44
Commission européenne numéro spécial juin 2007 research eu magazine de l’espace européen de la recherche éducation apprivoiser la science ISSN 1023-9006

numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Commission européenne

numéro spécial – juin 2007

researcheumagazine de l’espace européen de la recherche

éducation

apprivoiser la science

ISSN 1023-9006

Page 2: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Vous pouvez vous abonner gratuitementau magazine via le site webhttp://ec.europa.eu/research/research-eu

Vous pouvez aussi remplir ce coupon en caractèresd'imprimerie et le renvoyer à l'adresse suivante :research*euML DG1201Boîte postale 2201L-1022 Luxembourg

Nom : ...........................................................................................................................................................................

Organisation : ............................................................................................................................................

Adresse : ...............................................................................................................................................................

..................................................................................................................................................................................................

Code postal : ................................... Ville : .....................................................................................

Pays : ............................................................................................................................................................................

Version(s) linguistique(s) souhaitée(s) :□ française □ anglaise□ allemande □ espagnole

Si vous souhaitez recevoir plusieurs exemplairesd'une même version linguistique, veuillez adresservotre demande, avec votre adresse complète et unecourte justification• par courriel

[email protected]• par fax (+32-2-295 82 20).

Pour obtenir un ou des exemplaires de numérosantérieurs, veuillez envoyer un message par courrielou par fax.

research*eu

Rédacteur en chefMichel Claessens

Relecteurs versions linguistiquesJulia Acevedo (ES), Stephen Gosden (EN),Régine Prunzel (DE)

Coordination généraleJean-Pierre Geets, Philippe Gosseries,Flore Vaucelle

Coordination rédactionnelleDidier Buysse, Christine Rugemer

JournalistesDidier Buysse, Kirstine de Caritat,Stéphane Fay, Jean-Pierre Geets,Carlotta Franzoni, Cyrus Pâques,François Rebufat, Christine Rugemer,Yves Sciama, Mikhaïl Stein,Alexandre Wajnberg

TraductionsElena Rista (coordination), Vicky Giougly (directrice de rédaction ),Martin Clissold (EN), Silvia Ebert (DE),Consuelo Manzano (ES), Karen Rolland (FR)

GraphismeGérald Alary (chef de projet),Gregorie Desmons (création),François Xavier Pihen (mise en page),Gaëlle Ryelandt et Yaël Rouach (coordination et suivide production), Daniel Wautier (correction des épreuves)

Version Web Sabine Travers (Web Designer ),Giannis Tsevdos (Web Editor )

En couvertureJeu avec une boule de plasma,au Microcosm du Cern.© Cern

Production généralePubliResearch

ImpressionEnschedé/Van Muysewinkel, Bruxelles

Ce numéro a été tiré à 118 000 exemplaires.Toutes les éditions de research*eu sontconsultables en ligne surhttp://ec.europa.eu/research/research-eu

Éditeur responsableMichel ClaessensTél. : +32 2 295 9971Fax : +32 2 295 8220Courriel : [email protected]

© Communautés européennes, 2007Reproduction autorisée,moyennant mention de la source

Ni la Commission européenne ni aucunepersonne agissant au nom dela Commission ne sont responsables del’usage qui pourrait être fait desinformations contenues dans cettepublication ou des erreurs éventuelles qui,malgré le soin apporté à la préparationdes textes, pourraient y subsister.

Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Le chaînon manquantLes articles de ce numéro spécial présentent divers éclairages européens et expériencesoriginales d’éducation à la science, intéressants parce que fort éloignés (pédagogiquementet géographiquement parlant) et complémentaires des méthodes dites « classiques ».Parallèlement à l’enseignement scolaire, ces propositions s’inscrivent dans des lieux et destemporalités informels où chacun peut s’exprimer, expérimenter et «faire des erreurs».Mais on se gardera bien ici de toute classification manichéenne des acteurs impliqués !Même si le numéro est principalement dévolu à ces nouvelles démarches, n’y voyonspas une critique implicite de l’enseignement et de son approche rigoureuse – voire austère – des sciences, corollairerapide d’une célébration des organisations qui les consacrent de façon plus attractive ou ludique. Ne dévionspas vers des pédagogies en confrontation, l’une désuète et obsolète, l’autre apparaissant comme « la voieroyale », et renforçons plutôt leur combinaison. Car en science, rigueur et légèreté, calculs et émotions, savoir etinteractivité, tekhnê et logos peuvent et doivent aussi faire bon ménage. Ce qui passe par une accentuation desliens entre les approches classiques et novatrices de la science. Combien d’enfants se rendent dans un muséeou un centre de sciences au moins une fois par an ? Un signe encourageant est l'augmentation du nombre devisites rapportée par l’enquête Eurobaromètre de 2005.Et ce sont peut-être les scientifiques qui, les premiers, devraient donner de la voix – et la voie. Par exemple enrappelant et en incarnant le fait que la communication est aussi la science. La position du physicien des hautesénergies Michel Crozon est, à ce titre, exemplaire – et malheureusement rarissime : « Je vulgarise pour mieuxcomprendre ce que je fais. » Si les jeunes boudent les options scientifiques et techniques, c’est sans doute moinsen raison des contenus scolaires que de l’image de la science généralement véhiculée : une entreprise labo-rieuse, mécanisée voire déshumanisée.

Michel ClaessensRédacteur en chef

Magazine de l’Espace européen de la recherche, soucieux d’élargir le débat démocratique entre science et société,research*eu est rédigé par des journalistes professionnels indépendants. Il présente et analyse des projets, des résultatset des initiatives dont les acteurs, hommes et femmes, contribuent à renforcer et à fédérer l’excellence scientifique et technologique de l’Europe. Publié en anglais, français, allemand et espagnol, à raison de dix numéros par an,research*eu est édité par l’Unité Communication de la DG Recherche de la Commission européenne.

Les opinions présentées dans cet éditorial, de même que dans les articles de ce numéro, n’engagent pas la Commission européenne.

Page 3: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

4 Apprivoiser la science

Image et perception de la science

6 PortraitHowy, pile et faceGros plan sur Howard Jacobs, un chercheurémérite, qui n'en a pas les apparences.

7 Étude RoseLes valeurs et les choixEntretien « décoiffant » avec Svein Sjøberg et Camilla Schreiner, de l'université d'Oslo.

10 PédagogieDonner sa chance à la scienceLe Groupe Rocard a été chargé par laCommission d'étudier de nouvelles lignesd'actions pour l'enseignement des sciences.

Partager la curiosité12 La Caixa

Les muses de la connaissanceRencontre avec Jorge Wagensberg, directeur du Musée de la science de la fondation la Caixa, à Barcelone.

14 La main à la pâteUn « cas d’école » exemplaireLa main à la pâte inspire depuis une décennie une multitude de projets destinésaux jeunes enfants.

15 PollenQuestion d’essaimageÀ travers une approche « locale », douze« villes-pépinières » stimulent les élèves, les enseignants et les acteurs locaux à s’intéresser à la science.

16 RobertaDes robots et des fillesComment sensibiliser les filles à la technologie ? Par le jeu.

17 Mar-EcoLes encyclopédistes des océansExemple de partage du savoir et d’imagination, le projet Mar-Eco est couronné par un Prix Descartes de la communication scientifique.

18 Et caeteraD’autres initiatives croisant l’univers scientifique, le monde de l’éducation et le grand public.

Transmission & impulsion20 Témoignages

La recherche, passionnémentPourquoi avoir choisi la science ? Le point de vue de quelques indéfectibles.

22 ItinéraireUn surdoué de la chimie Tomasz Wdowik, 19 ans, lauréat du Concours européen des jeunes scientifiques.

23 Universités-ÉcolesPédagogie helvétiqueL’université de Genève ouvre la voie à de nouvelles manières d'apprendre, multidisciplinaires et… intercontinentales.

24 XploraProfs assistés par ordinateursInitié par European Schoolnet, Xplora propose une immense médiathèqueen ligne de l’enseignement scientifique.

26 Et caetera

Le duo science-société28 Musée

Un classique dans le ventReportage au Natural History Museum deLondres, un lieu qui réussit à conjuguer missions scientifiques et partage desconnaissances.

30 Città della ScienzaÉloge de l'informelEntretien avec Luigi Amodio, sociologue,directeur de la Città della Scienza de Naples.Un vivier de l´avenir high-techÉtat des lieux d’une « cité » tournée vers le futur.

32 Café scientifiquePropos de comptoir de haut vol…Gerard ‘t Hooft, Robbert Dijkgraaf et la théorie des cordes hors des amphis.

33 EthnicDes couleurs pour la sciencePistes pédagogiques pour l’égalité des chances.

34 Cap SciencesUne question de culture…Reportage au centre de sciences de Bordeaux. Un espace placé sous le signe de « l’exploration ».

36 Et caetera

Les exemples de l’excellence38 Science on stage

Un festival pour l'enseignement des sciencesUn espace où les enseignants discutentpédagogie, présentent leurs innovations,confrontent leurs points de vue.

40 ESAÀ la conquête de l’univers… de la jeunesseGrâce à l’ESA, l’aventure spatiale est à portée de mains. En un clic ou via des stages et formations.

41 EMBLUne formation par et pour la rechercheEn partenariat avec 26 universités, l’EMBL délivre une cinquantaine de doctorats chaque année.

42 EFDAÉducation en fusionL’EFDA prépare, notamment, les spécialistesqui travailleront bientôt sur le projet ITER.

43 Et caetera

44 Image de scienceUn artiste à bordGouache d’Ørnulf Opdahl

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007 3

SOMMAIRE

Page 4: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Nous sommes entrés dans lasociété de la connaissance. Lascience et la technologie (S&T)font partie de notre quotidien. On

ne cesse de le répéter. Serait-ce en raison decette proximité que l’image de la science semblebattre de l’aile et ses aventures avoir perdu deleur héroïsme? On pourrait le croire, dans lespays les plus avancés, où les générations mon-tantes boudent les options S&T lors de leurcursus scolaire – et a fortiori dans leurs choixde carrière. Même si ces constatations méritentdes nuances, les résultats de différentesenquêtes (Eurobaromètre, Pisa, Rose, TIMSS)dessinent la même tendance.Cette désaffection interpelle les responsablesde l’éducation et les enseignants, les centresde recherche et les scientifiques, les acteurs del’éducation informelle ainsi que ceux des sec-teurs économiques et industriels. Commentl’expliquer ? Comment y remédier ? Au niveau européen, par exemple, l’unitéEurydice, soutenue par la Commission, a analysél’enseignement des sciences dans 30 pays(1).Les auteurs se sont centrés plus particulièrementsur la formation des enseignants, les programmesscolaires et les évaluations standardisées desélèves. Remontant en aval, ils soulèventnotamment la question des formateurs desenseignants en sciences en soulignant que« les réglementations centrales se centrent biendavantage sur leurs qualifications scientifiquesliées au contenu que sur leur expérience dansla recherche en matière d’éducation ». Ils seposent également «des questions sur la façondont les futurs enseignants sont armés pourmettre en place des approches innovantes » etcelle « du développement d’un raisonnementscientifique des enseignants eux-mêmes ».Le «Groupe Rocard», nommé par la Commission,recommande quant à lui un changement radicaldans l’enseignement des sciences (voir p. 10).Ce numéro spécial présente des projets visantà apporter un appui pédagogique aux profes-

seurs – dont il n’est pas question de faire desboucs émissaires. Certaines initiatives, souventmises en place par les grands centres scienti-fiques transeuropéens groupés sous le labelEIROforum (pages 38 à 42), concernent laformation des enseignants. D’autres privilégientla mise en réseaux des initiatives éducatives(Ecsite, Xplora, Pencil, Pollen). Les musées etcentres de science, dont quelques exemplessont proposés (Barcelone, Londres, Bordeaux,Naples), favorisent l’approche informelle, encomplément de la pédagogie scolaire. Quantaux universités, et aux chercheurs eux-mêmes,ils peuvent se montrer pleins d’imaginationpour travailler avec les écoles, voire un pluslarge public (Mar-Eco, climaTIC-suisse).Au-delà de ce foisonnement d’actions visant àrevivifier le goût de la science, les causes del’indifférence et/ou du désenchantementméritent qu’on s’y arrête. Décodant la vasteétude Rose (page 7), Svein Sjøberg et CamillaSchreiner passent au crible la « culture jeune »des pays industrialisés, les images et lesvaleurs qu’elle véhicule. Mais ils pointent aussidu doigt le problème de la participationdémocratique et de l’importance – pour tous –de comprendre la signification de la S&T dansnotre vision du monde et notre manière devivre. Cette dimension guide aussi la démarcheengagée de Luigi Amodio, directeur de la Cittàdella Scienza (page 30).Si l’attitude de la société vis-à-vis de la scienceest devenue plus interrogative et plus critique,cela ne signifie pas, fort heureusement, que ledébat sur les défis et les enjeux de larecherche scientifique n’intéresse plus. Pours’en convaincre, il suffit de passer une soiréeanimée à Nimègue (NL), au cours de laquelledeux physiciens chevronnés, Gerard ‘t Hooft(Nobel 1999) et Robbert Dijkgraaf, subjuguentl’assistance d’un café des sciences avec unsujet aussi abstrait que la théorie des cordes(page 32). Ou de prêter l’oreille à quelquesphrases d’autres passionnés, parlant de leurmétier de chercheur (page 20), qu’ils en pren-nent ou non (page 6) l’habit.

(1) L’enseignement des sciences dans les établissements scolaires enEurope – État des lieux des politiques et de la recherche, 2006 – ISBN 92-79-01922-8 – Disponible en français et en anglais –www.eurydice.org

4 research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007

Apprivoiserla science

Page 5: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007 5

« Les avancées de la science (spécialement dans les biotechnologieset l’ingénierie génétique, sujets mis le plus souvent en avant par les médias) révolutionnent notre compréhension du monde vivant, ainsi que les concepts et les représentations formulés et forgés au cours d'un lent processus, à traversl’histoire, qui nous permettent de nouspercevoir et de nous penser en tantqu’êtres humains. Le défi est de redéfinir ce que signifie cette humanité, en la comprenant et la percevant à travers les découvertes de la science. »

Bernard Schiele Professeur à l’Université du Québec à Montréal

Image et perception de la science

Page 6: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Excentricité scientifique ? Anticonfor -misme britannique ? Pour Howy,comme l’appellent ses étudiants, lekilt et la coupe d’Iroquois ne sont

que des marques de fidélité à soi-même. «Celame semblait la tenue de soirée naturelle pourun punk, ce que je suis, qui a passé quinzeans de sa vie en Écosse. »

Futur + no futureFlash back. 1977 : Howard Jacobs a 22 ans ettermine son graduat en biochimie à l’universitéde Cambridge (UK), haut lieu de plusieursavancées décisives des sciences du vivant. Lepatron de son laboratoire, Tim Hunt, obtiendrale prix Nobel en 2002 pour ses travaux sur larégulation du cycle cellulaire. Au mêmemoment, Frederick Sanger met la dernièremain au décryptage de la séquence d’ADNd’un virus bactérien qui lui vaut un autreNobel décerné en un temps record (1980).

C’est aussi l’époque où les caves de Londresbruissent des fureurs de la vague punk. Quoide commun entre la grande citadelle de lascience britannique et le nihilisme fracassantdes no future lancé par certains jeunes ? Cesdeux mondes que tout oppose vont marquerla vie d’Howy. Le génie génétique qui est entrain de naître le passionne autant que lacontre-culture. Impossible de choisir. HowardJacobs entame une thèse à l’université deGlasgow mais n’abandonne pas le monde descaves londoniennes. Il quitte régulièrementl’Écosse, en auto-stop, pour assister aux concertsde ses groupes favoris. En 1981, nouveautournant. Il part en post-doctorat aux États-Unis,au California Institute of Technology, autreMecque du jeune génie génétique. Deux anset une publication dans Nature plus tard, ilrevient à l’université de Glasgow, où il resteraplus de dix ans.

Recherche au long coursAu milieu des années 1990, Howy se voitproposer un poste au tout nouvel Institut detechnologie médicale de Tampere (FI). Il quitteles brumes écossaises, en 1996, pour lesétendues nordiques qu’il aime tant. Nouveaudépart dans la carrière de celui qui se ditconvaincu que « changer d’environnementcatalyse le renouveau des recherches ». Granddéfenseur de la coopération scientifique euro-péenne, pour peu qu’elle soit fondée sur« l’excellence » et « l’ouverture à l’extérieur », ils’investit alors dans des projets transnationauxconsacrés aux relations entre les mutationsgénétiques des mitochondries – les centralesénergétiques des cellules – et certains troublestels que la surdité, la stérilité masculine, et lespathologies liées au vieillissement. Parmi lesdécouvertes de son équipe (une vingtaine depersonnes ), la remise en cause de la vulgatequi veut que l’accumulation de mutations dansl’ADN des mitochondries soit responsable despathologies liées au vieillissement. « Cestravaux de longue haleine auraient eu peu dechances d’être aussi bien financées à l’échelonnational, où ils auraient probablement été mis enconcurrence avec les recherches sur le cancerou les maladies cardio-vasculaires. » Ils serontrécompensés par le prix Descartes 2004, dotéd’un million d’euros.Ce lauréat aux apparences peu communesdétonna-t-il dans l’ambiance feutrée du châteaude Prague? « Je n’ai rien remarqué de spécial.Les gens me prennent comme je suis. »Pourtant, ses choix vestimentaires ne révèlentpas seulement un goût personnel, mais aussiune certaine conception de la culture et de lascience. « Il me semble très important que legrand public voie et entende des chercheursaux styles et aux attitudes différentes. Celarappelle que la science nest pas une activitémonolithique rassemblant des consensus surtout. Dailleurs, quoi de plus normal pour unscientifique que d’être un rebelle ? »

Mikhaïl Stein

6 research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007

PORTRAIT

Howy, pile et face

Château de Prague, 2 décembre 2004. Cérémoniede remise du prix Descartes. Chuchotements etregards de biais. Qui est donc cet homme en kilt,à la détonante coiffure d’Iroquois, surgissantlors de la remise des prix? C’est Howard Jacobs,biochimiste, lauréat de la cinquième édition pourson travail de coordinateur du projet MBAD(Mitochondrial Biogenesis, Ageing and Disease).

www.miteuro.orgwww.finmit.org/howy.htm

Howard Jacobs – « Changer d’environnement catalyse le renouveau des recherches. »

© J

ukka

Leh

tinie

mi

Page 7: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Dans les pays «avancés», un mêmeconstat inquiète : les jeunes optent de moins en moins pour des études et des carrières scientifiques. Comment expliquez-vous cette tendance?Svein Sjøberg : Retournons l’argument. Quidit que nous devions changer cette situation ?Pour qui l’indifférence des jeunes envers lesétudes de science et technologie (S&T) pose-t-elle problème? Tout le monde leur prêche quele manque de scientifiques et d’ingénieurs est

préoccupant pour la société. Si c’est le cas, lesforces économiques pourraient, par exemple,songer à leur offrir des postes plus intéres-sants et mieux payés. Ou alors, nous pouvons« résoudre » ce problème en important dejeunes talents d’Asie ou d’ailleurs, comme celase pratique aux États-Unis.Soyons honnêtes. Les jeunes ne choisissent pasleur carrière sur la base de ce que certainsadultes estiment bon pour la compétitivité deleur pays… Ils se rendent compte que les

scientifiques et les ingénieurs n’obtiennent pasnécessairement les postes les plus gratifiants. Enoutre, les études scientifiques et techniques sontexigeantes et longues, alors que d’autres filièressont plus faciles, et peut-être plus amusantes…Camilla Schreiner : La jeunesse est généra -lement considérée comme une période deconstruction de son identité. Celle-ci s’exprimeà travers les vêtements, les loisirs, le goût pourtelle musique ou tel sport, les préférencesdans le cursus scolaire, le comportement enclasse, etc. Les choix détudes et de professionssont considérés comme des symboles porteursd’une identité. Un designer ou un acteur a uneimage différente de celle d’un ingénieur oud’un physicien.Cest pour cela que les spécialistes de l’éduca-tion – et les sociologies – estiment que laquestion traditionnelle Que désirez-vous être plustard prend une autre résonance aujourdhui. Laréponse semble moins révéler la perceptiond’un travail ou d’un revenu, mais plus Quidésirez-vous devenir? Quand les jeunes choisis -sent des études ou un travail, ils expriment enmême temps des facettes importantes de leuridentité.

Mais il semble y avoir un paradoxe, entout cas dans de nombreux pays, entrel’intérêt des jeunes pour la science – quiressort de nombreuses enquêtes – et lechoix d’en faire son métier.S.S. : Une distinction importante s’impose. Lesjeunes sont très intéressés par la science et latechnologie, mais pas tellement par la S&Tqu’ils rencontrent à travers leur cursus scolaire.Celui-ci se fonde traditionnellement sur la

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007 7

ÉTUDE ROSE

Les valeurs et les choix

Les jeunes se détournent des études et des carrières scientifiques. «Chacun» le déplore. Avec, en arrière-pensée, le spectre d’un tarissement du moteur de la compétitivité des pays avancés. Svein Sjøberg, professeur en sciences de l’éducation à l’université d’Oslo, et Camilla Schreiner, jeune doctorante travaillant dans le même domaine, apportent leurs nuances au pourquoi et au comment de cette question. L’étude internationale Rose, menée sous la houlette de la Norvège depuis quelquesannées, conforte leurs arguments. Si l’on veut motiver les étudiants, il fautpeut-être analyser ce qui les motive…

Svein Sjøberg Camilla Schreiner

Page 8: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

science «bien établie» – la science qui ne peutêtre mise en cause, et que les épistémologistesappellent en anglais le textbook science.Le contraste est grand avec la «science réelle»,dans laquelle les chercheurs sont engagésaujourd’hui, à savoir celle qui provoque de vifsdébats, de nouvelles expérimentations, destentatives d’hypothèses, des conjonctures…Il s’agit là des frontières de la recherche, où denouveaux territoires de la connaissance seconstruisent, grâce à des êtres humains bienréels. C’est souvent cette sorte de science quiest relatée ( avec néanmoins de nombreuxmalentendus ) par les médias. Beaucoup dejeunes aiment ces sujets, alors qu’ils peuventdétester la science présentée à l’école.

Il suffirait donc de changer les programmes scolaires, de présenter de la «vraie» science et de se débarrasserdes enseignements à visée encyclopédique et « fossilisés»?S.S. : Oui, nous devons adapter et moderniserles programmes. Mais cela pose des questions

sensibles. D’un côté, nous souhaitons que lascience à l’école change et se tourne vers laréalité, de l’autre, nous ne pouvons enseigner lesdémarches actuelles sans avoir les outils pourles comprendre. Idéalement, nous devrionsrevoir la manière dont nous enseignons lesavoir de base traditionnel. Cette connaissancereprésente une sagesse et un recul possibleslorsque tous les obstacles ont été surmontés,les conflits résolus, lorsqu’est retombée la pous-sière des discussions enflammées… La scienceclassique peut paraître ennuyeuse, mais elleest la base dune compréhension plus profondedes recherches actuelles.En outre, aborder ces «nouvelles frontières dela science » à l’école exige certainement desefforts de la part des enseignants, dont peusont, hélas, préparés à présenter ces sujetscontemporains.

Doit-on adapter l’enseignement à l’évolution des mentalités des jeunesgénérations? Quelles sont les limitesd’une telle démarche? C.S. : Nous ne devons évidemment pas adapterle cursus scientifique aux tendances de la« culture jeune », aux seuls intérêts et auxvaleurs des élèves. Ce n’est ni souhaitable, nipossible. Cependant, le fait de connaître lesintérêts et les priorités de la jeunesse peutêtre un moyen de créer un lien entre l’ensei-gnement des sciences et les horizons desnouvelles générations. S’intéresser aux valeursdes élèves ne signifie pas les adopter, maiscelles-ci peuvent être un levier de discussions.La grande diversité d’intérêts des étudiantsoffre d’ailleurs aux pédagogues une multitudede pistes pour les intéresser à des contenusscientifiques, et également de réfléchir à leurspropres idées et à leurs propres priorités. S.S. : Le questionnaire Rose, par exemple,présente des éléments qui sont sans rapportavec un curriculum scientifique sérieux, etsemble les intéresser. Discuter de ce qui estet de ce qui n’est pas scientifique, pouvoirdistinguer entre science et parascience, estintéressant. En ce sens, un cursus de sciencedevrait comprendre des débats sur l’astro -logie, l’homéopathie, la divination, etc. Etmême peut-être les relations entre la scienceet la religion. Mais traiter de ces sujets avecdélicatesse, sans offenser ceux qui croientdans ces systèmes, n’est pas facile.

8 research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007

ÉTUDE ROSE

Une telle évolution de l’enseignement ne risque-t-elle pas de déboucher sur une moindre exigence, et un appauvrissement du niveau des élèves, et ensuite des étudiants?S.S. : C’est un des nombreux défis posés. Peut-être devons-nous choisir différentes méthodes,selon l’âge et le niveau des élèves. En faisant dela «science pour tous», dans un cursus scolairegénéral, nous devons trouver des approchesqui intéressent chacun – pas seulement lesfuturs scientifiques, mais aussi les futurs citoyensqui seront appelés à consommer et à voter. À cestade, nous ne pouvons pas présenter sim-plement des mini-versions de la scienceacadémique. Mais à un niveau plus élevé,lorsque les élèves et les étudiants ont établileurs propres choix, nous pouvons certaine-ment approfondir les lois, les théories et lesmodèles scientifiques.

À la phrase « j’aimerais devenir un scientifique», posée dans le questionnairede l’enquête Rose, les réponses nettementplus positives se trouvent en Afrique et en Asie. Pourquoi?S.S. : Les différences doivent être traitées avecprudence. Dans certains pays, on rencontreune tendance à se montrer d’accord avec laplupart des propositions, dans d’autres non.Nous devons donc souvent comparer lesscores relatifs et les scores résiduels quandnous analysons les données.Mais, plus particulièrement, la volonté dedevenir scientifique ou ingénieur dans les paysplus pauvres peut s’interpréter du fait de leurmoindre développement socio-économique.Beaucoup d’entre eux se situent au niveauauquel se trouvait l’Europe après la SecondeGuerre mondiale. Il s’agissait alors de recons-truire. Les ingénieurs et les scientifiques étaientdes héros. Leur aura poussait les enfants versles études scientifiques et techniques. Je pensequ’aujourd’hui les pays les moins avancés setrouvent dans une situation comparable.C.S. : Il faut admettre que plus un pays estdéveloppé, moins ses étudiants souhaitentdevenir scientifiques ou ingénieurs. Ces disci-plines ne leur apparaissent pas suffisammentimportantes et significatives. Elles semblent«hors du coup » et obsolètes. Mais il est inté-ressant de noter que des domaines mieuxcotés – comme la biologie, la médecine et les

Les récoltes de Rose

Comment améliorer les études descience et de technologie ? Commenty intéresser davantage les élèves ?

D’un continent et d’un pays à l’autre, quelssont les différences et les points communsdans ce domaine ?Initiée par la Norvège, l’impressionnanteétude Rose ( The Relevance of ScienceEducation ) présente un état des lieux de laquestion. Son enquête, auprès de jeunesd’une quinzaine d’années, ne se limite pas àdes données quantitatives mais approfondit,grâce à des interviews, leurs attentes et leursvaleurs. Ce travail est élaboré par des cher-cheurs de 43 pays, de tous les continents.Une dizaine de doctorants en font leur sujetde thèse.Un site transparent permet d’avoir accès auxdonnées, aux questionnaires, aux résultatspar pays, aux mécanismes de fonctionne-ment et à une étude comparative des pointsde vue des jeunes sur la science et l’éducationainsi que de nombreux documents et analyses.

Page 9: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

études de vétérinaire, les sciences de l’envi-ron nement – ne souffrent pas du mêmemanque d’étudiants. Pour ces jeunes, travail-ler sur des défis dans les domaines de lasanté ou de l’écologie a plus de sens que dese plonger dans la physique, les maths ou latechnologie.

Une autre situation paradoxale est observée dans des régions où la S&Test très développée. Dans les pays scandinaves et au Japon, par exemple,les jeunes ne sont pas seulement indifférents, mais également critiques et pessimistes vis-à-vis des sciences et des technologies.S.S. : Là aussi, il faut être prudent dans lesinterprétations. Peut-être que pessimisme n’estpas le mot exact. Beaucoup de jeunes, dansles pays riches, sont moins concernés qu’ail-leurs par le développement économique etmatériel. Mais cela ne les empêche pas d’êtretrès préoccupés par l’avenir. Un bon ensei-gnement des sciences peut tenir compte deces attitudes. Même si les solutions aux défisenvironnementaux ne passent pas unique-

ment par la S&T, nous devons montrer auxsceptiques que la science et la technologien’apportent pas seulement des problèmes,mais qu’elles offrent aussi des solutions…

Les différences d’attitudes entre garçonset filles sont également plus marquées dansles pays industrialisés. Cela vous étonne?S.S. : La «culture jeune» est une tendance inscritedans les sociétés occidentales, et qui n’existepas de la même manière dans les pays plustraditionnels. Cette culture se caractérisenotamment par des différences d’attitudes trèsmarquées entre garçons et filles, désireux demarquer leur masculinité ou leur féminité.Cette différenciation interfère également dansleurs attitudes envers la science.C.S. : Il est paradoxal, en effet, que dans deszones riches, comme la Scandinavie, où l’égalitéentre genres est une des plus élevées aumonde et est une priorité politique depuis desdécennies, il existe une plus grande différenced’attitude entre garçons et filles que dans d’autrespays. Ces différences se marquent dans lesvaleurs accordées à la S&T, mais égale mentdans de nombreux autres aspects de leur vie.

La jeunesse, cest la société de demain.L’éventuel désintérêt, ou manque de connaissance, dans les domaines dessciences et des techniques ne mène-t-ilpas à un déficit démocratique? S.S. : Certainement. Pour moi, le problèmeprincipal n’est pas le fait que les scientifiquescommuniquent trop peu avec les citoyens. Legrand défi de nos sociétés est réellement celuide la participation démocratique. Il importe queles jeunes (et les moins jeunes) comprennent lasignification de la science et de la technologiedans notre culture, notre vision du monde,notre manière de vivre, etc. Ils pourraient ainsiavoir des attitudes « réalistes » vis-à-vis despossibilités et des limites de la S&T. Ils pour-raient être constructifs et critiques envers leschercheurs et les techniciens. Ils pourraientdévelopper une indépendance d’esprit leur per-mettant de distinguer entre la science «sérieuse»et les déclarations pseudo-scientifiques qu’ilsrencontrent dans les médias et les publicitéspour de nouveaux produits.

Christine Rugemer

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007 9

ÉTUDE ROSE

www.ils.uio.no/english/rose/

1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0

Je voudrais devenir scientifiquesource : Étude Rose

Je voudrais travailler dans la technologiesource : Étude Rose

MalawiOuganda

Ghana (centre)Lesotho

SwazilandZimbabweBotswana

PhilippinesBangladesh

Inde (Gujurat)Inde (Mumbai)

MalaisieTrinidad &T.Israël (Hebr)

TurquieGrèce

PortugalEspagne (Baléares)

RussiePologne

République tchèqueLettonie

EstonieIrlande

Irlande du NordAngleterre

JaponFinlande

IslandeSuède

DanemarkNorvège

MalawiOuganda

Ghana (centre)Lesotho

SwazilandZimbabweBotswana

PhilippinesBangladesh

Inde (Gujurat)Inde (Mumbai)

MalaisieTrinidad &T.Israël (Hebr)

TurquieGrèce

PortugalEspagne (Baléares)

RussiePologne

République tchèqueLettonie

EstonieIrlande

Irlande du NordAngleterre

JaponFinlande

IslandeSuède

DanemarkNorvège

Qu’il s’agisse de science ou de technologie, les enthousiasmes sont nettement plus marqués dans les paysen voie de développement et émergents que dans les États industrialisés. Et les différences entre garçonset filles plus importants pour les professions techniques. Dans les deux questions, les Japonaises et lesScandinaves sont les moins enthousiastes.

Page 10: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Sans être issu du sérail des sciencesdures, Michel Rocard est un citoyende l’Union, membre de son parlementde surcroît, qui s’est alarmé pour

l’avenir de l’Europe en apprenant, « presquepar hasard », que les jeunes Européensoptaient de moins en moins pour un cursusscientifique. « Et ce, en particulier dans lesdeux disciplines nobles que sont les mathé-matiques et la physique, dont le nombreabsolu d’étudiants diminue. Je m’en suisinquiété auprès de la Commission, qui m’asignifié qu’un vaste chantier était ouvert sur cethème dans beaucoup d’États membres, avecle concours très actif de scientifiques. JanezPotocnik m’a proposé d’animer un groupe detravail restreint, composé de cinq personnalitésde renom de la recherche européenne quimilitent sur le terrain de la pédagogie dessciences (1). Notre mission est de nous inspirerde ces expériences pour proposer des initiativeseuropéennes en faveur d’un basculement plusample des approches éducatives »Le rapport du Groupe Rocard est attendu enjuin 2007. Il marque une nouvelle étape sur ceterrain de l’éducation scolaire scientifique quela Commission européenne explore depuis plusde quatre ans(2). Il a passé en revue le pactoledes expérimentations réussies qui se dévelop-pent aujourd’hui en Europe, dont certainesdepuis longtemps. Pour Michel Rocard, « ilsemble acquis que l’enseignement primaire, à

tout le moins pour les 4 à 10 ans, et dans unelarge mesure les cours du secondaire, doiventopérer un virage à 180°. L’approche déductive– on part d’un concept et de ses conséquences,on l’illustre ensuite éventuellement par desapplications – doit céder le terrain à ladémarche inductive, basée sur l’éveil premierde la curiosité naturelle. Les taux de succès decette seconde méthode – à savoir les effectifsd’élèves qui deviendront par la suite à l’aise enmathématiques ou en physique dans un systèmequi pourra alors être déductif – sont sans appel»Le diagnostic pédagogique établi par leGroupe Rocard est fondé sur une analyse dedifférentes expériences européennes pion-nières, notamment le projet transnational et« interurbain» Pollen (voir page 15) et l’initiativeallemande Sinus-Transfer (une opération déjàbien rodée de formation des enseignants ducycle secondaire à des approches éducativesinnovantes ).

En quoi l’Union est-elle utile ?À quoi peut servir l’Union pour enrayer la crisede l’éducation des sciences ? À la questionposée, le Groupe Rocard répond sans détours :commencer par partir de ces deux projetsreprésentatifs – de même que certains autres –et leur donner les moyens d’essaimer. L’effetEurope est de permettre une expansion signi-ficative de leurs approches pédagogiques au-delà des frontières, d’organiser l’accès

multilingue et la formation du plus grandnombre de professeurs, de renforcer les éva-luations. Il doit aussi porter sur l’intelligence –la veille en matière de nouvelles pratiqueséducatives innovantes.À 77 ans, comment Michel Rocard voit-il, avecle recul, ce bouleversement des canons tradi-tionnels de l’éducation ? « La science a long-temps bénéficié d’un piédestal – on sentait quec’était là que l’avenir se faisait. Le propos s’estnuancé et le piédestal a diminué de hauteur. Lascience est dans tout et s’est banalisée.L’opinion s’est mise à se poser des questionssur les accidents, les risques, les problèmeséthiques. L’argument d’autorité ne passe plusfacilement – c’est la réalité. Le problème quinous occupe est d’éviter que le désintérêt desjeunes pour les métiers de la science ne soitcausé par un enseignement figé, masquant cequi peut les intéresser, et même susceptible deles en détourner. De cette manière, à armeségales avec d’autres secteurs qui les attirent, ilsauront en tout cas l’initiation nécessaire pourfaire un choix. »

Didier Buysse

(1) Peter Csermely (HU), Harriet Wallberg-Henriksson (SE), ValérieHemmo (rapporteur, FR), Doris Jorde (NO), Dieter Lenzen (DE). (2) La question de l’éducation scientifique est l’une des articulationsinscrites, depuis 2000, au cœur de la Stratégie de Lisbonne pourl’économie de la connaissance en Europe. Un pas important a étéfranchi, en 2004, avec l’accent mis sur les besoins vitaux enressources humaines pour la recherche par le Rapport Gago (du nomdu physicien, professeur, ex-ministre de la recherche portugais et l’undes artisans de ladite Stratégie).

10 research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007

PÉDAGOGIE

Donner sa chance à la scienceLes expériences novatrices d’enseignement des sciences foisonnent dans l’Union et enregistrent des succès éducatifs.La Commission souhaite soutenir leur extension et leur visibilité. Elle a chargé un « commando de pédagogues » – le Groupe Rocard – de dessiner les lignes d’actions d’une telle politique.Michel Rocard

Page 11: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007 11

Partager la curiosité« La physique est souvent enseignée à l’école comme si elle était morte depuis plus d’un siècle : telle une collection de formules nécessaires pour résoudre desexercices. Pour que les enfants s’y intéressent,présentons-leur ses mystères, racontons-leurdes histoires sur les propriétés intrigantes de la matière, des champs et de l’Univers.Montrons-leur que la physique est vivante,que plus de recherche est indispensable, et dans quelle direction. L’inspiration est l’objectif-clé. »

Rolf Landua Physicien au Cern

Page 12: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Vous avez une méthode particulière pour intéresser le public à la science?Jorge Wagensberg: Je pars du fait que l’émotionest la première étape du questionnementscientifique. C’est une stimulation très localiséedans le temps et très intense qui initie uneconversation avec la nature. En fait, tout pro-cessus cognitif commence par un stimulus.C’est d’ailleurs ainsi que procède la sélectionnaturelle. Si une espèce n’éprouve pas la faimou le désir de se reproduire, elle disparaît. Laconnaissance est peut-être la dernière conquêtede la sélection naturelle.Notre rôle est donc de cultiver cette soif deconnaissance. Le musée est là pour la stimuler,non pour l’étancher. Il ne s’agit aucunementd’enseigner la science, mais d’éveiller unquestion nement. Créer des émotions et stimulerla curiosité permettent d’enclencher un dialogueentre le visiteur et la nature. Vient ensuitel’étape de la compréhension. J’appelle cemoment « la joie intellectuelle ». C’est encoreune émotion que chacun vit dans une solitudetotale. La seule véritable façon d’apprendre etde s’enrichir est d’arriver par soi-même à lacompréhension. Le musée n’est là que pouréveiller ce désir.

12 research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007

LA CAIXA

Les musesde la connaissanceL’interactivité et l’émotion sont les briques aveclesquelles Jorge Wagensberg, directeur du Muséede la science de la fondation la Caixa, à Barcelone, bâtit un univers dont l’objectif est d’éveiller le plaisir de comprendre et d’ensavoir plus. Ici, la vie est à l’honneur et la réalitéest le meilleur moyen de la comprendre.

Jorge Wagensberg

© la

Cai

xa

Cet immense tronc symbolise l’interaction culturelledu musée avec la villede Barcelone.Les orifices naturels qui le jalonnent ne sontpas sans rappeler l’architecture de Gaudi.

Un pendule commecelui de Foucault sebalance et se décale enfonction de l’heure.Il est entouré d’un cerclede bâtonnets qu’il faittomber toutes les dixminutes. Une manièred’illustrer le rapport entrele mouvement terrestreet le temps qui passe.

© la Caixa

Page 13: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Beaucoup d’espaces de la Caixa présentent des objets réels, à la différence d’autres centres où l’on semble favoriser le virtuel. La réalité vous semble indispensablepour présenter la science?Je préfère le pire des objets réels à la meilleuredes copies, et j’aime à dire qu’un musée est unespace de « réalité concentrée ». Parce que, auxobjets, il faut associer les phénomènes. Notreprésentation, par exemple, des murs de rochesmontrent les strates géologiques et les défor-mations sismiques. Ce sont de vraies tranchesde roches. L’une d’elles présente une faille quis’est formée durant son histoire géologique.L’objet – la faille – est bien là, mais le phé-nomène – la formation de la faille – n’y estplus. Il nous faut donc ajouter des élémentsmuséographiques, comme des maquettes oudes animations, pour le présenter. Il s’agit d’uncomplément, mais qui ne peut se substituer àla réalité. C’est aussi une question de respectpour le visiteur qui ne doit pas se demander sice qu’il voit est vrai ou non. Ce sont d’ailleurs lesenfants qui m’ont fait comprendre l’importancede montrer la réalité. Je les entendais toujoursposer la question : « et ça, c’est pour de vrai ouc’est pour de faux ? ». J’ai compris que, s’il y aune ambiguïté, une perte de confiance, tout leprocessus émotionnel et intellectuel du visiteurest rompu.

Cette réalité est également fondamentaledans le travail des chercheurs…Tout à fait. La réalité est d’abord observée parle chercheur, qui veille à ne pas la déformer.C’est de cette objectivisation que la science tireson universalité. Ensuite, il y a l’intellectuali -sation. On cherche alors les points communsentre les objets observés, et surtout leurs dif-férences. Les objets deviennent comparablesles uns aux autres. Puis vient la théorisation

pour construire un modèle d’explication – une« vérité ». Mais cette «vérité» est toujours endialogue avec la réalité. Si elle se veut scienti-fique, elle doit pouvoir être contredite par laréalité – il suffit que la nature montre unexemple pour lequel elle nest pas vérifiée. Cen’est donc pas la «vérité scientifique» quil’emporte, mais la réalité… Elle est doncincontournable dans un musée des sciences. Dans notre démarche, nous essayons que levisiteur retrouve, en quelque sorte, ce dialogueindispensable à la démarche scientifiqueet puisse ainsi se glisser dans la peau duchercheur … C’est évidemment très difficile àréaliser en termes de muséographie. Une expé-rience que nous avons faite est de présentercertaines de nos recherches et d’inviter lepublic à y participer. À partir des données quenous lui fournissons, il peut développer sapropre théorie et nous la soumettre.

À quoi mesurez-vous le succès de vos initiatives? Au nombre de visiteurs?Les approches quantitatives ne sont pas les meil-leures… Personnellement, je préfère observerles visiteurs. Toutes mes nouvelles hypothèsessont venues de là. Quand quelqu’un éprouveune joie intellectuelle, son regard brille et ça sevoit. Je me cache, j’espionne, et j’écoute ce quise dit à la sortie ou dans les allées du musée.Évidemment, maintenant, les gens commencentà me connaître. Il va falloir que je me déguise.

Mais n’est-on pas tenté, dans un contextede concurrence culturelle, de verser dansle spectaculaire ou de mettre en avant dessujets à la mode pour attirer les visiteurs?Qu’entendez-vous par sujet à la mode ? Si leréchauffement climatique préoccupe le publicaujourd’hui, à nous de travailler dessus. Lemusée est très approprié pour exposer lesgrands enjeux « science-société ». Nous orga -

nisons régulièrement des débats ou desrencontres sur ces thèmes. Le musée a leprivilège d’être un espace de neutralité. Onpeut y rassembler des citoyens, des scienti-fiques, des journalistes, des responsablespolitiques, des industriels … Et l’on peutfavoriser, entre eux, un débat sans partis pris.

Quelle distinction faites-vous entremusée et centre de science?Le mot musée fait référence à un espace quiconserve des objets figés. Le centre de scienceest un musée de phénomènes. Cest vrai que leterme de centre est plus approprié à madémarche. Cependant, je ne l’aime pas. Ilrésonne comme «centre commercial » ou «centred’affaires »… J’utilise donc le mot musée parcequ’il est précieux, même s’il ne marque pas larupture qu’il y a eue avec les institutions clas-siques. Et puis, musée est de la même racineque muse, ou musique…

En voulant présenter la démarche scientifique, souhaitez-vous aussi ne pasfaire l’impasse sur ses doutes ou seserreurs?La science n’est pas omnipotente et elle necontrôle pas tout. Nous aimerions, en effet,montrer que les erreurs passées permettentd’éviter les erreurs futures, et que l’erreur estégalement salutaire, car c’est un moteur de laconnaissance. Ceci dit, il n’est pas facile demontrer cet aspect des sciences… Les com-mentaires proposés près de certains objets,comme par exemple des fossiles, montrent lesquestionnements qui subsistent quant à leuridentification. Nous n’hésitons pas à utiliser lepoint d’interrogation. Des concepts plus abstraits,comme l’incertitude ou l’ordre, sont présentés.L’ordre, par exemple, est montré comme l’ex-ception et l’équilibre est un cas particulier.L’incertitude est présentée comme sous-jacenteà la physique quantique et au développementbiologique. Peut-être que cette démarchepermet, plus globalement, d’illustrer les cheminscomplexes de la science face à la nature.

François Rebufat

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007 13

LA CAIXA

La serre tropicale se voit de l’extérieur, on peut y pénétrer,mais également passer par dessouspour mieux l’examiner. Cette approche de la nature, sous différents angles, se double d’effets interactifs – par exemple la simulation d’une pluie tropicale qui se déclenche au passage des visiteurs.

http://obrasocial.lacaixa.es/centros/cosmo-

caixabcn_es.html/

© la

Cai

xa

© la Caixa

Page 14: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

C’était une classe de maternelle, unjour de juin, en banlieue parisienne,se souvient Yves Quéré, physicien,membre de l’Académie française

des sciences. L’institutrice avait demandé auxenfants de tracer à la craie, dans la cour, toutesles heures, l’ombre de l’un d’entre eux. Devantles sortes de pétales qui en avaient résulté à lafin de la journée, la classe s’efforçait d’expliquerce qui s’était passé. Une petite fille de quatre anss’est écriée maîtresse, ça a tourné… L’expres -sion, maladroite, montrait néanmoins clairementqu’elle avait compris qu’il y avait eu, quelquepart, une rotation.»

Je ne sais pas…Étude d’objets réels – ni écrans, ni photo -graphies. Interaction des enfants entre eux.Manipulation par les élèves eux-mêmes.Démarche de recherche (« la science reposesur la phrase je ne sais pas, et pas l’inverse »,rappelle le physicien). Dans cet épisode, onretrouve tous les ingrédients qui ont fait lesuccès de La main à la pâte. Cette initiative,née en 1996, marque l’entrée en croisade detrois académiciens français pour rénover et

réhabiliter l’enseignement des sciences. OutreYves Quéré, il y avait au départ de cette aven-ture Pierre Léna, astrophysicien, et GeorgesCharpak, prix Nobel de physique (1992). Troischercheurs mécontents de la portion congrueà laquelle se trouvait de plus en plus réduitl’enseignement scientifique au niveau primaire.Le déclencheur? Une visite, pilotée par le pro-fesseur Léon Ledermann, un confrère américainde Charpak, dans un ghetto de Chicago, où sedéroulait une expérience pédagogique baptiséeHands On. «C’était une école relativementtypique de ce quartier, avec 99% de Noirs,dont la plupart étaient très en dessous duniveau de pauvreté, se souvient le prix Nobel.J’ai vu des enfants heureux, des maîtres heu-reux, un programme intelligent. Les gossesavaient une heure de science par jour et ilstenaient avec plaisir un cahier d’expériences,depuis l’âge de cinq ou six ans, dans lequel ilsdécrivaient ce qu’ils faisaient. »Charpak, de retour en France, obtient le soutiendu ministre de l’Éducation, et celui de l’Académiedes sciences, pour lancer un projet expérimentaltouchant quelque 350 écoles.

La caution des scientifiquesDix ans plus tard La main à la pâte est devenueune institution dans ce pays. Elle a son siteInternet, ses dix principes, sa charte, son prixannuel (décerné par l’Académie aux écoles lesplus dynamiques), sa littérature – livres etbrochures –, ses colloques, et même ses émis-sions radiophoniques grâce à un partenariatavec la chaîne d’information nationale Franceinfo. Elle possède surtout un capital d’expé-riences pédagogiques impressionnant, oppor-tunément adossé au garant d’excellencescientifique qu’est l’Académie des sciences.Fait notable, La main à la pâte, qui est née d’unedémarche résolument tournée vers l’international,avec l’aide des documents américains Insight, aensuite, à son tour, suscité un véritableengouement à l’étranger. «Beaucoup ont fait lemême constat que nous, remarque YvesQuéré. Par le biais de l’IAP(1) que j’ai copré-sidé jusqu’à l’année dernière, les Académiesdes sciences d’une quinzaine de pays se sontrésolument impliquées dans cette méthode,aussi bien dans de grands pays industrialisésque dans des pays émergents, comme laChine, le Brésil, la Malaisie, ou encore dansdes nations telles que le Sénégal, le Maroc…»Un engouement dont se réjouissent les pro-moteurs du projet car, pour eux, ce qui est en jeune se limite pas à l’avenir de la science. Lesenseignants participants à l’opération constatent,par exemple, une amélioration conjointe dela maîtrise du langage. Les enfants doiventformuler les questions, les hypothèses, etcomprendre les réponses. « La syntaxe prendforme dès lors qu’un raisonnement rigoureuxa été mené», souligne le chercheur. Par ailleurs,le travail en équipe et l’écoute mutuelle, quisont au cœur du projet, sont aussi une écolede tolérance et d’ouverture d’esprit.

Yves Sciama(1) Interacademy Panel, Assemblée internationale des Académies dessciences.

14 research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007

LA MAIN À LA PÂTE

Un «cas d’école» exemplaireS’interroger, formuler des hypothèses, expérimenter – c’est possible dès l’âge de six ans,et même plus tôt. Tel est le credo de La main à la pâte, une initiative pédagogique née de la rencontre entre un prix Nobel de physique,Georges Charpak, et de tout jeunes enfants.Inspirée par une expérience américaine, l’idée s’est ancrée en France, depuis une décennie,pour rebondir à travers un nombre impressionnant de pays.

«

www.lamap.fr/

prochainementwww.mapmonde.org/

à lireGeorges Charpak, Piere Léna, Yves Quéré, Les enfants et la science. La main à la pâte, dix ans après, Odile Jacob, 2005Yves Quéré, La Science Institutrice, éd. Odile Jacob, 2002

Page 15: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007 15

POLLEN

www.pollen-europa.net

Lancé en 2006 dans douze « villes-pépinières » de l’Union, le projet Pollen développe l’apprentissage des sciences dans les écoles primaires. À travers une approche adaptée à chaque réalité locale, ce dispositif vise à stimuler les élèves, les enseignants et les acteurs locaux d’un même territoire. Pour diffuser ensuite les meilleures pratiques qui s’en dégageront.

Question d’essaimage

Au-delà de ces coopérations, les villes choisissentaussi des partenaires possédant un rayonnementnational, possédant une expertise et une légi-timité dans le domaine scientifique. «Dans laville française de Saint-Etienne, par exemple,c’est l’École des mines, formant des ingé-nieurs, qui envoie régulièrement des étudiantspour appuyer les professeurs, explique DavidJasmin, coordinateur européen du projet. Cetaccompagnement est très apprécié par lesenseignants qui n’ont généralement pas deformation en sciences appliquées. »

12 modèles locauxChaque ville présente une réalité sociale etéducative pour laquelle des objectifs spéci-fiques ont été identifiés. Dans les villes du Sudde l’Europe, où le brassage culturel est souventtrès important, des paramètres comme lafamille ou l’immigration font partie intégrantedu dispositif. Les villes du Nord, généralementmieux rodées en matière d’enseignement dessciences, se focalisent sur des approches parfoisplus pointues, comme l´utilisation des TICdans les salles de classe d'Amsterdam (NL) oul’approche interdisciplinaire des sciences àLeicester ( UK ). Pour David Jasmin, Pollense caractérise par sa géométrie variable :

Le logo de Pollen : une abeille quibutine d´école en école, de ville enville. Ceci résume toute la philosophieéducative du projet. Butiner, pour

mieux transmettre les démarches pédago-giques expérimentales dans les écoles et lescommunautés locales. Le but partagé est dedonner aux jeunes enfants le goût de lascience et de les y éveiller grâce à des activitésd’investigation et d’observation. Au travers dethématiques simples – D’où vient le pain? ouLe temps et la météorologie –, Pollen incite lesélèves à raisonner sur le monde qui les entoure,en développant leur aptitude à résoudre desproblèmes, ainsi que leur maîtrise de la langueet leur créativité.

La ville se mobiliseLe projet fonde sa mise en œuvre sur douzevilles dites «pépinières », caractérisées par unemême volonté de mobiliser un maximum deforces dans cette promotion de l’enseignementdes sciences. La vivacité de chaque projet-pilote repose sur un dispositif solidementstructuré qui crée un pont entre les écoles, lesenseignants et la communauté locale ( familles,associations, partenaires scientifiques et indus-triels, municipalités, musées et centres culturels).

« Même si nous apportons une approcheparticulière de l´enseignement, qui a ten-dance à redéfinir le rôle du professeur, il esttrès important de respecter les cultures et lessystèmes scolaires de chaque pays. »À terme, chaque cité membre du réseau parti-cipera à la rédaction d’une charte des « villespépinières de sciences », qui sera largementdiffusée, dans le but d´étendre les acquis duprojet. En trois ans, 100 écoles, 500 classes et15.000 enfants devraient être progressivementimpliqués. La pollinisation de la science seraitdonc une stratégie éducative en expansion…

Carlotta Franzoni

Les douze « villes-pépinières » de Pollen

Page 16: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Les jeunes Européennes représententà peine 20% des futurs ingénieurs,électro niciens et physiciens. Pourquoiun tel manque d’intérêt de la part des

filles pour les disciplines scientifiques et tech-niques? Comment susciter davantage de voca-tions dès leur plus jeune âge? Pour GerhardKraetzschmar, du Fraunhofer Institute forIntelligent Analysis and Information Systems,coordinateur du projet européen Roberta GoesEU, « les facteurs cruciaux pour la motivationet l’intérêt des filles ne sont pas les sujets tech-niques en eux-mêmes, mais la façon de lesprésenter avec une pédagogie adaptée. Nosrecherches démontrent ainsi que la partici-pation aux formations Roberta améliore leurconfiance dans leurs capacités à traiter desobjectifs et des sujets techniques. » Recourir àla robotique à des fins éducatives n’est pasfranchement neuf. Concevoir, construire, pro-grammer et tester un engin mobile et auto-nome – qui marche, roule, communique,réussit des acrobaties ou esquisse des pas dedanse – conduit les jeunes, dès la préadoles-cence, à s’initier, tout en jouant, au dévelop-pement de systèmes techniques. Une séanced’une journée permet d’apprivoiser des notionsde science, de techno logies, d’ingénierie élec-trique, de mécanique, de robotique et destechnologies de l’infor mation. « L’attractionexercée par les robots et l’approche ludiquefont tomber les inhibitions et réduisent les

scepticismes, expliquent les promoteurs deRoberta. Les enfants sont tellement fascinésqu’ils ont envie d’en savoir plus. »

Question d’intérêtMais ni les projets habituels, ni les jouetsdisponibles sur le marché – souvent des voituresde course ou des engins de combat – neséduisent particulièrement les filles. Le déficonsistait à définir des domaines qui suscitentleur intérêt. «Elles sont davantage sensibles auxproblèmes environnementaux. Nous avonscherché des modèles qui simulent les phéno-mènes naturels, en reproduisant notammentune colonie d’abeilles ou de fourmis à traversleurs modes de communication. Et nous consta-tons que ces domaines motivent également lesgarçons, alors que l’inverse nest pas vrai. » Cestdonc tout l’apport du projet Roberta que de met-tre au point des manuels didactiques et des logi-ciels spécialement conçus à leur attention. Unprojet qui fait ses preuves en Allemagnedepuis plusieurs années où il s’appuie sur desuniversités, un musée des sciences, un conseilpédagogique, un établissement scolaire, uncentre de promotion de la femme et la divisionéducative de la firme Lego. En s’élargissantdepuis 2007 à l’Autriche, l’Italie, la Suède, auRoyaume-Uni ainsi qu’à la Suisse, le projetdésormais européen permettra de traduire lescours de formation et d’adapter le matériel péda-gogique à la situation de chacun de ces pays.

Succès féminins L’attraction et la qualité des cours font l’objetd’une évaluation permanente auprès des ensei-gnants et sont améliorées en fonction desremarques. À l’automne 2006, plus de 200 ensei-gnants et quelque 2 600 élèves de 10 à 19 ans(dont 75% de filles ) avaient participé à cesformations en Allemagne.Une enquête conduite par l’université deBrême auprès de 800 participants (dont 81%de filles ) indiquait que la plupart d’entre elles( 94%) estimaient l’expérience amusante, larecommanderaient à leurs amis et amies (88%)et souhaiteraient bénéficier de davantage decours de ce type ( 72%). Selon cette étude,une expérience, même d’une demi-journée,suscite l’intérêt pour la technologie, stimule ledésir d’apprendre, renforce la confiancepersonnelle et apporte une dimension ludiqueà l’acquisition de connaissances.Ces résultats ont encouragé l’essaimage à tra-vers les pays partenaires (Autriche, Suisse, Italie,Suède, Royaume-Uni ). D’ici la fin de l’an-née 2007, quelque 12 centres régionauxdevraient former une centaine de professeurset plus de 1 200 filles et garçons.

Cyrus Pâques

16 research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007

ROBERTA

Des robots et des filles Comment encourager les écolières des cycles primaire et secondaire à envisager un avenirimpliquant des sciences et des technologies ? Un projet européen a trouvé une arme de séduction ludique: des robots d’un nouveau style, qui ne véhiculent pas de valeurs martiales et qui les rassurent sur leurs propres capacités…

www.roberta-home.euwww.roberta-home.de

Une manière ludique de manipuler la technologie,qui défie les « lois du genre »

Page 17: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Piloté par la Norvège, réunissant troiscontinents et 16 pays en majoritéeuropéens, le projet Mar-Eco étudiela vie animale le long de la dorsale

médio-atlantique, la célèbre frontière sous-marine montagneuse qui a donné naissanceaux Açores et à l’Islande. En 13 expéditions, leprojet a déjà récolté des dizaines de milliers despécimens et fait plusieurs découvertes :d’étranges traces au fond de l’océan, desespèces inconnues d’éponges, de céphalo-podes, de poissons, et des données nouvellessur le comportement animal, du plancton à labaleine.

Le savoir en temps réelMais les chercheurs de Mar-Eco ont la particu-larité de divulguer leur savoir «en temps réel ».Dès le départ, ils ont placé la «vulgarisation »scientifique dans leur processus de recherche.Impliquant journalistes, milieux scolaires,artistes, grand public, et usant avec inventivité detoutes les techniques médiatiques, ils proposentune véritable initiation encyclopédique desdécouvertes de la fabuleuse richesse des

océans. « Je suis fier de diriger un projet où leschercheurs sont attachés à la communicationet s’y sentent à l’aise, raconte Odd AkselBergstad, de l’Institute of Marine Research( IMR- NO), coordinateur de Mar-Eco. Notrestratégie, qui combine les sciences, les techno -logies et les beaux-arts est un vrai succès. Lacollaboration avec le peintre norvégien ØrnulfOpdahl a, par exemple, ouvert les yeux surnotre travail à de nombreuses personnes quine s’intéressaient que bien peu à la biologieou à l’océanographie. »Sur le site Internet de Mar-Eco, une quaran-taine d’articles pédagogiques très attractifs, lesbackgrounders, témoignent de ce travail dedissémination scientifique dans toutes lesdisciplines auxquelles touche le projet (océano -graphie, biologie, géologie, chimie, physique,technologies ). Le site propose aussi des croi-sières scientifiques virtuelles via le carnet debord des expéditions, une quarantaine de filmset d’innombrables photos. Pour impliquer lemilieu scolaire, les scientifiques ont mis surpied un réseau mondial comptant actuellement17 établissements. Ils ont invité des professeurs

et des élèves sur le « terrain » et connecté lesécoles et les bateaux par vidéoconférence. Ilsont soutenu des projets pédago giques touchantnon seulement aux sciences exactes, maisaussi – et c’est une volonté permanente – à latechnologie, aux sciences humaines et aux artsplastiques. Complété par une dizaine d’expo-sitions, cet énorme effort de communicationa déjà permis une couverture médiatique dans32 pays et en 14 langues.La variété, l’étendue et la qualité de cette initia-tive ont valu à Mar-Eco un prix Descartes 2006de la communication scientifique décerné parl’Union. «Être interpellés par les médias et lepublic est un challenge qui force les spécia-listes à regarder leur contribution scientifiquedans un cadre plus large, conclut Odd AkselBergstad. Certains chercheurs découvrent tout àcoup l’étonnante popularité de leur discipline,ce qui est très mobilisateur. »

Jean-Pierre Geets

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007 17

MARECO

www.mar-eco.no

Les abysses des fonds sous-marins constituent le dernier grand défid’exploration de notre planète vivante, auquel s’est attaquée l’initiative scientifique mondiale CoML (Census of Marine Life).Étudiant la fameuse dorsale médio-atlantique, les chercheurs du projet Mar-Eco (Mid-Atlantic Ridge Ecosystems), impliqués dans ce programme, ont voulu renouer, dès le départ, avec l’espritdes grands naturalistes. Ils proposent, avec les moyens médiatiquesactuels, un feuilleton encyclopédique de leurs découvertes, accessible à tout un chacun. Ce « cas d’école », dans lequel le partagedu savoir va de pair avec son acquisition, leur a valu un Prix Descartes 2006 de la communication scientifique.

Les encyclopédistes des océans

Exposition intinéranteorganisée par Mar-Eco.Ici à l’Aquagallery de Krageroe ( Norvège ).

© M

AR-

ECO

/Erik

Sch

ultz

e

Page 18: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

18 research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007

Science ou fiction ?

Un être humain peut-il muter en« X-man » ? Pourrions nous déclencher une tornade commedans le film Storm ou émettre des rayons lasers comme dansCyclops ? Les images-cultes desmondes virtuels inspirent ce genrede questions aux jeunes. Les poseren ces termes peut donc attirerefficacement leur attention sur la science et les inciter à en savoirplus. La méthode est celle deCinema and Science (CISCI). Sespromoteurs partent d’un constat :les deux médias les plus populairesauprès des jeunes sont le cinéma etInternet. Quels produits viennenten tête du box-office ? Les films –en majorité américains – usant deseffets spéciaux dans un univers descience-fiction. Alors, utilisons-lespour intéresser à la science…Le très polyglotte site du projet(EN, DE, IT, CZ, SI, EE, LV) a démarréen novembre 2006. Offrant uneressource pédagogique originale,il propose des clips de films grandpublic et de documentaires pouvantillustrer des concepts scientifiquesdans différentes disciplines (physique, biologie, chimie,mathématiques). Exemples : pourrait-on changer de visage

sous l’effet de la morsure d'uneautre espèce (la génétique viaSpiderman) ? L’énergie du corpshumain serait-elle capable d’ali-menter des machines (The Matrix –électrochimie) ? Serait-il possiblequ’une comète provoque unméga-tsunami détruisant la villede New York (Deep Impact – astronomie et astrophysique) ?Mais CISCI n’est pas seulement virtuel. En quelques mois, un millierde professeurs et de jeunes ontparticipé à des projections-débats,à partir de films ou de séries TV,organisés par ses partenaires.

www.cisci.net/

Jeunesse « globale »

Créé en 1987, le Milset(Mouvement International pour leLoisir Scientifique et Technique) estune organisation de jeunesse nongouvernementale. Découpé en« secrétariats régionaux » (parcontinent), il se veut « membre dela société civile planétaire » et viseà développer la culture scientifiquegrâce à des actions ciblées vers lesjeunes, les enseignants et les éducateurs. Différents types derencontres (Expo-Sciences, universités d’été, voyages d’études,stages de formation, etc.) sedéroulent ainsi à travers le monde.Ce mouvement a déjà permis àdes dizaines de milliers de jeunesde tous horizons de se rencontrer,de partager leurs expériences, dedévelopper des projets communs.

Idéaliste (Baden Powell n’est pasloin), il promeut les valeurs dudéveloppement durable, de lacoopération internationale, de lacitoyenneté et de la paix, du partagedes connaissances. Sa 11ème Expo-Sciences internationale se tiendraà Dublin, en juillet 2007.

www.milset.org

La magieTechnopolis

Se tenir au milieu d’une bulle desavon, se poser sans douleur surun lit à clous, rouler à vélo sur uncâble à 5 mètres de hauteur…Tout semble possible au centreTechnopolis de Malines (BE). On a le choix entre 260 « manips »interactives et très sensorielles,des parcours thématiques permettant à chacun de tester sesperformances (physiques, techniques, intellectuelles…), des expositions sur des sujets « deproximité », comme la santé et lebonheur (Vive la vie), dans lesquelson entre toujours par le biais del’action (écouter son cœur, faireune course en fauteuil roulant,etc.). Bienvenus, les seniorsdeviendront experts en TIC (technologies de l’information etde la communication) en découvrant toutes les possibilitésd’un magnétoscope ou d’un GSM.Chacun pourra enfourcher leTechnoVelo, qui réagit à la pensée,accélérant ou freinant en répondantà des capteurs placés sous les piedsde son utilisateur… Etonnant ? Tel est bien le but de ce centre dedécouvertes, «ouvert aux familles».Technopolis propose aussi des formules scolaires offrant des« explorations » adaptées aux différents âges.

www.technopolis.be

ExemplaireKvarkadabra…

Pourquoi les myopes voient-ilsmieux lorsqu’ils plissent les yeux ?Comment fonctionne un four àmicro-ondes ? Qu’est ce que leparadoxe des jumeaux dans lathéorie de la relativité ? La réponseà ces questions, parmi des centainesd’autres, figure sur l’étonnant journal en ligne baptiséKvarkadabra, fleuron de la vulgarisation scientifique slovène.Animé par une quinzaine dejeunes chercheurs passionnés (les biophysiciens y côtoient chimistes, matheux ou philosophes),ce site propose un forum animé etde haute tenue, des critiques delivres, un glossaire scientifique,une veille sur les nouveautés de larecherche et bien d’autres chosesencore. Dont une riche série deconférences en ligne. La langueslovène ne représente pas unebarrière à la diffusion des idées.S’inspirer de Kvarkadabra, belexemple de divulgation scienti-fique, n’est pas interdit.

www.kvarkadabra.net

Dullais Didzis, savant-héros d’un programme TV letton.

© L

atvi

an T

elev

isio

n

Malte

© T

echn

opol

is, C

entr

e fla

man

d de

s sc

ienc

esET CAETERA

Page 19: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007 19

Transmission & impulsion « Les disciplines scientifiques et techniques sont souvent perçuescomme difficiles, et les résultats obtenus par les élèves sont fréquemment utilisés comme critère de sélection – phénomène anxiogènepour eux comme pour leurs parents.De meilleures méthodes pédagogiquessont nécessaires pour surmonter ces obstacles et convaincre de la valeurpositive intrinsèque de la S&T et de ses métiers. Cependant, les professeurs sont souvent recrutéssur base de leurs compétences spécifiques sur certains sujets, et non sur leurs capacités d'enseigner. »

Frédéric Sgard Administrateur de projetsForum Mondial de la science – OCDE

Page 20: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Alessandro Armando intelligence artificielle université de Gênes – ITC’est difficile de préciser ce qui m’a poussé àdevenir chercheur… Cela s’est fait graduel -lement. Le désir d’apprendre et d’explorer, leplaisir de la découverte…

Jean Audouze physicien – chercheurau CNRS – FR

Ce métier m’apporte la liberté d’entreprendre,quand et comme j’en ai envie, des actions medonnant le plaisir de comprendre et de décou-vrir ce qui nous entoure.

Axel Cleeremans sciences cognitives Directeur de recherches au FNRS – BE

Ce qui m’a décidé de me lancer dans cemétier, c’est un exposé de Donald Broadbent,

un des grands psychologues cognitivistesbritanniques. Le sentiment de contribuer à nosconnaissances, de pouvoir être créatif auquotidien et de diffuser notre savoir m’ap-porte un immense plaisir...

Christine Chappuis enseignante en droit université de Genève – CH

Le droit est une discipline que j’ai choisie pourde mauvaises raisons, mais il s’est imposé àmoi comme un sujet passionnant de réflexions.Ce qui me plaît, c’est d’expliquer des notionsabstraites, parfois compliquées, et de montrerleur application concrète aux étudiants. Celaforce à un approfondissement qui nourrit larecherche. À son tour, celle-ci peut aboutir àdes réflexions dont la soudaine fulguranceéblouit. Pour un instant. Mais il est précieux.

Christelle Chrea biologiste de la nutrition centre suisse en sciencesaffectives de Genève – CH

Je n’ai jamais eu l’idée d’être chercheuse. Monrêve d’enfance était d’être chef cuisinier etcela fut ma formation initiale. J’ai opté pour larecherche car j’ai eu l’opportunité de m’investirdans un sujet qui recouvrait beaucoup de mescentres d’intérêt personnels (le monde desodeurs, la découverte de nouvelles cultures), etsurtout d’effectuer ce travail sous l’encadrementde personnes passionnées qui m’ont transmiscette passion. Ce métier me permet d’avoirune grande liberté de pensée, d’être créative,d’avoir l’opportunité de rencontrer despersonnes de différents milieux et cultures, decommuniquer sur mon travail. Enfin, j’ai l’im-pression que ce que je fais maintenant rejoint

un peu mon idéal – travailler dans undomaine expérimental et exploratoire sur desconcepts qui touchent au plaisir de la boucheet du nez.

Martine Collart généticienne – université de Genève – CHPetite, j’ai toujours adoré tous les puzzles etles casse-tête. Puis, à l’école secondaire, l’idéede faire de la recherche pour faire progresserla médecine et la connaissance m’a interpellée.Ensuite, lorsque j’ai eu l’occasion de travaillerdans un laboratoire au cours de mes études debiochimie, j’ai immédiatement compris quec’était exactement ce que j’avais envie de faire.J’adore tout le jeu qui va avec la recherche –c’est-à-dire regarder l’évidence, établir desmodèles qui peuvent expliquer les observations,définir des expériences qui servent à prouverou infirmer les modèles et les exécuter. J’aimeaussi apprendre. Et l’évolution de la connais-sance dans notre domaine est abso lumentfascinante.

Christian de Duve Prix Nobel de médecine – BE

En deuxième année de médecine, en 1935, j’aisuivi la tradition selon laquelle les « bons »étudiants consacraient leur temps libre àtravailler à titre bénévole dans un laboratoirede recherche. Je suis entré au laboratoire dephysiologie. Un an plus tard, j’avais attrapé levirus. Il ne m’a plus quitté.

Anders Karlsson spécialiste en photo-nique quantiqueRoyal Institute ofTechnology – SE

Enfant, je faisais des constructions avec desLego et, à l’école, j’ai toujours aimé la physiqueet les mathématiques. Au lycée, je me rappelletrès bien la visite que nous avons faite àl’École Royale Polytechnique de Stockholm,où je vis pour la première fois des lasers…En tant que chercheur, stimuler son esprit enessayant de comprendre, jouer avec destechnologies de pointe, rencontrer des gensintéressants venus des quatre coins dumonde… quoi de plus agréable?

20 research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007

TÉMOIGNAGES

La recherche,passionnémentJeunes chercheurs,scientifiques titrés, Prix Nobel, communicateurs…Quel est le déclic qui a pu les pousser à selancer dans la science?Que leur apporte leurmétier ? Points de vue en bref.

Page 21: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Marco Kirm physicien – universitéde Tartu – EE

J’ai toujours été curieux du pourquoi et ducomment des choses. Ce qui me passionne,c’est la beauté des processus d’apprentissageet de recherche. Comment, après le désap-pointement, on atteint finalement la « vérité » ets’ouvre un nouvel horizon…

Athanasios G.Konstandopoulos ingénieur chimiste directeur de Aerosol &Particle Technology Lab – EL

Le désir très puissant d’être libre de choisir et defaire ce que j’aime, au lieu qu’on me l’impose,est une excellente motivation. Mais je souhaitesurtout que mes recherches aient un impact etsoient utiles à notre société.

Guido Kroemer biologiste moléculaire Directeur de recherchesINSERM – FR

Si vous aimez l’odeur des souris, le bruit desréfrigérateurs, l’allure des cellules au micro-scope, l’ambiance des nuits au labo et l’excitationde la recherche bibliographique, alors vouspourriez devenir scientifique… C’est dans cesmoments, où l’esprit obtient une victoire à laPyrrhus sur la matière, que je me sens lemieux dans mon métier de chercheur. Le plusimportant reste cependant, pour moi, le fait detravailler dans une ambiance chaleureuse,dans laquelle mes collègues sont satisfaits deleurs projets.

Klaus Müllen chimiste Max-Planck Institute for Polymer Research –DE

Chercher, c’est faire et apprendre des chosesque personne n’a faites et apprises avant.

Michael North chimiste – université de Newcastle – UK

L’inconnu m’a toujours fasciné et la chimieoffre l’unique opportunité de préparer dessubstances qui n’ont jamais existé dansl’Univers. Et d’être la première personne àétudier leurs propriétés. Je souhaite contribuerà améliorer la situation de l’humanité et depouvoir, par mes recherches, trouver des alter-natives chimiques qui éviteront le gaspillage.

Helga Nowotny sociologue Vice-présidente du Conseil européen de la recherche – AT

Vers le milieu de mes études secondaires, j’aisoudainement découvert la joie de comprendre.Un problème qui semblait ne pas me concernertransformait finalement une part du monde enune chose qui maintenant était mienne. Cettejoie m’a toujours accompagnée. La recherche,c’est suivre sa curiosité et ne jamais se sentirabandonnée par ses propres motivations. C’esttester des idées – quels que soient les conceptsou les faits empiriques. Et c’est aussi d’endiscuter avec des gens intéressants ( ce quin’exclut pas les désaccords ), pour encorerecommencer…

Osmo Pekonen mathématicien université de Jyväskylä – FI

J’ai été attiré par la recherche mathématiquetrès jeune, ayant participé deux fois, commelycéen, aux Jeux olympiques internationauxde mathématiques dans l’équipe finlandaise.On peut parler d’un amour de jeunesse.Comme journaliste scientifique, j’ai eu la chancede faire la connaissance de quelques-uns desplus grands mathématiciens de notre époque.Ce sont souvent des personnalités hautes encouleurs qui restent, hélas, assez méconnuesdu grand public. Je crois que je ne quitteraijamais le beau jardin des mathématiques.

Wendy Sadler physicienne Science made simple Cardiff –UK

J’ai choisi une carrière de communicatrice ensciences parce que j’aime l’expression queprennent les visages du public lorsqu’ils com-prennent quelque chose de scientifique pourla première fois. Je suis passionnée de physiqueet je saisis les opportunités de partager cettepassion avec le plus de gens possible. Laphysique a toujours été, pour moi, un moyende comprendre le monde – depuis la couleurdu ciel jusqu’au fonctionnement de ma télé-commande. Les étudiants ont un tel stéréotypenégatif des physiciens que j’aime observer sije parviens à leur faire changer d’opinion,voire même les enthousiasmer…

Javier Tejada physicien - université de Barcelone – ESQuand j’étais enfant, je regardais mon pèretravailler. Il était chimiste. Ce qui me motive ?La recherche de nouvelles idées et la réalisationd’expériences nouvelles. Entendre la réponsede la nature et jouer au jeu des questions etréponses en sciences sont pour moi le plusexcitant.

Lise Thiry virologue – UniversitéLibre de Bruxelles –BE

Aucune vocation prémonitoire… J’aimais lamédecine générale mais je suis entrée àl’Institut Pasteur because mon bébé: avoir deshoraires fixes! Mais alors, j’ai été mordue. Ceque la recherche m’a le plus apporté ? Que lacuriosité n’est pas un vilain défaut. Elle est àcultiver aussi dans la vie de tous les jours.

Alexandre Wajnberg

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007 21

TÉMOIGNAGES

Page 22: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Tout enfant, Tomasz Wdowik s’intéres -sait aux sciences, principalement à laphysique, l’astronomie et la biologie.À 12 ans, au Gymnase de Rzeszów

(Pologne), c’est la chimie qu’il découvre.« Jétais fasciné par les virages colorés ... Et puisj’ai découvert un livre expliquant la chimieorganique, et ça n’a jamais cessé de m’intéres-ser. » Son professeur, Genowefa Napiórkowska,remarque sa curiosité et en parle à des amischercheurs. Ainsi, dès l’âge de 14 ans, Tomaszaura l’occasion de travailler dans un des labo-ratoires de l’université technologique de sa ville,sous la supervision de Grazyna Groszek, et dese lancer dans la synthèse d’une moléculeorganique. « J’adorais cela, je travaillais durantles vacances, certains dimanches ... Je préfèrede loin la chimie au football, qui n’est pas matasse de thé… Ceci dit, j’aime aussi la musiqueclassique et la musicologie. »

Les surprises de StockholmÀ la fin de son cycle secondaire, TomaszWdowik est choisi par la sélection nationalepolonaise pour participer à la 18ème édition duConcours européen des jeunes scientifiquesqui se déroulait à Stockholm, en septembre 2006.«Ma recherche n’a pas été effectuée en vue duconcours. Elle était déjà bien avancée. Il s’agitd’une synthèse organique complexe d’un nou-veau composé susceptible d’agrandir la familledes ß-bloquants, des molécules qui interviennentdans les thérapies d’affections du système cardio-vasculaire comme les arythmies cardiaques, l’hy-pertension, la migraine, le glaucome…» Le défi est de taille. Durant les mois qui ontprécédé le concours, une des sept étapes dela synthèse «ne marchait pas », ce qui paraly-sait le processus. En modifiant les conditionsréactionnelles, en essayant une chose, puisune autre, en ...cherchant, Tomasz Wdowik l’a

emporté. Il s’est donc retrouvé devant le jury,à expliquer sa démarche, dans un anglais quilui faisait un peu peur. «Outre les étapes de lasynthèse chimique proprement dite, les postersde mon stand décrivaient aussi les principesbiochimiques de l’action de ß-bloquantsconnus. C’était indispensable pour comprendrela structure de cette nouvelle molécule et l’in-térêt de la créer. J’avais bien décelé un intérêtchez les jurés, mais je n’espérais pas un premierprix ... ». Cette reconnaissance lui a donné desailes. Ce séjour à Stockholm lui a permis dediscuter avec d’autres concurrents, de s’intéres -ser à leurs projets, de nouer des relations avecd’autres chercheurs venus de tous les horizons.Depuis, Tomasz, suit les cours de l’universitétechnologique de Varsovie.

D’une molécule à l’autreIl est, en outre – à l’âge de 19 ans –, membredu Groupe de méthodologie de synthèse deproduits naturels dirigé par Jerzy Wicha, àl’Institut de chimie organique de l’académiedes sciences polonaise. Son objectif: « réaliserquelque chose de neuf en chimie, découvrirde nouvelles voies de synthèse de certainesmolécules… La synthèse de composés orga-niques est particulièrement difficile. Un despoints chauds actuels, dans ce domaine, est laréalisation de la synthèse totale – cest-à-dire lapossibilité de construire des molécules à l’ar-chitecture complexe en partant de moléculestrès simples, voire banales. Trouver le bonchemin est presque un art. J’ai entamé lasynthèse totale d’une molécule naturelle isoléed’une éponge marine. J’en suis à la phase desessais, en testant différentes voies de synthèse.Tout est encore ouvert…» Et la molécule du concours ? «C’est terminé.Des chercheurs de l’industrie pharmaceutiqueexplorent son action. Nous saurons ensuite sicette molécule, qui a été déposée à l’Officepolonais des brevets, est un bon ß-bloquant.

Alexandre Wajnberg

22 research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007

ITINÉRAIRE

Concours européen des jeunes scientifiqueshttp://ec.europa.eu/research/youngscientists/code/bergen.htmGroupe de Jerzy Wichawww.icho.edu.pl/ENG/groups/18/18.htm

Un surdoué de la chimie Mozart n’est pas loin… Lauréat du Concours européen des jeunesscientifiques en 2006, Tomasz Wdowik a des idées et de la persévérance. La chimie l’intéresse depuis l’âge de 12 ans, signe que la science suscite toujours la passion chez certains jeunes. À la fin de ses études secondaires, il travaille sur la synthèse organique d’un nouveau composé de la famille des ß-bloquants, ces molécules bienconnues pour le traitement des maladiescardio-vasculaires. Coup d’œil sur un cheminement peu commun.

Tomasz Wdowikdans son stand, au Concours européen des jeunesscientifiques Stockholm, 2006

Page 23: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

2003. Une « expédition » baptiséeAntarctica permet à des élèves suissesde se plonger d’une manière origi-nale dans la découverte des régions

polaires et des phénomènes astronomiques,physiques et biologiques qu’elles présentent.Le projet est imaginé par l’équipe Passerelle del’université de Genève. Destinée à des enfantsdes écoles primaires, l’aventure sest terminée parle voyage, à bord d’un brise-glace, d’unelycéenne, d’un astrophysicien et d’une journa-liste, afin d’observer une éclipse totale duSoleil en Antarctique. Pendant ce temps, télé-phone aidant, les enfants restés à terre leurposaient des questions sur leur vie à bord etleurs impressions. « Tout cela donnait unedimension humaine à ce qu’ils apprenaient etc’était vraiment un moment magique, qui don-nait simultanément tout son sens aux activitésen classe », remarque Sophie Hulo, biologiste,membre de la Passerelle. Le second projet, climaTIC-suisse, d’unedurée de deux ans, est mené actuellementavec plus de 40 classes primaires et ungroupe de lycéens d’une quinzaine d’années.À travers le thème des changements de l’en-vironnement, il vise à jeter un pont entre lessciences naturelles et les sciences humaines.Pour les plus jeunes, une bande dessinée etdes dossiers pédagogiques ont été créés. Cematériel leur a permis d’acquérir des outils delecture du monde qui les entoure. Les enfants

ont ensuite pu tester ces outils sur des situationsconcrètes, en participant à des enquêtes inter-actives portant sur le thème du bois et de laforêt et en investiguant, notamment, auprès dela population et des spécialistes de cet éco-système.

Echanges transcontinentauxPoint d’orgue de cette démarche, en mars der-nier, une enquête en République Démocratiquedu Congo (RDC) a permis aux jeunes élèvesd’approfondir le sujet. Ceux-ci ont piloté àdistance deux enquêteurs qui, sur place, sesont faits les témoins d’une réalité complexeintégrant tant le problème de la déforestationque celui des enfants soldats. Lors de l’expédition à Bukavu, photos et car-net de voyage étaient placés chaque jour sur lesite Internet du projet. «L’expérience pédago-gique se veut un cas d’école sur la façon des’immerger dans une autre réalité, de mieuxsaisir les liens qui existent entre le Nord et leSud, entre le local et le global, entre lessciences naturelles, humaines et sociales.» (1)

Le secondaire n’est pas en reste. Depuisseptembre 2006, cinq enseignants d’un lycéegenevois proposent un cours pluridisciplinairequi repose sur des thèmes environnementauxproposés par des confrères congolais, corres-pondant à leur réalité : les mines, l’eau, lesdéchets, la biodiversité, les changements clima-tiques, la déforestation. Les cinq professeurs

suisses (histoire, géographie, physique, éco-nomie, droit, biologie) ont appris à travaillerensemble, pendant un an, pour créer ce coursà option choisi par onze élèves. Ils ont construitleur propre pédagogie transversale à partird’une importante documentation élaborée parles partenaires africains et l’équipe de laPasserelle.Après quelques premiers mois théoriques, leslycéens se sont lancés, depuis le printemps,dans la seconde phase du projet. Partant desituations concrètes de l’Est de la RDC, parexemple un glissement de terrain proche deBukavu, dans la région des Grands lacs (Kivu),ils vont tenter d’imaginer une « solution » enréutilisant les connaissances et les outils acquispendant la première phase. Ces propositionsseront ensuite expertisées et évaluées enregard des contraintes locales, par des univer-sitaires congolais. « L’objectif est de sensibiliserles jeunes à la nécessité d’une approche sys-témique – c’est-à-dire à la fois écologique,humaine et sociale – de ces questions. Ce travailleur permet d’entrer dans une démarche d’in-ves tigation et de recherche – une réelledémarche scientifique. » Cette démarche est facilitée par la masseimpressionnante de documents, la base dedonnées, les liens vers d’autres sites ou blogs,le forum de discussion qui se trouvent sur lesite de climaTIC-suisse. «Nous travaillons avecune seule classe, et peu délèves, ce qui peutsembler disproportionné. Mais le matérieldéveloppé se trouve en ligne et est accessibleà tous les enseignants et au grand public…»

Didier Buysse

(1) Toutes les citations sont de Sophie Hulo.

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007 23

UNIVERSITÉSÉCOLES

www.climatic-suisse.ch

Pédagogiehelvétique

Les Suisses ne font pas les choses à moitié.Confronter les jeunes à la vraie nature interdisciplinaire de la science est une affairesérieuse. Les initiatives de l’université de Genèveouvrent la voie à des pédagogies nouvelles, multidisciplinaires, centrées sur la problématique de l’environnement.

Communication Bukavu-Genève. Des enfantscongolais posent directement des questions aux enfants suisses, à partir de thèmes proposés par le projet. Encore faut-il trouver le bon créneauhoraire, obtenir une ligne sans « friture » et se lancerdans l'inconnu pour communiquer …

Page 24: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Selon beaucoup d’enseignants dessciences en Europe, Xplora vientcomme une bouffée d’air. « La meil-leure expérience jamais vécue dans

ma carrière, affirme Lidia Minza, professeurde chimie au collège Vasile Alecsandrià Galati,en Roumanie. Les professeurs de sciencesdoivent constamment avoir accès à de nou-velles ressources pratiques qui soient efficaceset attractives pour leurs élèves. Dans ce sens, les

technologies de l’information et de la commu-nication offrent des perspectives incroyablespour l’enseignement scientifique. »En offrant un libre accès aux professeurs, étu-diants et scientifiques, le portail Xplora jouesur l’effet boule de neige. « Il faut d’abordmotiver les professeurs si l’on veut motiver lesétudiants, explique Karl Sarnow, responsabledu projet, coordinateur pédagogique et profes-seur de mathématiques, physique et informa-tique à Hanovre (DE). Si l’on veut augmenterle nombre d’étudiants en sciences, il faut s’adres-ser directement aux écoles européennes.»

Salles de classe et open sourcesPour inciter les professeurs à introduire denouveaux outils informatiques et multimédiasdans leurs cours, les concepteurs d’Xplora ontdû chercher un moyen ingénieux de diminuerau maximum les obstacles techniques etfinanciers liés à l’installation de logiciels. Dansun premier temps, ils ont donc recruté ungroupe d’enseignants «branchés» TIC et innova-tion pédagogique afin de trouver les meilleursmoyens d’assister les professeurs et de diffuserl’intérêt du projet.S’appuyant sur la plate-forme d’apprentissageMoodle(¹), l’équipe a mis en place le DVDKnoppix, qui reprend des ressources pédago-giques d’un logiciel open source qui peut êtrecopié et échangé librement entre professeurset étudiants. Les enseignants peuvent y ajouterleurs propres ressources et des informationssupplémentaires permettant d’approfondir telou tel sujet. Afin d’optimiser le déroulementde ces leçons électroniques, Xplora vient decréer le concept Mouse (Moodle On USB StickEnvironment ) qui permet de stocker descours entiers à partir d’une simple clé USB.L’intérêt de ces offres pédagogiques est nonseulement de faciliter le travail de l’enseignantdans ses recherches mais surtout de stimulerl’intérêt des élèves, leur permettant de travailler

chez eux sur leur DVD Knoppix ou leur Mouse.Si l’on en croit Karl Sarnow, l’utilisation duMouse suscite un véritable enthousiasme chezles professeurs en sciences. «Ceci favorise aumaximum la maniabilité du contenu, d’autantplus qu’ils peuvent y ajouter leur propretouche. »Comme pour tout projet de grande diffusion àl’échelle communautaire, Xplora est confrontéà la multiplicité des langues. Les ressourcessont, pour l’instant, disponibles en anglais,français et allemand. Des versions supplé-mentaires dépendent de l’implication et de lamotivation d’enseignants qui pourraient,volontairement, proposer des traductions. « Ladimension participative d’Xplora est essen-tielle, souligne Karl Sarnow. Ce doit être unevéritable communauté en ligne où les profes-seurs sont, non seulement utilisateurs, maissurtout proactifs. »

Le coup de génie de la webcamL’intérêt pédagogique d’Xplora ne repose passeulement sur ses techniques, mais sur soncontenu. En scientifique qui se respecte, KarlSarnow insiste sur l’observation dans l’ensei-gnement des sciences. «Une leçon sans pratiqueet sans observation est une leçon de perdue. »Et l’observation peut être virtuelle. Xplora pro-pose ainsi, via Internet, des expériences scienti-fiques, contrôlées à distance, qui connaissent unvrai succès dans le secondaire. L’équipement« réel » expérimental est installé dans une uni-versité ou un musée scientifique et directementrelié à des salles de classe via une webcam.Les élèves de différentes écoles et différentspays peuvent alors observer et participerensemble à des expériences trop complexes –voire trop dangereuses – pour être réaliséesen classe.Pour Eleni Kyriaki, professeur de sciences et infor-matique à l’École européenne II de Bruxelles,ces nouvelles méthodes ouvrent des pistes

24 research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007

XPLORA

Lancé en juin 2005 par le réseau européendes Ministères de l’éducation EuropeanSchoolnet (EUN), le portail Xplora propose une immensemédiathèque en lignede l’enseignementscientifique. D’ici peu,certains ne pourrontsans doute plus se passer des technologiesde l’information et de la communication(TIC) pour stimulerl’intérêt pour la sciencedans les salles de cours.Coup de projecteur sur une nouvelle donnepédagogique.

Profs assistés par ordinateurs

Page 25: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

passionnantes pour l’enseignement des sciences.«Elles permettent à l’élève d’observer une expé-rience réelle et de lui faire prendre consciencede son intérêt. Cependant, il faut rester vigilant,et ne pas laisser les jeunes livrés à eux-mêmesface à leur ordinateur. Il est nécessaire de lesguider et de leur indiquer clairement lesdémarches à suivre pour aboutir à un résultat.»Karl Sarnow estime que ces expériences sontla preuve qu’une activité informelle et ludiquepeut s’intégrer efficacement dans un cadrescolaire. Après deux ans, Xplora a posé ses

marques et est apprécié de nombreux ensei-gnants. Reste à évaluer son impact réel sur lesélèves.

Carlotta Franzoni(¹) Moodle est une plate-forme d’apprentissage en ligne sous licenceopen source servant à créer des communautés d’apprenants autourde contenus et d’activités pédagogiques.

Deux exemples tirés de Xplora

Quatre Saisons, les astres et les coutumesExaminer la science, la religion et l’histoire à travers une même expérience est loin d’être absurde …En relevant l’heure exacte et l’endroit précis du coucher du soleil et en fonction de dates astrono-miques spécifiques, des groupes d’élèves découvriront le lien existant entre les astres et le calendrierde telle ou telle civilisation. Ils pourront alors répondre à différentes questions du type : « qu’est-cequ’un équinoxe et un solstice?», «pourquoi célèbre-t-on Pâques et Noël à ces moments de l’année?»À travers des forums de discussions et d’images, les écoles pourront comparer et partager les résultatsobtenus et leurs différentes traditions. Professeurs et étudiants apprécient particulièrement cetteapproche pluridisciplinaire qui réunit des matières comme l’astronomie, la géographie, la religionet également le dessin sur un même chantier d’expérimentation.Millikan et la charge élémentaire L’expérience de la goutte d’huile de Robert Andrews Millikan lui valut, avec d'autres travaux, un prixNobel de physique en 1923. De quoi s’agit-il ? Il « suffit » de charger électriquement des gouttelettesd’huile et d’essayer de mesurer les charges électriques obtenues. Pour ce faire, on les pulvérise suc-cessivement entre deux électrodes dont on fait varier le potentiel jusqu’à les immobiliser, donc àéquilibrer toutes les forces qui agissent sur elles, y compris leur propre charge. On mesure alors lepotentiel électrique des électrodes et on en déduit la charge des gouttelettes. En raison de la varia-bilité de la masse des gouttelettes lors de la pulvérisation, ainsi que de la variabilité du processus decharge électrique lui-même ( par frottement ou par ionisation ), on obtient quasi chaque fois descharges électriques différentes. Millikan a observé qu’elles étaient toutes multiples d’une mêmevaleur, e, à savoir la charge élémentaire de l’électron. Sa valeur réelle est 1,60217646210×10−19 cou-lombs ( C ), alors que celle obtenue par Millikan est de 1.592x10−19, en raison d’une probableimprécision sur la viscosité de l’air. Trop complexe à effectuer en classe, cette expérience nécessiteun nombre considérable de valeurs pour être révélatrice. Xplora vient donc de lancer un nouveauconcept web permettant de mettre en commun les résultats de différentes écoles dans une basede données consultable par tous. Une fois cette collecte effectuée, les étudiants pourront comparerles valeurs de charge obtenues et constater, comme Millikan, que les résultats sont, non pas continus,mais discrets, et que les valeurs sont toutes multiples de e. Une excellente initiation à la recherchecollaborative …

www.xplora.orghttp://www.europeanschoolnet.org/ww/en/pub/eun/index.htmwww.xplora.org/ww/en/pub/xplora/

Les analyses de Pencil

Pencil ( Permanent European ResourceCentre for Informal Learning ) fait partie deNucleus, un regroupement de projets sou-tenus par l’Union à travers le plan d’actionScience et société du sixième programme-cadre. Son objectif est d’identifier lamanière dont l’éducation informelle, prati-quée notamment dans les centres etmusées de science, représente une sourcede connaissances susceptible d’appuyeret de compléter l’enseignement scolaire.Autrement dit, comment « l’informel » et« le formel » peuvent se rejoindre. Riend’étonnant, dès lors, à ce que le projet soitcoordonné par le réseau Ecsite ( EuropeanNetwork of Centres and Science Museums ).

Au cœur de l’initiative, 14 musées et cen-tres de science lancent différents réseauxet projets chargés d’analyser la manièred’insuffler ces « approches croisées » dansde nouvelles pratiques pédagogiques. Cesréseaux de petite taille – question d’effica-cité – se caractérisent par la diversité deleurs participants ( écoles, élèves, associa-tions d’enseignements, chercheurs, res-ponsables nationaux de l’éducation,spécialistes de la communication de lascience ). Parallèlement, les membres d’unpôle de réflexion académique ( deux uni-versités ) présenteront les meilleurs exem-ples de diverses pratiques d’éducationscientifique, repérés à partir des 14 projetspilotes.Le site Xplora.org représente déjà un outilimportant de cette nouvelle stratégie.

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007 25

XPLORA

www.ecsite.net

Page 26: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

26 research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007

Fascination Lumière, exposition itinérante à travers l’Europe

Ecsite

1989. Vingt-trois responsables demusées et centres de science réu-nis à Heureka (FI) décident de fonc-tionner en réseau. Cette initiative,qui prendra le nom d’Ecsite,compte aujourd’hui 385 parte-naires – parmi lesquels on trouveaussi des zoos et des aquariums,des universités et des centres derecherche. Ses membres ne manquent pas depoids : ils représentent plus de 30 millions de visiteurs chaqueannée (dont plus de 60 % ontmoins de 25 ans) et en rassemblentbeaucoup plus via Internet.L’objectif d’Ecsite est de favoriserles relations entre ces différentspôles éducatifs européens qui partagent la même volonté de diffuser la connaissance scienti-fique auprès du grand public. Leurobjectif commun est de transmettrele savoir d’une manière attractive etcompréhensible, en favorisantsouvent les débats sur les problèmes « science-société ». Le réseau facilite les rencontres, la réflexion, l’échange de bonnespratiques, les initiatives communes.Plusieurs projets européens,présentés dans ce numéro,

sont coordonnés ou mis en réseaupar Ecsite, comme Pencil, Hands-On& Brains-On, Decide, Wonders,Connect et Nanodialogue.

www.ecsite.net

Les bénéfices de l’interaction

Allier la pédagogie formelle etinformelle, les leçons données à l’école et l’interactivité proposéepar les centres de science. Telle estla philosophie du projet Hands-On& Brains-On, qui rassemble huitmusées et centres de science européens. Les réseaux EuropeanSchoolNet et Ecsite se chargent defaire la liaison entre ces organismeset les enseignants. Différentespistes de travail sont lancées. Le centre finlandais Heureka, coordinateur du projet, est, par exemple, à la tête d’un groupe« chimie » dont le projet, ColourfulChemistry a été présenté et« testé » auprès de ses partenaires.L’objectif final est de trouver les« meilleures pratiques » combinantdes manières complémentaires –en classe et ailleurs – de s'initieraux sciences.

www.ecsite.net/new/blank.asp?

type=projects&keyword=Handson

www.heureka.fi/portal/englanti/

about_heureka/research/hands_

on_brains_on_project

Projet Colourful Chemistryprésenté à Heureka (FI)

Péter Csermely

Mentoring à la hongroise

Pour stimuler les vocations des« scientifiques en herbe », rien nevaut la méthode consistant àreconnaître leurs capacités àmener leurs propres recherches.C’est ce qui fait le succès de l’initiative hongroise KutatóDiàkok. Elle fut créée en 1995 par Péter Csermely, biologistemoléculaire de l'universitéSemmelweis à Budapest, passionnéde communication de la science –ce qui lui a d’ailleurs valu un prixDescartes, dans ce domaine, en 2005.Chaque année, un millier dejeunes de 14 à 20 ans se rejoignentdans des stages d’été où ils jouentles apprentis chercheurs, dans desdomaines de leur choix. En unedécennie, les inscriptions se sontmultipliées par dix. Les meilleursauront la chance de participer à d’autres cycles de recherche, en Allemagne, en Israël, en Irlandeou aux États-Unis.

www.kutdiak.hu/uj/56-4746.php

Les super-héros de Cybernia

Les Resistors forment un groupe dequatre super-héros. Ils luttent poursauver leur planète, Cybernia, desenvahisseurs. Chacun d’eux est unexpert dans son domaine technique.

Luc sait tout sur l’optique, Soniasur le son, Amber sur l’électricité etle magnétisme et Dig sur les TIC etles nanotechnologies. Utilisant lesrecettes familières des play stations,leur site offre des jeux, des animations et d’autres outils interactifs chers aux adolescents.Tout cela permet d’expliquer desconcepts high-tech complexes enlangage « cyber ». L’égalité desgenres est respectée et les belleshéroïnes devraient stimuler l’inté-rêt des sciences chez les filles…

www.theresistors.com/

La vieille dame en la matière

1901… C’est alors que quatre professeurs du collège d’Eton (UK)tiennent une conférence poursecouer leurs collègues des écolespubliques. Il est grand temps, à leurs yeux, de changer la manièrede transmettre les sciences naturelles. Le mouvement est lancé.Groupes, débats et réflexions sepoursuivront jusqu’à ce que laScience Master’s Association etl’Association of Women ScienceTeachers se regroupent, en 1963,pour former la très fameuseAssociation for Science Education(ASE). Combative, imaginative, passant au crible toutes les pistespédagogiques et les réformes possibles de l’éducation, l’ASE réunitaujourd’hui 15 000 enseignants(de tous niveaux scolaires) et 2 500 étudiants. Preuve de sa vitalité,sa conférence annuelle rassemble3 500 personnes et sa réputationdéborde largement les frontièresdu Royaume-Uni.

www.ase.org.uk/

©La

serL

ab E

urop

e

© T

echn

opol

is, C

entr

e fla

man

d de

s sc

ienc

es

ET CAETERA

Page 27: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007 27

Le duo science-société« Le point de vue des citoyens serait-il par nature un problème dont on nepeut se préoccuper qu’après coup ? La société ne peut-elle entrer en jeuqu’une fois la science accomplie ? Un tel raisonnement est dénué de sens,notamment parce que la participationdu citoyen est déjà une réalité – que nous le voulions ou non, que nousl’encouragions ou non. La politique de recherche, dans une Europe démocratique, doit tenir compte de l’opinion publique, et ce dès les premiers stades de sa mise en œuvre.Aujourd’hui, la question n’est pas tantde savoir si la société de la connaissance est compatible avec la démocratie. Elle ne peut exister sansune société réellement démocratiquedans tous ses processus, y compris la gouvernance du savoir. »

Massimiano Bucchi Sociologue des sciences, université de Trente, Italie

Page 28: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Londres, comme de nombreusesgrandes villes européennes, abriteun véritable museum. Un muséed’histoire naturelle, datant du 19ème

siècle, dépositaire de collections, abritant deschercheurs, chargé de gérer un capital detémoignages et de connaissances. Mais,comme bien des museums, celui de Londres arepensé – notamment sous l’effet dynamiquedes centres de sciences – sa manière dedéployer ses richesses en direction de différentspublics (écoles, familles, citoyens intéressés parles débats « science-société », etc.).

Mise en scène et simulationHormis la galerie des minéraux – une présen-tation de style victorien au charme désuet –,les différentes salles bénéficient d’une mise enscène soigneusement étudiée. En témoigne lacollection de fossiles de dinosaures abritéedans la Blue zone. Au-delà du spectacle, impres-sionnant en soi, de ces animaux disparusdepuis des millions d’années, un jeu de pas-serelles permet de se promener au milieu desossements et d’examiner de près la reconstitu-tion de ces reptiles géants. La vedette en est letyrannosaure, grandeur nature, énorme auto-

mate qui se meut et rugit, fascinant petits etgrands. Un gadget ? Absolument pas. Il n’y aaucune raison d’apprendre en s’ennuyant,estime Sarah Hone, membre de l’équipe éduca-tive du Musée. «Nous, on a besoin de jouer,sinon on ne retient rien », confirme un enfant,tandis qu’un autre se déclare ravi «parce qu’icion peut toucher à tout ».Ceux qui souhaitent approfondir le sujet pour-ront, de retour chez eux, grimper sur le site dumusée pour répondre à la question «queldinosaure êtes-vous» et, à partir de là, ensavoir beaucoup plus. L’espace Kids only leurpermet, selon leur âge, de se lancer dans desjeux interactifs et d’avoir accès à des lienspédagogiques (notamment vers la BBC) surces questions. Un peu plus loin, la Red zone est consacréeà la géophysique terrestre. Sur les murs del’immense Earth Hall sont peintes des repré-sentations du système solaire et des constella-tions. Une énorme sphère figurant la Terre estsuspendue dans les airs, transpercée parl’escalator qui mène droit vers la salle d’expo-sition de vulcanologie. L’impression de mystèrequi se dégage de l’ensemble donne envie dele percer. Comment, par exemple, un volcan

se met-il soudain en action? Une maquette vousexplique le fonctionnement d’une chambre mag-matique. Que ressent-on lors d’un tremblementde Terre? Les visiteurs peuvent «revivre» celui deKobe (1995) grâce à la reconstitution des mou-vements du sol enregistrés lors de ce séisme.

Des chercheurs sans secretAu-delà du grand public, le musée développeune véritable politique en direction desécoles, appuyée par une équipe pédagogiquequi entoure les enfants dès leur arrivée. Lesprofesseurs ont le choix entre diverses activitéséducatives, proposées dans un cataloguevirtuel. Des spectacles de marionnettes per-mettent aux plus petits de se familiariser avecl’histoire naturelle. Des comédiens entraînentles enfants dans des enquêtes à travers lesdifférentes galeries du musée. Le personnagede Circadian Sam, par exemple, qui ne saitjamais si c’est le jour ou la nuit, connaît enrevanche très bien les animaux et demandeaux élèves de l’aider à découvrir ceux qui sontendormis et ceux qui sont éveillés. MaryAnning, une chasseuse de fossiles du 19ème

siècle, leur racontera sa vie tout en leur faisantdécouvrir un certain nombre de théories

28 research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007

MUSÉE

Un classique dans le ventLook victorien et taille XXL, le Natural HistoryMuseum de Londres pourrait donner envie, à certains, de passer leur chemin. Erreur… Dès l’entrée, sous une voûte grandiose, des enfants gambadent autour d’un diplodocus. Ils vous rappellent qu’ici on peut toucher, explorer, en savoir plus dans la bonne humeur –ce qui n’enlève rien à la qualité des connaissancesdispensées. C’est également au Museum que travaillent 300 chercheurs et que sont rassemblésplus de soixante dix millions d’objets répartis entre les collections de botanique, d’entomologie,de minéralogie, de paléontologie et de zoologie.

Enfant à la loupe.

© NHM

Page 29: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

scientifiques. Les écoliers peuvent égalementse métamorphoser en « dino-scientifiques ».Munis d’une blouse de laboratoire et d’uncahier, ils explorent le musée pour y découvrirles habitudes alimentaires, les mouvements etles habitats de ces géants disparus. Pour les plus grands ( 12/14 ans ), un pro-gramme Sciences de la Terre offre différentstypes d’activités. Ils peuvent, par exemple,utiliser un microscope pour examiner desminéraux et identifier leur cycle de formation.S’ils ont eux-mêmes trouvé des spécimens auhasard de leurs promenades, ils peuvent tenterde les identifier grâce à la base de données dela collection du musée – avec un jeu dequestions-réponses à la clé. Plus élaboré, le How science works at themuseum offre, à des étudiants, la possibilitéde se transformer en chercheurs, en faisantdes expériences pour résoudre des problèmespuis en discutant des applications industriellesdes techniques utilisées. Exemple : déterminerl’âge géologique d’un morceau d’argile enutilisant des techniques paléontologiques. Lebut est de se familiariser avec des méthodolo-gies pour pouvoir lancer des hypothèses etvérifier leur bien-fondé.

Quant aux scientifiques du museum, ils ne secantonnent pas dans leur labo. Leurs travauxsont divers – de l’étude des écosystèmes à lapollution environnementale en passant par lapropagation de maladies colportées par desinsectes, telle la malaria – et ils n’hésitent pasà descendre dans l’arène pour expliquer leurdémarche et affronter les questions des enfants.Ainsi un paléontologiste vous racontera com-ment l’analyse des dents d’un fossile révèle ceque cet être vivant mangeait lors de son passagesur Terre et un entomologiste vous dévoileracomment les insectes peuvent aider à la réso-lution d’un crime. En sens opposé, une visitedu public à l’Investigate Center permet demieux connaître les secrets des météorites,des peaux de serpents ou des ossements detoute nature… Tous ces objets sur lesquelstravaillent les chercheurs peuvent être touchés,manipulés, examinés au microscope et identifiésélectroniquement. De quoi donner aux plusjeunes un avant-goût du métier.

Stéphane Fay

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007 29

MUSÉE

www.nhm.ac.uk/

Un hall-cathédrale… plein de bruit et de vie.© NHM

Leçon de chose :présentation

d’un fossile par un chercheur.

© N

HM

© N

HM

Page 30: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Centre de sciences, la Città apporte unéclairage complémentaire à l’éducationscientifique «classique». Quels sont lesatouts d’institutions comme la vôtre?Les centres scientifiques constituent un endroitinformel où chacun se sent plus libre de s’ex-primer et de faire des erreurs. Ce sont desespaces où chacun peut entrer en contact, nonseulement avec différents types de personnes,mais surtout avec différents types d’objets etd’installations scientifiques. Ils sont interactifset ludiques, ce qui les différencie de lieux plusformels, comme les écoles ou les universités.Mais, bien entendu, l’enseignement scolaire, demême que les ressources pédagogiques fourniespar les médias, sont tout aussi importants.Chaque démarche s’inscrit dans un contextequi lui est spécifique et conduit à desappropriations différentes de connaissances.L’apprentissage idéal devrait permettre dejouer sur ces registres complémentaires.Pour un enfant, par exemple, une premièrevisite dans un musée scientifique accompagnéed´un parent représente une expérience detransmission de connaissance, qui peut êtretrès vivace. Il ne bénéficiera pas du même typed’expérience à l’école, avec son professeur, quilui transmet un savoir d’un autre ordre.

Dans un autre registre, le projet-piloteeuropéen Nanodialogue, dont vous êtesla cheville ouvrière, vient de s’achever.Quel bilan en dressez-vous?Le projet Nanodialogue était axé sur des thèmescomme ceux de l’éthique ou de la portéesociétale des nanotechnologies. Nous avonsdonc cherché à exposer à la fois les aspectspositifs et négatifs potentiels des applicationsdans ce domaine. Même s´ils ne sont pasexperts en la matière, les citoyens doiventavoir leur mot à dire et pouvoir juger librementde ce qui est souhaitable ou non dans leur viequotidienne. De tels débats représentent un moyen trèsefficace, non pas pour convaincre mais pourfaire réfléchir. La question est de savoir si noussommes prêts à intégrer ces nouvelles techno-logies. La première leçon importante que nouspouvons en tirer est que le public ne craintpas l’avancée de ces innovations. Mais savoir neveut pas forcément dire accepter. L’évaluation finale a montré que la grandemajorité du public ayant participé au projet n’estpas forcément pour les nanotechnologies, maisest en tout cas en faveur de la recherche. Cequi est, en soi, très positif.

Quelle a été votre stratégie pour intéres-ser les jeunes à l’exposition qui sous-ten-dait les débats? Il est vrai que, généralement, les adolescentsne possèdent pas les connaissances de baseen matière de science « contemporaine ». Nousavons donc dû trouver un moyen d’explication,simple et original. Un langage très efficaceauprès des jeunes est celui des scénarios dufutur. Pour aborder les questions éthiques,nous avons appliqué le modèle de la science-fiction, à laquelle beaucoup sont familiers.Nous avons aussi essayé d’expliquer commentpeuvent apparaître des problèmes liés auxmatériaux nanotechnologiques. À l´aided’éléments bien connus, comme les crèmescosmétiques ou les piles rechargeables, nousavons exposé clairement la différence entreun produit «normal» et un produit « nano ». Ilétait assez fascinant de voir comment lesjeunes – et les moins jeunes – réagissaient etinteragissaient, au cours de l’exposition, alorsque ces concepts sont loin d’être simples.

Vous êtes aussi très impliqué dans la dimension démocratique du débat«science et société». Dans quelle mesurecette dimension intègre-t-elle les jeunes?Les jeunes ont leur propre système de valeurset c’est pourquoi une question ne leur serapas posée de la même manière qu’auxadultes, ni leur réponse réellement identique.Faire participer les enfants et les adolescentsdans tout type de débat scientifique n’endemeure pas moins essentiel, puisqu’il s’agitlà des citoyens de demain. Dans ce sens, lesinstitutions culturelles et les centres de scienceont un rôle fondamental à jouer puisqu’ils« accompagnent » les jeunes et leur apprennentà développer leur esprit critique.

Carlotta Franzoni

30 research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007

CITTÀ DELLA SCIENZA

Éloge de l’informelDirecteur de la Città della Scienzade Naples et professeur à la facultéde sociologie de l’université Federico II, dans la même ville,Luigi Amodio est un partisanconvaincu de la culture interactive.Il soutient cette approche à traversles nombreuses initiatives éducativesmenées à la Città ainsi que l’organisation de débats citoyens, tel le projet européen Nanodialoguedont il est l’initiateur. Rencontre.

www.cittadellascienza.it/www.nanodialogue.org

Luigi Amodio : « Mêmes´ils ne sont pas experts,les citoyens doiventavoir leur mot à dire etpouvoir juger librementde ce qui est souhaitableou non dans leur viequotidienne. »

Page 31: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

La Città della Scienza est plus qu’uncentre de sciences. Ses responsablessouhaitent impliquer ceux qui vien-nent y découvrir les avancées de la

recherche et des technologies. Ils veulent leurfaire prendre conscience du rôle charnière ducitoyen dans cette évolution et dans les choixqu’ils sont amenés à poser dans ces domaines.Ils se proposent également de réunir diffé-rents acteurs ( chercheurs, enseignants, chefsd’entreprise, citoyens ) autour d’une mêmeambition: dynamiser l’économie régionale àtravers plusieurs foyers de développement.Occupant 12 000 m2 d’une ancienne zoneindustrielle, face à la baie, cette vitrine del’innovation napolitaine rassemble trois pôles :un « musée vivant de la science »pour l’édu -cation, un espace entrepreneurial d’innovationtechnologique inséré dans le réseau européendes Business innovation Centres (BIC) et uncentre de formation supérieure aux multimédias.

Captiver les plus jeunes …Grâce au volet éducatif, les élèves peuvents’immerger « autrement » dans des matièresscolaires scientifiques (mathématiques, phy-sique, chimie, astronomie, géologie, sciences dela vie), mais également dans d’autres champs,comme la musique. Ils participent à des expo-sitions interactives et à différents ateliers.

Qu’ils viennent de la maternelle ou du secon-daire, les groupes interagissent au traversd’une mosaïque d’activités qui laissent décou-vrir aussi bien la magie de la science que sesretombées quotidiennes. L’action de «partici-per » est, ici, fondamentale. «Avec la présencecroissante du multimédia et de l´Internet dansnos sociétés, il est facile de tomber dans le tra-vers d’une certaine passivité, explique LuigiAmodio, directeur de la Città della Scienza. Ilest très important que les enfants aient unedémarche active dans leur apprentissagescientifique. »Le Théâtre des Sons, par exemple, permet auxplus jeunes d’improviser des sonorités et desmusiques sans utiliser la notation ou la codifi-cation. Les adolescents, quant à eux, peuventvivre des expériences de découverte plus poin-tues pour mieux comprendre des recherchesinnovantes. Ainsi, une expérience de biologiemoléculaire virtuelle leur apprend à déterminerune séquence spécifique d’ADN dans unebanque de données bioinformatique et à utiliserdes logiciels multimédias pour simuler lestechniques de recherche les plus usitées. Les activités très diverses de la Città tendraientà démontrer que la science met son grain desel partout ... Y compris dans les pizzas, quisont ici dans leur mère patrie, en observant lecycle de vie de leurs ingrédients ( farine, huiled’olive, mozzarella, tomates ).

… pour mieux les orienterSoucieux de pourvoir l’Italie méridionale entalents créateurs et techniciens innovants, lecentre multimédia dispense des informationset des formations – qui vont du simple conseilà l’initiation à l’informatique et aux logiciels.Enfin, dans cette dynamique Città, le BusinessInnovation Centre joue un rôle catalyseurd’avenir. Accueillant des entreprises innovantes,cet espace de 4 000 m2 leur propose différentsconseils et services: assistance au démarrage,financement, études de marché et marketingde la région, développement durable, aides dela Commission européenne, etc. Un des pointsforts du BIC est son incubateur, qui hébergedes sociétés tournées essentiellement vers lesecteur des technologies de l’information etde la communication afin de leur permettre,via un parc multimédia de pointe, d’anticiperles infrastructures informatiques dont ellesauront besoin.Centre de sciences se voulant un accélérateurde changement social, la Città a récemmentété couronnée du prix Descartes 2006 de laCommunication.

Carlotta Franzoni

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007 31

CITTÀ DELLA SCIENZA

Un vivier de l’avenir high-tech

Bâtie dans les années ‘80 sur les friches industrielles de Bagnoli (Naples, Italie), la Città della Scienza est un vaste carrefour de connaissances interactives et virtuelles. Sa particularité : une volonté d’intégrer les différents acteurs et ressources d’une même région dans un modèle partagé de développement. État des lieux d’une « cité »tournée vers le futur.

www.cittadellascienza.it

Exposition interactive. ©

la C

ittà

Vue d’ensemble de la Città,un centre de sciences polyvalent et animé, planté dans un paysage industriel et portuaire.

© la

Citt

à

Page 32: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Ce soir, les records d’affluence sontbattus ! » Françoise Touahri estravie. Cette Française, installéedepuis quelques années en Hollande

a importé l’idée du café scientifique de sa villede Montpellier. En 2004, rien de tel n’existait àNimègue et le concept emballe quelques amiset collègues. Le secteur privé (Philips ), quil’employait à l’époque, apporte un premierfinancement. «Dès la première soirée, enfévrier 2005, le succès fut au rendez-vous. »Depuis lors, plusieurs fois par an, la salle d’uncafé du centre-ville se remplit d’une bonnecentaine de personnes qui, une bière à lamain, écoutent et discutent avec des hommeset des femmes de science. Avant et après lesexposés et le débat, un orchestre joue live, surfond d’atmosphère enfumée.Pas d’estrade, pas de mise en scène. Les scien-ti fiques sont assis sur un tabouret de bar,devant une toile blanche. Le public s’attabledans le café, certains restent debout, les autress’assoient par terre ou extraient une chaisepliable de leur sac à dos. «Pour immerger lesauditeurs dans le sujet, nous demandons à nosintervenants de faire une courte présentation,en donnant leur point de vue, expliqueFrançoise Touahri. Généralement, nous invitonsplusieurs scientifiques pour que l’on se rendecompte que différents angles d’approche sontpossibles, sans parti pris. »Ce soir-là, les invités étaient prestigieux.Gerard ‘t Hooft, Nobel de physique en 1999,

professeur de physique théorique à l’InstitutSpinoza de l’université d’Utrecht (NL ), etRobbert Dijkgraaf, professeur de physique àl’université d’Amsterdam (NL). Ils ne boudentpas leur plaisir d’être en compagnie d’unauditoire majoritairement étudiant. «Noussommes particulièrement sensibles à leurprésence puisque, dans notre discipline, lesidées nouvelles sont le plus souvent apparuesdans les cerveaux de jeunes scientifiques…,commente Gerard ‘t Hooft. Cet aspect informelde la discussion convient particulièrementbien aux physiciens théoriques. Nous n’avonspas besoin d’équipements sophistiqués », faitremarquer Robbert Dijkgraaf, qui se souvientde grands débats sur une plage méditer -ranéenne avec son professeur (Gerard ‘t Hooften personne), au cours d’un symposium.

Vulgariser, c’est bon pour la santé !Car c’est bien plus de passion que de savoirdont il est question. « Tous les scientifiquesque nous approchons acceptent bien volon-tiers notre invitation. Même des personnalitésconnues et fort sollicitées viennent chez nous.Cela nous fait évidemment très plaisir…,confirme Françoise Touahri. Dès les premièresminutes, on sent bien qu’ils ne parlent pas quede leur travail mais surtout de leur amour pourleur discipline et leur sujet de recherche. »Gerard ‘t Hooft ajoute que ce qu’il aime dansce dialogue avec le grand public, comme dansl’enseignement, c’est la prise de recul : « Ce

sont des activités toniques… Expliquer desconcepts et des théories de physique théoriqueà quelqu’un qui n’y connaît rien vous oblige àparler de la forêt et non de certains arbres enparticulier. Cela remet les savoirs en questionet cela vous force à considérer, étape parétape, l’édifice intellectuel et sa construction. »La salle, attentive aux exposés des deux ora-teurs, s’envole dans les concepts de cordes,membranes, espace à 10 ou 11 dimensions etautres objets hautement abstraits. Un mélangede jeunes et de moins jeunes – que l’on devineissus des facultés toutes proches – et quelquescitoyens «de base ». Tous ont l’air très satisfaits.Cela se confirme au moment des questions,parfois ( faussement ) naïves, parfois pointues.La théorie des cordes est sujette à débat, et passeulement dans les sphères scientifiques…Et s’il ne fallait retenir qu’une idée d’une soiréecomme celle-là? «Ce serait celle que la physiqueest pleine de grandes questions dont nous neconnaissons qu’une petite partie des réponses»,résume Robbert Dijkgraaf. Et Gerard ‘t Hooftd’ajouter que «plonger dans la physique, c’est selaisser toucher par le sens de l’extraordinaire».Passer deux bonnes heures dans ce bain suffitlargement pour s’en convaincre…

Kirstine de Caritat

32 research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007

CAFÉ SCIENTIFIQUE

Propos de comptoir de haut vol…Un café scientifique, à Nimègue, aux Pays-Bas. La formule a du succès. Sommités et même Nobel s’y succèdent avecbonne humeur. Le public, nombreux, apprécie la convivialitéde ces soirées. Énorme audience, un soir de mars, malgré le sujet pourtant ardu de la théorie des cordes.

www.sciencecafenijmegen.nl

«

Gerard ‘t Hooft ( à l’avant-plan)et Robbert Dijkgraaf

Page 33: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Au Royaume-Uni, les populationsnoires ou d’origine asiatiqueformaient, en 2006, quelque 21%des enfants de l’école primaire et

17% des adolescents de l’école secondaire.D’autres minorités ( venant notamment duMaghreb et de Turquie ) atteignent des pro-portions comparables dans différents pays del’Union. Elles constituent un potentiel deressources humaines qui, pour des motifssocioculturels, se trouve bien souvent écarté desmeilleures écoles et des études supérieures.En 2003, le projet Ethnic s’est constitué poursensibiliser à la science et aux technologiesces jeunes issus de minorités, leurs parents,leurs enseignants et, plus généralement, lacommunauté scientifique et les médias. Opérantdans six pays, les partenaires ont ciblé diffé-rents groupes de populations : des élèvesd’origine afro-caribéenne au Royaume-Uni,turque en Autriche, philippine et péruvienneen Italie, ainsi que les importantes minoritésroms de Hongrie, Slovénie et Républiquetchèque.

Combattre les stéréotypes « Le principal obstacle à la participation desminorités ethniques est l’existence de stéréo-

types qui renforcent l’idée selon laquelle unscientifique est nécessairement un hommeblanc issu de la classe moyenne, expliqueElizabeth Rasekoala, directrice de l’African-Caribbean Network for Science & Technology,réseau britannique particulièrement impliquédans le projet. Le discours classique desouvrages scolaires, des musées et des médiasévite de souligner la nature véritablement uni-verselle de la science. En raison de cette insi-dieuse image, y compris dans le miroirsociétal du monde des écoles, les enfants issusdes milieux minoritaires (à l’instar des filles )ne se projettent pas en futurs chercheurs ouingénieurs. Ils souffrent généralement d’unmauvais accès à la culture scientifique et detrop faibles attentes des profes seurs à leurégard. » Comment renverser cette vision figée ?Visites de musées et d’installations scientifiques,groupes de discussions et de consultation,séminaires, apprentissage post-scolaire…Durant deux ans, plus de 130 événements ontpermis à des milliers de jeunes de faire laconnaissance de professions techno-scienti-fiques. En de nombreuses occasions, des cher-cheurs issus de différentes minorités ontaccepté de rencontrer ces élèves, parfois sansgrandes perspectives d’avenir, pour témoigner

de leur propre parcours, incarnant ainsi le rôlede modèles alternatifs.

Nouvelles initiatives S’appuyant sur ces nombreuses initiatives, lespromoteurs du projet ont pu analyser les défisposés, élaborer des méthodes permettantd’améliorer la situation et les évaluer. Lesinformations récoltées à l’aide de question-naires ont permis de mettre en lumière lesentraves sociales et culturelles qui s’enchevê-trent pour détourner ces jeunes de la science.La plupart des expériences menées ont suscitéun large intérêt dans des médias nationaux etrégionaux. « Il est important que les groupessociaux marginaux puissent s’intégrer au pro-grès socio-économique et parvenir à une meil-leure cohésion sociale, expliquait à la BBCMiroslav Polzer, directeur de l’Austrian Scienceand Research Liaison Office (ASO) de Ljubljana.Élargir l’accès des minorités ethniques à l’édu-cation aux sciences et aux technologies estvital pour le développement de l’ensemble dela société. » Achevé en 2005, le projet Ethnic a donné lieuà de nouvelles initiatives dans plusieurs pays.Les partenaires slovènes et britanniques conti-nuent, notamment, à développer des outils –essentiel lement des guides de formation.«Accroître le potentiel des ressources humaineseuropéennes pour les sciences et les techno-logies, expliquait Elizabeth Rasekoala lors duForum science et société organisé par laCommission (Bruxelles, 2005), ne peut se fairesans se préoccuper de la diversité qui lescaractérise. Les minorités sont désormais unepart significative de ces ressources. Il faut quela société en prenne conscience et développedes solutions pour les inclure. »

Cyrus Pâques

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007 33

ETHNIC

www.bit.ac.at/ethnichttp://ec.europa.eu/research/star/index_en.cfm?p=02_main

Très peu de jeunes issus de minorités – pourtant nombreuses en Europe – entreprennent des études scientifiques et techniques. Les raisons ne sont sans doute pas difficiles à deviner. Comment contrer cettesituation et aboutir à une égalité des chances?Des pistes pédagogiques sont proposées par le projet européen Ethnic.

Des couleurs pour la science

Page 34: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Au Hangar 20 cohabitent des espacesd’expositions, un « café » avec vuesur le fleuve, des bureaux lumi-neux, un gigantesque atelier où

l’on conçoit et fabrique des tables et desvitrines, des objets pour des «manips», et où desferronniers et des costumiers viennent de tempsà autre prêter main forte. D’impressionnantescaisses noires, abritant des expositions en kit,y attendent leur départ – les unes vers laGrèce, les autres vers la Turquie. Une classe déballe son pique-nique à la café-téria. À la médiathèque, quelques jeunes sontplongés dans des documents. Au premierétage, l’équipe réunie autour de Bernard Favreplanche sur la prochaine exposition destinée

aux 3-6 ans. « Le thème en est la mesure. Cen’est pas un sujet facile, surtout pour dejeunes enfants »(1). Il s’agira donc d’un voyage,faisant référence au conte des Mille et unenuits, en prenant le chemin détourné de l’artde l’Islam pour découvrir la géométrie. «Noustravaillons toujours, même pour les plusjeunes, en replaçant les sciences dans l’his-toire des civilisations. » Multidisciplinaire, letravail de préparation rassemble des mathé-maticiens, des orthophonistes ( «qui connaissentbien les difficultés des enfants à distinguer leschiffres » ), des psychologues ( «mesurer sataille, ou son ombre, c’est aussi se mesurer àl’autre, voir ce que signifie d’être plus grandou plus petit » ).

De jeunes chercheurs en ciceroneAu rez-de-chaussée, des écoliers s’immergentdans l’exposition L’eau à la bouche. L’itinéraireest à la fois concret et ludique. « Le mot expé-rimentation n’est pas l’apanage de l’école.Nous l’associons au mot exploration. L’une etl’autre excitent notre curiosité, et la science estaffaire de découverte. » En sortant, les enfantsauront quelques idées nouvelles sur lesnappes phréatiques, le nombre de kilomètresque certaines femmes africaines parcourentpour aller à la source, le gaspillage et la pol-lution de l’eau, le nombre de litres absorbéspar une baignoire, la possibilité de dessalerl’eau de mer, les conflits et les guerres liés à lapossession de cette ressource vitale… Lesclasses restent une demi-journée ou une journéeentière. Écoliers et professeurs sont entre lesmains d’animateurs qui leur proposent diffé-rentes séquences d’une vingtaine de minutes.Une quarantaine d’étudiants et de jeuneschercheurs servent ainsi de guide, selon leursspécialités et leur disponibilité. « Les collégiensrencontrent des gens qui ont une dizained’années de plus qu’eux. Le thésard, c’est unpeu le grand frère… Il donne une autre imagede la science. »Un peu plus loin, on découvre un «exploit»récent: une opération menée en apesanteur pardes chirurgiens (voir «La chirurgie de l’espace»).À vol d’oiseau, l’Agence spatiale européenneet Airbus sont à quelques encablures. Certainesinitiatives sont menées avec le soutien d’entre-prises. Nestlé intervient dans l’exposition surl’eau. D’autres partenaires industriels ontsoutenu des événements sur le numérique oules nouveaux matériaux. «Qu’il s’agisse desoutiens publics ou privés, les règles sont lesmêmes. Les angles de vue et la présentationnous appartiennent. »

Les échanges et les languesDans quelques jours démarrera l’exposition,Fascination lumière, une création allemandequi est d’abord passée par Bruxelles. Commebeaucoup de centres de sciences, celui deBordeaux crée ses propres événements et les« exporte », en « importe » et en adapte d’autres.Ce système permet de varier les propositionset de bénéficier d’un travail de recherche, de

34 research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007

CAP SCIENCES

Bordeaux. Face à la Gironde, dans les anciensdocks portuaires reconvertis en espaces urbains,un bâtiment plus récent, en béton, qui ne déparepas le côté «friche industrielle» de l’environnement.C’est Cap Sciences. Adresse : Hangar 20. Un espace multipolaire et accueillant placé sousle signe de l’exploration.

Une question deculture …

Explorer, toucher, jouer …Animation pour les écoles primaires.

©C

ap S

cien

ces

Page 35: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

création et de mise en scène qu’il serait dom-mage de circonscrire dans un espace-tempslimité. Il fonctionne grâce à des connivencesprofessionnelles, accrues notamment par leréseau Ecsite(2). « C’est important, un réseau.C’est grâce à ces liens et ces méthodes decoproduction et de co-diffusion que le cinémaeuropéen peut vivre. Les échanges entrepersonnes sont très positifs. Par contre, leséchanges de «produits » posent parfois certainsproblèmes. Le premier est linguistique. Il fauttout traduire, les multimédias sont à refaire…En ce sens, on a peu ou pas d’aides de laCommission, alors qu’elle pourrait apporterun appui bienvenu sur ce plan. Si nous pouvons,par exemple, présenter Fascination lumière,c’est parce que les Belges l’avaient traduite enfrançais…»

Eloge des voies détournéesDans un couloir, une galerie de portraits : desphotos en noir et blanc présentent des cher-cheurs. Au comptoir, on peut trouver desmarque-pages avec également des visages dejeunes scientifiques qui expliquent briève-ment leur travail, et leurs motivations. Pour

Bernard Favre, les jeunes ne manquent pasd’intérêt pour la science, et la plupart desenquêtes montrent que le degré de confiancedans les chercheurs est assez élevé en Europe.« Il y a cependant un décalage entre ce goûtpour les sciences, et le désir d’en faire unmétier. Les études ne sont pas faciles et lesrémunérations beaucoup moins importantesque dans des secteurs comme l’économie et lafinance. Cela peut refroidir les vocations…»Mais Cap Sciences n’est pas le lieu exclusif desplus jeunes. Enfants et adultes se partagent lequota de visiteurs. Certaines soirées s’inscriventdans la pratique « café des sciences ». BernardFavre regrette cependant que ceux-ci ne res-semblent pas aux cafés philosophiques, où iln’y a pas d’invité spécifique, mais toujours unphilosophe, simplement présent, qui va lancer ladiscussion… «Nous invitons des scientifiques,mais nous ne centrons pas notre politiqueculturelle sur le débat. Nous voulons susciterla curiosité, l’intérêt, l’échange. Il ne s’agit pas,par exemple, de savoir si l’on est pour ou contreles OGM et de se compter après la discussion.Il s’agit d’être mieux informé sur les notionsde risques, les méthodes, etc. Si on a donnéaux gens l’envie d’approfondir les choses, ona gagné notre pari. Qu’il s’agisse de rencontresou d’expositions. Faire découvrir les mathé-matiques aux littéraires, à travers la musiqueou les arts plastiques, cela nous semble uneexcellente méthode…»

Didier Buysse

(1) Toutes les citations sont de Bernard Favre.(2) Voir page 26.

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007 35

CAP SCIENCES

Sciences humaines itinérantes

Chaque année, Cap Sciences organise une opé-ration intitulée Théâtre de la science, mettant envaleur les disciplines « humaines ». 2007 estconsacré au langage. En exergue de ces mani-festations, une phrase de Victor Segalen: « Il n’estpas bon de partir à l’aventure en oubliant lesmots». Des conférences, des débats, un colloque,des projections de films suivies de discussionsont organisés à travers la région Aquitaine.Des neurolinguistes, psychanalystes, anthro -pologues, sociologues, spécialistes de l’ortho-phonie et de la communication, acteurs dethéâtre participent à ladite aventure. Ils apportentleur éclairage sur les facettes les plus diverses dela parole : langage – humain et animal –, diversitélinguistique ( plus de 6 000 idiomes sont parlésaujourd’hui ), dialectes et jargons, rapportsentre langue et identité culturelle, robots« parlants », palabres, non-dit qui revient à lasurface lors des thérapies … Patrick Baudry,sociologue à l’université Montaigne de Bordeaux,y fera même l’éloge du silence tandis que desprésentations de l'étonnant film français

L’Esquive, réalisé parAbdellatif Kechiche,ouvrira les discussionssur le langage desadolescents et desbanlieues.

www.cap-sciences.net

La chirurgie de l’espaceEn septembre 2006, une équipe chirurgicaleopère une personne atteinte d’une tumeurgraisseuse à l’avant-bras. Rien d’extraordinaire.Hormis que le patient est volontaire et que l’intervention se passe à bord de l’Airbus A 300zéro G. Cet appareil, basé à Bordeaux, est l’undes deux avions au monde effectuant des volsparaboliques ( descente en « chute libre » suivied’une remontée foudroyante ) qui permettentde recréer, durant une quarantaine desecondes, les conditions de l’apesanteur.Pendant trois heures, l’avion s’est trouvé dansces conditions à 32 reprises. Ce temps cumulé a permis aux médecins d'intervenir pendantune dizaine de minutes au total. Opération réussie … La maquette de l’avion, du bloc opératoire et de l’appareillage médical embarqué à bordsont présentés à Cap Sciences. Différents reportages ( notamment en vol ) permettentd’en savoir plus sur cette expérience hors ducommun, indispensable pour la sécurité descosmonautes vivant des mois durant dans les stations spatiales.

Intervention chirurgicale d’unedizaine de minutes en apesanteur …

© C

NES

/ N

oves

pac

e

© Cap Sciences

Page 36: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

36 research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007

Du jeu à la décision

OGM, nucléaire, grippe aviaire…Comment juger ? En s’informant.Comment évaluer ? En discutant.C’est ce que propose le projetDecide en choisissant l’arme dujeu-débat. Le premier abord estvirtuel : on s’informe des règles surle site du projet, on choisit unthème, on télécharge les kits d’information, on se rassemblepour discuter à partir des élémentsdonnés et on remonte sur le sitepour y envoyer ses conclusions.Cette « mini-conférence » decitoyens (enfants admis) se joue de4 à 8 personnes, dure 80 minuteset demande un « facilitateur ». Lessix thèmes conjuguent recherchesde pointe, nouvelles technologieset questions de société : le sida, les nanotechnologies, les neurosciences, les tests génétiques, les cellules souches etla xénotransplantation (qui permetde greffer sur un être humain unorgane prélevé sur un animal).Par sujet, une fiche présente l’explication scientifique (un visagede chercheur à l’appui) et les arguments avancés par les tenantsde diverses positions «éthico-socio-politico-économiques » sur le sujet.Pas de manichéisme, la nuance estde rigueur. À la fin de la partie, les joueurs téléchargent les résultatsde leurs débats. Qu’en pensent

d’autres équipes ? Ils pourront voir,sur le site, les opinions de différentsgroupes de joueurs européens etpourront établir des comparaisons.Depuis quelques années, cinqpays pionniers (NL, EE, PL, AT, PT)sont passés du virtuel au concret,en organisant notamment desséances de Playdecide dans desmusées de science. Une dizained’autres viennent de leur emboîterle pas.

www.playdecide.org

Des chercheurs et des étudiantseuropéens, des projets implantésdans les pays en développement.

« Imagine all the people… »

Faire d’une pierre deux coups – etmême trois. La compétition scolaireImagine Life Sciences se fonde surune triple approche : l’implicationde scientifiques dans des projetspédagogiques et sociaux, l’intérêtdes étudiants pour la concrétisationde tels projets et l’introduction denouvelles technologies dans lespays en développement. La méthode ? Des chercheurs en sciences du vivant sont invités à présenter des projets technologiques, à des coûts abordables, destinés aux pays endéveloppement. Des équipes dedeux à cinq élèves (16-18 ans) enchoisissent un et doivent imaginerun business plan concrétisant sa mise en œuvre. Les équipes

scolaires travaillent avec les scientifiques et des spécialistes dudéveloppement pour étudier lafaisabilité de leur projet avant de leprésenter à un jury. Les vainqueursle verront se concrétiser et serendront dans le pays concerné.Après trois ans, Imagine a puconcrétiser différents succès pourfaire passer la recherche du laboau terrain. Parmi les réalisations,on trouve notamment la créationde biocarburant à base d’alguesen Mozambique ou la productionde nouveaux produits (notammentde l’huile) à partir de plantationsd’avocats en République dominicaine. Cette idée, néerlandaise à l’origine, connaît unsuccès considérable et s’est propagée dans différents payseuropéens.

http://foundation-imagine.org

[email protected]

Le jeune astronaute espagnolPedro Duque, invité par CiênciaViva à parler de son expérience dansl’espace.

Portugal – l’effetCiência Viva

Lancée en 1996, Ciência Viva a étéimpulsée par José Mariano Gago,ancien chercheur au Cern, actuelministre portugais de la science etde l’éducation.Depuis dix ans, cette initiative asoutenu plus de 4 000 projets éducatifs intéressant plus de

600 000 élèves et quelque 7 000 enseignants, ainsi que desévénements à destination du grandpublic: expositions, animations,organisation d’observations astronomiques ou de promenadesgéologiques, ou encore ce projetcentré sur les phares maritimes,mettant en lumière la culture d’unpays tourné depuis toujours versl’océan. Pour Rosalia Vargas, directrice de Ciência Viva, une desleçons les plus significatives de cesactions est le rapprochement entreles chercheurs et le grand publicqui, de plus en plus, « souhaitepouvoir discuter des retombées de la science sur la vie quotidienne,que ce soit dans les domaines dela santé, de l’environnement ou del’économie. »

www.cienciaviva.net

Le carousselWonders

Euscea (European Science EventsAssociation) organise depuis 2006le premier festival européen de lascience. Baptisé Wonders (Welcome to Observations, News &Demonstrations of EuropeanResearch and Science), cette manifestation se déroule dans 20 villes européennes, ainsi qu’àJérusalem. Dans chaque pays,grâce à un système d’échangesbaptisé le Carousel of Science, lesorganisations impliquées envoienttrois activités à d’autres partenaires,en même temps qu’elles accueilleront tour à tour les événements qui lui seront envoyéspar ceux-ci. On peut ainsi voir,dans différents points du réseau,des activités au titre intriguant,tels que Un meurtre au musée,Octopus ou Dr Molécule.

www.wonders.at/

© E

SA

ET CAETERA

Page 37: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007 37

Les exemples de l’excellence« C’est, me semble-t-il, parce que l’engagement personnel de la plupart des chercheurs n’est pasassez intense qu’ils ont tant de difficultés à s’extérioriser. Les métiers de la science sont devenus de plus en plus techniques, et de moins en moins intellectuels. Actuellement, les jeunes scientifiques sont bien mieux formés dans leurs spécialités que naguère, mais cette évolution se faitau détriment de la possibilité d'un recul critique.Pourtant, être un intellectuel, cela veut dire à la foisparticiper à la production d’un savoir nouveau et à la réflexion critique sur ce savoir, les deux étantdepuis toujours inséparables dans la philosophie, la littérature, les sciences humaines … Par contre, ces deux éléments, celui de la création et de la critique, se sont progressivement séparés au seinde la démarche scientifique dans les sciences de la nature. »

Jean-Marc Lévy Leblond Physicien théoricien

Page 38: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Àquelques mètres du stand hongrois,l’Allemande Ulrike Bornscheininterpelle : «Comment gardez-vousvos élèves éveillés ? » Un rien pro-

vocante, la question est cependant familièreaux enseignants qui constituent l’essentiel desquelque 500 festivaliers venus de 28 pays.Partout en Europe, écoliers, collégiens etlycéens se font trop souvent une image austère,ingrate et rébarbative des cours de science.«Ma solution? Un grand bang qui les réveille ! »,s’amuse Ulrike. Mais pas n’importe quel bang :

celui du canon de Gauss – un dispositif électro -mécanique d’accélération des projectiles métal-liques – qu’elle a construit avec ses classes dulycée Robert Koch de Berlin. «L’idée m’estvenue en constatant la fascination de mesélèves pour les aimants», raconte cette jeuneenseignante.

La preuve par le papier WCFascination: le mot revient sans cesse, à dis-cuter avec les festivaliers. Dès le plus jeuneâge, les phénomènes physiques, chimiques ou

biologiques de la nature ont quelque chose demagique. Le stand autrichien présentait ainsiun florilège des questions posées par desélèves de classes primaires à propos du Soleil:pourquoi est-il jaune ? Comment sa chaleurparvient-elle jusqu’à nous? Pourquoi fait-ilplus chaud en été ? Autant d’interrogations quipeuvent sembler naïves et sont passionnantes.Tout l’art du pédagogue est précisément d’en-tretenir cette curiosité par des expériences quideviendront de plus en plus complexes. «Unedes plus grandes motivations pour apprendreles sciences est d’être confronté à un paradoxedéconcertant», analyse Joseph Trna, ensei-gnant de physique dans le secondaire et pro-fesseur associé à l’Université Masaryk de Brno(République tchèque ). Et d’extraire de sapoche un rouleau en carton de papier toilette.Il en arrache quelques feuilles qu’il roule enune boule dont il obstrue le cylindre, tape surl’une de ses extrémités et s’exclame: «Voyez, laboule remonte, au lieu de sortir. Commentexpliquer cela ? » Il est vrai que celui qui vousinterroge avec une gourmandise joviale estaussi l’auteur d’un CD Rom intitulé 50 expé-riences de physique avec du papier toilette.

La chimie et les alchimistesOn aurait tort de ne voir dans ces démonstrationsque des astuces visant à maintenir l’attention desélèves. Derrière chaque expérience présentée àScience on Stage se cache une réflexionapprofondie sur la pédagogie des sciences.« J’ai toujours été frappée de voir comment lesélèves qui apprennent la chimie raisonnentcomme les alchimistes du Moyen Âge, quicroyaient à la transmutation des éléments, alorsque toute réaction chimique est en fait unetransformation progressive, et non une trans-mutation rapide », analyse Isabella Marini, del’université de Pise ( Italie ). S’inspirant destravaux du philosophe et pédagogue américainJohn Dewey qui soutenait que «les mots neprennent sens que lorsque l’on a découvert cesens dans notre interaction concrète avec leschoses», Isabella a conçu une démarche expéri-mentale qui permet aux collégiens de découvrirpar eux-mêmes la notion d’enzyme. Pour toutmatériel : quelques grains d’iode, de la teintured’iode… et un peu de salive ! Les enzymessalivaires dégradent, en effet, l’amidon del’orge, ce qui entraîne le changement de couleurde la teinture d’iode qui de bleue deviendra

38 research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007

SCIENCE ON STAGE

«Comment distinguer un œuf dur d’un œuf fraissans les casser ? » lance à la cantonade ZoltánKöllö, professeur de physique et de technologie aulycée Illyés Gyula de Budaörs, pour attirer lesvisiteurs sur le stand hongrois. Dans les travéesdu festival Science on Stage, organisé parl’EIROforum (1), on ne s’étonne pas de rencontrerde tels «bateleurs ». À cent lieues de l’ambiancefeutrée des colloques ou des salons, l’événementest avant tout un festival. Animation et spectacles sont au rendez-vous pour présenterles expériences les plus novatrices en matièred’enseignement des sciences.

Un festival pour l’enseignement des sciences

Page 39: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

rose. En faisant varier ensuite la concentrationde salive, le pH ou la température, les élèvesdécouvriront par eux-mêmes la notion decatalyse enzymatique.

Chorégraphie et mathématiquesD’autres approches s’inspirent du courantconstructiviste, selon lequel l’élève construitprogressivement ses représentations dumonde extérieur à partir de ses propres expé-riences. Or, nombre d’activités chères auxadolescents impliquent, sans qu’ils en soientconscients, de telles représentations. Desexemples ? Le sport, la musique, ou encore ladanse, qui tous nécessitent un savoir implicite.«Mes élèves qui pratiquent le ollie au skate-board ressentent bien quels muscles impliquecette figure acrobatique… mais ils ignorent leursnoms et la manière dont ils se contractent »,raconte Consolata Piscitiello, de l’IstitutoSuperiore Statale Liceo Alfitano I de Salerne( IT), qui y anime un programme « science etsport» mêlant mécanique et biologie. ErnstSchreie, du lycée Droste-Hülshoff de Freibeurg(DE) applique la même approche à la physiqueondulatoire qu’il enseigne à partir de lamusique, puisque « la physique et la musiquesont très liées à travers l’étude des vibrationsmécaniques et des ondes». La délégationfinlandaise présentait, de son côté, un projetmultidisciplinaire, conçu en partenariat avecle Ballet national de Finlande, visant à étudierla mécanique à partir des figures de la danseclassique. «Ce fouetté-pirouette ? Une conser-vation du moment angulaire ! Ce pas de deux ?Un déplacement du centre de masse ! », expli-quent les enseignants devant des vidéos deballets que leurs élèves doivent analyser.

De la danse, Richard Spencer, du Bede SixthForm College de Billingham (UK) fait, quant àlui, un tout autre usage pédagogique. « Je mesouviendrai toujours du jour où, après avoirutilisé longuement schémas, vidéos et animationsmultimédias pour expliquer les mouvementsdes chromosomes lors de la mitose, un de mesélèves s’exclama « Je n’y comprends toujoursrien…» Je me suis alors dit qu’il fallait trouverautre chose. C’est ainsi qu’est née la Samba dela mitose, une chorégraphie que j’ai composéeet dans laquelle chaque couple d’élèves sedéplace comme une paire de chromosomes. »Un bel exemple de l’apprentissage par corps,comme disent les théoriciens de la didactiquede la danse. Cette approche se retrouve aussichez Dragos Constantinescu, du lycée deValcea (RO), qui donnait à entendre, sur lestand roumain, le répertoire de chansons qu’il acomposées avec ses élèves, dont les paroles sontdes théorèmes et des formules mathématiques.

Les racines de l’astrolabeSur le stand français, ce sont plutôt des théoriesde Jean-Marc Lévy Leblond et de la « sciencecomme culture » que l’on s’inspire. On pouvaitvoir déambuler dans les travées de Science onStage deux solides gaillards à l’allure derapeurs, portant élégamment en pendentif uncurieux objet circulaire, doré et finementciselé. De quoi s’agit-il ? «D’un astrolabe»,répondent en cœur Steve Clamy et SteeveSamba, élèves au lycée professionnel EdouardBranly de Créteil (FR). Un astrolabe ? «Oui, cetobjet qui servait aux navigateurs du Moyen Âgeà connaître l’heure et à tracer leur route,construit par les savants arabes du IXème siècleà partir des représentations cosmiques des

Grecs anciens. » Durant une année scolaire, lesélèves ont construit dans l’atelier de technologieleur propre astrolabe, après avoir étudié lesfondements théoriques de son fonctionnementen classe de physique et l’origine de cet objetremarquable, aujourd’hui oublié, en classed’histoire.Ainsi allèrent, durant cinq jours, démonstrations,performances et expositions, toutes faites pourintriguer, amuser, mais surtout donner à réfléchir.« La curiosité est dans nos gènes, déclarait lorsde la table ronde de clôture le Commissaire àla science et à la recherche Janez Potocnik,mais cette curiosité tend malheureusement às’estomper avec l’âge. Il nous faut éviterqu’elle s’endorme, et des initiatives commeScience on Stage sont assurément un utileréveil. »Au fait, pour les œufs, faites-les tourner sureux-mêmes, puis posez brièvement votre doigtdessus. Celui qui reprend sa rotation est unœuf frais… à cause de l’inertie des mouve-ments de rotation dans les liquides. «C’est plusque magique… c’est physique ! », triompheZoltán Köllö.

Mikhaïl Stein

(1) Cette seconde édition de Science on Stage s’est tenue à Grenoble( FR ) du 2 au 6 avril 2007. Elle est due à l’initiative d’EIROforum,qui regroupe sept organisations scientifiques européennes : le CERN,l’EFDA, l’ILL, l’ESRF, l’EMBL, l’ESA et l’ESO. Pour en savoir plus surces organisations, voir le numéro spécial de RDT info qui leur a étéconsacré en février 2007 :http://ec.europa.eu/research/rtdinfo/pdf/rtdspecial_eiroforum_fr.pdf

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007 39

SCIENCE ON STAGE

www.ill.fr/scienceonstage2007

Un astrolabe reproduitpar des élèves du lycéeEdouard Branly deCréteil (France).

©Se

rge

Cla

isse

/ILL

Stand hongrois

© S

erge

Cla

isse

/ILL

Page 40: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Avec son site ESA-Kids (www.esa.int/esaKIDSen/), l’Agence spatialeeuropéenne s’adresse aux enfantsdès qu’ils sont en âge de maîtriser

les rudiments de l’ordinateur. Toutes sortesd’activités leur sont proposées, souvent frac-tionnées en plusieurs niveaux, afin qu’ils puis-sent s’amuser tout en apprenant. On trouveainsi, en six langues, des questionnaires àchoix multiples sur des sujets aussi divers quequ’est ce que la gravité ? ou le changementclimatique. Des puzzles permettent de recons-tituer aussi bien une photo de l’ISS ( stationspatiale internationale ) qu’une vue de lagalaxie NGC 2440, ou encore un cliché de laNina – ce phénomène océanique entraînantdes perturbations climatiques –, révélé par uncapteur à infrarouge… Une rubrique d’actualité( les nouvelles ) est rédigée sous forme debrèves pédagogiques accompagnées de liensavec des jeux correspondant. Il y a aussi descoloriages, à destination des tout-petits, desjeux interactifs, des explications, des fonds etdes économiseurs d’écrans à téléchargergratuitement…

Des kits pédagogiques aux universités d’étéDes outils supplémentaires ont été conçus pourles enfants plus âgés. On trouve, notamment, leISS Education Kit, ciblé sur les 8-10 ans (une

version 12-15 ans existe également ) et misgracieusement à disposition des professeurs.Ce kit prend la forme d’un classeur A4 qui aété mis au point en collaboration avec desenseignants et testé dans quelques classesavant son lancement. Il contient toutes sortesde composants multimédias, d’éléments inter-actifs et de posters, avec du matériel didactiquesupplémentaire permettant aux pédagoguesd’exploiter au mieux tous les contenus. Ànoter aussi le kit mISSion possible qui contientégalement toutes sortes d’exercices et d’activitéspour les enfants du primaire.Les lycéens bénéficient d’au moins autantd’attentions et de rubriques particulières.Exemple : les exercices d’astronomie, disponi-bles en ligne, que l’ESA a conçus en collaborationavec l’ESO et sur lesquels les jeunes peuventfaire leurs premières armes de chercheurs ensciences spatiales. De quoi s’agit-il ? Defichiers téléchargeables n’excédant pas 10 Mo( il existe des versions plus légères à basserésolution ) contenant toutes les donnéesoriginales fournies par l’ESA permettant derésoudre un problème réel, ainsi que laméthodologie, étape par étape, pour trouverla solution. C’est ainsi que les lycéens peuventmesurer la vitesse d’expansion angulaire de lanébuleuse Œil de Chat en comparant attenti-vement deux images prises par Hubble en1994 et 1997 dans certaines longueurs d’onde…

Un site spécial à leur attention, consacré àl’observation de la Terre, existe par ailleurs ensix langues (www.eduspace.esa.int/ ), relevantà la fois de la géographie, de la physique et dela chimie. L’ESA fournit également des imagespouvant servir de support éducatif ( les educa-tion images ) et, plus généralement, ellepropose périodiquement aux enseignants desformations à l’éducation spatiale.Enfin, il y a les étudiants, choyés par l’Agencepuisqu’ils constituent le vivier de l’explorationspatiale de demain. À leur attention existenttoutes sortes d’ateliers, de conférences,d’universités d’été et de stages. Certainesassociations d’étudiants peuvent directements’affilier au programme ESA Education ouencore nouer un partenariat avec cette initiative.Des offres d’emploi et diverses bourses sontrégulièrement mises en ligne. Pour en savoirplus, la meilleure solution est de commencerau plus tôt l’exploration… du site où uneprofusion de Terres accueillantes attend lesapprentis-voyageurs.

Yves Sciama

40 research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007

ESA

www.esa.int/esaKIDSen/www.eduspace.esa.int/www.esa.int/esaED/index.html

À la conquête de l’univers …

de la jeunesseEn ce siècle où, sur le globe terrestre, il n’est plus de terra incognita,l’aventure spatiale est un des derniers refuges de l’instinct exploratoire de l’humanité. Et un puissant stimulant de l’imaginaire, particulièrement chez les jeunes générations, notoirement fascinées par les énigmes du cosmos. Une fascination que l’Agence spatiale européenne(ESA) est bien décidée à alimenter et féconder, grâce à une activité foisonnante et diversifiée d’éducation et de culture.

La planète bleue,vue de la capsule Soyuz, photographiéepar l’astronaute André Kuipers. Une aventure qui pourrait donner des idées ?

© E

SA

Page 41: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Chaque année, plus de 500 dossiersde candidature en provenance dumonde entier parviennent sur lebureau d’Anne Ephrussi, doyenne

des Études doctorales à l’EMBL. La premièretâche: sélectionner les meilleurs pour ne retenirque la centaine d’étudiants invités pour unesemaine d’évaluation. «Cette première sélectionest difficile. Nous avons un très grand nombred’excellents candidats et nous ne pouvonstous les retenir. » La procédure de cette semaine d’évaluation estbien rodée. Chaque étudiant a préalablementété invité à indiquer deux centres d’intérêtparmi les différentes unités scientifiques descinq sites de l’EMBL – Heidelberg et Hambourg(DE), Grenoble (FR), Monterotondo ( IT ) etHinxton (UK). Au sein de chaque unité, leschefs de groupe auditionnent individuellementles postulants, qui visitent également les labo-ratoires et sont invités à hiérarchiser leurschoix. Suite à ces entretiens, une ultime auditionpermet de tester la profondeur des connais-sances du candidat dans les domaines de saformation. À l’issue de cette sélection, qui vise« à accorder souhaits des étudiants et besoinsscientifiques des chefs de groupe », une cin-quantaine d’étudiants se voient proposer soit

une bourse de l’EMBL ( environ 1800 € parmois ) s’ils ont ressortissants d’un des 19 Étatsmembres du programme, soit un autre type definancement, en particulier les bourses de laFondation Louis Jeantet pour les ressortissantsdes pays d’Europe centrale. « Ce système derecrutement, très sélectif, est primordial àl’EMBL, car les chefs de groupe, souvent trèsjeunes, ne peuvent pas forcément attirer lespost-docs les plus expérimentés. De ce fait, ilsmisent sur leurs doctorants pour construire laréputation scientifique de leur groupe »,explique Anne Ephrussi.

Parcours de chercheurLes heureux élus entament leur doctorat pardeux mois de cours intensifs à Heidelberg, lelaboratoire central de l’EMBL, le plus impor-tant au niveau de la recherche fondamentale.Au programme : 350 heures de formation(comprenant cours, groupes de discussion ettravaux pratiques sur les objectifs fondamen-taux de la biologie moléculaire ). L’objectif estdouble : donner une base de départ communeà des étudiants de cursus jusque là fort dissem-blables, en particulier pour ceux qui ont étudiéles mathématiques ou la physique ; et surtout« créer un esprit de promotion ».

« Faire la connaissance de tous les autresétudiants lors du cours prédoctoral était lemeilleur moyen d’entamer mon PhD», témoigneJohanna Höög, doctorante suédoise à l’EMBL.Après cette formation théorique, chacun doitdéfinir un projet de recherche et le présenterdevant son comité de thèse (Thesis AdvisoryCommittee ), formé d’un superviseur direct,qui suit ses travaux au jour le jour, de deuxautres chercheurs de l’EMBL et d’un enseignantde son université de rattachement.Une fois le projet validé, le doctorant se lancedans une superbe aventure : il a devant luitrois à quatre ans pour mener des travaux derecherche originaux et rédiger une thèse qu’ildevra soutenir publiquement. Durant cettepériode, il reste, certes, guidé par son comité desuperviseurs, auquel il rend compte réguliè -rement de l’avancée de ses travaux de recherche,mais il vit également une période passion-nante pendant laquelle il est un acteur à partentière du monde de la recherche scienti fique.À la clé : le titre de PhD. Depuis 1997, l’EMBLest habilité à délivrer ce prestigieux diplôme…mais n’use pas de cette prérogative trèsenviée. « La mission de l’EMBL est de favoriserles collaborations entre biologistes molécu-laires des États membres. C’est pourquoi nousavons préféré une politique de co-tutelle et deco-délivrance des doctorats avec des universitéspartenaires», poursuit Anne Ephrussi. À ce jour,26 accords avec des universités de 18 pays ontété conclus. Non sans mal, tant les conditionsde délivrance de ces diplômes varient d’unpays à l’autre. Au bout du compte, un terraind’entente est généralement trouvé, pour leplus grand bien des doctorants… commecelui des chercheurs. « La participation auxcomités de thèse des professeurs des universitésassociées a souvent été le point de départ denouvelles collaborations scientifiques intéres-santes », conclut la responsable des Étudesdoctorales.

Mikhaïl Stein

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007 41

EMBL

Un thésard est-il encore un étudiant ? Ou déjà un chercheur? Le programme de l’European Molecular Biology Laboratory(EMBL), qui délivre une cinquantaine de doctorats chaque année, propose une solutiondialectique à cette fausse alternative.

www.embl.org/training/phdprogramme/index.html

Une formation par et pour la recherche

De jeunes chercheurstravaillent trois ouquatre ans à l’EMBLavant d’obtenir leurdoctorat, délivré parleur université d’origine.

Page 42: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Forte de cette analyse, l’EuropeanFusion Development Association( EFDA) développe une politiquepédagogique active en direction des

étudiants et enseignants. Brochures, foire auxquestions, animations multimédias… Son sitese présente comme un centre de ressourcesprécieux (textes, photos, animations, CD…)pour comprendre les enjeux de la domesticationde « l’énergie du soleil », utilisant l’énergie déga-gée par la fusion de deux noyaux atomiqueslégers, et non celle de la fission d’un noyau lourdcomme le font les actuelles centrales nucléaires. Cette politique de communication n’est pasexempte de considérations politiques. L’opinionpublique européenne est, on le sait, profon-dément divisée sur la question du nucléairecivil. Selon un sondage Eurobaromètre publiéen février dernier, seuls 14% des Européens seprononcent pour un accroissement de la partdu nucléaire dans le bouquet énergétique del’Union. Un interviewé sur cinq changeraitcependant d’avis si on l’assurait que lenucléaire n’émet pas de gaz à effet de serre et

permet de réduire la dépendance énergétique.Deux atouts que la fusion possèdera, elle aussi,en sus de ne pas produire de déchets radioactifsà longue vie. C’est donc les avantages bien réelsde la fusion que l’EFDA entend faire connaître.Le moins qu’on puisse dire est qu’il y a du painsur la planche. Si 58% des Européens avaiententendu parler de la fusion nucléaire en 2006,seuls 9% connaissaient le nom d’ITER…

Un mastère à succèsCette méconnaissance du futur fleuron mon-dial de la recherche sur la fusion est d’autantplus regrettable que le projet mobiliseraquelque 10 milliards € sur trente ans etemploiera sur le seul site de Cadarache unmillier de scientifiques qui devront être formés.Un défi pour les universités européennes, quele programme Erasmus Mundus s’emploie déjàà relever. Depuis septembre 2006, l’EuropeanMaster in nuclear fusion and engineeringphysics offre une formation multidisciplinairequi préparera notamment à travailler sur lefutur chantier d’ITER. Ce diplôme coordonné

par l’université de Gand (BE), associée à troisuniversités madrilènes (1), à l’université deStuttgart (DE), à l’Université Henri Poincaréde Nancy ( FR ) et à l’Institut royal deTechnologie de Stockholm ( SE ), offrira uneformation de deux ans répartie sur trois pays.« Nous avons reçu plus de 180 dossiers decandidature provenant du monde entier,raconte Guido Van Oost, professeur à l’universitéde Gand et coordinateur du mastère, alors quenous n’avions que 24 bourses à proposer.» Cettepremière promotion ne compte que deuxressortissants de l’Union… Un bel hommageinternational à la position européenne deleader en matière de recherche sur la fusion.

Mikhaïl Stein

(1) Université Complutense, université Carlos III et universitépolytechnique.

42 research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I JUIN 2007

EFDA

Un «projet à très long terme pour préparerl’avenir ». Galvaudée à force d’être tropemployée, l’expression s’applique pourtantparfaitement aux recherches sur la fusion nucléaire. Malgré le début de la construction de l’InternationalThermonuclear Experimental Reactor( ITER) à Cadarache (FR), nul ne se hasarde à annoncer la maîtrise industrielle de cette source d’énergie, en théorie aussi propre qu’inépuisable,avant la fin du siècle. Miser sur l’avenir,c’est aussi miser sur la communication et l’éducation.

Les acteurs de la fusion

EURATOM, EFDA, ITER … Ces trois sigles distincts sontissus de la déjà longue histoire des recherches sur lafusion. Signé en 1957, EURATOM est un Traité qui

organise la coopération entre États européens sur lesrecherches nucléaires de toute nature : fission, fusion,traitement des déchets. Créée en 1999, l’EFDA est uneassociation entre les 29 instituts européens qui mènentdes recherches dans le domaine de la fusion. Ses principalesmissions sont l’organisation des recherches au JointEuropean Torus, près de Cambridge ( UK ), et le lien avecl’industrie. Quant à ITER, il s’agit d’un traité internationalsigné en décembre dernier qui réunit l’UE, la Chine, le Japon,la Russie, les États-Unis, la Corée du Sud et l’Inde. L’EFDAcoordonne la participation européenne aux recherchesmenées dans le cadre d’ITER.

www.em-master-fusion.orgwww.efda.org/usercases/students_and_educators.htm

Éducation en fusion

Page 43: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

research*eu SPÉCIAL ÉDUCATION I MAI 2007 43

Science in school

Lancé en 2006 par l’EIROforum,Science in School en est à sa quatrième édition. Bien illustré,abordant des sujets variés, cemagazine (en anglais) est distribuégracieusement aux enseignants. Il est également ouvert à tous viaInternet, où certains articles sonttraduits en différentes langues.Science in School présente lesdécouvertes les plus récentes de la science de pointe, des projetspédagogiques pilotes, des interviews de professeurs et dechercheurs. Des éléments concrets(matériel didactique, agendad’événements) ainsi qu’un forumde discussion en ligne sont également proposés.

www.scienceinschool.org

Catch a Star, catégorie « artistes »

Les secrets des étoiles

Catch a Star vient de clore son cinquième épisode. Ce concoursorganisé par l’Observatoire européenaustral (ESO) et l’European Associationfor Astronomy Education (EAAE),ouvert aux élèves du mondeentier, se veut plus qu’une

compétition. Ses organisateurs y voient l’occasion d’éveiller l’intérêt des jeunes pour la science,en leur offrant la possibilité d’approfondir un sujet d’astronomieet de travailler en équipe.Catch a Star compte trois niveaux.Dans la catégorie « chercheurs » (3 jeunes de 15 ans au moins et unenseignant), c’est du sérieux. Leurtravail, sur un sujet cosmique deleur choix, sera peut-être couronnéd'un voyage à Paranal (Chili) où setrouvent les impressionnantstélescopes de l’ESO. Une deuxièmesection permet aux « aventuriers »de traiter plus simplement lemême thème (en réalisant, parexemple, un reportage sur unejournée astronomique). Quant aux« artistes », ils enverront un dessinsur le site, et ce sera aux internautesde désigner les gagnants. Cetteannée, la seule section «recherche»a récolté 123 projets de 22 pays.

www.eso.org/outreach/eduoff/edu-

prog/catchastar/

Une perle de laweb-francophonie

Comment résister à la curiosité ? Dès l’entrée, le site du CNRS (Centrenational de la recherche scientifiquefrançaise - 30 000 chercheurs) présente ses espaces de « vulgarisation » : grandpublic/jeunes, images de lascience, multi-médiathèque, dossiers, science et décision…Virtuel, le Journal des sciencesprofite ainsi de l’année polaireinternationale pour proposer unvoyage «avec les chercheurs enquête de réponses sur le destin dela Terre ». Des articles magazineracontent la recherche de terrainet la vie des labos. Le CNRS rassemblant toutes les spécialités,on saute de l’archéologie médiévale

à la fibre optique en passant par lafausse piste de l’ADN mitochondrial.En langage clair, truffées d’informations, ces pages donnent aux enseignants et aux élèves du secondaire de judicieux atoutspour rendre leurs cours et leursexposés documentés et vivants.D’un clic, on entre aussi dans la photothèque débordanted’images. On y découvre des sitespédagogiques par « grandes »matières (physique, chimie,sciences de la terre et sciences dela vie), comprenant, notamment,des fiches très concrètes (une illustration, une explicationconcise, des renvois à des liens).Celui qui souhaite, par exemple,comprendre ce qu’est un organisme végétal va se trouverembarqué dans l’aventure de laconnaissance et s’intéresser toutnaturellement aux cellules, auxvacuoles ou aux chloroplastes,avant de plonger dans la photosynthèse et le génotype. De quoi vous mettre en appétit desavoir – et de voir, puisque larecherche séduit aussi par l’image.

www.cnrs.fr

Tout l’univers du Cern

À cheval sur la frontière franco-suisse, le Cern est le premier centrede physique des particules aumonde. Les chercheurs tentent,armés d’accélérateurs de particules

et autres super-machines, de recréerles conditions des débuts del’Univers et d’étudier les plusminuscules composants de lamatière. Mais ces passionnés (en majorité physiciens) ont le soucide partager leurs questionnementsdevant les mystères du cosmos. Ils proposent aux enfants des ateliers baptisés Drôle de physiqueet des jeux multimédias dont lesguides ressemblent à des héros deBD. Ils les invitent à déguster uneglace à la fraise réalisée avec del’azote liquide, avant de les lancersur la piste des rayons cosmiques,des antiprotons, des quarks et desgluons. La visite peut aussi se faireen ligne, sur le centre interactifMicrocosm, qui reprend les activitésproposées in situ.Avec les enseignants, les activitéspédagogiques du Cern passent à lavisite supérieure et proposent,durant des séjours de trois joursou de trois semaines (durant l’été),un programme de conférences,ateliers, visites de labos, discussions.Une manière de leur permettred'être au courant des avancées dela recherche en physique et d’entrevoir de nouvelles manièresde transmettre le savoir. Un abondant matériel pédagogiqueest, en outre, accessible en ligne.Le Cern est aussi l’un des initiateursde Science on Stage (voir p. 38).

www.cern.ch

http://public.web.cern.ch/Public/

Content/Chapters/Education/

Education-en.html

© E

SO

Recherches du CNRSdans les zones polaires.

© C

NRS

Pho

toth

èque

En visite dans un accélérateur de particules.

© C

ern

ET CAETERA

Page 44: numéro spécial juin 2007 researcheu - European …ec.europa.eu/research/research-eu/pdf/research-specedu_fr.pdf · Demande d'abonnement à la version imprimée de research*eu

Gouache d’Ørnulf Opdahl. Ce peintre norvégien

collabore, à sa manière, avec les chercheurs du projet

Mar-Eco (voir page 17). Embarqué durant plusieurs

semaines sur un de leurs bateaux-laboratoires,

il peint la vie sous-marine étudiée par les scientifiques.

Ses œuvres font ensuite partie des différentes

présentations du projet.

IMAGE DE SCIENCEKI-A

B-07-S01-FR-C

Un artiste à bord

© M

AR-

ECO

/Siri

Hig

raff