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Annales de pathologie (2011) 31, 369—374 HISTOSÉMINAIRE SFP Pathologie œsophagienne et gastrique : lésions néoplasiques précoces. Cas n o 4. Une tumeur mésenchymateuse du bas œsophage Oesophageal and gastric pathology: Early neoplastic lesions. Case 4. A mesenchymal tumour of the lower oesophagus Jean-Yves Scoazec Service d’anatomie pathologique, hôpital Édouard-Herriot, 5, place d’Arsonval, 69437 Lyon, France Accepté pour publication le 4 juin 2011 Disponible sur Internet le 15 septembre 2011 Renseignements cliniques Femme de 32 ans. Bilan de dysphagie récente sans altération de l’état général. Découverte à l’endoscopie d’une sténose du tiers inférieur de l’œsophage par une lésion d’aspect extrinsèque. Confirmation par écho-endoscopie de l’existence d’une tumeur pariétale de 3,5 cm de diamètre, bombant à l’extérieur de la paroi digestive, dans le médiastin, pré- sentant un aspect homogène. Absence d’adénopathie. Pas de tentative de biopsie ou de ponction guidée. Décision d’énucléation sous cœlioscopie. Diagnostic proposé Léiomyome de l’œsophage. Description macroscopique La pièce d’énucléation comportait une large lésion tumorale, arrondie, bien limitée, mesu- rant 32 mm dans son plus grand diamètre, entourée par une collerette de tissu normal, mesurant de 5 à 10 mm de large selon les territoires. À la coupe, la lésion tumorale présen- tait un aspect homogène et fasciculé, une consistance ferme, une couleur blanchâtre ; il n’existait pas de remaniements nécroticohémorragiques. Les marges de résection étaient macroscopiquement saines. Aucun ganglion n’était trouvé sur la pièce opératoire. Adresse e-mail : [email protected] 0242-6498/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annpat.2011.07.005

Pathologie œsophagienne et gastrique : lésions néoplasiques précoces. Cas no 4. Une tumeur mésenchymateuse du bas œsophage

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Annales de pathologie (2011) 31, 369—374

HISTOSÉMINAIRE SFP

Pathologie œsophagienne et gastrique : lésionsnéoplasiques précoces. Cas no 4. Une tumeurmésenchymateuse du bas œsophage

Oesophageal and gastric pathology: Early neoplastic lesions. Case 4. Amesenchymal tumour of the lower oesophagus

Jean-Yves Scoazec

Service d’anatomie pathologique, hôpital Édouard-Herriot, 5, place d’Arsonval,69437 Lyon, France

Accepté pour publication le 4 juin 2011Disponible sur Internet le 15 septembre 2011

Renseignements cliniques

Femme de 32 ans. Bilan de dysphagie récente sans altération de l’état général. Découverteà l’endoscopie d’une sténose du tiers inférieur de l’œsophage par une lésion d’aspectextrinsèque. Confirmation par écho-endoscopie de l’existence d’une tumeur pariétale de3,5 cm de diamètre, bombant à l’extérieur de la paroi digestive, dans le médiastin, pré-sentant un aspect homogène. Absence d’adénopathie. Pas de tentative de biopsie ou deponction guidée. Décision d’énucléation sous cœlioscopie.

Diagnostic proposé

Léiomyome de l’œsophage.

Description macroscopique

La pièce d’énucléation comportait une large lésion tumorale, arrondie, bien limitée, mesu-rant 32 mm dans son plus grand diamètre, entourée par une collerette de tissu normal,mesurant de 5 à 10 mm de large selon les territoires. À la coupe, la lésion tumorale présen-tait un aspect homogène et fasciculé, une consistance ferme, une couleur blanchâtre ; iln’existait pas de remaniements nécroticohémorragiques. Les marges de résection étaientmacroscopiquement saines. Aucun ganglion n’était trouvé sur la pièce opératoire.

Adresse e-mail : [email protected]

0242-6498/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.annpat.2011.07.005

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igure 1. Aspect à faible grandissement montrant l’architectureasciculée de la lésion et l’absence de remaniements nécrotico-émorragiques (HES, grandissement original : × 80).ow power view showing the fascicular architecture of the lesionnd the absence of necrosis and haemorrhage (HES, original mag-ification: × 80).

escription microscopique

es prélèvements effectués sur la lésion tumorale présen-aient tous un aspect comparable. La prolifération étaitonstituée par des faisceaux parallèles de cellules de tailleelativement grande, à cytoplasme abondant, de forme éti-ée ou quadrangulaire, très éosinophile (Fig. 1). Les noyauxtaient petits, allongés, de forme régulière, avec une chro-atine dense. Il n’existait pas d’atypies cytonucléaires.ucune mitose n’était observée. Il n’existait pas de rema-iement nécrotique ou hémorragique (Fig. 2).

La lésion occupait une grande partie de l’épaisseur dea paroi œsophagienne. Elle se développait largement dansa sous-muqueuse, refoulait la muqueuse en surface et lausculeuse, amincie et interrompue, en profondeur. Enériphérie, la lésion était bien limitée, focalement encap-ulée. De volumineux pédicules vasculaires étaient présents

igure 2. Les cellules tumorales sont disposées en faisceaux ;lles sont de grande taille et présentent un cytoplasme très éosi-ophile et un petit noyau très dense (HES, grandissement original :200).

umor cells, arranged in bundles, are large, with a strongly eosi-ophilic cytoplasm and a small, dark nucleus with dense chromatinHES, original magnification: × 200).

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J.-Y. Scoazec

igure 3. Expression intense et homogène de la desmine pares cellules tumorales (Immunoperoxydase, grandissement original :

120).umor cells strongly express desmin (Immunoperoxidase, originalagnification: × 120).

e long de la limite tumorale. Au voisinage de la lésion, laaroi œsophagienne ne présentait pas d’anomalie signifi-ative. Il n’existait pas de signe d’ulcération en surface,i de signe de rupture en périphérie. Aucun aspect suspect’embol vasculaire n’était observé.

L’étude immunohistochimique montrait que la pro-ifération tumorale exprimait fortement les marqueursusculaires lisses : actine musculaire lisse, caldesmone

t desmine (Fig. 3). L’immunodétection de KIT révélaita présence de nombreuses cellules positives, de petiteaille, de forme étoilée, dispersées au sein de la pro-ifération tumorale (Fig. 4 et 5). L’immunodétection deD34 soulignait la présence d’un important réseau vas-ulaire ; aucun marquage des cellules tumorales n’étaitbservé. L’immunodétection de la protéine S100 étaitégative. La musculeuse œsophagienne de voisinage ne pré-entait pas d’hypertrophie des cellules de Cajal.

Une étude en biologie moléculaire a été réalisée à partir’un fragment fixé en formol tamponné et inclus en paraf-ne. Aucune mutation de KIT ou de PGFRA n’a été détectée.

igure 4. Présence d’une population de cellules exprimant KITu sein de la tumeur (Immunoperoxydase, grandissement original :120).

resence of KIT+ cells within the tumor tissue (Immunoperoxidase,riginal magnification: × 120).

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Figure 5. À fort grandissement, les cellules KIT+ apparaissentcomme des cellules de petite taille et de morphologie dendritique ;elles correspondent à des cellules de Cajal réactionnelles coloni-sant le tissu tumoral (Immunoperoxydase, grandissement original :× 250).At high magnification, KIT+ cells appear as small, dendritic cells;they correspond to reactive Cajal cells homing within the tumortissue (Immunoperoxidase, original magnification: × 250).

Évolution ultérieure

La patiente est surveillée régulièrement par endoscopie etécho-endoscopie depuis 18 mois. Il n’existe aucun aspectsuspect de récidive locale.

Commentaires

Le cas proposé ici est un léiomyome typique par sa localisa-tion et son profil morphologique et immunohistochimique,qui permet de bien poser les problèmes de diagnostic et declassification des tumeurs mésenchymateuses du tube diges-tif. De plus, bien qu’il concerne une lésion qui ne peut quedifficilement être considérée comme une lésion « précoce »,il donne l’occasion de faire le point sur l’évolution rapide

des connaissances concernant les lésions précoces et leséventuelles lésions « précurseurs » des tumeurs mésenchy-mateuses digestives.

Diagnostic et classification des tumeursmésenchymateuses du tube digestif : GIST ouléiomyome ?

Les tumeurs conjonctives du tube digestif sont largementdominées par les tumeurs stromales gastro-intestinales(GIST), dont les caractéristiques morphologiques, immu-nohistochimiques et moléculaires sont maintenant bienconnues : nous n’y reviendrons pas en détail, plusieursrevues récentes ayant fait le point sur ce sujet [1,2]. Il nefaut cependant pas oublier que les GIST ne sont pas les seulestumeurs mésenchymateuses du tube digestif : à côté desGIST, continuent en effet à exister d’autres types de tumeursmésenchymateuses, plus rares, mais qu’il faut néanmoinssavoir identifier et classer. C’est le cas notamment des léio-myomes et des autres tumeurs à différenciation musculairelisse, qui représentent jusqu’à 30 % des tumeurs mésenchy-mateuses digestives [3,4].

Le diagnostic de léiomyome, dont le cas présenté ici estun exemple particulièrement représentatif, repose sur des

Figure 6. Comparaison des caractères morphologiques des cel-lules tumorales entre un léiomyome (a), où les cellules sont grandes,éosinophiles et à petit noyau, et une GIST fusiforme (b), où les cel-lules sont petites, peu colorables et à grand noyau ovoïde (HES,grandissement original : × 180).Comparison of the morphological characteristics of tumor cellsbetween a typical leiomyoma (a), in which tumor cells are large,eosinophilic, with a dark nucleus, and a fusiform GIST (b), in whichtumor cells are small, pale, with a large, ovoid nucleus (HES, ori-ginal magnification: × 180).

arguments topographiques, histologiques et immunohisto-chimiques. Le léiomyome est une tumeur de localisationtypiquement œsophagienne, comme ici, ou rectale. Rap-pelons que la localisation œsophagienne est exceptionnellepour les GIST authentiques [3,5]. Une tumeur conjonc-tive œsophagienne ne doit donc être classée comme GISTqu’après avoir éliminé l’hypothèse d’un léiomyome, beau-coup plus fréquent dans cette localisation.

Le diagnostic différentiel entre léiomyome et GIST fusi-forme est d’autant plus facile que l’aspect histologique d’unléiomyome typique, comme celui présenté ici, est extrê-mement évocateur et suffit pratiquement pour poser lediagnostic. Contrairement aux GIST fusiformes, où les cel-lules tumorales sont très allongées, avec un cytoplasmepeu abondant, aux limites indistinctes, peu colorable, et

un noyau volumineux à chromatine fine, les léiomyomessont formés par des cellules volumineuses, présentant uncytoplasme abondant, bien limité, très éosinophile, ce quiest particulièrement caractéristique, et un petit noyauallongé à chromatine très dense (Fig. 6). Certaines formesde léiomyomes sont de diagnostic différentiel plus diffi-cile, notamment les léiomyomes paucicellulaires (Fig. 7),qui peuvent même comporter des amas globulaires hyalinsPAS+ simulant les fibres skénoïdes des GIST intestinales [6].

L’étude immunohistochimique permet de confirmer lediagnostic de léiomyome, suspecté morphologiquement.Le profil immunohistochimique d’un léiomyome typique,comme celui illustré ici, est en principe très différentde celui d’une GIST (Tableau 1) : les léiomyomes typiquessont KIT−, DOG1−, CD34− et expriment des marqueursmusculaires lisses. Ces marqueurs incluent l’alpha-actinemusculaire lisse et la caldesmone, peu spécifiques et sou-vent exprimées par les GIST, mais aussi la desmine etla smoothéline [7], beaucoup plus spécifiques et excep-tionnellement positives dans les GIST. Toutefois, l’étudeimmunohistochimique peut être trompeuse. Le principalpiège est représenté par la présence, dans de nombreuxléiomyomes typiques, d’une population de cellules ressem-blant aux cellules de Cajal, de forme étoilée, intimementassociées aux cellules musculaires lisses tumorales. Il s’agit

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igure 7. Léiomyome paucicellulaire, formé par des cellulesacuolisées et comportant des globules hyalins provenant de laécrose de cellules tumorales (HES, grandissement original : × 180).aucicellular leiomyoma, formed by vacuolated cells and showingyaline globules resulting from tumor cell necrosis (HES, originalagnification: × 180).

’une population de cellules réactionnelles, reproduisant le

omportement des cellules de Cajal normales qui, commen le sait, sont étroitement associées aux cellules muscu-aires lisses digestives. Le problème pratique vient de ceue ces cellules, comme les cellules de Cajal normales,xpriment KIT. . . Il faut donc savoir identifier ces cellulesomme réactionnelles et ne pas les confondre avec des cel-ules tumorales. Faute de connaître ce piège diagnostique,n faux diagnostic de GIST est habituellement porté, aveces implications pronostiques, voire thérapeutiques.

Devant un léiomyome typique comme celui présenté ici, àa fois du point de vue histologique et immunohistochimique,’étude moléculaire ne se justifie pas, même si elle a étératiquée dans notre cas. . . par esprit de système !

Le pronostic des léiomyomes typiques est bon : cesumeurs peuvent être considérées comme bénignes. Il n’eneste pas moins que le tube digestif, y compris l’œsophage,eut être le siège d’authentiques léiomyosarcomes (dontes liens éventuels et la filiation avec les léiomyomesypiques ne sont d’ailleurs pas établis) [3] : la malignité dees tumeurs est facilement suspectée sur la présence deemaniements nécrotiques et hémorragiques, la mauvaiseimitation périphérique et l’invasion locale, la présence’importantes atypies cytonucléaires et la richesse enitoses. La nature musculaire lisse d’un sarcome digestif

Tableau 1 Caractéristiques immunohistochimiques desléiomyomes et des tumeurs stromales du tube digestif(GIST).Immunohistochemical characteristics of digestive leiomyomasand gastrointestinal stromal tumors (GIST).

Léiomyome GIST

KIT − +DOG1 − +CD34 − +/−Alpha-SMA ++ +/−Caldesmone ++ +Desmine ++ − (rarement +)Smoothéline + −Protéine S100 − − (rarement +)

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J.-Y. Scoazec

oit être affirmée par l’étude immunohistochimique qui per-et d’identifier l’expression de marqueurs spécifiques par

es cellules tumorales mais aussi d’éliminer d’autres sar-omes, notamment les liposarcomes dédifférenciés.

iagnostic et classification des tumeursésenchymateuses du tube digestif : les

utres tumeurs conjonctives

appelons rapidement les autres types de tumeurs mésen-hymateuses susceptibles d’être observés dans le tubeigestif, quoique exceptionnellement dans l’œsophage :les schwannomes : les authentiques schwannomes, sou-vent gastriques, sont des tumeurs fusiformes, bienlimitées, souvent entourées par une réaction lymphoïdefolliculaire, très caractéristique de ce type de tumeur(Fig. 8) ; ils expriment de manière homogène et dif-fuse la protéine S100, sont KIT−, DOG1− et CD34− etn’expriment pas de marqueurs musculaires lisses ; malgréleur taille, habituellement importante, ils se comportentcomme des tumeurs bénignes ;les autres types de tumeurs des gaines nerveuses péri-phériques (schwannome mélanotique, périneuriome. . .)et les neurofibromes : ils sont tout à fait exceptionnelset presque toujours associés à un contexte de neurofibro-matose [4] ;les polypes fibro-inflammatoires ou tumeurs de Vanek [8] :il s’agit de lésions polypoïdes, de localisation souventintestinale, formées par une prolifération mal limitéede cellules d’aspect (myo)fibroblastique dispersées dansune matrice abondante, parsemée d’amas inflammatoirespolymorphes, riches en plasmocytes et en polynucléaireséosinophiles ; la vascularisation est abondante et souventcaractéristique, notamment en raison de la présence devaisseaux dystrophiques, à paroi « en pelure d’oignon » ;des travaux récents montrent que ces lésions, comme cer-taines GIST, sont associées à des mutations de PDGFRA.

IST : lésions précoces, lésions précurseurs ?

eux types de lésions mésenchymateuses du tube digestifont candidats au titre de lésions précoces et de lésions pré-urseurs des GIST : les micro-GIST et les hyperplasies desellules de Cajal.

icro-GISTes micro-GIST sont définies comme des lésions de moinse 1 cm de diamètre, développées aux dépens de la mus-uleuse (au contraire des petits léiomyomes ou léiomyomesntramuraux, qui se développent à partir de la musculaireuqueuse) [9—11]. Ces lésions se rencontrent essentielle-ent au niveau de la jonction œsogastrique (Fig. 9 et 10) ;

lles sont très rares dans l’estomac, l’intestin et le rectum.es micro-GIST peuvent être multiples dans 20 % des cas.eur fréquence est élevée : ce type de lésions a été rapportéans plus de 20 % des autopsies de sujets de plus de 50 anst plus de 30 % des pièces opératoires de la région œsogas-rique (au moins dans certaines séries. . .). Leur petite taillet leur localisation profonde dans la paroi les font cependantacilement passer inapercues : leur découverte est habituel-ement fortuite. L’aspect histologique des micro-GIST estrès proche de celui des GIST typiques : elles sont nodulaires,ien limitées, formées par des cellules fusiformes ; ellesont souvent partiellement fibrosées ou hyalinisées (d’où le

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Figure 8. Aspect typique d’un schwannome gastrique, présen-tant des infiltrats inflammatoires péritumoraux (HES, grandissementoriginal : × 100).Typical aspect of a gastric schwannoma, showing peritumoralinflammatory infiltrates (HES, original magnification: × 100).

nom de sclerosing GIST parfois utilisé). Leur profil immuno-histochimique est également typique : elles expriment KIT,DOG1 et habituellement CD34. Environ 50 % d’entre ellesprésentent des anomalies moléculaires : 46 % des cas ont desmutations de KIT et moins de 5 % des mutations de PDGFRA.La présence de ces mutations dans une proportion signifi-cative de cas est un argument suggérant une filiation entremicro-GIST et GIST « cliniques ». Cette filiation reste cepen-dant à démontrer de facon formelle. Il est vraisemblable quede nombreux cas de micro-GIST n’évoluent pas, ou seule-ment très lentement, et que certains d’entre eux peuventmême régresser, notamment par sclérose.

Figure 9. Micro-GIST développé aux dépens de la musculeusepropre de la partie haute de l’estomac (HES, grandissement ori-ginal : × 50).Micro-GIST developed from the muscularis propria of the upperpart of the stomach. (HES, original magnification: × 50).

Figure 10. Léimyome intramural, développé aux dépens de lamusculaire muqueuse, exprimant la desmine (Immunoperoxydase,grandissement original : × 150).Intramural leiomyoma, developed from the muscularis muco-sae, expressing desmin (Immunoperoxidase, original magnification:× 150).

Hyperplasie des cellules de CajalL’hyperplasie des cellules interstitielles de Cajal est typi-quement associée aux formes familiales de GIST. Les formesfamiliales de GIST, dues à des mutations germinales de KITou de PDGRA, sont très rares [12,13] ; elles sont carac-térisées par l’existence de GIST multiples, multifocales,de localisation préférentiellement intestinale, plus rare-ment gastrique, et de découverte précoce ; elles sontsouvent associées à des lésions extradigestives, notam-ment cutanées. Dans les formes familiales de GIST, entre

les lésions tumorales, la paroi digestive est le siège delésions d’hyperplasie des cellules de Cajal, souvent suffisam-ment importantes pour être soupconnées sur les colorationsstandard et toujours facilement mises en évidence parimmunohistochimie, à l’aide des marqueurs KIT et CD34(Fig. 11). La présence de ces lésions d’hyperplasie dis-tingue les formes familiales de GIST des rares exemplesde GIST multiples sporadiques [14], dont la localisation estplus souvent gastrique qu’intestinale, contrairement auxGIST familiales ; les lésions sont le plus souvent peu nom-breuses, proches les unes des autres, et sont séparées pardes intervalles de paroi saine, sans hyperplasie des cellulesde Cajal ; ces formes sont habituellement associées à desmutations de KIT, le plus souvent distinctes pour chaquelésion [14]. Récemment, deux cas d’une forme exception-nelle d’hyperplasie des cellules de Cajal ont été rapportés[15]. Ces lésions s’inscrivent dans un contexte d’allure mal-formative : elles sont observées à la partie profonde d’uneformation diverticulaire développée aux dépens de la paroiintestinale, où elles remplacent la musculeuse normale.Dans les deux cas rapportés dans la littérature, il existait unemutation de KIT. Dans un cas observé dans notre institution,aucune mutation n’a été détectée. Il faut cependant bieninsister sur le fait que des hyperplasies des cellules de Cajal
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igure 11. Hyperplasie des cellules de Cajal entourant un nodulee GIST, mise en évidence par l’immunodétection de KIT (Immuno-eroxydase, grandissement original : × 150).ajal cell hyperplasia surrounding a small nodule of GIST, evidencedfter KIT immunodetection (Immunoperoxidase, original magnifica-ion: × 150).

euvent s’observer en dehors de tout contexte de GIST eteuvent vraisemblablement traduire des phénomènes pure-ent réactionnels, notamment à la périphérie de lésions

nvasives modifiant la cinétique de la musculeuse digestive16].

onclusion

es caractéristiques cliniques, histologiques et moléculaireses GIST sont aujourd’hui bien connues. Leur diagnostic dif-érentiel est important : les critères permettant d’identifieres autres tumeurs mésenchymateuses digestives doiventtre bien connus. Les stades précoces de leur histoire natu-elle restent à mieux étudier : les lésions précoces, lesventuelles lésions précurseurs et leur filiation avec les GIST

liniques doivent être analysées et caractérisées en détail.

éclaration d’intérêts

’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-ion avec cet article.

POINTS IMPORTANTS À RETENIR

• Le diagnostic et la classification des tumeursmésenchymateuses digestives reposent surdes arguments histologiques et immunohisto-chimiques.

• À côté des GIST, d’autres types de tumeursmésenchymateuses existent dans le tube digestif :les plus fréquentes sont les léiomyomes.

• Le profil immunohistochimique des léiomyomes,bien que typique, peut être trompeur.

• Les micro-GIST et les lésions d’hyperplasie descellules de Cajal pourraient représenter deslésions précoces ou des précurseurs des GISTcliniques

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J.-Y. Scoazec

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