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n° 18 automne 2010 publication trimestrielle proposée par le comité du jeune barreau

Numéro 18, automne 2010

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n° 18 automne 2010 publication trimestrielle proposée par le comité du jeune barreau

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Chers Confrères,

L'automne annonce la fin d'une année et la fin de cette année marquera la fin d'une époque.

A l'heure du brunissement irréversible des feuilles de notre CPC et de notre CPP, il eut été de saison d'avoir une pensée pour le Jury, le Juge d'instruction ou encore la Chambre d'accusation, tous voués à se détacher des branches judiciaires par le vent du changement. Mais parce que l'automne n'est finale-ment que le printemps de l'hiver, comme aimait le rappeler Toulouse-Lautrec, ne nous étendons pas sur ce qui va disparaître, mais anticipons les bourgeons annonciateurs des luttes en cours et de celles à venir. Et pour une fois, oublions l'espace de quelques lignes notre petit jardin helvétique pour contempler les étendues qui nous entourent et surtout les gardiens de la flore qui se battent pour que les fleurs du procès équitable puissent éclore.

Car le nombre de troncs pourris par l'iniquité judiciaire qui doivent être abattus est terrifiant.

Au premier rang des déracinements en cours, celui mené pour sauver une vie, celle de Mme Sakineh Mohammadi Ashtiani condamnée à mort pour un « crime » pour lequel deux autres personnes avaient pourtant déjà été condam-nées... A cet égard, il sied de saluer la mobilisation des principales associations internationales d'avocats. L'UIA, le CCBE, la FBE et l'AIJA ont ainsi ratifié le 27 août dernier un appel demandant à ce « qu'un nouveau procès respectant les droits de Sakineh Mohammadi Ashtiani, en présence d'observateurs interna-tionaux, ouvert au public et conforme aux normes de l'équité, du Droit et de la Justice ait lieu, qu'elle y paraisse libre et y soit défendue par les avocats de son choix ».

Prenons ensuite le temps de rappeler la situation critique de Me Firmin Yan-gambi, avocat condamné à mort en République Démocratique du Congo, pour « complot insurrectionnel » par un Tribunal militaire. Son crime ? Il aurait trans-porté trois armes automatiques lesquelles ont mystérieusement disparu avant le début du procès. Qu'à cela ne tienne, aucune preuve matérielle n'a été nécessaire pour reconnaître Me Yangambi coupable et le condamner à mort. La CIB et l'AIJA se sont réunies et des avocats membres de ces associations se sont rendus sur place pour obtenir que les principes élémentaires du procès

s o m m a i r e

le mot du premier secrétaireSimon Ntah

brèves du prétoire

moments de véritéQuestions à Charles Poncet, Avocat

l’envers de la robeNezam Bayat Soirée « à la ferme » d'été

le petit protêtJean-Rodolphe Fiechter Du bonheur de ne pas assumer

paroles d'émigrésNicoals Mossaz LLM Down Under

le décalogueJean-François Ducrest ... ou les 10 souvenirs d'un ancien premier secrétaire

entrée en matièrePierre Bydzovsky La nouvelle procédure et les enjeux pour le praticien en responsabilité civile

défrichage le jardin de cultureSerguei Lakoutine Verso - Genève a ses revers...

soutenez

le Codap

infos pratiques

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Simon Ntah

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équitable soient respectés et que ce simulacre de jugement soit annulé.

Il y a quelques semaines enfin, Me Nasrin Sotoudeh, avocate au Barreau de Téhéran, a été accusée de « propagande contre l'Etat » et de « collusion dans le but d'agir contre la sécurité nationale ». Pourquoi ? Parce qu'elle avait osé dénoncer les pratiques des autorités iraniennes entravant le travail des défen-seurs des Droits de l’Homme. L'Observatoire International des Avocats a lancé un appel rappelant les principes de base relatifs au rôle du Barreau, principes adoptés par le huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants.

Réjouissons-nous de voir ces mobilisations chaque jour plus marquées des as-sociations d'avocats à travers le monde, auxquels nous nous devons, à notre échelle, de nous associer.

Je suis conscient que ces « appels », ces « préoccupations » exprimées par com-muniqué, ces « déclarations d'intention » peuvent parfois paraître plus proches d'une taille de saison au sécateur que d'un coup de hache, mais ils n'en sont pas moins nécessaires. Les racines de l'injustice se doivent d'être attaquées quotidiennement par tous les moyens à disposition pour que la chute du tronc qu'elles nourrissent devienne chaque jour un peu plus inéluctable.

Dédions dès lors cet éditorial, maigre contribution j'en suis conscient, à ces avocates et avocats qui, à travers le monde, font tout pour que la saison à venir soit plus belle que celle qui s'achève.

l e m o t d u p r e m i e r s e c r é t a i r e

Le plus grand groupe de rock’n’roll du Barreau genevois « The ZPG-Sto-nes » se produira tout prochainement à la place du Cirque avec un tout nou-veau tube : « I can gETHNO !!! ».

La TSR annonce la préparation d’un reportage sur le procès BCG inti-tulé « Zappo seul contre tous ».

Marc Tappolet rejoint le Parquet ? Le MP aura Tappo !

Depuis que l’affaire Bettencourt a traversé nos frontières, à Genève on ne dit plus « Aubergiste ?! une pression ! », mais « Tavernier ?! une perquisition ! ».

Me Charles Poncet contre-critique à la prochaine conférence Berryer… ça va saigner de quoi regretter la can-deur du Vice-bâtonnier.

Démantèlement de l’Etude Secré-tan Troyanov (celle-là elle est pour meubler parce qu’au fond, tout le monde s’en…).

Les nouveaux locaux du TBL ju-gés trop luxueux ? Mais enfin, il faut bien que la lourde charge fiscale du citoyen genevois serve au confort des fonctionnaires qui contribuent « effi-cacement » à l’éradication de la crise du logement !

Dernière nouvelle : après les plai-doiries de Me Yaël Hayat et Nicola Meier qui auront lieu mi-décembre prochain devant la Cour d’assises, le jury populaire a d’ores et déjà an-noncé qu’il se donnera probablement la mort…

Les rumeurs disent que Me Domi-nique Warluzel, après plus de 25 ans de métier, entendrait « lever le pied » dès janvier 2011. La question que tout le monde se pose est… sur qui ?

b r è v e s d u p r é t o i r e

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Vous n’êtes plus membre de l’ODA, pourquoi ?Je n’ai jamais eu de goût pour le corporatisme. En France, en Italie, dans beaucoup de pays latins, les Ordres des avocats sont des organisations officielles et vous n’avez d’autre choix que d’en faire partie. Ici, ce n’est pas le cas. L’ODA est une organisation qui ne défend pas les intérêts de la profession ou qui, quand elle les défend, le fait très mal. Elle applique à merveille la fable de La Fontaine « Les animaux malades de la peste ». J’ai été membre de l’ODA pendant un certain nombre d’années. Cette association ne m’a aidé en rien. Au contraire, elle a été pour moi une source d’empoisonnements et de déceptions renouvelées.

Pourtant, un de vos associés s’est présenté dernièrement au Conseil.Je ne revendique pas le droit d’imposer à mes associés la façon dont ils voient les choses. Un de mes associés, par ailleurs ancien Conseiller d’Etat en charge du Département de Justice et Police, je parle bien sûr de Bernard Ziegler, n’est pas membre de l’ODA, lui non plus.

Si, finalement, l’ODA est si mauvais, avez-vous été tenté de rejoindre le Conseil pour le changer de l’intérieur ?Absolument pas. Je me suis heurté très rapidement au corporatisme ambiant. J’ai vécu l’époque (les années 80) où les grandes études américaines et européennes voulaient s’implanter à Genève. Si elles l’avaient fait, Genève abriterait aujourd’hui le gotha des études internationales. Elles se sont cependant heurtées à une levée de boucliers du Conseil, dont les petits membres craignaient que les « étrangers » ne volent leurs clients, alors que c’est évidemment l’inverse qui se produit : les cabinets internationaux amènent du travail aux études locales. Les gens qui ne sont pas capables de comprendre que Genève a intérêt à s’internationaliser et à s’ouvrir sont hélas des cas vraiment désespérés…

On a aujourd’hui des avocats étrangers membres de l’Ordre, des études internationales se sont implantées. Les choses ont cependant changé, non ?

Si vous aviez aujourd’hui un problème différent, mais de même nature, la réaction de l’Ordre serait la même, dès lors que sa structure ne peut générer que le corporatisme le plus borné. Pourquoi voulez-vous que j’y perde mon temps ? Cela dit, j’ai pour cette association, en tant qu’institution, le même dédain que pour l’église catholique ou le parti communiste, mais cela ne m’empêche pas d’avoir de la considération pour certains de ses membres. Il y a à Genève des avocats remarquables, de tous âges, bien que membres de l’ODA…

Quels conseils donneriez-vous aujourd’hui aux jeunes avocats ?Il faut tout d’abord rester en bonne santé, car c’est un métier exigeant. Ensuite - et cela peut paraître banal - il s’agit de beaucoup travailler, car la chance et le talent sont des notions relatives, ce que le travail n’est pas. Les romains le disaient déjà : Labor improbus omnia vincit. Ensuite, ne jamais transiger sur le fait que notre seule mission consiste à défendre les intérêts de celui qui nous consulte, donc ne jamais rien faire qui ne soit pas dans son intérêt ou qui ne soit pas conforme à sa défense. Je dirais aussi aux jeunes avocats d’apprendre les langues. Plus on en sait, mieux cela vaut. Enfin, last but not least, savoir se faire payer, car on ne peut pas aller à l’étude « à poil et à jeun », comme le disait déjà mon père, Jean Poncet.

Est-ce justement par souci de votre santé que vous pratiquez le yoga et la méditation ?Oui c’est vrai (rires). Mais cela dit, j’ai découvert le yoga quand je vivais aux Etats-Unis dans les années septante. Cela ne date donc pas d’hier. Et puis je fais partie de ceux qui s’y mettent pendant quelques mois, régulièrement, puis arrêtent, puis reprennent et ainsi de suite. Il en va un peu pour moi du yoga comme des régimes, où l’on perd dix kilos et on les reprend. Mais il vaut mieux s’astreindre à une vie saine 4 ou 5 mois par année que pas du tout ! Et peut-être un conseil supplémentaire en ce qui concerne la santé : bien avoir la capacité de décrocher des soucis du travail, pour préserver son hygiène mentale.

Sébastien Desfayes, Pierluca Degni et Adrien Tharin

Questions à Charles Poncet, Avocat

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m o m e n t s d e v é r i t é

Vous donnez comme conseil de ne jamais agir à l’encontre des intérêts de ses propres clients, ce qui semble pourtant évident. Est-ce parce que vous avez pu constater ce comportement chez certains Confrères ?

Compte tenu de la dimension de la Suisse, et encore plus de Genève, nous sommes dans une situation permanente de conflit d’intérêts potentiels. Nous avons tous connu des situations où l’on est en présence d’intérêts divergents, où, autour d’une même table, se retrouvent à la fois notre client et un ancien camarade d’école par exemple. Une telle disposition complique évidemment le jeu. Et ce genre de situation ne se retrouve pas à Paris ou à New-York, enfin, jusqu’à un certain point puisque tous les barreaux sont finalement des microcosmes où les acteurs se connaissent. Mais toujours est-il qu’il ne faut jamais transiger sur le fait que notre mission consiste à défendre notre client et cela, quitte à envenimer considérablement nos propres relations avec son adversaire, voire parfois avec l’avocat qui le défend. Et si l’on n’est pas prêt à le faire, alors on ne le défend pas.

Au travail, on imagine volontiers que vous êtes quelqu’un de sévère et d’autoritaire. Quel rapport avez-vous avec vos stagiaires ?

C’est une question qu’il faudrait leur poser directement. Plus on avance en âge et plus on devient paternaliste, bien sûr ! Mes stagiaires sont donc un peu mes bébés ! Mais il y a une chose que je n’ai jamais réussi à faire : traiter UNE stagiaire comme je traite UN stagiaire. Ayant, comme ceux de ma génération, fait beaucoup de service militaire, j’ai vis-à-vis d’un stagiaire de sexe masculin assez facilement tendance à être bourru, en le secouant « pour son bien », lui disant qu’il est absolument nul, qu’il doit ses succès à la chance et ses échecs à la logique ! Bref, la méthode militaire ! (« Messieurs, nous disait-on, vous êtes l’élite de l’armée, suisse paraît-il, donc ce pays est foutu ! » et autres gentillesses…). C’est une attitude que je n’ai jamais pu avoir avec une stagiaire. Cela dit, je crois n’avoir jamais été avare de transmission de connaissance. A eux de vous dire si je le fais bien ou mal. Et il y a un sujet sur lequel je leur empoisonnerai la vie jusqu’à la fin de la mienne : le français ! Les jeunes écrivent de plus en plus mal.

Votre génération comporte des personnalités qui sont devenues des « monstres sacrés » du Barreau. Quel regard portez-vous sur les générations qui ont suivi ?

Elles ont autant de mérite que nous. L’idée que ma génération serait meilleure ou exceptionnelle est farfelue. Comme stagiaire, j’ai eu bien sûr l’influence de mon frère, mais surtout un modèle : Raymond Nicolet. Il parlait une langue admirable, d’une extrême précision tout en restant simple, sans utiliser d’effets de manche. J’ai plaidé une fois avec lui. C’était en cour correctionnelle. Juste après le tirage au sort du jury, il me montra un des jurés et me dit : « Ce type va être élu président du jury. » C’est ce qui s’est produit. Il me désigna le même juré le lendemain et me dit : « Ce type est cocu. » Trois mois plus tard, ce juré venait me voir pour son divorce… Je vous parle de Raymond Nicolet pour vous dire que nous avions des modèles et que nous pensions, nous aussi, qu’il serait impossible de les égaler. Nous avions tort. Aujourd’hui aussi, les jeunes avocats sont tout aussi bons que nous. Il est absurde de penser que la qualité de la profession se perdrait avec le temps. Simplement, avec la concurrence et le nombre, la pente vers le sommet est devenue beaucoup plus difficile. A mon époque, pour ne pas réussir, il fallait vraiment être un bras cassé ou un tocard…

Vous êtes parti aux Etats-Unis étudier à l’Université de Georgetown en 1972, puis vous avez travaillé dans une grande étude de Washington en 1973. Quels enseignements avez-vous tiré de cette expérience ?

Bon, j’ai travaillé… jusqu’à un certain point ! On m’aimait bien chez Arnold & Porter et à l’époque l’accent français faisait encore des ravages chez les jeunes américaines… Les recherches juridiques n’ont ainsi pas toujours été ma première préoccupation. Cela étant, les Américains m’ont appris à décortiquer tous les faits d’un dossier, jusqu’au moindre détail ou, comme ils le disent eux-mêmes, leave no stone unturned.

Washington, 1973, c’est la période du Watergate. Quel souvenir gardez-vous de cette période ?J’ai gardé de nombreux souvenirs très précis. Je me rappelle des audiences de la Commission du Sénat. Quand John Dean, le Conseiller juridique de Nixon, a témoigné devant cette commission, la ville s’est arrêtée de respirer. Les diplomates suisses à Washington disaient qu’il s’agissait d’une tempête dans un verre d’eau. Quelques mois après, Nixon démissionnait… C’était une époque charnière. Et votre génération réalise moins ce qu’était pour nous la guerre du Vietnam. Peu après mon arrivée à Washington, j’ai vu une manifestation contre la guerre avec des hippies entièrement nus brandissant des drapeaux américains et des jeunes conscrits brûlants leurs ordres de marche. C’était un moment marquant. A cette époque, les Américains étaient encore pour moi les libérateurs de 1945.

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Quelle est votre opinion sur le nouveau code de procédure pénale ?On a fait ce que l’on fait toujours en Suisse lorsque l’on procède à l’unification du droit cantonal : on prend le droit zurichois. Le système qui consistait à avoir un parquet différent du juge d’instruction n’était plus compatible avec la complexité de certains dossiers. En soit, le fait d’agréger les deux fonctions est une bonne idée. Cela étant, par rapport au code de procédure italien que je connais un peu, le code suisse est très en retrait : les possibilités d’investigation autonome des avocats sont très limitées, l’interrogatoire ne retient pas la cross-examination, le sténogramme n’est pas prévu, même s’il ne semble pas interdit, etc. C’est un mauvais compromis entre un système accusatoire et un système inquisitoire. Par ailleurs, des questions délicates ne sont pas résolues, comme le moment de l’accès au dossier, et le texte est truffé de fautes de traduction.

Vous avez cité l’influence zurichoise. Vous avez été Conseiller national. On a l’impression que l’influence genevoise au Conseil national a diminué à la suite de votre départ, celui de Gilles Petitpierre et au décès de Jean-Philippe Maître. Cette impression semble confortée par un sondage du SonntagsZeitung auprès des parlementaires.

Je ne suis pas d’accord. Christian Lüscher ou Hugues Hiltpold par exemple et, à gauche, Carlo Sommaruga ou Maria Roth-Bernasconi sont vraiment bons. L’influence se mesure principalement - si l’on fait abstraction du rattachement à un lobby quelconque, ce qui n’a jamais été mon cas - à la capacité de piloter le travail d’une commission. C’est vrai que de mon temps, le libéral de service avait la voie royale : les socialistes partaient à gauche, les radicaux partaient à droite et les démocrates-chrétiens s’abstenaient ou se divisaient comme d’habitude. Le libéral pouvait donc tenir le vote décisif ! En commission des affaires juridiques, j’avais une influence disproportionnée à celle du parti libéral, non pas en raison de qualités particulières, mais par le fruit du hasard.

Pourquoi avez-vous arrêté la politique ?Ma génération a réussi à faire quelque chose d’exceptionnel : prendre un pays qui marchait bien et en vingt ans, le transformer en un bordel - pardon pour le terme - , dans lequel les impôts sont trop élevés, l’état fonctionne de plus en plus mal, les gens n’ont plus d’argent en poche à la fin du mois, la classe moyenne est laminée, les assurances sociales ruinées, les assurances privées aussi d’ailleurs et il est impossible de sortir dans la rue le soir sans se faire attaquer. Voilà l’exploit de ma génération ! Regardez la Suisse aujourd’hui ! Regardez Genève ! On a fait tout faux. Le mieux que nous puissions faire est de passer d’urgence la main aux quadras…

Dans votre lettre ouverte à Marcel Graf (NDR : le dépositaire de la récente initiative pour la réinstauration de la peine de mort en Suisse) du 8 septembre dernier, vous préconisez le retour aux coups de bâton. Simple boutade ? La pratique existe pourtant toujours dans d’autres pays, notamment à Singapour.

Oui c’était plutôt une farce (rires), volontairement écrite de manière ambiguë. Cela dit je ne suis pas certain que ce soit une mauvaise solution, en particulier pour la petite criminalité. La Suisse et les pays de droit civil n’ont jamais inscrit de châtiments corporels dans nos codes modernes. Vous évoquez Singapour, je vous rappelle que le coup de canne était la sanction classique de l’empire britannique à l’époque de la Pax Britannica. Cette pratique n’a survécu qu’à Singapour, en Malaisie, en Tanzanie et au Botswana, ainsi que dans quelques pays du Golfe, mais là avec des abus. Je me demande si on ne devrait pas revenir à un système sanctionnant certaines infractions de manière un peu brutale, une sorte de retour à la fessée. Le cambrioleur qui s’en sort avec soixante jours-amende n’est à l’évidence aucunement dissuadé de recommencer et il n’est pas exclu que deux ou trois coups de bâton soient plus dissuasifs. Au final, plus j’y pense et plus je me dis que c’est une bonne idée (rires) ! Mais cela serait difficile à mettre en pratique et nous devrions dénoncer la CEDH, puis la ratifier de nouveau avec une réserve ! Imaginez-vous le pétard que ça ferait ! Et puis s’il fallait vraiment prendre la chose au sérieux, je n’imagine pas une seconde qu’on puisse bâtonner des femmes.

En parlant de retour à la fessée, seriez-vous favorable à la réintroduction de l’enseignement du grec et du latin ?Totalement. C’est un côté dinosaure que j’assume avec fierté. L’apprentissage du latin devrait être obligatoire pour ceux qui étudient le droit et celui du grec, fortement recommandé. Je suis totalement réactionnaire de ce point de vue. Je trouve que la dictée, l’analyse, la grammaire, le par cœur, le latin, le grec, les taloches et même la séparation des sexes, font partie des impératifs de l’éducation telle que je l’ai connue et je déplore le délire post soixante-huitard qui nous a donné la civilisation d’illettrés dans laquelle nous sommes aujourd’hui.

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m o m e n t s d e v é r i t é

A propos de taloches, vous en donnez régulièrement dans vos « lettres ouvertes ». Etes-vous quelquefois pris de remords par rapport aux blessures que vous pouvez infliger à ceux que vous prenez à partie ?

Je me suis certes amusé à égratigner telle ou telle personne. En revanche, je crois et j’espère n’avoir blessé personne. D’ailleurs je recommande fortement de ne pas se livrer à cet exercice avant d’avoir au moins 55 ans. Il faut avoir des enfants autonomes, moins de besoins d’argent. Le prix à payer est élevé. Mais j’essaye de contribuer, comme Peter Bodenmann d’ailleurs, à stimuler un peu le débat politique en Suisse. Toutefois, curieusement, quand un polémiste de gauche égratigne, cela fait moins grincer les dents que quand c’est un polémiste de droite… La tendance aujourd’hui est à la gauche caviar et au politiquement correct modérément gaucho. Dans la presse, vous lisez aujourd’hui la même chose partout. C’est dommage. Prenez ce qui s’écrit aujourd’hui sur Obama ou sur Berlusconi. De même, il n’y a plus de vraies chroniques judiciaires à Genève : les élucubrations gauchistes de deux andouilles (substantif féminin, comme vous le savez…) en tiennent lieu et c’est fort dommage.

A ce propos, êtes-vous plutôt Fati Mansour ou Catherine Focas ?Mansour me paraît meilleure, plus cultivée en tout cas. Elle a une vision socialiste de la justice, qu’elle défend en déformant souvent les faits, mais avec une assez bonne plume. Elle ne dira pas qu’un cercle est carré, mais que les quatre côtés du cercle sont égaux, si vous voyez ce que je veux dire. Plus globalement, la chronique judiciaire a trop peu de place aujourd’hui.

Le trait de caractère que vous détestez le plus ?La prétention, tout de suite suivie par l’hypocrisie. Vous connaissez la formule de La Rochefoucauld : « L’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu ». Chez un confrère, ce qui me répugne le plus, ce sont les donneurs de leçons d’éthique qui, dans le même temps, se comportent de façon malhonnête. J’ai pu en voir plusieurs exemples affligeants ces trente dernières années, jusqu’à tout récemment.

Une scène de film qui vous a marqué ?Dans Gandhi de Richard Attenborough, lors du procès pour « sédition », Broomfield, le juge anglais interprété par Trevor Howard, dit à Gandhi, joué par Ben Kingsley : « I presume you are conducting your own defence, Mr. Gandhi. » Gandhi, répond, « I have no defence, my lord. I am guilty as charged and if you believe in the system of laws you administer in my country, you should impose on me the maximum penalty. » J’ai beaucoup aimé cette scène où un juge anglais dit à celui qu’il doit condamner toute l’estime qu’il a pour lui et le condamné en fait autant.

Votre personnage historique préféré ?Richelieu sans aucun doute. Un mélange fascinant d’intelligence, de culture, alliant une volonté de fer à une étonnante fragilité. C’était un personnage d’acier, capable d’imposer sa volonté de façon implacable et en même temps, d’une fragilité extrême. Lorsqu’il avait ses crises de fièvre, il passait de l’homme rouge, craint et redouté dans toute l’Europe, à une espèce de petit être égrotant et il craignait tous les jours que Louis XIII ne le chasse. J’ai lu après toutes les biographies de Richelieu et je vous recommande celle de Roland Mousnier, qui est un chef d’œuvre.

Votre personnage de fiction préféré ?Henriette de Mortsauf, l’héroïne du Lys dans la vallée, admirable roman de Balzac. J’ai été amoureux d’Henriette pendant de longues années !

Pourquoi avez-vous envoyé vos filles faire leur droit à Fribourg ?D’abord, parce que l’enseignement y est bilingue. Ensuite, la qualité des cours est bien meilleure. Cela étant, je ne les ai pas « envoyées » à Fribourg. J’ai juste donné une impulsion délicate, en père prudent… J’ai étudié à l’Université de Genève à une époque où il y avait de très grands professeurs, tels Walter Yung, Jean puis Philippe Graven, Robert Patry, Alain Hirsch et mon maître de thèse Charles-André Junod, à qui je dois une reconnaissance éternelle. La qualité de l’enseignement s’est dégradée par la suite et la Faculté de droit de Genève, comme notre Université en général d’ailleurs, n’est malheureusement plus dans le peloton de tête aujourd’hui.

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Après avoir hanté pendant quelques années les rives du lac, la Soirée d’été du Jeune Barreau 2010 s’est déplacée côté campagne. Le thème de la soirée s’est également adapté à cet environnement bucolique, après Saint-Tropez, place au Football, Coupe du Monde oblige.

C’est donc dans la bien nommée ferme Vecchio que les membres du Jeune Bar-reau le plus incroyable du monde se sont retrouvés. Ce samedi 10 juillet 2010, l’air est lourd, on étouffe. Même si le thème de la soirée n’est pas Astérix, on a quand même l’impression que le ciel va nous tomber sur la tête.

Le Comité s’est réuni tôt le matin et s'attelle aux derniers préparatifs, ce qui avec ce temps se révèle être une gageure. Certains portent des tables, d’autres des bancs, l'une scotche les nappes pendant qu’un autre s’époumonne à gon-

fler les innombrables ballons. Il ne faut évidemment pas oublier de balayer la cour, l'ordonnancement de celle-ci ayant été quelque peu dérangé par le passage du troupeau de chèvres de la ferme Vecchio. Les drapeaux des différents pays partici-pant au Mondial sont pendus, et ne tardent pas, comme les ballons d'hélium, à s'agiter et à claquer au vent...

Et oui, alors que nos préparatifs touchent à leur fin, voici que le souffle d'Eole se lève accompagné des éclairs de Zeus. L’orage s’abat sur Vessy, l’eau et le vent détruisent tous nos efforts… Tout est mis à l’abri en catastrophe. Puis enfin la colère du ciel s'arrête, la chaleur diminue, on réinstalle tant bien que mal et tout le monde arrive.

Que du beau monde ! des Paul le Poulpe aux supporters, des arbitres aux terrains de foot, des joueurs aux entraîneurs, tout le monde y est, sauf Zahia...

Le beau temps est donc de retour, on se retrouve, on trinque à coups de rafraichissantes boissons estivales pendant que le grill chauffe. Puis patiemment on fait la file indienne pour déguster une de ces délicieuses brochettes. On passe de table en table, tout le monde discute, de football évidemment, les vuvuzelas percent l’air et les tympans, on s’amuse, on rigole, bref la soirée est bien partie.

DJ Greg fait son entrée de blanc vêtu. Il s'installe aux commandes. La musique envahit la cour, tout le monde à l'intérieur de la ferme, voilà l’heure de danser. Les décibels montent d'heure en heure, un voisin, avocat, ne s'endort pas, maudissant la Lake Parade alors qu'il aurait fallu qu'il blame ses chers Confrères.

Puis, il commence à être tard, les heures passent. La fin de la soirée approche. Les couples se forment, les vuvuzelas ont arrêté de crier, le gâteau géant en forme de terrain de foot s'étale sur le sol, quelque peu aidé par une participante anonyme. Le terrain de sucre à terre, quelques irreductibles gourmets s’y attaquent tout de même. D’autres fins becs s’en prennent au stock de la cuisine, pâtés, chips et brie sont le festin des couche-tard.

Enfin la musique s’éteint. Les lumières avec. La fête est bel et bien finie.

Vivement l’année prochaine.

Nezam Bayat

Soirée « à la ferme » d'été

l ’ e n v e r s d e l a r o b e

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Alors qu’il voyageait à travers les Etats-Unis en 1835, le jeune Alexis de Tocqueville s’étonnait de la propension de leurs habitants à saisir les tribunaux. Expérience faite à New York cet été, ça n’a pas changé. Au contraire, les règles de procédure encouragent toujours autant la voie judiciaire. De plus, étant donné que chaque partie supporte en règle générale ses pro-pres dépens, le demandeur en justice ne prend guère de risques. Ainsi, comme le démontrent les quelques perles relevées ci-dessous, les Américains n’ont pas peur d’en demander trop, ni de présenter des cas ridicules, au risque de se ridiculiser à leur tour.

Prenons le cas de cette quadragénaire qui, un beau jour d’été, s’enduisit de crème solaire avant d’aller se dorer sur une plage de Long Island. Constatant un sérieux coup de soleil, elle se résolut à citer en justice le fabriquant de ladite crème solaire. Il fallait bien trouver un responsable ! Son avocat se chargea d’accuser le fabriquant de tous les maux imaginables et de demander des dommages-intérêts pour un montant ouvrant la voie aux tribunaux de grande instance. Dans son brillant mémoire, il réussit à décrire le coup de soleil et ses effets sur sa cliente en termes fleuris le long d’un paragraphe tout entier. Renseignements pris auprès du médecin traitant, la brave dame souffrait simplement d’hypersensibilité au soleil et se portait à nouveau comme un charme. Elle a tout de même réussi à négocier au passage quelques centaines de dollars... probablement juste assez pour rembourser son mandataire.

Dans d’autres affaires, il ne suffit pas de se réfugier derrière un rapport médical en voulant s’en prendre à un fabriquant. Tel est le cas de la demanderesse affirmant avoir souffert d’une réaction allergique au latex - en utilisant un produit qui s’est révélé ne pas en contenir. Ce produit lui aurait causé, entre autres, des éruptions cutanées et des difficultés respiratoires. Dans ce genre de situations inouïes, il appartient à la demanderesse d’expliquer comment elle a utilisé le produit, au risque d’avouer son comportement inadéquat ou d’exposer sa vie intime... Les demandes de huis-clos à ce stade étant tardives et de toute manière injustifiées, il n’est pas rare de voir ces affaires tourner court après le premier échange de mémoires. Nice try, tout de même !

Cependant, le meilleur des cas rencontrés est sans doute celui du prisonnier attaquant une entreprise pharmaceutique pour l’avoir exposé à l’hépatite B. Il a fait valoir plusieurs millions de dollars à titre de dommages-intérêts, tort moral, domma-ges-intérêts punitifs, etc. Le malheureux n’était pas un novice en matière de consommation et de trafic stupéfiants. Dans sa cellule, il avait constitué des réserves de son antidouleur préféré avant d’être surpris, un beau jour, en flagrant délit. Ses médecins pénitentiaires mirent fin à la prescription de l’analgésique sans tarder. Sur ce, notre ami se retrouva non seulement souffrant mais surtout en manque. Il se crut alors obligé de se fournir auprès de ses compagnons de fortune, les pilules incriminées passant de la bouche d’un contrebandier à celle d’un autre. Il va sans dire que ce procédé, au demeurant discret mais fort peu hygiénique, ne manqua de favoriser la transmission du virus de l’hépatite B (sans toutefois aller jusqu’à causer la maladie). Bien des échanges de mémoires et quelques milliers de pages de procédure plus tard, le juge débouta finalement le demandeur. Il manquait manifestement tout lien de causalité adéquate entre la mise en garde (jugée conforme) contenue dans la notice d’emballage et l’infection, respectivement entre la consommation (en l’espèce illicite) du médicament et l’infection. Le verdict n’aura donc pas été aberrant comme dans certaines causes américaines tristement célèbres (« Ne réchauffez pas votre chien dans le micro-ondes ! »). Mais la résolution du litige aura tout de même coûté quelques milliers de dollars en frais de défense.

En somme, la règle selon laquelle celui qui succombe assume les dépens de l’autre partie me paraît éviter bien des excès. Elle épargne à nos tribunaux des affaires par trop futiles. Cela dit, il serait faux de réduire une comparaison de systèmes judiciaires à ce seul aspect; le système américain doit bien avoir ses avantages.

l e p e t i t p r o t ê t

Du bonheurde ne pas devoir assumer

Jean-Rodolphe Fiechter

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p a r o l e s d ’ é m i g r é s

Melbourne ou Sydney ? Les uns ne jurent que par le côté cosmopolite de Sydney, son climat idéal ou encore sa baie enchan-teresse, les autres vous assurent que Melbourne est plus sophistiquée, qu’on y mange mieux et que ses habitants y sont plus souriants. La rivalité entre les deux anciennes capitales de l’Australie est d’ailleurs telle qu’il aura fallu la création de Canberra - ville dont le seul intérêt est d’induire les joueurs de Trivial Pursuit en erreur - pour apaiser les esprits. Les austra-liens, pour leur part, marquent la différence par cette jolie formule : Sydney rocks but Melbourne grooves. Sans être certain d’avoir bien compris ce qu’implique la nuance, je mets le cap sur Melbourne.

L’arrivée est rude. Après une escale aux parfums d’Asie, me voilà débarqué dans un Backpackers (littéralement un « sac à dos ») rempli de jeunes pré-pubères dont la soif me semble sans limites. C’est le lieu d’inviter tout candidat à une année à l’étranger, que cela soit en Australie ou ailleurs, à anticiper la question du logement. Immédiatement, je pars à la recherche de lieux plus adaptés à la poursuite d’une année académique. J’opte pour une colocation au cœur de la ville - la vie sur le campus m’apparaissant moins séduisante - et me retrouve à partager un appartement avec un couple de néo-zélandais accompagnés d’une australienne. Tous sont tatoués mais finiront par m’accepter tel quel.

Les premières journées sont consacrées à la découverte de la ville et du campus. Melbourne me plaît immédiatement. C’est une ville pleine d’énergie, multiculturelle au possible. L’architecture du Central Business District (CBD) est au premier abord quelque peu déroutante, les gratte-ciels futuristes côtoyant de vieilles bâtisses de style victorien, mais le tout s’accorde finalement assez bien. Et il suffit de se laisser perdre dans l’une des nombreuses ruelles du centre-ville pour véritablement tomber sous le charme. C'est également la ville de tous les sports : il y a les grands classiques, comme le Grand Prix de Formule 1 ou le tournoi de tennis, mais aussi ceux qui font véritablement vibrer les australiens, à savoir le footy et le cricket (je m’interroge encore s’agissant de cette dernière activité). Enfin, la mer n’est jamais très loin, ce qui me conduira très vite à faire l’acquisition d’une vielle Ford pour m’échapper le plus souvent possible vers les plages de surf légendaires du sud de l’Australie.

En ce qui concerne le campus, je suis d’abord surpris par sa taille. Véritable ville dans la ville, l’université de Melbourne s’étale sur plusieurs kilomètres à proximité immédiate du centre et accueille près de 50'000 étudiants, pour la grande ma-jorité asiatiques. Très vite, l’on vous apprend que vous n’êtes plus seul, que vous aurez des tas d’amis et que vous devez à tout prix rejoindre l’une des innombrables associations d’étudiants gravitant autour du campus, allant des plus improbables, comme l’association des amateurs de thé, à la très sérieuse PLSA (Postgraduate Law Student Association, qui n’a toutefois dans mon souvenir comme seule fonction l’organisation des apéros de bienvenue des étudiants étrangers). Pour ma part, je m’empresse de rejoindre le club de surf, essentiellement pour le t-shirt offert aux adhérents.

Un mot sur le format des cours parce qu’il me semble différer. L’université de Melbourne, à l’instar de celle de Sydney, dis-pense la plupart des sujets sur un mode intensif. Cela signifie que les cours sont généralement donnés pendant une semaine à plein temps, l’examen se tenant quelques semaines plus tard. Ce dernier prend soit la forme d’un take-home examination à compléter dans un délai de quatre jours, soit celle d’une recherche juridique en lien avec la matière étudiée. Les avantages de cette formule sont multiples. Cela permet d’abord plus facilement à des professeurs étrangers de venir enseigner hors de leur université. Je garderai à ce propos un souvenir tout particulier de mes professeurs de droit pétrolier, en provenance

LLM Down Under

Nicolas MossazAvocat, LL.M. (Melbourne)

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l e d é c a l o g u e

Je me souviens que « mon » Bâ-tonnier, Pascal Maurer, avait accordé au Jeune Barreau un soutien sans faille; comme quoi je n'ai fait que suivre un bel exemple…

Je me souviens avoir succédé à François Canonica, qui deviendra Bâ-tonnier deux ans après moi; comme quoi en quelques années, j'ai gagné deux places...

Je me souviens que les fêtes du Jeune Barreau étaient à l'époque soutenues financièrement par la SBS; comme quoi tout fout le camp…

Je me souviens que les week-ends de ski étaient bien plus mo-destes, mais qu'on s'y amusait beau-coup; comme quoi le nombre ne fait pas toujours la différence…

Je me souviens avoir pris l'initia-tive de la publication de la brochure « Le mémento du stagiaire »; comme quoi Grégoire Mangeat n'a pas tout inventé…

Je me souviens qu'aux séances du Conseil de l'Ordre, la règle voulait que le Premier Secrétaire s'exprime en premier, assez souvent sur des objets qu'il ne maîtrisait qu'imparfai-tement; comme quoi le premier qui parle n'a pas toujours raison…

Je me souviens avoir fait partie du Comité d'organisation du Cente-naire de l'Ordre des Avocats de Ge-nève; comme quoi mon goût pour les belles fêtes n'est pas nouveau…

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directe du Texas, qui auraient fait passer JR pour un authentique imposteur. Cela donne ensuite une certaine flexibilité dans l’organisation de son travail, et, par corollaire, de son temps libre. C’est finalement l’occasion de se consacrer pleinement, pendant une période donnée, à une matière spécifique du droit sans avoir à jongler entre différents sujets. Au nombre des inconvénients, je citerais peut-être un plus grand isolement, étant précisé que la majorité du temps est consacrée à la préparation des cours et à la rédaction des recher-ches qui exigent un investissement important. Il faut par ailleurs garder à l’es-prit qu’un LLM en Australie est généralement plus long qu’aux Etats-Unis ou en Angleterre, la plupart des étudiants complétant le programme en 18 mois (moyennant quelques longues soirées il est toutefois parfaitement possible de le faire en une année).

Le dernier point méritant à mon avis d’être souligné est la très grande diver-sité de l’offre soumise aux étudiants. En effet, ils peuvent faire le choix parmi plus de 120 sujets, enseignés par des professeurs et des praticiens du monde entier. Ne reste plus qu’à faire des choix cohérents. J’éviterais ainsi des cours à vocation trop locale, tel que le droit relatif à la préservation des minerais australiens, pour me concentrer sur des matières plus internationales. J’invite à ce propos toute personne intéressée à consulter le site Internet de l’université (http://masters.law.unimelb.edu.au/go/courses-and-subjects/subjects-2010).

La pause estivale, de décembre à février, hémisphère sud oblige, sera l’occa-sion d’un fabuleux road-trip accompagné d’un étudiant mexicain. Sans vouloir livrer dans ces colonnes le récit de mes vacances, j’ai conscience que cela n’intéresse en définitive personne, notez simplement que ce fut bien et que j’ai la larme à l’œil en rédigeant ces lignes.

Au final, je conseillerais vivement l’Australie comme destination pour son mas-ter. Le niveau des universités y est élevé, le pays est merveilleux à visiter et offre d’innombrables possibilités, sans dire que la météo y est probablement meilleure qu’à Cambridge. Ces facteurs réunis m’ont longtemps fait hésiter à rester plus longtemps, voire à m’y établir. Le nombre insensé d’amendes récol-tées lors de mes différents périples routiers me poussera cependant à conclure qu’il est plus prudent de quitter le pays.

Jean-François Ducrest ... ou les 10 souvenirs d'un

ancien premier secrétaire

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Ces lignes tracent certains contours du futur contentieux en responsabilité civile. Sont distinguées les figures connues de celles qui le sont moins, à la lumière de décisions récentes, désormais accessibles sur le site de la demi-journée annuelle du Marathon de formation continue de l'Ordre des avocats (www.marathondudroit.ch).

Ce qui ne changera pas, ou presque, au 1er janvier 2011

1. La conciliation obligatoire

L'action en responsabilité civile déposée après l'entrée en vigueur du nouveau Code (art. 404 al. 1 CPC) sera soumise à une conciliation obligatoire. Il en ira différemment si la valeur dépassera Frs 100'000.- et que les parties renonceront à la conciliation (art. 199 al. 1 CPC). Sont réservées les hypothèses du défendeur domicilié à l'étranger, ou introuvable (art. 199 al. 2 CPC).

2. La mise en oeuvre de l'action

a/ Les anciens modèles d'acte serviront toujours, mais l'allégation des faits dans la demande devra être plus précise, par rapport à la pratique genevoise actuelle. Il faudra s'en tenir, conformément à l'art. 221 al. 1 let. e CPC, au principe « un allégué, un fait, un moyen de preuve ». Cela nécessitera, pour certains, une modification des habitudes. La notion de « bordereau des preuves » de l'art. 221 al. 2 let. d CPC, qui doit être joint à la demande (et à la réponse; art. 222 al. 2 CPC), malgré sa lettre, doit se comprendre comme la liste des annexes de l'écriture. Il ne sera pas nécessaire d'y ajouter une liste des témoins énumérés au titre de moyen de preuve1.

b/ L'action pourra être partielle (art. 86 CPC), à savoir ne viser qu'une partie des prétentions du client2. Cette institution, déjà admise par la jurisprudence3, est désormais codifiée. En toute franchise, sauf cas particulier, cette voie ne semble avoir pour elle que l'avantage de limiter les frais judiciaires, fixés en fonction de la valeur litigieuse. Pour le reste, l'action par-tielle complique singulièrement les choses : le solde des prétentions devra faire l'objet soit d'un accord, soit d'un nouveau procès. En outre, l'autorité de la chose jugée ne s'attachant pas, en principe, aux considérants en fait et en droit de la première décision4, l'action partielle fait planer le risque d'une décision contradictoire.

c/ Le fardeau de l'allégation des faits sera supporté par les parties, selon la maxime des débats (art. 150 al. 1 CPC). Le plaideur devra établir les conditions classiques de la responsabilité (en principe l'acte illicite, le dommage, la causalité naturelle et adéquate et la faute)5.

d/ La preuve (art. 8 CC), singulièrement celle du dommage, incombera toujours au demandeur (art. 42 al. 2 CO). S'agissant du préjudice, dans la rédaction de sa demande, l'avocat vouera ses efforts à une alléguation et à la preuve les plus précises et complètes possibles des faits qui constitueront les indices de son existence et de son étendue. Il en va de la diligence du mandataire (art. 398 al. 2 CO). A défaut, comme l'a rappelé le Tribunal fédéral dans l'arrêt relatif au « Pélerin de l'absolu » de Marc Eemans, l'article 42 al. 2 CO n'a pas vocation de pallier les lacunes du demandeur, dans l'apport de la preuve6. Le propriétaire du tableau n'a obtenu aucune indemnisation, alors que le principe de la responsabilité (contractuelle) du transporteur était admise. S'agissant du préjudice ménager, l'avocat songera à requérir et à intégrer à sa demande des rapports médicaux. Il faudra décrire précisément les entraves éprouvées. Il ne suffit plus, selon le Tribunal fédéral, de se

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et les enjeux pour le praticienLa nouvel le procédure

Pierre BydzovskyAvocat, LHA avocats

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référer aux statistiques ESPA et d'alléguer la dévotion de son client à l'en-tretien du ménage. Bien qu'il s'agisse d'un dommage abstrait, le lésé doit et devra prouver qu'il exerçait des tâches ménagères avant l'événement dom-mageable, et qu'il ne peut plus assumer. Ce n'est que lorsque ces éléments de faits sont établis que se pose la question de l'étendue du dommage et qu'interviennent les tables statistiques7.

e/ Les parties disposeront, à l'appui de leurs allégués, des moyens de preuve classiques (art. 168 CPC), auxquels s'ajouteront certaines nouveautés pré-sentées plus bas (let. B). L'expertise privée ne sera toujours pas un moyen de preuve (art. 168 CPC a contrario). Il s'agit - formellement - d'un allégué de fait de la partie qui s'en prévaut8. Néanmoins, dès qu'apparaîtront des faits techniques qui dépasseront les compétences du mandataire, celui-ci pourra songer à requérir avant le procès une expertise privée. Si cette démarche a un coût, elle présentera les avantages suivants :

- Elle facilitera l'estimation des chances de succès d'une action. - Elle présentera un terrain de négociation plus favorable à la résolution

amiable d'un litige. - En procédure, l’expertise extrajudiciaire conditionnera le Juge dans son

appréciation des preuves (art. 157 CPC). Elle influencera la décision relative à la nécessité de recourir à une expertise judiciaire (art. 183-189 CPC)9. A l'instar de la déclaration écrite d'un témoin (witness statement) en procé-dure arbitrale et du renoncement à l'audition du témoin10, la pratique montre qu'il pourra être renoncé à un expert judiciaire en présence d'une exper-tise privée solide. En outre, celle-ci pourra justifier, à certaines conditions, un complément d’expertise ou une seconde expertise11. Les résultats de l'expertise privée permettront peut-être au Juge de s'écarter des résultats d'une expertise judiciaire12. C'est ce qui s'est passé le 9 juillet 2010 dans l'arrêt « fribourgeois », dans lequel la responsabilité de l'Hôpital cantonal de Fribourg a été admise, ensuite d'un accouchement fautif. Une expertise extrajudiciaire de la FMH13 et un rapport d'expert privé (produit par les parents de l'enfant lésé) ont emporté la conviction du Juge, au détriment de l'expertise judiciaire, et de l'établissement hospitalier14. A l’égard de la partie adverse, l’expertise privée contraindra celle-ci, sur le plan pratique, à l'apport de la contre-preuve (art. 8 CC). La partie adverse devra alléguer les circonstances qui susciteront des doutes sérieux sur la réalité des constata-tions alléguées dans l'expertise privée15.

A ces avantages s'ajoute la possibilité d'obtenir, à certaines conditions, l'in-demnisation par le responsable du coût de l'expertise privée comme poste du dommage (art. 41 CO)16.

en responsabil i té civi le

1. Alfred Bühler, Beweis und Beweiswür-digung nach der schweizerischen Zivil-prozessordnung, in : Fellmann / Weber, Haftpflichtprozess 2010, Lucerne 2010, p. 79 ss, p. 83

2. Message relatif au code de procédure ci-vile suisse (CPC) du 28 juin 2006, FF 2006 6841 ss [cité: FF 2006 6841 ss], p. 6900

3. Arrêt du Tribunal fédéral du 21 juin 1988, SJ 1988 p. 609 ss, p. 614

4. Stephen Berti, Zur Teilklage nach Art. 86 ZPO, in : Fellmann/ Weber, p. 39 ss, p. 49; arrêt du Tribunal fédéral du 21 juin 1988, SJ 1988 p. 609 ss, p. 614

5. A noter, sur le plan matériel, l'abrogation de la loi sur la responsabilité des chemins de fer au 1er janvier 2010, au profit des articles 40b ss de la loi fédérale du 20 dé-cembre 1957 sur les chemins de fer (LCdF; RS 742.101). Ces nouvelles dispositions restreignent le champ de la responsabilité aggravée des exploitants du rail.

6. Arrêt 4A_154/2009 du 9 septembre 2009 consid. 4.1

7. Arrêt 4A_23/2010 du 12 avril 2010 consid. 2.3

8. Bühler, op. cit., p. 919. Bühler, op. cit., p. 9310. Rocco Bonzanigo, Le dichiarazioni testimo-

niali scritte nell'arbitrato, in : RSPC 2008 p. 319 ss, p. 319

11. Pierre-Yves Bosshard, La réglementation de la preuve par expertise dans le projet de Code de procédure civile suisse, in : RSPC 2008, p. 333 ss, p. 337

12. Bühler, op. cit., p. 9113. Fédération des médecins suisses14. Arrêt 4A_48/2010 du 9 juillet 2010 consid.

6.3.215. ATF 130 III 321 consid. 3.2 (en droit des

assurances privées)16. Cpr. art. 367 al. 2 CO; ATF 126 III 388

consid. 10b

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Les nouveautés

1. Le type de procédure

Le contentieux sera en principe régi selon la procédure ordinaire (art. 220 ss CPC), sauf si la valeur litigieuse sera inférieure à Frs 30'000.-. Dans ce cas, la procédure simplifiée (art. 243 ss CPC) sera applicable. Celle-ci n'est cependant pas adaptée, à mon avis, au contentieux de la responsabilité civile (cf. art. 245 al. 2 et 246 al. 1 CPC). Ce problème procédural reste néanmoins théorique, la plupart des litiges dépassant très largement la valeur-seuil.

2. Les moyens de preuve novateurs

a/ L'élargissement de la preuve anticipée. Un intérêt digne de protection vrai-semblable suffira pour solliciter une preuve à futur (art. 158 al. 1 let. b CPC). L'urgence ne sera plus requise17. Le législateur indique que ce mode de preu-ve doit notamment servir à évaluer les chances de succès d'une demande en justice18. En réalité, cette institution présente des risques majeurs pour le client. La partie adverse aura connaissance du résultat de la requête, puis-que la procédure sera soumise à la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC). Sur le plan pratique, la requête devra contenir les explications nécessaires relatives à l'état de fait et à l'étendue de l'instruction requise. Il est suggéré d'énumérer précisément les thèmes, voir les questions qui seront abordées - ou posées à un témoin - et naturellement la nature du moyen de preuve sollicité, qui peut non seulement consister dans l'audition d'un témoin, mais qui peut également viser la production d'un titre, en mains d'un tiers ou d'une partie adverse, un transport sur place, la mise en place d'une exper-tise judiciaire, la production de renseignements écrits et l'interrogatoire des parties. Ce moyen de preuve pourra servir, par exemple, à obtenir du maître d'un fichier le dossier intégral issue de la surveillance du lésé19, garanti par le droit légal d'accès aux données (art. 8 al. 2 let. a LPD20).

b/ Le témoin-expert. Le mandataire aura la possibilité de solliciter l'audition d'un témoin disposant de connaissances spéciales (art. 175 CPC)21. Selon le législateur, les appréciations techniques de ce témoin tiendront lieu de « première expertise et de première conclusion »22. Comme tout té-moin, celui-ci devra avoir eu une « perception directe » des faits (art. 169 CPC). On pense, par exemple, au médecin-traitant de la victime de lésions corporelles. A rigueur de texte, l’expert privé ne pourra pas être entendu. Néanmoins, comme celui-ci est parfois déjà entendu en qualité de témoin en procédure civile genevoise, il n'est pas téméraire - et même recommandé - de solliciter l'audition d'un expert privé, si ses constatations sont importan-tes à la sauvegarde des intérêts du mandant. Le sens de la démarche sera, par exemple, de confronter les constatations de l'expert-privé à celles de l'expert judiciaire.

17. Cpr. art. 205, 250 et 323 LPC/GE18. FF 2006 6841 ss, p. 692519. Sur la licéité de la surveillance : arrêt

8C.239/2008 du 17 décembre 2009 consid. 6.1; Stephan Furrer, Anmerkungen zu privatversicherungsrecthlichen Entschei-den des Bundesgerichts, in : REAS 2010 p. 35 ss, p. 36

20. Loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protec-tion des données (LPD ; RS 235.1)

21. FF 2006 6841 ss, p. 693022. FF 2006 6841 ss, p. 693023. FF 2006 6841 ss, p. 6934; François Vouilloz,

La preuve dans le Code de procédure ci-vile suisse, in : PJA 2009 p. 830 ss, p. 846; Björn Bettex, L'expertise judiciaire, thèse, Lausanne 2006, p. 16 s.

24. FF 2006 6841 ss, p. 6933 s.25. FF 2006 6841 ss, p. 693426. Voir néanmoins l'art. 189 al. 3 CPC27. Pour les atteintes corporelles : Gabriela

Riemer-Kafka, Expertise en médecine des assurances, Berne 2008, p. 14 s.

28. Sur ces questions, pour les expertises médicales et les liens économiques entre l'expert et les entreprises d'assurance, cf. l'avis de droit de Jürg Müller/Johannes Reich, disponible en ligne à l'adresse www.humanrights.ch/home/upload/pdf/100422_Rechtsgutachten_IV.pdf (consultation le 10 septembre 2010); contra : Kaspar Gerber, Die MEDAS (ein-mal mehr) im Kreuzfeuer der Kritik, in : RSAS 54/2010, p. 364 ss

29. Christoph Hurni, Gedanken zur künftigen Anwendung der neuen Schweizerischen ZPO durch das Bundesgericht, in : recht 2010, p. 88 ss

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c/ L'expertise-arbitrage. Il s'agit d'une convention par laquelle les parties char-geront un tiers, jouissant de connaissances spécifiques, de procéder à une constatation de certains faits qui liera les parties23. Cette expertise pourra avoir lieu hors ou pendant le procès, jusqu'à la fin de la procédure proba-toire24. S'il faut saluer l'intention du législateur, qui est d'éviter des procès irréfléchis25, cette institution présentera des risques majeurs pour le client :

- L'expertise-arbitrage peut intervenir trop hâtivement. Pour les dommages progressifs, notamment les atteintes corporelles, il n’est pas rare que l’éten-due du dommage ne soit connue qu’ensuite de l'écoulement d'un longs laps de temps après la survenance de l’acte dommageable.

- L'issue de l'expertise arbitrage sera (en principe)26 définitive. Un résultat défavorable aux intérêts du client pourra potentiellement anéantir les chan-ces de succès d'une action en justice. Dès lors, avant toute chose, l'avocat prendra soin de rendre son client attentif aux conséquences de son choix. En réalité, cette voie ne devrait être suivie que si l'avocat dispose d’un dos-sier solide, étoffé par plusieurs expertises extrajudiciaires concordantes. Le choix de l'expert-arbitre sera alors déterminant. Le mandataire devra vérifier minutieusement les garanties présentées par l'expert, à savoir ses solides connaissances techniques27, une vaste expérience, son indépendance, l'ob-jectivité et la neutralité28. Les conditions auxquelles le Juge pourra refuser la prise en compte d'un rapport d'expert-arbitre - l'impartialité et l'erreur manifeste - seront restrictives (art. 189 al. 3 let. c CPC).

3. Le recours au Tribunal fédéral

Le Tribunal fédéral disposera d'un plein pouvoir de cognition sur l'application des règles de procédure, puisqu'il s'agira de droit fédéral (art. 95 let. a LTF)29. En présence d'un vice de procédure, le mandataire échappera ainsi aux exigences de motivation qualifiées de l'art. 106 al. 2 LTF. Il ne sera plus nécessaire d'expli-quer au Tribunal fédéral à quel point, dans le cas particulier, la violation de la loi de procédure civile genevoise heurtait de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité...

Conclusion

Le Code de procédure civile suisse ne révolutionnera pas la pratique du conten-tieux de la responsabilité civile. Les institutions procédurales novatrices, conçues (notamment) pour limiter le nombre de procédures judiciaires et dé-charger les tribunaux, devraient favoriser, demain plus encore qu'aujourd'hui, la résolution des litiges en responsabilité civile par la voie de la transaction extrajudiciaire. Si la négociation est bien préparée, les intérêts du mandataire n'en seront que mieux servis.

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l e d é c a l o g u e

Je me souviens avoir emmené, c'était une première, les meilleurs orateurs de la Jeune Barre se mesurer à Paris à leurs confrères canadiens, belges et français; comme quoi, au vu des succès répétés à Paris, Montréal et Lomé, ce fut une bien heureuse initiative…

Je me souviens d'interventions parfois nécessaires à l'encontre de maîtres de stage négligents; comme quoi rien ne change…

Je me souviens que la campagne pour l'élection au Bâtonnat se faisait alors de manière beaucoup plus dé-contractée qu'aujourd'hui; comme quoi les temps sont durs…

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(suite de la page 11)

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d é f r i c h a g e - j a r d i n d e c u l t u r e

Un film suisse : événement assez rare…. Un film suisse sur Genève : la rareté s’intensifie... Un film suisse sur la police genevoise : exceptionnel !! Cela mérite franchement que l’on y consacre un article.

J’ai donc assisté à l’avant-première de « Verso » diffusée début mars de cette année à Balexert. Que du beau monde : personnalités genevoises et roman-des comme Chris McSorley, Esther Mamarbachi, le rappeur Stress, hommes et femmes politiques, magistrats et, bien sûr, les fonctionnaires de police.

Avant le début de la projection, le réalisateur du film, Xavier Ruiz (auteur de « Neutre », « Geisha » et « Love Express ») a remercié les membres du groupe d’intervention de la gendarmerie genevoise, en regrettant de ne pas pouvoir révéler leurs noms, tout en précisant qu’ils se trouvaient dans la salle. Nul besoin toutefois d’être un génie pour repérer les membres des forces d’élite de notre police parmi les spectateurs…

« Verso » montre un autre visage de Genève, que beaucoup de gens ignorent : violences, brigandages, vols, trafics de drogue, drames humains. Cela se passe du côté de chez nous, et tous les jours. Je pense que même les avocats fréquentant jour-nellement le Palais de justice sans parler de Champ-Dollon, surpeuplé et au bord de l’explosion, et censés avoir une image reflétant un certain côté sombre de la ville seront surpris de découvrir Genève sous l’angle proposé par ce film.

C’est précisément l’un des intérêts de cette œuvre : nous faire réaliser que nous vivons dans une ville moderne, au milieu de l’Europe, avec ses qualités et ses défauts. Genève comporte en effet deux facettes : celle de la carte postale prônée par les hôteliers et les banquiers, le « recto », et celle de la criminalité, le « verso », à laquelle nos flics doivent continuellement faire face.

Par ailleurs, le film nous incite à réfléchir sur les changements radicaux de l’année 2011, amenés à bouleverser notre profes-sion. Nous devons notamment prendre conscience que, désormais, de par l’introduction de l’avocat de la première heure, le policier fera son entrée fracassante dans les terres de la basoche, tout comme l’avocat s’immergera dans les eaux bleues des postes de police. Jusqu’à maintenant, les policiers et les avocats ne se côtoyaient pas, ils vivaient dans des univers quasiment parallèles. Nos interlocuteurs étaient des magistrats : juges d’instruction, substituts, juges du fond. Les policiers étaient loin, très loin, cachés dans des rapports figurant au dossier, sous des appellations peu compréhensibles « J8602, CBR; IPa J0517 », cités comme seuls témoins ou postés dans des salles du Palais lors des audiences, immobiles et silencieux.

A partir du 1er janvier 2011, tout va changer. Nos mondes vont se rencontrer de façon abrupte, jour et nuit. Il faut alors appren-dre à se connaître, à discuter, et à travailler ensemble; sans plus attendre, car le temps nous est compté et qu’une collision s’avérerait aussi improductive que contraire à l’intérêt bien pensé de notre justice à tous.

* Verso, film policier de Xavier Ruiz, Suisse (2009).

Verso -

Genève a ses revers...

Serguei Lakoutine

A v e c l e s m u s i q u e s d e s T R e s s - s A m A e l - P O l A R - A l O A N

C h a q u e v i e a s o n r e v e r s .

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sous toutes réserves n°18 automne 201017

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Le Codap est un centre de ressources créé à Genève en 1986 pour soutenir et promouvoir l'engagement des jeunes en faveur des droits de l'Homme en Suisse et dans le monde entier.

Chaque année, il organise un cours inter-national, le Cours de Formation de Base à l'action en faveur des droits fondamen-taux (CFB), à Genève. Des jeunes enga-gés dans la défense des droits humains viennent bénéficier de l'expertise réunie dans notre ville en matière de droits international des droits de l'Homme et renforcer leurs compétences.

Depuis 1987, plus de 625 personnes ont suivi ce cours. Ce travail de fond est désormais reconnu tant par la société ci-vile de nombreux pays que par plusieurs instances internationales. Il a permis de développer des projets inédits et de ren-forcer de nombreux processus portés par les jeunes, tels que le lancement d’une revue d’analyse des violations des droits fondamentaux en Algérie, la mise en pla-ce d'Universités d'été des droits humains à Ouagadougou pour l'Afrique de l'Ouest, ou encore la participation à la mise en place de nouveaux systèmes politiques plus démocratiques en Ukraine, Kirghizis-tan et Moldavie.

Chaque participant représente un coût total de 3'000 CHF (transports, héberge-ment, nourriture, cours, documentation, ateliers, etc.). Afin de garantir l'accès à tous les jeunes militants des pays du Sud et de l'Est, le Codap assure l'essentiel de ces coûts par la récolte de fonds.

Votre soutien est donc essentiel pour en assurer le déroulement en 2011. Votre don, petit ou grand, permettra à des jeu-nes défenseurs des droits fondamentaux de multiplier leurs impacts sur le terrain. D'avance, merci pour votre générosité !

Codap - 5 rue Liotard - 1202 Genève (Banque can-tonale de Genève, IBAN : CH14 0078 8000 K077 5830 5). Vous avez également la possibilité de nous contacter au 022 735 93 94 ou de faire vos dons en ligne sur notre site www.codap.org.

soutenezle codap

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N’hésitez pas à nous envoyer vos textes, vos idées, vos suggestions. Nous en ferons bon usage…

le petit protêt Je suis stagiaire, je suis jeune avocat, je ne suis pas content, je m’insurge, je crie, je… Utilisez le petit protêt pour nous parler de votre Moi.

entrée en matière Un article de fond, écrit par un jeune avocat spécialisé. Sans être trop scientifique, la contribution permet aux lecteurs de mieux comprendre un sujet juridique particulier.

moments de vérité Par la magie d’un questionnaire de Proust revisité, les moments de vérité permettent d’aborder mille et une questions inédites avec des personnalités qui comptent dans notre microcosme judiciaire. Qui veut se laisser sonder ?

paroles d’émigrés La voix de ceux qui se sont éloignés de Genève, pour un LL.M, pour un séjour dans une étude étrangère, pour un stage en entreprise, etc. Nous leur donnons la parole, pour qu’ils nous disent où, quand, et pourquoi partir… ou qu’ils nous expliquent les raisons qui font qu’ils ne reviendront jamais.

le décalogue Conseils, commandements, souvenirs ? vous avez la parole en 10 points…

brèves du prétoire Vous voulez cogner sans faire mal, vous voulez égratigner au rabot : les brèves racontent les gens comme ils se montrent…

l’envers de la robe Vous n’avez pas participé à l’un des évènements de l’Ordre des avocats : nous vous le décrivons, l’analysons, sans jamais taire les dérèglements en tous genres…

défrichage - le jardin de culture Donnez-nous envie de lire un livre. Donnez-nous envie de voir un film. Faites-nous rêver après avoir lu, vu, senti, ruminé, l’une ou l’autres des œuvres parues dans l'environnement du droit et de la justice.

coup de crayon, coup de canon Au départ, ce n’est qu’un petit dessin humoristique, anonyme ou signé. Au final, ce sera peut-être un prétexte pour un meurtre, une révolution, ou des histoires d’amour…

le passé nous parle L’exhumation d’un document d’archives permet de rappeler des choses essentielles… Parce que tout n’est pas périmé sept jours après sa sortie…

infos pratiques Tout ce que vous devez savoir, en temps réel, pour ne pas prendre le risque de mourir idiot.

Le prochain STR vous appartient !

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Cérémonie solennelle du Brevet d'avocat

le 11 décembre 2010 à 11h, salle A3 Palais de justice

Conférence Berryer

le 9 décembre 2010 à 18h30

au Palais de justice

Impressum

Prochaine parution : début 03/2011

Délai rédactionnel : 15/02/2011

Comité de rédaction :Sébastien Desfayes / Pier-Luca Degni

Tirage : 1'500 ex.

Adresse :Jeune Barreau, rue des Chaudronniers 5, 1204 Genève www.jeunebarreau.ch

Conception graphique : Céline Mangeat Visconti / cmavi

i n f o s p r a t i q u e s

Dates d'examens « intermédiaires » du brevet :

° Procédure administrative : 25/11 de 14h à 17h, Uni mail (U600)

° Déontologie : 30/11 de 9h à 12h, salle du Grand Conseil

° Procédure pénale : 2/12 de 14h à 17h, Uni mail (U600)

° Procédure civile : 9/12 de 14h à 17h, Uni mail (U600)

Dernier délai pour les inscriptions : 19/11 à 16h

Dates d'examens pour l'année 2010 :

° Examen final du brevet d'avocat (session de novembre 2010) :

° Examen écrit : 6/11

° Epreuves orales : 10/11 et 15/11

° Résultats : 7/12

Rentrée solennelle du barreau de Montréal, nous y étions ! Genève a d’ailleurs remporté le 1er prix du concours d’éloquence Paris-Montréal (Me Anne Ritz) et le 2e prix du concours équivalent pour les anglophones (Me Adrien Tharin). Bravo !

Page 20: Numéro 18, automne 2010

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