25
ENTRETIEN

NTRETIEN - mei-info.com

  • Upload
    others

  • View
    4

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

EN

TRE

TIE

N

11

Entretienavec Armand Mattelart

par Thierry Lancien et Marie Thonon

Armand Mattelart, d’origine belge, a débutésa carrière universitaire à l’université Catholi-que du Chili à Santiago en septembre 1962.Parallèlement à ses activités universitaires, il atravaillé comme expert en développement so-cial dans le cadre du Programme des Nationspour le développement et la FAO. Durant lesannées de la présidence (1970-73) de Salva-dor Allende, il a participé à l’élaboration depolitiques de communication. Il a été expulsédu Chili en septembre 1973 par la dictaturedu général Pinochet. De retour à Paris, il aréalisé un documentaire long-métrage (LaSpirale, 1976) sur cette période de l’Unitépopulaire chilienne, en collaboration avecChris Marker. Professeur associé aux univer-sités de Paris VII et Paris VIII entre 1976 et1980. Expert auprès des Nations-Unies en1981. En 1982, a co-présidé, avec YvesStourdzé, la Mission interministérielle d’évalua-tion des recherches françaises dans le do-maine des sciences sociales concernant latechnologie, la culture et la communication.L’année suivante, il a présidé la Mission com-manditée par le Ministère de la culture surl’“espace audiovisuel latin” et placée sous lepatronage de l’écrivain colombien Gabriel Gar-cia Marquez. A été nommé professeur titulaireà l’Université de Rennes II en décembre1983, université où il est resté jusqu’en sep-tembre 1997.

Actuellement professeur en sciences de l’infor-mation et de la communication à l’Universitéde Paris VIII, il est l’auteur de nombreuxouvrages consacrés aux médias, à la cultureet à la communication, plus spécialement dansleur dimension historique et internationale.Parmi les derniers en date notamment Histoiredes théories de la communication (en collabo-ration avec Michèle Mattelart) (Paris, LaDécouverte, Coll. « Repères », 1995), LaCommunication-monde (Paris, La Découverte,1992, édition poche, 1999), L’Invention de lacommunication (La Découverte, 1994, éditionpoche, 1997), La Mondialisation de la com-munication (coll. « Que sais-je ? », Pressesuniversitaires de France, 1996), Histoire del’utopie planétaire. De la cité prophétique à lasociété globale (La Découverte, 1999, éditionpoche 2000), Histoire de la société de l’infor-mation (La Découverte, 2001). Ces ouvragesont été édités en plusieurs langues. Plusd’une quinzaine ont ainsi été traduits enanglais et une vingtaine en espagnol.

Resté en contact étroit avec l’Amérique latine,il y donne régulièrement des cours et mènedes recherches en liaison avec des équipesuniversitaires de la région. Ce qui ne l’a pasempêché d’effectuer depuis les annéessoixante-dix de nombreuses missions en Afri-que et en Asie et de nouer ainsi des relationsétroites avec les chercheurs et enseignantsde ces continents.

MÉI. — Pouvez-vous tout d’abord nous rappeler quel était, en 1982, le contexte decette commande ?ARMAND MATTELART. — Il est important de situer la période his-torique dans laquelle ont pu se développer des initiatives commecette commande d’un rapport officiel d’un bilan en matière de« diffusion de la culture, communication et technologie », car c’était le titreprécis de la lettre de mission.Il s’agissait d’une période où l’on assistait à une rupture par rapport àdes pratiques antérieures et à des habitudes de réflexion sur le lienentre technique et communication. Une rupture surtout à l’égard dela période giscardienne caractérisée par le rapport Nora-Minc (cf. An-nexe 1), sur l’informatisation de la société (1978). Les nouveaux ventspolitiques portaient à aller voir du côté de la “demande sociale”. Ce

MÉI « Médiation et information », nº 14, 2001

12

qui ne veut pas dire que le rapport Nora-Minc n’ait pas constitué enson temps un document essentiel. C’est d’abord le fruit d’une largeconsultation des responsables industriels et des représentants de la

classe intellectuelle française. Comme i lest coutume dans l’élaboration de cesdocuments officiels, véritable genreadministrativo-politique propre à laFrance, les auditions d’universitairescomme Morin et Foucault jouxtent avecceux des managers des firmes informa-tiques ou de hauts fonctionnaires. Cequi fait qu’en quelque sorte, c’est unetentative de réflexion de la société surelle même. Qu’on le veuille ou non, cerapport est, à mon sens, un des rares àélaborer une philosophie du change-ment technologique dans ces annéessoixante-dix où les grands pays indus-triels requièrent des technologies del’information et de la communication,

une voie de sortie de crise ou, comme on disait à l’époque, un « modèlede réindustrialisation ». À la différence d’autres rapports produits àl’époque par d’autres nations industrielles qui ne s’appesantissent passur le concept de crise et n’en ont qu’une vision instrumentale à desfins de légitimer un discours gouvernemental, son mérite a été de leprendre à bras le corps. Crise d’un modèle économique qu’a déclen-chée la première crise pétrolière. Mais crise aussi de la gouvernabilité.Rappelons que, en 1975, le sociologue Michel Crozier a collaboré,pour le compte de la Commission trilatérale, sorte d’état-major despays de la triade chargée de penser la crise, à un rapport qui porteprécisément sur la “crise de la gouvernabilité” des grandes démo-craties occidentales.Le versant opérationnel (un “superministère” transversalisant) dans cerapport relève encore du discours prométhéen. Il aura peu de pro-longements au niveau institutionnel. Les décisions prises pour “com-bler le retard français” en matière de télécoms seront parcellaires. Enrevanche, il contribuera à la prise de conscience des nouveaux enjeuxde la question sociétale de la technique. Les Américains l’ont très biencompris. Le sociologue Daniel Bell qui préfaça l’édition américainedu rapport Nora-Minc le reconnaîtra plus tard. Le diagnostic établi parles deux fonctionnaires français les a aidés à penser le passage à ceque l’on commence à appeler la « société de l’information » dès ledébut des années soixante-dix, avec le lancement du vaste plan d’in-formatisation du MITI japonais, la Computepolis. Ainsi, concrè-tement, les experts des États-Unis ont-ils suivi avec attention l’ex-périence Minitel, première expérience d’un média interactif touchantun taux de population important. Cela dit, le rapport Nora-Minccontribue aussi à redonner un nouveau souffle à la tradition utopique

« Entretien avec Armand Mattelart » Th. Lancien & M. Thonon

13

de l’agora informationnelle. Une tradition contre laquelle notrerapport va précisément mettre en garde !Autre élément du contexte. En 1979, Jean-François Lyotard donne auxnotions de société postmoderne et de société postindustrielle seslettres de noblesse philosophiques. Il lefait dans un rapport qui lui est demandépar le Conseil des universités auprès duGouvernement du Québec qui s’inter-rogent sur le nouveau statut du savoir àl’approche du “déboulement” des tech-nologies de l’intelligence. C’est un rap-port qui, publié en forme d’ouvragesous le titre La Condition postmoderne, a euune profonde répercussion, plus parti-culièrement dans le monde académiqueanglo-saxon. On peut dire que les réfle-xions sur les technologies numériquescommencent donc à s’accumuler dans laseconde moitié des années soixante-dix.De nouvelles revues comme Dialectiques,Interférences ou, encore les dossiers dumensuel Le Monde diplomatique traitent le sujet et montrent l’émergenced’une appréhension critique des enjeux sociopolitiques. On voit sefonder des rubriques spécialisées dans les pages des journaux commeLe Monde. La recherche elle-même n’est pas orpheline. La réflexionvient de deux foyers distincts. Il y a, d’une part, l’IRIS, rattaché àl’Université de Paris-Dauphine où travaille une équipe de chercheurstel Yves Stourdzé attentifs à la généalogie du système detélécommunications et, plus généralement, des voies de communica-tion et des objets techniques. De l’autre, se développe un courant derecherches autour du thème des industries culturelles. Ce projetd’économie politique de la communication est illustré dans la se-conde moitié des années soixante-dix par les études de Patrice Flichyet de moi-même, d’Yves de la Haye, de Bernard Miège et des cher-cheurs réunis dans l’ouvrage Capitalisme et industries culturelles. C’est alorsque la notion d’“industries culturelles” entre dans le langage du Mi-nistère de la culture et est adoptée par les instances du Conseil del’Europe. La société, elle, s’agite sur la question du monopole et duservice public. Un ensemble d’initiatives du tiers secteur débordentles stratégies officielles. Le phénomène des radios libres l’illustrebien. J’ajouterais que c’est aussi le moment où s’opère un changementdans le rapport d’une partie de la classe intellectuelle avec l’universmédiatique. De la critique, on glisse vers l’intégration. C’est une grillede lecture que l’on peut appliquer au phénomène dit des “nouveauxphilosophes”.

MÉI « Médiation et information », nº 14, 2001

14

MÉI. — Dans leur rapport, Alain Minc et Simon Nora estiment déjà qu’il estnécessaire de socialiser l’information, c’est-à-dire selon eux de mettre en place desmécanismes de gestion et de régulation. Quelle a été par rapport à cette question l’in-fluence des changements politiques survenus en 1981 ?A. M. — En 1981, à peine élu, François Mitterrand (auprès de quiJacques Attali joua un rôle très important) avait lancé une formulequ’il utilisait beaucoup, et qui revenait à dire qu’il ne fallait pas infor-matiser la société mais démocratiser l’informatique. Il s’agissait d’unchangement radical, en tout cas au niveau de la rhétorique. C’était eneffet le discours de la demande sociale qui était mis en circulationpar rapport à l’autre discours qui était très marqué par l’offretechnique.Dans les rapports officiels publiés dans les pays industrialisés aucours des années 1970 sur ladite société de l’information, la notion desociété participative était très peu présente alors qu’elle travaillaitbeaucoup la société civile. Il en est de même dans beaucoup d’écritsémanant de sociologues. Par exemple, les textes de Daniel Bell sur lasociété post-industrielle se montrent particulièrement sceptiques àl’égard du thème de la « démocratie participative » à travers la télévi-sion par câble. La croyance en la possibilité de la planification destechnologies à partir d’un centre, d’un gouvernement, s’ancre dansl’idéologie de l’État-Providence et de l’État-Nation. Car la questionposée dans les grands rapports est de savoir s’il est possible de maîtri-ser l’évolution des technologies de l’information et de la communi-cation dans le cadre national. Les réponses vont d’ailleurs dans cesens, comme dans le rapport Nora-Minc.À partir de 1981 et jusqu’au mois de mars 1983, on assiste à un foison-nement d’initiatives qui mènent à la problématique de la demandesociale. Laquelle ne délivre son sens que dans le cadre structurel dechoix industriels. Des Assises régionales sur « Recherche et techno-logie » (cf. Annexe 2) s’échelonnent entre le début du mois d’octobreet le 20 novembre. « Réconcilier la science et les citoyens à l’horizon 2000 »,telle est l’ambition qu’affichent les Journées nationales « Recherche ettechnologie » qui se tiennent à Paris du 13 au 16 janvier 1982 et quisont l’aboutissement des assises régionales, des consultations institu-tionnelles et des Journées sectorielles. La question est ouvertementposée du lien entre les sciences et les problèmes de société, et doncde la mobilisation des chercheurs à cet effet. Rappelons que c’est enfévrier 1982 que Jean-Pierre Chevènement, Ministre de la rechercheet de l’industrie, nous commande le Rapport. Il fait partie d’unegrappe de rapports. Ainsi, parallèlement, Yves Stourdzé participe aussiau « Plan Images » qui cherche à répondre à la faisabilité d’uneindustrie des nouvelles images de synthèse (par exemple, la créationd’un pôle français de dessins animés, problématique large qui tented’enrayer la dépendance en matière industrielle de software alors queles créateurs français vont fabriquer leurs dessins animés dans lespays asiatiques). Toujours la croyance selon laquelle l’État-Nation-

« Entretien avec Armand Mattelart » Th. Lancien & M. Thonon

15

Providence-Capitaine-d’industrie est le cadre politique naturel danslequel formuler une riposte stratégique à la concurrence internatio-nale accrue.Les présupposés de cette politique industrielle nationale se trouventclairement exprimés dans un rapport-socle élaboré par une Missioninterministérielle dite de la « Filière électronique ». Présidée parA. Farnoux, cette mission qui remet son rapport au Ministre de larecherche en avril 1982 prend acte du processus d’unification et d’in-terdépendance des divers secteurs de la chaîne d’information électro-nique. Sont identifiés onze secteurs (les composants, l’électroniquegrand public, l’informatique, la bureautique, les logiciels et banquesde données, la productique, l’électronique médicale, l’instrumentationscientifique, les télécoms, l’électronique professionnelle civile etmilitaire, les technologies spatiales). Et à partir d’un état des lieux danschaque secteur, le rapport propose une stratégie qui tienne comptedu tissage progressif d’interdépendances tout en tablant sur lessecteurs forts du dispositif industriel national. De ce schéma, il résul-tait une cascade de décloisonnements nécessaires : entre les entre-prises publiques et privées, entre les entreprises françaises et euro-péennes (afin de créer une industrie des TIC qui soit moins dépen-dante des contraintes et des grandes entreprises qui contrôlaient lemarché comme IBM). Il s’agissait de repenser les stratégies d’innova-tion en assurant la fluidité des transferts horizontaux de techno-logies : resserrer les liens entre la recherche fondamentale et l’appli-quée, entre l’université et l’industrie, intégrer la conception et lacommercialisation du produit en associant les éventuels usagers auxprocessus d’innovation. Cet impératif de rapprochement entre laconception et l’usage est d’ailleurs une des sources d’un vaste courantde recherches sur les usages appelé à se développer dans des insti-tutions. La vision de la filière électronique noyautait donc une stra-tégie intégrée de réindustrialisation appuyée sur les TIC. À l’époque,les analystes des États-Unis ont cru voir dans l’adoption de cette poli-tique de réindustrialisation une réplique de la stratégie politico-admi-nistrative mise en place par le superministère du commerce et del’industrie au Japon dans les années soixante-dix. Avec forte implica-tion de l’État.La préoccupation pour les TIC motive également la fondation duCentre mondial de l’informatique (CMI). Un projet soutenu person-nellement par François Mitterrand et son conseiller Jacques Attali.Face au « défi mondial », titre de l’ouvrage de son fondateur J.-J. Servan-Schreiber, des nouvelles technologies, il y a, diagnostique-t-on, l’ur-gence d’instaurer un autre rapport Nord-Sud, une autre stratégie dedéveloppement international qui tiendrait compte des potentialitésdécentralisatrices des nouveaux outils de communication (cf. An-nexe 3). Le Centre fait appel à de multiples collaborations interdisci-plinaires et s’allie avec des Centres universitaires prestigieux des États-Unis (tel Carnegie-Mellon à Pittsburgh). Il convoque des scientifiquescomme Nicholas Negroponte ou Seymour Papert, inventeur du

MÉI « Médiation et information », nº 14, 2001

16

système Logo. Alors que le Gouvernement des États-Unis en est en-core à douter de la stratégie à adopter pour l’accès à la société de l’in-formation, ces initiatives donnent à penser que la France a trouvé lasienne. Le centre se fixe aussi des objectifs en France. Dans les quar-tiers de Marseille, par exemple, prennent place des expériences péda-gogiques d’appropriation de la technologie.Au CMI, on note la présence de chercheurs chevronnés issus dutiers-monde. Ceci est tout à fait important. Car cette présence est latraduction dans les faits d’une philosophie politique que le Président

François Mitterrand a exposée en long eten large, lors du Sommet des pays lesplus industrialisés qui se réunit à Ver-sailles en juin 1982, dans un rapport inti-tulé Technologie, croissance et emploi (cf. An-nexe 4). Une critique sévère à un ordreinformationnel mondial marqué par l’ag-gravation du déséquilibre des flux Nord-Sud sous l’effet des nouvelles technolo-gies. Un discours d’État s’était ainsi for-mé sur la question. En juillet 1982, lorsde la Conférence de l’UNESCO sur lespolitiques culturelles organisée à Mexico,le Ministre de la culture Jack Lang s’enprenait à l’« impérialisme financier et intellec-tuel » brimant la création artistique et cul-turelle et en appelait à une « véritable résis-

tance culturelle ». Ce qui suscitait de vives réactions de la part de la Délé-gation des États-Unis. En octobre 1981, au sommet Nord-Sud de Can-cun, au Mexique, le Président avait déjà fustigé la logique du marchélibre qui ne permet d’autre croissance que celle de firmes multinatio-nales créant dans le tiers-monde des flots de richesses dans un océande misère.

MÉI. — Dans ce contexte et vu d’aujourd’hui, quels sont à votre avis les pointsforts du Rapport rédigé avec Yves Stourdzé ?A. M. — L’importance du Rapport tient d’abord au fait de la mobilisa-tion d’une vaste communauté autour du sujet. Près de 200 personnesont ainsi pu s’exprimer. Un rapport, c’est le fruit d’un travail de miseen commun à plusieurs têtes. La Mission a travaillé sous forme decommissions par thème, par groupes d’étude. L’importance de cetaspect collectif s’est renforcée du fait qu’à la même époque deuxautres Missions ont dressé un état des lieux dans d’autres secteurs dela recherche en sciences sociales. La Mission mise en place par leMinistère de la recherche et présidée par Maurice Godelier sur l’étatdes sciences de l’homme et de la société et la Mission confiée par leMinistère de la culture à Michel de Certeau et Luce Giard concernantplus spécialement la problématique des réseaux sociaux et de leursusages. D’une façon ou d’une autre, se sont opérées des conver-

« Entretien avec Armand Mattelart » Th. Lancien & M. Thonon

17

gences, des synergies, des complémentarités entre ces diverses misesà plat des savoirs. La richesse provient aussi de ce tissage intertextuel.La problématique des usages et de la réception planait en quelquesorte sur le rapport, imprégné qu’il était par les débats d’alors sur la“demande sociale”, avec toutes ses illusions mais aussi la richessequ’apportait ce changement de l’angle sociologique. Ce qui supposaitfaire un bilan sur la période antérieure marquée par le paradigme dela première génération du structuralisme linguistique. Période oùl’enfermement dans le texte, le corpus, s’était soldée par l’oubli durécepteur et du contexte de l’émission. La problématique des usagesest d’ailleurs au centre des programmes de nouvelles cellules de re-cherches qui se créent. Je pense au CNET et au CESTA plus particu-lièrement (cf. Annexe 5). Côté pratiques et médiations, des travauxétrangers comme ceux de Martin Barbero sur les cultures populairesavaient leur place (voir le second volume du rapport). Un autre pointfort est celui qui touche à la question de l’internationalisation (la frac-ture numérique nous préoccupait déjà !). Le discours techno-rédemp-teur d’accompagnement était déjà tenu en haute suspicion. Et paral-lèlement au questionnement de la pensée de la salvation par la“grâce” de la technologie, était pointée du doigt l’ambiguïté de lanotion même de communication. Il y avait notamment une interroga-tion originale sur la notion de communication à travers l’analyse del’idéologie du journalisme et ses notions d’objectivité et de transpa-rence. Ces quelques exemples montrent qu’il y avait une volonté derupture avec une tradition empiriste et fonctionnaliste. L’interroga-tion sur les pratiques de communication animait le désir de trouverd’autres outils conceptuels. Des outils accordés à la question du lienentre technique, communication et démocratie. C’est cet aspect durapport que ne manqueront pas de relever des chercheurs américains.Le rapport a été en effet traduit tout en anglais (mais aussi en espa-gnol) et c’est James W. Carey, pionnier des Cultural Studies dans leurversion américaine, qui en a fait la critique pour Journalism Quarterly.Une autre recension est parue dans Journal of communication.Au point de vue des recommandations, confluait vers le rapport laréflexion accumulée à partir de l’expérience des Assises régionales etnationales sur « la recherche, la technologie et la société ». Il y étaitproposé la création de maisons régionales, d’observatoires régionauxde la communication. Il y avait eu préalablement des consultationsavec les acteurs régionaux. C’était une proposition intéressante quipermettait de socialiser les problématiques de l’appropriation destechnologies. Il y avait aussi la restructuration des pôles de l’enseigne-ment à laquelle participait le CNU de l’époque avec des universitairescomme Escarpit, Tudesq et Miège. Fin 1982 lors de la conférence depresse, quatre ministres ont ratifié les grandes lignes du rapport etannoncé des actions et des financements. Mais ces annonces média-tiques ne furent pas suivies d’effets. Fin 1983, les priorités gouverne-mentales avaient changé de direction. Ce phénomène allait s’accélérerà partir de 1984 et 1985. Le rapport de Certeau & Giard a connu le

MÉI « Médiation et information », nº 14, 2001

18

même sort. Rangé dans les tiroirs ! Seul Maurice Godelier, respon-sable des sciences sociales au CNRS, tenta de mettre en œuvre lesrecommandations de notre rapport et, notamment, de stimuler uneréflexion en vue de concrétiser une de nos propositions : créer unesection spécifique aux sciences de l’information et de la communica-tion. En vain. Puisque près de 18 ans plus tard, on en reparleraencore ! Les retombées du rapport se virent surtout à travers deuxappels d’offre, lancés en commun avec le CNET, en vue de structurerun champ de recherche, plus spécialement autour des usages et desdispositifs.

MÉI. — Par rapport à tout ce que vous venez d’évoquer il semble qu’il y ait eupetit à petit de moins en moins d’initiatives dans ce domaine. Comment doncappréciez-vous le projet du ministère d’implanter dans le nord de Paris une maisondes sciences de l’homme (MSH) dans laquelle les recherches sur la communication etplus précisément les industries culturelles joueraient un rôle central ?A. M. — C’est une initiative intéressante qui laisse présager la possibi-lité d’atteindre l’objectif que poursuivaient aussi bien notre rapportque les assises « Recherche et technologie » : réconcilier la science etla société. Ceci étant, le grand défi est toujours la mise en synergiedes diverses disciplines. Le grand défi intellectuel est de contrer lesenfermements et les obsessions des fiefs disciplinaires. Malgré larhétorique sur les processus de convergence vers une transdisciplineà l’âge de la complexité, les pratiques de la recherche continuent àêtre fortement cloisonnées. L’impérialisme de certains points de vueest souvent de rigueur. Et notre champ en souffre plus particulière-ment. Parce qu’il n’est pas reconnu comme noble et qu’il n’a pasl’assise institutionnelle que donne l’appartenance à des grandes écolesou à des disciplines fondatrices. Et, pourtant, lorsqu’on observe laconfusion qui peut encore exister autour de la simple notion d’“in-dustries culturelles” dans de nombreux secteurs disciplinaires, on nepeut que souhaiter des rapprochements. Un indice intéressant de ceque l’on doit bien appeler une forme d’analphabétisme fonctionnelest la méconnaissance que manifestent par exemple les chercheurs enéconomie des innovations par rapport aux travaux sur les notions deladite société de l’information ou du savoir. Ainsi s’explique que l’onpuisse tenir des discours sur les réseaux et les TIC, sur l’économie dusavoir sans s’interroger sur les soubassements, l’archéologie de laconstruction des croyances, l’idéologie de la société de l’information.Une attitude qui contraste avec celle de nombreux géographes qui,eux, ont de plus en plus de points communs avec les recherchescritiques qui se développent dans le champ des sciences de l’informa-tion et de la communication et sont amenés à questionner la cons-truction de la société de la connaissance et les présupposés sur les-quels se sont construites progressivement les croyances qui en fontun stimulant pour l’action et l’élaboration de politiques.

« Entretien avec Armand Mattelart » Th. Lancien & M. Thonon

19

MÉI. — N’est ce pas en fait un véritable problème épistémologique?A. M. — C’est effectivement aussi un problème d’épistémologie. Lanotion d’information et de communication et de société de l’infor-mation est de plus en plus une notion “passe-partout”, un passe-fron-tière disciplinaire, mais en même temps elle n’accomplit pas cettemission de carrefour dans la mesure où chacun reformule la notion àpartir de son fief particulier.

MÉI. — N’y a-t-il pas un problème institutionnel, à cause du manque dereconnaissance d’une interdiscipline comme l’info/com qui empêche du même coupbeaucoup de gens de s’investir dans le champ en tant qu’interdiscipline ?A. M. — Comme je le disais, il y a un manque de reconnaissance d’unstatut ample dans l’organigramme des sciences sociales pour notredomaine qui est à la fois jeune, morcelé. Les gens n’en voient pasbien les frontières d’autant plus qu’on pâtit du fait que les notionsmême de communication et d’information sont protéiformes.Le manque de légitimité sociale répercute sur les modalités de lacirculation dans la société des savoirs liés aux problématiques bras-sées par les sciences de l’information et de la communication. Lessavoirs n’ont pas été socialisés. En tout cas pas au point de hausser leniveau du débat public. C’est ce qui explique que des discours sur latélévision, par exemple, puissent encore être tenus et se généraliseraujourd’hui en faisant fi de l’accumulation des recherches au coursdes quinze dernières années. Un des rares moments historiques où lesavoir sur la communication a connu un début de légitimité ampledans la société française a été celui où des représentants de la hauteintellectualité se sont réunis autour du CECMAS et de ses fondateurs,Roland Barthes, Edgar Morin et Georges Friedmann.

MÉI. — Mais alors pourquoi ces connaissances n’ont-elles pas été socialisées ?A. M. — On ne peut nier que la société française a mis longtemps àrésoudre sa relation conflictuelle avec la technique. Et cela s’estmême reflété par la lenteur avec laquelle les écoles sociologiquesfrançaises s’y sont intéressées.

MÉI. — Est-ce qu’il n’y a pas plus généralement un blocage culturel ?A. M. — Un blocage culturel qui vient de l’enfermement dans unenotion de culture qui privilégie la langue et la haute culture. Malrauxl’avait bien compris qui en 1939 provoquait les milieux intellectuels etartistiques français en écrivant que le « cinéma, c’est un art, mais c’est aussiune industrie ». Devenu Ministre de la culture de Charles de Gaulle, il leredira avec tout autant d’effets. Le ministre de la culture Jack Lang, enlançant en 1981 le slogan « Économie et culture, même combat ! » feratoujours sensation dans une culture propice à favoriser la place ducréateur et de l’œuvre. On a là un des nœuds sociologiques quiexplique la réticence à marier “industrie” et “culture”. C’est ce qui a

MÉI « Médiation et information », nº 14, 2001

20

fait la force de la spécificité française (ce n’est pas pour rien que leGouvernement et le Président, à l’unisson, ont mené en 1993 lafronde en faveur de l’exception culturelle en matière de « produits del’esprit », comme disait François Mitterrand). C’est aussi ce qui a fait safaiblesse. Car en privilégiant cette dimension de la culture, desbéances se sont creusées. On a mis du temps à reconnaître et identi-fier les enjeux d’une culture de plus en plus liée à l’industrie, à latechnique et au marché.

MÉI. — Mais d’où vient cette difficulté à la fois à garder cette possibilité d’êtreinnovant et en même temps ce blocage. Par exemple, l’université a intégré ces savoirs-là et en même temps elle les marginalise ? Est-ce qu’il n’y a pas par rapport à latechnologie un problème symbolique, avec un investissement symbolique plutôt négatifpar rapport à ce qui peut se passer dans le monde anglo-saxon ?A. M. — Dans le Rapport (cf. Annexe 6), nous abordons effective-ment cette longue tradition qui fait que l’on est face à un champ ti-

raillé entre une dominante esthétique dela culture et une dominante technologi-que de la communication. Comme nousl’observons, les deux cultures n’ontcessé de s’éloigner l’une de l’autre. Enfait la représentation dominante de laculture a eu tendance à se dissocier de latechnique. Ce qui, historiquement, estquand même paradoxal. Car les Lu-mières ont produit l’Encyclopédie, premiertexte moderne où s’allie culture et tech-nique. Des philosophes sont aussi biencapables de disséquer la répartition destâches dans une fabrique d’aiguilles quede conceptualiser la notion de “divisiondu travail” qu’utilisera Adam Smith pourfonder son économie politique. Il suffitde relire l’article de Diderot sur le

“système” pour se convaincre de ce regard technicien.Il n’empêche que, au cours de l’histoire de l’implantation des techni-ques de communication, il y a des cas où transparaît cette difficulté àintégrer leur dimension matérielle. Ainsi le savant Arago résistantdans un rapport officiel à l’implantation des réseaux de chemin defer en France, et rédigeant en même temps, un autre rapport officiel,dithyrambique celui-là, sur la photographie, en proposant que la pho-tographie devienne un bien public pour que le monde entier y aitaccès, au nom de l’universalisme des valeurs.La question des univers symboliques est donc effectivement fonda-mentale. Chez les Saint-simoniens, la notion de réseau, comme soclede la nouvelle société industrielle, s’enchâsse dans une cosmologiede nature religieuse. Et le drame de Saint-Simon est de ne pas avoir

« Entretien avec Armand Mattelart » Th. Lancien & M. Thonon

21

pu rallier la nouvelle classe des industriels à une nouvelle religion,un nouveau christianisme.La notion de culture est aussi intimement liée en France à celled’État. D’où, par exemple, le fait qu’aujourd’hui, c’est un des rarespays à ne pas se précipiter sur le prêt-à-porter, sur la mort de l’État-Nation et à mettre plutôt l’accent sur la reconfiguration des rapportsde l’État avec la société civile, tous deux confrontés aux logiques de lamondialisation. Une façon de voir qui réverbère sur la manière d’en-visager les politiques publiques dans le domaine culturel. Cetteréflexion est importante en un moment historique où beaucoup onttendance à penser le monde comme face-à-face entre les deux seulsacteurs planétaires : ladite société civile globale et les grandes entre-prises globales.Enfin, il ne faudrait pas oublier que la notion dominante de culturen’a eu de cesse de susciter des antidotes. À l’idéologie positive del’industrialisme incarné par le saint-simonisme, à sa conception duréseau réorganisateur et centralisé, s’est opposé l’anti-industrialismedes utopistes.

MÉI. — Vos travaux comportent une dimension historique importante. Commentenvisagez-vous les rapports entre histoire et communication?A. M. — Si l’on observe un intérêt croissant de la part de chercheursen sciences de l’information et de la communication pour l’approchehistorique, on ne peut pas dire que le même intérêt se manifesteclairement du côté des historiens à l’égard des objets de recherche etdes problématiques des premiers. Les quelques exceptions (je pense àGriset, Bertho, Carré, Delporte, par exemple) ne démentent pas larègle. Ce que l’on peut regretter, c’est qu’il y ait eu longtemps dansnotre champ la difficulté à établir des passerelles entre la réflexionhistorique, domaine où la recherche française a montré son origina-lité, et les approches communicationnelles. Que l’on pense à laréflexion historique développée par Fernand Braudel et l’ensemblede l’école des Annales qui n’a suscité que rarement des études sur laformation des systèmes et des réseaux de communication. D’autrepart, du côté des historiens, dans notre rapport, nous constations déjàque leurs études se terminaient trop souvent là où commençait la“modernisation”.L’histoire de la communication a longtemps été confinée à une his-toire événementielle. Une autre façon de faire l’histoire a vraimentsurgi avec la problématique des réseaux. Dans la seconde moitié desannées 1970, avec les recherches de l’IRIS et du CESTA sur les routes,les télégraphes, etc.La notion d’histoire qui apparaît dans les années 1970 et vers laquelleconvergent des réflexions de courants marxistes orthodoxes ou deFoucault, de Certeau relève d’une approche qui essaye de s’éloignerde l’hégémonie qu’exerce à cette époque sur la notion de communi-cation le symbolique et surtout la linguistique. Cette analyse revient à

MÉI « Médiation et information », nº 14, 2001

22

celle des dispositifs pour ne pas utiliser le terme d’infrastructure. Onanalyse les réseaux postaux aussi bien que le télégraphe et cette ap-proche entre en contradiction avec celle de la sémiotique, ce qui estune vieille tradition de conflit. La sémiotique n’arrivant pas à entrerdans une approche généalogique et croyant que la communication estnécessairement liée à une notion de langue. Certes la langue est es-sentielle mais c’est avec la route que commence la communication. Lacommunication trouve ses origines dans le commerce et la grandemythologie communicationnelle c’est que l’esprit de commerce vadélivrer l’humanité et les sociétés de la guerre. Jusqu’à la Premièreguerre mondiale, ce qui porte la communication, c’est l’idée decommerce. On pense qu’à travers lui on va éviter les guerres. Dansl’Encyclopédie, la communication n’est pas un concept et s’applique àbeaucoup de choses et ce n’est pas en elle qu’il faut chercher uneconception communicationnelle mais dans la notion de commercetelle que la manie Jean-Jacques Rousseau. Habermas dit d’ailleurs trèsbien que c’est l’esprit de commerce qui a porté l’émancipation del’humanité. L’esprit de commerce est “civilisatoire”.La communication va donc bien plus loin que ce que l’on entend au-jourd’hui par communication. C’est une construction des sociétésnationales et de la société mondiale. Il y a donc un problème devision du monde et de l’histoire.Pour reprendre l’exemple de la route, considérer que la route c’est del’infrastructure est évidemment une erreur. De même que la divisiondu travail est éminemment culturelle.

MÉI. — L’exemple de la route paraît d’autant plus intéressant que la route, c’esten même temps les signes et des modes de signification. La route engendre différentsmodes de communication. Quand on travaille sur la route, on découvre tout cecommerce. Sur ces parcours religieux on retrouve tous les échanges y comprislinguistiques par exemple entre des classes sociales qui ne se parlaient pas et qui lefont en cheminant vers Compostelle. On va donc voir des évolutions de la langue quise font là.A. M. — La première liberté de communication est d’ailleurs laliberté de circulation. Le problème n’est donc pas d’imposer unenotion monolithique mais d’articuler les points de vue.La France est d’ailleurs la seule à avoir une problématique structurelledes routes liée à l’idée de pouvoir, d’émancipation et cela parcequ’elle est la dernière des grandes nations à accéder à un système deroutes qui intègre la Nation. En Angleterre, il n’y a pas ce discours surla route émancipatrice.En fait si la France produit autant de symbolique sur la communica-tion, c’est parce qu’à chaque moment de son histoire, elle est arrivéeen “retard” par rapport aux autres grandes nations et notamment laGrande-Bretagne. Le symbolique en France a compensé les carences

« Entretien avec Armand Mattelart » Th. Lancien & M. Thonon

23

dans la réalité concrète de l’état des réseaux. Le saint-simonisme parrapport aux chemins de fer illustre bien cela.

MÉI. — Pourquoi cette résistance à l’approche historique ?A. M. — On est dans un monde de fuite en avant technique, techni-ciste et donc les considérations historiques intéressent beaucoupmoins que les spéculations sur le futur. Ainsi, le Britannique NicholasGarnham a raison de reprocher à Manuel Castells de faire démarrerl’histoire des réseaux avec l’inauguration de la société de l’informa-tion. C’est un problème général. Certains économistes comme ceuxde l’École de la régulation ne font-ils pas remarquer que beaucoupremontent seulement à une ou deux décennies lorsqu’ils doiventrendre compte du processus de mondialisation ? L’historien MarcFerro notait il y a peu que parler de mondialisation comme d’unphénomène nouveau relevait en fait d’une illusion d’optique. Il y adonc des antidotes. De plus en plus de gens s’interrogent sur la« dictature du temps court » comme dirait Braudel. Reste qu’il y a destendances lourdes qu’expriment les problématiques managériales etaussi les études pratico-pratiques inspirées par une professionnalisa-tion mal pensée. On est tiraillé en info/com par une logique de pro-fessionnalisation qui empêche d’intégrer ou de renforcer dans lecursus un socle de connaissances en matière de sciences sociales. Lessciences sociales ne sont pas assez présentes dans nos formations. Lanotion de société de l’information fait d’ailleurs consensus parcequ’elle évite aux gens de se demander ce qu’est une “société”, puis-qu’on ne leur apprend plus. Le problème de l’“oubli de l’histoire” està poser dans ce contexte..

MÉI. — Quels sont à votre avis les secteurs qui émergent dans le champ ?A. M. — On ne peut pas parler d’axe dominant. La reconstruction duchamp se fait aussi beaucoup à partir d’axes parallèles, d’axes margi-naux et souvent minoritaires. C’est le cas encore de l’histoire. Troisdomaines fondateurs restent à la racine du champ : l’étude sur lesindustries culturelles, celle des usages et celle de l’analyse socio-poli-tique du discours. Et ce, au-delà de leur approfondissement et pro-cessus de révision. Les recherches organisationnelles et les sciencesde l’information (bibliométrie, etc.) se sont considérablement déve-loppées dans les dernières années.On voit émerger de nouvelles approches des dispositifs télévisuels etradiophoniques. Il y a aussi les travaux sur le territoire. Les apports lesplus intéressants sur la globalisation viennent d’ailleurs de gens quisont à cheval sur la communication et la géographie ou les étudesurbaines. Quand on ne veut pas tomber dans le globalisme, le rapportau territoire reste fondamental. Il y a bien sûr aussi l’axe très impor-tant de la réception avec l’apparition de points de vue contrastés. Unautre secteur qui émerge c’est celui de la muséologie. Ce courant estintéressant au niveau d’une réflexion conceptuelle mais aussi au

MÉI « Médiation et information », nº 14, 2001

24

niveau de ce que peut être une professionnalisation dans un champun peu délaissé de la communication. On pourrait dire la mêmechose du théâtre. On ne peut pas continuer à éliminer ce qui a été àla base d’une réflexion alternative de la communication.

MÉI. — Que pensez-vous d’un autre secteur de recherche que vous connaissez bien,celui qui porte sur les phénomènes d’internationalisation de la communication ?A. M. — Il y a toujours en France un problème en ce qui concerneune réflexion sur l’internationalisation. Cela tient sans doute au faitqu’il y a d’abord une difficulté à délimiter ce champ. Qu’entend-onpar international ? Des travaux comparatistes, une analyse de l’interna-tional par la construction de systèmes internationaux de régulation oubien encore la circulation de produits dits globaux et la question deleur réception. Les jeunes peuvent apporter beaucoup à l’évolutiondes perceptions de cette problématique notamment parce qu’ilsviennent de différentes aires culturelles. Le brassage est à cet égardfondamental et le programme Erasmus a permis des avancées.À la question de savoir quels sont les secteurs émergeants, je pensequ’il y a un problème à cause de la tendance qui existe dans le champde la communication et qui pousse à avoir une représentation entranches de l’histoire. C’est-à-dire qu’on estime que tout ce qui s’estfait antérieurement est obsolète. C’est ce que j’appelle la théorie du“coup d’État”. La théorie avance par “coups d’État”. Il y a des problé-matiques qui restent posées et qui n’ont pas été épuisées et qu’il fau-drait donc revisiter.Par exemple dans le champ de l’internationalisation dont nousvenons de parler, la notion de globalisation a éliminé du champd’autres perspectives. Comme si la globalisation n’était pas elle-mêmeune notion ambiguë. La notion de globalisation à partir du mondeanglo-saxon s’est tout d’un coup libérée à travers le monde.Avec une approche de l’histoire en tranches, on évacue à chaque foisl’autre phase. N’est nouveau que ce qui relève du dernier dispositif,par exemple la cyber-manifestation.On reconstruit des champs par ostracisme du passé et en oubliantdes visions que l’on n’a pas épuisées. Il faut interroger l’ambiguïté desconcepts qui circulent et qui se généralisent à travers le monde.Il faut d’autre part considérer les thèses pour repérer les évolutions etles diversifications des sujets. De là d’ailleurs la difficulté de dirigerdes thèses, car on ne peut pas avoir travaillé sur tous les sujets. Plusles étudiants de doctorat sont jeunes et plus ils vont puiser à l’exté-rieur de l’info/com des méthodologies, des approches. J’ai uneétudiante pour qui l’ethno-méthodologie était un détour essentiel.Cela montre d’ailleurs qu’il y a aussi des carences dans notre champ etque si on ne s’interroge qu’à partir des courants dominants on laissedépérir le champ. Évidemment cela implique un vrai défi.

« Entretien avec Armand Mattelart » Th. Lancien & M. Thonon

25

Annexe 1. Rapport Nora-Minc

PRÉSENTATION DES ANNEXES

VOLUME I :NOUVELLE INFORMATIQUEET NOUVELLE CROISSANCE

Annexe nº 1 : Réseaux, télécommunications ettélématique

Les réseaux sont, pour une large part, à l’ori-gine du tournant informatique ; l’annexe défi-nit leur place au sein des télécommunications.L’évolution technique, l’apparition de la télé-matique rendent impérative une rationalisationdont le document étudie les modalités.

Il s’intéresse plus précisément à Transpac etaux satellites et fournit des indications sur lestélécommunications et les réseaux dans lesprincipaux pays industrialisés.

Annexe nº 2 : Les banques de données

La télématique va permettre l’essor des ban-ques de données. Les banques d’informa-tions économiques vont en particulier connaî-tre un rôle croissant. L’annexe étudie en cesmatières la situation et la politique de quel-ques grands pays.

Annexe nº 3 : Informatique et macroéconomie –Une première approche

Le tournant informatique pèse, par les gainsde productivité qu’il suscite, sur les équilibresmacroéconomiques. L’annexe situe ces effetspar rapport aux tendances de fond de l’éco-nomie française et précise les difficultés querencontre l’analyse, en l’absence d’instrumentsappropriés.

Annexe nº 4 : Société d’information et nouvellecroissance : examen de certaines approchesétrangères (Japon, travaux américains)

Le rapport japonais Jacudi constitue une ten-tative pour appréhender l’avenir d’une sociétéinformatisée. Sous un angle différent, des tra-vaux ont été menés aux États-Unis afin dedéfinir « l’économie d’information ». L’annexeprésente ces deux démarches, met en évi-dence leurs apports, et en dessine les limites.

Annexe nº 5 : Une approche pour une évalua-tion économique des usages de l’informatique

Il est difficile d’évaluer de manière chiffrée leseffets de l’informatique sur les équilibres ma-croéconomiques, pour des raisons théoriqueset pratiques que retrace le document. Celui-cidéfinit les études qu’il serait souhaitable demettre en chantier.

Annexe nº 6 : L’informatisation de la société :structures d’analyse dans quelques paysétrangers

Le tournant informatique, l’apparition de latélématique, l’évolution des télécommunica-tions ont été étudiés à l’étranger. L’annexedécrit les moyens que se sont donnés lesÉtats pour réfléchir à ces questions.

VOLUME II :INDUSTRIE ET SERVICES INFORMATIQUES

Annexe nº 7 : L’industrie informatique(développement, politiques et situations dansdivers pays)

L’annexe dresse un bilan de l’industrie infor-matique en France, aux États-Unis, au Japon,en République fédérale d’Allemagne, enGrande-Bretagne. Elle situe les atouts de cha-que pays pour aborder, sur le plan industriel,l’ère de la télématique.

Annexe nº 8 : Évolution du marché desmatériels informatiques de 1976 à 1980

Cette annexe fournit des indications chiffréessur l’évolution probable des applications infor-matiques par secteurs économiques.

Annexe nº 9 : Les sociétés de services et deconseils en informatique (SSCI)

Les SSCI françaises ont connu un développe-ment remarquable. Elles constituent aujour-d’hui un élément important pour une nouvellestratégie informatique. L’annexe analyse leursituation et l’évolution qu’elles pourraientconnaître.

VOLUME III :LA NOUVELLE INFORMATIQUE

ET SES UTILISATEURS(ADMINISTRATION ET ENTREPRISES)

Annexe nº 10 : L’informatique etl’administration française

L’administration a connu une informatisationrapide dont l’annexe dresse le bilan. L’avenirde l’informatique administrative ne se conçoitqu’à la lumière d’une réflexion sur l’évolutionde l’administration elle-même : c’est dans cetesprit que de nouvelles structures pourraienttrouver place.

Plusieurs notes jointes complètent cette ana-lyse : elles portent sur l’informatique à la Sécu-rité sociale, à la direction du Budget, à la di-

MÉI « Médiation et information », nº 14, 2001

26

rection générale des Impôts, au ministère del’Équipement, ainsi que sur l’opération pilotedes données administratives (Opida) et sur labanque de données Eneide.

Annexe nº 11 : Les départementsinformatiques internes

L’informatique traditionnelle est demeuréel’apanage des grandes organisations, et deleurs départements informatiques. Ceux-civont évoluer face à la mutation télématique

leur rôle, leur statut, leur politique devrontchanger.

Annexe nº 12 : Les moyens et petitsutilisateurs (MPU)

Le développement d’une informatique peucoûteuse et puissante va entraîner l’appari-tion de milliers d’utilisateurs : moyennes et pe-tites entreprises, professions libérales, com-merçants. Cette « démocratisation » ne sefera pas partout, l’annexe le montre, aumême rythme et suivant les mêmes modalités.

Source : Nora, Simon & Minc, Alain. L’informatisation de la société. Paris : La documentationfrançaise, 1978, 163 pages.

Annexe 2. Assises régionales sur « Recherche et technologie »

Le Colloque : son interprétation

Un événement de cette ampleur ne pouvaitlaisser personne indifférent. Certains doutesse sont manifestés. Peut-être n’est-il pas inu-tile d’en examiner quelques-uns pourapprécier leur bien-fondé.

Certains, par exemple, n’ont pas hésité à direque le Colloque était avant tout une habilemanipulation des scientifiques par un pouvoirpolitique cherchant à élargir sa base sociale.Soutenir un tel point de vue serait mécon-naître la profonde signification de la consulta-tion. À travers elle se sont renoués entrescience et pouvoir des liens qui n’auraient ja-mais dû se défaire, Au cours de la décennieprécédente le pouvoir politique avait perdu lecontact avec la communauté des chercheurset des techniciens. Il était vraiment urgent demettre un terme à cette marginalisation desscientifiques si l’on voulait redonner un projetet un dynamisme à la recherche et à la tech-nologie françaises. Dans ces conditions, pour-quoi parler de manipulation alors que, parexemple, le Colloque a permis à des discipli-nes laissées pour compte de faire entendreleur voix ou à des secteurs en plein dévelop-pement de poursuivre une expansion qui,convenablement canalisée, sera profitable àl’ensemble de la communauté nationale ?

Pourquoi parler de politisation de la recherchequand le Colloque a favorisé l’apparition – quipourrait le nier ? – d’une nouvelle générationd’authentiques scientifiques et techniciensissus des laboratoires ou des centres de re-cherche ou ils travaillaient encore hier, et quisaura faire fructifier, tout au long des annéesà venir, les propositions élaborées au cours

des Assises ou des débats dans les institu-tions ? Il est probable, même s’il est encoretrop tôt pour le démontrer, que le Colloqueaura permis de restituer aux chercheurs et àtous leurs partenaires sociaux, une partie dupouvoir d’analyse et de proposition que l’Étatleur avait jusque-là progressivementconfisqué.

Rôle accru des régions, large ouverture sur lacollectivité nationale, désenclavement dumonde de la recherche, rapports nouveauxinstaurés avec le tissu économique et social,avec le pouvoir politique, dessinent lescontours du profond et inhabituel mouvementqui a conduit les chercheurs à sortir de leurslaboratoires pour dialoguer avec un large pu-blic. Qu’une telle généralisation du dialogueait pu contribuer parfois à donner un tourdéfensif à certaines interventions, voilà qui estsans doute probable. Mais ce réflexe – qui nele comprendrait pas ? – a bien vite disparulorsque les chercheurs se sont rendu compteque ce n’était pas la science qui était visée,dans les discours critiques tenus à son sujet,mais le pouvoir que l’on exerçait en son nom.

Rapidement, scientifiques et techniciens ontcompris que l’important était non seulementde rendre les connaissances plus accessibleset plus ouvertes, mais aussi de considérerchaque citoyen comme un chercheur poten-tiel, de tout faire pour que les savoirs nesoient pas plus obscurs que les ignorancesqu’ils dissipent. C’est le goût de la rechercheet de la création qu’il faut partager et fairefructifier, sans maintenir ou réintroduire dehiérarchies entre cultures savantes et culturespopulaires, culture scientifico-technique etculture littéraire. Le Colloque aura contribué,

« Entretien avec Armand Mattelart » Th. Lancien & M. Thonon

27

parce que tel est le souhait du plus grandnombre, à mesurer l’importance et les limitesde la science dans le développement socialtout en indiquant comment elle pouvait être

mise au service de l’homme. Il fut une consul-tation qui a résolument tourné le dos auXIXe siècle pour faire l’inventaire des perspec-tives ouvertes par le XXIe. (…)

Source : Actes du colloque national « Recherche et technologie ». 13-16 janvier 1982.

Annexe 3. Centre mondial de l’informatique

Introduction : Missions et objectifs

Le développement des nouvelles technolo-gies et, avant tout, en microélectronique, necesse de s’accélérer, transformant les pers-pectives de l’emploi.

La chute des emplois industriels dans tous lespays – le chômage – est la conséquence decette automatisation, de cette informatisation.

Pour que cette transformation inéluctable desusines de l’ère industrielle ne conduise pas auchaos social, il faut généraliser l’autre face del’informatique, celle qui permet de développerles facultés, les capacités de chacun, ouvrantl’ère du transfert des connaissances, du par-tage du savoir.

Il s’agit donc de déployer, à un rythme compa-rable à celui de l’automatisation de la produc-tion, l’union des sciences humaines et desnouvelles technologies dans l’affirmation destraditions et des talents. Cette réponse d’en-semble, par l’appropriation personnelle descapacités informatiques, offre la matrice desnouveaux emplois.

La diffusion de la culture informatique visel’univers individuel pour aboutir non seulementau plein emploi mais au plein emploi desfacultés de chacun.

Le Centre Mondial a pour mission d’irriguerainsi la jeunesse, et toute la population volon-taire, en France et dans les pays associés.

Il s’agit, aussi, d’un lieu de travail, et d’expéri-mentation, pour les savants du monde, trou-vant, à Paris, un environnement puissammentinformatisé pour la capacité d’invention.

++ +

Le contact direct, intime, des hommes et desenfants avec l’ordinateur a permis de consta-ter que l’on pouvait disposer là d’un

instrument unique d’apprentissage de toutesformes de la connaissance. Progrès détermi-nant pour le progrès social, et la création éco-nomique – par le déploiement de la Res-source Humaine.

Ces observations doivent être effectuées surune échelle suffisante, avec les précautionsnécessaires, et une méthode rigoureuse, pardes hommes qui maîtrisent les sciencessociales.

L’implantation concrète d’un certain nombrede projets-pilotes, dans plusieurs régions, enFrance, et dans les pays qui ont un passéindustriel comme dans les pays neufs, permetd’appréhender l’impact, sur le développementdes facultés créatrices et des capacités deformation, des nouvelles technologies micro-informatiques.

L’action sur le terrain, dans des milieux cultu-rels et sociaux diversifiés, a commencé à partirdes outils disponibles aujourd’hui, qui devrontpeu à peu se perfectionner, et dont l’évo-lution pourra alors être infléchie, en connais-sance de cause.

Les expérimentations sociales soulèvent laquestion cruciale de la formation parce quel’observation des mécanismes d’apprentissageest un de nos objectifs, et parce que lademande sociale de formation, fondamentalepour le développement de la Ressource Hu-maine, s’exprime avec de plus en plus deforce.

Un travail d’exploration systématique sur l’en-semble des expériences qui se déroulent, etqui se multiplient, à l’extérieur du Centre, enson sein, ou avec lui, s’est imposé. Le Centrea, ainsi, commencé à jouer le rôle de carrefouret lieu de rencontre, spontané, en mêmetemps qu’il mettait en place ses structures etses équipes. (…)

Source : CENTRE MONDIAL INFORMATIQUE ET RESSOURCE HUMAINE : pp. 2-3. Rapport surles activités en 1983. Paris, 1984.

MÉI « Médiation et information », nº 14, 2001

28

Annexe 4. Rapport Technologie, croissance et emploi

Résumé du rapport

« La revitalisation et la croissance de l’économiemondiale dépendront de nos propres efforts, maisaussi, dans une large mesure, de la coopérationentre nos pays et avec d’autres, en vue d’utiliser leprogrès scientifique et technique. Il importe d’exploi-ter les immenses perspectives ouvertes par lesnouvelles technologies, en particulier en ce quiconcerne la création d’emplois. Nous avons à leverles obstacles au développement du commerce desnouvelles technologies, et à le promouvoir dans lessecteurs public et privé. Nos pays auront à créerles conditions économiques, sociales et culturellesdans lesquelles elles pourront se développer ets’épanouir. Nous avons examiné le rapport que nousa présenté à ce sujet le Président de la Républiquefrançaise. C’est dans cette perspective que nousavons décidé de créer sans délai un groupe de tra-vail de représentants de nos gouvernements et desCommunautés européennes, chargé de présenter,en concertation étroite avec les institutions interna-tionales concernées, spécialement l’OCDÉ, des pro-positions concrétisant ces objectifs que nous avonsidentifiés. Ce groupe devra nous soumettre sonrapport avant le 31 décembre 1982. Les conclusionsdu rapport et les actions qui en résulteront serontexaminées au prochain sommet des pays industria-lisés qui se tiendra en 1983 aux États-Unisd’Amérique. »

Déclaration des sept chefs d’État et degouvernement et des représentants desCommunautés européennes. Château deVersatiles, les 4, 5 et 6 juin 1982.

Conformément aux orientations fixées à Ver-sailles, et à l’initiative du Président de la Répu-blique française, un groupe de travail dereprésentants des sept chefs d’État et degouvernement et de représentants des Com-munautés européennes s’est réuni pour ana-lyser les perspectives offertes par les nouvellestechnologies, les problèmes et les enjeux quileur sont liés, en particulier en ce qui concernela croissance et l’emploi. Le groupe a tenu sapremière réunion le 20 août 1982.

Fonctionnant sur la base du consensus, il aétabli un rapport de politique générale desti-né aux chefs d’État et de gouvernement(Dans le présent rapport, par « gouverne-ment », on entend également les Commu-nautés européennes.). Le rapport s’est voulusélectif : sauf indication contraire, il concernenos propres pays. Il se concentre sur des pro-blèmes auxquels la science et la technologiepeuvent offrir des solutions, sans que ces der-nières ne constituent pour autant de quel-conques panacées.

Au terme de ses travaux, le groupe présente,ci-après, ses conclusions et recommanda-tions :

• Les grands progrès scientifiques et techno-logiques ont, plus de deux siècles durant,radicalement modifié notre mode de vie. Denos jours, ces transformations s’accélèrent.

• La recherche fondamentale est une dessources vives du progrès technologiquedans l’industrie, et devrait bénéficier d’unsoutien gouvernemental tout particulier.

• L’innovation technologique peut jouer unrôle important dans l’accroissement de l’em-ploi et dans l’amélioration des conditions detravail. Il convient de mettre sur pied desprogrammes spéciaux de formation permet-tant de promouvoir la souplesse, la mobilitéet la capacité d’adaptation de la main-d’œuvre.

• Nos nations devraient faire plus et mieuxpour préparer les individus à vivre et à exer-cer leur activité dans une société où la tech-nique joue un rôle de plus en plus grand.

• Ce qu’il advient de nos innovations scientifi-ques et technologiques dépend pour beau-coup de l’accueil que leur réserve l’opinionpublique. Il est indispensable de se préoc-cuper davantage du problème de l’attitudedu public à l’égard des technologies nou-velles.

• Une attention particulière doit être accordéeà la modernisation des industries tradition-nelles par le recours à la science et à latechnologie.

• Le soutien au progrès technologique est as-suré au mieux grâce à une distributionéquilibrée des gains de productivité entreinvestissements et accroissement de laconsommation.

• Il est souhaitable de renforcer par des mé-canismes de réglementation et des testscoordonnés et compatibles un système ou-vert et compétitif entre partenaires qui, touten conservant leur autonomie, travaillent encollaboration. Il est nécessaire de veiller aucontrôle par les gouvernements des trans-ferts des technologies sensibles ayant uneimplication militaire.

• La science et la technologie peuvent con-courir à la solution d’un grand nombre desproblèmes auxquels est confronté le mondeen développement. Les pays en dévelop-pement ayant entrepris de se doter d’infra-structures scientifiques et technologiques,nos pays devraient reconnaître qu’ils sonten mesure de leur apporter un concoursconstructif, sans oublier que c’est aux paysen développement de fixer eux-mêmes, ennations souveraines, leurs politiques et prio-rités nationales.

• L’introduction des nouvelles technologies surles marchés est essentiellement l’affaire des

« Entretien avec Armand Mattelart » Th. Lancien & M. Thonon

29

secteurs industriel et commercial. Un climatde compétitivité est essentiel pour ce typed’innovation car il suscite en permanenceune évolution favorable au progrès techno-logique et, partant, à la croissance écono-mique à long terme. Les gouvernementsdevraient apporter leur soutien aux sciencesfondamentales et aux activités de recheche-développement à long terme et à risqueélevé.

• Les gouvernements doivent créer et assurerdes conditions favorables au jeu de la con-currence et stimuler l’innovation en encoura-geant les inventions et les investissementsinnovateurs.

• Les politiques nationales en matière deréglementation, de fiscalité, de brevets etde commerce conditionnent notre capacitéà innover et à tirer tous les avantages pos-sibles de l’innovation. Nous sommes sensi-bles aux efforts que déploie l’OCDÉ en vuede résoudre certains problèmes rencontrésdans ce domaine et nous les approuvons.Nous réaffirmons notre soutien à la levéedes obstacles à un système ouvert de com-merce multilatéral, au renforcement desrègles dans ce domaine et à la promotiondu développement du commerce des nou-velles technologies, particulièrement en vuede créer de nouveaux emplois, et nouschercherons, par conséquent, à intensifiernos contacts, de façon bilatérale et danstoutes les instances appropriées. À cetégard, le groupe de travail prend note dufait que des discussions sur ces sujets se-ront poursuivies au sein du Conseil duGATT.

• Sources de vigueur pour les nations et deprospérité internationale, la science et latechnologie ouvrent d’immenses perspecti-ves pour la revitalisation et la croissance del’économie mondiale. Elles doivent donc lorsde toutes les prises de décision intéressantle développement national et la coopérationinternationale recevoir l’attention qu’ellesméritent.

• La coopération internationale dans le do-maine scientifique et technologique a faitses preuves. Les gouvernements devraientcontinuer à soutenir la coopération et lesorganisations scientifiques internationales.

• Étant donné les difficultés économiques ac-tuelles et les contraintes croissantes quipèsent sur les budgets nationaux, la coopé-ration internationale est plus que jamaissouhaitable, notamment en faveur de pro-jets de recherche-développement à longterme et à taux de risque élevé.

• La coopération internationale en matière descience et de technologie qui est déjà enplace, doit être maintenue et, au besoindéveloppée. La circulation effective desidées et les échanges de chercheurs doi-vent être fortement encouragés.

• La coopération commencée sous les auspi-ces du présent groupe de travail forme unebase solide pour l’action future et devrait sepoursuivre dans les instances appropriées.

• Finalement, il convient de souligner à noschefs d’État et de gouvernement qu’ils de-vraient tenir compte du rôle que peuventjouer la science et la technologie dansl’amélioration de la croissance économiqueet de la situation de l’emploi, ainsi que dansla promotion de la culture et de l’éducation,intégrer l’apport de la science et de la tech-nologie dans leurs choix fondamentaux etcontinuer d’inscrire ce su jet à l’ordre du jourdes futurs « sommets ».

Le groupe de travail a examiné un ensemblede questions scientifiques et technologiques.Il convenait d’identifier les domaines où lacollaboration internationale est le mieux àmême de faire progresser les connaissanceset d’améliorer les conditions économiques etsociales non seulement pour nos peuples,mais pour l’ensemble du monde.

Nous avons noté qu’une coopération est déjàactive dans des domaines aussi vastes etimportants que, par exemple

– l’exploration spatiale;– les énergies renouvelables;– la recherche sur la sûreté des réacteurs

nucléaires à eau légère;– les forages en eaux profondes.

Nous apprécions cette coopération et encou-rageons sa poursuite dans le cadre des ac-cords bilatéraux et multilatéraux en vigueur.

En outre, le groupe propose les projets decoopération suivants, projets soit nouveaux,soit nécessitant une réorientation importantede nos moyens ces projets ont en vue de

I. Stimuler les conditions de la croissance parune meilleure gestion des sources d’énergiedans les domaines suivants

– l’énergie solaire photovoltaïque ;– la fusion thermonucléaire contrôlée ;– la photosynthèse ;– les réacteurs à neutrons rapides.

II. Assurer une meilleure gestion des ressourcesalimentaires

– les technologies alimentaires ;– l’aquaculture.

III. Améliorer des conditions de vie et d’emploi

– la télédétection spatiale ;– les trains rapides ;– l’habitat et l’urbanisme dans les pays en

voie de développement ;– la robotique avancée ;– l’impact des nouvelles technologies sur les

secteurs traditionnels ;– les biotechnologies ;

MÉI « Médiation et information », nº 14, 2001

30

– les matériaux avancés et les normes ;– l’éducation, la formation et la culture

utilisant les nouvelles technologies ;– l’acceptabilité des nouvelles technologies.

IV. Promouvoir des progrès généraux enrecherche fondamentale

– la biologie ;– la physique des hautes énergies ;– l’exploration du système solaire.

Source : Technologie, croissance, emploi. Rapport aux sept chefs d’État et de Gouver-nement et aux représentants des Communautés européennes. Paris : La documentationfrançaise, 1983.

Annexe 5. Interview d’ Yves Stourdzé

Questions à... Yves Stourdzé

Le 5 mars dernier, l’ANRT a reçu Yves Stour-dzé, directeur général du Centre d’étudesdes systèmes et des technologies avancées(CESTA) pour un débat du cycle « questionsà... » sur le thème : « Technologies avan-cées, révolution intellectuelle et mutationindustrielle ».

Le CESTA a été créé fin 1981. Sa mission estde constituer un centre d’évaluation et depromotion des technologies avancées. Établis-sement modeste, il compte à l’heure actuelleune quarantaine de chargés de mission.

Afin d’être efficace et actif, le champ d’analyseet d’action du CESTA a été circonscrit à troisgrands domaines : les technologies de la pro-duction (automatismes, robotiques avancées,intelligence artificielle…), de l’information (pres-se, nouveaux médias, télécommunications…)et technologies du vivant (génie biomédical,biotechnologies…).

Ces choix ont conduit à deux constatationsqui sous-tendent le mode d’action du CESTA :

– les gisements de compétences de qualitédans chacun de ces secteurs ne man-quent pas : les savoir-faire sont considé-rables tant dans l’industrie que dansl’administration.

– mais chacun de ces sous-ensembles a dumal à communiquer avec les secteurs voi-sins. Notre passé nous a en effet léguédes structures largement verticalisées.

Or les technologies avancées sont des tech-nologies horizontales : elles procèdent géné-ralement de greffes, hybridations, croise-ments, rencontres. L’exercice le plus délicatconsiste à opérer des branchements. Aprèstout la robotique est un « mix » adroit demécanique, d’électronique, et d’informatique.Les produits de communication et d’infor-mation de l’avenir doivent impérativement être

des « mixs » habiles de savoir-faire de lapresse, de l’informatique, de la micro-informatique.

Comme dans toute chaîne, si un maillon faitdéfaut, celle-ci devient inutilisable. Il convientd’inventer de nouvelles formes de gestion etde management qui permettent d’extraire desstructures verticales, la compétence, et de larassembler. Des savoir-faire de nature hori-zontale, – essentiels à tous les niveaux : de lapériode de gestation, de production à ladiffusion – peuvent alors s’épanouir.

Un tel diagnostic rend possible le travail duCESTA. Il ne s’agit pas de substitution ni deduplication : il existe un gisement de compé-tences. Il s’agit au contraire d’identifier dansl’existant ce qui peut servir d’élément de baseà un rassemblement, de mettre en forme uneaction menée par une petite équipe qui per-mette d’agréger en une puissante unité origi-nale les compétences dispersées

Action

Le CESTA met en œuvre des opérations pra-tiques (réalisation de produits tangibles) afinde cristalliser l’effort intellectuel et d’en permet-tre l’utilisation à ses différents partenaires. Lesacteurs décisifs dans le domaine des techno-logies avancées ne demandent pas unestructure à seule fin administrative ou intellec-tuelle, mais une structure qui prenne encompte les séries de phénomènes découvertslorsque l’on s’affronte à une situation concur-rentielle.

À ce titre, le statut mixte d’ÉPIC (Établissementpublic à caractère industriel et commercial) duCESTA est une chance. Il permet à la fois demener une action de service public – justifiéepar un financement public – et de développerune action dans l’univers concurrentiel à éga-lité avec les partenaires. Cette double natureest à exploiter au mieux afin que notre équipesoit sensible à l’aspect service public mais aussi

« Entretien avec Armand Mattelart » Th. Lancien & M. Thonon

31

comprenne les problèmes posés par laconception d’un produit, sa réalisation et ladure aventure de sa diffusion sur desmarchés.

Services et produits

Le CESTA réalise un travail d’évaluation etd’information qui se traduit par l’édition de di-vers ouvrages, actes, dossiers documentaires,publications périodiques, lettres thématiques...Un gros effort a porté sur l’utilisation de micro-serveurs dans la réalisation de lettres télé-matiques pour faire la démonstration que cesoutils permettent une diffusion intéressantede l’information.

Dans le cadre de la formation, le CESTA s’estefforcé de mettre en œuvre des systèmes ori-ginaux, révélateurs de sa volonté de rassem-bler des hommes et des femmes différentspour former des réseaux humains capablesde relever les défis posés :

• 4 séminaires de longue durée (environ 6 à7 mois) réunissant 25 décideurs d’horizonsdifférents pour leur permettre de mesurerles enjeux des technologies avancées ontété organisés en 83-84 puis 84-85, sur lesthèmes suivants : multimédias, technologienouvelle et santé, stratégie de modernisa-tion des activités du tertiaire, PARI (producti-que, automatique, robotique et intelligenceartificielle).

• des journées d’information spécialisées sontorganisées sur des sujets tels que l’automa-tisation en hématologie, l’imagerie à réso-nance magnéto-nucléaire. Elles rassemblentdes professionnels du secteur pour conju-guer les argumentaires de leurs universdifférents, et tracer une voie médiane.

• la didacthèque du CESTA regroupe un en-semble de plus de 600 logiciels en prove-nance de l’Éducation nationale, d’éditeursprivés… mis à la disposition des différentspartenaires. Cette action de formation estcomplétée par des systèmes documentaireset d’informations électroniques. L’accentdans ce domaine est mis sur la ressourcehumaine plus que sur la technologie elle-même. D’excellentes performances ont étéobtenues à partir de matériels apparem-ment bas de gammes : bases de donnéessur micro-ordinateurs, journaux télémati-ques… Démonstration que l’on peut fairebeaucoup avec une technologie tout à faitaccessible.

Une politique régionale

L’effort de formation est en quelque sorteapprofondi par une intervention en région.Bien que l’action du CESTA – étant donné lapetite équipe qui le compose – ne puisse yêtre que catalytique et pointue, une politiquerégionale est développée. Elle a d’abord étéfondée sur des analyses des situations très

contrastées de l’état de l’industrie française :situation mono-industrielle – une analyse aété faite de la situation du délainage à Ma-zamet, de la porcelaine à Limoges –, situationde vieux bassins d’emplois pluri-industriels – enPicardie – zones plus innovatrices telles queles conditions du dynamisme de la régionRhône-Alpes.

Ce travail d’évaluation est conduit sur desfinancements régionaux avec la participationde l’ensemble des partenaires concernés.Une série de services a également été propo-sée aux régions : conférences régionales surl’état des technologies, réunions multidiscipli-naires, systèmes pilotes de formation…

Une politique internationale

Il ne peut y avoir de technologies avancéessans vision internationale. Le CESTA a eu lachance de se voir confié par le Président de laRépublique, le Secrétariat du Groupe « Tech-nologie, croissance, emploi ». Ce groupe aété constitué par décision des chefs d’État etde Gouvernement réunis au Sommet deVersailles en juillet 1982 à l’initiative du Prési-dent François Mitterrand « pour analyser lesperspectives offertes par les nouvelles techno-logies, les problèmes et les enjeux qui leursont liés, en particulier en ce qui conterne lacroissance et l’emploi ». 18 thèmes de coopé-ration ont été arrêtés :

• Technologies alimentaires• Nouvelles technologies appliquées à l’édu-

cation, la formation professionnelle et laculture (ANTEM)

• Trains à grande vitesse• Habitat et urbanisme pour les pays en voie

de développement• Robotique avancée (programme RAM)

Réseau international des biotechnologies• Impact des nouvelles technologies sur les

tissus industriels anciens• Réacteurs à neutrons rapides• Télédétection spatiale• Acceptabilité des nouvelles technologies par

le public• Énergie solaire photovoltaïque• Fusion nucléaire contrôlée• Matériaux avancés et normes• Photosynthèse• Aquaculture• Biologie• Physique des hautes énergies• Exploration du système solaire

Les pays membres de TCE sont la France, laRépublique Fédérale d’Allemagne, le Cana-da, les États-Unis, l’Italie, le Japon, leRoyaume-Uni, les Communautés euro-péennes.

La France est pilote ou « leader » dans8 projets. Le CESTA assure la gestion del’ensemble des thèmes de coopération et

MÉI « Médiation et information », nº 14, 2001

32

anime directement en liaison avec les in-dustriels et l’administration 4 de ces projets :

• Robotique avancée (programme Ram)• Réseau international des biotechnologies• Impact des nouvelles technologies sur les

industries traditionnelles• Nouvelles technologies appliquées à l’édu-

cation, la formation professionnelle et laculture (ANTEM).

Le groupe « Technologie, croissance, em-ploi » est devenu un modèle au plan interna-tional de bonne gestion pragmatique de lacoopération dont l’orientation est ambitieuse :redécouvrir la pertinence d’un certain nombrede notions – à condition de réaliser une véri-table révolution intellectuelle – :

– il s’agit en premier lieu de la notion decoopération : les enjeux, les investisse-ments, les compétences nécessaires sonttels qu’il faut développer un nouveau par-tenariat, mettre en œuvre une formule trèsnovatrice d’un management d’un nouveautype: les programmes coopératifs précompé-titifs. Si l’on regarde attentivement les muta-tions industrielles et la gestion des technolo-gies avancées chez nos partenaires, ons’aperçoit qu’ils savent mixer la déréglemen-tation et un volontarisme aigu en matière degestion des programmes précompétitifs. Cesderniers permettent de faire émerger cettesolidarité horizontale jusqu’en amont de lasaine concurrence entre les acteurs.

À titre d’exemple, les États-Unis ont su fédé-rer leurs efforts dans le domaine de la robo-tique autour du programme ICAM, les indus-triels retrouvent le sens de la coopérationau travers d’organismes tels que la MicroComputer Corporation qui regroupe les

efforts des 12 plus grands industriels del’informatique à l’exception d’IBM. Quant auJapon, nous n’avons rien à leur apprendreen matière de télécommunications pour desrègles de politique dérégulatrice (avec la pri-vatisation de NTT) et le lancement des pro-grammes coopératifs précompétitifs.

Les succès en train d’émerger seront uneillustration de cette stratégie.

– Il s’agit également de la notion de normes :la percée de l’IBM-PC sur le marché dumicro-ordinateur est essentiellement due àla capacité d’IBM d’imposer une norme deréférence, un standard. Dans le domainedu micro-ordinateur bas de gamme, le Ja-pon semble en passe d’imposer sa norme àtravers le standard MSX : la compatibilité à lanorme commune qu’ont permis les program-mes coopératifs précompétitifs s’imposecomme une redoutable stratégie de con-quête des marchés. En matière de logiciel lastratégie développée par UNIX et par ATTmontre bien le besoin d’une stratégie nor-malisatrice : stratégie bien comprise par lesEuropéens et qui vient d’être mise en avantpar les constructeurs en matière de réseau.

Le groupe « Technologie, croissance, em-ploi » nous permet d’être au cœur des pro-blèmes d’échelles internationaux et de diffuserauprès des partenaires français de meilleuresanalyses de l’environnement stratégique.

Aujourd’hui grâce au soutien de nombreuxindustriels et de nombreuses administrations,le CESTA arrive de façon efficace à réaliser samission et à être un acteur dynamique del’évaluation et de la promotion des Technolo-gies Avancées en France.

Source : Stourdzé, Yves : pp. 3-4. « Questions à… Yves Stourdzé ». Politique de la recherche.Nº 1, 1985.

Annexe 6. Rapport Mattelart-Stourdzé

Avant-proposÀ la recherche de la communication

Conquérir l’identité de son champ : c’était lapremière grande question que se devait desoulever sinon de résoudre la mission « Tech-nologie, diffusion de la culture et communica-tion ». Tenter de baliser conceptuellement cechamp qui dans les représentations collectivesest tiraillé entre une dominante esthétique dela culture et une dominante technologique dela communication. Ces deux représentationsse ramifient en de nombreuses variantes,

selon les secteurs qui les véhiculent. Lors-qu’elles opèrent dans l’univers académique,elles ne sont sûrement pas sans relationsavec ce que la tradition scolaire-universitairefrançaise désigne respectivement comme le« littéraire » et le « scientifique ». Tout aulong d’une histoire des idées qui court duXVIIIe au XXe siècle (à travers Auguste Comte– L’âge de la science – et le positivisme logi-que, face aux romantismes, aux philosophiesde l’histoire et aux disciplines del’interprétation) ces deux cultures n’ont cesséde s’éloigner l’une de l’autre, chacune colpor-

« Entretien avec Armand Mattelart » Th. Lancien & M. Thonon

33

tant ses espoirs et ses illusions, mais aussi seshantises et ses tabous, en ignorant d’unemanière plus ou moins délibérée l’existencemême de l’autre.

Aujourd’hui cette scission revient en force ence moment où, sous des modalités très diver-ses, les méthodologies de traitement informati-que induisent un bouleversement des prati-ques consacrées. Comme le remarque unlinguiste à propos de l’introduction des« méthodologies de traitement de textes » qui

entament la compétence de bon nombred’historiens, de philosophes et de gens delettres « L’arrogance et la condescendancephobiques des “littéraires” risquent de les iso-ler de plus en plus (culturellement et politique-ment) face à la patiente et venimeuse modes-tie “utilitaire” des scientifiques de l’archive, quiont l’avenir devant eux » (Michel Pêcheux. Lirel’archive aujourd’hui. En cours de publication).(…)

Source : MATTELART, Armand & STOURDZÉ, Yves. Technologie, culture etcommunication. Rapport au Ministre de la recherche et de l’industrie. Paris : Ladocumentation française, 1982, 214 pages.