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S i l'on compare la situation que nous connaissons aujourd'hui à ce qu'elle était il y a 30 ans à la fin du 20e siècle, il y a lieu d'être satisfait, même si l'on peut s'interroger sur certains aspects. L'expansion des surfaces boisées, des garrigues, maquis, landes et friches, a pu être jugulée en même temps que la déprise agricole, et les scénarios les plus dramatiques ne se sont pas réalisés, n'en déplaise aux Cassandre. L'accroissement des sur- faces boisées était de plus de 11% pendant la période 1984-1994 (selon les données de l'inventaire forestier national - voir le n° XVIII-1 - juillet 1997 de Forêt Méditerranéenne). Il a été nul depuis 2020, si bien que la sur- face boisée reste à 3015000 ha, soit 15,7% de plus qu'en 1994. Les gar- rigues, maquis, landes et friches n'oc- cupent plus que 1200000 ha (soit 29,5% de moins), les terres agricoles 1830000 ha (10,7% de moins), et les "improductifs et les eaux 1476000 ha (26,7% de plus) (cf. les résultats de l'inventaire - Forêt Méditerranéenne - IL-1 - mars 2028). Si l'espace urbanisé a augmenté de plus du quart depuis 1994 (+26,7%), on doit reconnaître que l'urbanisation du littoral s'est ralentie, et que la dégradation progresse moins vite qu'il y a 30 ans, quoique l'on puisse craindre encore que certaines portions de la côte ne soient, dans l'avenir, bor- dées d'une barre continue d'immeubles de location. Les crédits publics qui permettraient d'acheter les rares espaces verts existants sont, malheu- reusement, en diminution du fait de la baisse générale des impôts, et la plu- part des collectivités locales s'intéres- sent encore trop à l'urbanisme au détriment de la protection des espaces naturels. Nous observons avec crainte la montée du niveau de la mer qui ne se ralentit pas par rapport à ce qu'elle était dans le dernier quart du 20e siècle. On sait qu'elle est montée de près de 10 cm depuis 25 ans et les modifications clima- tiques, quoique légères, accroissent le nombre et l'amplitude des tempêtes, comme ceux des orages et des périodes caniculaires. Ces tem- pêtes font toujours d'énormes dégâts sur la côte du Languedoc, aggravés par l'érosion marine que certains attri- buent à la diminution des rejets de sable et de graviers du Rhône. Port- Camargue, La Grande Motte, Palavas, Port-Leucate, et les autres stations bal- néaires littorales deviendront-elles des îles ? Les cordons littoraux ont presque partout disparu, et les anciens étangs les plus proches de la mer sont devenus des criques marines. Toute nouvelle construction est d'ores et déjà interdite, même pour remplacer celles 57 L' évo l ut i on f o r e s t i è r e de s 30 de r n i è r e s année s 1 - Opt i m i s me ? ... pa r R obe r t B. CHEV R OU * * Ingénieur du GREF - 13, rue Clair Soleil 34430 St Jean-de-Védas t. XX, n° 1, mars 1999 L e s s tat i on s ba l néa ir e s li tto r a l e s dev i end r ont-e ll e s de s îl e s ?

p ar Robert B CHEVROU - Institut de l'information

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Page 1: p ar Robert B CHEVROU - Institut de l'information

S i l'on compare la situationque nous connaissonsaujourd'hui à ce qu'elle était

il y a 30 ans à la fin du 20e siècle, il ya lieu d'être satisfait, même si l'on peuts'interroger sur certains aspects.

L'expansion des surfaces boisées,des garrigues, maquis, landes etfriches, a pu être jugulée en mêmetemps que la déprise agricole, et lesscénarios les plus dramatiques ne sesont pas réalisés, n'en déplaise auxCassandre. L'accroissement des sur-faces boisées était de plus de 11%pendant la période 1984-1994 (selonles données de l'inventaire forestiernational - voir le n° XVIII-1 - juillet1997 de Forêt Méditerranéenne). Il aété nul depuis 2020, si bien que la sur-face boisée reste à 3015000 ha, soit15,7% de plus qu'en 1994. Les gar-rigues, maquis, landes et friches n'oc-cupent plus que 1200000 ha (soit29,5% de moins), les terres agricoles1830000 ha (10,7% de moins), et les"improductifs et les eaux 1476000 ha(26,7% de plus) (cf. les résultats del'inventaire - Forêt Méditerranéenne -IL-1 - mars 2028).

Si l'espace urbanisé a augmenté deplus du quart depuis 1994 (+26,7%),on doit reconnaître que l'urbanisationdu littoral s'est ralentie, et que ladégradation progresse moins vite qu'ily a 30 ans, quoique l 'on puissecraindre encore que certaines portionsde la côte ne soient, dans l'avenir, bor-dées d'une barre continue d'immeublesde location. Les crédits publics quipermettraient d'acheter les raresespaces verts existants sont, malheu-reusement, en diminution du fait de labaisse générale des impôts, et la plu-part des collectivités locales s'intéres-sent encore trop à l'urbanisme audétriment de la protection des espacesnaturels.

Nous observons avec crainte lamontée du niveau de la mer qui ne se

ralentit pas par rapport à cequ'elle était dans le dernierquart du 20e siècle. On saitqu'elle est montée de prèsde 10 cm depuis 25 ans etles modifications clima-tiques, quoique légères,accroissent le nombre etl'amplitude des tempêtes,comme ceux des orages et

des périodes caniculaires. Ces tem-pêtes font toujours d'énormes dégâtssur la côte du Languedoc, aggravéspar l'érosion marine que certains attri-buent à la diminution des rejets desable et de graviers du Rhône. Port-Camargue, La Grande Motte, Palavas,Port-Leucate, et les autres stations bal-néaires littorales deviendront-elles desîles ? Les cordons littoraux ontpresque partout disparu, et les anciensétangs les plus proches de la mer sontdevenus des criques marines. Toutenouvelle construction est d'ores et déjàinterdite, même pour remplacer celles

57

L' é v o lutio n fore sti è re d e s 30 d e rn i è re s a nn é e s

1 - O p t i m ism e ? . . .

p a r Ro b e rt B. C HEVRO U *

* Ingénieur du GREF - 13, rue ClairSoleil 34430 St Jean-de-Védas

t. XX, n° 1, mars 1999

Le s st a tio ns b a ln é a ire s litt or a l e sd e v i e n d ro nt-e ll e sd e s îl e s ?

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détruites par la mer, entre le rivage etune limite située en deçà des étangslittoraux.

Si tous les centres urbains se sontagrandis, certains de façon tout à faitexcessive, englobant la plupart des vil-lages proches, comme Nice, Nîmes,Perpignan, la loi de 2011 pour le nou-vel urbanisme impose de réserverautour de toutes les villes de plus de30000 habitants des zones vertes dontles superficies sont obligatoirement aumoins égales au triple de la superficieurbaine, avec les règles de répartitionbien connues qui visent à créer desbarrières "vertes". Si cela conduit àrejeter au loin les nouveaux lotisse-ments, on a pu constater que de nom-breux villages en déclin dans l'arrièrepays ont de ce fait retrouvé un certaindynamisme, avec accroissement deleur population et des services privéset publics dont les écoles, d'autant plusque les techniques de travail à distancese sont simultanément développéesgrâce aux réseaux de communicationet à l'informatique.

L'agriculture a beaucoup évolué etelle a, pour ainsi dire, renoué avec lestraditions ancestrales, par l'obligationde mettre en œuvre des techniques

biologiques sans produits chimiquesindustriels et de synthèse polluants (loidu 7-4-2007). Fruits et légumes, bienque moins beaux qu'autrefois, sontgoûteux et ils régalent les amateurs.On a pu exhumer des siècles passés denombreuses variétés cultivéesoubliées, qui avaient été conservéespatiemment par des jardiniers ama-teurs, ou qui ont été reconstituées parles chercheurs de l'INRA. On doit seféliciter de l'abandon de cette odieusefilière dite "agro-alimentaire" qui pré-tendait nous imposer l'insipidité desproduits d'outre atlantique. Sans doutene pouvons-nous plus consommerfraises et tomates en toutes saisonscomme il y a 25 ou 30 ans, maisnombre d'autres fruits et légumessavoureux, dont nos parents et nosgrands-parents avaient oublié les goûts

délicieux et même l'exis-tence, sont proposés sur lesmarchés du nouveau réseauInternet.

Les nouvelles techniquesforestières pour l'aménage-ment et la gestion sont beau-coup plus "naturelles" quecelles de la fin du siècle pré-cédent qui avaient conduit àdes futaies équiennes mono-spécifiques. Nous voyons et

nous parcourons aujourd'hui desfutaies claires et mélangées, jardinéespied à pied ou par bouquets. Les chan-gements climatiques ont conduit à

réduire notablement la densité despeuplements forestiers pour assurerleur approvisionnement en eau ; lesvolumes moyens par hectare, ainsi queles accroissements, ont quelque peudiminué (-25%) par rapport à ce qu'ilsétaient au début du siècle (cf. les résul-tats des derniers inventaires) malgré larecherche et l'introduction d'essencesspécifiques, et malgré l'augmentationdu taux de gaz carbonique. Les tech-niques conduisant à ces futaies claires,mélangées, et jardinées, ont de mul-tiples avantages, notamment pour lalimitation des nuisibles et pour la pré-vention des incendies de forêts. Lesinsectes et les champignons nuisiblessont combattus par la "lutte biolo-gique", initiée par l'ONF à la fin desannées 1990, et bien améliorée depuispar l'INRA.

Le s p o m p i e rsutilis e nt d e sp ro d u its n o uv e a ux p o urr e m p l a c e r l' e a u

Les massifs forestiers sont entrecou-pés d'espaces agricoles, gérés et entre-tenus par les fonctionnaires du

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D e no m bre ux v ill a g e s e nd é c lin d a nsl' a rri è re p a ysont re trouv é unc e rt a in d yn a m ism e

O n a p u exhu m e rd e s si è c l e s p a ss é sd e no m bre us e sv a ri é t é s c u ltiv é e so u b li é e s

Page 3: p ar Robert B CHEVROU - Institut de l'information

Ministère de l'Environnement, ou d'es-paces de loisirs, sur lesquels les pom-piers peuvent s'appuyer pour luttercontre les incendies. Cela est d'autantplus nécessaire du fait du manqued'eau, puisque le niveau des nappesphréatiques a sensiblement diminué etqu'il est interdit d'y puiser en périodeestivale. Les pompiers utilisent aujour-d'hui beaucoup de produits nouveaux(sables, particules, poussières et gazinertes), tant au sol que dans les airs,pour remplacer l'eau avec des effetstout à fait comparables. Ces produitsnaturels proviennent de certaines car-rières, ce qui pose d'ailleurs un pro-blème d'environnement lorsqu'unnouveau site d'exploitation est ouvert.Ces nouvelles techniques ont permisde maintenir la pression du feu à unniveau supportable, puisque, enmoyenne, 70 000 ha sont détruitschaque année, avec des variations liéesaux conditions météorologiques (plusde 248 000 ha en 2017 par exemple, etmoins de 32 523 ha en 2019).

La plupart des essences exotiques nesont plus cultivées, ni introduites,après l'exploitation des dernièresfutaies de Douglas ces dernièresannées. Seul le cèdre a été maintenu,et il s'est beaucoup étendu de façonnaturelle autour des massifs créésdepuis 150 ans. C'est d'ailleurs cettepropriété qui l'a sauvé, car elle permet

de transformer de nombreuses gar-rigues et landes en forêts à un coût rai-sonnable.

L'effort de reconstitution des gar-rigues, maquis, landes et friches sepoursuit activement mais lentement. Ilfaut bien constater que les méthodesdouces ne sont pas très efficientes, etque la déprise agricole a créé de nou-velles surfaces de ces types de végéta-tion. Ces méthodes consistent à planterde petits bouquets d'essences qui,comme le cèdre, ont la propriété des'étendre naturellement, mais il fautattendre quelques décennies pourqu'elles puissent fructifier et se régé-nérer. Il reste à dégager les semis pourque la forêt se reconstitue. C'est uneœuvre de longue haleine, devant durerplus de 100 ans, et beaucoup critiquent

cette méthode pour sa lenteur. Il sem-blerait que les forestiers ne s'en sou-cient pas comme s'ils croyaient avoirl'éternité devant eux. Ils prétendent

que la pression du feu exigede prendre de telles précau-tions, bien que les servicesspécialisés prédisent l'éradi-cation des incendies dans lesprochaines années.

Tous ces espaces, dits"naturels", sont, il est vrai,très artificiels. Mais les pro-meneurs y trouvent la satis-faction de contempler unevégétation variée, des fleurset des odeurs qui les enchan-tent. Les nombreux sentiers

de promenade et de randonnées rejoi-gnent les villages où l'on trouve facile-ment à se loger dans les hôtels, lesgîtes, et les refuges. Que les campeurset les promeneurs prennent garde tou-tefois à ne pas porter le feu en forêt,même si les pompiers arrivent,presque toujours, à limiter les dégâts !

Au total, et malgré quelques menusinconvénients, l'évolution de ces 30dernières années nous paraît être tout àfait favorable, et il faut espérer qu'ellese poursuive longtemps encore.

R. C .

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Le s s e rv i c e s s p é c i a lis é s p ré d ise nt l' é r a d i c a tio n d e sin c e n d i e s d a ns l e sp ro c h a in es a nn é es