêted’unairquej’espéraismisérable.— Je veux connaître la raison qui lui permet de se transformer. Les répercussions dans les

domainesmédicaletmilitaireseraientcolossales.Sansparlerd’uneutilisationpurementrécréative.Si tu pouvais prendre une pilule et te transformer en loup-garou pour une heure ou deux, tuhésiterais?

J’aidétournéleregard,pourqu’ilnevoiepasàquelpointcetteperspectivem’enchanterait.—Allons-y,aordonnéMason.Levans’estélancésurlaroute.Leventquis’engouffraitparlesvitresbaisséesm’empêchaitde

suivreleurconversation.—C’estquoicebor…,ai-jesoudainentendu.—Chut!ai-jemurmuréàConnor,dontlevisagesetrouvaitàquelquescentimètresdumien.J’ignoraissileclairdeluneetleslumièresdelarueéclairaientl’habitacleoubiensimesyeux

s’étaienthabituésàl’obscurité.Entoutcas,jevoyaissestraitsdanslapénombre.—Brittany?a-t-ilchuchoté.

—Mason…,ai-jearticuléenessayantd’êtreleplusdiscrètepossible.Avecleventquisoufflaitautourdenous,ilyavaitpeut-êtremoyend’élaborerunplandefuite.Connorsedébattaitavecsesliens.—Économisetesforces,luiai-jeconseillé.Ilaobtempéré,nonsanslâcherungrognement.—J’arrivepasàcroirequ’ilsaientréussiàmecapturer,a-t-ilmarmonné.—Moinonplus.Commentilsontfait?Aprèstout,Connorauraitdûlessentirapprocher.—Ilsm’onttirédessusavecuntruc.Ilsavaientdûleviseravecunefléchette,commeleloupqu’onavaitretrouvédanslesbois.Mais

moi,pourquois’étaient-ilsrisquésàm’approcherdeprès?Ilsn’avaientpeut-êtreplusdefléchettes.J’étais dégoûtée d’avoir été capturée aussi facilement. Connor avait raison : en dépit des heuresd’entraînement,onn’estjamaispréparéauxattaquessurprises.

—Tuasuneidéepournoussortirdelà?ai-jedemandé.—Onaqu’àlesconvaincrequenousnesommespasdesloups-garous.Ilsavaientdéjàécartécettehypothèsepourmoi,maisConnorl’ignorait.Etsijeleluiavouais?

Non,lahonte!—Ilsontanalysénotresang:iln’estpashumain.Unevérité,unmensonge.Pasquestionquej’annoncequemonsangàmoiétaithumain.À cette nouvelle, j’ai vuConnor se transformer.Non en loup,mais en guerrier. Il a scruté les

alentours,puiss’estviterenduàl’évidence:lasituationétaitinextricable.—Merde!a-t-ilsifflé.Aufait,tuesblessée?Ilavaitvraimentl’airinquiet.—Seulementdansmonamour-propre.Ilasouri.Incroyablequ’ilensoitencorecapabledanspareillescirconstances!—Tuvast’enremettre.J’airepenséàsafiertéquienavaitprisuncoupquandLindseyl’avaitlaissétomberpourRafe.—Onvas’enremettretouslesdeux.Illefallait.—Ilssontcombien?a-t-ilrepris.—Quatre–Mason,Ethanetdeuxgrosmalabars.—Ahoui,sansdouteleurshommesdemain.Malgrél’obscurité,j’aivuladéterminationsepeindresursonvisage.—Ilsontdesarmes,mesuis-jesentieobligéedeluipréciser.Ilahochélatête.Iln’avaitpasl’airsurpris.—Jecroisqu’onestcoincéspourlemoment.Ilsnousconduisentàleurlabo.Connors’estrapprochédemoietacollésonfrontcontrelemien.—Toutirabien,Brittany.Ses lèvresm’onteffleuré la joue.Lachaleurquiémanaitde luia faits’envolermapeur.Jeme

fichaisbiendecequipouvaitm’arriver,dumomentqueConnorétaitsainetsauf.Sa bouche était si près de la mienne que si j’avais tourné la tête d’un demi-centimètre nous

aurionspunousembrasser.J’aifermélesyeux.Commentpouvais-jepenseràcegenredechosealorsquenousétionsendangerdemort?Maisc’étaitpeut-êtrejustementparcequenousétionsendangerdemortquejevoulaisgoûterauxplaisirsquim’étaientencoreinconnus.

Noussommesrestéscommeça,frontcontrefront,pendantcequinousaparuêtredesheures.Jecommençaisàavoirmalpartout,pourtantjenevoulaispasmedétacherdeConnor.Detoutefaçon,jene voyais pas quelle position plus confortable adopter. J’avais des crampes aumollet et la nuqueraide.

Connorétaitplusmenacéquemoi.IlétaitcequeBio-Chromerecherchait.UnLycan.J’aidormipar intermittencepourmereposerautantquepossibleafindemedéfendreen temps

voulu.Leparcfaisaitdesmilliersd’hectares.Nousrendreaulaboprendraitunebonnepartiedelanuit.Levans’estarrêtépeuavantl’aube.Desportièresontclaqué,puiscelledederrières’estouverte.

Johnsonapointésonarmesurmoietm’atiréunefléchettedanslacuisse.J’ailuttépourgarderlesyeuxouverts.Connoragrondé.PuisJohnsonatiréunenouvellefois.Etlà,letrounoir.Jeme suis réveillée dans une cage enmétal, au beaumilieu d’un sous-sol.Une étroite fenêtre

placée au ras du plafond dans lemur en ciment laissait passer la faible lueur du jour. Jeme suistournéeetaiétésoulagéedevoirConnoravecmoi,entraindetester larésistancedesbarreauxdenotre prison. La cage était haute – on pouvait s’y tenir debout –,mais la porte étaitmoitiémoinsgrande,coulissante,verrouilléejenesaiscomment.Jemesuislevée,etj’aisecouélesbarreaux.Ilsétaienthypersolides.

Connorlesacognésduplatdelamain.—Laissetomber,a-t-ilsoufflé.Ils’estassisdansuncoin,lesbrasautourdesesgenouxrelevés.Ilavaitdûseréveilleravantmoi

etréfléchiraumoyendenoussortirdelà.J’aipromenémonregardautourdenous.—Tusaisquelleheureilest?ai-jedemandé.—Non,ilsm’ontprismamontre.J’airemarquédescamérasdansunangledelapièce.—Oui,ilsnoussurveillent,aconfirméConnorsansdissimulersondégoût.J’aiavalémasaliveavecdifficulté,maisj’aifaitdemonmieuxpourparaîtrecourageuse.—C’estcequ’onappelleuneviolationdelavieprivée,ai-jeplaisanté.—Etj’ailesentimentquecetteviolationnes’arrêterapaslà.Incapablederesterenplace,jemesuismiseàfairelescentpas.—Tucroisqu’ilsnousentendent?—Passionparletoutbas.—Jem’enveuxtellement!ai-jesoupiré,irritée.Tum’avaisconseillédem’attendreàuneattaque

et,moi,jemesuispromenéetranquillementsansprêterlamoindre…—Brittany,onnepeutpastoutprévoir.C’était gentil de sa part deme réconforter.Or, je savais que jem’étais perdue dansmes petits

problèmesetquejen’avaisrienvuvenir.—C’étaitcommentquandilsvousontcapturésladernièrefois?Ilahaussélesépaules.—Masonnousamenacésets’estvantédenousavoirattrapés.Onétaitcachésdansunegrotte.

Qui aurait pupenserqu’il allait nousydébusquer ?Le terrain était tropaccidentépourutiliserun

véhicule,alorsilsnousontfaitmarcher…(Ilaregardéautourdenous.)Jesupposequecesous-soldevaitnousservirdedestinationfinale.

—Etensuite?—Ilnousademandéetredemandédenoustransformer.Onluiaréponduchaquefoisqu’onne

savaitpasdequoiilparlait.Unelourdeportes’estouvertedansunconcertdegrincements.Masonestentré,EthanetTyler(un

autre laborantin rencontré lui aussi cet été-là) sur ses talons, commeces nuls qui traînent avec lesgrosdursdu lycée.Johnsonetson jumeau, tousdeuxarmés, leuremboîtaient lepas.MasondevaitréellementavoirunepeurbleuedesLycans.

— Génial, la Belle au bois dormant et son Prince charmant se sont réveillés, a-t-il lancé ens’approchantdelacage.

Ilavaitdûnoussurveilleraveclescaméras.Connors’estlevédoucement,àlamanièred’unprédateurprêtàbondirsursaproie.—Laisse-noussortir,Mason,etont’épargnera.Masonaéclatéd’unrirediabolique.—Ondiraitlarépliqued’unmauvaisfilm.—C’estparcequejet’impressionnequetuasdemandéàlabandeàDingodet’accompagner?—Non.Tusaiscequim’impressionne?D’avoirréussiàattraperLucasquandilétaittransformé

enloup.—Ouais,aréponduConnord’untonmoqueur.Tumel’asditetrépétéquandtum’ascapturéla

dernièrefois.—SonpelageétaitidentiqueauxcheveuxdeLucas,acriéMason,agacé.—Renseigne-toi : les loupspeuventavoir toutun tasdecouleurs. Ilspeuventêtrenoirs,bruns,

roux,gris,blancs…Certainssontmêmemulticoloresgrâceàleurbrassagegénétique.Jesuiscertainqu’onpeutentrouverunquialamêmecouleurquetescheveux.Partonsenrandonnée,ettuverras.

— Merci pour cette démonstration, mais j’ai mes certitudes. Et les analyses de sang lesconfirment.

—Cequelesanalysesconfirment,c’estqu’unincompétentdetonlaboamélangéoucontaminéleséchantillons.

—Maisoui!aréponduMason.IlaclaquédesdoigtsetEthanaaussitôtouvertunemallettedontilatiréunlongcoton-tigequ’il

luiatendu.Masonl’aprésentéàConnor.—Donne-moiunéchantillondesalive.—Viensleprendretoi-même,l’adéfiéConnorenreculant.Masonafaitunsignedelamain.—Wilson!LejumeaudeJohnsons’estapprochéetalevéunpistoletversmoi.Moncœurs’estmisàbattreà

toutevitesse.J’airelevélementonettoiséMason.—Tuescomplètementbarjo.MaisMasonétaitconcentrésurConnor.Ilalevéledoigt,commeunprofesseurquienseigneune

leçon.—Ceci,moncher,n’estpasunfusilàfléchetteshypodermiques,c’estunvraidevrai.—Peuimporte,ai-jeditàConnor,sachantqu’ilsnouspresseraientdeplusenplussioncédaità

leurpremièredemande.Masondevaitsûrementbluffer.

Connors’estavancéetasaisilecoton-tige.Ilaprélevéunéchantillondesasaliveavantdelejeteràtraverslesbarreauxdelacage.Ethans’estélancépours’enemparer.Loind’êtreaussilestequ’unLycan,ilnel’apasrattrapéauvoletadûleramasserparterre.

—Tucroisqueçaferal’affaire?s’estinquiétéMason.—Oui,mêmes’ilestsale,arétorquéEthanenlefourrantdansuneéprouvette.—Àprésent,ilnousfautencoreunpeudesang,adéclaréMason.—Connor…,ai-jecommencé.—Cen’estquedusang,m’a-t-ilcoupée.Sans quitterMason des yeux, il a relevé lamanche de son sweat et passé le bras à travers les

barreaux.ConnordevaitcertainementimaginerlegoûtdusangdeMasonquandilluiauraitplantélescrocsdanslachair.MaisEthan,quiavaitdûdétecterlalueurmeurtrièredanslesyeuxdeConnor,estrestéimmobilejusqu’àcequeMasonluiaboiedesordres.

Pourquoi Mason n’avait-il pas prélevé des échantillons sur nous tant que nous étionsinconscients ?Sûrementpour avoir leplaisirdenousdonnerdesordres etdemontrerqui était lepatron.

—Pasmal,asouffléMasonenfaisantréférenceauxbicepsdeConnor.—C’estpourmieuxt’étrangler,monenfant.Masonaesquisséunrictus.—Tuesunemachineàvannespourriesouquoi?—Désolé,maisj’aidumalàprendretonpetitjeuausérieux.—Cen’estpasunjeu.Quandnotresérumseraaupointetquejemetransformeraienloup-garou,

peut-êtrepourra-t-onjouerensemble.—Pourquoipasmaintenant?—Plustard.Alors,cesmuscles,ilssontlefruitdetesnombreusestransformations?—Jefaisdelamuscu,riendeplus.—Oh,jecommenceàconnaîtrelachanson.N’empêche…j’aimescertitudes.—Descertitudes?Duvent,plutôt,s’estesclafféConnor.J’étaisimpressionnéeparsanonchalance.Unefoislaprisedesangterminée,EthanacoupéunemèchedescheveuxdeConnoretaprélevé

deséchantillonsdepeau.Ilaensuiteposéunpansementsurledosdesamain,l’airpastrèsrassuré.Plusdécontractéquesoncollègue,Tylers’estapprochéetadéposédesbouteillesd’eauàtraverslesbarreauxdenotrecage.

—Vousn’auriezpasdelabière?ademandéConnor,ironique.Etdirequ’audébutdel’éténousbuvionsdesbièrestousensembledanslesbois…Cramoisi, Tyler n’a pas relevé et nous a donné des sandwiches, des barres protéinées et des

pommes.—Bonappétit!s’estexclaméMason.Àplustard.—Attends,aditConnoraumomentoùMasontournaitlestalons,ilvaudraitmieuxpourtoique

jenedeviennepastonennemi.Masonapâli,puisaretrouvésacontenance.—Etviceversa,a-t-ilréponduavantdequitterlapiècesuividesessbires.JemesuisprécipitéeversConnoretl’aiserrédansmesbras.Ilm’arendumonétreinte.Jen’avais

jamaiseuaussipeurdepuislapleinelune.—Aumoins,ilsn’ontrienprélevésurtoi,a-t-ilmurmuré.

J’aifermélesyeux,mesentantcoupable.Jenevoulaispasquelesméchantsgagnent,maisjenepouvaism’empêcherdepenserquesiMasonparvenaitàmettreaupointunsérum,jepourraism’eninjecter. Et Connor ne saurait jamais que je n’étais pas une Lycan. Car c’étaitmon côté lycan quil’attirait.Ilpensaitqu’onétaitdelamêmeespèce,qu’onfaisaitpartiedelamêmemeute.LesLycansnesemélangeaientjamaisauxhumains,dontilsseméfiaient.Commentmamèreavait-elleputomberamoureusedel’und’entreeux?

—Toutvabiensepasser,m’aaffirméConnor.J’ailevélatêtepourmieuxlevoir.Iln’avaitpasl’aird’endouterunseulinstant.—Commentpeux-tuenêtrecertain?—Parcequejesaisqu’àlapremièreoccasionvenuetuleurbotteraslesfesses.J’ailaissééchapperunpetitrireétrangléenmeretenantd’éclaterensanglots.J’auraisvouluavoir

sonassurance.Ilm’a caressé la joue d’un geste tendre et s’est penché versmoi, la bouche tout près demon

oreille.—Jesuissérieux,m’a-t-ilsusurrédesavoixsuave.Lesautresvontvenirànotrerescousse.—Commenttulesais?—Parcequemonéquipeétaitcenséevenirenreconnaissanceici.Ennemevoyantpas,ilsiront

prévenirLucas.Illeurfaudrasansdouteunjouroudeuxavantdesedécideràyallersansmoi,maisilsleferontparcequelasécuritédelameutepasseavanttout.Etilsnouslibéreront.

—Pourquoitum’asrenvoyéedetonéquipe?luiai-jedemandé,sachantpertinemmentquej’avaismalchoisimonmomentpourluiposercettequestion.

Ils’estreculéetapromenésonpoucesurmalèvreinférieure.—Parceque jen’arrivepasàmeconcentrerquand tuesprèsdemoi.Parcequedepuisque tu

m’asdéfiéedanslasalledesport,jeressenscecoupdepiedauventredontLucasm’avaitparlé.Etjerêvede…

Ilm’a embrassée avec ardeur, désespoir. La peur que nous éprouvions devait exacerber notrepassion.Aufonddemoi,jesavaisquec’étaitunemauvaiseidée:Masonallaitsansdouteseservirdenotrerelationcontrenous.

Connoradûtirerlamêmeconclusion,carils’estdétachédemoietajetéuncoupd’œilverslescaméras.

Ils’estdétournéetafaitquelquespas.—C’estquoi,ça?J’aisuivisonregardetdécouvertuntroudanslamanchedemachemise.—Rien,ilsontdûladéchirerenmetransportantdanslacage.—Non,cebleu,a-t-ilditd’unevoixtendueenpassantledoigtdansl’accroc.Est-cequeMasont’a

faitdumal?Impossibledeluiavouerqu’ilenétaitlacause:ilm’auraitimmédiatementdemandépourquoije

nem’étaispastransforméepourmeguérir.—Oui,ondirait.Pasgrave.—Cemecvalepayercher!arugiConnorenmesaisissantlamain.Il m’a fait asseoir par terre et nous nous sommes calés contre les barreaux. Il a ouvert une

bouteilled’eau,l’asentie,puismel’adonnée.—C’estdel’eaupotable?ai-jedemandé.—Jen’airienflairéd’inhabituel.Aupire,ilsaurontmélangédessomnifèresàlanourriture,mais

je pense queMason prend son pied quand il nous tire dessus avec ses fléchettes. Il essaie juste de

prendrelecontrôledelasituation.J’aisouri.—Çamerassurequetuemploiesleverbe«essayer».—J’aivuassezdefilmssurlesloups-garouspoursavoirquelesgentilsgagnenttoujours.—Tun’aspaspeur,hein?Sansmerépondre,ilaprisunsandwich.

11Moiquirêvaisd’untête-à-têteavecConnor…Vœuexaucé!Les heures passaient, interminables.Connor etmoi soupçonnions la présence demicros, alors

nous parlions peu et évitions de laisser croire àMasonqu’il était sur la bonne piste.Les analysesallaient sûrement confirmer que Connor était un Lycan, mais nous avions toujours l’espoir depouvoirniercesrésultats.

Assischacunàunboutdelacage,nousnousefforcionsdedissimulernotreattirancemutuelle.—Tonfilmpréféré?luiai-jedemandé.—300.Letien?—LesÉvadés.—Turigoles?a-t-ilfait,bouchebée.Tuétaisnéequandilestsorti?—Non,jel’aivuenDVD.Ilasouri.—Jemedoutaisbienquetunechoisiraispasunecomédieromantique.J’adoreLesÉvadés,c’est

mondeuxièmefilmpréféré.—Etpourtanttumecharries!—Ilfautbientuerletemps.J’aijetéuncoupd’œilcirculaire.Ilyavaitdescagesvidesentasséeslelongd’unmur.—Àtonavis,ilsontconstruitcettepiècerienquepournous?—Ilsdevaients’imaginerqu’ilscaptureraientpleindecobayes.—TucroisqueMasonestcapabledemettreunsérumaupoint?—Jesuistropnulensciencespourledire,maiscemecestunvraisavantfou.J’aihochélatête.—Tasérietélépréférée?a-t-ildemandécommes’ildevinaitquej’avaisbesoindemechanger

lesidées.—24.Ilasourijusqu’auxoreilles.—Toi,tuaimesl’action.J’aihaussélesépaules,unpeuhonteusequemesréponsessoientaussipeuféminines.—Queveux-tu!Quelquesexplosions…desscènesimprobables…etjesuisheureuse.—PauvreJackBauer!Iln’ajamaisl’occasiondemangernidedormir.— Et dès qu’il doit se rendre quelque part, c’est toujours à moins de cinq minutes de trajet.

J’adore!Connoraéclatéderire.Cettesituationn’étaitpassidésagréable,enfindecompte!—OndoitrendreMasondingue,ai-jedit.—Pourquoi?Parcequ’onnesecomportepascommedesanimaux?—Entoutcas,moi,jem’amuse.Il tripotait lepansementsur samain, sûrementagacédenepaspouvoir se transformerpourse

soigner.—C’estdrôle,Lindseyetmoin’étionsjamaisposés,toujoursoccupésàdroiteetàgauche.Çame

plaisaitbien,remarque,maisjepréfèreêtreavectoi,sansrienfaire.—Jeleprendscommeuncompliment.—C’enestun.SiMasonnenoussurveillaitpas,jeferaisd’autreschosesavectoi,crois-moi.Commentnepasrougir?—Oùestsonpère,àtonavis?ai-jedemandé.

Connorahaussélesépaules.— J’ai toujours pensé queMason était le véritable cerveau de la bande. Son père n’est qu’un

hommedepaille,censéapporterunpeudecrédibilitéàleurprojet.—SelonKayla,Masonestunpetitgénie.Ilestàpeineplusâgéquenous,maisiladéjàfinilafac

ettravaillechezBio-Chrome.—Cemecdevraits’acheterunevie.Oui,sescomplexesn’étaientsansdoutepasétrangersàsonobsessionpourlesLycans.Connoretmoiavonsrecommencénotreping-pongdequestions-réponses:ilaimaitregarderle

base-ball,joueraubasketetmangerdel’aloyau.Ilcommençaitàfairenoir:lesoleilsecouchait.Onaentendulaportes’ouvrir,etTessestentrée

enpoussantunchariot.Elleaussiavaitfaitpartiedel’expéditionplustôtcetété-là.C’étaitunefillegracieuse,souple,àla

peaumateetauteintparfait.Jel’avaistrouvéegentille;àprésent,jemeposaisdesquestions.—Salut,raviedevousrevoir!a-t-ellelancéavecunenthousiasmequisonnaitfaux.Ledînerest

servi.Elleaappuyésurleboutond’unetélécommande,etlaportedenotrecages’estlégèrementlevée.

Elleapassédeuxassiettesdessous.Connorenaprisuneetaôtélaclochequilacouvrait,révélantunfiletdebœufetdesfrites–ma

garniturepréférée.— Ainsi, Mason nous écoute, a conclu Connor en haussant un sourcil. On peut avoir des

couverts?Tessaricané.—Bienjoué,maisonn’apasenviequevousvousenserviezpourvouséchapperounousblesser.

Enrevanche,j’aiapportédesserviettes,duketchupetdel’eau.Elleapousséletoutdansnotrecageavantderefermerlaporte.—Onpourraitavoirdescouvertures?ademandéConnor.Ilvafaireplutôtfrisquet,cettenuit.LebeauvisagedeTesss’estrembruni.—Jesuisdésolée.Sivousavezfroid,vousn’aurezqu’àutiliservotrefourrure.Jeluiailancéunregardmauvais.—Etunefoisqu’onseragelés,vousviendreznousranimer?—Serrez-vousl’uncontrel’autre,iltetiendrachaud.—Salegarce,ai-jesifflé.—Écoutez, jenefaisquemonboulot.Faitespreuvedebonnevolonté,et tout lemondepourra

rentrerchezsoi.C’estpasquejem’ennuiemais…Surce,elleaquittélapièce.JemesuisinstalléeàcôtédeConnoretj’aiprisl’assiettequ’ilmetendait.—Ilsauraientaumoinspunouscouperlaviande,ai-jemarmonné.—Ilsveulentpeut-êtrequ’onladéchiquetteavecnoscrocs.J’aisoupiré.—Çacommenceàbienfaire.L’obscurité et la fraîcheur nocturne se sont installées pour de bon. Visiblement,Mason et son

équipe espéraient que l’absence de chauffage nous inciterait à nous transformer – enfin, qu’elleinciteraitConnoràsetransformer.

Aprèsnotre repas,nousavons reprisnotreplacechacunàunboutde lacage,perdusdansnospensées.Leclairdeluneéclairaitfaiblementlapièce.Serions-nousencorelààlanouvellelune?J’ai

détachémes cheveux pour protégermes épaules du froid, puis j’ai croisé les bras bien fort pourretenirleplusdechaleurpossible.J’aifermélesyeux.Sijepensaisàunbonfeudecampaucœurd’uneclairière,peut-êtreque…

Ilyaeudubruitet j’aiouvert lesyeux.Connorétaitaccroupiprèsdemoi.Jene levoyaispasaussibienqu’ilmevoyait,maisjedistinguaissonvisagedanslapénombre.

—Tiens,prendsmonsweat,m’a-t-ilproposé.—Non,tuvasavoirfroid.—Jet’enprie,Brit,jet’entendsclaquerdesdents.T’inquiètepaspourmoi,j’ailesangchaud.C’étaitlapremièrefoisqu’ilm’appelaitBrit.Çametouchaitbeaucoup.—D’accord,merci.J’ai enfilé son sweat, qui était encore chaud et qui sentait son odeur.En quelquesminutes, j’ai

cessédefrissonner.Connors’estassisprèsdemoi,apasséunbrassousmesgenouxet l’autredansmondos,puis

m’afaitasseoirsursescuisses.—Serre-toicontremoi,m’a-t-ilconseillé,onvagénérerdelachaleur.J’aipassémesbrasautourdesontorseetenfouimonvisagedanssoncou.—Oh,tuaslenezfroid,m’a-t-ildit.J’ailevélatête.—Désolée.Ilari,amissamainsurmajoueetareposématêtecontrelui.—Ilvaseréchauffer.J’aiinspirésonodeur.—Tusaiscequinousréchaufferaitvraiment?a-t-ilajouté.—Ouhlà!ImaginequeMasonmettelavidéosurYoutube!l’ai-jetaquiné.—Oui,çaseraitbiensonstyledenousmenacerdelefairesionneluiobéitpas.Maisbon,onne

verraitpasgrand-chose,ilfaittropnoir.—Àpropos,pourquoiMasonn’a-t-ilpasallumélalumière?—Peut-êtrequ’ilsn’ontpaspayélafactured’électricité,aplaisantéConnor.—Non,sérieux,pourquoinouslaisserdanslenoir?—Ilcroitsansdoutequ’onvafairedestrucsqu’onneferaitpasenpleinjour.Hum…tusensbon.—Çam’étonnerait…—Si…Tonessence,ceparfumspécialquin’appartientqu’àtoi,celuiquiattirelesprédateurs…

Tusenslamenthe.—Ettoi,tusenslaforêt.—Çameplaît!Ilaeffleurémamâchoiredeseslèvres,puisilm’aembrassée.Jen’avaispluspeurderienquand

ilmetenaitdanssesbras.Seulcomptaitl’instantprésent.—Rassure-moi:jenesuispasunlotdeconsolation?ai-jedemandéenreprenantmonsouffle.—Jamaisdelavie.Etons’estencoreembrassés,pendantquesesdoigtscaressaientmonventre.Commentpouvaient-

ilsêtreaussichaudsalorsquej’avaislesmainsglacées?Ilm’aembrasséedanslecou.—Tunem’avaisjamaisremarquéeavant,ai-jeinsisté.Ilainterrompusesbaisers,commes’ilprenaitletempsderéfléchiravantderépondre.—Si,maisjenem’étaispasrenducomptedecequej’avaissouslesyeux.

— Peut-être qu’on s’emballe parce qu’on croit qu’on va mourir. J’ai entendu dire que lesotages…

—Nousnesommespasdesotages.Etcequisepasseentrenous…(Ilaprismonvisagedanssesmains.)CequejeressenspourtoiacommencébienavantqueMasonnenouscapture.JemerendaisauSlyFox,quandj’aifaitdemi-tourpourallercheztoi.J’avaisbesoindetevoir,det’avouermessentiments.Brit,jen’aijamaisressentiçapourpersonne.Et,oui,jesuisunpeugêné,maisj’aienviequ’onselance,voiroùçanousmène.

Jeluiaiadresséunsourireetj’aihochélatête.Puisilm’adenouveauembrassée.Cesoir-là,aumoins,j’allaisdormirauchaud.Lelendemainmatin,jemesuisréveilléeaveclecorpsdeConnorsurmoipourmeprotégerdu

froid.Jeluiaicaresséledos.Nousavionspasséunebonnepartiedelanuitànousembrasser,nouscâlineretàdiscuter,jusqu’àcequenousnousendormionsdanslesbrasl’undel’autre.

Jeluiaimordillél’épaule.—Hé,faisgaffe,tusaisbienquelesmorsuresdeLycansmettentplusdetempsàguérir.Tout mon enthousiasme s’est envolé. Oui, j’aurais dû lui dire la vérité, mais j’avais peur de

détruirelelienquivenaitdesetisserentrenous.J’enavaistantrêvé.Àprésent,j’avaistropàperdre.Maisplusnousnousrapprochions,plusildevenaitdifficiledegardermonsecret.—Tusaisdequoij’aienvie?a-t-ilmurmuréd’unevoixgraveetsexy.—Quoi?—Demetransformeravectoi.Je me suis figée, j’ai cru que mon cœur allait cesser de battre. Connor s’est redressé et m’a

caressélajoue.— Pas de panique. Sûr que ça ne ressemblera jamais à ta première fois, mais si on attend la

prochainepleineluneetqu’ons’organiseunpeu,onpourrarecréerlamêmeatmosphère.Jemesuispassélalanguesurleslèvres,lecœurbrisé.—Jepréfèrenepasenparlermaintenant.Ilafroncélessourcils.—Oui,désolé.Jenevoulaispasprécipiterleschoses.Ilacommencéàserelever.J’aipassélesbrasautourdesoncoupourl’enempêcher.—Connor,jetepromets,j’enaitrèsenvie.Ilm’asouri.—Alorsonlefera.Maisd’abord,ilfautqu’onsortedelà.Ilavait raison :c’étaitnotrepriorité.Ensuite, j’aurais tout loisirdedétruirenotrecoupleen lui

révélantlavérité.

12Tessestvenuenousapporterlepetitdéjeuner.—Jevaistâcherdevoustrouverdescouverturespourcesoir,a-t-elleditavantdedisparaître.— Tu crois qu’ils ont été gênés par ce qu’ils ont vu sur les caméras de surveillance ? ai-je

demandéàConnorenmordantdansunesaucisse.Ilasecouélatête.—Jenevoispaspourquoi…C’estvraiqu’ons’estembrassés,maisnousnesommespasallés

aussiloinquejel’auraissouhaité…J’aisentimesjouess’empourprer.—Vilain!ai-jesiffléenluienvoyantunmorceaudebiscuit.—Oui,c’estcequejerisquededevenirsionnesortpasd’ici.Sitôtsonrepasterminé,ilafaitletourdelacageensefrottantlesmains.—Ildoitbienyavoiruneissue.—Sionsortdelacage,onresteraquandmêmeprisonniersdusous-sol,ai-jefaitremarquer.Ilm’aadresséunclind’œil.—Uneévasionàlafois,s’ilteplaît.Laportes’estouverte,laissantapparaîtreMasonaccompagnédesabandehabituelleainsiquede

deuxtypesquejen’avaisjamaisvus.Pluscostaudsqueleslaborantins,ilsl’étaientcependantmoinsqueJohnsonetWilson.

—Ah,unpeudecompagnie!aironiséConnor.Tuauraispum’avertirdetavisite,jenesuispastrèsprésentable.

Eneffet,jeportaistoujourssonsweat.—Jem’enfiche,aréponduMason.Quesignifieletatouagesurtonépaule?LucasetRafeenont

un,euxaussi.—C’estunritueldepassagepourfairepartiedelaconfrériedemafac.RafeavaitdéjàditlamêmechoseàMasondurantlarandonnée.— À d’autres ! Enfin, bon, les échantillons que tu nous as fournis ont été très concluants.

Maintenant,j’aimeraisquetutetransformes.—Turisquesd’êtredéçu.Jenepeuxpas.—Tunepeuxpasoutuneveuxpas?—Sijepouvais,crois-moi,jel’auraisdéjàfaitquandtum’ascapturélapremièrefois.—C’estcequ’onvavoir,alancéMasonavecunrictus.Il y a eu des cliquetis, et j’ai tourné la tête vers Ethan. Tyler et leurs deux nouvelles recrues

montaientcequiressemblaitàuntunnelmétallique.Jemouraisd’enviedesavoircequ’ilsmijotaient,maisjen’allaispasfaireàMasonleplaisirdeleluidemander.

ConnoracomprisqueMasonpréparaituncouptordu,carils’estavancé,m’aprislamainetl’aserrée.J’aiserrélasienneenretour.

Ilsontpousséletunneljusqu’àl’entréedenotrecage.Puisdesrouesontcouiné;ilsapprochaientuneautrecagedanslaquellesetrouvaitunpuma.

—Merde!alâchéConnor.—Tucroisquec’estaussiunLycan?ai-jemurmuré,sachantquelesmembresdenotreespècene

setransformaientpastousenloup.—Non,c’estunvraipuma.Ilfallaitserendreàl’évidence:Connorn’avaitplusqu’uneseuleoption.Ilsontplacélacagedupumaàl’autreboutdutunnel.

ConnoralancéunregardfurieuxàMason.—J’agispourlebiendel’humanité,s’estdéfenducedernier.— « Bien de l’humanité »,monœil ! Tu veux juste devenir ce que tu n’es pas. Et tu le veux

tellementquetuesprêtàcroiren’importequoipourl’obtenir.—Étantdonnéquejen’entireraiaucunbénéficepersonnel,jenesuispasleméchantdel’histoire.Quelaplomb!Toutlemondesavaitpertinemmentqu’ilfaisaitçapoursapetitepersonne!—Écoute-moibien,acommencéConnor,etregarde-moidanslesyeux:jenesuispasunloup-

garou.Situfaisentrercepuma,ilvanoustuer.Pendant une fraction de seconde,Mason a eu l’air de douter. Puis il a hoché et secoué la tête,

commes’ilsedisputaitaveclui-même.—J’aimescertitudes!a-t-ilfiniparmarteler.—AlorsfaissortirBrittany.Çat’éviterad’avoirdeuxmortssurlaconscience.—Non.Carpourelle,tutebattrasjusqu’aubout.Àcetinstant,j’aihaïMasondetoutemonâme.Ilaappuyésurleboutondelatélécommandepour

ouvrirlagrilledenotrecage.Connoralâchéunjuron,etj’aicomprisqu’ilavaitbluffé:jamaisilneseraitprêtàmourirpour

contredireMasonetsesthéories.Iln’yavaitplusqu’àespérerquel’issuedecetteconfrontationnoussoitfavorable.

Connor a ôté ses bottes. J’ai reculé pour lui laisser le champ libre. Il a ensuite retiré seschaussettes,puissaceinture.

La porte de l’autre cage s’est ébranlée. Le puma s’est mis à gronder. J’ai continué à reculerjusqu’àcequejemecogneauxbarreaux.

Connors’esttournéversmoi.—Brittany,transforme-toi.J’aisecouélatête,leslarmesauxyeux.—Jenepeuxpas.Connors’estavancéetafaitungesteendirectiondeMasonetdesabande.—Oublie-les, fais comme s’ils n’existaient pas.C’est notre seule chance de survie. Je pourrai

sûrement vaincre le puma tout seul, mais il vautmieux que tu sois enmesure de te défendre s’ilt’attaque.

—Désolée,Connor,maisjenepeuxpasmetransformer.Jesuishumaine.C’étaient lesmots lesplusdifficilesque j’avais jamaisprononcés.Etvu la réactiondeConnor,

c’étaientaussilesplusterriblesqu’ilavaitjamaisentendus.Lepumaaparcouruletunnelenrugissant,etl’instinctdesurviedeConnorareprisledessus.Il

s’estreculédansuncoindelacageetaenlevésonjean.J’aidétournélatête,lesmainssurlesbarreaux,incapabled’assisteraucombat.Lacageatremblé,

puisunloups’estmisàhurler.J’ai fait volte-face. Le loup et le puma semêlaient dans une étreintemortelle, comme lorsque

Connor etmoi nous étions battus.Crocs et griffes blessaient les deux adversaires.Du sang giclaitpartoutdanslacage.

Masonrayonnait,enchantéà laperspectivedeposséder lapuissancedontConnorfaisaitpreuvedevantlui.

QuefairepouraiderConnor?Jen’avaisaucunearme,aucunmoyendedétournerlepumaoudelemettredansunepositiondevulnérabilitésansqu’ilmeplantesescrocsdanslapeau.Àlarigueur,

je pouvais sortir de la cage etme réfugier dans le tunnel pour que Connor n’ait pas peur demeblesserpendantsoncombat.

Comme s’il se souciait demoi, à présent ! Il espérait sans doute que le puma ne fasse qu’unebouchéedel’humainequej’étais.

Soudain,unecolèreformidableestmontéeenmoi.J’étais furieusecontremamèrequim’avaitfaitcroirequej’étaisuneLycan.FurieusecontreMasonquim’avaitforcéeàrévélermavraienature.Ilfallaitqu’ilpaie.

Oh,etpuiszut.Cen’étaitpasparcequejen’étaispasuneLycanqueConnordevaitsebattreseul!J’avaisuncoupdepiedcirculairedutonnerre!

J’ai observé les deux adversaires, guettant l’occasion d’intervenir. Je connaissais par cœur latechniquedecombatdeConnor.Alors,j’aipatienté.Puis,soudain,j’aidonnéuncoupdepieddanslacroupedupuma.

Déstabilisé, le fauve a couiné. J’ai reculé vivement et Connor, qui avait repris le dessus, lui aplantésescrocsdanslajugulaire.

Iln’agissaitpasdegaietédecœur: lesLycansrespectent touteslescréaturesdelanature,etunadversairen’estjamaistuésansregret.

Lepumas’esteffondré,immobile.Connorareculéavantdetomber,grièvementblessé.Jemesuisprécipitéeversluiet,délicatement,j’aiposésatêtesurmesgenoux.Quand un Lycan se transforme, tout chez lui prend l’apparence d’un loup, sauf ses yeux qui

demeurent humains. J’ai donc plongémon regard dans celui de Connor. C’était bien à lui que jem’adressais.

—Jesuisdésolée,j’auraisdûtouttedire,ai-jesoupiréencaressantsonpelage.Jesuistellement,tellementdésolée.

Jenetrouvaisaucunautremotpourexprimermonchagrin,mesregretsetmahonte.Jel’avaisabandonné,endépitdetoutesmesconvictions.J’avaistoujourscruquejeprotégerais

messemblables,quejepourraislesdéfendre.MasonetWilsonsesontapprochésdelacage,cedernieravecunfusilàfléchetteshypodermiques

souslebras.J’ailevélamain.—Non,laissez-luiletempsde…Trop tard.Wilson avait déjà tiré. Connor a tressailli quand la fléchette s’est plantée dans son

épaule.Dans un dernier effort pour relever la tête, ses yeux se sontmis à papilloter, puis il s’estécroulésurmoi.

—T’esvraimentnul,Mason!Ilfallaitluilaisserletempsdeguérir!J’aiôtélesweatetl’aiplacésurConnor,quivenaitdereprendresaformehumaine.—Ah,ilsredeviennenthumainsquandilssontinconscients?Jen’étaispasd’humeuràluirépondre:lesweatdeConnorétaitmaculédesang.—Ilestgravementblessé,illuifautunmédecin!—Tun’espasunloup-garou,maistut’yconnaisplutôtbien,ondirait!—Cenesontpasdesloups-garous,cesontdesLycans.Sivousluitrouvezunmédecin,jevous

diraitoutcequejesais.—Promis?—Promis.Ilahochélatêteetjetéuncoupd’œilderrièrelui.—Ethan,vacherchermonpère.

Depuis ladernière foisque je l’avaisvu, lescheveuxpoivreet selduPrKeaneavaientviréaublanc.Sansdouteàforcedetravailleravecsondinguedefils.

—Donc,jedoisluifairedespointsdesutureclassiques?Commesic’étaitunhumainnormal?a-t-ildemandé.

J’aihochélatête.CelledeConnorétaittoujourssurmesgenoux,etjeluipassaislesdoigtsdanslescheveux.Lepumal’avaitblesséàl’épaule,auflancetàlacuisse.

—Ilpourrasesoignertoutseulquandilreprendraconscience.—Alors il peut se transformer à volonté ? a relevéMason. Pas seulement quand il se sent en

danger?—Oui,ai-jeconfirméàcontrecœur.—QuandonaendormiLucas,iln’apasreprisformehumaine.—Peut-êtreparcequ’iln’étaitpastotalementinconscient.—DoncLucasétaitbeletbienleloupmulticolore!Aïe,jevenaisdeletrahir!J’avaiscertespromisàMasonderépondreàtoutessesquestions,mais

j’avaisprojetédeluirévélerdesdétailsquineluidonneraientaucunelongueurd’avance.Carj’avaisbeaunepasêtreuneLycan,jeleurétaistoujoursloyale.

—Oui…—SeulslessherpasmasculinssontdesLycans?ademandéMason.J’aiavalémasaliveavecdifficulté.—Non,ilyaaussidesfilles.—Maistoi,tun’enespasune?J’aisecouélatête.—Onsait,grâceànosanalyses,quecetteparticularitésetransmetparlesgènes.Alorscomment

sefait-ilqueConnoraitcruquetuétaisuneLycan?Jeluiairacontél’histoiredemamère.—Legènelycanestdoncrécessif,a-t-ilconclu.J’aihaussélesépaules.—C’esttoilescientifique,pasmoi!—Obligé,sinonilyauraitplusdeLycansqued’êtreshumains.—Oupeut-êtreencroises-tutouslesjourssanst’enrendrecompte?ai-jesifflé.— Tu sais qu’on peut arracher les points de suture de Connor ? On pourrait même lui faire

beaucoupdemal,sionlevoulait.J’aiaussitôtregrettémesparoles.—D’accord,ai-jeconsenti,lamâchoirecrispée.Ilyaplusd’humainsquedeLycans.—Tuvois,cen’étaitpassicompliqué!Dieumerci,ilacessédemeposerdesquestions.SonpèreavaitfiniderecoudreConnoret,même

si lespointsn’étaientpas fabuleux, ils faisaientquandmême l’affaire.Connorallait survivreà sesblessuresetpourraitsetransformerpourseguérir.

J’aiété trèsétonnéequeMasonm’autoriseàprendreunedouchepourmedébarrasserdusangdontj’étaiscouverte.Pendantcetemps,Tessamontélagardepours’assurerquejenetentaispasdem’enfuir.Saprésencen’étaitpasnécessaire:jen’allaispasabandonnerConnorunedeuxièmefois.

—Tusais, jen’ycroyaispasjusque-là,m’a-t-elleconfiéàtraverslerideaudeladouche.Pourmoi,c’étaitdelascience-fiction.

J’aicontinuéàmesavonnersansluirépondre.

—Mais on me proposait un super salaire. Comme je suis l’aînée de sept enfants issus d’unefamillemodeste,j’aifaitcequej’aipupourlesaider.

Siellecherchaitàsefairepardonner,elles’yprenaittrèsmal.Ellem’aprêtéunsweattropgrandpourmoi.Elleestaussialléechercherdescouverturesetun

sweatqu’elleaempruntéàJohnsonpourConnor,mêmesijemedoutaisqu’ilneleporteraitjamais.D’autant plus qu’il était estampillé du logo de Bio-Chrome et de leur slogan : « Étudier leschromosomespourunfuturplusradieux».

—Quandtunousasapportélepetitdéjeunercematin,tusavaisdéjàcequ’ilscomplotaient.Elleasoudaineul’airtrèstriste.—Oui.Maissiçapeutterassurer,ontrouvaittousquec’étaitunetrèsmauvaiseidée.Seulement,

Masonestobnubilépartouslesdébouchésmédicaux.Tuterendscomptequ’onpourraitsauverdesmilliersdevies?

—C’estn’importequoi!LesLycansnesetransformentpasenunsimpleclaquementdedoigts.Ilsn’ontaucunmoyendetransmettreleurcapacité.Ilyad’autrescréaturescapablesdeserégénérer,etilnesuffitpasdelesenfermerdansuntubeàessaipourleursoutirercetteaptitude!

—Maisilsneressemblentpasautantauxhumainsquelesloups-garous.—LesLycans!l’ai-jecorrigée.Jem’attendaisàcequ’ellemeconduisedansunesalled’interrogatoireversionpolar,avecune

table,unechaiseetuneampoulequipendauboutd’uncordon.Enfait,ellem’aaccompagnéedansunepièceluxueusementdécoréedansdestonsnoiretblanc.

Mason et son père étaient installés dans deux gros fauteuilsmoelleux.Wilson et Johnson, eux, setenaientàquelquespas,ledoigtsurladétentedeleursfusilsanesthésiants.Ilsavaientsansdoutepeurquejenelesattaque!Envérité,jen’aspiraisqu’àretournerauprèsdeConnor.

Masonapointéuncanapédudoigt.—Assieds-toi.Aprèstoutcequejevenaisdevivre,cettescèneétaitsurréaliste.Jemesuisassisedanslecanapé

délicieusement confortable en essayant de cacher mon plaisir. Quel contraste comparé au sol encimentsurlequelj’avaispassélanuitavecConnoretsurlequelilreposaittoujours…

—Sers-toi,m’alancélePrKeaneenfaisantungesteverslatablebasseoùm’attendaientuneflûtedechampagneetdesamuse-gueule.

— Allons droit au but, ai-je répondu, impatiente de retrouver Connor, même si ce n’étaitprobablementplusréciproquedepuisqu’ilconnaissaitmonsecret.

—D’accord,afaitMasonensepenchantenavant.Est-cequelesLycansnaissentaveclacapacitédesetransformer?

—Non.Ilalevéunsourcil.—Développe.— Les filles ne se transforment qu’à dix-sept ans, les garçons à dix-huit. La première

transformationalieulepremiersoirdepleinelunequisuitleuranniversaire.Onnepeutnil’arrêter,nilacontrôler.Aprèscela,ilspeuventsetransformeràvolonté.

—Est-cequetousleshabitantsdeTarrantsontdesLycans?—Non.Ilyavaitpleindetouristesetdecampeurs,alorsjenementaisqu’àmoitié.—Quesignifieletatouagesurleurépaule?

—LesLycanss’apparententauxloups,quisontdesanimauxfidèlesàleurcompagnon.Quandungarçontrouvesacompagne,ilsefaittatouerunsymboleceltiquequireprésentesonprénom–ou,dumoins,unetraductionquis’enapproche–surl’épaule.

—Unsymboleceltique?IlssontoriginairesdeGrande-Bretagne?—Onn’ensaitrien.Ilslepensent,mais…J’hésitaisàluiendireplus.—Mais?a-t-ilinsisté.—MaislesLycansviventdansdescommunautésdisperséesdanslemondeentier.—Cesonttousdesloups?—Non,mêmesijen’aipersonnellementjamaisrencontréunautreanimal.—LesdifférentesespècesdeLycansnesemélangentpas,alors?J’aihaussélesépaules.—Aucuneidée.—Intéressant.Mason s’est passé les doigts sur le visage, comme s’il commençait à sentir les premiers

symptômesdelatransformation.Quelfêlé!—Qu’est-cequelessherpasessaientdeprotégerdanslesbois?a-t-ildemandé,lesyeuxplissés.—Desgrottes,commecelleoùvousaveztrouvéConnoretlesautresilyaquinzejours.—C’esttout?a-t-ilfait,incrédule.—C’estdéjàbien.—Jecroyaisqu’ilyavaitunvillageaucœurdesbois,ouuntrucdanslegenre.HorsdequestionquejeluiparledeWolford!—LesLycanssontdesmordusdelanature.Ilsadorenttraînerdanslesbois.Commetuaspule

voir avecConnor, ils sedéshabillent aumomentde se transformer, alors il leur faut des cachettespourentreposerleursvêtementsetdesvivres.

Ils’estpenchéunpeuplus,lesyeuxrivésàmoi.—Dis-moitoutcequetusaisetquejenet’aipasdemandé.Jen’allaispasluirévélerqu’unefoistransforméunLycanpeutcommuniquerpartélépathieavec

d’autresLycanseuxaussitransformés.C’étaitlabottesecrètedeConnor,laseulechancequ’ilavaitdenoussauver.Toutefois,ilfallaitbienqueMasonsemettequelquechosesousladent.

—Ungarçonse transformeseulpoursapremière fois, tandisqu’une filledoitêtreassistéedesoncompagnon,sinonellemeurt.

—Pourquoi?—Aucuneidée.Maisçapourraitavoirunimpactsurvosrecherches.Ilm’asouri,etj’aieul’impressionqu’unecoloniedecafardsmecouraitsouslapeau.Àprésent,

jefaisaispartiedesonéquipe,desonpetitcercleintime.—Excellenteinfo,merci,Brittany.—Jepeuxyaller,maintenant?—Oui.TuvaspartagerlachambredeTess.—Non,jeveuxretournerauprèsdeConnor.— Pourquoi retournerais-tu dans une cage inconfortable ? Surtout auprès d’un garçon que tu

dégoûtes.Oui, il avait raison, je l’avaisvudemespropresyeux.C’était aussipourquoi jevoulais revoir

Connoretm’expliqueraveclui.Detoutefaçon,ilnepourraitjamaismedétesterplusquejenemehaïssaismoi-même.

—S’ilteplaît,Mason,laisse-moiyretourner.Jet’aidittoutcequejesavais.—Tout,tout?—Oui.—Etsionpassaitunmarché?Masonetmoiavonslonguementdiscutéavantdetomberd’accordsurunarrangementquiserait

synonymepourmoidebonheur…oudemort.

13Suivi de ses acolytes,Masonm’a reconduite jusqu’au sous-sol, lamain solidement agrippée à

monbraspourm’empêcherdem’enfuir. Jeportais lescouvertureset le sweatquem’avait confiésTess.Lesoleilsecouchait,desombrescommençaientàseprofiler.

Assisdanslacage,Connorneportaitquesonjean.Seulsonsweat,jetéàtraverslesbarreauxdelacageetquigisaitaubeaumilieudelapièce,portaitencore lesstigmatesdesesblessures.Lesbrascroisés,ilnousalancéunregardmauvais.

—Tut’esguéri?ademandéMason.Connoraignorésaquestion.—Quoi?Mêmepasunepetitevanne?aironiséMason.Connorl’afusilléduregard.—Jesais,j’ysuisalléunpeufort,maisnousavonsfaitdesprogrèsremarquables,a-t-ilcontinué.

Jevoulaissavoirsilesrésultatsobtenussurnosfuretsdelaboratoireétaientprobants.—Vousaveztransformédesfuretsenloups?ai-jedemandé.—De tout petits loups, a réponduMason en rapprochant son index de son pouce.Des fois ça

marche,d’autresfoisnon.Maisjepensequelavolontéfaittouteladifférence.Ilfautpouvoirpenserlouppoursetransformerenloup.

—On est prisonniers depuis deux jours et vous avez déjàmis au point un sérum?me suis-jeexclamée.

—Onplanche sur cette formuledepuis longtemps, ilnenousmanquaitquequelqueséléments.Àprésent,lepuzzleestcomplet.

Ils’esttournéversConnor.—Jedoisremettretacopinedanslacage,etpourcela,ilfautquej’ouvrelaporte.Bouged’un

iotaetWilsontetasedirect.Connorn’apasbougé.Laportedenotreprisons’estreferméederrièremoi.—Profitezbiendupeudetempsquivousreste,alancéMason.J’aibondisurmespieds.—Commentça?—Touteslesbonneschosesontunefin.—C’est-à-dire?Sansmerépondre,ilestsorti,accompagnédesapetitebande.J’aicognélesbarreauxduplatdela

main.—Salaud.J’ai collé mon front contre le métal froid. Moi qui m’étais crue prête à affronter Connor, je

n’avaispasmesurélacolèrequibouillonnaitenlui.J’avaistantdechosesàluiexpliquer…Paroùcommencer?J’aiprisuneprofondeinspirationetj’airamassélesaffairesquej’avaisrapportées.

Connorétaittoujoursdanslamêmeposition.—Voilàunsweatpropreetdescouvertures.Ilm’aétudiée,commes’ilnemeconnaissaitpas.Cequiétaitlecas.—Maisc’estplutôtd’uneLycanquetuasbesoin,n’est-cepas?Il a lentement décroisé les bras et a remonté un genou. Ses poings serrés démentaient son air

détendu.—Quandas-tusuquetun’étaispasuneLycan?Savoix…Unevraie caresse surmoncœur.Sans être chaleureuse, ellen’était pasglacialenon

plus,plutôtneutre.Commemoi,iltâtaitleterrain.J’aiempoignélescouvertures.

—Lorsdelapleinelune,quandjenemesuispastransformée.LesoiroùMasonm’acapturée,jevenaisdeparleràmamère,quim’avaitavouéavoirrencontrémonpèreenEurope.

J’aieuunpetitrireamer.—Unhumain!Alorsque,toutescesannées,ellem’avaitserinéqu’elles’étaittransforméeavec

lui,puisqu’il l’avait larguée…Tuparles !Elleavécu sapremière transformationavecuncertainMichael,quil’aquittée,luiaussi.

Mamèreetmoiavionsaumoinscepointcommun :aucungarçonne restait jamais longtempsavecnous.

Connorm’aregardée.Unefois.Deuxfois.Troisfois.—Jet’enprie,disquelquechose,ai-jefiniparsupplier.—Tuportesl’odeurdeTess.—Onm’aautoriséeàprendreunedouche,etellem’aprêtésesfringues.J’étaiscouvertedeton

sang…Bizarre,cetteconversation!Pourquoinehurlait-ilpasaprèsmoi?Pourquoinemecriait-ilpas

toutesahaine?C’était trop dur de le regarder. J’ai commencé à promenermon regard autour demoi et j’ai

bientôtremarquéplusieursbarreauxtordusprèsdel’endroitoùilétaitassis.—Qu’est-cequis’estpassé?C’estarrivépendanttoncombataveclepuma?—Non.—Alorsc’estquoi?Il a déployé son corps à lamanière d’un prédateur pour s’approcher demoi. Ses yeuxm’ont

étudiée.Ilahumémonodeur,puisasecouélatête.—Comment ai-je pu ne pasm’en rendre compte ?Comment est-il possible qu’aucun de nous

n’aitrienvu?—Jen’ensaisrien…Ilapromenésesdoigtssurmajoue.—EttuascruquetuétaisuneLycanpendanttoutescesannées?J’aihochélatête.Commentluiexpliquer?—Aprèslapleinelune,tuasdûtesentir…—Anéantie.Ilapassésesbrasautourdemoietm’aattiréecontre lui.J’aisavouré toute lachaleur, toute la

force,toutleréconfortqu’ilmeprocurait.J’ignorecombiendetempsilm’atenueainsi.Auboutd’unmoment,nousnoussommesassis,et

ilm’aprisesursesgenoux.—Alors,qu’est-ilarrivéàlacage?ai-jeenfindemandé.—Quandjemesuisréveillé,etquej’aiconstatétonabsence, j’ai littéralementpétélesplombs.

J’aitentédesortirpourallertuerMason.—MonDieu,Connor,jesuistellementdéso…—Arrêtededemanderpardonpourdeschosesquinesontpasde ton ressort. Jenesavaispas

quoipenser.J’aicruqueMasonettoi…—Mason?Beurk!—Oui,jesais,j’enaiprisconscienceunefoisredescendusurterre.Jemesuisditquetudevais

êtreblesséeoumorte.J’aieudumalàretenirmajoiequandtuesrevenuedanslacage!—J’avaissipeurquetunem’enveuillesdenepasavoirditlavéritéplustôt.Ils’estadosséauxbarreauxetm’aregardéependantqu’ilpassaitsonpoucesurmajoue.

— J’étais choqué, et le moment était mal choisi. Je devine à quel point ça a dû être difficiled’avouer que tu n’étais pas uneLycan.Comment aurais-tu pu confier ton secret le plus précieux àquelqu’unquetuconnaissaisàpeine?

—J’auraisdûtouttedire.Tueslapersonneenquij’aileplusconfiance.Ilm’ajetéunregardattendri.—Quandj’aicomprisqu’ilneserviraitàriendem’acharnersurcettecage,j’airéfléchi,etj’ai

concluquecebleusurtonbrasn’étaitpasl’œuvredeMason.C’estmoiquitel’aifaitlejouroùjet’aidéfiée,n’est-cepas?

J’aurais voulu nier, mais autant me montrer honnête si je souhaitais sauver ma relation avecConnor.

—Oui,etj’enaiunsurlacuisseaussi.Net’inquiètepas,jesaisquetun’avaispasl’intentiondemefairemal.

—Etquandjet’airencontréeàlasallecommune…—…jenevoyaisriendutoutdanslenoir.J’attendaisquemesyeuxs’habituentàl’obscuritépour

metrouveruneplace.—Etquandjet’aiembrasséeavantdemetransformeretquetunem’aspassuivi,c’estparceque

tuenétaisincapable.Gênée,j’aiacquiescéetjemesuisrenducomptequejepleurais.—Jesuisdésolée,ai-jemurmuré,agacée.—Jet’aidéjàditdenepast’excuser.—Maisjedétestemecomportercommeunefille!—J’adorequandtutecomportescommeunefille.Ilacoincéunemèchedemescheveuxderrièremonoreille.Ilaembrasséuncoindemabouche,

puisl’autre.Ilaeffleurémeslèvresdessiennes,avantdem’embrasserpourdebon.—Jemefichequetunepuissespastetransformer,a-t-ilchuchoté.Ildisaitçamaintenant,maisunefoisrevenudanslevraimonde,ilmeprendraitpourunmonstre.Pourtant,cesoir-là,jecomptaisbienprofiterdelavie.Lamortrôdait.Leclairdelunefiltraitàpeineparlafenêtre.D’habitudecettelueurm’apportait

beaucoupderéconfort.Maiscesoir-là,seulConnorcomptait.Allongéesurlescouvertures,jepromenaismesdoigtssurletorsenudeConnor,quin’avaitpas

daignéenfilerlesweatquejeluiavaisrapporté.—N’aiepaspeur,Brittany,m’a-t-ilsouffléd’unevoixdouce.Maiscommentnepascéderàlacraintealorsquenousrisquionsdemourird’uninstantàl’autre?

Cetteéventualiténouspoussaitàprofiterdesderniersmomentsquinousétaientoffertssurcetteterre.Tousnosrêvesflottaientdansl’air,commeautantdeprojetsabandonnésàjamais.

Connormetenaitcontrelui,seslèvrestièdessurmatempe.Jesentaislesbattementsréguliersdesoncœursousmamain.Rienàvoiravecmonpoulsdéchaîné!

Ilapromenésabouchesurmajoue,ahumémapeau,etj’aienfouimonvisagedanssoncouoù,àmontour,j’airespirésonodeur.Mêmeàl’intérieurdecetteprison,ilsentaitlesgrandsespaces,lefeuillage,lenectarsucré.Toutcequej’aimais.

J’avais tant désiré sentir ses mains sur mon dos que j’aurais voulu que cet instant dure uneéternité.

—N’aiepaspeur,a-t-ilrépété.Puis la bête sauvage qui dormait en lui a repris le dessus, et il s’estmis àm’embrasser avec

passion,commesitoutecettefouguepouvaitrepousserledanger.Jeluiairendusonbaiseravecune

égale ardeur. Je voulais goûter à la vie,même si j’avais conscience que tout ceci ne serait jamaisarrivéentempsnormal.

Nousavionstoutperdu.Ilnenousrestaitplusqu’àsavourercequirestait.—Jet’aime,Brittany,a-t-ilmurmuré.Unevaguede frissonsm’a traversée.Moncœurbattait à tout rompre : il venaitdem’offrir ce

dontj’avaistoujoursrêvé.Ceàquoijepensaisnejamaisavoirdroit.Sonamoursetransformerait-ilenhainequandilcomprendraitquejel’avaistrahi?…Quej’avais

trahi tous les Lycans ? Que j’avais donné à Mason le dernier élément dont il avait besoin pouracheversesexpériences?

14Lelendemain,jemesuisréveilléeaveclesrayonsaveuglantsdusoleildanslesyeux.Laveille,je

m’étaisendormieentrelesbrasdeConnor;àprésent,iln’étaitpluslà.J’aieuunmomentdepanique,puis je l’ai aperçu à quatre pattes, aumilieu de la cage, les yeux rivés sur la fenêtre. Jeme suiscontentéedeleregarder,unsourireidiotauxlèvres.

Ilétaitsuperbe.Ils’esttournéversmoi.—S’ilteplaît,restecommeça,luiai-jeditenm’approchant.J’aienfouimonvisageetmesdoigtsdanssonpelage.J’airespirésonodeur,caressésondos.Ila

émisunpetitrâledecontentement.—Tu sais que tu esmagnifique ? lui ai-je demandé. Tous les Lycans sont beaux quand ils se

transforment,maisjet’aitoujourstrouvéleplusbeaudetous.Ilafrottésatruffecontremoncoupourmeréconforter.Malgrélarelationquenousvenionsde

développer, je savais pertinemment que nous ne serions jamais aussi proches l’un de l’autre quel’étaientKaylaetLucasouLindseyetRafe.Carilspouvaientsetransformer,êtreenharmoniel’unavecl’autre,courirensembledanslesbois,communiquerpartélépathie…

Connoretmoin’avionsqu’unefractiondetoutcela.C’étaitsiinjustepourluiqu’ilmefaudraitlequitterunefoisnotrelibertéretrouvée…

Desonmuseau,ilapoussémonépaule.Jel’ailâché,etils’estreculé.J’airemontémesgenouxcontremapoitrineetposémonmentondessusenlâchantunlongsoupir.Aurait-ilunjourpleinementconsciencedelachancequ’ilavaitd’êtreunLycan?

Commentaurais-jepucondamnerMason?Moiaussijedésiraiscequ’ilconvoitait.Connor,redevenuhumain,s’estassisetapasséunbrasautourdemoi.Ilavaitenfinenfilélesweat

quej’avaisrapporté.—LesautresLycanssontarrivés,a-t-ilchuchoté.—Déjà?Ilahochélatête.—Ilssontcombien?—Touteunearmée, ilyamêmedesadultes.Faisonscommesiderienn’étaitet,cesoir,nous

serons libres.Etavecunpeudechance,Bio-Chromeneseraplusqu’un lointainsouvenir.J’espèrequelesLycansnouslibérerontvitepourqu’oncombatteàleurscôtés.

Monsangn’afaitqu’untour:moi,jen’allaispaspouvoirmebattrecommeeux.Jelesentendaisdéjàsedire:«Maispourquoinesetransforme-t-ellepas?»

Commes’ilavaitludansmespensées,Connorm’aprislementonpourmeforceràleregarderdanslesyeux.

—Tunousserastrèsutile.—Jeferaidemonmieux.Ilm’aembrasséedoucement.Devantleursécransdecontrôle,Masonetlesautresdevaientcroirequ’onétaitjusteentraindese

câliner.Alorsqu’enréalitémonuniverstoutentierétaitentraindes’écrouler.—Tuasdesinformationssurtonpère?m’ademandéConnor.Assisàcôtédemoi,ilpassaitsesdoigtsdansmescheveux.Nousavionstouslesdeuxlesnerfsà

fleurdepeau,maispourdesraisonsdifférentes.Connorseretenaitdese transformer toutes lescinqminutespourcommuniqueravec lesautres

LycansafindenepasattirerlessoupçonsdeMason.Ilavaithâted’endécoudre.

Demoncôté,jemeretenaisd’appelerMason,carmaseulechancedepouvoirmetransformerunjourmenaçaitdedisparaître…

—Ils’appelaitAntonio,mamèrel’arencontréenFrance.—Antonio?Çanesonnepastrèsfrançais.Jen’yavaismêmepassongé.—Ilne l’estpeut-êtrepas.J’avouenepas luiavoirdemandéplusdedétails tant j’étais follede

rage.—Jen’arrivepasàcroirequ’ellenet’aitjamaisriendit.—C’estmamèretoutecrachée.Elles’imaginequelesproblèmesfinissentpardisparaîtresion

enniel’existence.—Çan’estpasdutouttongenre.—Exact,bienque,cesdernierstemps,j’aieeuunmalfouàaffronterlaréalité.Jem’inventaisdes

excusesfoireuses.Ilasouri.— J’imagine.Mais quelqu’un – les Sages, par exemple – aurait dû soupçonner quelque chose.

Généralement,lesLycansn’abandonnentpasleurcompagne.J’aihaussélesépaules.—L’exception qui confirme la règle. Regarde le père de Rafe : je crois ne l’avoir jamais vu

sobre, et Rafe venait souvent en cours couvert de bleus. Certains Lycans héritent des pirescaractéristiqueshumaines.Jesupposaisquemonpèreétaitpareil.

—Toutirabien,Brittany,m’apromisConnorenm’embrassantdanslecou.J’aihoché la tête.Pour lui,oui,peut-être. Il avaitbeaum’avoir faitunedéclarationd’amour la

veille,sessentimentss’envoleraientdèslorsqu’ilsrejoindraientlessiens.Monpèreavaitsûrementtenu des discours similaires à mamère avant de se rendre compte de l’horrible réalité. Àmoinsqu’ellen’aitelle-mêmeétédégoûtéedesesgèneshumains?Jeregrettaisdenepasluiavoirposéplusdequestions.

—Çaressemblaitàquoiquandont’afaitsortirdelacellule?ademandéConnor.Tutesouviensdeladispositiondeslieux?

Jemesuisécartéedeluietj’aidessinésurlesolunecarteinvisibleduboutdel’index.Jeluiaiexpliquélecheminqu’onavaitempruntépourgagnerleszonesd’habitationenessayantdedécrireleplusprécisémentpossible ceque j’avaisvu, entenduou senti.Malheureusement, sans les cinq sensaffûtésdesLycans,mesdescriptionsrestaienttrèsvagues.

—Ilsnem’ontpasconduiteaulabo,ai-jeajoutéàvoixbasse.—Ahoui?JepensaisqueMasonmouraitd’enviedetemontrersesavancéesscientifiques.—Jen’arrêtepasdepenseràcesfuretsqu’ilauraitsoi-disanttransformésenloups.—Jepariequ’ilsn’ontpassurvécu.Jenesuispasunscientifique,maisMasonfaitjoujouavecun

conceptquiledépassecomplètement.—TunetrouvespasquelesLycansdevraientpartagerleurdonaveclemondeentier?— Brit, nous avons des Lycans qui travaillent dans la recherche, car nous sommes aussi

vulnérablesquen’importequelhumainavantnotrepremièretransformation.S’ilyavaitunmoyendetransmettrecedon, ils l’auraientdéjàpartagé. Ilsconnaissentetcomprennentnotre fonctionnementmieuxqueMason.

Ilavaitraison.Notrediscussion s’est étioléeau fildesheureset chacundenous s’est abîmédans sespensées.

ConnorespéraitqueLucas le libérerait rapidementpourqu’ilpuissecombattreàsescôtés.Moi, je

medemandaissij’allaistrouverlelaboàtempsaprèsavoirétérelâchéepourm’injecterunedosedusérum…

Entoutcas,Masonnevenaitplusnousnarguer,etpersonnenenousservaitàboireouàmanger.—Ets’ilsavaientabandonnélelaboratoire?ai-jedemandé.—Non,ilssonttoujourslà.C’estaprèslatombéedelanuitquel’enfers’estdéchaîné.

15Connoretmoi,allongéssurlescouverturesdanslesbrasl’undel’autre,écoutionsattentivement

ce qui se passait lorsque des spots éblouissants se sont allumés.C’était la première fois que nousavionsdelalumièredepuisledébutdenotrecaptivité.

Nousnoussommeslevésaumomentoùlaportes’estouverte.Jem’attendaisàvoirLucas,venuànotrerescousse,maiscen’étaitqueMason,excitécommeungaminquiauraittrouvélecadeautantdésirésouslesapindeNoël.Enplusdesessbireshabituels,ilétaitaccompagnédesonpère.Ethan,lui, tenait une longuemallette dans lesmains.Toute cetteprocession avait un air irréel, comme siMasonmettaitenscèneunepiècedethéâtredontnousétionslesspectateurs.

QuantàConnor,ilbouillonnait,prêtàsebattre.La petite bande s’est approchée de notre cage.Wilson s’est posté sur un côté, et il y a eu un

grésillement. Connor a poussé un grognement avant de s’écrouler au sol, touché par le taser queWilsonavaitpointésurluiàtraverslesbarreaux.

— Pourquoi vous avez fait ça ? me suis-je écriée enm’accroupissant près de Connor qui, leregardconfus,luttaitpourretrouversesesprits.

—Iliramieuxdansdeuxminutes,m’aréponduMason.Viens,ilfautquetusortes.—Ilvousalaissésouvrir laporteladernièrefois,quandvousl’avezmenacé.Cen’étaitpasla

peinedeluiinfligerça!ai-jecraché,furieuse.—Jetefaisaisentrer,passortir,arectifiéMason.Tuauraisdûvoirsaréaction,surlavidéode

surveillance,quandils’estrenducomptequetun’étaispluslà.OnauraitditSuperman.Jenemelassejamaisderegardercettescène!Allez,grouille-toi.Notreformuleestprête,etjeveuxlatestercesoir.

JemesuispenchéepourdéposerunbaisersurlajouedeConnor,ignorants’ilallaitlesentirounon.

—Jesuisdésolée,ai-jemurmuré,maisjesuissûrequetucomprendsmesmotivations.JesuissortiedelacageetMasonautilisésatélécommandepourlarefermer.J’aiinstantanément

regrettémadécision.Qu’étais-jeentraindefaire?LesérumdeMasonallaitpeut-êtremetuer!Mason a claqué des doigts, et Ethan s’est approché en ouvrant sa mallette, qui contenait deux

grosses seringues remplies d’un liquide doré. On se serait cru dans un film de série Z. Mason,prenant son rôle de méchant très au sérieux, effectuait chacun de ses gestes avec une précisionétudiée.

Lesseringuesétaienténormes.—Tunet’espastrompédansledosage?ai-jedemandé.—Bonnequestion.Jeluiailancéunregardfurieux.—Jesuisbienpluscompétentquetunel’imagines,a-t-ilcontinué,agacé.—Commentsais-tuquetonsérumestprêtàêtreutilisésurdeshumains?—Enplusdesfurets,nousl’avonstestésurdeuxautresespèces,avecunsuccèsmodéré.Comme

jetel’aidéjàdit,jesoupçonnequ’ilfautêtreconscientpourréussirsatransformation.Etmonpèreestlàpourgérertoutecomplicationd’ordremédical.

J’aijetéuncoupd’œilauPrKeane,quisouriait,déjàtriomphant.Danslacage,Connoressayaitdeselever.D’ungestemaladroit,ils’estagrippéauxbarreaux.—Que…qu’est-cequevousfaites?Ilasecouélatêtepours’éclaircirlesidées.—Ellenet’ariendit?ainterrogéMason.Quellecachottière!…Enéchangedesonretourdans

votrepetitecage,elleaacceptéd’êtremoncobaye.

Connoraécarquillélesyeux,incrédule.—Ehoui,monvieux,a ironiséMason.Jesais,c’estdurà imaginer,maisnousautreshumains

sommesprêtsàtoutpourpossédervotredon.Avecdesgestesmélodramatiques,Masonasortiuneseringuedelamallette.—Jeteproposedeprocéderàl’injectiondanslacuisseoulahanche,çaseramoinsdouloureux.Lagorgesècheetlesmainsmoites,j’aihochélementon.—Nefaispasça,Brittany.J’airegardéConnor,quiavaitvisiblementreprissesesprits.J’aihésité.—Jeseraienfincapabledemetransformer,etonpourraêtreensemble…Ilasecouélatêteetm’aimploréeduregard.—Nel’autorisepasàtetransformerenunecréaturequejenepourraijamaisaimer.J’aijetéuncoupd’œilàlaseringue.JedésiraistantcequeMasonmeproposait!—Situm’aimes,nelefaispas,ainsistéConnor.J’ai fermé les paupières. C’était si injuste. Quand je les ai rouvertes, j’ai constaté queMason

perdait patience. Soudain,mon univers a basculé. Je pouvais enfin devenir ce que j’avais toujoursrêvéd’être,maisseulementsij’abandonnaiscequej’avaistoujoursrêvédeposséder!

J’ai reculé jusqu’à ceque jemecogneà la cage.Connorm’aprisedans sesbras à travers lesbarreaux.

—J’aichangéd’avis,ai-jelancéàMason.—Dommage.Wilson,tiens-la.Wilsons’estavancéversmoi.—Toucheunseuldesescheveux,etjetemassacre,l’amenacéConnor.Letondesavoixafaits’arrêterWilson.—Mason,çanesertàriendemeforcer,ai-jeexpliquécalmement,malgrémoncœurquicognait

àtoutrompre.Sijen’aipasenviedemetransformer,tonexpériencevacapoter.—Ethan!aaboyéMason.—Pasquestion,arétorquéEthanenfaisantunpasenarrière.Jecroyaisqu’onfaisaitçapourla

science,j’aijamaiseul’intentiondemetransformer.—Saletrouillard!aricanéMason.Detoutefaçon,jepréfèrepasserenpremier.Deshurlementsàlamortontretentitoutautourdenous.Masonm’adévisagée.— On dirait que tu ne m’as pas tout dit, Brittany. J’aurais dû m’en douter. Les loups-garous

règnentsurlesbois,n’est-cepas?Bah,peuimporte!C’estl’occasionrêvéedetestermonaptitudeaucombat.

— Wilson, Johnson, empêchez-les d’entrer, a ordonné le Pr Keane. Toi, fiston, tu devraisréfléchirauxconséquencesdetonacte.

—J’yaidéjàréfléchi,papa.Depuisquejeconnaisleurexistence,àvraidire.Masona relevé sachemiseet aplanté l’aiguilledans sahancheavantd’enfoncer lepiston. J’ai

regardéleliquidedorédisparaître.Puisilajetélaseringueausol.—Etmaintenant,jefaisquoi?Jepenseloup!s’est-ilexclamé.—Oui,c’estça,penseloup,s’estmoquéConnor.Masonaenlevésachemise.Ils’apprêtaitàôterseschaussuresquandilasoudainpousséuncri

aiguets’esteffondréàterre.—Bordel,çafaitunmaldechien!

—Oh,Devlinaurait-iloubliédementionnercepetitdétaillorsqu’ilt’aparlédenous?ademandéConnor.Onsouffrelemartyrequandonsubitnotrepremièretransformation.Laisse-moisortiretjeviendrait’aider.

Masons’estmisàquatrepattesetalancéunregardfurieuxàConnor.—Jen’aipasbesoindetonaide!Enunsens,j’avaispitiédelui.—Maistun’asaucuneidéedecequivat’arriver,luiaditConnor,tenducommeunarc.Etc’estalorsqueMasonaentamésatransformation.Unetransformationmonstrueuse.Toutenlui

étaitdifforme,nitoutàfaitloup,nitoutàfaithumain.Ilétaitdevenuunhommeauxpattestorduesetauvisagegrotesquerecouvertdefourrure.

EthanetTylersesontprécipitésverslaporte.LePrKeane,aprèsavoirlâchéquelquesjurons,aouvertsonsacd’oùilasortiuneseringue.—Jevaist’anesthésier.—Surtoutpas!ahurléMasond’unevoixquin’avaitplusriend’humain.Ilavaitleregardsauvage,maisrienàvoiravecceluid’unvrailoup.Paniquée, j’ai cherché quelque chose pour libérer Connor. La télécommande ! Concentrée sur

Mason, jene l’avaismêmepasvu la faire tomberpar terre. Je l’ai ramassée et l’ai tenduevers lacage.Connor,déjàtransforméenloup,apousséunrugissementàl’adressedeMason.Maiscepauvrebougre,incapabledecontrôlersespattesbiscornues,nereprésentaitpasunegrandemenace.

—Ilvamourir,ai-jecriéauPrKeane.—Non,jevaism’occuperdelui.J’aiobservélemalheureuxquisetordaitd’agonieparterre.—Vousdevriezfaireévacuervotrelaboratoire,ai-jeditenplongeantlamaindanslapochedela

chemisedeMasonetenensortantunecléélectronique.Jel’aipasséedanslelecteur,etConnoretmoiavonsfiléverslaliberté.Dans le bâtiment, c’était le chaos.Desgens tentaient de fuir, poursuivis par desLycansqui, en

réalité,voulaientseulementlespousserverslessorties.LesGardiensavaientdûdéciderdenefaireaucun dommage collatéral sauf en cas d’extrême nécessité. Pas étonnant : même transformés, lesLycansconservaienteneuxunepartd’humanité.

Escortée par Connor qui restait à mes côtés pour assurer ma sécurité, j’ai suivi un panneauindiquantladirectiondulaboratoire.Celui-ciétaitvide,àl’exceptiondedeuxsinges.OùétaientlesautresanimauxsurlesquelsBio-Chromeavaittestélesérum?Lesavaient-ilsrelâchésdanslaforêt?Étaient-ilsmorts?

J’ailibérélessingesdeleurcageetlesaiconduitsdanslecouloiroùleurinstinctdesurvieaprislerelais.J’aijetéuncoupd’œilderrièremoi:Connorbondissaitdepaillasseenpaillasseetdétruisaittoutlematérielscientifique.Jesuisretournéel’aider.MêmesilesLycansavaientdécidéderaserplustard le laboratoire, il était plus prudent de tout saccager avant qu’un scientifique zélé ne viennerécupérerquoiquecesoit.

Unefoisnotretâcheaccomplie,Connoretmoisommessortis.Ilyavaitàprésentplusdeloupsque d’humains dans les locaux.De temps à autre, un loup s’arrêtait pourme regarder, sans doutesurprisdemevoirtoujourssousmaformehumaine.

Puisj’aivuunloupaupelagerouxfamiliers’arrêterdevantmoi,leregardemplidetristesse.Mamère.Jel’aicaresséeenpassantprèsd’elle.

Connor, d’un coup de museau, m’a dirigée vers la sortie. Si j’ignorais ce que les Lycanspréparaientexactement, lui le savaitgrâceà la télépathie.Ceque je savais, en revanche,c’estqu’il

voulait participer à la bagarre,mais que j’étais un obstacle.Malgré toutemabonnevolonté, je neseraisjamaislacompagneidéalepourlui.Jeletireraistoujoursenarrière.

Dehors,prèsdesarbres,lesloupssesontdispersésavecleurscompagnespourseretransformerenhumainsetserhabiller.J’aibaissélesyeuxversConnor.

—J’aioubliétesvêtements.Ilm’aléchélamainets’estassis.Jemesuisinstalléeàcôtédelui,lesbrasautourdesoncorps,le

visageenfouidanssonpelage.—Vousallezbien,touslesdeux?ademandéunevoixgravederrièremoi.C’étaitLucas,accompagnédeKayla.Jemesuisforcéeàsourire.—Oui.C’estquoi,leplan?—Onafaitsortirtousleshumainsdubâtiment.Deuxgrosdursontessayédeserebeller,cesont

les seules victimes. Les autres avaient l’air content de partir. On vient d’envoyer des gars pourplastiquerlabaraque.

—Maiscertainsdeshumainsontpeut-êtreconservédespreuvesdenotreexistence ! IlyaunevidéoquimontreConnorentraindesetransformer,ai-jeexpliquéàLucas.

—Oui,onestaucourant,Connornousl’adit.Maisjecroisqu’onaréussiàemportertouteslespreuves.

J’aihochélatête.—D’accord.Sinon,cematin,quandilacommuniquéavecvouspartélépathie,jesupposequ’il

vousatoutracontéàmonsujet?—Illedevait.Lameutepasseavanttout.J’airesserrémesdoigtsdanslafourruredeConnor.—Jesais.Aufait,j’imaginequelesgensvontparler…—C’estsûr,maisquilescroira?—J’espèrequetuasraison.—Sinon,tantpis,ilfaudras’enaccommoder.Onafaittoutcequ’onapucesoir.Connor,j’aides

vêtementsderechangesituveuxreprendretaformehumaine.Connors’estallongé,latêtesurmacuisse.Jel’aicaresséetmesuispenchéepourluiembrasser

lemuseau.—Toutirabien,Connor.—Oui,jevaisresteravecelle,luiaassuréKayla.Ilalevélesyeuxversmoi.—Promis,toutvabien,ai-jeinsisté.Ilm’aléchélementon.J’airi.—Allez,vat’habiller.Jepréfèrelesvraisbisous.IlestpartiavecLucas,etKaylas’estassiseprèsdemoi,sonbrasautourdemesépaules.—Jesuisdésolée.Çam’abrisélecœurd’apprendrequetun’étaispasuneLycan.Tun’asjamais

ménagéteseffortspouratteindretonbut.J’aihaussélesépaules.—Oui, j’en avais vraiment envie, tu sais. J’étais même prête àme faire injecter le sérum de

Mason.Heureusement,j’aiviteretrouvélaraison.—Connorm’aditqueMasonétaitmort.—Disonsqu’ilestpeuprobablequ’ilaitsurvécuàsatransformation.C’étaithorrible.Iln’étaitni

humainniloup.Ilétaitcommecoincéentrelesdeux.—Enrevanche,onn’apasretrouvésoncorps,asouffléKayla.

—Sonpèreadûl’emmener.Ilajurédelesauver.—Jen’aipasvulePrKeanenonplus.—Ilyavaitdumondelà-dedans,c’étaitl’enfer.Tulesaspeut-êtreratés.—Sansdoute.—QuandConnorreviendra,onluidemanderas’ilveutbienpartiràleurrecherche.Ilpeutsentir

Masonàdeskilomètres.—Onpeutlechercher,Lucasetmoi.D’ailleursondevraityaller,histoired’enavoirlecœurnet.Noussommesrestéessilencieusesplusieursminutes.J’avaislesyeuxrivéssurlebâtimentpour

éviterleregarddesautres.Jenevoulaispasyliredelapitiéoududégoût.—Monbébé?J’aitournélatête.—Maman…—Oui,jesais,tun’esplusuneenfant,a-t-elleditens’agenouillantàcôtédemoi,maisturesteras

toujoursmonbébé.Jesuisdésoléedet’avoirdissimulélavérité.—C’estbon,maman.Je ne sais plus qui a étreint qui,mais nous nous sommes enlacées si fort que j’ai eu dumal à

respirer.Etjepleurais.Mamèreaussi.Etplusellepleurait,plusellemeserrait.Enfin,jemesuisécartéed’ellepourreprendremonsouffle.—Jesuisunevraiegonzesse,cesdernierstemps!Mamèreasourietacoincéunemèchedemescheveuxderrièremonoreille.—Tuastoujoursvoulujouerlesduresàcuire.—Etsinon…ilétaitcomment,monpère?—Bon,jevaisvouslaisser,aditKayla.Mamèreafaitungestedelamain.—Oh,tupeuxrester.Ettoiaussi,Lindsey.Paslapeinedetecacher.—Tul’assentie!mesuis-jeexclamée.—Bienentendu,arépliquémamèrecommesiçaallaitdesoiavantdeserendrecomptequeje

n’auraisjamaiscettefaculté.Oh,Brittany,jesuis…—C’estbon,maman.Tunepeuxpas renier tesgèneset,demoncôté, il fautque j’acceptema

véritableidentité.—Jenevoulaispasvousdéranger,amurmuréLindseyens’agenouillantenfacedemoi.Jel’aiserréefortdansmesbras,etj’aipleuréànouveau.—Mercid’avoirgardémonsecret.—C’estnormal.Celadit, jepréféreraisquepersonnenesacheque jesuisaucourantdepuis le

début.—D’accord,ai-jerépondu.Eneffet,Lindseyavaitcommisunegraveerreurenprivilégiantnotreamitiéaudétrimentde la

meute.Cedontjeluiseraisreconnaissanteàjamais.Jemesuistournéeversmamère.—Alors,monpère?Elleaposélamainsursoncœur.—Jenesaispasparoùcommencer.C’étaitjusteaprèsmapremièrepleinelune.AvecMichael,on

avait compris que ça nemarcherait jamais entre nous, alors nous nous sommes séparés. J’étais sidépriméequejesuispartieenEurope,oùj’airencontréAntonio,unEspagnol.Untrèsbelhomme,avecunaccentdivinetdesyeuxmagnifiques.Lesmêmesquelestiens.Etilétaitsiromantique…

Ellem’adonnéunpetitcoupd’épaule.—Ons’estrencontrésenBretagne,c’estpourçaquetu t’appellesBrittany.Onafait le tourde

l’Europeensemble.Onm’avaittoujoursditquerencontrersoncompagnon,c’étaitcommerecevoiruncoupdepieddansleventre.Pastrèsromantique!

J’aisouri.J’avaisfaitlamêmeréflexionàConnor.—Maisquandontombeamoureux,acontinuémamèred’unairrêveur,c’estmerveilleux.Cela

survient petit à petit. Le garçon dit ou fait quelque chose, et notre cœur fait un bond dans notrepoitrine.

J’airepenséàConnor,etàtouteslesfoisoùilm’avaitfaitrireousourire.—Maisilt’aquittéeàcausedetavéritablenature.Mamèreasecouélatête.—Non,jeneluiaijamaisditquej’étaisuneLycan.Jen’enavaispaslecourage.Commejelacomprenais…—J’aimaisvraimentAntonio,etjel’aimeencore.C’étaitmonâmesœur,maisiln’auraitjamais

étécapabled’acceptermacondition.Etpuisj’aidécouvertquej’étaisenceinte…Jevoulaist’éleverparmilesmiens,alorsjesuisrentrée.JesaisquetuastoujoursétédéçuequejenefassepaspartiedesGardiensdel’Ombre,maisj’aid’abordétéunemèreavantd’êtrequoiquecesoitd’autre.Jeneleregrettepas,etj’aimeraisquetuneleregrettespasnonplus.

—Jeneleregrettepas.Etj’auraispucomprendresitum’avaistoutexpliqué.—Peut-être pas. C’étaitma faute, pas la tienne. Et puis, depuis quand avoue-t-on à son enfant

avoirétéunerebelledanssajeunesse?Çapourraitluidonnerdesidées.J’aisouri.Elleavaittoujourssumeredonnerlesourire.—Jet’aime,maman.Ellem’aadresséunclind’œil,m’apressélesdoigtsets’estcontentéedehocherlatête,sansdoute

pouréviterunnouveautorrentdelarmes.Sansmême levoirou le sentir, j’ai suqueConnor était derrièremoi. Jeme suis retournée, le

sourireauxlèvres.Ils’estassisàcôtédemoietapassésesbrasautourdemataille.—Bonjour,madameReed,a-t-illancéàmamère.—Bonjour,Connor,a-t-elleréponduavantdemetapoterlebras.Bon,jevaisrejoindredesgens

demon âge.Au fait, je suis en voiture.Viensme retrouver si tu veuxque je te raccompagne à lamaison.

C’étaitsansdoutelaseuleLycanàêtrevenueenvoiture,maisc’étaitaussilaseuleLycanàavoirunefillehumaine.

—D’accord,ai-jeacquiescé.Jen’avaispasdeprojets.LesSagesallaientprobablementmemettreenétatd’arrestation.—Iln’yapluspersonnedanslebâtiment,acriéLucas.Quetoutlemonderesteenretrait,nous

allonsprocéderàsadémolition.Il a couruvers nous,maisKayla avait déjà filé à sa rencontre.Quant àLindsey, elle est partie

rejoindreRafe.Connoretmoinoussommeslevéspourmieuxapprécierlespectacle.Une série d’explosions a retenti, puis le bâtiment s’est écroulé en une pile de débris fumants.

Aprèstoutcequenousavionsvécu,cettefinétaitunpeu…décevante.Unefoislesderniersnuagesdepoussièredissipés,Lucass’estapprochédenous.—JevaisenvoyerdesGardiensàlarecherchedeMasonetduPrKeane.Jenemefaispasdebile

pourleurssous-fifres,maiseuxnedoiventpasnouséchapper.OnpourralesrapatrieràWolfordetlesemprisonnerjusqu’àcequelesSagesdécidentdeleursort.

—J’arrivedansuneminute,aréponduConnor.J’aiunderniertrucàfaireavant.Lucas a hoché la tête, comme s’il en connaissait la raison. Et il me semblait bien que je la

connaissaisaussi.MessoupçonsontétéconfirméslorsqueConnors’esttournéversmoi.—Ilfautqu’onparle,a-t-illâché.J’aihochélatête.Oui,illefallait.Il m’a pris la main et m’a conduite à l’écart des autres. Nous avons marché en silence.

Àl’horizon,laluneachevaitsondernierquartier.LesLycansn’avaientpasattendulanouvellelunepour agir ; je suppose que notre captivité avait précipité les choses. Mais au final, tout avaitparfaitementfonctionné.

Toutefois,jen’étaispascertainequeBio-Chromeaittirésarévérence.Cependant,sansMasonetlePrKeane,ilétaitpeuprobablequelelaboratoirereprennesesactivités.J’espéraisqueleurssbiress’étaientréellementengagésàleurscôtéspourlebiendel’humanité,malgréleursméthodesplusquedouteuses.

Àl’oréed’uneclairière,Connors’estarrêtéetm’aregardée.—TuvoulaisréellementservirdecobayeàMason?— Il ne voulait pasme laisser retourner dans la cage, alors on a conclu unmarché : s’ilm’y

autorisait,ilpourraitpratiquerlapremièreinjectionsurmoi.—Maispourquoi?—Parcequejevoulaisêtreavectoietcommetoi:unemagnifiqueLycan.—Tuesdéjàmagnifique.Sesmotsm’onttouchée,maisj’avaisencored’autresexplicationsàluifournir.—Tun’imaginespasàquelpointjedésiraisêtreuneLycan.C’estdurdedireadieuàsesrêves…

Desavoirquejeneseraijamais…J’aicaressésabarbenaissante.—Tusaisqu’entrenousçanefonctionnerapassijesuisincapabledemetransformer.—Jenedispasquenousn’auronsjamaisaucunedifficulté,maisonpeutlessurmonter.Etpuis,

c’estpassigénialqueçadesetransformer!Unsourireauxlèvres,j’aiblottimonvisagecontresontorse,etilapassésesbrasautourdemoi.

Étais-jefolledecroirequeçapourraitmarcherentrenous?Connorm’aprislementonetarelevémonvisageverslesien.—Jet’aidemandédenepasaccepterl’injectionsitum’aimais.Puisquetuasrefusé,çaveutdire

quetum’aimes?—Jet’aimedepuislongtemps.J’étaisfollederagequandjet’imaginaisavecLindseypendantla

pleinelune…—Ettuseraiscapabledefairetairetessentimentspourmoi?—S’illefaut,oui.Tuméritesd’avoirunevraiecompagne,cequejeneseraijamais.Ilasecouélatêteensouriant.—Jen’aijamaisconnudepersonneplusfortequetoi.Seslèvresontrencontrélesmiennes.Nonparcequ’ilpouvaitvoirdanslenoir,ai-jeespéré,mais

parcequ’ilmeconnaissaitparcœur,grâceàcelienquinousunissait.Oui,j’étaistombéeamoureusede Connor, et il m’avait dit qu’il m’aimait. Alors, pourquoi avais-je si peu confiance en sessentiments?Etsiunjouriltrouvaitsavéritablecompagne?Commentréagirait-il,sachantqu’ilétaitcoincéavecmoi?

Ilm’aécartée.

—Tusenscetteodeur?—TuveuxparlerdeTess?Jeporteencoreseshabits…—Non,a-t-ilfaiteninspirantprofondément.C’estMas…Ungrognementadéchirél’air,puisquelquechosenousaprojetésàterre.Mason ! Il avait le corps d’un loup couvert de poils, mais son visage présentait encore des

caractéristiqueshumaines.Il a planté ses griffes dansmon bras. J’ai hurlé, donné des coups de pied, et j’ai réussi àme

libérer.Connorretiraitsesvêtementsàlahâte;j’aicherchéunearmedesyeux.JamaisjenepourraisbattreMasonàmainsnues.

Masonabondisurmondosetm’adenouveaufaittomber.Maisilavaitmalcalculésoncoup,carj’aiatterrisouslui,horsdeportéedesesmâchoires.Dansungrognement,ilatentédeseredresser.

Toutjustecequ’ilmefallaitpourquejepuissemedégager.J’ai entenduunnouveau rugissement, cette fois-ciplusmenaçant,mieuxcontrôlé.Connor s’est

jetésurMason,tousdeuxférocesdansleurragedevaincre.MaisMasonavaitcettefoliequirendaitl’issueducombatincertaine.

J’aitrouvéunebrancheparterre,solidequoiqueunpeutroplongue.Jel’aicasséeendeuxetj’aigardél’extrémitépointue.Exactementcedontj’avaisbesoin.

J’aicouruversConnoretMason,toujoursauxprisesdansuncombatsansmerci.ConnorétaitsurMason,maislesbrasdecedernierl’empêchaientd’atteindresajugulaire.

J’aiprojetémajambe,etj’aibloquéConnor.Cefaisant,j’aimisungenouàterreavantdeplantermonarmedanslecœurdeMason.

16Masonareprissaformehumainedurantsonagonie.Ilavaitl’airsiinnocent,si…mignon.Iln’y

avaitnisévérité,nicynisme,nifoliedanssonregard.Avantdesemétamorphoserdenouveau,Connorapousséunhurlement,nondetriomphe,maisun

appelauxautresLycans.Qu’ilnetireaucunesatisfactiondelamortdeMasonrenforçaitmonamourpourlui.

Kayla est arrivée avec une couverture trouvée je ne sais où qu’elle a étendue sur le corps deMason.Agenouilléeprèsdelui,ellearepoussésescheveuxenarrièred’ungestedélicat.

—Puisses-tutrouverlapaix,Mason.Kaylaetluiavaientétéamisplustôtdurantl’été.C’étaitsansdoutesonobsessionpourlesLycans,

plusquepourlesérumenlui-même,quiavaitétélacausedesaperte.Et peut-être n’étais-je pas bien différente de lui. Et si ma frustration de n’être pas une Lycan

détruisaitmonhistoireavecConnor?Àmoinsquejenelequittepourlepréserver…—J’ai trouvé lePrKeane…ouplutôt cequ’il en reste, a lancéRafe tandis queLindsey et lui

rejoignaientnotregroupe.OndiraitqueMasonenafaitsapremièrevictime.PourvuqueMasonn’aitpaseuconsciencequ’iltuaitsonproprepère,quetoutepenséehumaine

l’aitdéjàquitté.—PauvreMason,asoupiréKayla.J’espèrequetoutestpartid’unréeldésird’aiderl’humanité,

carilestvraiquenousavonsundonmiraculeux.—Puis l’appâtdugain lui a tourné la tête, aajoutéLucasen laprenantdans sesbras.Onpeut

l’enterreravecsonpèreàWolford.—Merci,luiaréponduKaylaavecunsourire.Connorm’aserréecontrelui.—Çavaaller?a-t-ilmurmuré.C’estunchocdetuerquelqu’unpourlapremièrefois.—C’étaitluiounous,ai-jerépondu.—Cen’estpasplussimplepourautant.—Jesuisdésoléedet’avoirdonnéuncoupdepied.—Non,tantmieux.Jen’auraispastenupluslongtemps,detoutefaçon.J’aienfouimonvisagedanslecreuxdesonépaule.—Jeveuxrentrerchezmoi.Connoretmoiavonsretrouvémamèreet,touslestrois,nousavonsrejointsavoiture.—Hé,jenesuispasvotrechauffeur,s’estexclaméemamèrequandConnoretmoiavonsvoulu

nousasseoirsurlabanquettearrière.Honneurauxhommes.EllealancélesclésàConnorets’estinstalléeavecmoiàl’arrière.Jelasuspectaissurtoutdene

pasvouloirnouslaisser,Connoretmoi,nouscâlinerdanssondos.Apparemment,elleavaitledroitdefricoteravecunbelhidalgoàl’âgededix-septans,maisilétaithorsdequestionquesafilleenfasseautant!

Unefoisarrivésàlamaison,Connoragarélavoituredansl’allée.Aumomentd’ensortir,moncorpsarefusédem’obéir.J’étaistouteraplapla.

—Brittany?s’estinquiétéemamère.—T’inquiète,çavaaller.Connor s’est approché de moi et m’a tendu la main. J’avais oublié qu’il venait d’une famille

attachéeàlagalanterie.Quelleidéedetomberamoureusedelui!Nousn’avionsdécidémentrienencommun,luietmoi!

Sonbrasdansmondos,ilm’apratiquementportéejusqu’àlaporte.Mamèrel’aouverteavantdetournerlestalonsetdeleverlamaincommeunagentdepolice.

—Cinqminutes!Ellearefermélaporte,nouslaissantseulssousleporchesombre.Lalumières’estallumée.—Elleesttoujourscommeça?m’ademandéConnor.—Jen’ai jamaiseudecopain,maisellevas’yfaire,ai-jebalbutié,puisantdansmesdernières

réversesd’énergiepourarticulerchaquemot.Connorapromenésesdoigtssurmajoue.—Appellesituasbesoindemoi.Ilabaissélatêteetm’aembrasséesidoucementquejel’aiàpeinesenti.Puisilaouvertlaporte

etm’apousséeàl’intérieur.—Disàtamèrequ’ellemedoituntrajetenvoiture.J’airitandisqu’ilrefermaitderrièremoi.Jesuisrestéeplantéelàunpetitmoment,l’imaginanten

trainderentrerchezlui,àdeuxpasd’ici.Àl’époquedulycée,ilm’étaitsouventarrivédefaireunpetitdétourpourpasserdevantsamaison,histoiredel’apercevoir…

J’auraispuresterlàtoutelanuitsimamèren’étaitpasrevenuemechercher.—Viens,jet’aifaitcoulerunbain.—EttubrûleraslesfringuesdeTess?luiai-jedemandéenlasuivant.Jeneveuxplusjamaisles

voir.—C’estcommesic’étaitfait.Enmedéshabillant,j’airemarquéquelquesnouvellescontusions,maisaucunequimelaisseraitde

cicatrice,contrairementauxgriffuresqueMasonavaitinfligéesàmonbras.Jeme suis plongée dans l’eau chaude. Le pied ! Je n’avais pas goûté à quelque chose d’aussi

agréable depuis très longtemps. Excepté Connor, bien sûr, qui réussissait l’exploit de me faireapprécieruncâlinsurdubéton.

Onatoquéàlaporte.—Jepeuxentrer?—Oui,maman.Ellem’atenduunverredevinblanc.—Jen’aipasencorel’âgepourça,luiai-jedit.—Parfois,tufaisplusquetonâge,machérie.J’aisirotéunegorgéeduvinsucréetunelégèreléthargies’estemparéedemoncorps.Mamères’estagenouilléeàcôtédelabaignoire.—Allez,détends-toi,jevaistelaverlatête.—Tunem’aspluslavélatêtedepuisquej’aisixans!—Jen’aipasoubliélemoded’emploi,tusais.Ellem’averséde l’eausur lescheveux,arajoutédushampooingetamassémoncuirchevelu.

C’étaituncoupàs’endormir!—Alors,a-t-ellecommencé,Connorettoi,vous…?Oh,quelleapprochesubtile.—Peut-être.J’ensaisrien.—Jel’aimebien,cegarçon.J’aisouri.—Tuveuxdirequej’aifaitunebonnepiochedupremiercoup?—Çaarrive,parfois.

—Etmonpère,c’étaittonpremiercopain?—Euh…—Tunel’asjamaisrevudepuis?—Si,touteslesnuits,dansmesrêves.—Ettut’ensatisfais?—Oui,mêmesicen’estpassatisfaisantpourtoi.Non,effectivement…Aprèsmonbain,j’aiappliquéunpeudepommadesurmesgriffuresavantdelesrecouvrird’un

bandage.J’aienfiléunshortencotonetundébardeur,puisj’aisouhaitébonnenuitàmamèresurleseuildemachambreenmedemandantdepuiscombiendetempsonnesel’étaitpasdit.Enfin,jemesuisglisséedansmonlit.

J’aitentédemeviderl’esprit,maislesévénementsdesderniersjoursmerevenaientsanscesseenmémoire. Je revoyaisConnor se battre contre le puma, l’expression sur son visage quand il avaitapprislavéritésurmoi,Masonavecsagrosseseringue,leboutdeboisquejeluiavaisplantédanslecœur…J’aiessayédepenserauxbonsmoments:lesbaisersdeConnor,sescâlins,lamanièredontilm’avaitprotégée…

Maislesimageslespluseffrayantesnecessaientderesurgir.Mapoitrines’estcomprimée,etdeslarmesmesontmontéesauxyeux.J’avaisl’impressiond’étouffer.

J’aientendufrapperàmafenêtre.Ilyavaituneombre…Jesuissortiedemonlitetj’aitirélesrideaux.Connorétaitenéquilibresurunebranche.

—Qu’est-cequetufichesici?mesuis-jeécriée.Ilasautédansmachambre.—J’aidormiavectoisisouventquejen’arriveplusàtrouverlesommeiltoutseul.Etjemesuis

ditquetuauraispeut-êtrebesoind’uncâlinavantdefairedodo…J’aisecouélatête,leslarmesauxyeux.—Non,jenevaispaspleurer,jenevaispas…Ilm’asoulevéedeterreetm’aportéejusqu’aulit.—Tuasledroitdepleurer,Brittany.Onaconnudesjournéesd’enfer.Ilm’aallongéepuism’aprisedanssesbras.Meslarmesnes’arrêtaientplus.Monnezs’estmisà

couler,cequim’empêchaitderespirersonodeur.—Tusenstellementbon,luiai-jeditfinalement.—Normal,j’aiprisunedouche.Lameilleuredouchedetouslestemps,soitditenpassant.J’aicaressésescheveux.Ilavaitlespointesencoremouillées,etcertainesmèchesbouclaiententre

mesdoigts.—Jesuiscontentequetoutsoitterminé,ai-jechuchoté.—Moiaussi.Pleureautantquetuveux,çaresteranotresecret.Alorsj’aipleuré,levisagecontresontorse,pendantqu’ilmefrictionnaitledos.J’évacuaistoute

laterreuraccumuléelesjoursprécédents.Jecroisquejepleuraisencorequandjemesuisendormie.Uncoupàlaportedemachambrem’atiréedemonsommeil.—Debout,lesmarmottes,lepetitdéjeunerestservi.«Hein…?»—Ehoui,monbébé,n’oubliepasquej’aiunflaird’enfer!Oui,etjesavaisqu’ellem’avaitappelée«sonbébé»pourmefaireenrager!Quandj’aientendumamèredescendrel’escalier,jemesuisrisquéeàtournerlatête.

—Séjourendemi-pension?Superbonneaffaire!aplaisantéConnorenmesouriant.Jeluiaiattrapélementon.—Merci,pourhiersoir.—Moi aussi je suis passé par là,Brittany.La première fois que j’ai tué, c’était un ours, a-t-il

expliqué avec tristesse. Une créature magnifique, qui avait attaqué des campeurs. Il avait pété lesplombs.

Les humains ne comprennent pas ce que ressentent les Lycans quand ils abattent une bête. Euxaussifontpartiedurègneanimal,etchaquemortlesbouleverse.

—Est-cequ’ons’yhabitueunjour?—Non,ettantmieux,enunsens.Sijem’habituaisàôterlavie,jeneseraispastrèsdifférentdes

gensqu’oncombat,adéclaréConnor.Jeluiaicaressélajoue.J’aifailliluiredirequejel’aimais,maisjemedemandaissirépéter–et

doncconfirmer–messentimentsn’allaitpasrendrenotreséparationplusdifficileencore.Alors,j’aipréférél’embrasser.

—J’espèrequevousvousêtescontentésdedormir,alancémamèrequandnousl’avonsrejointedanslacuisine.

—Maman!—Promis,l’arassuréeConnor.Ellenousapassélesbiscuitsenhochantlatête.Depuisquandmamèren’avait-ellepaspréparéle

petitdéjeuner?D’habitude,nousmangionschacunedenotrecôté.—C’étaitpaslapeinedetedonnertoutcemal,maman.—Jecuisinetoujoursquandnousavonsdelavisite.Maisnet’attendspasàunnouveaumiracle

demainmatin.—Vospancakessontdélicieux,madameReed!s’estexclaméConnor.«Lèche-bottes!»ai-jearticulésilencieusement.Ilm’adécochéunclind’œil.—Merci,Connor.Alors,quellessonttesintentionsvis-à-visdemafille?—Maman!Onn’estplusdanslesannées1950!Çasefaitplus,dedemanderça.—Ehbien,peut-êtrequ’ondevrait.Connor a éclaté de rire. Il avait l’air de bien s’amuser, un peu trop à mon goût. Soudain, la

sonnettearetenti.—J’yvais,aditmamèreenjetantsaserviettesursachaise.—Jesuisvraimentdésolée,ai-jemarmonnéenroulantlesyeux.—Pasdeproblème!s’estesclafféConnoravantdefairetintersafourchettecontresonassiette.

Aufait,quellesintentionsvoudrais-tuquej’aieenverstoi?Mamèreestrevenuedanslacuisine,trèspâle,uneenveloppenoireàlamain.—Maman,est-cequeçava?Elleasursauté.—Tiens,c’estpourtoi.Je lui ai pris l’enveloppe desmains, surprise.Mon nom y était inscrit à l’encre dorée. Je l’ai

retournée.Enréalité,cen’étaitpasuneenveloppe,maisunefeuilledepapierpliéeetferméeparunsceaureprésentantunloup.Jel’aidécachetéeetl’aiparcourue.Lesoufflecoupé,j’aicruquej’allaisavoirunmalaise.

—Brittany?Çava?ademandéConnorenposantsamainsurlamienne.Jel’airegardé,puismamère,puisluiànouveau.

—LesSagesmeconvoquentdemainautribunalpourdéciderdemonsortentantqueGardiennedel’Ombre.

—Ilsauraientaumoinspuluilaisserquelquesjoursderépit!alancéConnor.Connor voulait devenir avocat, comme son père. Pour l’instant, il faisait les cent pas dans son

bureau,quicontenaitplusdelivresquej’enavaisvudetoutemavie.Son père était installé derrière sa table de travail, l’air très distingué. Connor souhaitait-il lui

ressemblerplustard?…—LesSagesremettentrarementaulendemainlessalesbesognes.—Tupourraisladéfendre,asuggéréConnor.—Lesavocatsnesontpasadmisdansletribunal.—Doncelledoityallerseule?Sonpèreatapotésonbureauavecuncoûteuxstylodoré.—IlyauralesSagesetlesGardiensdel’Ombre,quiexaminerontlespiècesàconvictionavant

deprononcerleurverdict.Assisedansunfauteuilprèsdelafenêtre,j’aivuConnormejeteruncoupd’œiletmesourire.—Tun’asrienàcraindre,Brittany,a-t-ilcommencé.LesGardiens…—Connor,l’acoupésonpère,tunepeuxpasarrêtertadécisionentefondantuniquementsurtes

émotions.Ilfautconsidérertouslesfaitsetrendrelemeilleurjugementpossiblepourlebiendelameute.D’ailleurs…

Ilabrandiuneenveloppenoiresimilaireàcellequej’avaisreçue.—Tunedois avoir aucun contact avecBrittany jusqu’à l’audience.Si tu avais été à lamaison

quandonadéposécettelettrecematin,tuauraisdéjàdûprendretesdispositions.Connoracroisélesbras,évitantsoigneusementmonregard.—Jenesuispascensésavoircequecontientcettelettretantquejenel’aipasouverte.—Faistrèsattention,mongarçon.SitutienstêteauxSages,ilstebannirontdutribunalettuseras

toi-mêmeconvoqué. Ils n’apprécient guère l’insubordination.Vous, lesGardiensde l’Ombre, avezbeaunousprotéger,cesontlesSagesquiontlederniermot.

Lesjambesencoton,jemesuislevéeetmesuisapprochéedesonpère.—Puis-jel’avoir?ai-jeditenpointantl’enveloppedudoigt.Ilahausséunsourcil,maismel’atendue.Jel’aiensuiteportéeàConnor.—J’aitoujoursvouluêtreuneGardiennedel’Ombre,alors,toi,negâchepastachance.Jeveux

quetusoislàdemain.Visiblement,mesparolesl’ontchoqué.J’aipoursuivi:—Jepourraim’en sortir si tu es là.Taprésencemedonnedes ailes,Connor.Et si jamais les

SagesjugentquejenepeuxpasêtreuneGardiennedel’Ombre–etpourêtretoutàfaithonnête,jenelecroispasmoi-même–,jesurvivrai.Alorsréfléchismûrementàtonvote.Tonpèrearaison:tessentimentsnedoiventpast’influencer.Lameutepasseavanttout.

J’aicoincél’enveloppeentresesbrascroisés.Iln’apassoufflémotlorsquejesuissortiedelapièce.Maisjesavaisqu’ilseraitautribunalle

lendemain,pouraccomplirsondevoirdeGardiendel’Ombre…pourdéciderdemonsort.

17J’avaismisunpantalon,unechemiseetunevestenoirs.Unevraietenued’enterrement!Pourvu

quecenesoitpaslemien…Ma mère souhaitait m’accompagner, mais je devais affronter cette épreuve seule. Toutes mes

actions (me fairepasserpouruneLycan,m’aventurerdans la salledes trésors, ainsique tousmesautresmensonges), je le savais,n’étaientpas sansconséquences.Sansparlerde tout ceque j’avaisrévéléàMason.Sijamaisquelqu’unvenaitàledécouvrir…

Personnen’étaitaucourantdemonentretiendanslasallenoiretblancaudécorsisymbolique…Connor ignorait tout ce que j’avais dit à Mason. Toutefois, j’étais prête à assumer ma punition.D’ailleurs, si j’en avais la possibilité, je referais exactement la même chose. En particulier, monmarchépasséavecMason,car,poursauverConnor,j’auraisdonnémavie.

J’ai pris la voiture demamère pour aller àWolford. Elle etmoi irions en acheter une autrel’après-midi, quelle que soit l’issue du jugement. À présent qu’on avait confirmation que je nepourraisjamaismedéplaceràquatrepattes,ilmefallaitunvéhicule.

Dansl’immédiat,j’attendaisd’êtreappeléedanslasalleduconseil.J’aifaitlescentpasdevantlaporte,enm’efforçantdenepaspenseràcequiallaitsepasserdel’autrecôté.J’avaispréparéunpetitdiscours, mais j’allais sûrement m’étouffer avant de pouvoir le réciter. Si seulement on m’avaitimposéuneépreuvephysique!

Laportes’estouvertedansunfracassemblableàunedétonation.Lucas est apparu, le visage défait. Pourmes amis aussi, cette situation était difficile. Pourquoi

n’avais-je pas affronté la réalité juste après la pleine lune ? Pourquoi avoir voulu à tout prixdissimulerlavérité?Jesavaispourtantqu’ellefiniraitparéclater.

—Ont’attend,a-t-ildéclaré,solennel.Jel’aisuividanslasalleetmesuisplantéeàl’endroitindiqué.LestroisSagesétaientassisenface

demoi,vêtusderobesnoirescommelesjuges,devantunetablerecouverted’uneétoffesombreoùse trouvait un livre que je reconnaissais bien : celui qui abritait les textes sacrés. Le décor étaitdressé;laséancepromettaitd’êtreformelle.Unjour,j’avaisentendudirequ’onjetaitlescoupablesenpâtureauxvraisloups.PourvuquelesSagesnetiennentpastropàcerituel!

Ilyavaitégalementungrandécranplatderrièreeux,cequin’auguraitriendebon.DeuxautrestablesformaientunU.IlyavaitsixGardiensàl’une,cinqàl’autre.Lachaiseàcôté

deConnorétaitvide.Jen’avaisjamaisautantdésirém’asseoirprèsdelui.Ilavaitcoiffésescheveuxenarrièreets’étaitrasé.CommelesautresGardiens,ilétaittoutdenoirvêtu.Malgrésonélégance,sonlookdébraillémemanquait.

LeSageWildeaabattusonmarteaucontreunsocleenbois,cequim’afaitsursauter.Jenemesouvienspasd’avoirjamaisétéaussinerveuse,pasmêmefaceàMason.Quandjel’avaiscombattu,seulemavieavaitétéendanger.Aujourd’hui,enrevanche,jerisquaisdeperdretoutcequim’étaitprécieux,toutesmesraisonsdevivre.

—Laséancepeutcommencer,aordonnéleSaged’unevoixgravequiarésonnécontrelesmurs.Gardienne Reed, vous êtes ici pour répondre des actes qui remettent en question votre statut deGardiennedel’Ombre,protectricedenotreespèce.S’ilvousplaît,avancez-vous.

Jemesuisexécutée.LeSageapoussélelivreversmoi.—Jurez-voussurnostextessacrésdedirelavérité,toutelavérité,rienquelavérité?J’ai posé la main sur la couverture du livre, un geste familier, qui m’a paru cette fois très

intimidant.—Jelejure.

—Reculez-vous.J’aidenouveausuivisesordres.Cen’étaitpaslemomentd’opposerunequelconquerésistance,

mêmesijetrouvaistoutcetralalaunpeuexagéré.—Étiez-vous censée vous transformer lors de la dernière pleine lune ?m’a demandé le Sage

Wilde.—Oui.—Yêtes-vousalléeseule?—Oui.—Vousêtes-voustransformée?J’ailancéunregardàConnor,quim’aadresséunhochementdetêteàpeineperceptible.Dequoi

meredonnerunpeudecourage.—Non.—Avez-vousditauxLycansquevousvousétieztransformée?J’aifroncélessourcils.—Jenecroispasl’avoirditexplicitement,maisj’aipul’insinuer,oui.—Êtes-vousuneLycan,GardienneReed?Par respect pour ma mère et le choix qu’elle avait fait, j’ai relevé le menton aussi haut que

possible.—Non,jesuishumaine.Cool,mavoixn’avaitpastremblé.—Savez-vousqueseulslesLycanssontautorisésàdevenirGardiensdel’Ombre?—Oui.—Nepensez-vouspasquevousauriezdûavertirlesSagesdece…problème?—J’avaishonte.—Avez-vouspénétrédanslasalledestrésorssanspermissionafindeconsulterletextesacré?—Oui.—Avez-vousétécapturéeparBio-Chrome?Exactement le sujet que je souhaitais éviter. J’ai lancé un coup d’œil à l’écran plat avant de

reportermonattentionsurleSage.—Oui.Ilahochélatête,etleSageMitchells’esttournépourallumerl’écran.Surlefilm,onnousvoyait,

Connoretmoi,justeaprèsl’attaquedupuma.JevociféraiscontreMasonaveclatêtedeConnorsurmesgenoux.

MonDieu, jeme payais une de ces tronches ! J’avais les cheveux emmêlés, le regard fou, levisagesale.CommentConnoravait-ilpumetenirdanssesbras?

Onm’aentenduepasserunaccordavecMason,alorsqueConnorgisait,pâleetimmobile.Puislavidéoestpasséeàlascènesuivante.J’étaisproprecommeunsouneuf,danslasallenoiret

blanc.Unevraietraîtresse.Plantéeaumilieudelasalleduconseil,j’aiessayédenepastressaillirpendantquejemevoyais

répondre aux questions de Mason d’une voix morne. Même mes yeux paraissaient vides. Devoirendurercettescèneunenouvellefoisétaitcruel.

Lavidéoacontinuédedéfilerjusqu’aupiremomentdelaséquence:«S’ilteplaît,Mason,laisse-moiyretourner.Jet’aidittoutcequejesavais.—Tout,tout?—Oui.

—Etsionpassaitunmarché?»Etmoiquicroyaisavoirréussiàparaîtredétendue,alorsquelapaniquemesubmergeait!Jeme

voyaisentrainderéfléchiràuneparadeetmeredressersurcestupidecanapéblanc.«Ilvabienfalloirquetutestestonsérumsurunêtrehumain,non?—Tuteportesvolontaire?—Oui.—Soyonsbienclairs : si je te laisse retournerdans lacage, tuaccepterasque je t’injectemon

sérum?—Oui,dumomentquetulafermes,carj’enpeuxplusdet’entendre.—Jeveuxunrapportcompletsurd’éventuelssymptômes.—Tul’auras.»Etj’airevulerictusvictorieuxsedessinersurlevisagedeMason.Jevenaisdeluioffrircequ’il

voulait:uncobayehumain.Dieumerci,l’écrans’estéteint.Findelatorture.Maismaintenant,toutlemondesavaitquemon

mensongeàproposdemanon-transformationn’étaitpaslepiredemescrimes.Jenepouvaispasmerésoudre à regarder Connor ; je n’avais jamais voulu qu’il sache exactement ce qui s’était passéquandilétaitseuldanslacage.J’avaistrahitoutcepourquoilesGardiensdel’Ombresebattaient:laprotectiondeleurespèce.

—Avez-vousquoiquecesoitàdirepourvotredéfense?m’ademandéleSageWilde.J’aiouvertlabouche,maisConnorm’ainterrompue.—J’aimeraisdireunmotsilesSagesmelepermettent.—Nousvousautorisonsàparler,GardienMcCandless.Connors’estlevéetaregardélesSagesaveclesyeuxd’unprédateur.—JeconnaisBrittanydepuislongtemps…Non,jenelaconnaispas,jelavoisdepuislongtemps.

Jelavoiss’entraîner,courir,guiderlescampeursdanslaforêt.Maisjenelaconnaisréellementquedepuis notre captivité à Bio-Chrome. Vous n’avez vu qu’un aperçu infime de notre détention, carBrittanyn’ajamaisbaissélesbras,nes’estjamaisplainteetelleamêmeréussiàmefairerire.

«Elleestcourageuse:Bio-Chromeaintroduitunpumadansnotrecagepournousforcerànoustransformer.Etmalgrésonimpuissance,ellenes’estpascontentéed’attendredanssoncoin.Elleautilisésaforceetuncoupdepiedbiensentipourmedonnerl’avantage.

« Elle est aussi pleine de ressources : quandMason nous a attaqués dans la forêt, je me suistransformé,maisjen’aipasréussiàlevaincre.Ellel’atuéavecunebranchepointue.

«Et enfin, elle est loyale : quandon a refuséde la remettre dans la cage, elle n’apashésité àpasserunpacteaveclediableafinderetournerenprisonpourquejenesoispasseul.Vousvenezdevoirsoninterrogatoire;ellen’arienditàMasonquipourraitl’aiderdanssesrecherches,rienquirelèveréellementdelatrahison.

« Oui, nous pouvons nous transformer en loups, mais nous ne sommes pas des loups. Notreintelligence, notre courage et notre dévouement nous distinguent des animaux. Et je ne connaispersonnequisoitplusattachéqueBrittanyàlaprotectiondesLycans.Qu’ellesoituneGardiennedel’Ombreounon,jefaisd’ellemacompagne.

Ilyaeuquelquescrisétouffés,dontlemien.—Connor,non!Tuignoreslesortqu’onmeréserve.Onvapeut-êtremebannirou…Ilaposésesmagnifiquesyeuxbleussurmoi.—Jemefichedeleurdécision.Tum’asditquetonrêveétaitdedevenirGardiennedel’Ombre.

Lemien,c’estd’êtreavectoi.

J’aisentideslarmesmebrûlerlesyeux.Non,jen’allaispaspleurer,jen’allaispaspleurer,je…—Connor,jen’aipasététoutàfaithonnêteavectoi.Monplusgrandrêven’estpasdedevenir

Gardiennedel’Ombre,c’estd’êtreavectoi.Ilasouri.—J’espéraisqueturessentaislamêmechose…Tuesmacompagne,jetechoisis.Durantunefractiondeseconde,onauraitditqu’ilredoutaitmaréponse.—Jetechoisis,Connor,ai-jefinipardéclarer.Ilyavaittantd’amourdanssesyeux,tantdechaleur,deplaisirqueplusrienn’existaitautourde

moi. Ils pouvaient bien me condamner à l’exil, m’envoyer sur la Lune, peu m’importait. J’étaisheureuse.

—Avez-vousquelquechoseàajouter,GardienMcCandless?ademandéleSageWilde.—Non,monsieur.Connors’estrassis.—Avez-vous quelque chose à dire pour votre défense, Gardienne Reed ? a demandé le Sage

Wilde.— Je n’ai jamais voulumettre personne en danger. Je pensais pouvoir assumermes fonctions

sansêtrecapabledemetransformer.Toutefois,jesavaisaussiqu’endévoilantlavéritéjerisquaisdene plus être acceptée parmi vous. Je ne voulais pas me faire bannir. Cependant, j’accepterai ladécisiondutribunalsansbroncher.

J’ailaissééchapperunsoupir,mêmesij’avaislasensationdenepasenavoirassezdit,denepasm’êtreexpliquéecommeilfallait.

LeSageWildem’aregardéedroitdanslesyeux.— J’aimerais ajouter ceci avant de poursuivre, a-t-il dit. Je pense avoir trouvé la réponse que

vouscherchiezdanslestextessacrés.—Maisvousneconnaissezmêmepasmaquestion!Ilm’aadresséunsourireindulgent.—JenesuispasleSageenchefpourrien.Jenesavaisplusmoi-mêmequelleétaitlaquestionexacte.Tantdechosesétaientarrivéesdepuis,

etàprésent,j’avaislacertitudequejenepourraisjamaismetransformer.—Trèsbien.Quelleestlaréponse?—D’abord,unequestion:êtes-vousprêteàaffronterleverdict?J’aiavalémasaliveavecdifficulté,puisj’aihochélatête.—Oui,monsieur.Ilacroisélesmainssurlelivresacré.—Letexteancienfaitréférenceàunehumainepossédantuncœurdeloup.Ilditquec’estgrâceà

cette femmeque leshumains et lesLycanspourront se réconcilier.Vousdeviendrezpeut-être cettefemme, Brittany Reed, ou peut-être pas. Mais le conseil des Sages ne peut nier que votre cœurappartientauxloups.C’estauxGardiensdel’Ombrededécidersivousêtesapteounonàconservervotre statut. Toutefois, puisque vous êtes son compagnon, Gardien McCandless, il vous seraimpossibledevoter.

Connoracontractésamâchoire,maisjesupposequ’ils’yattendait.—Passonsauvote,adéclaréleSageWilde.Lucass’estlevé.—Apte.

Kayla:—Apte.Rafe:—Apte.Lindsey:—Apte.Bon,riendesurprenantjusque-là.Daniel:—Apte.J’avaisfaitlamoitiéduchemin…PuislescinqautresGardienssesontlevés.—Apte.LesGardiens de l’Ombre n’étaient pas censés pleurer, pourtant je n’ai pas pu retenir l’unique

larmequiaroulésurmajoue.—Ladécisionadoncétéprise.BrittanyReed,vousrestezGardiennedel’Ombre.—Merci,monsieur.JeneferaijamaisdéfautauxLycans.Ilasouri.— Je n’en ai jamais douté, Brittany. Permettez-moi une dernière remarque : nous, les Sages,

avonstoujourssuquevousnepouviezpasvoustransformer.—Maisvousavezpourtantessayédemetrouveruncompagnon!—Afinquevousn’appreniezpaslavéritéseule.—Pourquoinepasmel’avoirdit,toutsimplement?—Cen’estpasqu’unetransformationphysique.C’estaussiuneépreuveducœur,del’espritetde

l’âme.Vousaviezencoredenombreuseschosesàapprendreavantd’enarriverlà.—Quandvousm’avezconvoquéedanslasalledestrésors…—C’étaituntest.Ets’ilsmetestaientencore?—Laséanceestlevée,adéclaréleSageavecunhochementdetêteetunsourire,commes’ilavait

ludansmespensées.Ilaabattusonmarteau.Leschaisesontracléparterre;lesGardiensallaientvenirmeféliciter,maisiln’yenavaitqu’un

avecqui jevoulaisêtreàcemomentprécis.Ilapassésesbrasautourdemoi,m’asoulevéeetarid’unriregai,chaleureux.

—Tuessûrdemevouloirpourcompagne?ai-jedemandéàConnor.—Jen’aijamaisétéaussisûr.— Mais avec moi, tu ne connaîtras jamais le lien qui unit deux Lycans lors de la première

transformationdelafille.—Nousconnaîtronsbiend’autrespremièresfois.Puis ilm’aembrassée,devant lesSageset tous lesautresGardiens.Peu importait. Jevenaisde

trouvermoncompagnon.Etcecompagnon,c’étaitConnor.

18Cesoir-là,nousnoussommestousretrouvésauSlyFox.Assis sur une banquette en formede fer à cheval,Lucas,Kayla,Rafe,Lindsey,Connor etmoi

grignotions des pizzas et sirotions de la bière. Pour la première fois depuis longtemps, j’avaisvraimentl’impressiondefairepartiedelameute.LatensionentreLindseyetmoiavaitcomplètementdisparu. De plus, j’avais hâte de faire plus ample connaissance avec Kayla. On avait d’ailleursprogramméunjoggingensemble.

—Tuasprisbeaucoupderisquesendisqualifiant tonvote,afaitremarquerLindseyàConnor.Imaginequ’illuiaitmanquéunevoixpourresterGardienne?

—Mon pèrem’avait conseillé de faire comprendre aux autresGardiens qu’elle était digne decetteresponsabilité.Cen’étaitpascherpayé.

Ilatendulamainverssonbockdebière,etj’aivusonnouveautatouagesursonépauledénudée.J’aipromenémesdoigtsdessus.Cetaprès-midi-là,pendantquemamèreetmoiachetionsmavoiture,il avait fait effacer son ancien tatouage, celui avec le prénom de Lindsey. Une opération sidouloureuse qu’il avait sûrement dû se transformer après. Puis il avait fait tatouer mon nom ensymbole celtique sur son épaule gauche. Comme l’encre est injectée dans la seconde couche del’épiderme,latransformationguéritlescicatricesdutatouagesansenaltérerledessin.

—Jecroyaisqu’ungarçondevaitporterunseultatouageàvie,ai-jedit.—C’estunelégende,m’aréponduConnoravantdemedonnerunbaiserrapide.—Oui,ondit çapourdissuader lesgarçonsdechoisir leur compagneà lava-vite, a expliqué

Lindsey.—Lesfillesferaientbienderéfléchirunpeuplus,ellesaussi,l’ataquinéeConnor.—Alorslà,jesuistoutàfaitd’accordavectoi!s’estexclaméeLindseyenselovantcontreRafe.—Parle-nousdetanouvellevoiture,m’ademandéKayla.Jen’aipaspum’empêcherdesourire.—Ma mère voulait une voiture qui colle avec mon esprit rebelle, alors elle m’a acheté une

Mustangrouge!—Wouah!s’estexclaméeKayla.Pasmal.Tuvasdevenirlafillelapluspopulairedubahutàla

rentrée.—Oh,jepourraialleraulycéeàpied.Jel’utiliseraisurtoutpourallerretrouverConnoràson

université.Letrajetserarapideaveccebolide.—Tuasintérêtàêtreprudente,m’aavertieConnor.Pasd’accident,d’accord?Ilavaitpeur,parcequejen’avaispaslacapacitédeguérir.Nos–ouplutôtleurs–semblablesse

comportaienttouscommedevraiscasse-cou,carseuleuneblessurefataleposaitunréelproblème.Mais,heureusement,leshumainsviventlongtemps,euxaussi.

Quelqu’unaposéunpichetdebièresurlatableavecbruit.—Jesuiscontentquetoutsesoitarrangépourtoi.C’étaitDaniel.—Mercid’avoirvotépourmoi,cematin,luiai-jelancéensouriant.—Jenesuisjamaisrancunierenverslesfillesquimelarguent.—Jenet’aipasvraimentlargué.—Vienst’asseoiravecnous,luiaproposéConnor.—Ilvafalloirqu’ontetrouveunecompagne,afaitremarquerKaylaàDaniel.—Pourquoipas,maisévitonsdetirerunnomauhasarddansunchapeau.Çan’apassuperbien

marchélapremièrefois,a-t-ilréponduensouriant.

J’airegardéConnor.—Jecroyaisquevousaviezpiochésonnomdansunbol!—Quelledifférence?a-t-ildemandéenpassantunbrasautourdemoi.Jemesuiscaléecontrelui.Ons’assemblaitcommedeuxpiècesd’unmêmepuzzle!—Alors?afaitLucas.Quiestchaudpourunpetitjoggingbipèdecettenuit?

19Lesétoilesscintillaientcommedesdiamantsdansleciel.Lapleinelunebrillaitdemillefeux,etil

n’yavaitpasunnuageàl’horizon.Jemesuisagenouilléesurl’herberecouvertederoséeetj’aiprisune profonde inspiration. Les fleurs qui tapissaient le sol sentaient bon. Les arbres alentourfrissonnaientdanslabrise.

Je me trouvais à un endroit que les Lycans appelaient la cascade, sans doute le lieu le plusromantiquedesbois.Del’eaus’écoulaitdesfalaisesjusqu’àl’étangendessouset,derrièrelerideauqu’elleformait,secachaitunegrotteoùonstockaitquelquesvivres.Mais,surtout,c’étaitlàquelesgarçons accompagnaient leur compagne pour sa première transformation. Ensuite, ils passaient lanuitensembledanslagrotte.

Cependant, ce n’était pas la première fois que Connor et moi allions dormir ensemble. Aucontraire,nousnousétionsdéjàréveillésdenombreusesfoisdanslesbrasl’undel’autre…

Cette nuit-là était une étape symbolique. Connor voulait partager avec moi un rituel qu’aucund’entrenousn’avaitencoreexpérimenté.Etpuisquecerituelallaitêtreunique,Connoravaitimaginépournousunepetitecérémonieparticulière…

Haut dans le ciel, la lune me baignait de sa lumière. La peau me picotait à la perspective deretrouverbientôtmonvéritablecompagnon.

Unefoisquelaluneaatteintsonzénith,j’aitournémonregardverslesarbresalignésàl’oréedelaclairière.Unloupaupelagedoré,surlequellalunesereflétait,m’observait.Ilaavancéversmoi.

Ilétaitmajestueux,sublime,etilavaitlesyeuxrivésauxmiens.Connoravaittantd’amourdansleregard…

Il s’est arrêté devant moi, et j’ai plongé mes doigts dans sa fourrure avant de l’étreindre.J’espéraisqu’ilentendaitlesbattementsdemoncœur,qu’ilcomprenaitquec’étaitsaprésencequilefaisaitcogneraussifort.

Ilm’aléchélementon;j’aiéclatéderire.J’airamassélacapenoirequelesgarçonsportent lorsqu’ilsassistent leurcompagnelorsdesa

première transformation. Je l’ai passée surConnor et, en un clin d’œil, celui-ci a repris sa formehumaine.

D’habitude,lelienentreLycanssefaitaumomentoùleshumainssetransformentenloups.Pournous, le lien allait se tisser quand le loup reprenait sa forme humaine. Tout commemes ancêtreshumains,j’avaissuivilechemindel’amour.

—Unjour,j’aiditàLindseyquejetrouvaislesLycansmagnifiquessousformedeloup.Ellemeprenaitpourunefolle.Elledisaitqu’ellenevoyaitaucunedifférence,etjenelacomprenaispas.

Jeluiaicaressélajoue.—Jet’aitoujourstrouvésuperbeenloup,maisjetepréfèrecommeça.Ilatournélatêtepourm’embrasserlapaumedelamain.—Jenemetransformeraiplusqu’endernierrecours,pourprotégernotremeute.—Tucroisqueledangerrôdetoujours?MasonestmortetilparaîtqueBio-Chromeestruiné.

LesinvestisseursaurontprobablementcomprisqueleursrecherchessonttropdangereusesaprèscequiestarrivéauPrKeaneetàsonfils.

—Notreespèceestconstammentendanger,Brittany.Onaura toujoursbesoindesGardiensdel’Ombre.

Connorm’atendulamainpourmerelever.Jen’avaisaucuneenviedepenseràtousnosennemispotentiels.

—Jenesuispasjalousedetacapacitéàtetransformer,Connor.Tupeuxdevenirloupquandçatechante.Jet’aimeraitoujours.

Ilm’alancéunsourireavantdeposerseslèvresdoucesettièdessurlesmiennes.Etlalune,au-dessusdenostêtes,abéninotrebaiser.

L’auteur

RachelHawthorne est née en Angleterre, mais a grandi au Texas. Petite, elle rêvait déjà dedevenirécrivain,maiscen’estqu’aprèsdesétudesdepsychologie,quiluiserontd’unegrandeutilitépour la construction de ses personnages, qu’elle se tourne enfin vers l’écriture. Elle a reçu denombreuxprixetsesromanssontapparusplusieursfoisdansleslistesdebest-sellers.

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Titreoriginal:DarkoftheMoon,aDarkGuardianNovelDirecteurdecollection:Xavierd’AlmeidaPubliépourlapremièrefoisen2009parHarperTeen,NewYork.Textcopyright©RachelHawthorne,2009.Couverture:Photos©RyanChristensen/IstockphotoetPhotosani/Fotolia© 2013, éditions Pocket Jeunesse, département d’Univers Poche, pour la traduction

françaiseetlaprésenteédition.ISBN978-2-266-22596-0Cetteœuvreestprotégéeparledroitd’auteuretstrictementréservéeàl’usageprivédu

client.Toutereproductionoudiffusionauprofitdetiers,àtitregratuitouonéreux,detoutoupartiedecetteœuvre,eststrictementinterditeetconstitueunecontrefaçonprévueparlesarticlesL 335-2 et suivants duCode de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve ledroit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant lesjuridictionscivilesoupénales

Loino49-956du16juillet1949surlespublicationsdestinéesàlajeunesse:juin2013.