Paul Gilbert Sj, Le Tournant Ontologique de La Phénoménologie Française NRT 124-4 (2002) p.597-617

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    Un tournant mtaphysiquede la phnomnologie franaise?

    M. HENRY, J.-L. MARION ET P. RICUR

    Cet article est offert en hommage au philosophe Michel Henrydcd le 3 juillet dernier Albi (France).

    Il tait n en 1922 Haphong (Vit-Nam)

    Les dbats philosophiques sont assez vifs actuellement en Italieet en France. Un article publi il y a quelques annes par la Nou-velle Revue Thologique1 a prsent certains aspects de ce qui sepasse pour le moment dans la pninsule italique o lhritage deHeidegger et de lhermneutique a pris une tournure dterminedu fait de la chrtient, dont les auteurs ne peuvent ignorer lepoids politique et culturel. Le prsent article sintressera laFrance o la situation est assez diffrente. Un courant rnovateurde la phnomnologie se dveloppe en effet dans lhexagone ensuivant une orientation nettement mtaphysique2.

    I. Les tendances philosophiques contemporaines

    Que lon soit en France ou en Italie, des tendances philoso-

    phiques actuellement vigoureuses proviennent de lhritage deHeidegger et sont attentives aux dimensions de lexistence plusquaux formes de la seule raison logique, au flux de lhistoire plusqu limmuabilit des ides transcendantales. Comme le souligneVattimo, le philosophe italien le plus convaincu que lhermneu-tique constitue la philosophie premire de notre temps, lhistoireest rvlatrice de ltre et a donc un poids ontologique auquel lalogique formelle ne peut accder; ou pour mieux dire, ltre se

    1. GILBERT P., Nihilisme et christianisme chez quelques philosophes italienscontemporains: E. Severino, S. Natoli et G. Vattimo, dans NRT 121 (1999)254-273.

    2. Cf. HAAR M., La philosophie franaise entre phnomnologie et mta-physique, coll. Perspectives critiques, Paris, PUF, 1999, p. 1: Partout le mta-physique est au moins subrepticement maintenu comme loriginaire.

    NRT124 (2002) 597-617P. GILBERT, S.J.

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    donne un poids ontologique en devenant histoire, et on ne lecomprend quen interprtant lhistoire. Il y a l une reprise des

    dcisions fondamentales dtre et temps, encore que dans uneperspective marque par la ncessit des reprsentations qui bali-sent le chemin de lesprit, ou la ncessit dune logique autre queformelle, cette logique autre tant dtermine dans le cas italienpar la situation particulire du pays et son lien avec la chrtient.Lhermneutique sera diffrente en France; nous le verronsquand nous parlerons plus loin de Paul Ricur.

    Mais avant denvisager la situation franaise, rappelons quellessont ces dcisions fondamentales de Heidegger. Dans lIntro-

    duction dtre et temps, le philosophe allemand rappelledabord la primaut ontologique de la question de ltre ( 3);il insiste surtout sur le fait que toute enqute sur le fondementdune science exige une mise au point au sujet du sens de ltreen gnral3. Toute science, y compris la logique formelle, estfonde plus haut quelle-mme. Lenqute sur quelque fonde-ment que ce soit ne peut donc se contenter dune investigationpurement formelle. Le logos renvoie la subjectivit, et le savoirdu fondement ne peut lignorer. Par ailleurs, lattention la sub-

    jectivit ne pervertit pas le sens de lentier, du tout que la mta-physique traditionnelle tient son horizon. En effet, celui quisattache comprendre ltant quon appelle Dasein, voit quily va pour cet tant de cet tre (ibid. 36). Comme le dira plustard la Lettre sur lhumanisme, le Dasein est le pasteur de ltre,non pas son matre; pntrer le sens du Dasein cest se disposer mieux entendre ltre dont le Dasein porte la responsabilit dusens universel. La primaut ontologique de la question de ltre

    ncarte cependant en rien la primaut ontique de la question deltre ( 4); il est en effet ncessaire pour le mtaphysicien deconsidrer lexprience vcue aux plans de la science, de laconscience commune, du Dasein concret et simplement humain.Cest pourquoi lontologie fondamentale [...] doit tre cherchedans lanalytique existentiale du Dasein (ibid. 38).

    Heidegger termine son introduction tre et temps en affinantles catgories traditionnelles de phnomne et de logos. Ilconclut quontologie et phnomnologie sont deux termes

    qui caractrisent la philosophie elle-mme quant son objet etsa faon den traiter. La philosophie est lontologie phnomno-logique universelle issue de lhermneutique du Dasein qui, en

    598 P. GILBERT, S.J.

    3. HEIDEGGER M., tre et temps (1927), Paris, Gallimard, 1986, p. 35.

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    tant quanalytique de lexistence, a fix comme terme ladmarche de tout questionnement philosophique le point do il

    jaillit et celui auquel il remonte (ibid. 66). Husserl avait pos lespremires bases de la phnomnologie; Heidegger affirme main-tenant, peu aprs la rdaction de la seconde partie des Ides, quela phnomnologie requiert pralablement une hermneutique.

    Ces affirmations dtre et temps ont influenc profondment laphilosophie contemporaine et sa manire denvisager la phno-mnologie. La question est de savoir comment donner uneampleur ontologique la phnomnologie ainsi approfondie parlhermneutique. Les hritiers italiens de Heidegger sont passs

    de la phnomnologie du Dasein celle de lhistoire, o la dcli-vit de ltre est vue comme une knose historique. En France, lamditation a pris une autre orientation. Le thme du dclin deltre ny est pas ignor, mais dune manire plus douce si lonpeut dire, plus attentive la gnrosit du principe, sa donation,et aussi une certaine passivit subjective qui nous rend capablede laccueillir. Lhermneutique phnomnologique italienneextnue ltre dans une knose radicale; la phnomnologie fran-aise, au contraire, retrouve la force et la beaut de sa gnrosit.

    En France, les ontologies formelles classiques nont gure eudcho; aucune scolastique na influenc profondment larecherche philosophique. Certes, des auteurs se montrent a et lattentifs aux relations possibles entre la phnomnologie du pre-mier Husserl (celui des Recherches logiques et des Ides I) et laphilosophie analytique, cette cousine de la scolastique4. Toute-fois, la tradition franaise est globalement plus rflexive quedescriptive, plus soucieuse de lengagement et de laction de

    lintelligence que de ses contenus objectifs ou dtermins avantlacte5. La philosophie franaise actuelle, par exemple chez

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    4. Cf. Lintentionnalit en question. Entre phnomnologie et recherchescognitives, d. D. JANICAUD, Paris, Vrin, 1995; BENOIST J., Phnomnologie,smantique, ontologie. Husserl et la tradition logique autrichienne, coll. pim-the, Paris, PUF, 1997; LIVET P., Phnomnologie et philosophie analytique,dans Philosopher en franais, d. J.-Fr. MATTEI, Paris, PUF, 2001, p. 223-233.

    5. Ce diagnostic est prcis par SEBBAH Fr.D., Lpreuve de la limite. Derrida,Henry, Lvinas et la phnomnologie, coll. Collge Intern. de Philosophie, Paris,PUF, 2001, p. 312: les textes de Derrida, Henry et Lvinas, en cela fidles latche phnomnologique bien comprise, et malgr lapparence du paradoxe, sontmoins descriptifs quindicatifs ou mme prescriptifs: ils indiquent une tche, etmme [...] une preuve, laquelle le lecteur doit sexposer. Avec eux, plus que

    jamais la philosophie sera pratique dans la thorie, sera la thorie comme pra-tique, comme ntant nulle part ailleurs que dans lacte de penser.

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    Michel Henry et Jean-Luc Marion, allie la tradition franaise laplus authentique une phnomnologie de lexistence plutt qu

    la logique.videmment, toute la pense franaise ne suit pas ce seul mou-vement; la phnomnologie des auteurs que nous venons de men-tionner a subi de vives contestations, par exemple de la partdric Alliez et de Dominique Janicaud6, cest--dire de philo-sophes incroyants qui dnoncent, chez Marion entre autres, unemsalliance entre la foi et la raison. Mais le courant de pense quiunit la phnomnologie et lontologie recle une puissance spcu-lative quil vaut la peine de mettre en vidence, mme si elle se

    dveloppe effectivement dans des milieux croyants.

    II. La vie et la donation

    Pour Michel Henry, la phnomnologie constitue la vritablephilosophie premire. Cet auteur organise sa rflexion sur lesthmes du corps7 ou de la chair8; je ne marrterai cependant pas ces ouvrages et lvolution qui va de lun lautre, mais lAvant-Propos de sa Phnomnologie matrielle9. Le projetphnomnologique, y est-il dit, nest pas seulement de dcrire descontenus de conscience, mais de mettre au jour un originaire, unantrieur partir duquel mergent ces contenus. La phnomno-logie ainsi entendue nest pas descriptive mais rflexive. Henryaffronte ici la question de lant-prdicatif. Un colloque publipar Jean-Franois Courtine10 a insist sur limportance que Hus-serl accordait lant-prdicatif: la phnomnologie ne se

    contente pas de dcrire ce qui est donn percevoir; sa dmarcheest anime par une inquitude que connat aussi la mtaphysiquetranscendantale pour les conditions de possibilit partir des-quelles une pense seffectue. Cela va se faire toutefois chezHusserl en deux directions, lune correspondant une phno-

    600 P. GILBERT, S.J.

    6. Cf. JANICAUD D., Le tournant thologique de la phnomnologiefranaise, Combas, d. de lclat, 1991; ALLIEZ ., De limpossibilit de laphnomnologie. Sur la phnomnologie franaise contemporaine, Paris, Vrin,1995; JANICAUD D., La phnomnologie clate, Combas, d. de lclat, 1998.

    7. Cf. HENRY M., Philosophie et phnomnologie du corps, Paris, PUF, 1965.8. Cf. HENRY M., Incarnation. Une philosophie de la chair, Paris, Seuil, 2000.9. Cf. HENRY M., Phnomnologie matrielle, Paris, PUF, 1990.

    10. Cf. Phnomnologie et logique, d. J.-Fr. COURTINE, Paris, cole Nor-male Suprieure, 1996.

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    mnologie de la constitution, lautre une gnalogie11. Si laphnomnologie classique des nomes constitus renvoie la

    conscience constituante, Henry questionne plutt, dans la foulede la gnalogie, en direction de lant-prdicatif.La Phnomnologie matrielle entend renouveler la question

    phnomnologique qui ne concerne plus les phnomnes,mais le mode de leur donation non ce qui apparat, maislapparatre12. Ce qui apparat nest pas premier, la philosophiele rpte depuis Platon. Il sagit de rflchir sur le mode selonlequel la phnomnalit se phnomnalise originellement (ibid.6), et non pas sur laboutissement de cette phnomnisation, sur

    la prsence. La phnomnologie gnalogique est en cela plusradicale, ontologique, que la phnomnologie psychologique desnomes. Le mode gnalogique nest pas de lordre de lextrio-rit scientifique, de la description, mais de lintriorit ou de larflexion. Lapparence se dcrit de lextrieur, lacte dapparatrerequiert dautres moyens pour accder au langage. Loriginaireest par principe prsence de soi soi; on peut lexprimer enreprenant des mots anciens, mais en les comprenant dunemanire originale: loriginaire est matire ou immanenceradicale, non pas visible mais vie invisible qui en soi ne serfre rien dautre quelle-mme (ibid. 9). Lauteur en vientainsi mettre en question lintentionnalit husserlienne vers lesnomes et rejeter le principe des principes que constitue,selon le 24 des Ides I, lintuition originaire, si du moins onentend celle-ci de manire nomatique. Lintuition est en effetcomprise habituellement en fonction de quelque chose, duneforme pr-tablie que fixe le regard; la vie est par contre toute

    intriorit, immanence de soi soi, mouvement sans repos.Peu dannes aprs la Phnomnologie matrielle, Henry pr-cise le lieu de son travail: En rtablissant phnomnologique-ment ce fondement de lintentionnalit, en arrachant la vie intel-lectuelle lanonymat o elle se perd chez Husserl, laphnomnologie non-intentionnelle rinscrit lintentionnalitdans un fondement plus ancien quelle, elle reconnat dans

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    11. DEPRAZ N., La Vie mest-elle donne? Rflexions sur le statut de la viedans la phnomnologie, dans Les tudes Philosophiques 46 (1991) 202; voiraussi LOHMAR D., La Gense du jugement antprdicatif dans les Rechercheslogiques et dans Exprience et jugement, dans Phnomnologie et logique (citsupra, n. 10), p. 217-238; VILLELA-PETIT M., LExprience ant-prdicative,Ibid., p. 239-260.

    12. HENRY M., Phnomnologie matrielle (cit supra, n. 9), p. 6.

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    lintentionnalit le non-intentionnel qui lui permet pourtant desaccomplir13. Quel est ce fondement matriel plus vieux que

    toute intention? Si lapparatre napparaissait pas en tant quap-paratre, tant donn que la chose est dpourvue de la capacit desapporter par elle-mme dans lapparatre, de se promouvoirelle-mme dans la condition de phnomne, rien napparatrait etil ny aurait rien du tout (ibid. 385). En examinant les conditionsde lapparatre, Henry dploie une philosophie de la vie qui faitvoir labondance de lorigine en elle-mme, plus ancienne quetout ce qui y accde a posteriori, libre des filtres quimposent nosintentionnalits secondes, une origine qui souffre de sa propre

    nergie. Lauteur plante ainsi sa thse fondamentale: Recon-natre la phnomnalit propre de cette vie, lauto-affectionpathtique qui la rend prcisment possible comme vie, dans sonhtrognit radicale au voir de lintentionnalit, cest la tchedune phnomnologie non-intentionnelle (ibid. 397).

    Henry oriente donc sa rflexion gnalogique vers la vie invi-sible dont il indique le trait principal dans ce quil appellelauto-affection. Il poursuit ainsi la tche entreprise la fin de

    sa vie par Maurice Merleau-Ponty. Il ne sagit pas, en phnom-nologie, dtendre devant nous le visible pour linspecter analyti-quement, mais de remonter vers ce qui fait quil apparat visible-ment, quil advient en visibilit, et laisser venir en prsence cetant-prdicatif. Jean-Louis Chrtien reprend la mme problma-tique quand il dcrit le travail des sens, surtout de la vue en rela-tion la peinture14. Marion traite semblablement du visible et delinvisible en cartant lintentionnalit de la premire phnom-nologie husserlienne et en sorientant vers lauto-affection origi-

    naire dont parle Henry. Contempler un tableau, selon Marion,nest pas seulement le viser ou le dsirer (telle serait la problma-tique de lidole), mais se laisser mesurer par lui, telle licne quioutrepasse dfinitivement la mesure de lattente, affole le dsir,annule la prvision: jamais [licne] ne pourra ni nentreprendrade corriger cet cart; elle linversera en substituant sa propre vise delle vers nous la ntre vers elle15. Nous sommes ainsi

    602 P. GILBERT, S.J.

    13. HENRY M., Phnomnologie non-intentionnelle. Une tche pour la ph-nomnologie venir, dans LIntentionnalit en question (cit supra, n. 4),p. 383.

    14. Cf. CHRTIEN J.-L., Corps corps. lcoute de luvre dart, Paris,Minuit, 1997.

    15. MARIONJ.-L., LAutre philosophie premire et la question de la dona-tion, dans Philosophie (1996) 62.

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    remonts vers ce qui est plus originaire que lintention visuelle.Mais nos auteurs ne sont-ils donc pas en train de nous dire que,

    pour accder au principe, il faut dlaisser lintentionnalit etinventer une phnomnologie pr-intentionnelle?Marion veut aller plus loin que Henry, ne pas en rester une

    alternative entre lintentionnalit et limmanence pr-intention-nelle sans intuition dobjet. La donation caractristique de lin-tuition, le principe des principes de Husserl, doit tre entendueavec rigueur, quoi semploie Rduction et donation16. Linten-tionnalit phnomnologique ne culmine pas dans lintuitiondune prsence qui comblerait son attente. En effet, lintuition

    prcde lintention plutt quelle ne la suit; elle lui communiqueson mouvement et son me voil en quoi elle correspond unacte originaire de donation. La difficult est de bien entendrecette intuition qui donne de vivre. Husserl lui-mme en avaitaperu le sens profond, mais il na pas pu lexprimer sans reveniraux catgories de la prsence substantielle ou objectivable. Inca-pable dcarter les noncs de la mtaphysique ontique, il navaitpas les moyens dexprimer correctement ce quil voulait dire.Pour dpasser la mtaphysique de la prsence ou de la substance,pour donner un espace rationnel loriginaire, il faut dpassercette phnomnologie qui annule au bout du compte ses propresprincipes cause de son usage de catgories inadquates. Il fautplutt insrer les termes du don. Derrida avait dj indiqu lapossibilit de dmler chez Husserl lexpression significative etlobjet vu par intuition17; la sixime des Recherches logiques dis-tinguait en effet lintention significative de la nose etlaccomplissement significatif du nome objectif intuitionn.

    Marion insiste galement sur lide que lintention significativeconnat une prsence qui nest pas un accomplissement noma-tique. Une ouverture la constitue intrinsquement, et y corres-pond un acte de donation plutt quun remplissement objectif.

    Lintuition nomatique nest pas ici celle dune prsence rali-se, mais dun dynamisme auquel elle participe. Elle nest paspuisable dans un vcu qui confre la signification18, ni rduc-tible un simple terme logique. On ne laffirme quen maintenant

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    16. MARIONJ.-L., Rduction et donation. Recherches sur Husserl, Heideggeret la phnomnologie, Paris, PUF, 1989.

    17. Cf. DERRIDA J., La voix et le phnomne. Introduction au problme dusigne dans la phnomnologie de Husserl, Paris, PUF, 1967, p. 104.

    18. HUSSERL Ed., Recherches logiques, II/1, Recherches I et II, Paris, PUF,1961, p. 113.

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    lorientation anti-naturelle du regard phnomnologique,cest--dire son orientation rflexive vers une objectit trans-

    cendantale plutt que vers une objectivit empirique. Lenome phnomnologiquement intuitionn, ncessit intrieure lacte intentionnel, doit tre compris dans tous les cas en termesde don et ne jamais tre ramen une immanence mesure parlintentionnalit effective, identifi la capacit de celle-ci. Selonles Ides I, toute intention donatrice originaire est une source dedroit pour la connaissance19. Ce principe vaut partout, mais condition que la connaissance soit effectivement pratique. Or lapratique de la connaissance ne peut pas sarrter quelque

    objectivit singulire. Chaque singularit cognitive se dploiesur le fond dune intentionnalit absolue. Le vcu de la connais-sance exerce une intention premire que lanalyse phnomnolo-gique rend vidente en lprouvant et en la purifiant, en faisantsurtout voir quelle est prcde par une signification qui nedpend daucun vcu singulier, qui prcde tout vcu. La pra-tique dune signification singulire se trouve ainsi prcde parune pratique originaire qui vient avant mme la connaissance deson vidence, avant mme la reconnaissance de son apriorit.Pour Husserl, inspir peut-tre par lexemple cartsien de lafigure gomtrique de 1000 cts gaux, la signification de lin-tention est indpendante de lintuition claire et distincte de sonobjet; lintention est constitue partir dune intuition toutautre quobjective. Voil pourquoi, la signification a leffectivitdun don20 en vue de poursuivre une pratique de connaissance.La pense est ainsi redevable Husserl dune bauche de dpas-sement de la substance prsente, objective. Toutefois, le fonda-

    teur de la phnomnologie nen approfondit pas la problma-tique jusqu lintuition dune objectit en quelque sorteabsolue, un don absolu.

    En commentant Rduction et donation de Marion, et en reve-nant sa catgorie de limmanence, Michel Henry soulignequelques traits du don, lappel et la revendication, qui subor-donnent ltre quelque chose de plus essentiel et de plusancien21. Ce que le commentateur comprend en fonction de sonide dimmanence: lappel de ltre, cest tout simplement son

    604 P. GILBERT, S.J.

    19. HUSSERL Ed., Ides directrices pour une phnomnologie (1950), Paris,Gallimard, 1950, p. 78.

    20. MARIONJ.-L., Rduction et donation (cit supra, n. 16), p. 49.21. HENRY M., Quatre principes de la phnomnologie, dans Revue de

    Mtaphysique et de Morale 96 (1991) 3-26, ici p. 20.

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    surgissement en nous, cest ltreinte en laquelle il se donne nous en mme temps quil nous donne dtre. Ainsi ny aurait-il

    rien sans cette irruption triomphale dune rvlation qui est cellede lAbsolu (ibid. 20). Mais on peut aller encore plus loin.Marion termine son ouvrage de 1989 en parlant de lennui deltre: le Dasein peut se dprendre de sa condition. Voil un tour-nant que M. Henry dit stupfiant (ibid. 20), qui met en vi-dence la possibilit de ntre pas soi, de ne pas couter lappel.Do lultime rduction: lappel tant mis hors circuit, il ne resteplus que la forme simple de ltre qui sadonne lui-mme, sansdonner la raison de son don22. Cet tre simple, Henry lentend

    comme la fulguration dun apparatre qui nous submerge et qui,en tant quil fulgure, nous fait tre en mme temps que lui23. Etde poursuivre sa lecture de Marion en revenant au thme delessence pathtique de la Vie (ibid. 24). Mais de cela, malgrson grand intrt spculatif, nous ne pouvons pas parler dans leslimites de cet article.

    III. La philosophie premire

    La phnomnologie, avec Henry et Marion, peut ainsi devenirphilosophie premire, encore que chaque auteur garde sestonalits propres. Marion a dvelopp ses perspectives dans tantdonn24, ainsi quen plusieurs articles que rassemble maintenantDe surcrot25. Le premier de ces articles, dat de 1996, reprend lesquatre principes de la phnomnologie dvelopps prcdem-ment par Henry26, mais sarrte sur le quatrime qui lui est attri-

    bu en propre. Marion en souligne luniversalit: dautant plusde rduction, dautant plus de donation (ibid. 3)27. Suit de ceprincipe que la phnomnologie constitue la philosophie pre-mire ce quoi ne peut prtendre aucune philosophie de la

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    22. Cf. MARIONJ.-L., Rduction et donation (cit supra, n. 16), p. 297.23. HENRY M., Quatre principes de la phnomnologie (cit supra, n. 21),

    p. 23.24. Cf. MARIONJ.-L., tant donn. Essai dune phnomnologie de la dona-

    tion, Paris, PUF, 1997.25. Cf. MARIONJ.-L., De Surcrot, Paris, PUF, 2001.26. Cf. HENRY M., Quatre principes de la phnomnologie (cit supra,

    n. 21), p. 3.27. Les trois premiers principes sont: autant dapparatre, autant dtre;

    lintuition donatrice originaire; droit aux choses mmes (MARION J.-L., DeSurcrot [cit supra, n. 25], p. 20).

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    substance ou des causes qui manque duniversalit radicale. Eneffet, selon Marion, la donation nindique pas tant ici lorigine

    du donn que son statut phnomnologique [...]; la donation nesoumet pas le donn une condition transcendante, [elle] lenlibre28. La mtaphysique ontique rduit le principe un pointextrme dune srie causale; elle ne peut donc pas y reconnatreun vritable universel. La donation assure par contre un appui la philosophie universelle, et par l originaire, rendant ainsiauthentique la philosophie premire qui sy appuie. Loriginalitdterminante de [lentreprise de la phnomnologie] consiste rendre au phnomne une incontestable priorit: le laisser appa-

    ratre non plus comme il le doit [...], mais comme il se donne(ibid. 29).

    La prtention faire de la phnomnologie la philosophie pre-mire est cependant conteste par des commentateurs qui crai-gnent de la voir prendre un tournant o la pense perdrait sesdroits. La charge est arrive en 1991 dans un petit livre o Domi-nique Janicaud sadressait surtout Lvinas, mais qui visait aussiles approches de M. Henry et de J.-L. Marion. ric Alliez rsumela position de Janicaud de cette manire: chez les phnomno-logues cits linstant, il y a peut-tre moins tournant, d-tour-nement thologique de la phnomnologie franaise, quauto-comprhension du re-tournement de limmanence lappel decette transcendance primordiale qui avait fait accder la phno-mno-logie sa possibilit la plus accomplie: nommer dans saphnomnalit pure lapparition de labsolu et lidentifier au sujetabsolu comme principe de tout phnomne. Ce qui revenait faire le pli de la transcendance dans une immanence telle que son

    dfaut (Lvinas) comme son absoluit dtre (Henry) ne pourrasignifier autre chose que l-Dieu, qui est la donation par et pourla transcendance partir de limmanent29. La phnomnologiefinirait donc par se soumettre lide religieuse, que ce soit chezHenry et son ontologie de limmanence ou chez Lvinas et sonthique de la transcendance. Si la phnomnologie se veut sciencerigoureuse du fondement, science premire donc, elle sera ame-ne rendre la notion de transcendance sa signification tho-logique initiale marque par le dtachement vis--vis de tout-tre

    donn sensible (ibid. 65).

    606 P. GILBERT, S.J.

    28. MARIONJ.-L., De Surcrot (cit supra, n. 25), p. 29.29. ALLIEZ ., De limpossibilit de la phnomnologie (cit supra, n. 6),

    p. 63-64.

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    La phnomnologie de M. Henry et J.-L. Marion se plierait-elledonc quelque objectivisme pr-critique et religieux? Janicaud et

    Alliez le croient. Alliez sen prend donc la catgorie du don.Derrida note que Marion parle de la forme pure de lappelcomme dun appel au nom du Pre30, indiquant ainsi quil sesitue lui aussi parmi les philosophies de la prsence; lauteur deMarges de la philosophie entendrait par contre en rester lui-mme la thologie ngative. Mais Alliez ne croit pas plus la positionde Derrida que celui-ci ne croit celle de Marion; partout on res-terait en thologie. Derrida dclare dailleurs quil prend ladfense de ce que disent les mystiques et les thologiens quand

    ils parlent dune transcendance absolue qui sannonce dudedans31. Le retournement de limmanence en transcendancesigne donc lchec de la phnomnologie qui se voudrait philoso-phie premire. Jamais la phnomnologie ontologique ne dlaissela prsence. Elle rpte un chec antique.

    Janicaud est revenu sur ce point en 1998. Alliez supposait quetoute ide de fondement impose celle dune prsence, ou dumoins dune reprsentation comprise comme telle, lhorizon

    dun mouvement intentionnel qui va vers un a priori originairesens et intuitionnable. La mme ide revient chez Janicaud qui,dans sa critique dtant donn, souligne que la pense de la dona-tion, mme si le destinataire du don est diffr linfini, exige laposition dun donateur. Le prouve le fait que le texte mmedtant donn prtend exploiter fond lautorfrence de ladonation, en pensant le soi du donner jusqu vouloir, parexemple, rendre la donation le droit quelle exerce sur ledonn32. Il y a l comme une personnalisation de lorigine, qui

    na de sens que dans une mtaphysique religieuse de la prsence.La possibilit dune mauvaise entente thologique du phno-

    mne satteste ici. Alliez et Janicaud ne comprennent sans doutepas le travail de Marion sur la catgorie Dieu, travail quengnral dailleurs les critiques de lonto-thologie ont bien du mal reconnatre, bloqus quils sont sur les formes reprsentativesque transmettent les religions traditionnelles, incapables dy dis-cerner des symboles ou des plnitudes de sens, dautres valeurs

    LA PHNOMNOLOGIE EN FRANCE AUJOURDHUI 607

    30. DERRIDA J., Donner le temps. I. La fausse monnaie, Paris, Galile, 1991,p. 74.

    31. DERRIDAJ., Sauf le Nom, Paris, Galile, 1993, p. 84.32. JANICAUD D., La Phnomnologie clate (cit supra, n. 6), p. 53, qui

    renvoie MARIONJ.-L., tant donn (cit supra, n. 24), p. 102-103.

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    que des reprsentations utilitaires. Le travail de la phnomnolo-gie, selon Henry, se doit de demeurer dans la phnomnalit du

    phnomne, laissant ainsi lapparatre se donner pour ce quil est,apparatre pur et non seulement dtermination finie. Cet appa-ratre ne peut pas tre limit par les intentions que thmatiseHusserl et qui bornent les champs de nos connaissances repr-sentatives. Si en effet lapparatre apparat limit dans et par lesconditions de ce qui le vise, le phnomne se caractrise [...] parle manque en lui de lintuition, qui ne le donne quen le limi-tant33, lintuition tant prforme par lintention quelle par-achve. Pour la modernit qui identifie lintuition et lintention

    en faisant de celle-ci la mesure de celle-l, la possibilit duneconnaissance scientifique est sa limitation. Mais la phnomno-logie non-intentionnelle nous laisse justement avec une intuitionpure et sans objet, sans les limites de lintention et sans lescontenus de ltant ontique; elle peut dployer alors, prtend-elle,la pure phnomnalit, lapparatre pur.

    Au terme de cette opration de rduction radicale ou de consti-tution de lintuition pure phnomnologique et clair parladage dautant plus de rduction, dautant plus de donation,on obtiendra ce que Marion appelle un phnomne satur,cest--dire une phnomnalit enfin inconditionnellement pos-sible et dont la mesure ne [rsulte] pas de la finitude des condi-tions de lexprience. Au phnomne [scientifique] suppospauvre en intuition, ne peut-on pas opposer un phnomnesatur dintuition? Au phnomne que caractrisent le plus sou-vent le manque ou la pauvret dintuition (une dception de lavise dintention), voire, exceptionnellement, lgalit simple

    entre intuition et intention, pourquoi ne rpondrait pas la possi-bilit dun phnomne o lintuition donneraitplus, voir dmesu-rment plus, que lintention naurait jamais vis, ni prvu?34.Marion concluait un expos de 1992 en renvoyant laliquid quomaius cogitari nequit dAnselme35, aux phnomnes que lexcsdintuition drobe la constitution objective (ibid. 126). Cesphnomnes, disait-il, sont de deux types: historiques purs, et de

    608 P. GILBERT, S.J.

    33. MARIONJ.-L., tant donn (cit supra, n. 24), p. 273; ID., Le phnomnesatur, dans CHRTIENJ.-L. e.a., Phnomnologie et thologie, Paris, Criterion,1992, p. 79-128 (repris dans MARION J.-L., tant donn [cit supra, n. 24],p. 251-307), ici p. 99.

    34. MARION J.-L., tant donn (cit supra, n. 24), p. 276-277; cf. ID., LePhnomne satur (cit supra, n. 33), p. 102-103.

    35. Cf. MARIONJ.-L., Le phnomne satur (cit supra, n. 33), p. 127-128.

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    rvlation, ces derniers appartenant trois domaines: le tableau(ou lidole), le visage (icne) et la thophanie. Et cest ici que la

    question de la possibilit dune phnomnologie de la religion seposerait en termes [...] simples (ibid. 127)36.Voil qui, videmment, ne convainc pas Janicaud, pour qui

    Marion ne russit pas cacher sa fidlit la tradition modernedont des symptmes se retrouvent dans sa dfinition de rvla-tion en tant quapparition purement de soi et partir de soi,qui ne soumet sa possibilit aucune dtermination pralable(ibid. 127), dfinition que Janicaud commente ainsi: ces termes profondment imprgns de la tradition cartsienne de lvi-

    dence sont littralement mtaphysiques (seul labsolu tantainsi dfinissable)37. En fait, pour librer la pense du don dece soupon de thologie reprsentative ou donto-thologie, nemanque-t-il pas la phnomnologie de lintuition, constitue enphilosophie premire par renoncement aux limitations des inten-tions, un terme que pourrait lui offrir lhermneutique et quiappuierait linobjectivit ontique de son horizon, de son objec-tit? Lintuition vive de loriginaire est essentielle chez Henry etMarion, mais vraisemblablement encore trop appesantie par lesnoncs de la tradition rationaliste de la modernit; lhermneu-tique contemporaine pourrait len librer.

    IV. Le soi expos

    Les phnomnologies de Henry et de Marion font cho la tra-dition rflexive franaise, laquelle Ricur renvoie galement,

    mais dune autre faon. Pour Ricur, laccs au principe, sil y ena un, ne peut en aucune manire se distraire de son chemin, cest--dire ignorer le sens des mdiations qui portent en sa direction.La fonction de distanciation38 est essentielle pour touteconnaissance, et le savoir qui progresse vers le principe ne peutpas faire semblant de ne pas en tre dtermin. Les tentatives de

    LA PHNOMNOLOGIE EN FRANCE AUJOURDHUI 609

    36. Ces textes ne sont pas repris tels quels dans tant donn, mais largementdvelopps (cf. tout le 24) suite aux critiques de D. Janicaud dont nous parle-rons dans un instant.

    37. JANICAUD D., La Phnomnologie clate (cit supra, n. 6), p. 98. Une cri-tique identique et approfondie est prsente par HAAR M., La philosophie fran-aise... (cit supra, n. 2), p. 113-143, surtout 133-139.

    38. Cf. RICUR P., Du Texte laction. Essai dhermneutique. II, coll.Points Essais, Paris, Seuil, 1986, p. 113-131 (La Fonction hermneutique de ladistanciation).

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    Henry et Marion pourraient par contre tre tentes par le dpas-sement de toute distance, par lassurance de vivre immdiatement

    dans la Vie, dtre sans doute en dette de soi mais en recevantingnument le don dtre dans ltre. La philosophie rflexive tra-ditionnelle, comme la phnomnologie de nos auteurs, entendreconqurir linaperu de nos vies, affirmer la prsence secrte maisrelle dans laquelle nous nous mouvons; elle veut purifier notreregard de ses inattentions pour quadvienne la lumire ce horsde quoi rien nest. Ricur renonce ces prtentions. Il ne nie pasquune prsence premire jaillit dans laffirmation originaire39et dans lattestation40, mais il insiste sur une diffrance,

    dirait-on dans le langage de Derrida, sur une distance que poseactivement le je face son expression, cette distance qui permetde reconnatre lidentit dun soi plus profond que le je quise reconnat en prsence de soi mais spar de soi.

    La phnomnologie sattache au sens du vcu. Ricur main-tient limportance de lintentionnalit. Celle-ci nimplique passeulement que le sens rsulte, limit, des possibilits du travail delesprit. Sa reprise rflexive donne plutt accs une antrioritqui la rend elle-mme possible. Cette antriorit est dune altritoriginaire. Que la conscience soit hors delle-mme, quelle soitvers le sens, avant que le sens soit pour elle, et surtout avant quela conscience soit pour elle-mme, nest-ce pas ce quimplique ladcouverte centrale de la phnomnologie?41 La relation de laphnomnologie lhermneutique peut ds lors tre prcise decette manire: La plus fondamentale prsupposition phnom-nologique dune philosophie de linterprtation est que toutequestion portant sur un tant quelconque est une question sur le

    sens de cet tant (ibid. 61). La phnomnologie joue ici encorele rle de philosophie premire: elle sapproprie le sens donn apriori. Mais cette philosophie premire nest pas acquise par unesrie de rductions ou de purifications dune universalit en dfi-nitive formelle. La fonction de distanciation lui appartient enpropre, par exemple sous la forme de lpoch. Elle ne sera pas, ence sens, une philosophie premire qui prtendrait tout synth-tiser. La phnomnologie commence lorsque, non contents de

    610 P. GILBERT, S.J.

    39. Cf. RICUR P., Ngativit et affirmation originaire, dans COLLECTIF,Aspects de la dialectique, Paris, DDB, 1956, p. 101-124, repris dans RICUR P.,Histoire et vrit, Paris, Seuil, 31964, p. 336-360.

    40. Cf. RICUR P., Lattestation: entre phnomnologie et ontologie, dansPaul Ricur. Les Mtamorphoses de la raison hermneutique, d. J. GREISCH etR. KEARNEY, Paris, Cerf, 1991, p. 381-403.

    41. RICUR P., Du Texte laction (cit supra, n. 38), p. 63.

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    vivre ou de revivre nous interrompons le vcu pour lesignifier (ibid. 64). La phnomnologie ne peut pas ne pas pas-

    ser par un moment de rupture, de diffrenciation, mais cela nelempche pas dtre philosophie premire. Lhermneutiquetrouve en effet sa place dans la rflexion fondamentale. La ph-nomnologie est invite concevoir sa mthode comme une

    Auslegung, une exgse, une explicitation, une interprtation(ibid. 69), cest--dire une manire de reprendre les expressionsdu je en lesquelles le soi saffirme en de du je, lequel nese connat qu distance de ses expressions, spar delles. Lher-mneutique est donc le chemin que suit le soi pour rconcilier

    le je avec ses propres expressions, pour lunir soi.Voil sans doute ce qui manque le plus aux propositions de

    M. Henry et de J.-L. Marion qui, sils sont attentifs loriginalitde lintuition phnomnologique, proposent peu danalyses delintention qui en fassent reconnatre les abmes dont tmoigne laproblmaticit du je spar du soi. La phnomnologie her-mneutique de Ricur, de tournure plus spculative que descrip-tive, est davantage attentive au je spar de soi. Pour Marion,une phnomnologie religieuse est possible l o lintuitiondpasse toute intentionnalit, quand donc sopre dfinitivementle retournement mtaphysique de la phnomnologie. Mais Jani-caud a-t-il tort de lui objecter quune telle conception, si absolue,peut difficilement convenir la Rvlation, sans rfrence ni lacontingence des circonstances, leur incarnation, ni un quel-conque retrait, ni au mystre, ni lcriture (avec ou sans majus-cule)42? Lanalyse du phnomne satur quest le religieux nepeut tre adquate ses exigences si elle nglige les conditions

    patientes de lhermneutique.Marion sallie aux intuitionnistes. Est-ce pour autant que la

    phnomnologie ne puisse plus du tout tre intentionnelle? Ilfaudrait peut-tre renoncer sur ce point Husserl. Entre lintui-tion et lintention, il ny a pas choisir, mais mettre de lordre.Il semblerait que lattitude intuitionniste pouse les perspectivesdes sciences, la priori objectiviste qui leur est classiquementessentiel. Mais, souligne Husserl, dans le cas des sciences, cest en

    LA PHNOMNOLOGIE EN FRANCE AUJOURDHUI 611

    42. JANICAUD D., La Phnomnologie clate (cit supra, n. 6), p. 69. Onverra une critique semblable Henry chez FALQUE Em., Y a-t-il une chair sanscorps?, dans Transversalit 81 (2002) 44: Tout se passe comme si la chair,cest--dire lpreuve de notre propre vie, devenait ici tellement envahissantequelle en viendrait oublier quelle possde et mme sprouve au moins mat-riellement, et visiblement, dans et par un corps.

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    ralit lintention qui dlimite anticipativement les domaines oles intuitions sont possibles, et de manire limite. Lintuition

    objectiviste et limite des sciences nest pas celle, pure, des ph-nomnologues. Serait-ce que lintentionnalit ne concerne que laconstruction psychologique et que celle-ci serait rendue super-flue par lintuition originaire? Jacques Derrida pense que telletait la thse de Husserl. Selon son commentaire de LOrigine dela gomtrie43, le penseur allemand voulait se librer du psycho-logisme, mais il ny arriva que progressivement. Dans la Philoso-

    phie de larithmtique de 1891, il avait cru [...] que lobjectivitdes essences et la validit de toute connaissance se fondaient sur

    une gense empirique entendons ici psychologique (ibid. 35).Aprs 1919, le thme de la gense transcendantale, qui occupeune place centrale dans la mditation de Husserl, devrait [...] nousramener un moment antrieur toute eidtique et nous fairetoucher [...] la sphre de lexistence antprdicative, du mondede la vie, du temps primitif, de lintersubjectivit transcendan-tale (ibid. 38). Ce travail dapprofondissement naboutit pour-tant pas encore. Il faut encore largir la rduction et la concep-tion de lintentionnalit; on devait les tendre au-del du vcupurement gologique jusquaux expriences intersubjectives et lhistoire (ibid. 39). Le dernier Husserl aurait ainsi amplifi lasignification de lintentionnalit au-del de lego et de touteintentionnalit subjectivement vcue, afin de sortir de tout psy-chologisme et de librer le champ de lintuition pure.

    Mais cela suffit-il pour laisser la place quelque intuition origi-naire? Sans doute, la condition cependant que lintuition origi-naire soit pense la manire dun universel absolu que rejoin-

    drait une succession dpoch toujours plus vastes. Mais on croiradifficilement au succs de cette entreprise. Il ne suffit pas de puri-fier lintention pour obtenir une bonne intuition. La beaut desessais de M. Henry et de J.-L. Marion vient de ce que ces auteursnous conduisent jusqu lintuition pure et originaire dune dona-tion partir de lexigence mme de cette intuition et non duneanalyse intentionnelle et de la considration de ses rsidus ven-tuels. Pour ce faire, lintention phnomnologique nest pastenue lcart. Au contraire, la puissance de lintuition fonda-

    trice assure lampleur et la force de ses descriptions. Les analysesde J.-L. Marion sont souvent trs belles, et celles de M. Henry

    612 P. GILBERT, S.J.

    43. Cf. DERRIDAJ., Le Problme de la gense dans la philosophie de Husserl,Paris, PUF, 1990.

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    ingalables44, mme si, comme on la dit, elles ne connaissent passouvent les hsitations de lego.

    V. Lintention

    Dans lensemble de son uvre, mais surtout dans Soi-mmecomme un autre, Paul Ricur se situe un autre plan que Henryet Marion. Ses dcisions spculatives, son poch de toute intuitionoriginaire, le portent lhermneutique et au doute quant la pos-sibilit dune ontologie nonce partir de nomes entirement

    vidents. Sa thse sur la distanciation suit labsence dintuitionpremire, celle du moi par lui-mme, du je exil du soi.Pousse-t-elle pour autant du ct du conceptualisme constructi-viste? Lhermneutique, qui a renonc lintuitionnisme du prin-cipe, ne va pas dans ce sens-l; elle pourrait mme tre elle aussiune allie de la science premire45. Une description attentivedes intentions fait mieux voir le principe. Plus dexplica-tions, plus de comprhension, pourrait dire Ricur en pasti-chant Marion. Pour Ricur, linsertion de lhermneutique enphilosophie premire vient de la conviction que toute intuitionimmdiate du principe est impossible, quelle nest mme pasncessaire. Cette impossibilit et non-ncessit est au fondementdes nombreux dtours de lauteur, pourtant lecteur assidu deNabert, le philosophe de laffirmation originaire. Mais il nesuit pas de ces dtours quil juge le principe inutile et vain. Touteffort philosophique, y compris le sien, en rend tmoignage. Leconfirme son analyse de lintention.

    Lintentionnalit est questionne aujourdhui de multiplesmanires. Certains tentent de la rduire au monde de la nature.Jolle Proust par exemple veut vrifier la possibilit de naturali-ser lintentionnalit en rapportant tout objet ou tout contenu depense sa gense subjective contingente, sans esprer garantirpar l davantage que les conditions empiriques de possibilit de

    LA PHNOMNOLOGIE EN FRANCE AUJOURDHUI 613

    44. Voir par exemple MARIONJ.-L., La Croise du visible, Paris, PUF, 21996.Un tmoignage sur M. Henry: La description henrienne de lros [...] atteint eneffet des sommets probablement rarement conquis dans le domaine de la ph-nomnologie (FALQUE Em., Y a-t-il une chair sans corps? [cit supra, n. 42],p. 61-62).

    45. Cf. GILBERT P., Paul Ricur: rflexion, ontologie et action, dansNRT117 (1995) 339-363, 552-564.

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    lacquisition du savoir46. On cherchera ainsi une thorie capabledexpliquer la capacit qua un tat neuronal de reprsenter un

    tat de choses extrieures de manire purement causale (ibid.312). Cette entreprise a une importance immense en informa-tique. Elle est aussi celle de F. Dretscke, pour qui la significa-tion (meaning) prsente un modle susceptible de donner appui lexplication dun comportement. Lintention est ainsi enfermedans les limites du naturalisme objectivant, avec pour rsultat lamise entre parenthses de la conscience47, et non plus dumonde (on se rappelle que, pour Husserl, le premier geste ph-nomnologique est au contraire lpoch de lexistence du

    monde). Ces essais finissent par ne plus reconnatre dans lapense en acte, le lieu davnement de la signification; celle-ci,pr-tablie, constituerait seulement un instrument sans originemais utile pour rendre rationnelle la structure objective du vcu.Hillary Putnam fait une proposition similaire: les choses quonconsidre comme des attitudes, des motions, des affections men-tales, ne sont sans doute pas identiques des tats du cerveau,ou encore des tats caractristiques de la physique du premierordre au sens large48, mais elles correspondent de toute manire des systmes de fonctionnement organiss dans le monde. Lin-tentionnalit disparat ici de nouveau, du moins si on la dfinitcomme une structure immanente de la conscience qui projettedevant elle son monde et son sens.

    Tous ces auteurs sont tents par un intuitionnisme objectivantet conforme la mentalit scientifique. En principe, le mondepeut tre aperu en totalit. Le progrs du savoir exige de mettreentre parenthses toute intervention subjective qui influencerait

    cette saisie intuitive, de dconstruire toute incidence subjectivesur la vue du monde. Toutefois, une ide de fondement, bienquelle nait plus rien voir avec le sujet et avec lintentionnalit,reste encore ici essentielle. Mais sera-t-elle autrement quabstraiteet inhumaine?

    614 P. GILBERT, S.J.

    46. PROUST J., Causalit, reprsentation et intentionnalit, dans Linten-tionnalit en question (cit supra, n. 4), p. 311.

    47. ATLAN H., Projet et signification dans des rseaux dautomates: le rlede la sophistication, dans Lintentionnalit en question (cit supra, n. 4),p. 261-288.

    48. PUTNAM H., Peut-on encore parler de vrit et de ralit? Sur la Crisedes sciences europennes, dans Critique de la raison phnomnologique, d.

    J. POULAIN, Paris, Cerf, 1991, p. 92.

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    En tant plus nuance que les rducteurs de lintention auxforces naturelles, Gillian Anscombe49 distingue trois usages de ce

    mot: jai lintention de faire ceci ou cela, je lai fait intention-nellement, ceci a t fait avec telle ou telle intention. Le pre-mier usage a un sens psychologique, sans quy corresponde uneaction effective, ralise. Lanalyse ne peut pas sappuyer sur cesens qui est priv; pour tre scientifique, il faut au contraire deslments publics semblables ceux quon rencontre dans les deuxautres cas. Dans la seconde utilisation, le mot intention qualifielaction. Toutefois, cette qualification ne peut pas tre repreelle-mme comme un fait, une chose; au mieux, elle dterminera

    un fait, qui pourrait tout aussi bien tre dtermin autrement. Cefait est certainement public, mais lintention par laquelle on pr-tend le qualifier demeure prive et dordre psychologique. PourRicur, lhermneutique pourrait cependant dire ici son mot endistinguant ce qui incline laction et ce qui la cause, en lib-rant ainsi lintention de la ncessit cosmique; mais Anscombe nesarrte pas cette distinction. Le troisime usage du mot inten-tion articule des actions en une squence o la dernire est iden-tifie au sens final intentionn ds le dbut. Une action intention-nelle est une action qui poursuit un but en arrangeant pour celales tapes intermdiaires, dune faon qui soit accessible publi-quement (cf. ibid. 78). Selon G. Anscombe, lanalyse dune telleintention est objective, scientifique. En vitant la rduction psy-chologisante de la signification, lauteur dfinit donc lintention-nalit comme une forme de description dvnements (ibid.84).

    Ricur est critique envers ces positions. Si celles-ci librent du

    psychologisme, elles se condamnent quand mme un objecti-visme assez court. Le phnomnologue franais reproche ainsi Anscombe de dcomposer la conceptualit de lintention volon-taire sans en recueillir le sens plus radical. Les explications dAns-combe restent extrieures ce quelles veulent comprendre, inca-pables de rapporter laction intentionnelle lagent rel. En fait,il appartient peut-tre au style de la philosophie analytique, et son souci quasi exclusif pour la description [] docculter lesproblmes affrents lattestation50. Nous aurions commenter

    ici le beau texte de Ricur sur Lattestation. Or, ce textesachve en annonant la finale de Soi-mme comme un autre, l

    LA PHNOMNOLOGIE EN FRANCE AUJOURDHUI 615

    49. Cf. ANSCOMBE G., Intention, Oxford, Basil Blackwell, 1958, p. 1.50. Cf. RICUR P., Soi-mme comme un autre, Paris, Seuil, 1990, p. 91.

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    o la rflexion accde au caractre dialectique de la notion dtrecomme acte. Lipsit, en effet, est impensable sans altrit, le soi

    sans lautre que soi51

    . Cette altrit exige son tour dassumer lacatgorie de passivit, qui est le rpondant phnomnologiquede cette catgorie daltrit (ibid. 399). Attestation, acte, ipsit,altrit, passivit. Vraiment, nous ne sommes pas loin de M.Henry et de J.-L. Marion, mme si Ricur reste hsitant devanttoute intuition donatrice dun sens ultime.

    VI. Conclusion

    Lhermneutique italienne met en vidence un puisement deltre fondateur en interprtant lhistoire de la modernit et delOccident laide de la catgorie de knose. Les auteursfranais prsents dans cet article sorientent autrement. Ilsnentreprennent aucune dconstruction de lontologie danslhistoire humaine et se mettent plutt dans la situation classiquedes philosophes qui mditent sur les conditions transcendantalesde nos actes spirituels, conditions qui traversent tous les temps ettous les lieux. Leur phnomnologie couvre ainsi lespace de lamtaphysique classique, bien quavec des instruments dune toutautre venue, non plus logiques et notionnels, mais issus de lat-tention moderne nos actes. La phnomnologie, dans cetteperspective, se tourne vers une hermneutique qui sera spcifiquepour la raison que nos actes sexercent en se donnant une visibi-lit o ils sexpriment sans se perdre. Lattention phnomnolo-gique nos actes ne peut plus se contenter de faire leur critique

    la manire de Kant, ni de dcrire des situations particulires etvaries de notre existence humaine. Nous devons revenir leurstructure daccs au visible et tenir compte de leurs tensionsinternes propres, particulirement au rapport de lintention etde lintuition spirituelles. M. Henry et J.-L. Marion insistentsur les appuis derniers des actes spirituels, sur lauto-affection dela vie et la donation. P. Ricur veille par contre respecter lacomplexit des ordres mdiateurs mis en uvre par ces actes-mmes.

    I - 00187 Roma Paul GILBERT, S.J.Piazza della Pilotta, 4 Universit Grgorienne

    616 P. GILBERT, S.J.

    51. RICUR P., Lattestation (cit supra, n. 40), p. 398.

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    Sommaire. Un courant important de la philosophie contempo-raine, en France, se situe dans la foule de la phnomnologie husser-lienne et de lhermneutique heideggrienne. Il tente de stablir en phi-losophie premire et de renouer ainsi avec lontologie, bien quendemeurant rserv envers les propositions notionnelles des mtaphy-siques modernes. En se rfrant aux auteurs les plus connus de ce cou-rant, surtout Michel Henry, Jean-Luc Marion et Paul Ricur,larticle met en vidence leur reprise dune exigence antique, celle dunfondement qui soit rigoureusement mta au sens dant-prdicatif,mais en mme temps engag dans le prsent, ce qui par ailleurs imposeden laborer lnonciation dune manire la fois immdiate etmdiate. Larticle est particulirement attentif la relation intention

    intuition constitutive de la phnomnologie et aux raisons qui lgi-timent lapparente impossibilit de conclure qui caractrise lherm-neutique.

    Summary. An important strand in contemporary philosophy inFrance places itself in the double inheritance of Husserlian phenome-nology and Heideggerian hermeneutics. This current aims to establishitself as first philosophy, thus renewing the link with ontology, while atthe same time keeping its distance vis--vis the notional propositions ofmodern metaphysical systems. In discussing the currents best known

    proponents in particular Michel Henry, Jean-Luc Marion and PaulRicoeur the present article brings to light their renewal of the ancientinsistence on a foundation at once rigorously meta- (in the sense ofante-) predicative and engaged with the present, an insistence whichimposes the requirement that its enunciation be at once immediate andmediate. The article is particularly attentive to the intention-intuitionrelationship central to phenomenology and to the reasons which legiti-mate the apparent impossibility of hermeneutics to achieve closure.

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    Les six confrences

    runies par Franoise

    Mies dans cet ouvrage

    expriment avec rigueur et

    passion ce que signifie

    pour leurs auteurs la tradition jsuite, en quoi elle

    sinspire de la vie dIgnace de Loyola et de sesExer-

    cices spirituels et comment elle se traduit dans len-

    seignement, la mission et le dialogue avec dautres

    cultures et religions.

    Les nigmes du pass

    Histoire dIsral et rcit biblique

    Abraham et ses htes

    Le patriarche et les croyants au Dieu unique

    Esquisses pour un portrait : Abraham, le

    pre des croyants, dans les traditions

    juive, chrtienne et musulmane.

    Or, ces trois religions considrent Abraham

    comme leur anctre et toutes trois sinspirent

    du portrait que propose le Premier Testament.

    La tente plante autrefois par cet anctre prs

    du chne de Mambr et lhospitalit dont il fit

    preuve ne peuvent-elles devenir, pour lescroyants au Dieu unique, loccasion dune ren-

    contre de la paix ?

    Ce livre devient ds lors une invitation urgente.

    Franois-Xavier DumortierLuce Giard

    Jean-Paul LaurentAntonella Romano

    Mark RotsaertNicolas Standaert

    Tradition jsuite

    Enseignement, spiritualit, mission

    Jean-Louis SKA

    Jean-Louis SKA

    LAncien Testament est parsem dnigmes qui,

    quand elles sont dvoiles dans leurs dimensions

    historiques, littraires et thologiques, permettent auxexplorateurs modernes que nous sommes de dcouvrir

    ltonnante jeunesse dun livre vieux de plus de deux

    mille ans.

    ISBN 2-87299-113-1

    144 p. 14,50

    184 p. 19,70 ISBN 2-87299-117-4

    160 p. 15,00 ISBN 2-87299-121-2

    Diffusion cerf Distribution Sodis