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384 e JOUR DE GUERRE 11 ^27869 DIMANCHE 22 AOUT 1915* JOURNAL DE LA 3"* BRIGA DE CHASSEURS ALPINS PUBLICITE S'adresser à la direction. On traite à forfait. La population civile bénéficiera d'une augmenta- tion d e 50 0/0. La direction se réserve le droit de refuser toute annonce dont le caractère ne conviendrait pas. DIRECTION REDACTION ETAT-MAJOR de ïa 3™ e BRIGADE Les correspondants sont priés de - toujours se faire connaître. Prière de n'écrire que d'un cpté et à l'encre de pré- férence. Les manuscrits ne sont pas rendus. Toutes les épreuves sont réservées à l'ennemi. ABONNEMENTS Un mois 0,25 Trois mois 0,70 A perpétuité . 5,00 Le service du journal sera fait gratuitement et une prime de cinquante francs sera offerte à quicon- que amènera un prisonnier boche. Officiers, GâDQF eors de la 3* Brigaûi Vous voici revenus dans vos cantonnements après avoir four- ni une série d'admirables efforts offensifs m cours des opérations du 20 juillet au 8 août Vous avez réalisé tous les espoirs du haut commandement. Grâce à votre indomptable énergie et à vos furieuses attaques, vous avez conquis le L et le C duL.... ; vous avez brisé tous les retours offensifs du 14" bataillon de chasseurs, du bataillon de chasseurs de la Garde et de quatre régiments prus- siens. Malgré les ouragans de fer qui se sont abattus sur vous, vous n'avez pas faibli une minute. Certes vos beaux succès ont été payés de votre sang. Mais les pertes subies sont compensées au-dela par le rehaussement de gloire de vos fanions triomphants Le sang vérsé est loin d'être perdu ; il constitue pour toute la Brigade une semence sacrée, qui centuplera les énergies de ceux qui rester) t encore debout et de ceux qui accourent des dépôts pour combler les vides de vos bataillons. Mes braves chasseurs, notre Commandant d'Armée vous a accordé une récompense inespérée. Il vous a confié, pour quelques jours, le Drapeau de la Subdivision d'Arme. Tour à tour, chaque bataillon a possédé ce glorieux emblème. Vous l'avez tous contem- plé à votre aise, vous avez pieusement baisé ses plis. En lui rendant les honneurs, vous avezeommuniédans le même frisson d'héroïs- me, dans le même élan d'amour pour notre Fi ance chérie. Réconfortés par cette suprême récompense, nous allons nous remettre au travail pour nous préparer à moissonner de nou- veaux lauriers. La 3 e Brigade doit redevenir le magnifique outil dr guerre que tous ses chefs ont célébré dans leurs ordres du jour. Reprenons vite nos belles traditions et inculquons les aux nou- veaux arrivés : élégance de tenue et d'allure, correction dans le sa- lut, habileté dans le tir, dextérité dans le lancement des grenades et les travaux de sape défensive et offensive, entraînement à la marche, résistance à la fatigue, gaîté endiablée. Préparons-nous à charger de nouveau jusqu'au dernier souffle. Au travail ! «4= ceux qui ont combattu aux côtés do la 3 S ^rîgado do Qhasscurs Merci à vous tous, chasseurs vosgiens et alpins, d'ancienne et nouvelle formation, qui êtes accourus auprès des chasseurs de la 3' Brigade pour conserver à la France ies hauteurs qu'ils avaient enlevées à la baïonnette. Merci aussi, braves camarades des régiments d'infanterie, qui avez égalé en vaillance les meilleures unités de chasseurs. Terriblement éprouvés par un bombardement d'artillerie lourde d'une violence sans pareille, qui démolissait tranchées et abris, vous ayez opposé, à nos côtés, un mur invincible aux furieuses contre-attaques ennemies. L'Histoire retracera plus tard vos exploits. Le haut comman- dement les connaît déjà, mais un jour viendra la 3" Brigade rendra publiquement, à chacun des numéros engagés, l'hommage qui convient. En atteudant, croyez à notre camaraderie de combat indes- tructible. L'occasion de l'affirmer à nouveau et de vous rendre votre assistance ne tardera pas à se présenter. LE COLONEL. L'ATTA %)i9utsnant~(3clonel J)Xy qui, 'pondant ces duras îouméis, fut l'Qxemple Nos troupe» se sont emparées, après de violents combats, des crêtes du L.... et du S et du Collet qui les sépare. (Les Journaux). Une aube grise avait, dans ce malin blêmi, Couronné de vapeurs le vieux mont endormi. Les sapins s'estompaient dans la teinte bru- [meusel; Le vent d'ouest, traînant ses masses nuageuses, Avait fraîchi le sol et comblé de ses eaux Les pentes et les creux transformés en ruisseaux Le L.... ruisselant dressait sa crête sombre ; Plus loin, dans l'horizon, encor plongé dans [l'ombre], Le Trois-F pis fameux complétait ce rempart Qui fermait aux chasseurs !a imité de Col m*'r... La Brigade était sous l'étreinte angoissante, L'électrique frisson de la chair frémissante Que connurent tous ceux qui frôlèrent la mort! Mais, soudain, le soleil ardànt ses rayons d'or Par l'échancrure faite au travers d'un nuage, Réveillait brusquement la nature sauvage. L'herbe semblait plus verte, le sapin moins noir; Sur le créneau chacun se penchait pour mieux [voir].... Rien... que le calme plat-; ce terrible silence Qui précède la lutte et que nulle présence Ne vient jamais troubler. Seuls, quelques ren- dements] De terrain marquaient les profonds retranche- [monts] Qu'il faudrait conquérir au péril de sa vie, Carie Chef avait dit: « La montagne ennemie Est une clef pour nous. Allez, hardis chasseurs, Enlevez-moi le L ... ! Un avant ! Haut les cœurs ! Mais bientôt le premier obus, déchirant l'air, Fit vibrer le vieux mont jusque dans ses en- [traillcs] Et l'Allemand comprit que toutes les batailles N'étah rit que jeux d'enfants auprèsde cet enfer. Aussi quandi npscanons la gueule encor fumante Cessèrent de tonner pour permettre aux Alpins De placer au fusil la lame étincelante Que déjà; si souvent, ils lui mirent aux reins; Quand le premier chasseur, armé d'unecisaille. Parvint aux fils de 1er en un suprême effort, Il se mit à pleuvoir une telle mitraille Que six fois son outil devint l'outil d'un mort ! iiu avant, malgré tout! criaient les capitaines; En avant, contre tout ! répétaient les Alpins. Etlesobustombantàlafoisparcentaines [pins] Fauchaient d'un seul coup les hommes et les sa- Pendant cette ruée unique, folle, horrible, Prodige de tenace endurance et d'ardeur, On put voir ce mordant merveilleux et terrible Qui fit de la Brigade un loyer de valeur ! Pour la deuxième fois, de leur marche fougueuse Leschasseurss'élançaient,labaïonnetteauvent Tandis qu'à leurs côtés, l'ardente mitrailleuse Les encourageait de ses applaudissements. Sur la gauche au Collet, comme unhéros antique Un officier avait, dès le début, bondi Et seul contre cinquante, en cet endroit critique Attendant ses chasseurs fit face à l'ennemi! Mais les command emen ts dominaient le carnage Sur le Boche atterré, sautant comme des fous, Les chasseurs éperdus, énivrés de courage, Criaient : « Hardi ! les gas, et le L est à nous ! Le choc fut violent. A son tour, la riposte Fut terrible et l'on vit un déluge d'obus S'abattre sur le sol, tomber sur chaque poste, Couvrant les cris de mort de leur sifûant rictus. Et le chasseur blotti, l'œil agrandi, regarde Cet horrible labour aux sillons pleins de sang Que la rouge charrue aux mains de la Camarde Creuse d'un soc avide en décimant les rangs. Quel être humain pourrait survivre à ce carnage Pensaient les chefsinquiets devant cet ouragan, Comment pourrait encore subsister le courage Quand l'implacable feu prend l'esprit dans son [vent] ? Mais alors on vit un spectacle inoubliable, Quand le dernier obus, dans un déchirement.. Eut rayé l'air en feu de son cri lamentable ; De ce sol défoncé par le bombardement, Parmi ces trous profonds devait se dissoudre Comme dans le Chaos tout être encor vivant, On vit d'un seul élan aussi promi)ts que la foudre Les chasseurs se dresser en criant : En avant ! Et parcourir d'un bond l'espace encor à prendre, Se ruer dans un fier et furieux assaut ! [fendre] El ceux qui regardaient, sentant leur cœur se Ne purent s'empêcher de s'écrier : « Bravo I ». Oui! ce fut un délire éperdu, fantastique ! Ces hommes que le feu jamais n'intimida, Ces bataillons de fer qu'un jour Joffre nomma L'Elite des Français ; Ces chasseurs héroïques, PI us solides qu' un roc,plus grands que les géants Dans le suprême effort d'une ardeur furieuse Et parmi le fracas des monstres vomissants, Sous la Mort, dont luisait dans l'air la Faux (hideuse], De ses chefs vénérés reconnaissant la voix, La Brigade chargea pour la troisième fois ! Guerriers des vieux temps, exemples de courage O vous dont les hauts faits ont illustré le nom, O vous dont on évoque encor le fier visage, De l'empire Romain au Grand Napoléon ; Chevaliers vertueux des intrépides Gaules [ 9ag j Jean leBon,Beaumanoir,Bayard,Rolland,d'As- Ne craignant que le Ciel tombant sur vos épaules Lacédémone et ton grand Epaminondas ; Et toi. Rome ! Et toi, Grèce, aux guerres for- [midables]. Dont le passé de gloire est un pur monument ; Coriolans, Césars, Achilles redoutables; O Preux / que pensez-vous des chasseurs de [temps]

Officiers, GâDQF L'ATTA eors de la 3* Brigaûi

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Page 1: Officiers, GâDQF L'ATTA eors de la 3* Brigaûi

384e JOUR DE GUERRE n° 11 ^27869

DIMANCHE 22 AOUT 1915*

JOURNAL DE LA 3"* BRIGA DE CHASSEURS ALPINS

PUBLICITE

S'adresser à la direction. On traite à forfait.

La population civile bénéficiera d'une augmenta-

tion d e 50 0/0.

La direction se réserve le droit de refuser toute

annonce dont le caractère ne conviendrait pas.

DIRECTION — REDACTION

ETAT-MAJOR de ïa 3™e BRIGADE

— Les correspondants sont priés de- toujours se

faire connaître.

— Prière de n'écrire que d'un cpté et à l'encre de pré-

férence.

— Les manuscrits ne sont pas rendus.

— Toutes les épreuves sont réservées à l'ennemi.

ABONNEMENTS

Un mois 0,25

Trois mois 0,70

A perpétuité . 5,00

— Le service du journal sera fait gratuitement et une

prime de cinquante francs sera offerte à quicon-

que amènera un prisonnier boche.

Officiers, GâDQF

eors de la 3* Brigaûi

Vous voici revenus dans vos cantonnements après avoir four-ni une série d'admirables efforts offensifs m cours des opérations du 20 juillet au 8 août

Vous avez réalisé tous les espoirs du haut commandement. Grâce à votre indomptable énergie et à vos furieuses attaques, vous avez conquis le L et le C duL.... ; vous avez brisé tous les retours offensifs du 14" bataillon de chasseurs, du bataillon de chasseurs de la Garde et de quatre régiments prus-siens. Malgré les ouragans de fer qui se sont abattus sur vous, vous n'avez pas faibli une minute.

Certes vos beaux succès ont été payés de votre sang. Mais les pertes subies sont compensées au-dela par le rehaussement de gloire de vos fanions triomphants Le sang vérsé est loin d'être perdu ; il constitue pour toute la Brigade une semence sacrée, qui centuplera les énergies de ceux qui rester) t encore debout et de ceux qui accourent des dépôts pour combler les vides de vos bataillons.

Mes braves chasseurs, notre Commandant d'Armée vous a accordé une récompense inespérée. Il vous a confié, pour quelques jours, le Drapeau de la Subdivision d'Arme. Tour à tour, chaque bataillon a possédé ce glorieux emblème. Vous l'avez tous contem-plé à votre aise, vous avez pieusement baisé ses plis. En lui rendant les honneurs, vous avezeommuniédans le même frisson d'héroïs-me, dans le même élan d'amour pour notre Fi ance chérie.

Réconfortés par cette suprême récompense, nous allons nous remettre au travail pour nous préparer à moissonner de nou-veaux lauriers. La 3e Brigade doit redevenir le magnifique outil dr guerre que tous ses chefs ont célébré dans leurs ordres du jour. Reprenons vite nos belles traditions et inculquons les aux nou-veaux arrivés : élégance de tenue et d'allure, correction dans le sa-lut, habileté dans le tir, dextérité dans le lancement des grenades et les travaux de sape défensive et offensive, entraînement à la marche, résistance à la fatigue, gaîté endiablée.

Préparons-nous à charger de nouveau jusqu'au dernier souffle. Au travail !

«4=

ceux qui ont combattu aux côtés

do la 3S ^rîgado do Qhasscurs

Merci à vous tous, chasseurs vosgiens et alpins, d'ancienne et nouvelle formation, qui êtes accourus auprès des chasseurs de la 3' Brigade pour conserver à la France ies hauteurs qu'ils avaient enlevées à la baïonnette.

Merci aussi, braves camarades des régiments d'infanterie, qui avez égalé en vaillance les meilleures unités de chasseurs.

Terriblement éprouvés par un bombardement d'artillerie lourde d'une violence sans pareille, qui démolissait tranchées et abris, vous ayez opposé, à nos côtés, un mur invincible aux furieuses contre-attaques ennemies.

L'Histoire retracera plus tard vos exploits. Le haut comman-dement les connaît déjà, mais un jour viendra où la 3" Brigade rendra publiquement, à chacun des numéros engagés, l'hommage qui convient.

En atteudant, croyez à notre camaraderie de combat indes-tructible. L'occasion de l'affirmer à nouveau et de vous rendre votre assistance ne tardera pas à se présenter.

LE COLONEL.

L'ATTA

%)i9utsnant~(3clonel J)X—y qui, 'pondant ces duras îouméis,

fut l'Qxemple

Nos troupe» se sont emparées, après

de violents combats, des crêtes du

L.... et du S et du Collet qui

les sépare.

(Les Journaux).

Une aube grise avait, dans ce malin blêmi,

Couronné de vapeurs le vieux mont endormi.

Les sapins s'estompaient dans la teinte bru-[meusel;

Le vent d'ouest, traînant ses masses nuageuses,

Avait fraîchi le sol et comblé de ses eaux

Les pentes et les creux transformés en ruisseaux

Le L.... ruisselant dressait sa crête sombre ;

Plus loin, dans l'horizon, encor plongé dans [l'ombre],

Le Trois-F pis fameux complétait ce rempart

Qui fermait aux chasseurs !a imité de Col m*'r...

La Brigade était ià sous l'étreinte angoissante,

L'électrique frisson de la chair frémissante

Que connurent tous ceux qui frôlèrent la mort!

Mais, soudain, le soleil ardànt ses rayons d'or

Par l'échancrure faite au travers d'un nuage,

Réveillait brusquement la nature sauvage.

L'herbe semblait plus verte, le sapin moins noir;

Sur le créneau chacun se penchait pour mieux [voir]....

Rien... que le calme plat-; ce terrible silence

Qui précède la lutte et que nulle présence

Ne vient jamais troubler. Seuls, quelques ren-dements]

De terrain marquaient les profonds retranche-[monts]

Qu'il faudrait conquérir au péril de sa vie,

Carie Chef avait dit: « La montagne ennemie

Est une clef pour nous. Allez, hardis chasseurs,

Enlevez-moi le L ... ! Un avant ! Haut les cœurs !

Mais bientôt le premier obus, déchirant l'air,

Fit vibrer le vieux mont jusque dans ses en-[traillcs]

Et l'Allemand comprit que toutes les batailles

N'étah rit que jeux d'enfants auprèsde cet enfer.

Aussi quandi npscanons la gueule encor fumante

Cessèrent de tonner pour permettre aux Alpins

De placer au fusil la lame étincelante

Que déjà; si souvent, ils lui mirent aux reins;

Quand le premier chasseur, armé d'unecisaille.

Parvint aux fils de 1er en un suprême effort,

Il se mit à pleuvoir une telle mitraille

Que six fois son outil devint l'outil d'un mort !

iiu avant, malgré tout! criaient les capitaines;

En avant, contre tout ! répétaient les Alpins.

Etlesobustombantàlafoisparcentaines [pins]

Fauchaient d'un seul coup les hommes et les sa-

Pendant cette ruée unique, folle, horrible,

Prodige de tenace endurance et d'ardeur,

On put voir ce mordant merveilleux et terrible

Qui fit de la Brigade un loyer de valeur !

Pour la deuxième fois, de leur marche fougueuse

Leschasseurss'élançaient,labaïonnetteauvent

Tandis qu'à leurs côtés, l'ardente mitrailleuse

Les encourageait de ses applaudissements.

Sur la gauche au Collet, comme unhéros antique

Un officier avait, dès le début, bondi

Et seul contre cinquante, en cet endroit critique

Attendant ses chasseurs fit face à l'ennemi!

Mais les command emen ts dominaient le carnage

Sur le Boche atterré, sautant comme des fous,

Les chasseurs éperdus, énivrés de courage,

Criaient : « Hardi ! les gas, et le L est à nous !

Le choc fut violent. A son tour, la riposte

Fut terrible et l'on vit un déluge d'obus

S'abattre sur le sol, tomber sur chaque poste,

Couvrant les cris de mort de leur sifûant rictus.

Et le chasseur blotti, l'œil agrandi, regarde

Cet horrible labour aux sillons pleins de sang

Que la rouge charrue aux mains de la Camarde

Creuse d'un soc avide en décimant les rangs.

Quel être humain pourrait survivre à ce carnage

Pensaient les chefsinquiets devant cet ouragan,

Comment pourrait encore subsister le courage

Quand l'implacable feu prend l'esprit dans son [vent] ?

Mais alors on vit un spectacle inoubliable,

Quand le dernier obus, dans un déchirement..

Eut rayé l'air en feu de son cri lamentable ;

De ce sol défoncé par le bombardement,

Parmi ces trous profonds où devait se dissoudre

Comme dans le Chaos tout être encor vivant,

On vit d'un seul élan aussi promi)ts que la foudre

Les chasseurs se dresser en criant : En avant !

Et parcourir d'un bond l'espace encor à prendre,

Se ruer dans un fier et furieux assaut ! [fendre]

El ceux qui regardaient, sentant leur cœur se

Ne purent s'empêcher de s'écrier : « Bravo I ».

Oui! ce fut un délire éperdu, fantastique !

Ces hommes que le feu jamais n'intimida,

Ces bataillons de fer qu'un jour Joffre nomma

L'Elite des Français ; Ces chasseurs héroïques,

PI us solides qu' un roc,plus grands que les géants

Dans le suprême effort d'une ardeur furieuse

Et parmi le fracas des monstres vomissants,

Sous la Mort, dont luisait dans l'air la Faux (hideuse],

De ses chefs vénérés reconnaissant la voix,

La Brigade chargea pour la troisième fois !

Guerriers des vieux temps, exemples de courage

O vous dont les hauts faits ont illustré le nom,

O vous dont on évoque encor le fier visage,

De l'empire Romain au Grand Napoléon ;

Chevaliers vertueux des intrépides Gaules [9ag

j

Jean leBon,Beaumanoir,Bayard,Rolland,d'As-

Ne craignant que le Ciel tombant sur vos épaules

Lacédémone et ton grand Epaminondas ;

Et toi. Rome ! Et toi, Grèce, aux guerres for-[midables].

Dont le passé de gloire est un pur monument ;

Coriolans, Césars, Achilles redoutables;

O Preux / que pensez-vous des chasseurs de c© [temps]

Page 2: Officiers, GâDQF L'ATTA eors de la 3* Brigaûi

2 LE DIABLE AU COR

L :. . >ra ea id \ 'passeurs à la 9n?e Brigade

CITATIONS Sont cités à l'ordre de VArmée :

Le Lieutenant-Colonel Messimy, com-mandant un groupe de bataillons de chas-seurs :

« A rendu des services absolument excep-ceptionnels dans la préparation et l'orga-nisation des opérations du 20 juillet au 6 août.

Brillante attitude au feu pendant ces opéra tions. Atteint le 27 juillet, à 8 heures du matin, de deux éclats d'obus, jae s'est rendu à l'ambulance qu'à 20 heures ; a continué pendant 12 heures à remplir, sous le feu, la mission qui lui avait été confiée, donnant ainsi à tous le plus bel exemple d'énergie et de sentiment du devoir. »

Le Capitaine William-Fournié, du 54 bataillon :

« A pris le commandement du Bataillon dans des circonstances particulièrement difficiles. A montré une extrême ténacité et une rare énergie en maintenant, sous un feu intense, sa troupe attaquée par des forces très supérieures.

Mortellement frappé à la tête delà der-nière fraction de résistance. »

Le Sous-Lieutenant Pozzo-rli-Borgho, du 54- bataillon :

« Officier adjoint au Chef de corps. A pris le commandement des défenseurs d'un point d'appui, privés de leurs chefs. Les a maintenus contre un ennemi très supérieur en nombre jusqu'à ce qu'il tombe mortelle-ment fr&ppe. »

• > . . . . .v ... . ,. ... . .. ...

CI)at)goqs de Guerre

L& Lettre ûu Cfo&ssew

(Air : La Lettre du Gabier, de Botref).

Ma chère femme et mes marmots Je vous écris ces quelques mots An retour d'une dure affaire ; En tous cas, si je suis vivant, Je ne sais pas du tout comment

J'ai bien pu~-faire I

Pondant ces vingt jours j'ai vécu Sous la rafale des obus Et sous les coups de la mitraille. Mais aujourd'hui tout est fini Nous sommes tranquilles à Cl. .cy

Loin des batailles I

A tes amis, mon petit gas, Tu peux dire que ton papa S'est battu en vrai militaire. La preuve, c'est que le Commandant Va me donner incessamment

La Croix de guerre.

Je crois bien que c'est grâce à toi, Ma fillette au joli minois, Que j'ai pu échapper aux Boches En guise de porte-bonheur J'avais tes cheveux sur mon cœur

Là dans ma poche.

Ma femme écris-moi longuement Embrasse pour moi la maman Et dis bien dans tout le village, Au maire, au notairo, au curé, Que les poilus ont conservé

■ Tout leur courage !

Sois courageuse aussi Toinon ! Un de ces jours nous reviendrons J'en garde l'intime espérance ; Mais pas avant que les Prussiens Ne soient chassés comme des chiens

Du sol de France !

Sous un soleil radieux, dans le splen-

dide décor des Vosges, vertes et noires,

le Général de M...cl...y est venu appor-

ter le Drapeau des chasseurs à la 3-

brigade.

Ceux qui combattirent durement, du

20 juillet au 6 août, et qui arrachèrent,

mètre par mètre, aux Allemands, la

formidable organisation que nous som-

mes à présent étonnés d'avoir enlevée,

tant elle nous semblait imprenable,

avaient certes mérité une récompense

sublime. Mais nul d'entre nous n'avait

espéré tant.

Le « Drapeau des Chasseurs ! » Com-

bien d'entre nous ont,- pendant des

années, porté le sombre uniforme, le

képi ou le béret, sans l'avoir jamais

aperçu.

Nous le connaissions sans doute, tous

nous savions par cœur le nom des ba-

tailles inscrites sur sa soie. Tous, nous

pouvions conter les exploits légendaires

du caporal Lavayssière, du clairon

Rolland, du sergent Garnier, du chas-

seur Monteillet et de tant d'autres bra-

ves, mais jamais l'idée ne nous était

venue, qu'un jour, ce Drapeau des Dra-

peaux, nous l'aurions à nous, bien à

nous, nous pourrions le voir, le toucher,

en baiser avec ferveur les plis sacrés.

Aussi, lorsque de sa voix si chaude-

ment timbrée, de cette même voix si

prenante, avec laquelle, au col du B...,

il nous avait salué avant l'assaut, le

Général de M... nous a dit: « Mes chers

Camarades, pour vous récompenser de

voire héroïsme et de vos sacrifices, la

France vous envoie votre Drapeau »,

un frisson de fierté joyeuse a couru, nos

rangs, les yeux se sont obscurcis, les

larmes ont coulé et, à cette minute, un

seul regard sur notre emblème nous a

payés largement des souffrances et des

dangers passés et des amis perdus à

jamais.

Chacun de nos bataillons, tour à

tour, a eu l'honneur de posséder le

« Drapeau » et chaque chef de corps l'a

présenté à sa troupe.

Voici la vibrante allocution Uu Com-

mandai t T..., du ..• bataillon. Elle dira

mieux que tout ce qu'est notre « Dra-

peau », le « Drapeau des Chasseurs » :

Chasseurs du !

J'ai l'insigne honneur de vous pré-senter votre Drapeau, le Drapeau des

Chasseurs.

C'est un honneur immense pour le Bataillon de Uavoir aujourd'hui au mi-lieu de lui.

Souvenez-vous, Chasseurs, des théo-ries du Quartier Bayard et d'Embrun : Trente Bataillons de Chasseurs, un seul Drapeau, un seul cœur !

Ce cœur était si grand, le sang qui y affluait si généreux que, dès le début de la guerre, il a suffi a animer trente

nouveaux Bataillons. Nous sommes de ceux-là, et nous sommes en tous points dignes de nos aînés.

Sur la soie de votre Drapeau vous voyez ces illustres noms tant entendus, ces noms qui étaient peints dans vos chambrées, ces noms dont vous avez pressé les lettres avec les fleurs des montagnes dans nos cantonnements al-pins, ces noms qui sont gravés dans nos cœurs :

Isly - Sidi-Brahim - Sébastopol - Solférino

Extrême-Orient - Madagascar - Maroc

Ils sont là, dans les plis de votre Drapeau, les Vieux Chasseurs du Maré-chal Bugeaud, dont les carrés héroïques brisèrent l'élan des Cavaliers maro-cains : Isly, Sidi-Brahim !

Ils sont là, ceux de Mac-Mahon, qui prirent Sébastopol et qui, à Solférino, firent, dans leur sang, contracter à l'Italie la dette sacrée qu'elle nous paie aujourd'hui : Sébastopol, Solférino !

Ils sont là, enfin, ceux qui ont donné leur santé ou leur vie pour conquérir l'empire colonial de la France : Extrême-

Orient, Madagascar, Maroc !

A la hampe de votre Drapeau vous voyez la Croix d'Honneur, c'est celle du Sergent Garnier, du Chasseur Mon-tellier, c'est celle de Solférino.

Vous y voyez la Médaille Militaire ;

celle-là c'est la nôtre, celle de Saint-

Biaise.

Tous. ces vieux Chasseurs, tous les Chasseurs morts pour la France vous montrent du doigt le mot « Honneur ».

C'est pour l'Honneur, pour l'Hon-neur de notre sombre uniforme, pour l'Honneur des Chasseurs qu'ils ont don-né leur vie. Cet Honneur, ils nous en rendent dépositaires.

Le ..c Bataillon l'a bien compris et, de la Belgique au bois du L..., c'est sans marchander qu'il a versé son sang pour l'Honneur, l'Honneur des Chas-seurs.

Sur votre Drapeau brille un autre nom, celui de « Patrie ». Il en est le symbole ; en le voyant vous avez devant vous tout ce qui fait que vous êtes Français, votre manière de penser, votre manière de parler, vos vieux parents, votre femme et vos enfants, vos villages, vos champs et leurs récoltes, l'église où vous avez appris à prier, 1 école où vous avez ap-pris à lire : tout ce qui vaut la peine de vivre, tout ce qui vaut la peine de mou-rir.

En vous envoyant notre Drapeau, la France a voulu vous remercier de ce que vous aviez déjà fait pour elle et ré-conforter vos cœurs pour les sacrifices qu'elle vous demandera encore.

Au jour prochain d'un nouvel effort, vous vous souviendrez, Chasseurs, que vous avez vu votre Drapeau !

AU DRAPEAU !

Une belle Lettre

du Général Pau

Nous recevons du Général Pau la belle lettre qu'on va lire. Nous remercions notre glorieux chef pour ses appréciations vrai-ment trop flatteuses pour nous, et nous l'assurons que le souvenir ému qu'il adresse à ceux qui eurent l'honneur d'être sous ses ordres ira au plus profond du cœur de tous les chasseurs.

Paris, le 6/5 15.

Mon cher Camarade,

Je dois à une délicate pensée de la vaillante veuve du Commandant du .. ■ Bataillon l'heu-reuse fortune de connaître le iournal de la ?• Brigade de Chasseurs alpins.

A la veille d'entreprendre le pieux pèleri-nage qu'elle accomplit aujourd'hui même 6 août, à la ëéhouille, avec ses deux jeunes fils, ma-dame de La Boisse a voulu me permettre de par-tageriez sentiments qu'ont fait naître en elle les nouveaux et touchants hommages rendus à la mémoire de son mari.

En m'adressant, le 2 août, le n-10 du Diable au Cor et une copie de la belle décision du .. -, en date du i5 juillet, elle m'écrivait: « Cette décision a dû être la dernière (avant l'attaque), « et Us petits chasseurs sont partis à la con-« quête d'une position formidablement fortifiée « et ont marché à la mort, l'âme remplie du « souvenir du Héros du .. •.' ».

Admirable femme dont le cœur s'est haussé aux sentiments les plus sublimes. De m retraite où elle vit, avec les siens, dans le culte des glo-rieux souvenirs communs au .. • Bataillon et à son chef, sa pensée se porte sans cesse vers ceux que son mari lui apprit à aimer comme une se-conde famille ; sa voix s'élève vibrante, enthou-siaste pour les réconforter, lesélectriser, applau-dir à leurs succès. Et, dans cette voix de femme, on reconnaît les mêmes accents qui, le 3 sep-tembre, entraînèrent les chasseurs du ..-.à la victoire.

A i-je besoin de vous dire, mon cher Camarade, combien profondément j'ai été remué moi-même par le récit saisissant de la mort du magnifique soldat,du chef hors de pair qui fut, durant six années, mon plus précieux collaborateur et que j'aimais comme un fils.

Ce Médaillon, où on a fait revivre, entouré d'une triple auréole de gloire, d'admiration et d'amour, la noble figure d'un Chef, est digne du commandant de La Boisse.

il est digne aussi du beau bataillon dont ils ont été les fidèles interprètes, de ce . .• auquel de La Boisse a laissé un si grandiose exemple d'intrépidité et de sacrifice, et dans les rangs du-quel son âme demeure incarnée.

Aux lauriers d'août et de septembre sont ve-nus s'ajouter et s'ajouteront encore d'autres lau-riers, prix du sang de nouvelles et héroïques victimes. Les citations récemment conquises à la pointe de la baïonnette et enregistrées par le journal de la Brigade, la mort glorieuse du commandant Bichard frappé à son poste de combat en font foi.

La lecture du Diable au Cor a été, pour moi, féconde en douloureuses émotions, mais aussi combien réconfortantes !

Ce fut, seconde évocation des mémorables journées d'août-septembre, l'imposante cérémo-nie d'inauguration du monument du général Bataille, cet autre héros, toihbé le 8 au Col du Bonhomme.

Puis, rappel aux réalités de l'heure présente, la claironnante allocution du Colonel lançant ses troupes à l'assaut : « Chasseurs, nous al-lons charger ! ».

J^a (JiQille Jîgmme

ei ëes

Au journaliste suédois qui vient d'écrire : « La France a pris, de-puis le mois d'août 1914, une ap-parence quasi céleste aux yeux de l'univers ». — M. B.

— Racontez donc, mon ami, à M. Bar^

rès, l'histoire des deux frères.

— je n'aime pas raconter cette his-

toire, dit le général, parce qu'à chnque

fois (c'est bête!) je pleure. Meis elle l'ait

aimer la France... 11 s'agit de deux en-

fants admirablement doués,pleins de cœur,

pleins d'esprit, et qu'aimaient tous ceux

qui les rencontraient. Je les avais connus

tout petits. Leui père est un de no» plus

brillants généraux (i).

(hrarid la guerre éclata, le plus jeune,

François, venait d'être admis à Saint-Cyr.

Il n'eut pas le temps d'y entrer et, avec

toute - la promotion de la « Grande-Re-

1. Celui-là même sous lequel nous avons la joie et l'honneur de servir.

vanche », il fut immédiatement nommé

sous-lieutenant. Vous pensez s'il rayon-

nait de joie : dix-neuf ans, l'épaulette et

les batailles ! Son aîné, Jacques, un gar-

çon de vingt et un ans, tout à fait remar-

quable de science et d'éloqueace, travail-

lait encore à la Faculté de Droit, dont il

était lauréat. Je suis convaincu qu'il avait

un avenir d'homme d'Etat. Lui aussi, il

partit comme sous-lieutenant.

Les deux frères se retrouvèrent dans la

même brigade de la Division de Fer, le

plus jeune au 36" de ligne, et l'aîné au 07*. Ils cantonnaient dans un village dévasté,

et chaque jour, joyeusement, se retrou-

vaient, plaisant à tous et gagnant par leur

jeunesse et leur amitié une sorte de popu-

larité auprès des soldats.

Bientôt on apprit que le régiment du

Saint-Cyr allait avoir à marcher, et que

ce serait chaud. En cachette, Jacques s'en

alla demander au colonel la permission de

prendre la place de son petit François,

qu'il trouvait trop peu préparé pour une

action qui s'annonçait rude.

Le colonel reconnut la générosité du

sentiment qui guidait le jeune homme,

mais coupa court en disant :

— On ne peut pas faire passer ainsi un

officier d'un corps à un autre corps.

Le jour fixé pour. l'attaque arriva. La

première compagnie, à laquelle apparte-

nait François, fut envoyée en tirailleurs

pour ouvrir le combat. Elle fut fauchée.

Une autre suivit. Et puis une autre encore.

Leurs débris durent se replier en laissant

sur le terrain leurs morts et une partie de

leurs blessés. Le petit sous-lieutenant n'é-

tait pas de ceux qui revinrent.

Le surlendemain nous reprîmes l'offen-

sive. L'aîné, en enlevant avec son régiment

les tranchées allemandes, passa aupi ès du

corps de son petit François tout criblé de

balles. Un peu plus loin, il reçut une bles-

sure à l'épaule.

Son capitaine lui ordonna d'aller se faire

panser. Il refusa, continua et fut tué l'une

balle dans la tête.

Les corps furent ramassés et ramenés

dans les ruines du village. Les sapeurs du

36. dirent :

— On n'enterrera pas ce bon petit sous-

lieutenant sans un cercueil. Nous allons

lui en faire un.

Ils se prirent à scier et à clouer.

Ceux du 3^- dirent alors :

— Il ne faut traiter différemment les

deux frères. Nous allons, nous aussi, faire

un cercueil pour notre lieutenant.

Au soir, on se préparait à les enterrer

côte à côte, quand une vieille femme éleva

la voix.

C'était une vieille si pauvre qu'elle avait

obstinément refusé d'abandonner le village.

« J'aime mieux mourir ici! », àvait-elle

dit. On l'avait laissée. Elle gîtait misérable-

ment dans sa cabane, sur la paille, et n'a-

vait pas d'autre nourriture que celle que

lui donnaient les soldats. Quand elle vit ces

deux jeunes cadavres et les préparatifs,

elle dit :

— Attendez un instant avant de les en-

fermer. Je vais chercher quelque chose.

Elle alla fouiller la paille sur laquelle elle

couchait 3t en tira le drap qu'elle gardait

pour sa sépulture. Et revenant :

— On n'enfermera pas, dit-elle, ces beaux

garçons le visage contre des planches. Je

veux les ensevelir.

Elle coupa la toile en deux et les mit cha-

cun dans leur suaire, pui elle leur posa un

baiser sur le front, en disant chaque fois :

—'• Pour ta mère, mon cher entant.

Nous nous tûmes quand le général eut

ainsi parlé, et il n'était pas seul à avoir des

larmes dans les yeux. Une prière d'amour

se formait dans nos cœurs pour la France.

Maurice BARRÉS,

de l'Académie Française.

Page 3: Officiers, GâDQF L'ATTA eors de la 3* Brigaûi

LE DIABLE AU COR

Empoigné par ce satané Diable au Cor, j'ai tout lu, depuis les poésies d'inspiration lyrique ou badine, jusqu'aux annonces, en passant par les échos, sans oublier... le Bulletin d'Abonne-ment à remplir.

Mais ayant le devoir de restituer intact à Ma dame de La Boisse le journal quelle m'a demandé de lui retourner, je m'abstiens d'en détacher le Bulletin et je me borne, mon cher Camarade à vous prier de nie faire inscrire pour un abon nement à perpétuité, dont ci-inclus le montant

Je serai heureux de recevoir, si possible, la collection complète des numéros parus, pour les faire circuler. Fiez-vous à moi pour la propa-gande. Je promets au Diable au Cor un beau succès.

Certes, nos jouri.aux de tranchées, où s'épa-nouit ainsi la belle humeur, oùpétille aussi l'es-prit français, où s'affirment enfin la vaillance et la confiance, font de la bonne besogne: ils égaient et soutiennent le troupier au cours de ses glorieuses misères, et leur souffle vivifiant étend ses heureux effets bien en arrière du front, dans la zone impressionnable de l'inté-rieur.

Mais, en plus, la brise qui nous vient des Vos-ges porte en elle les pénétrantes senteurs de la terre d'Alsace, cette terre promise. Et des som-mets qui l'ont vu naître, le Diable au Cor, or-gane des Alpins, peut se vanter, sans outrecui-dance, de dominer tous ses congénères de plu-sieurs milliers de coudées.

Vous excuserez, mon cher Camarade, cette longue lettre d'un ancien Alpin, tout ému en-core par le souvenir des exploits des beaux ba-taillons que vous menez aujourd'hui à la vic-toire et que lui-mêmeaeu l'honneur inoubliable de compter sous ses ordres.

Dites à ces braves enfants que la France est fière d'eux, qu'elle les admire et les chérit.

En les appelant, dans les premiers jours d'août 1914. en un moment Critique, à ce poste d'honneur, leur vieux général savait bien qu'ils y tiendraient, inébranlables.

H les remercie et leur donne l'accolade. Veuillez, mon cher Camarade, agréer, avec

mes vœux ardents pour le succès de vos armes, l'assuiance de mes sentiments les plus affec-tueusement dévoués.

G1 PAU.

P. S. — Oui,,j'ai lu le Diable au Cor de la première à la dernière ligne. Aucun entrefilet ne m'a échappé, et moins que tout autre le pressant appel au Citron du Combattant.

Permettez-moi donc de vous faire expédier quelques spécimens de ce fruit utile et savou-reux qui, de par sa couleur jonquille, dont il ne saurait trop s'enorgueillir, est par essence le vrai fruit du chasseur.

Un citron par mètre d'altitude, pour complé-ter heure d'air à la villégiature de la Schlucht.

G1 P.

Touchante Cérémonie

Décision du Coipiparçdatjt

de la 7* Brigade de Chasseurs

Le 10 Août 1915.

Le Lieutenant-Colonel Messimy, alors

qu'il était Ministre de la Guerre, a eu

l'honneur de faire jdécorer le Drapeau

des Chasseurs de la Médaille Militaire.

Lui seul, dans la 3e Brigade, n'a pu con-

templer les glorieuses couleurs de la sub-

division d'Arme. En conséquence, le

Commandant de la 3e Brigade décide que

le Drapeau se rendra au R....n demain,

11 Août, à 8 heures, potu* que le Lieute-

nant-Colonel Messimy, blessé lors de la

prise du L..., puisse le saluer et l'em-

brasser.

Une délégation de chaque Corps sera

présente à la cérémonie (un officier, un

sous-officier, un chasseur par bataillon).

Signé : BRISSAUD.

En exécution de cette déci-sion, le Colonel commandant la Brigade et les délégations des Corps se trouvent réunis à l'heure fixée dans la chambre du valeureux blessé. Assis sur son lit, Vancien Ministre-de la Guerre em isse d'un geste fer-vent le glorieux emblème. Puis, les yeux fixés sur les trois cou-leurs, il prononce d'un ton ému l'acte d'adoration du Drapeau que nous croyons devoir repro-duire en entier :

Mon Colonel,

Jamais je n'ai senti, aussi vivement

qu'en cette miaule, le haut prix et la rare

délicatesse d'une fidèle amitié comme la

tienne. Je te dois et je t'ai une profonde

reconnaissance d'avoir songe à faire

porter ici notre drapeau, que ma blessure

m'empêchait d'aller saluer à P

d'avoir voulu me permettre de baiser

pieusement, comme mes camarades, les

plis vénérés de l'emblème le plus glorieux

qui soit dans l'histoire militaire de tous

les temps.

Certes, avant 1914, les souvenirs de

gloire que tu rappelais, Drapeau des

Chasseurs, eussent suffi, à eux seuls à

illustrer toute une armée. Mais au cours

de cette guerre, depuis l'heure où — il

y a un an, presque jour pour jour — le

1?" bataillon, enlevant le premier des

drapeaux allemands conquis par nous,

me donnait .le droit et la joie d'attacher

à ta lance la Médaille militaire, que tu

es seul encore a porter, les 67 bataillons

que tu représentes ont entassé autour

de ta hampe de tels trophées, que tes

vieilles gloires — s'il était possible — en

seraient presque obscurcies et reléguées au second plan.

Tel que tu es là aujourd'hui, emblème

unique des jeunes bataillons que nous

avons vu combattre, avec une absolue

insouciance du danger, des bataillons de

réserve qui, si vite, se sont haussés au

niveau de leurs aînés, des bataillons

actifs, dont chacun a écrit eii lettres de sam dans notre histoii e commune, une

série de pages magnifiques, tu es, sans

conteste, de tous les drapeaux du monde

entier, celui qui représente le plus d'hé-

roïsme, le plus de gloire, le plus de sang

généreux versé sans compter pour la

frandeuj^de la Patrie.

La tradition veut que tu sois successi-

vement la récompense des bataillons qui

se sont, montrés les plus dignes de for-

mer ta garde : dans cette incessante et

noble rivalité, jamais tu n'auras été' dans

des mains plus pures, plus fermes et plus

valeureuses que celles qui te portent

aujourd'hui.

Mon Colonel,

Tu es très fier de ta Brigade ; tu peux

l'être. Je ne cesse d'admirer en elle un

splendide et redoutable instrument de

•uerre.

Le plus grand honneur de ma vie sera

d'y avoir appartenu, d'avoir commando,

pendant six mois un groupe de chas-

seurs, d'avoir, il y a quinze jours, con-

duit à l'assaut les ..° et ..e bataillons.

Si longtemps que je vive, aucun souvenir

ne vaudra pour moi celui de cette attaque,

couronnée de succès, où la volonté de

vaincre éclatait sur tous les visages, sans

qu'aucun des combattants, qui devaient

tomber si nombreux, pensât à autre chose

qu'à faire plus que son devoir.

Mes chers Camarades,

En embrassant ces plis tricolores, j'ai

senti monter en moi une émotion intense.

Je n'en rougis pas et n'ai nulle honte à la

laisser paraître ; elle n'est qu'un hom-

mage très respectueux rendu à tous les

bataillons de chasseurs ; il va surtout,

fervent témoignage de l'affection et de

l'admiration que je léurporte, aux batail-

lons de la 3° Brigade que j'ai vu com-

battre, et qui ont si chèrement acheté

l'honneur de constituer la garde du

Drapeau.

(exe txqrtxs <•> txy> on » ?> iîx<rcxçycx^ ■> ■<?> ? ■>' tx'Vexq

AUX EMBUSQUES î

Pendant que le guettour, au bord de la tranchéo,

Le front lourd do sommeil, veille, les yeux braqués

Dans la nuit noire oii siffle une balle égarée

Faites des rêves bleus, Messieurs les Embusqués !

Pendant que nos troupiers dans la neige et la boue

Restent des jours entiers impassibles, terrés.

Sous la bise d'hiver qui leur cingle la joue...

Chauffez-vous bien les pieds, Messieurs les Embusqués !

Pendant que les shrapnells tracent un sillon large Et rouge dans nos rangs ; que nos clairons restés

Debout sous les obus sonnent, sonnent la charge I

Allez prendre le thé, Messieurs les Embusqués I

Pendant que sur la plaine uniformément grise

Hurlant sous la douleur, tout seul, les bras crispés,

Un enfant de vingt ans lentement agonise

Dansez donc le tango, Messieurs les Embusqués !

Jacques de Pouydraguln, Sous-Ltetttcnant au 37- Régiment d'Infanterie.

Blessé à Bixrchoote, en novembre 1914.

Tué à l'ennemi, lo 12 mai 1915.

Nous avons reçu beaucoup de lettres de femmes et de parents de ceux des nôtres tombés au champ d'honneur lors des derniers com-bats. Tous nous demandent, en souvenir du .cher disparu,dejeur continuer à eux le service du journal. Il leur semblera, nous disent-ils, que c'est un peu du mort qui lui survivra malgré tout, et c'est pourquoi nous écri-rons notre journal avec tout notre cœur et en nous souvenant d'eux.

Au cimetière on enterre le com-mandant du X- bataillon tué sur la ligne de feu au moment où il lançait ses chasseurs à lassant

près un bombardement infernal. Près de la croix mortuaire

« notre Drapeau » est venu hono-rer de sa présence les obsèques du brave. La veuve et, l'orphelin sont

, et la cérémonie terminée tous deux embrassent en sanglotant les plis vénérés de l'emblème pour lequel celui qui leur était le plus cher au monde vient de dispa-raître à jamais.

Et ce geste de sublime adora-tion est si émouvant, si grand, si noble, que les larmes coulent de ous les yeux.

Devant les fils de fer ennemis. Il faut passer malgré tout. Un chasseur s'avance, cisailles à la main; il commence à couper, puis tout, à coup chancelle et s'abat, le front troué: sans un mot, un autre je remplace; prend les mômes 'cisailles et tombe à son \ovr; un sergent, un chasseur, un autre, un autre encore, sont tués à la même place sans pousser un Cri et sans qu'un seul ordre les aient envoyés àlamort.Déjà îesrptième s'avance, mais un geste de l'offi-cier l'arrête; froidement, il passe la cisaille au ceinturon, se couche et recommence â tirer.

•î» «j»

Tous les clairons montent à l'assaut en sonnant." Est-ce l'émo-tion (bien naturelle, car les balles sifflent terriblement et les obus pleuvent); est-ce la pente, très raide en cet endroit? on ne s;!it, fnais le sergent-clairon trouve « que ce n'est pas ça ». Alors, sim-plement, comme au défilé, il se retourne vers ses [hommes et, continuant à monter à reculons : « Faites donc attention, la pre-mière reprise ! » ; puis il sonne, îourné vers ses clairons, et de la main il leur bat la mesure.

Nombreux sont ceux qui du-rant ces terribles journées tom-bèren t en cri a n t : « Vive la France !» Mais nul sans doute ne le fit de façon plus émouvante que cet a<fnidant qui, les jambes broyées, lat^gurene formant plus qu'une plaie, eut encore la force de sou-rire, de se tourner vers son chef et de dire : « Je suis foutu, vive la France, mon commandant ! »

Les Boches contre attaquent violemment, s'imaginant que

l'effroyable bon i bardemert^ifô^ ils nous accablent depuis le matin nous a complètement anéantis.' Leur élan est brisé avec un tel enthousiasme que la Sidi-Rra-him que les chasseurs hurlent à ce moment doit leur sembler un chant infernal. Alors, eux qui attaquaient, jettent leurs armes et lèvent les bras en criant: «Vive la France ! » Même cri que nos héros, cri sublime pour les nôtres, cri répugnant pour ces Allemands orgueilleux qui, dans ces trois mbts,renient par peur leur Patrie et leur Kaiser.

*?"» «î* ■"?"»

Et cependant ces unités étaient des troupes d'élites, des chasseurs de la garde! Nous emportons des bois, dans lesquels nous avons vécu de si terribles journées, un mépris profond pour l'infanterie allemande.

Les obus pleuvent parcentaines. Au fond de leur abris les uns causent, d'autres dorment, d'au-tres jouent aux cartes. La mort passe, les effleure, quelquefois les fauche. Les clairons répètent au tond de leur trou et pendant ces secondes de silence angoissant qui se font soudain, au milreu du vacarme internai, arrivent jus-qu'à nos oreilles, les notes claires et vives à'Alsace-Lorraine ou de Lunéville.

«•Jf» <>§^ «S^«l»

Le bombardement s'est calmé depuis quelques instants.Un à un, les chasseurs sortent des abris et tout à coup retentit la musique d'un harmonica. Un mitrailleur joue la bourrée et sur un petit tertre bouleversé par les obus deux camarades dansent, en ba-lançant les bras, comme ils fai-saient au village les dimanches ou pour la « Dame d'août ».

■•?•• «s» «s»

Notre grand confrère YEcho de Paris nous a procuré, grâce à son aimable « Nain jaune », une quan-tité assez considérable de citrons. Nous le remercions vivement et nous le prions de vouloir bien transmettre à ses généreux lec-teurs l'expression de notre pro-fonde reconnaisance.

-9-

Nous nous excusons auprès de nos

abonnés et lecteurs du retard apporté à

la publication de nos deux derniers nu-

méros. Ils comprendront eux-mêmes la

raison de nos retards.

Dorénavant le Diable au Cor sera

hebdomadaire, jusqu'à ce que les événe-

ments viennent, une fois encore, ralentir

sa vie capricieuse.

AVIS

Les demandes d'abonnements

sont reçues à la Direction du

" Diable au Cor ", Etat-Major de

la 3' Brigade, Secteur postal 91.

Pour les conditions, voir en pre-

mière page.

Page 4: Officiers, GâDQF L'ATTA eors de la 3* Brigaûi

LE DIABLE AU COR

HïS'a'OISSE NATURELLE

Le Brancardier Parmi tous les êtres étranges

qui composent la faune du front, le brancardier mérite d'arrêter quelques instants notre atten-tion. C'est un mammifère de l'ordre des poilus; extérieure-ment, il se distingue du poilu ordinaire par le signe rouge, en forme de croix qui orno son membre antérieur gauche ; il se caractérise surtout par ses mœurs toutes spéciales et son genre de vie très différent de celui de son proche parent, le poilu des tranchées.

De même qu'on a personnifié le travail dans la fourmi, l'astuce dans le renard, la malpropreté dans le porc et la fourberie dans le Boche, le brancardier semble l'incarnation du dévouement. Peu belliqueux de son naturel, il se borne à suivre au combat les autres poilus, ses frères, afin de les panser ,et, au besoin, de les emporter s'ils sont blessés. Rien ne le rebute, dans l'accom-plissement de ce travail de sau-vetage, et l'on a vu des brancar-diers! se faire tuer en essayant d'aller chercher un de leurs con-génèies tombé au cours de la bataille.

Pendant les périodes calmes, les brancardiers poursuivent leur œuvre bienfaisante : ils se rassemblent en groupe et souf-flent de leur mieux dans des ins-truments de formes variées dont

ils tirent des sons assez agréa-bles pour la plus grande joie des poilus qui les écoutent.

Ils sont généralement aidés dans cette tâche pai les clairons, et l'ensemble forme ce qu'on ap-pelle une « fanfare». Une chose curieuse à étudier, c'estla façon dont procèdent les clairons et leurs partenaires pour arriver à produire leurs sons en mesure: tandis que le brancardier-fan-fariste, animal méthodique et de tempérament classique, déchif-fre méticuleusement, sur un carton gribouillé, les notes et les mesures, le clairon, plus fantai-siste et d'allures plutôt roman-tiques, joue de mémoire en scandant simplement les temps avec le pied.

Le brancardier, être bizarre et à transformations multiples, sera sans doute, pour les géné-rations futures, un sujet d'éton-nement et d'admiration. Nos ar~ rière-petits-enfants se représen-teront avec stupéfaction cet étrange phénomène : aujour-d'hui, terre-neuve sauveteur, versant, au jour de la bataille, la teinture d'iode réglementaire et obligatoire sur les plaies des poilus, et demain, rossignol charmeur, faisant couler dans leurs oreilles des torrents d'har-monie.

Jtfetes complémentaires

sur le Qlairon (vulg. ffiiniou)

Derécentesobservationsnous permettent d'ajouter quelques détails intéressants à notre pré-

cédente étude consacrée au clai-ron.

Cet élégant bipède, outre ses aptitudes absorbantes et musi-cales, possède une reiïiarquable facilité d'adaptation. Nous avons pu voirnous-mêmesdes clairons qui, éloignés de tout liquide à leur convenance et placés en outre dans l'impossibilité de se servir de leurs instruments, trouvaient cependant le moyen de s'occuper utilement. Mépri-sant obus et balles, ils se préci-pitaient avec fureur sur tout le matériel divers placé à leur por-tée, rassemblaient ce matériel en un certain endroit qu'ils bap-tisaient « parc » et n'hésitaient pas à se faire aider, de gré ou de force, dans ce travail, par les poilus territoriaux (1) qui pas-saient à proximité.

Heureux clairon ! Un poète a dit : « Comment vis-tu, toi qui n'as pas d'amour? ». Le clairon, lui, est sûr de vivre et de bien vivre

( puisqu'il a au cœur un

triple amour : celui du pinard, du biniou et du matériel d'at-taque.

1. Le poilu territorial, ou poilu des boyaux, est un être intermédiaire entre le poilu ordinaire et le mulet ou miaule. II ressemble au premier par son aspect extérieur et sert, comme le second, à trans-porter sur son dos les objets les plus divers : vivres, munitions, planches, tables de nuit, etc.

Qhronique j&ocals

Amies jolies. — Si je vous ai chagriné parfois en raillant de tous petits travers — adorables du reste — j'implore votre pardon.

Je vous croyais futiles, légères, co-quettes. Gomme onse.trompe, n'est-ce pas?

Car lorsque vos chasseurs sont partis

gaiement pour se ruer sur le Boche brutal,

vous avez fait taire votre cœur pour ne pas montrer votre peine. Et vos chasseurs s'en sont allés, se souvenant d'un der-nier sourire, peut-être môme leurs lèvres humides d'un dernier baiser.

S'ils ont chargé nia Française, c'est en pensant à vous ; s'ils sont tombes avec joie, c'es! en songeant à votre amour. Et si. Ià-Uaul, dans les bois ensanglantés, iis ont sans relâche poursuivi leur attaque sau-vage jusqu'à ce que la béte soit forcée, c'est qu'ils se battaient pour vous.

Petites Filles. — Vous serez toujours futiles, coquettes et légères, mais j'ai su que pendant la lutte vous veniez impa-tientées aux nouvelles, qu'à chaque blessé meurtri vous souffriez de sa souffrance, qu'à chaque mort apprise vous pleuriez longuement de vraies larmes, et pour cela je ne veux plus vous gronder.

Gardez tous vos défauts, gardez tout votre charme. Mais ne pleurez plus l'ami perdu. Souriez à ceux qui vont se battre. Et, à nouveau, votre sourire fera surgir l'héroïsme.

N. D. L. R. — Nous remercions vive-ment tous les lecteurs du Diable au

Cor qui nous ont envoyé les citrons que nous avions demandés. Ces citrons nous sont arrivés au milieu de labataille et ils ont étanché la soif de plus d'un blessé et adouci sans doute les derniers instants de plus d'un de nos morts.

Nous faisons actuellement une en-quête auprès de nos "hasseurs pour savoir quels sont leurs besoins. Nous en ferons part à nos lecteurs civils qui nous demandent constamment ce dont nos hommes ont le plus bes'ùn.

Nous avons distribué, aux chasseurs nécessiteux partant en permission, plus de 1.000 francs. Nous sommes heureux que notre modeste petit journal ait pu nous permettre un tel geste et nous remercions ici tous ceux qui nous procurèrent par des abonnements le moyen de faire le bien autour de nous.

Imprimerie : Rond-point du Sphinx, Tête de Faux.

Le Gérant insaisissable : Combekopf.

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Page 5: Officiers, GâDQF L'ATTA eors de la 3* Brigaûi

Au Colonel BR

I

Noble et grande Pat rie ! 6 chère et vieille France!

Quibaignaslesjoursclairsetpursdenotreenfance

Dans l'or de ton soleil.

Terre dont la splendeur est unbaume à nos peines

Sol sacré dont l'amour {ait bouillir en nos veines

Un sang pur et vermeil.

Terre d; nos aïeux dont un passé de gloire,

Aux rayonnants reflets fait briller dans l'histoire

Vn rayonnant flambeau !

Pays dont la grandeur dédaigne les envies

Et pour qui sanscompternous donnerionsncsvies,

Heureux d'un tel tombeau !

Patrie des géants qui, jetant sur le monde,

D'un geste large et saint, la semence féconde

Des morales beautés.

Firent germer soudain sous leurs pas héroïques

Les civiques vertus, pVles ics Républiques,

Mères des Libertés !

Patrie des cerveaux dont la haute pensée,

Accélérant l'essor de l'œuvre commencée

Par les hommes d'hier,

Déversa son ardeur et son souffle efficace,

Comme un vent généreux régénérant la race

D'un peuple unique et fier.

l'rance, loi qui voulais dans la Paix mondiale,

Dans le suite du Beau, dans une œuvre idéale

Unir les âmes sœurs !

Toi qui voulais, hélas ! dans de sublimes fêtes

Limiter à jamais l'effort de tes conquêtes

A celles des grand" cœurs!

Toi qui voulais chasser la vision airoce

Des fers s'entrechoquant et du canon féioce

Et vomissant la mort.

Effacer à jamais la tache épouvantable

Dusang versé par l'Ilommeentuantsonsemblable

Dans un sanglant effort.

France. Toi qui rêvais les luttes magnanimes.

Oh, s'ékvant au faîte en des envols sublimes,

L'Esprit seul sort vainqueur :

<>h, cherchant du Destin à pénétrer la brume,

Lf penseur, le savant livrent sans amertume

Et leur âme et leur cœur !

-DESMAILLET, Commandant la 3' Brigade de Chasseurs Alpins

II

Le sort en est jeté, France ! Le vil Barbare

Qui sur l'Humanité péss comme une tare,

Un permanent affront,

A de sa lourde patte animale et tudesque

Souffleté ton visage altier, chevaleresque,

Et fait rougir ton front.

ll-osa, dans un jour d'innommable traîtrise,

En invoquant le Dieu qu'au fond son cœur mé-

\ [prise].

Faire ce geste fou !

Malgré le sang, malgré les deuils, malgré les

[larmes).

Il osa dire encor à ses sbires en armes

La France, elle est à DOI» /

// leur cria : Marchez vets les terres promises ;

Par vous les Nations seront toutes conquises ;

Pillez, tuez, voles,

Sans repos, sans pitié, sans remords et sans âme.

Le soldat, le vieillard, le frêle enfant, la femme,

La maison, le clocher.

Qu'importent les moyens : je veux qu'en son

[ensemble].

Qu'en sonmoindrerecoinlavieilleEuropetremble

Que les échos lointains

Redisent ses clameurs et ses cris de détresse,

Que l'horizon soit rouge et que vo're bassesse

Egale vos butins !

Déchirez les traités ; reniez la parole ;

Qu'au souffle des canons tout se brise et s'envole,

Que tout soit confondu !

Citoyens ou sujets, royautés, républiques

Ne sont que dignes d'être un jour vos domestiques

Et ce jour est venu.

III

Mais alors, France ! on vit, avant que la fumée

Du premier coup de feu ne se soit envolée,

Dans un juste courroux,

Serrant les poings, l'œH plein d'éclairs et face au

[lâche],

Calme mais résolu dans sa sublime tâche,

Ton peuple entier debout.

Page 6: Officiers, GâDQF L'ATTA eors de la 3* Brigaûi

On vit les fils de ceux qui donnèrent m monde,

Aux peuples éolouis par leur d'uvre féconde, t

La chère Liberté,

Quitter leur vieux foyer sans trouble et sans [alarmes].

Partir pour la frontièrcen demandant des armes,

Le cœur plein de fierté.

0 France ! disaient-ils ; mère sainte et bénie,

Nous avons à venger — qu'importe notre vie —

Ceux de soixante-dix.

Nous voulonsvoir tonsol affranchi descmtrainies

Et de l'Alsace en deuil faire oublier les plaintes

En libérant ses fils.

Nous voulons maintenant, d'un élan formidable,

Repousser jusqu'au Rhin la horde misérable

De l'Attila maudit !

Et iAutrichien veule et l'Allemand ignoble

Verront ce que peut faire un peuple fier et noble,

Ce que vaut notre outil ! (1)

Nous partonssansregretcomme sià-idéfaillailçe

Nous sommes du péril qu'entraîne la vei.yeiviçe

Avides désormais.

Si nous versons le sang et donnons notre vie,

C'est pour que sur ton sol, libre à jamais, Patrie,

Nos fils vivent en paix.

IV

Effrayant fut le choc, terrible l'épopée,

Un long ruban de feu fit reluire l'épée

Sous la plute de fer.

Cavaliers, fantassins, et, sur la mer, les flottes;

Mitrailleuses, canons, et, dans l'air, les pilotes

Formaient un vaste enfer.

Dans ce chaos sans nom, immonde et grandiose,

Où l'on ne distinguait plus l'homme de la chose,

On vit le coq gaulois

Se dresser, le bec haut, les ailes et la serre ...

Prêtes pour étouffer dans son hjdeux repïire

L'aigle noir aux abois.

On vit dans leur hideur les chocs les plus sauvages

Que l'Histoire ait jamais mis au long dé ses pages

Reims, Arras, Charleroi !

Mais la neige, le vent, les schrapnells en rafales

Jamais de tes enfants qui se riaie,:t des balles

■ ^N'ébranlèrent lu foi.

Cn'es vil se ruer en chantant dans les plaines

Ou vivre dans des trous pendant plusieurs se-[maines]

Sans lasser leur gaîtê.

On les vit à l assait d.i pic inaccessible,

Four découvrir au loin une vivante cible

A leur fusil braqué.

On vit l'artilleur noir placer, avec unrire,

Dans l'engin foudroyant le boulet qui déchire

Les horizons lointains ; , -

Le fantassin ramper vers la mort qui s'apprête,

Et l'Alpin bleu gravir d'un pas nerveux la crête

Sombre des vi;u.x sapins.

On vit de vieux sol 'ats redresser leur moustache

Coquetterie innée, apanage qu'un lâche

N'eut janittîi pour périr !

Le bleu de dix-huit ans, calme comme un vieux

[rèitre],

Et comme pour un bal le Saint-Cyrien mettre

Ses gants blancs pour mourir. •

Oli ! tout ce qu'une idée en son essor immense

Peut dicter de courage et d'ardeur,chère France,

Fut inspiré par toi !

Tout ce qu'un peuple fier et fort dans sa colère

Peut mettre à ses côtés pour défendre sa terre

Pour lui fut une loi.

France, c'est pour c.la que tes braves cohortes,

Malgré l'efforï donné restent toujours plus fortes,

Plus belles que jamais.

Car elles savent que bientôt sonnera l'heure

Où l'Allemand chassé sera mis en demeure

De demander la paix.

Alors à ce moment tu seras bien vengée,

France ! Le vil barbare et sa meute enragée ■

Laveiont ton affront ;

Comme l'arbre géant après une tempête

Relève fièrement son imposante tête.

Tu lèveras ton front.

Tes enfants seront là pour te fêter, Patrie !

Pour acclamer ton nom, pour chanter à l'envie

Tes exploits valeureux.

Sur te s champs agrandis partes nouvelles gloii es

L'Astre des jours heureux, le Soleil des Victoires.

Luira plus lumineux !

A. MIGOTJD.

(1) Paroles du tfénértU Joffre après la victoire de la Marne. Muletier, 54- Bataillon.