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I HE 5614.5 .Q44 R888 1986 INSPO - Mont enl 5567 00001 7217

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I

H E 5614.5 . Q 4 4 R888 1986

INSPO - Mont enl

5567 00001 7217

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Tél.: (514)597-0606

I l l l l ETUDE STATISTIQUE ET PSYCHOSOCIALE

DU PHÉNOMÈNE DES ACCIDENTS DE LA

ROUTE SUR LA COTE-NORD

C.R.S.S.S. 09 691, rue Jalbert

BaieComeau (Québec} G5C 2A1

Problématique sur les traumatismes routiers

Le 21 mars 1986

Par: Lucie Roy Agente de recherche Service de la recherche

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REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier la Régie de l'assurance automobile du

Québec qui a consenti à subventionner cette recherche.

Notre reconnaissance s'adresse également à Monsieur Mario

Paquette, agent de recherche au Conseil régional de la santé et des

services sociaux de la Côte-Nord, pour les précieux conseils qu'il a

apportés dans l'élaboration de cette problématique.

Nous tenons enfin à exprimer toute notre gratitude à Madame

Odette Otis qui en a assuré la dactylographie.

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SOMMAIRE

Les accidents de la route constituent un des pires fléaux de notre

civilisation. Des efforts constants sont déployés en vue d'en réduire la

fréquence et la gravité. Toutefois, les résultats escomptés en matière de

prévention ne sont pas toujours atteints pour autant.

Il est nécessaire de réétudier la dynamique qui conduit aux acci-

dents de la route. On espère ainsi, en examinant les causes de ces acci-

dents, minimiser leurs impacts à tous les niveaux (humain, social et écono-

mique) .

La majorité des recherches qui ont été effectuées dans le but de

mieux connaître les accidents de la route a, jusqu'à présent, généralement

adopté une attitude de victimisation (victim-blaming) qui rejette sur l'in-

dividu les responsabilités des tragédies routières. En alternative à cette

approche traditionnelle se développe une nouvelle stratégie orientée vers

les considérations sociales relatives aux accidents de la route. Cette

stratégie se distincte par la propension à regarder, au-delà des causes

immédiates et instantanément perceptibles, celles plus lointaines qui sont à

l'origine véritable des accidents de la route.

Le présent document cautionne cette "approche sociale" dans l'obser-

vation, la compréhension et l'explication des phénomènes relatifs aux

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- v i i i -

accidents routiers et à leur origine. Il contribue ainsi à poser un regard

nouveau et différent sur un problème grave.

La démarche intellectuelle de la présente étude comporte quatre

chapitres majeurs:

- le premier, après avoir familiarisé l'observateur à la causalité

des tragédies routières, brosse un tableau des arguments défendus

par l'approche traditionnelle de responsabilité individuelle, et

présente les concepts inhérents au principe de la responsabilité

sociale;

- le second chapitre résume les travaux de Pierre-Emmanuel Barjonet

sur les représentations sociales de la sécurité routière. Les

recherches de ce spécialiste sont fondamentales dans la perspecti-

ve que nous poursuivons et servent à mieux comprendre l'étude des

causes véritables des accidents routiers. Elles constituent, en

quelque sorte, la base de toute notre démarche;

- le troisième chapitre entreprend l'étude proprement dite des cau-

ses de l'accident mais insiste plus particulièrement sur les fac-

teurs environnementaux et ceux liés aux véhicules;

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!

- ix -

- le quatrième chapitre propose des programmes d'intervention qui

tiennent compte de la dimension sociale explorée au cours des

phases antérieures.

On voudra bien noter que:

- le mot "conducteur" apparaît au masculin dans le seul but

d'alléger le texte;

- le terme "environnement" doit être considéré dans son sens social

le plus large, c'est-à-dire les domaines:

. naturel (biologie et climat);

. socio-économique;

. familial;

. travail;

. culturel;

. infrastructure;

. institutionnel (légal).

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TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION

CHAPITRE PREMIER

1.0 MISE EN CONTEXTE: LA NECESSITE D'UNE NOUVELLE APPROCHE

1.1 Facteurs causals * 1.1.1 Multiplicité des facteurs 1.1.2 Le domaine de la santé

1.2 Responsabilité sociale

1.3 Concept de représentation sociale

CHAPITRE II

2.0 LES TRAVAUX DE BARJONET: LES REPRESENTATIONS DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE

2-1 Les représentations sociales: signification et usage du concept * *

2.2 La limitation de vitesse (thématique)

2.3 La limitation de vitesse (attitudes)

2.4 L'accident *

2.5 Risque et styles de conduites

CHAPITRE III

3.0 LES CAUSES DE L'ACCIDENT 3 3

-i-j 3.1 Les facteurs humains

3.1.1 Causes humaines directes

3.1.2 Causes humaines indirectes 39 3.1-2-1 Facteurs de personnalité — 4 0

3.1.2.2 Facteurs motivationnels 40 3.1.2.3 Facteurs reliés à l'évaluation

subjective du risque d'accident 44 3.1.2.4 États humains transitoires 53

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I

- xix -

3.2 Les facteurs infrastructure^ 3.2.1 Les facteurs liés à l'environnement!!!!!!!!!!!!!".' 56

3.2.1.1 L'environnement naturel .... ço 1 7 1 •} T I . JO j.^.i.^ L environnement social 59 3.2.1.3 Le réseau routier !!!""' 57

3-2.2 Les facteurs liés aux véhicules 6 g 3.2.2.1 Les aspects techniques !!!!!!!! 70 3.2.2.2 L'aspect symbolique !!"" 7 1

CHAPITRE IV

4-0 LES STRATÉGIES D'INTERVENTION

CHAPITRE V 5.0 OPERATI0NNALISATI0N

75

83

ELEMENTS DE CONCLUSION - Synthèse 8 7

88

R é f é r e n c e . . . . . . . . . . . 95

B i b l i o g r a p h i e 97

|

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INTRODUCTION

Multifactorielle dans son essence même, l'étude des causes des acci-

dents routiers jette un blâme sévère sur le comportement des conducteurs.

On reconnaît à l'accident ses dimensions complexes, on lui prête un carac-

tère aléatoire (c.-à-d. qui tient du hasard); néanmoins on n'hésite pas à

rejeter la faute sur celui (ou celle) qui se trouve derrière le volant plu-

tSt qu'à l'état du réseau routier ou aux caractéristiques du véhicule par

exemple.

Statistiques â l'appui, le rSle ingrat de l'automobiliste est "cons-

taté" par les corps policiers, légitimé par le code pénal, cautionné par le

mode d'indemnisation des compagnies d'assurances avant d'etre diffusé à

grande échelle par les médias. Peu à peu, la population est formée à l'idée

que l'individu constitue un danger potentiel derrière le volant et rejette

les hypothèses voulant que le climat, l'état de la chaussée, ou les vices de

fabrication peuvent également être à l'origine des tragédies routières.

"En soi, ces thèmes orientés ou opinions représentent une information intéressante sur la manière dont les sujets qua-lifient l'objet et sur la façon dont ils se situe.nt vis-à-vis celui-ci. Mais du point de vue psychologique, il est impor-tant de montrer comment ces thèmes s'organisent, de souligner ceux qui donnent et ceux qui sont de moindre importance, de découvrir leur ordonnance, leur hiérarchie, d'essayer de découvrir sur ce qui se donne comme un amalgame ou une nomen-clature, une dimension cachée qui résume les significations êpars, qui oriente le sens du discours ou le sujet par rapport au discours" (Barjonet, 1983).

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Ce discours officiel, qui a traditionnellement véhiculé une image

culpabilisante du conducteur, est toutefois appelé à être remplacé par une

dimension plus globale du phénomène des accidents de la route où les consi-

dérations sociales prendraient une place importante. Cette dimension "dite

de responsabilité sociale" (par rapport à la responsabilité individuelle)

met en évidence le fait que, sous le jeu de la concurrence et des inégalités

sociales, l'individu ne peut pas être en mesure de contrôler tous les para-

mètres de son comportement et que, pour trouver les causes d'un accident, il

est nécessaire de chercher, au-delà des facteurs immédiatement perceptibles,

les éléments qui relèvent de l'environnement social, économique ou cultu-

rel .

Il s'avère néanmoins important avant de proposer de nouvelles avenues

de recherche, de mettre en évidence les lacunes des stratégies de victimisa-

tion actuellement répandues et reproduites par les principaux intéressés;

ceci formera la trame de la première étape de notre démarche-

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CHAPITRE PREMIER

MISE EN CONTEXTE: LA NÉCESSITÉ D'UNE NOUVELLE APPROCHE

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!.0 MTRF. EN CONTEXTE: LA NÉCESSITE nMlHK NOUVELLE APPROCHE

D e quel droit a££trrce-t-on que les conducteur» son, négligents?

quel est l'intérêt d'enrichir la variété dee explications sur les causes de

l'accident en ajoutant, a» concept de responsabilité individuelle déjà exis-

tant, la notion de responsabilité sociale! U semble ici opportun de clari-

fier les forces en présence, de fa^liariser le profane avec les ter.es

utilisés et, surtout, de savoir codent les représentations sociales servi-

ront â justifier 1'usage de la notion de responsabilité sociale (qui doit

contribuer à éviter la victimisation).

1 ,1 FACTEURS CAUSALS

Quelle que soit la source de leurs références, la majorité des

enquêtes publiées attribue au facteur humain la cause de la majorité des

accidents de la route. Viennent ensuite les explications d'ordre technique

(réseau routier, état du véhicule). On se retranche aussi, en cas de doute,

dans la "fatalité", ou derrière une explication qui «et en évidence 1, mul-

tiplicité des facteurs possibles (en prenant bien soin de laisser sous-

entendre que les tragédies routières auraient pu être évitées si le conduc-

teur ... ).

' En réalité, l'analyse des causes de l'accident exige la mise en

place d'un cadre de référence plus exhaustif.

"Sur le plan théorique, l'analyse et la comprfhensi<m des c a u s e s de l'accident de la route sont des tâches complexes. D'abord parce qu'il est difficile d'établir u n « d . l e ou une théorie explicative d'un phénomène dont la realisation est

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pollution industrielle, les valeurs sociales et culturelles inhérentes â

notre civilisation (concurrence, progrès, pouvoir, etc.)* Ces déterminants

n'expliquent pas tout; leur influence semble parfois lointaine et indirecte.

Néanmoins leurs propriétés intrinsèques apportent un éclairage nouveau,

lucide et pertinent dans l'étude de la causalité des tragédies routières.

Avec la notion de responsabilité sociale, l'individu n'y est plus le

seul porteur des valeurs sociales. Il est désormais considéré comme un

produit de la société dans laquelle il vit. C'est en opérant des change-

ments au niveau de la société qu'on escompte modifier les comportements de

l'individu- On espère rendre ainsi l'environnement de l'homme moins

stressant et plus agréable à vivre. (Garant, 1983).

1.3 CONCEPT DE REPRÉSENTATION SOCIALE

Afin de bien comprendre comment les processus de responsabilité

individuelle s'opèrent afin de culpabiliser l'individu au lieu d'accuser la

société, le concept de représentation sociale s'avère fort pertinent. Il

permet, on le verra ultérieurement, de saisir le jeu des pouvoirs dominants

sur la collectivité et de montrer comment est Illustrée la perspective de

victimisation qui veut que l'individu est culpabilisé à la place du système

économique, social.

En outre, le concept de représentation sociale constitue l'outil par

lequel les responsabilités sociales peuvent être introduites parmi l'ensem-

ble des facteurs explicatifs de l'accident.

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- 11 -

imaginé par Emile Durkeim, développé par Serge Moscovici, le concept

de représentation sociale a été appliqué au domaine de la conduite automobi-

le par Pierre-Emmanuel Barjonet. Aux limites de la psychologie, ce concept

vise à mieux comprendre les conduites collectives, à identifier leurs sché-

mas, leurs origines et leurs objectifs.

Selon Moscovici, les représentations sociales ne sont pas des mythes

ou idéologies (in Barjonet, 1983). Elles répondent à deux définitions

(empirique et théorique). Très large, la définition empirique affirme que:

"L'étude des représentations sociales n'est rien d'autre que celle de ces pans d'idées, de conduites, de liens humains qui vont et viennent avec les mots et constituent pendant un laps de temps donné, notre milieu culturel" (Barjonet, 1983).

Par contre, la définition théorique propose que la représentation

sociale, au lieu d'être la copie conforme du monde extérieur, en soit

"l'instance reproductive" (Barjonet, 1983). Plus généralement, la repré-

sentation sociale est un ensemble cognitlf; elle est constituée des éléments

qui lui fournissent sa substance (Barjonet, 1983).

Les fonctions de la représentation sociale sont multiples. Elles

servent en outre à:

- orienter le discours et les pratiques;

- maîtriser et baliser le réel;

- se rapprocher de ce réel;

- interpréter le monde;

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- 12 -

- établir des rapports entre les Individus et des objets lointains.

(Barjonet, 1983).

Ces représentations peuvent s'articuler autour de quatre thèmes

majeurs qui sont: l'attitude, l'opinion, l'information et la connaissance-

- L'attitude

L'attitude joue un r61e d'élément intégrateur et de réfèrent social

dans la manière que les individus ajustent leurs comportements. L'attitude

détermine en fait l'orientation psychologique globale du sujet face à l'ob-

jet; elle peut être favorable ou défavorable à une pratique sociale selon

l'individu qui l'adopte.

La détermination de ces attitudes dépend donc du groupe social

auquel l'individu appartient, des valeurs qu'il partage avec les autres

membres de ce groupe. En matière de conduite automobile on peut donc dis-

criminer les attitudes sur les accidents en fonction de la position sociale

du conducteur, du type de véhicule qu'il possède, de la consommation symbo-

lique qu'il fait de l'automobile. Il s'agit là d'une "logique de la dis-

tinction" (Barjonet, 1983) qui oppose jeunes et vieux, hommes et femmes,

riches et pauvres, etc. L'attitude que tout individu entretient face à la

consommation automobile est consécutive de sa position dans l'environnement

social et économique puisque c'est cet environnement qui modèle son jugement

et comportement tant dans la vie qu'au volant de son véhicule-

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- L'opinion

L'opinion est "une information intéressante sur la manière dont le

sujet qualifie l'objet et sur la façon dont il se situe vis-à-vis celui-ci"

(Earjonet, 1983). L'opinion participe à la construction de l'attitude.

Bien qu'on lui accorde souvent le qualificatif de "personnel" (ex.: opinion

personnelle), elle est néanmoins modèlisée par tout un ensemble de valeurs,

us et coutumes transmises par les générations, les constituantes de l'envi-

ronnement social, familial et éducatif/professionnel. Les informations

venant de l'extérieur sont d'ailleurs essentielles à la construction de

cette opinion qu'on dit être "personnelle" mais qui n'est que le reflet des

jugements extérieurs.

- La connaissance

La connaissance fournit ou détermine un savoir théorique et/ou une

expérience empirique qui oriente et qui balise l'univers de la perception,

qui aide à la qualifier et â la quantifier. La connaissance, surtout

lorsqu'elle se situe au plan théorique, assimile finalement les opinions et

attitudes des éléments extérieurs à l'individu. Elle demeure, tout compte

fait, un des liens qui unit l'individu à son environnement mais en éta-

blissant une liaison â sens unique: c'est l'environnement qui remplit ici

le rôle "d'émetteur", l'individu se bornant â recevoir de l'extérieur les

messages que lui transmet la société et à les accumuler.

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- 14 -

- L'information

L'information est, selon Moscovici (1961; in Barjonet, 1983), la

quantité et l'organisation des connaissances que possède un sujet (indivi-

duel ou collectif) à propos d'un objet. Dans ce contexte, si la somme et la

variété des connaissances acquises sont structurées, hiérarchisées et mesu-

rées de façon adéquate, l'information devient un facteur de discrimination

au sein du groupe; inévitablement, l'individu le mieux informé jouit

d'avantages incontestables auprès des autres. 11 détient un pouvoir qu'il

est en mesure d'exercer sur la collectivité. En contrôlant le niveau et la

qualité de l'information, en déformant et/ou en dissimulant certains de ces

éléments constitutifs, certains individus, groupes ou organismes contribuent

à opérer sur le reste de la collectivité des manipulations qui ne représen-

tent plus la réalité comme elle existe en tant que tel mais comme ils veu-

lent bien qu'elle soit présente dans l'esprit des autres individus qu'ils

dominent ou souhaitent dominer.

Pour Barjonet (1983), les thèmes d'expression, connaissance, infor-

mation, opinions et attitudes s'intègrent dans un dispositif plus totalisant

que sont les représentations sociales. Celles-ci peuvent être produites et

reproduites par divers mécanismes comme l'idéologie, l'éducation ou la

diversité des positions sociales. En fait, leur champ d'action est fort

étendu. Elles ne se limitent pas aux considérations socio-économiques mais

touchent aussi la culture, les valeurs et normes sociales, l'influence, etc.

Ils s'inscrivent finalement dans le contexte des rapports de domination où

les perceptions que l'on a de la réalité ne sont pas conformes à cette réa-

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- 15 -

litê mais plutôt conformes à la vision du pouvoir dominant vis-à-vis cette

réalité. (Ainsi, les représentations sociales des causes de l'accident rou-

tier sont celles du pouvoir dominant: on diffuse l'image que l'individu est

fautif, dissimulant par la même occasion, toute la responsabilité que

portent l'industrie de l'automobile, les concepteurs du réseau routier et,

plus globalement, notre système économique dont tire profit ce même pouvoir

dominant) (Barjonet, 1983).

Le pouvoir dominant produit et reproduit les représentations socia-

les par trois canaux:

- le pouvoir de légitimité (autorité, gouvernement, loi);

- le pouvoir de référence (où l'individu se conforme aux croyances

et idéaux du groupe auquel il appartient ou auquel il espère

appartenir);

- le pouvoir de compétence accordé à certains individus ou groupes

d'individus (ingénieurs, juristes, médecins). Ce peut, en cer-

tains cas, être un pouvoir charismatique (ex.: "si un tel dit ça,

ça doit être vrai") (Barjonet, 1983).

Notion de pouvoir et concept de représentations sociales appa-

raissent comme deux idées inextricablement liées. Barjonet croit que:

"Si l'on considère que les idées qui dominent le monde sont celles des acteurs ou des groupes sociaux qui dominent aussi les appareils de production et de diffusion des idées, on peut faire l'hypothèse qu'il existe une représentation domi-nante des causes de l'accident de la route émise par les instances et les autorités légitimes, c'est-à-dire sociale-ment valorisées, diffusées de la manière la plus naturelle par les moyens de communication de masse et dont la rëpéti-

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- 16 -

tion totalisante et édifiante génère une image légitime des causes de l'accident" (1983).

On débouche finalement sur un système d'opposition entre les déten-

teurs du pouvoir et ceux qui sont manipulés par les images et valeurs ficti-

ves articulées par ce pouvoir. Le traditionnel rapport de forces dominant/

dominé finit par apparaître, entraînant avec lui ses évidences tout comme

ses difficultés:

"Décrire les représentations comme des systèmes d'opposition a l'avantage de proposer un mode de lecture commode et systé-matique et un inconvénient: celui de caricaturer ou de sim-plifier un phénomène complexe. Mais tout choix de procédure est en soi réducteur, toute tentative de systématisation souligne les grandes lignes et laisse échapper ce qui ne se laisse pas encadrer" (Barjonet, 1983).

Certes, l'importance du concept de représentations sociales ne se

dément pas: on dit de lui qu'il est peut-être "source de création et

d'innovation", qu'il constitue "une force qui peut agir sur le monde" (Bar-

jonnet, 1983). C'est sans doute pourquoi il est abondamment utilisé par les

détenteurs du pouvoir et que Pierre-Emmanuel Barjonet l'applique au domaine

de la conduite automobile. Pour ce dernier:

"Se représenter, ce n'est donc pas simplement avoir une posi-tion vis-à-vis d'un objet particulier. C'est incorporer, simultanément, un ensemble de données représentationnelles qui constituent l'environnement social et psychologique de cet objet. Il existe des dimensions propres, intrinsèques à l'objet de représentation, mais celles-ci sont incluses dans un système plus large. Il n'y a pas autonomie d'une repré-sentation, elle est l'élément d'un large ensemble. Il y a, pour ainsi dire, une représentation derrière chaque représen-tation et c'est peut-être à ce niveau qu'il faut chercher les identités et les différences" (1983).

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Avec ses avantages et ses inconvénients, l'outil que constitue le

concept de représentations sociales permet d'expliquer adéquatement le sujet

qui nous occupe ici.

Ce premier chapitre nous a introduit avec les thèmes de causalité, de

responsabilités sociale et individuelle, de victimisation (victim-blaming)

et avec le concept de représentation sociale. Il ne traitait pas particu-

lièrement du problême des accidents de la route mais se voulait plutSt une

familiarisation avec le vocabulaire, la thématique et l'esprit général du

problème.

La seconde étape remplira également cette tâche de familiarisation en

abordant le thème de l'automobile et celui du comportement de ses conduc-

teurs. En plus de servir de prémisse â l'étude des causes des accidents

routiers, elle synthétisera la thèse doctorale de Pierre-Emmanuel Barjonet

autour duquel nous avons centré notre démarche.

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CHAPITRE I I

LES TRAVAUX DE BARJONET: LES REPRESENTATIONS DE LA SECURITE ROUTIERE

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2.0 LES TRAVAUX DE BARJONET: LES REPRESENTATIONS SOCIALES DE LA SECURITE

ROUTIÈRE

Les études qui traitent du phénomène des accidents de la route sont

nombreuses. Beaucoup reproduisent et diffusent les thèses officielles vou-

lant que les conducteurs soient responsables de la majorité des accidents

dans lesquels ils sont impliqués. Par contre, d'autres études adoptent une

stratégie axée sur le concept de responsabilité sociale. La thèse doctorale

de Pierre-Emmanuel Barjonet: Les acteurs de la circulation et la sécurité:

étude des représentations sociales de l'action de sécurité routière s'ins-

crit, selon nous, dans ce cadre. Elle situe en effet le problème de la

sécurité routière dans sa dimension sociale globale et permet ainsi d'intro-

duire progressivement l'environnement dans lequel se situera l'étude de la

causalité des tragédies routières. De facture récente (1983), cet ouvrage

se divise en cinq chapitres qui seront intégralement reproduits selon la

logique d'ensemble de l'auteur pour qui, la conduite automobile et les

règles qui la régissent mettent en cause un système de valeurs et tout l'en-

semble des pratiques sociales (effectives ou symboliques) qui y sont ratta-

chées .

2.1 LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES: SIGNIFICATION ET USAGE DU CONCEPT

Pour Barjonet "La représentation sociale est avant tout une repré-

sentation mentale" (1983). Elle ne peut se réduire à de simples

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indicateurs socio-économiques qui évaluent et témoignent de la qualité de

l'environnement dans lequel nous vivons. Ainsi:

"Les effets de culture, de modes de consommation, de normes et d'influence sociale, les champs de représentation qui constituent le monde social vécu, la symbolique sociale qui leur donnent un sens joint à l'expérience qu'à l'acteur de ces facteurs, ne sont pas étrangers à l'image qu'il se fait des objets qui l'entourent" (Barjonet, 1983).

On ne peut dissocier l'usage de l'automobile des considérations inhé-

rentes à notre style de vie et à nos pratiques de consommation. L'automobi-

le est finalement le reflet de notre univers culturel et des pratiques dis—

tinctives qui s'y exercent. La vitesse est l'une d'entre elles.

2.2 LA LIMITATION PL VITESSE (THEMATIQUE)

"11 est certain que la vitesse conserve sa valeur presti-gieuse et que son usage reste orné de l'emblème de la puis-sance sociale et de l'appartenance à une élite" (Beaudrias, 1981).

En tant que signe distinctif des classes sociales, la vitesse - que

l'on Identifie souvent comme responsable d'accidents routiers - est un

puissant véhicule de valeurs. Son uage se répercute dans la façon de con-

duire et de "consommer" l'automobile. Ainsi:

"Identifiée comme système de signes, de significations socia-les, la vitesse transcende en quelque sorte l'usage instru-mental de l'automobile et constitue l'espace de roulement en lieu de concurrence sociale" (Barthes, 1957; Beaudrias, 1968; Boltanski, 197b, in Barjonet, 1983).

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Même si les gestionnaires de l'État l'utilisent à des fins de victi-

misation (ex.: le conducteur a dépassé la limite permise), la vitesse

demeure le reflet de nos valeurs sociales associées au progrès, â la con-

currence économique, au culte du héros. Elle est reproduite sur nos routes

par des conducteurs qui, non seulement, risquent d'être les victimes de

tragédies routières, mais sont déjà victimes des valeurs prescrites par la

société elle-même. La vitesse n'est pas toujours une fin en soi; elle est

néanmoins un puissant outil qui sert à atteindre un objectif de domination

symbolique véhiculé par le pouvoir dominant.

2.3 LA LIMITATION DE VITESSE (ATTITUDES)

Parce qu'elle demeure un objet de distinction, la vitesse permet de

hiérarchiser et de structurer des individus par rapport au pouvoir de domi-

nation. Si l'action interventionniste de l'État permet de modérer quelque

peu les excès causés par un environnement des plus compétitifs, elle n'a pas

pour autant modifié les valeurs de prestige associées à la vitesse et qui

demeurent présentes à l'esprit du conducteur, que celui-ci utilise son véhi-

cule de manière instrumentale ou symbolique pour Barjonet (1983):

"On ne saurait trop insister sur ce qu'avec Moscovici, on a appelé les déterminantes sociales des attitudes et des repré-sentations. C'est à partir de catégories cognltives, déjà existantes et socialement constituées, que s'élabore l'écono-mie représentationnelle et la représentation conçue comme globalité culturelle est une variation et une combinaison de ces catégories. Chaque groupe social élabore son système représentationnel en s'appropriant telle ou telle catégorie où il trouve identité et sens et justification aussi de ce

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qu'il pense et vit par ailleurs. C'est dans ce sens que la représentation est aussi, pour une part, idéologie, c'est-à-dire une entreprise de construction mais aussi de reproduc-tion et de légitimation du réel".

Chaque individu est soumis à des influences sociales qui structurent

son attitude et son comportement au volant du véhicule qu'il dirige. D'une

part, il doit se coniormer à des règles institutionnelles qui limitent la

vitesse permise sur les routes: ce sont les règles formelles. D'autre

part, son environnement social, économique et culturel l'incite à faire un

usage symbolique de l'automobile servant à indiquer son statut social actuel

ou celui auquel il anticipe appartenir. Lorsqu'il y a contradiction entre

le statut réel et le statut anticipé, le conducteur partage des pratiques de

ce dernier; statut, ou plutôt, il adopte une attitude conforme à la repré-

sentation qu'il se fait de ce groupe. Si ses motivations ne correspondent

pas toujours avec des capacités de son véhicule, les conditions favorables à

l'accident sont réunies.

2.4 L'ACCIDENT

"La science va vite et droit en son chemin, mais les repré-sentations collectives ne suivent pas, elles sont des siècles en arrière, maintenues stagnantes dans l'erreur par le pou-voir, la grande presse et les valeurs d'ordre" (Barthes, 1963, in Barjonet).

L'accident est un phénomène dont l'analyse se révèle complexe. La

multiplicité des causes va de pair avec son caractère aléatoire et fatal.

Néanmoins, la compréhension de sa causalité est essentielle pour essayer de

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saisir ce qui est à l'origine des tragédies routières. Nonobstant la com-

plexité de l'analyse, le système de représentation des causes de l'acci-

dent :

"Etablit une logique ou une hiérarchie parmi les facteurs les plus spontanément identifiables: le véhicule, le réseau routier, le conducteur, tout en accordant un statut important à un facteur plus flou ou plus synthétique: le hasard ou la fatalité" (Barjonet, 1983)

Or, la conception du pouvoir dominant - partagée (par l'ensemble des

individus) veut que l'usager soit, en dernière analyse, responsable des

accidents ignorant ou dissimulant toute autre hypothèse comme l'infrastruc-

ture ou les caractéristiques du véhicule. Parce qu'il opère dans un passage

étroit entre les limites formelles de l'État et celles, plus informelles de

la société, le conducteur possède peu de marges de manoeuvre. Prudence et

témérité, lenteur et rapidité, conformisme et concurrence balisent le chemin

poursuivi; les tentations sont alors fortes pour "affirmer son indépendance"

et adopter un comportement générateur de risques.

2.5 RISQUES ET STYLES DE CONDUITES

Le risque constitue l'une des dimensions associées aux repré

sentations sociales de la conduite automobile:

"Dans le cas le plus général, le risque est un danger plus ou moins prévisible ou probable, il est une menace qui compromet la sécurité. Dans le domaine particulier de la circulation routière, le risque est le danger qui prend la forme d'un accident, c'est-â-dire d'un événement imprévisible mais dont l'occurrence est toujours possible" (Barjonet, 1983).

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Il constitue un des éléments de notre style de vie. Son attrait ou

son rejet détermine notre façon de conduire tout comme l'ensemble de notre

vie. Accepter d'affronter le risque, se battre pour arriver premier nous

offre la possibilité (ou l'Impression) d'être gagnant. Il existe toutefois

des considérations particulières à la prise du risque. Ainsi, risquer un

dépassement sur une chaussée glaçée est un risque meurtrier.

Contrairement à ce que l'on peut Imaginer, la prise de risque n'est

pas strictement un acte individuel. 11 est inséré dans un système de prati-

ques et de valeurs socialement acquises et socialement distinctives. Le

risque s'intègre plus ou moins strictement dans tous les rapports sociaux.

On situe alors :

"La disposition pour le risque comme une orientation générale qui corresponderait à un véritable style de vie, dont les éléments seraient systématiquement mis en oeuvre dans les différents moments constitutifs de la vie quotidienne. Ce "goût" du risque s'exprimerait alors non seulement dans la cond uite d'une automobile, mais dans la vie professionnelle et affective, dans les domaines de la santé et de la maladie, de la protection de soi, etc." (Barjonet, 1983).

11 y a donc une relation de cause à effet entre l'appartenance à une

classe sociale et une attitude correspondante à l'égard du comportement face

au risque. Le risque, tout comme l'accident, sont donc rattachés à une

dimension sociale plus globale que le champ de la responsabilité indivi-

duelle. Le conducteur n'adopte pas délibérément un comportement risqué au

volant, il y est conditionné en vertu de sa classe sociale, de son style de

vie et de l'univers ambiant.

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Dans une thèse où il avait comme objectifs premiers de décrire et

d'expliquer les modalités de perception de l'action de sécurité routière,

Pierre-Emmanuel Barjonet a apporté un éclairage neuf sur l'étude des acci-

dents de la circulation en replaçant les observations ponctuelles qui cul-

culpabilisent traditionnellement le conducteur dans leur véritable contexte

social. Il a pu ainsi établir les huit constats suivants:

1. Les représentations sociales relatives aux accidents peuvent être

étudiées comme des systèmes d'opposition;

2- Les oppositions constatées mettent en évidence plusieurs phénomè-

nes : - adhésion majoritaire à la limitation de vitesse;

- forte croyance en la responsabilité du conducteur dans la causa-

lité des accidents;

- la vitesse jouit d'un prestige social;

- l'usage de l'automobile est à la fois un instrument et/ou

symbolique;

3. La fatalité est une dimension importante de la représentation des

causes de l'accident. Elle permet d'accepter le risque lié au

déplacement de l'automobile et cautionne des explications tradi-

tionnelles qui avancent une pluralité causale et/ou un blâme à

l'endroit de l'Individu.

4. Le discours portant sur la responsabilité individuelle du conduc-

teur en cas d'accident est celui du pouvoir dominant; il tend a

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éclipser les autres explications plausibles (environnement, véhi-

cule). Il est légitimé par le statut social de ceux qui les

diffusent et son influence est grande auprès de la population qui

y adhère par esprit de conformité.

La prise du risque au volant est la conséquence de la valorisation

du risque comme mode de vie. Elle met en relief les rapports

domination à partir desquels les individus témoignent ou non de

leur appartenance à la classe dominante.

L'accord avec l'Image dominante des causes de l'accident s'appuie

essentiellement sur la reconnaissance de la légitimité des

instances qui fournissent les modèles comportementaux et

représentationnels.

Les représentations sociales des actions de sécurité sont

homogènes, obéissant ainsi au principe qui veut que les individus

modèl ent leur opinion et leur comportement en fonction du groupe

social auquel ils se réfèrent.

Toute représentation sociale constitue l'élément d'un large

ensemble culturel. Sa maîtrise demeure importante au sens où elle

est un instrument potentiel de contrôle social capable d'agir sur

les individus.

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Alors que la première étape de notre démarche nous a initié aux con-

cepts fondamentaux des causes de l'accident et que la seconde a tenté de

synthétiser l'application qu'a fait Barjonet au monde automobile de ses

concepts, la troisème étape entreprendra l'analyse des causes des tragédies

routières. Les facteurs de causalité qui seront développés tout comme la

façon de les présenter tranchera avec les approches traditionnelles car les

explications seront davantages orientées vers leur dimension sociale, large-

ment développée jusqu'à présent dans ce document.

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CHAPITRE I I I

LES CAUSES DE L'ACCIDENT

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3.0 LES CAUSES DE L'ACCIDENT

L'étude des accidents est caractérisée par son essence multifacto-

rielle et par la propension plus ou moins volontaire à culpabiliser l'indi-

vidu en dépit de toutes autres considérations infrastructurelles. Afin de

proposer une nouvelle lecture de la causalité des tragédies routières, des

auteurs (comme Barjonet, Pampalon, Villedieu, Dagenais) ont suggéré une

approche plus "sociale" du phénomène. Mais Barjonet va plus loin en propo-

sant entre autres le principe de responsabilité collective et en utilisant

cet outil qu'est la représentation sociale.

Reste le problème de la typologie; aucune typologie n'a été suggérée

pour refléter cette nouvelle approche avec le résultat qu'il est aisé de

retomber dans le piège de la victimisation (victim-blaming). Lise Lépine

(19b3) a déjà dressé une liste oû dominent les causes humaines indirectes

mais où les facteurs liés à l'environnement et aux véhicules sont sous-

évalués.

Un remaniement de la typologie existante peut cependant apporter les

correctifs nécessaires et, tout compte fait, permettre de remédier à certai-

nes lacunes au plan méthodologique de la perception des facteurs accidento-

gènes. Cette stratégie permet à l'observateur qui est déjà familiarisé aux

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approches traditionnelles de se reconnaître dans la lecture et l'ordonnance-

ment des facteurs de causalité mais corrige l'effet disproportionnant jadis

accordé aux seuls facteurs humains. Toutefois, même si le contenu de ces

items est davantage axé sur la perspective de responsabilité collective, il

faut avoir à l'esprit que la troisième étape de ce dossier constitue, avant

toute chose, une lecture critique de l'approche classique de responsabilité

Individuelle. La typologie oppose donc facteurs humains et facteurs infra-

structurels. Elle semble péjorative car elle reproduit ici un scheme des

analyses classiques qui atribue aux humains entre 80 et 90% des causes

d'accident. En fait, de par sa massivité, le discours officiel des acci-

dents de la route diffuse ce modèle culpabilisant. On impose ce modèle en

tant que version légitime d'explication du phénomène car on fait croire que,

tout compte fait, le conducteur est l'élément le plus adaptable du système

de circulation. C'est lui qui, en dernier ressort, "peut éviter l'accident"

(Un peu comme au hockey, le gardien de but est responsable de la tenue de

son équipe même si celle-ci joue mal). Barjonet a avancé l'hypothèse que:

"(...) les acteurs occupant une position dominante dans la structure sociale, parés du prestige de leur fonction, émettent et diffusent un modèle d'explication des causes de l'accident de la route destiné à faire admettre et partager la faute du conducteur... 11 est probable que, par ailleurs, ce modèle trouve la force dans son affirmation dans une arti-culation avec ce que l'on pourrait appeler le consensus sur la mobilité automobile, c'est-à-dire sur l'accord global des usagers du transport - mais aussi une grande partie du coût social - sur le bien fondé ou sur la nécessité de l'usage de l'automobile" (iyttf).

Ainsi, parce que d'une part, on doit identifier une cause responsable

de l'accident routier (c.-à-d. un coupable) et que, d'autre part, ce

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coupable "ne doit pas être le système économique", la responsabilité revient

à l'individu. On oblitère la part de la responsabilité imputable au système

routier, aux caractéristiques du véhicule, au mode de transport et au statut

dominant dans l'automobile de notre civilisation en tant qu'instrument et

symbole de mobilité. Ce type d'explication est simple et facile à repro-

duire car il correspond déjà aux représentations véhiculées par les acteurs

sociaux légitimés et validées par la croyance populaire qui y adhère par

esprit de conformité.

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TYPOLOGIE DE LA CAUSALITÉ DES ACCIDENTS ROUTIERS

FACTEURS HUMAINS

l: Cause humaine directe Recognition Décision Réponse — Manque de vigilance

Excès de vitesse Inattention Action d'évitement inappropriée

Cause humaine indirecte — — Personnalité

Motivation — Situationnel

Affirmation de soi Hédonisme

— Evaluation subjective du risque d'accident — Représentation de la difficulté de conduire

Représentation de ses capacités de conduire Représentation de ses capacités physiques — Conduite imprudente — Manque d'habileté du conducteur — Manque de chances (fatalité) — Sort — Exemples fournis par les autres conducteurs — Normes sociales

— Etats humains transitoires — Fatigue — Intoxications graves

— Tranquilisants Agents psychotropes Barbituriques

— Alcoolémie — Stress

FACTEURS INFRASTRUCTURELS Environnement — Naturel

.— Géographie Climat

— Social —Politique (institutionnel) —Economique -Travail — Famille Culturel

— Réseau routier Environnement :— Aspect symbolique I— Aspect technique

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3.1 LES FACTEURS HUMAINS

Le rôle prédominant accordé par le discours officiel aux facteurs

humains distingue les causes humaines directes (comportement ayant directe-

ment entraîné l'accident) et les causes humaines Indirectes (qui seraient à

l'origine de ces comportements).

Cette distinction machiavélique mérite qu'on s'y attarde quelque peu.

Elle permet aux acteurs officiels d'élargir le champ de responsabilité dévo-

lu aux conducteurs en multipliant les possiblltés qu'ils soient tenus cou-

pables des tragédies routières. En étendant la gamme des causes possibles,

la typologie classique couvre éventuellement les cas où l'individu - sans

être directement coupable - n'en est pas moins considéré comme responsable

de l'accident (ex.: sort, fatigue, "manque de chances"). En somme, le dys-

fonctionnement du système est rejeté sur l'usager.

3.1.1 Causes humaines directes

De tous les types (perception, décision, réponse) ou facteurs (manque

de vigilance, excès de vitesse, inattention, action d'évitement inappro-

priée) identifiés dans les causes humaines directes, l'excès de vitesse

constitue l'élément le plus discriminant à l'égard du conducteur. Il

demeure, selon le discours officiel, la variable la plus visiblement respon-

sable des tragédies routières.

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Or, l'usage de la vitesse doit être analysé en fonction de paramètres

sociaux plus étendus que ceux habituellement repris par les canons de

l'approche individuelle.

Précisons immédiatement que la vitesse est un terme souvent imprécis.

Il sous-entend un "excès" de vitesse alors, qu'en réalité, il y a souvent

lieu de parler de vitesse inappropriée aux circonstances de la conduite ou

bien de "rapport différentiel" de vitesse. Ces circonstances se présentent

lorsque, pour une raison ou pour une autre, un véhicule circule trop rapide-

ment ou trop lentement sur la voie publique, ralentissant par le fait même

la circulation et risquant de causer des accidents.

La vitesse est souvent représentée comme la cause des tragédies les

plus "spectaculaires". Son thème est largement exploité par les médias à

sensation où l'on voit des amas de tSles tordues en spécifiant que le con-

ducteur circulait â 160 km/heure (100 milles à l'heure). Pour considérer la

vitesse dans toute sa dimension sociale, il faut savoir que la vitesse est

associée aux valeurs de prestige, puissance, performance, progrès, etc.

"Dans cet univers de la distinction sociale, la consommation de la vitesse occupe un statut prépondérant (...) elle répond â un système de valeurs et de normes sociales qui trouve son origine et qui a pour enjeux certaines formes symboliques de prises de pouvoir plus général que celles à l'oeuvre dans le contexte de la circulation routière mais s'exprime de façon privilégiée dans ce contexte qui reste un lieu de concurrence social. Ce système assigne et assure à l'usage de la vitesse une fonction symbolique de discrimination sociale justement parce que la vitesse (intimement associée à la prise de ris-ques) reste solidement constituée en valeurs sociales" (Bar-jonet, 1983).

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Sur la route, comme dans la vie, l'usager se trouve engagé comme dans

un combat inégal ou il doit lutter pour s'approprier un espace de circula-

tion en cotoyant d'autres véhicules plus ou moins bien équipés que le sien

dans un contexte où la prise de risques est inévitable. S'il est vrai que

la limitation de vitesse a eu des effets bénéfiques (Barjonet, 1983) en

réduisant sensiblement la fréquence des mortalités et la gravité des blessu-

res , la vitesse conserve auprès du public "l'image du gagnant"; elle ren-

ferme en elle une symbolique puissante qui agit sur le conducteur. C'est

donc bien souvent en ignorant ou en dissimulant ces considérations psychoso-

ciales que les autorités légitimes traitent de la vitesse comme cause

humaine directe de l'accident.

3.1.2 Causes humaines indirectes

Le discours dominant distingue généralement quatre facteurs mettant

indirectement en cause les facteurs humains. Ces facteurs mettent en cause

la personnalité de l'individu, ses motivations, l'évaluation subjective du

risque d'accident ainsi que les états humains transitoires. Parce qu'elle

est méthodolologiquement bien articulée, cette typologie est conservée; son

contenu est toutefois critiqué en fonction des critères de l'approche de

responsabilité collective.

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3.1.2.1 Facteurs de personnalité

Les facteurs de personnalité ont constitué un champ d'investigation

particulièrement fertile où se référaient les études de "victim-blaming".

Globalement, on y cherche à établir un lien entre certains types ou classes

d'individus et le ur implication dans les accidents de la route. Les "jeu-

nes", les délinquants, les associaux sont entre autres identifiés comme des

victimes potentielles d'accident. De par son caractère culpabilisant exclu-

sivement orienté vers l'individu, cette notion - qui comporte des indica-

teurs souvent "subjectifs" (Lépine, 1983) - ne peut être considérée sérieu-

sement selon l'optique de responsabilité sociale qui sous-tend le présent

document.

3.1.2.2 Facteurs motivatlonnels

Au nombre de trois (situation particulière, l'affirmation de soi,

hédonisme), les facteurs motivâtionnels ouvrent une piste intéressante dans

l'étude des causes des accidents routiers. On y souligne l'intervention

d'agents extérieurs sur lesquels l'individu n'a aucun contrôle pour expli-

quer la causalité de certains accidents. Par exemple, le besoin "d'arriver

à l'heure à son travail", d'affirmer son autorité ou de relâcher une certai-

ne pression accumulée par le stress peuvent expliquer le déroulement de

certaines catastrophes routières.

L'approche classique basée sur la responsabilité individuelle a uti-

lisé ces variables stratégiques de façon biaisée en rejetant les torts sur

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l'usager de la route. On a négligé d'orienter ses explications vers les

considérations plus sociales reliées à la valeur productive du temps de

travail, aux préjugés qui veulent que le conducteur mâle n'ait pas peur de

prendre de risques ou que l'individu ressent parfois le besoin de s'évader

face aux tensions sociales qui l'assaillent.

On retiendra que l'usager de la route est l'objet de pressions exté-

rieures qui s'exercent sur lui ("extramotive"). Ces pressions se greffent â

celles de la conduite automobile et influencent le comportement des indivi-

dus, les exposants à des risques d'accidents plus élevés. Rarement le con-

ducteur peut-il parer à ces motivations; elles s'exercent sur lui sans qu'il

ait le contrôle réel de la situation, ni même qu'il en soit conscient. Deux

Scandinaves, Naatanen et Summala (1976), ont identifié ces facteurs motiva-

tionnels qui sont:

3.1.2.2.1 Les motivations t^i^uati^nnelLes^

Les motivations situationnelles qui sont de nature variées et

naissent au sein de contextes bien particuliers. Le besoin d'arriver au

travail à l'heure, d'épargner le prix d'une chambre d'hôtel alors qu'on est

fatigué en sont des exemples. Souvent les considérations économiques dic-

tent ces comportements.

3.1.2.2.2 Les motivations relatives à l'affirmation de soi !

Les motivations relatives â l'affirmation de soi sont étroitement

liées au concept de représentations sociales. Elles mettent en cause tout

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k

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le système de valeurs que notre société confère à l'usage symbolique de

l'automobile. Ces motivations réfèrent finalement aux concepts de con-

sommation distinctive en opposant entre eux deux groupes de personnes pour

qui l'usage de l'automobile est le reflet de leur vision de la vie.

Une revue de la littérature disponible a permis de mettre en évidence

un certain nombre de ces motivations qui, on doit le remarquer, s'associent

étroitement "au discours néoconservateur" des dernières années.

Pierre-Emmanuel Barjonet, qui a plus particulièrement approfondi la

notion de risque, croit qu':

"Il s'agirait de situer la disposition pour le risque comme une orientation générale qui correspond à un véritable style de vie dont les éléments seraient systématiquement mis en oeuvre dans les différents moments constitutifs de la vie quotidienne. Ce goût du risque s'exprimerait alors non seu-lement dans la conduite d'une automobile mais dans la vie professionnelle et affective, dans les domaines de la santé et de la maladie, de la protection de soi, etc..." (1983).

Dans ces conditions, les motivations relatives à l'affirmation de soi

ne se limitent plus au champ étroit de l'usager qui évolue dans l'environne-

ment routier mais jettent un regard critique sur le type et la nature des

valeurs sociales véhiculées par le pouvoir dominant et ses acteurs légitimes

et en vertu desquelles les individus et groupes sociaux constituent leur

identité. Ainsi que le résume l'auteur français:

"La valorisation du risque et la manière hardie de conduire se rapporteraient ainsi à un style fondé sur l'acquiescement ou valeurs sociales associées à la "consommation distincti-ve", consommation des signes distinctifs, consommation symbo-lique, alors que le style prudent de la dévalorisation du

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risque décriraient un attachement à des valeurs plus fonc-tionnelles ou plus instrumentales. Cette typologie fondée sur l'opposion des modes de consommation et d'appropriation de la symbolique sociale résume, à notre avis, les clivages qui organisent la perception du risque. Elle exprime un principe qui préside sans doute largement aux pratiques et aux élaborations symboliques collectives: la conformité aux modèles sociaux traditionnellement ou conjoncturellement dominants â travers lesquels les individus et les groupes sociaux constituent leur identité et, partant, leur système d'orientation dans le monde" (Barjonet, 1983).

L'accent qui est mis ici sur le "risque" est aussi valable pour les

autres valeurs énoncées antérieurement (concurrence, performance, prestige)

puisqu'elles forment ensemble un tout assez homogène, un point de référence

social à partir duquel l'individu s'affirme. Pour Barjonet, le risque cons-

titue un axe central autour duquel viennent se greffer les autres concepts.

3.1.2.2.3 l'hédonisme

L'hédonisme qui constitue une sorte de pallier supérieur â l'affirma-

tion de soi se manifeste par le désir et/ou le besoin de "savourer" les

plaisirs pour la vitesse, le risque, la puissance. C'est une dimension qui

procure une sorte de "jouissance euphorique" libératrice des tensions accu-

mulées dans la vie quotidienne. Bien qu'on peut leur attacher un caractère

"individualiste", une analyse minitieuse permet de faire ressortir le carac-

tère social de l'hédonisme. Les motivations individuelles se distinguent

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alors comme une "fuite par en avant", une tentative d'échapper, ne serait-ce

qu'un moment, aux tristes et frustrantes réalités du quotidien.

L'hédonisme et l'affirmation de soi constituent deux types de motiva-

tion qui, tout en possédant leurs particularités propres, ne sont pas pour

autant exclusifs. Ceux qui ont des motivations hédonistes désirent peut-

être s'affirmer face aux autres; le contraire est moins probable car on peut

s'acheter une voiture puissante, d'allure sportive sans nécessairement

éprouver des sensations "grisantes" à faire de la vitesse. Dans ce dernier

cas, les performances potentielles du véhicule comptent moins que l'ensemble

des pressions sociales qui poussent l'individu à exhiber son statut (réel ou

idéalisé) dans l'échelle sociale.

3.1.2.3 Facteurs reliés à l'évaluation subjective du risque d'accident

Faisant simultanément référence aux concepts de représentations

sociales et de risque (ce dernier a été exploré dans la section précédente),

l'évaluation subjective du risque d'accident s'avère un outil d'analyse

pertinent dans l'analyse des causes de l'accident car elle illustre de façon

convaincante que l'image que possède l'usager de l'automobile est sous-

tendue par un ensemble articulé de considérations sociales. Six facteurs

peuvent être inclus dans cette catégorie:

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- la représentation de la difficulté de conduire (ou niveau

de difficulté de la tâche de conduire);

- la représentation de la capacité de conduire;

- la représentation des capacités physiques;

- la représentation des causes de l'accident (habileté, sort,

fatalité);

- les exemples fournis par d'autres conducteurs;

- les normes sociales.

Par le jeu des représentations, le conducteur perçoit le risque

d'accident - non pas dans sa réalité objective mais - en fonction de l'image

stéréotypée que lui transmet le discours social dominant. Ce discours

diffuse une image culpabilisante (victim-blaming) qui, â grands renforts

d'arguments statistiques, porte à croire que la majorité des accidents sont

imputables â une erreur humaine.

La façon de concevoir et d'appréhender le risque est également impor-

tante; l'accident de la route a une place prépondérante dans la hiérarchie

des risques. Le comportement du conducteur est en outre commandé par la

probabilité qu'il considère d'être impliqué dans un .accident. Associé au

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fait que le risque est statistiquement recensé, comptabilisé et payé (quand

on acquitte ses factures d'assurance-automobile), il est facile de compren-

dre comment l'approche classique a présenté à l'individu une certaine image

du risque basée sur des données, concrètes certes, mais biaisées par une

analyse superficielle des causes de l'accident.

"Exposition aux accidents rapportés au véhicule utilisé, au type d'infrastructure, au kilométrage parcouru, aux caracté-ristiques sociologiques, des usagers, risque encouru, perte de contrôle, comportement psychologique de base, la signifi-cation de la notion de risque routier reste empirique et variable selon les approches théoriques et les domaines d'application" (Barjonet, 1983).

Ainsi considérée, l'évaluation subjective d'etre impliqué dans un

accident met en relief tout un amalgame de considérations sociales. Elle

constitue un trait distinctif qui oppose entre eux le

classes sociales et les types de consommation et perm

rapports de domination au sein de la société.

(1976):

s groupes sociaux, les

et de caractériser les

Unsi, selon Bourdieu

"Les cla sses dominantes seraient les dépositaires du "goût du risque" dans le champ de la circulation routière au même titre que, dans d'autres secteurs de la vie sociale, celui des pratiques et des consommations culturelles, par exemple elles sont le "goût du luxe" (in Barjonet, 1983).

Axiomatique des valeurs associées à l'automobile, le risque ne doit

pas être exclusivement perçu en fonction des scénarios traditionnels qui

culpabilisent l'individu. La lecture des représentations sociales associées

au risque d' accident doit être entreprise en relation avec une vision sinon

critique, du moins compréhensive des rapports sociaux qui sous-tendent le

comportement de l'usager de la route.

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3.1.2.3.1 eprJlsentati_o:n de_la dlf^f^cul^de c_ondu_ir_e

La représentation de la difficulté de conduire fournit un exemple

convaincant du fait que l'usager de la route est conscient des phénomènes

sociaux qui influencent son comportement. La réglementation routière, la

"concurrence" pour l'appropriation d'un espace de circulation (et/ou de

stationnement), la sensibilisation au phénomène des accidents de la route

fournissent des exemples de cet état de fait. Reproduisant les thèses du

discours officiel qui veut que le conducteur soit coupable, les représenta-

tions du niveau de difficulté de la tâche de conduite se limitent toutefois

à l'interprétation qui veut que le facteur humain soit responsable des acci-

dents sans considération pour les facteurs infrastructurels.

3.1.2.3.2 La__rep_réventa.t.ion cte_ses_capa.c_ités_dj; c_oiid jct_eur

La représentation de ses capacités de conducteur est marquée du sceau

de la distinction sociale et des caractéristiques qui lui sont inhérentes.

Des variables comme l'âge, le sexe, le niveau d'étude, l'intérêt pour la

conduite automobile jouent beaucoup et contribuent à une sorte "d'auto-

catégorisation" conducteur évalue ses capacités en fonction de son statut au

sein de la société et, dans le cas qui nous occupe, en fonction de son sta-

tut par rapport aux autres usagers de la route. Ainsi l'approche classique

détermine que:

- le conducteur est coupable de l'accident;

- les styles de conduite varient selon la position

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des individus dans l'espace social;

- les personnes ont toutefois une meilleure opinion

de leurs propres capacités à conduire que de celles

de leurs voisins (Herickx, 1984).

Ces constats culpabilisent l'individu. Ils sont diffusés par les

acteurs sociaux légitimes.

3.1.2.3-3 I,a_r^présentat_ion. de_ses_ea_pacij:és_phys 1 ques

La représentation de ses capacités physiques dévoile un aspect inté-

ressant de la dynamique des accidents routiers. Ainsi, selon l'Organisation

mondiale de la santé:

"Le risque que court un conducteur d'être tué dans un acci-dent de la route atteint son apogé au moment où l'individu est en pleine possession de ses moyens physiques et de ses facultés psychomotrices et de coordination considérée comme essentiel à la sûreté de la conduite automobile, alors que lorsque ces facultés sont sur leur déclin le risque est au contraire plus faible" (O.M.S., 1969).

Cette contradiction apparente explique la force de persuasion des

représentations sociales qui agissent sur le conducteur en lui donnant une

fausse image de lui-même, tantôt dévalorisante, tantôt faussement rassu-

rante. En prédisposant les individus à l'égard du risque d'être Impliqué

dans un accident en raison de leurs capacités physiques, la société forge

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dans leur subconscient des attitudes spécifiques face à leur santé, à leurs

biens et à leur vie- Boltanski écrit que:

"La témérité relative d'une fraction des conducteurs de classes populaires ne constitue sans doute qu'un aspect d'une attitude générale à l'égard du risque, elle-même corrélative d'une insécurité objective beaucoup plus forte que les autres classes" (1975).

L'intérêt accordé aux considérations humaines et matérielles relève

encore une fois de l'appartenance de classes. Ainsi les classes aisées se

préoccupent davantage de leur sécurité corporelle alors que les gens de

statut défavorisé s'inquiètent de leur véhicule. L'intérêt porté à soi,

l'image physique et psychologique du MOI est d'autant minimisée.

3.1.2.3.4 I,a_re pré£en_t£tl_o_n des _caus£s_de accident

Élément-clé sur lequel se base la stratégie classique du "victim-

blaming", la représentation des causes de l'accident impute au facteur

humain la majorité des tragédies routières. Corrolairement, elle minimise

la responsabilité potentielle du facteur infrastructurel (véhicule, route,

environnement socio-économique, etc.) et vise, par la même occasion, cer-

tains groupes-cibles (comme les jeunes, les délinquants, les alcooliques,

etc.). La taxinomie officielle basée sur la notion de responsabilité indi-

viduelle distingue quatre types de représentations, selon que l'on attribue

la cause éventuelle d'un accident:

- â une conduite imprudente;

- au manque d'habilité de la part du conducteur;

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- au manque de chance (connotation du hasard);

- au sort (connotation de déterminisme, de fatalité).

Cette image des causes de l'accident s'impose comme la seule version

officielle. Elle considère en dernier recours le conducteur comme "l'élé-

ment le plus adaptable du système" (Barjonet, 1983). Elle décompose â l'ex-

trême les facteurs probables pour élargir la part de responsabilité dévolue

a l'usager de la route même lorsque l'accident est imputable au hasard ou à

la fatalité (ne considère-t-on pas immédiatement le "risque assumé par l'in-d l v i d u" Quatld o n a affaire à un accident du au hasard, à la fatalité?)

Pour la majorité des Individus, lorsque les facteurs humains invoca-

bles sont écartés, le fatalisme devient la seule explication plausible. Le

fatalisme est, pour Barjonet, un moyen de se concilier l'étrange, l'aléa-

toire, l'événement difficile ou impossible à maîtiser. Il constitue un

dernier rempart dialectique pour masquer le dérapage du contrôle technique,

l'impuissance de la technologie à maîtriser les conditions de circulation

ou, enfin, les incapacités et inégalités du système socio-économique domi-

nant qui, par intention ou par omission, contribue à la production des acci-

dents. Pour l'auteur français:

"Croire en la fatalité, en définitive, c'est accepter d'assu-mer le risque lié au déplacement automobile. Refuser la fatalité reviendrait à choisir un autre mode de transport, plus sûr. Mais, nous l'avons vu, les contraintes de l'espace-temps industriel, du découpage géographique des activités, du marché du travail et de l'immobilier rendent souvent difficile, sinon illusoire ce type de choix. Comme dans beaucoup d'autres secteurs de la vie quotidienne la

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croyance en la fatalité reste encore une issue, un procédé qui permet d'affronter un monde hostile sans rester immobili-sé par la crainte ou l'angoisse. Son contraire serait sans doute la névrose ou le contrôle généralisé de la mobilité, de ses agents et de ses instruments" (Barjonet, 1983).

3.1.2.3.5 Exem£les_four_nl_s par les autres conducteurs

Si l'idéologie du pouvoir dominant émet un message culpabilisant à

l'endroit de l'usager de la route, la réception de ce message n'est pas

toujours interprétée comme une accusation personnelle* Le plus souvent le

conducteur prend note des observations officielles, sans pour autant y voir

un blâme sur sa façon de se comporter au volant. Barjonet émet l'hypothèse

que :

"(...) dans le système de circulation routière où les agents sont en constante interaction, l'observation et la connais-sance du comportement des "autres" joue un rôle régulateur qui convertit ou qui remplace la norme réglementaire en norme sociale ayant valeur de consensus ou de juste milieu" (1983).

Le principe de responsabilité individuelle est donc acquis et accepté

dans sa dimension collective. Pour l'usager de la route, les accidents de

la route sont causés par des facteurs humains mais rarement par leurs pro-

pres erreurs. Barjonet précise d'ailleurs que;

"Dans le groupe des conducteurs, la forme que revêt cette imputation ressemble le plus souvent à une accusation du comportement des autres conducteurs. L'ensemble constituant les "autres" s'apparente à une taxinomie sociologique regrou-pant des types Idéaux désignant les troubles-fêtes, les femmes, les jeunes, les vieux, les alcooliques, les dis-traits, suite de bouc-émissaires, où chacun attribue à une catégorie particulière, le plus souvent en opposition avec sa propre image sociale, la responsabilité de l'accident" (1983).

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L'image de l'individu fautif que diffuse le discours classique est

intériorisé en fonction des rapports sociaux qui prévalent dans notre

collectivité et qui opposent jeunes et vieux, hommes et femmes, riches et

pauvres, consommation symbolique et consommation instrumentale de l'automo-

bile. Il n'en demeure pas moins, cependant, que cette interprétation conti-

nue â faire accuser l'individu et dissimule la responsabilité des facteurs

infras tructurels (véhicule, environnement, etc.).

3.1.2.3.6. l es normes sociales

Attitude émise par les autorités légitimes et reproduite par les

médias d'information, le principe de responsabilité individuelle jette le

voile sur le contexte social dans lequel s'exercent les choix individuels.

Ce contexte social constitue un élément-clé dans la compréhension des causes

présumément humaines des accidents de la route. Il est construit à partir

d'un ensemble de valeurs, normes, conduites, images et rôles qui sont arti-

culés par les représentations sociales.

Les normes qui sont aussi véhiculées par les représentations sociales

font référence aux comportements qui sont socialement privilégiés (vitesse,

risque, prestige, concurrence, distinction). Ces notions trouvent leurs

sources dans la société et sont organisées sur un modèle fourni par la

société et qui le contraint à adopter involontairement une attitude négative

au volant. Pour Barjonet, il demeure évident que "les modes de vie indui-

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sent le conducteur aux transgressions des règles de sécurité". Le champ

d'action et d'intervention de l'usager de la route se limite donc à cet

étroit corridor borné par les prescriptions légales du code pénal et les

pressions sociales informelles inhérentes à notre modus vivendi: s'en tenir

aux règles strictes de sécurité routière veut dire qu'on ne participe pas à

cette consommation distinctive alors qu'en cas contraire on se voit accuser

d'avoir causé un accident.

3.1.2.4 États humains transitoires

Représentatifs de l'approche classique de victimisation, les états

humains transitoires attribuent l'accident à l'incapacité qu'a l'individu de

conduire son véhicule correctement. Ces états font particulièrement réfé-

rence à:

- la fatigue;

- les intoxications graves par tranquilisant,

agents psychotropes et barbituriques;

- l'alcoolémie;

- le stress.

Les problèmes reliés à l'alcool sont les mieux connus et sont très

souvent reliés aux accidents de la route (50% des décès, 30% des accidents

avec blessures graves)(Lépine, 1983). Leur Importance a d'ailleurs été

récemment publicisée avec l'entrée en vigueur de la nouvelle législation

fédérale sur la conduite en état d'ivresse. Ce type d'intervention est

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particulièrement orienté sur la responsabilité individuelle et ne considère

aucunement les événements extérieurs à la consommation d'alcool (environne-

ment socio- économique, problèmes au travail, troubles conjugaux, etc.), qui

font que la boisson est consommée, quelquefois pour célébrer des événements

heureux mais aussi qu'elle est "la solution" face aux problèmes de la vie

quotidienne.

Incidemment les sources de stress qui incitent à la consommation

d'alcool sont nombreuses et diversifiées. Elles touchent davantage les

catégories de gens qui sont les moins bien préparés à "affronter la vie" et

mettent davantage en relief les Inégalités sociales face à la vie, face à

l'accident, face à la mort.

La première partie de ce troisième chapitre a proposé une lecture

critique de la causalité des accidents, notamment celle de responsabilité

individuelle qui culpabilise l'individu. La deuxième partie met davantage

en évidence les facteurs infrastructurels qui englobent, outre les déficien-

ces techniques des véhicules et les conditions climatiques, une vision élar-

gie de 1'environnement social, économique et culturel au sein duquel le

conducteur est appelé à vivre et qui le contraint à faire des choix qui

mettent en péril sa propre sécurité ainsi que celle des autres usagers de la

route.

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3.2 LES FACTEURS INFRASTRUCTURELS

Par facteurs infrastructurels, le présent document fait référence aux

causalités qui ne sont pas nécessairement attribuables à l'individu. Cette

typologie s'inspire de Barjonet qui oppose facteurs humains â ceux

d'infrastructure. Elle est privilégiée par les "apôtres de l'approche

sociale" qui orientent leurs discours en vertu du principe de responsabilité

collective des accidents de la route. On peut la décomposer ainsi:

Facteurs infrastructurels

—Environnement naturel ,—gëographie '—climat

social —politique —économique — travail —famille culture

réseau routier

—Véhicule j— aspect technique I— aspect symbolique

L'approche classique, on l'a vu, tend à minimiser les causes attri-

buables aux facteurs infrastructurels. Environnement, conditions routières

défavorables, défectuosités techniques jouent un rôle mineur tant dans le

discours officiel que dans l'idée des usagers de la route.

Dans l'étude de Barjonet, c'est toujours le comportement du conduc

teur qui s'oppose le plus à la réduction des accidents de la route (1983).

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QU'EST-CE QUI S'OPPOSE LE PLUS À LA REDUCTION DES ACCIDENTS DE LA ROUTE?

en Z Conducteur Chauffeur Ingénieur Gendarme

Comportement du conducteur

78,8% 80,0% 88,0% 90,9%

État de la route

14,8% 18,0% 6,0% 4,5%

Conception des véhicules

2,6% 2,0% 6,0% 2,3%

Source: Barjonet, 1983.

Pour reprendre la perspective défendue par l'auteur français:

"(...) le consensus sur la mobilité automobile et l'attribut des causes de l'accident au facteur humain peuvent être com-pris comme les deux faces d'une même pièce idéologique dont l'acte principal serait en proposant un modèle d'explication des causes de l'accident qui affirme la prépondérance du fac-teur humain, de sous-estimer ou de dissimuler la part due à l'infrastructure routière à la technologie de l'automobile et au système de transport" (Barjonet, 1983).

L'analyse basée sur la responsabilité individuelle se doit donc

d'être substituée par une approche globale à caractère social et qui s'arti-

cule autour des considérations environnementales et celles reliées au véhi-

cule.

3.2,1 Les facteurs liés à l'environnement

La démarche classique axée sur l'Individu convient mal à une analyse

critique de la causalité des accidents car elle masque plusieurs éléments

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d'explication fort valables et nie le fait que les choix personnels s'exer-

cent avant tout dans un contexte social plus global: l'environnement.

Cette notion d'environnement est nébuleuse- Au sens strict du terme,

le mot environnement est étroitement associé aux luttes contre la pollution

et à la promotion d'une approche plus écologique de notre style de vie.

Ainsi, la bonification de l'air, de l'eau, la mise en valeur des ressources

naturelles et la promotion de la qualité de vie constituent des "champs de

bataille" pour les groupes prSnant un meilleur environnement. Ce champ de

représentations sociales a été récupéré par un certain pouvoir politique

qui, pour mieux masquer les contradictions et les inégalités économiques de

notre civilisation, a stoppé la construction de tour à bureaux, d'autoroutes

et de stationnements étagés au coeur des grandes agglomérations.

Toutefois, pris dans sa vocation "in extenso", l'environnement est un

champ de représentations sociales infiniment plus étendu. Cette approche

englobe entre autres:

- l'environnement naturel (géographie, climat);

- l'environnement social (politique, économique, famille,

monde du travail, culture, etc.) et, dans le cas qui

nous occupe;

- l'infrastructure routière.

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3-2.1.1 L'environnement naturel

La notion d'environnement naturel s'appuie sur des prémisses géogra-

phiques et climatiques. Dans cette perspective, le caractère accidenté des

routes en terrains montagneux tout comme les rudes conditions climatiques

que nous subissons sont créatrices des facteurs accidentogènes particuliers.

Plaques de glace, neige, verglas, brouillard sont des éléments naturels sur

lesquels les conducteurs n'ont pas de pouvoir et qui peuvent néanmoins cau-

ser des accidents. Toutefois, la qualité de cet environnement ne doit pas

être exclusivement basée sur ces seules considérations. La qualité de l'air

que nous respirons, de l'eau que nous buvons et des aliments que nous con-

sommons est constamment dêterriorêe par la présence de contaminants chimi-

ques qui pénètrent dans la chaîne alimentaire et affectent notre santé.

Garant (1983) rapporte que:

"S'appuyant sur le concept de santé environnementale, la géographie de la santé adopte une perspective écologique qui met en evidence la relation étroite entre la santé d'une population, 1 environnement physique et social et les habitu-des de vie (ou mieux encore un mode de vie propre â un milieu). Les récents travaux de Pampalon (1983) constituent un excellent exemple de cette orientation".

Les récentes catastrophes écologiques concernant les fuites de

B.P.C., les déversements de pétrole ou le grave problème des pluies acides

constituent des menaces à notre qualité de vie et se répercutent sur notre

santé physique et mentale. En fin de compte, elles affectent notre compor-

tement et deviennent des facteurs potentiels d'accidents routiers. Elles

mettent surtout en évidence le fait que notre environnement naturel est

tributaire de notre type de civilisation.

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3.2.1.2. L'environnement social

La nécessité d'une stratégie de recherche et d'intervention orientée

au niveau du social s'impose. La structure du contexte social dans lequel

nous évoluons est créatrice de problèmes de santé multiples qui ne peuvent

être corrigés par les seules initiatives individuelles. Pour analyser les

causes des accidents routiers, l'étude du champ social doit être entreprise

dans les domaines :

- institutionnel (la politique);

- économique;

- le monde du travail;

- la famille;

- la culture.

C'est dans cet esprit que Barjonet a amorcé sa problématique qui:

"vise à décrire et à analyser les relations qui s'établissent entre les caractéristiques des conditions de vie économique, sociales et culturelles, et les positions correspondantes dans les champs des styles de vie" (Barjonet, 1983).

Ainsi, par l'étude du contexte global dans lequel se prennent les

décisions individuelles, on peut examiner comment les usagers de la route

sont prédisposés à entretenir des rapports spécifiques avec l'usage de leur

véhicule.

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3.2.1.2.1 As^e et _jP2_l it ique_( ou_in s^i tu tlonn_e_l )

"Promoteur supposé être au-dessus de tout soupçon" (Barjonet, 1983)

l'Etat contribue pourtant à orienter et à déterminer la fréquence et la

gravité des accidents de la route. Par la qualité des équipements qu'il

planifie, finance et assure l'entretien, par le degré de coercitivité qu'il

donne à ses législations mais surtout parce qu'il se fait souvent le porte-

parole légitime des acteurs sociaux qui diffusent des messages de victimisa-

tion, le pouvoir politique détermine indirectement les causes des accidents.

Ainsi pour Barjonet, qui aborde entre autres, le thème de la sécurité rou-

tière :

"La réglementation administrative n'est pas très ambitieuse dans ses objectifs; elle n'amène pas de changements impor-tants au sein de l'organisation sociale; elle a une portée historique restreinte et ne suscite pas de grands événements mais elle codifie et normalise des secteurs entiers de l'ac-tivité sociale, elle met en cause des systèmes de valeur, des pratiques effectives ou symboliques et s'adresse à des millions d'individus" (1983).

Bref, l'Etat impose des règles et tend à uniformiser les comporte-

ments individuels. En dressant des paramètres légaux aux gestes des usa-

gers, il culpabilise l'individu et tend à masquer la responsabilité collec-

tive et les défectuosités mécaniques des véhicules. Enfin, il tend à éta-

blir des distinctions sociales au niveau symbolique à partir desquelles se

situent les usagers de la route. En marquant leur adhésion ou leur dissi-

dence face à la norme, les usagers du réseau routier identifient leur statut

social véritable ou celui auquel ils croient ou souhaitent appartenir.

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Cette dimension de l'aspect politique jette le voile sur un aspect

sociologique intéressant: les principaux mouvements de constestation face â

l'autorité de l'État ne proviennent pas des" mouvements de contestation

populaires" mais de la classe privilégiée qui se voit restreindre le plein

usage de son capital (Barjonet, 1983).

Même si plusieurs tentent de minimiser le pouvoir dévolue à l'Etat,

les formes de pouvoir qui le composent (exécutif, législatif, administratif

et judiciaire) peuvent influencer le rythme et la gravité des accidents.

C'est par l'étude des causes et des types d'accidents que l'on évalue l'im-

portance que le gouvernement accorde à la qualité de vie.

3.2.1.2.2. A.S£e£t_économique^

De tous les facteurs susceptibles de causer des accidents, ceux

reliés à la structure socio-économique s'avèrent sans doute les plus déter-

minants. Les contraintes de l'espace-temps industriel, le découpage géogra-

phique des activités économiques, la vive concurrence qui s'exerce pour

obtenir les meilleurs sites stratégiques sont les éléments qui contribuent

le plus à façonner notre style de vie, nos comportements et l'usage symboli-

que que nous faisons de nos biens (ex.: véhicule-moteur). Ainsi, pour

Barjonet:

"(...) il est significatif de constater que la consommation de la vitesse est plus répandue dans les couches sociales les plus insérées dans les activités économiques dominantes, notamment dans le secteur productif et dans les professions à

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caractère libéral, mais aussi chez les ouvriers, et parmi les populations les plus jeunes, les mieux motorisées et les plus intéressées par la pratique symbolique associée à l'usage de l'automobile" (Barjonet, 19B3).

Dans ce système basé sur les rapports de classes, les inégalités sont

nombreuses. Elles apparaissent sous les formes de la pauvreté, de la mala-

die, du chômage, de l'endettement. Ces situations créent des tensions qui

sont aggravées par l'instabilité des marchés, l'irrégularité des cycles

économiques, les soubresauts des taux d'intérêts et l'inflation. Finale-

ment, par le jeu des représentations sociales, la classe dominante tente de

légitimer sa position en rejetant la responsabilité des dysfonctions du

capitalisme sur le gigantisme de l'État et ce, au même moment où les porte-

parole néo-conservateurs font miroiter la promesse d'une reprise économique

par l'introduction des nouvelles technologies, le 1 ibre-échange, le retour

aux valeurs individuelles, etc.

Or, contrairement à ce qu'on nous laisse croire, cette perspective

est une source de stress et d'incertitute puisque les opérations de rationa-

lisation, de coupures de budget se traduisent par des fermetures d'usine,

des mises à pied, des augmentations de tâches, etc. L'état de santé physi-

que et mentale de la population s'en trouve affecté (stress, violence,

divorce) au niveau individuel. Dans cette perspective, c'est toujours l'in-

dividu seul qui doit supporter les conséquences de ces pratiques économiques

institutées par le grand capital et les classes dominantes et qui façonnent

tant notre style de vie que nos comportements. En valorisant à outrance les

idéaux de compétition, de risque, de concurrence, d'efficacité, de perfor-

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mance notre environnement économique exerce sur l'individu plusieurs incita-

tifs à l'accident dont:

- le stress dû à l'incertitude face à l'avenir;

- le goût exagéré du risque ;

- la consommation de l'automobile (tant aux niveaux pratique

que symbolique).

Le "procès" de l'aspect socio-économique peut encore s'articuler plus

longuement. N'ont figuré ici que quelques éléments de réflexion prélimi-

naires.

3.2.1.2.3 Aspects_ reliés_au_ monde_ du_travail

Comme le découpage géographique des activités économiques Impose sou-

vent le déplacement par automobile des individus entre leur lieu de rési-

dence et de travail, l'examen des aspects reliés au monde du travail peut

être, du moins intéressant, sinon déterminant, dans l'étude des facteurs

accidentogènes. D'une part, le trajet domicile-travail s'effectue à

l'intérieur de paramètres bien déterminés de temps et d'espace. D'autre

part, le stress accumulé pendant la période de travail - et qui est dû au

caractère même de l'économie de marché - contribue à écraser le conducteur

et â affaiblir ses facultés de conduite. Garant (1983) rapporte entre

autres que :

"L'interprétation la plus couramment donnée par les cher-cheurs du stress professionnel est le manque d'adéquation entre les aptitudes des travailleurs et les exigences de l'emploi ou entre les besoins de l'individu et les ressources offertes en milieu de travail pour satisfaire ses besoins".

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Cette inadéquation entre les aptitudes et les exigences de l'emploi,

entre les besoins et les ressources ne constitue en fait qu'une autre des

facettes des problèmes de notre civilisation où règne la concurrence et au

sein de laquelle les différents groupes luttent pour s'assurer une position

dominante dans la hiérarchie sociale. Barjonet rappelle â cet effet que:

"L'insécurité corporelle (dureté des conditions de travail), l'insécurité économique (dépendance vis-à-vis du marché de l'emploi), l'intériorisation de la rigueur des conditions matérielles d'existence tiennent ainsi à limiter l'intérêt porté à soi, au corps propre et détermineraient la relation que les agents des classes populaires entretiennent avec le risque" (1983).

3.2.1.2.4 Aspects_ r_el-iés_à_l£ J^ami^le

Le contexte familial dans lequel le conducteur est né, a grandi et

évolué au cours de sa vie d'adulte, a une influence prépondérante sur son

style et son comportement. D'une part Bourbeau (1983) note une

"complémentarité entre les approches démographiques et épldémiologiques".

L'ensemble de la culture et de la "civilisation" automobile n'a pas pénétré

tous les foyers de façon aussi prononcée et on s'aperçoit que celles dont

l'héritage de conduite remonte à deux ou trois générations a englobé l'habi-

tude de conduire au même titre que l'usage de l'électricité ou du téléphone.

"La conduite y est une habitude" (Barjonet, 1983).

D'autre part, l'instabilité conjugale qui prévaut dans une grande

partie des couples contemporains crée des effets déstabilisateurs qui se

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reflètent dans la conduite automobile. Les différents types de rupture

(séparation, divorce, veuvage) contribuent à augmenter le niveau de stress,

à créer des états humains transitoires (alcoolisme) qui se réflètent dans le

comportement du conducteur au volant de son véhicule. On voit mieux ici la

nécessité d'analyser les facteurs causals au-delà de l'approche classique

qui regarde les causes premières de l'accident sans considérer l'environne-

ment social global dans lequel évolue l'usager présumément fautif.

3.2.1.2.5 As£_ects_ culturel^

Associer "culture" et automobile peut, à prime abord, sembler farfe-

lu. Toutefois, dans la mesure où l'on élargit la notion de culture à celui

du mode de vie des individus, les styles de conduite apparaissent dès lors

définis par la position des usagers dans l'espace social. La culture englo-

be donc ici tout le champ des pratiques distinctives, les attitudes face à

la conduite et les représentations sociales associées à la conduite des

véhicules et la causalité des accidents routiers. Dans une stragédie d'ex-

plication basée sur l'environnement global, les facteurs culturels possèdent

une influence presque aussi déterminante que ceux reliés à l'économie; sou-

vent ils sont interreliés.

La manisfestation des aspects reliés à l'environnement culturel est

maintes fois évoquée dans l'ouvrage de Barjonet (ex.: médailles de St-

Christophe qui sont remplaçées par le rituel symbolique d'attacher la cein-

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ture de sécurité). Plus simplement, le contenu des émissions de télévision,

des programmes de cinéma et de la publicité met en évidence la présence de

l'automobile et lui confère un statut symbolique en l'associant à la

vitesse, la violence et la domination. On remarquera Ici que les types

d'association peuvent être fort nombreux; ils rejoignent l'esthétique, la

mode, le sexe et s'inscrivent dans notre style de vie comme une sous-culture

spécifique.

On ne peut, selon Barjonet, dissocier le milieu culturel du champ de

représentations sociales. Ainsi:

"L'étude des représentations sociales n'est rien d'autre que celle de ces pans d'idées, de conduites, de liens humains qui vont et viennent avec les mots et constituent pendant un laps de temps donné, notre milieu culturel" (1979).

Même s'il prend soin de noter que la culture n'occupe pas exclusive-

ment tout le champ des représentations sociales, Barjonet affirme d'une part

que ces dernières diffusent les normes culturelles et d'autre part que la

consommation de signes culturels obéit aux logiques sociales de consomma-

tions distinctives. C'est en effet au niveau de chaque culture et sous-

culture (bourgeoiserie, classe moyenne, prolétariat) qu'il convient d'analy-

ser l'environnement social et psychologique propre à chaque individu et du

groupe social auquel il appartient. En saisissant comment l'individu évolue

au sein de sa culture, Il est possible d'esquisser une explication globale

sur la façon dont II appréhende la vie, la conduite automobile, l'accident.

Pour Barjonet:

"La représentation des causes d'accident centrées sur les conducteurs exprimerait des formes d'influence culturelle,

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notamment parce que ceux-ci sont en position d'être influen-cés compte tenu des enjeux liés à la mobilité automobile. L'effet culturel serait alors secondaire ou symptomatique d'un système visant à préserver, sinon à imposer, l'automobi-le comme moyen de transport dominant malgré les nuisances graves qu'elle entraîne. Il y aurait là un processus de déplacement des inconvénients du système transport tel qu'il existe sur ses principaux utilisateurs, qui reprendraient à leur compte et s'identifieraient aux dysfonctionnements de ce système. Car nous constatons, face à un mode de transport dominant, un discours dominant lui aussi, qui propose un modèle d'explication des causes de l'accident. Ce discours est dominant parce qu'il émane de l'élite du pouvoir social et parce qu'il éclipse d'autres types de discours possibles. Ce discours est rendu légitime, autorisé, essentiellement par le statut social de ceux qui le profèrent. La force qui agit à travers ce discours n'est pas simplement dans les paroles mais dans les porte-parole (...)".

"On nous taxera peut-être de pessimisme sociologique et on reprochera d'oublier qu'une représentation sociale peut être aussi source de création et d'innovation. Cela est probable-ment vrai mais dans le domaine de la sécurité routière les pesanteurs culturelles semblent particulièrement fortes et le degré de liberté accordé aux acteurs sociaux relativement faible. Les représentations semblent refléter cet état des faits. Dans le champ particulier des accidents de la route, cet effet est renforcé par l'incertitude qui règne quant aux doctrines explicatives" (1983).

3.2.1.3 Le réseau routier

Bien que les représentations dominantes accordent peu de responsabi-

lité à l'état de l'infrastructure routière dans la cause des accidents, la

qualité du réseau routier constitue aussi un facteur accidentogène. En

fait, on évalue la qualité de ce réseau par l'état de sa signalisation, son

entretien ainsi que par sa structure hiérarchique, ce qui nous renvoie à des

considérations économiques.

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Ici entrent en jeu des rapports multiples. On aura tendance à consi-

dérer d'une part l'investissement consentit au réseau routier intrinsèque:

qualité des matériaux utilisés, structure et aménagement des axes primaires

par rapport à ceux de la périphérie, part du budget consacrée à l'entretien

préventif (ex.: déblaiement hivernal), sommes d'argent prévues dans la

construction d'axes monumentaux dont la planification se révèle ultérieure-

ment déficiente (boulevard Métropolitain â Montréal, Autoroute du Vallon à

Québec, boulevard Jacques-Cartier entre les deux secteurs de Baie-Comeau).

Il apparaît dès lors que le réseau routier pourrait être amélioré tant aux

niveaux quantitatif que qualitatif. Il est courant chez les usagers de

réclamer davantage d'autoroutes (Barjonet, 1983).

D'autre part, les sommes Investies dans le développement de l'indus-

trie automobile, des axes routiers, des services reliés au transport indivi-

duel se justifient-elles par rapport à celles consenties pour le transport

collectif? Le type de société dans laquelle nous vivons privilégie l'auto-

mobile car ce moyen de transport représente les idéaux de consommation dis-

tinctive, de protection de la vie privée et qu'elle constitue un formidable

outil de vie économique. De par son étendue, ses dimensions et sa pénétra-

tion au coeur même des zones naturelles, le réseau routier interfère avec

l'environnement, accapare une part importante du budget national et met en

danger la vie des usagers-piétons qu'ils soient eux-mêmes motorisés ou pas.

Il demeure en fin de compte impossible de dissocier l'état du réseau routier

de l'environnement socio-économique qui le planifie, le construit et l'en-

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tretient. Les observations relatives aux usages instrumental et symbolique

du véhicule vont contribuer à préciser ces relations.

3.2.2 Les facteurs liés aux véhicules

Bien que, dans l'approche traditionnelle de responsabilité indivi-

duelle, une proportion très faible des accidents est Imputée aux défectuosi-

tés techniques du véhicule, ce dernier demeure une cause relativement impor-

tante des tragédies routières car, sous la pression des agents économiques,

l'usage symbolique de l'automobile est venu à se substituer à son usage

instrumental.

Rappelant l'épopée des premiers véhicules de série, Barjonet explique

"l'option fordienne" de modèle unique et fonctionnel se révélait en contra-

diction avec l'économie de marché" (1983). L'environnement concurrentiel

qui prévaut au sein de notre société a privilégié les performances axées sur

le confort et la vitesse par rapport aux préoccupations de sécurité routière

en cautionnant cette attitude par le fait que le conducteur est souvent

responsable des accidents, qu'il est l'élément causal qui peut en dernier

recours éviter l'accident. Ainsi:

"Les caractéristiques qui différencient le mieux les styles de conduite se rapportent à la fois au statut social (âge, sexe, position sociale, scolarité, commune et zone géographi-que de résidence), aux spécificités du véhicule (état du véhicule à l'achat, puissance, équipements en option ou accessoires de sécurité) et aux pratiques symboliques asso-ciées à l'usage de l'automobile (intérêt ou désintérêt porté aux cours supérieures de conduite et aux rallyes, érudition en matière de sport automobile)" (Barjonet, 1983).

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Les facteurs de causalité permettent donc de distinguer les dimen-

sions symboliques des véhicules de leurs particularités techniques mais tout

en rappelant que l'environnement économique concurrentiel a préséance sur la

sécurité des usagers.

3.2.2.1 Les aspects techniques

Si l'approche classique de responsabilité individuelle culpabilise

le conducteur, rarement fait-on référence à la défectuosité technique du

véhicule. Ainsi:

"Lorsque l'automobile est désignée comme facteur d'accident, il se produit un déplacement de la responsabilité de la ma-chine vers le conducteur: le risque est attribué à un mau-vais entretien du véhicule plutôt qu'à des défauts de concep-tion. La machine automobile, le produit fini et offert par les consommateurs est finalement peu mis en cause" (Barionet 1983).

Il faut bien l'admettre, les progrès de la science, associés à une

longue expérience ont permis des performances techniques très appréciables.

Ces performances sont de deux ordres: d'une part, les équipements de sécu-

rité ont été améliorés (ceinture autobloquante, pare-brise émléttable,

ballon gonflable); d'autre part, la puissance potentielle du moteur, son

aérodynamisme et ses équipements anti-pollution permettent d'atteindre des

vitesses élevées et un haut rendement énergitique. Toutefois, ces préceptes

rejettent la responsabilité sur l'usager sans considérer son attitude face

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au risque ou les capacités économiques qu'il a de s'offrir un véhicule abso-

lument sécuritaire.

Or, il y a inégalité dans l'accès aux normes de sécurité puisque les

voitures ne sont pas également pourvus d'un ensemble équivalent d'équipe-

ments de sécurité. Ceux qui, parmi les conducteurs, peuvent

s'offrir des véhicules très récents jouissent des dernières innovations en

matière de sécurité routière alors que les autres ont moins de protection:

"Les voitures de fortes cylindrées sont plus dangereuses pour les autres usagers alors que celles de petites cylindrées sont plus dangereuses pour leurs conducteurs. On peut en conclure que l'offre de sécurité est différenciée selon le type de véhicule et encore ne comptons pas dans ce calcul les voitures d'occasion" (Barjonet, 1983).

Dans cette perspective, l'examen des causes de l'accident renvoie

l'observateur à l'étude des aspects symboliques du véhicule.

3.2.2.2 L'aspect symbolique

Ayant hérité d'un lourd passé compétitif derrière elle, l'automobile

est un outil de déplacement chargé d'une forte signification sociale. Elle

est ainsi identifiée à la propriété privée, à l'autonomie, la liberté (Fri-

denson, 1977). Ce discours dominant subsiste en établissant des distinc-

tions particulières dans la façon d'utiliser et de percevoir l'automobile.

Pour plusieurs (Barthes, 1963; Duclos, 1976; Zastlavski, 1974; Bonnet,

1975), les significations symboliques de l'automobile dépassent son simple

usage instrumental: elle permet de situer son possesseur et son utilisateur

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dans l'espace social, elle permet de le distinguer par rapport à son envi-

ronnement social global. Ce constat a, pour Fridenson, une grande impor-

tance :

"(...) Les constructeurs ne comptent plus sur le simple attrait de la route pour vendre leurs véhicules. Ils Incor-porent dans leur produit les signes de la différence sociale: luxe, grand luxe, sport, rallye, grand tourisme etc. Cet éclatement des marques en multiples types et modèles - évolu-tion consacrée chaque année par le Salon de l'automobile -est rendu possible et renforcé par la progessive installation de la publicité dans les systèmes de communication sociale. En France, et dans les autres pays occidentaux industriali-sés, où la concurrence entre les grandes marques se fait de plus en plus âpre, à chaque niveau de la gamme, les straté-gies de marketing et les budgets publicitaires mobilisent un capital croissant et influence considérablement ce qui fait la différence de style des automobiles" (1977),

Concrètement, ces préoccupations se traduisent par une propension à

valoriser la vitesse, l'aspect extérieur et le rendement énergitique du

véhicule au détriment de la sécurité de ses passagers. Parce que les con-

ducteurs jugent "non-rentables" la construction de modèle unique, simple, et

sécuritaire, ils multiplient les causes d'accidents reliées au véhicule.

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CHAPITRE IV

LES STRATÉGIES D'INTERVENTION

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4 . 0 LES STRATÉGIES D'INTERVENTION

L'étude sur la causalité des accidents routiers s'avérerait incom-

plète si elle n'était pas accompagnée d'une stratégie d'intervention perti-

nente qui permette de réduire le nombre d'accidents sans pour autant rejeter

sur les individus tout le poids des changements. Or, il faut le reconnaî-

tre, les politiques interventionnistes sont souvent axées sur les change-

ments des usagers de la route (ex.: alcoolisme au volant), alors que leur

élaboration devrait reposer sur des approches collectives qui se situent

hors des champs traditionnels de victimisation.

Les politiques d'intervention en matière de santé ont longtemps été

basées sur une approche individuelle qui culpabilise l'usager mais elles

tendent à être substituées par des politiques qui prennent davantage en

considération le milieu ambiant, l'environnement et les conditions socio-

économiques. Ainsi en 1979, aux Etat-Unis, le rapport du "Surgean General"

proposait de réduire la mortalité, en général, par trois types d'interven-

tion:

- la prévention (planification familiale);

- la protection de la santé (par le contrôle des agents toxiques);

- la promotion de la santé par la lutte au tabagisme,

à l'alcoolisme, etc.

Le rapport mettait en relief la présence d'obstacles à la santé comme

les conditions socio-économiques, les intérêts financiers. Une telle appro-

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che dénote un changement apparent des mentalités qui est d'autant plus sur-

prenant qu'il provient du monde médical américain.

Plus près de nous, Lauzon (1977) a développé un modèle épidémiologi-

que qui préconise des interventions à trois niveaux:

- on rend l'hSte plus résistant;

- on modifie la composition de l'agent (cigarette,

nourriture) de façon à en diminuer l'effet nocif;

- on crée une barrière environnementale (au sens physique

et social du terme) afin d'empêcher l'agent nocif de

venir en contact avec l'hôte.

Ces grands énoncés de principes (qui se retrouvent également dans le

rapport Lalonde, 1974) paraissent en soi fort attrayant lorsqu'on demeure au

niveau de l'observation et de l'analyse factorlelle: ils traduisent sans

doute une certaine volonté d'élargir le cadre des opérations préventives

au-delà de l'aire individuelle. Il n'en demeure pas moins que:

"Dans l'utilisation ultérieure de ces documents, on a tendance à considérer les facteurs qui influent sur la socié-té comme des phénomènes isolés (...) on tire l'impression que la santé est surtout fonction du mode de vie et de l'indivi-du, des risques auxquels il s'expose délibérément" (Garant, 1983).

Bref, quel que soit le courant théorique valorisé, l'approche ne

reflète pas les voeux sociaux de leurs auteurs. On axe encore les interven-

tions au niveau de la modification des habitudes de vie qui seraient, pour

beaucoup, à la source des problèmes de santé contemporains.

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Les politiques d'intervention se révèlent donc peu applicables à

court terme, elles coûtent fort cher à la société et n'ont qu'un impact

mitigé auprès de la population qui est déjà bombardée de sollicitations de

tout genre. Les objectifs, aussi nobles puissent-ils être, sont loin d'être

atteints. Pour certains:

"L'incapacité (...) à considérer les comportements, les atti-tudes, les émotions comme des constructions sociales repro-duit donc l'incapacité de l'idéologie médicale à considérer la santé et la maladie comme des phénomènes sociaux et non seulement individuels.

"Somme toute, en dehors d'une approche multi-factorielle (sic) de la prévention et de la promotion de la santé et d'une implication active des populations, les interventions destinées à modifier les habitudes de vie risquent d'avoir une efficacité limitée et de courte durée. Elles risquent en outre d'avoir un impact plus important sur le développement du nouveau marché de la santé qui s'organise (produits ali-mentaires dits naturels, équipement de conditionnement physi-que sophistiqué, cures de toutes sortes, publications, etc.) que sur l'état de santé de la population". (Garant, 1983)

D'autres croient, pour leur part que:

"La principale raison pour laquelle les programmes de promo-tion de la santé sont loin de produire les effets bénéfiques escomptés (amélioration des normes de santé, réduction du budget des soins, plus grande sensibilisation de la popula-tion à la question de la santé), c'est qu'en dépit du fait qu'ils atteignent la masse en ayant recours à tous les médias d'information, ce ne sont que des individus isolés qui sont visés- Par ailleurs, en faisant de la santé et de la mala-die une question qui dépend d'abord et avant tout du mode de vie de chaque individu, ces programmes ont faussé le débat en passant complètement sous silence une foule de facteurs autrement plus déterminants à savoir: la pauvreté, l'inéga-lité des sexes, le racisme, les risques professionnels et la dégradat ion de l'environnement par la pollution indus-trielle" (Labonté et Penfold, 1981).

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Lee programmes de prévention doivent donc être réorientés sur une

approche globale qui tiennent autant (sinon plus) compte de l'environnement

dans ses dimensions sociale, physique et économique que de l'individu pris

isolément. Ainsi, considérant que, comme toutes les autres ressources, la

santé est inégalement distribuée entre une minorité riche et une majorité

beaucoup moins fortunée, Maclnclay (1975) a suggéré la possibilité de con-

trôler la puissance démesurée du lobbying de certains groupes d'intérêt.

Seule la compréhension des grands enjeux associaux et économiques du pouvoir

social et économique peut améliorer la qualité des programmes d'intervention

et bonifier leur contenu. En fin de compte, la perception des problèmes

(qui est à la base de toute intervention) doit être axée sur les phénomènes

sociaux.

Toute action éducative qu'elle porte sur la prévention des maladies

(et des accidents), doit être exercée tant au niveau général (c.-à-d. la

société dans son ensemble) qu'à celui, plus immédiat, de la famille et du

cercle d'amis. Selon O'Neill (1980):

"Les débats les plus stimulants des dernières années ont été suscités par ce genre de théorie bien que leur peu d'intérêt pratique est maintes fois souligné" (in Garant, 1983).

Plusieurs des stratégies interventionnistes observées dans le domaine

de la santé sont appliquées au domaine de la sécurité routière. Ainsi,

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considère-t-on comme valables les politiques orientées vers la modification

du comportement de l'usager de la voie publique (limite de la vitesse, port

de la ceinture de sécurité, alcoolisme). Il en résulte des campagnes spec-

taculaires mais dont les résultats ne se mesurent pas i l'importance des

ressources qui y ont été investies.

Les analystes disent "mal comprendre les facteurs de résistance du

public" face à leur campagne sur la sécurité routière. Pourtant:

••(...) on doit noter que la plupart des études portant sur les mesures préventives de sécurité routière sont limitées par le fait qu'elles utilisent le plus souvent des taux bruts de morbidité et de mortalité. Sans tenter de contrôler les effets de variation dans le temps d'autres variables: dis tances parcourues, types de véhicule utilisés, amelioration de la sécurité des véhicules ou du réseau routier, améliora tlon des services médicaux, modification dans la distribution des conducteurs selon l'âge, programmes d'intervention divers etc." (Garant, 1983).

Les programmes d'intervention doivent donc être davantage orientés en

fonction d'une stratégie collective globale qui considère l'environnement et

le véhicule comme des éléments factoriels aussi importants que le comporte-

ment prësumément fautif des conducteurs. À ce titre, la revue des facteurs

d'infrastructure, en tant que cause des accidents, s'avère déterminante.

On se souviendra ques les facteurs infrastructurels étaient ainsi

répartis :

- environnement (naturel, social et routier);

- véhicule.

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Dans la mesure où l'on considère que l'environnement naturel ne peut

être modifié (on ne pas changer nos conditions climatiques), il faut opérer

des modifications au plan social, améliorer l'état de notre réseau routier

et apporter des changements aux véhicules. Il est apparu, dans l'étude de

la causalité des accidents, que les deux dernières variables sont tributai-

res de la structure socio-économique dominante. En outre, les représenta-

tions sociales incitent à croire que ce sont les individus qui sont respon-

sables des accidents routiers, masquant par le fait même les dysfonctions de

notre structure socio-économique et les inégalités qui en découlent.

Un changement de notre structure économique peut mettre en valeur un

nouveau contrat social basé sur:

- la stabilité de l'économie;

- l'autarcie micro-économique;

- la mise en place d'une structure sociale plus égalitaire qui réduit

les écarts entre le pouvoir dominant et le reste de la population;

- la mise en place d'un pouvoir qui prend en main, structure et hié-

rarchise tous les éléments de notre environnement social de façon à

ce qu'ils n'entrent pas en conflit les uns avec les autres.

L1énumération de ces options idéalistes orientées sur le réaménage-

ment de notre économie de marché se justifie par le fait que les forces qui

gouvernent notre collectivité sont à priori économiques. Elles possèdent

une Influence déterminante sur la qualité de l'environnement, sur la qualité

de vie au travail, sur la vie familiale, etc. En minimisant ces tensions,

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on peut modifier plus efficacement les comportements des individus sans les

culpabiliser ou leur faire porter le poids de ces changements.

Les interventions les plus percutantes vont définitivement s'opérer

au niveau des changements de la structure socio-économique. Leur impact

demeure toutefois difficilement quantifiable car il s'opère au niveau des

valeurs sociales et 11 s'avère difficile d'évaluer les résistances que cela

pourrait engendrer.

On retiendra toutefois que, quelles que soient la nature, l'ampleur

et l'importance des interventions envisagées, celles-ci devront être orien-

tées dans une perspective sociale globale au lieu d'être restreintes au

domaine classique de modification des comportements individuels. Ainsi,

elles cesseront de reproduire les images entretenues par les classes domi-

nantes tout en permettant de réduire les accidents routiers.

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CHAPITRE V

OPERATIONNALISATION

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5.0 OPÉRATIONNALISATION

L'étude du concept de représentations sociales, tel que développpée

par Barjonet, et exposé dans la problématique sur l'étude des accidents

routiers a révélé l'existence de quatre outils particuliers qui sont:

- l'opinion;

- l'attitude;

- l'information;

- la connaissance.

C'est donc indirectement par ces quatres sous-concepts que nous nous

proposons de déterminer comment les répondants se représentent les accidents

de la route et les moyens d'y remédier. Cette technique a un double avanta-

ge. D'une part, elle nous évite de créer un questionnaire incomplet puisque

nous jouissons déjà d'un instrument de mesure concret et éprouvé. D'autre

part, l'utilisation d'un modèle aussi articulé que celui des représentations

sociales nous offre l'avantage de comparer l'image de l'accident telle que

présentée par le résident de la région nord-côtière à celle des individus

déjà interrogés au cours d'autres enquêtes sur le même sujet. Même si on

peut, à priori, avancer que les gens de la région 09 ne se représentent pas

l'accident autrement que ceux d'ailleurs, une infirmation de ce pronostic

nous amènerait à développer des outils d'intervention plus adaptés aux men-

talités spécifiques de notre région.

C'est donc en voyant comment les répondants assument le fléau des

accidents routiers que les intervenants pourront adopter des mesures qui

conviennent aux circonstances et qui se calquent sur les schémas mentaux de

la population nord-côtière.

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ELEMENTS DE CONCLUSION

Prop oser une nouvelle approche dans l'étude de la causalité des acci-

dents routiers: tel était l'objectif de cette problématique qui s'articule

autour du concept de représentations sociales. La démarche intellectuelle

qui a présidé à l'élaboration du présent document comportait quatre étapes

fondamentales: après avoir familiarisé le lecteur avec les bases

conceptuelles de responsabilité individuelle, de responsabilité sociale, de

l'éventail des facteurs accidentogènes, le rapport résumait, dans le chapi-

tre II, l'ouvrage de Pierre-Emmanuel Barjonet. Cette thèse doctorale qui

aborde les représentations sociales de la sécurité routière devait servir de

cadre au domaine des accidents de la route et de l'environnement qui les

entoure.

Plus élaboré, le chapitre III de cet ouvrage proposait une nouvelle

typologie des facteurs accidentogènes alors que le dernier chapitre suggé-

rait des stratégies d'intervention axées sur la responsabilité collective

et, plus particulièrement, sur la structure socio-économique.

Synthèse

II importe de retenir que:

I - Traditionnellement, on a imputé la majorité des torts des accidents

routiers au facteur humain. Cette version est issue des acteurs

sociaux légitimes qui minimisent et masquent les responsabilités

attribuables aux facteurs infrastructuraux comme l'environnement et

le véhicule.

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• s a -

il - Toute analyse sérieuse des causes de l'accident met en évidence son

caractère multifactoriel. Malgré la complexité réelle du thème, on

ne retient que les considérations les plus facilement perceptibles et

les plus immédiates, négligeant, par le fait même, tout l'environne-

ment social qui sous-tend l'action du conducteur. D'ailleurs, le

fait d'identifier un coupable, de "trouver une cause" à l'accident

semble psychologiquement rassurante pour le "citoyen ordinaire".

III - En alternative aux orientations culpabilisantes qui caractérisent

l'approche classique de responsabilité individuelle, s'est développée

une nouvelle perspective dite de responsabilité sociale qui dirige

vers l'environnement l'étude causale des accidents de la route.

IV - On ne peut comprendre la dynamique sociale qui sous-tend les images

culpabilisantes de responsabilité individuelle sans bien saisir ce

que signifie le concept de représentations sociales. Globalement,

les représentations sociales servent à mieux comprendre les conduites

collectives, à identifier leurs schémas, leurs origines et leurs

objectifs. Aux frontières de la psychologie et de la sociologie, les

représentations sociales forment un ensemble cognitif qui s'articule

autour des notions d'attitude, d'opinion, de connaissance et d'infor-

mation. Elles sont produites, diffusées et maintenues par le pouvoir

dominant.

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V - La thèse doctorale de Pierre-Emmanuel Barjonet qui aborde le thème

des représentations sociales de la sécurité routière est centrée

autour de plusieurs constats révélateurs. Ainsi, pour l'auteur fran-

çais, il apparaît évident que:

- l'utilisation de l'automobile est â la fois instrumentale et symbo-

lique ;

- il existe de puissants modèles d'opposition autour de l'usage qu'on

fait de l'automobile. Ces oppositions sont guidées par l'âge, le

sexe, le niveau de richesse et, plus globalement, le fait d'appar-

tenir ou non â la classe dominante;

- les raports' de classe s'avèrent, selon Barjonet, déterminants dans

l'élaboration des représentations sociales. Ils permettent entre

autres d'imposer l'auto comme moyen de transport dominant malgré

ses nuisances ;

- ce discours dominant est légitimé autant par le contenu des argu-

ments que par les porte-parole qui les diffuse; en outre, l'esprit

de conformité propre aux classes dominées contribue à renforcer les

représentations sociales.

11 ressort de la lecture de Barjonet que l'environnement culturel

semble tout aussi déterminant que l'environnement économique dans

l'élaboration des représentations sociales liées â la conduite auto-

mobile .

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VI - La typologie présentée dans ce document oppose les facteurs humains

et ceux liés à l'infrastructure (environnement et véhicules). Elle

constitue en fait une version plus élaborée des analyses tradi-

tionnelles. D'une part, elle reproduit toute la série d'arguments

classiques axés sur la responsabilité individuelle mais en les accom-

pagnant d'une analyse critique où l'on évalue leur pertinence par

rapport à l'approche sociale. D'autre part, la nouvelle version

élabore davantage les facteurs causals reliés â l'environnement et

aux véhicules, exprimant ainsi les préoccupations méthodologiques de

l'approche sociale.

VII - Une analyse critique des arguments invoqués dans l'approche tradi-

tionnelle permet de constater que:

- l'usager est massivement culpabilisé;

- l'étude des causes de l'accident est superficielle;

- la responsabilité imputable aux conditions environnementales est

volontairement dissimulée par la multiplication de "causes humaines

indirectes". Or, il appert que ces "causes" ont un lien plus ou

moins direct avec l'environnement social, économique et/ou cultu-

rel .

VIII- Il y a par contre évidence que les conditions sociales dans les-

quelles évolue l'individu contribuent à la production d'accidents.

En opérant des distinctions sociales, elles renforcent les inégalités

face à la vie, face à la mort, face à l'accident. Elles diffusent

des valeurs symboliques qui encouragent le risque, la concurrence, le

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progrès à tout prix au détriment de la qualité de vie, et de la sécu-

rité routière. Enfin, en légitimant la présence du pouvoir dominant,

ses porte-parole renvoient sur le comportement individuel les consé-

quences de ces dysfonctions.

IX - Les stratégies d'intervention doivent désormais être orientées vers

une approche collective qui déculpabilise le conducteur. A cet

effet, elles doivent viser à apporter des changements au niveau de

la collectivité. On peut, par exemple, suggérer la modification de

nos structures économiques qui valorisent à outrance le risque, la

concurrence, le progrès.

X - Quoiqu'il en soit, il s'avère avant tout primordial d'examiner les

causes de l'accident avec un oeil plus critique, d'écouter les argu-

ments classiques de victimisation en sachant filtrer et dénoncer les

énoncés qui reproduisent l'approche individuelle et, finalement,

proposer une nouvelle attitude dans la perception, l'analyse et la

prévention des accidents routiers.

Les accidents de la route hypothèquent nos ressources humaines d'une

manière dramatique. Elles peuvent, à ce titre, être considérées comme une

"maladie de civiliation", Bien que des efforts énormes ont déjà été dé-

ployés afin d'en réduire la fréquence et la gravité, les résultats ne se

mesurent pas toujours en proportion des ressources investies. Pourquoi?

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Parce que l'analyse que l'on fait des accidents se borne uniquement â consi-

dérer les dimensions humaines sans égard aux facteurs sociaux qui suscitent

les comportements humains présumément fautifs.

Or, il importe de scruter au-delà des causes humaines immédiates, les

facteurs qui sont les sources véritables des accidents routiers. Il est

conséquemment primordial de se doter d'un outil systématique d'observation

qui puisse percevoir, comprendre et, éventuellement, aporter une explication

satisfaisante au phénomène des tragédies routières qui grèvent si lourdement

notre capital humain.

L'outil de recherche que constituent les représentations sociales a

permis d'identifier la structure de notre environnement social comme étant

le facteur le plus fondamentalement générateur des conditions qui créent

l'accident. Toutefois, au-delà de l'identification d'un "vrai coupable", il

s'avère que c'est dans le choix de notre façon de voir l'accident qu'il faut

avant tout opérer des changements. A ce titre l'approche sociale demeurera

un précieux outil de perception et d'interprétation des conditions qui con-

tribuent à créer l'accident. Dans la mesure où son influence peut s'étendre

jusque dans le choix et l'application des moyens de prévention des

accidents de la route, il est dès lors possible d'espérer que s'opérera une

véritable diminution dans la fréquence et la gravité des accidents rou-

tiers .

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Il ne faut pas oublier en fin de compte que la façon d'opérer les

changements est aussi importante que les changements eux-mêmes. On a pu

déjà constater que la mise en place d'opérations spectaculaires comme la

limitation de vitesse ou le port de la ceinture de sécurité n'ont pas tou-

jours eu les effets escomptés parce qu'ils intervenaient strictement au

niveau de l'individu. Or les propositions que nous mettons de l'avant

suggèrent des interventions au plan collectif. Elles sont audacieuses,

elles engendreront probablement des résistances, elles susciteront des

interrogations, elles nécessiteront des réaménagements profonds de notre

structure sociale. C'est pourtant le prix qu'il faudra payer pour espérer

minimiser le nombre d'accidents de la route, et, à un niveau plus général,

bonifier l'environnement au sein duquel nous vivons.

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CONSEIL REGIONAL DE LA SANTE ET DES SERVICES SOCIAUX DE LA COTE-NORD /région 09

Le 2 juillet 1986

Monsieur ftndrë Allard, m.d. Chef du DSC de Valleyfield HStel-Dieu de valleyfield 110, chemin Larocque Valleyfield (Québec) J6T 4A8

Monsieur,

La diminution de l'incidence des traumatismes routiers s'im-pose ccmme une priorité de santé publique. Aussi/ nous avons le plaisir de vous soumettre un cadre conceptuel renouvelé sur la causa-lité des accidents routiers.

Cette "Problématique sur les traumatismes routiers" apporte un complément aux études antérieures en développant les considéra-tions sociales relatives aux accidents. Une typologie élargie de leur causalité est présentée à la page 36 du document.

Nous apprécierions recevoir, â votre convenance, vos cormen-taires ou même un point de vue critique sur cette problématique afin de la parfaire.

Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de nos sentiments les meilleurs.

Le coordonnateur de la recherche,

VT/oo

P O -

Vilmont Thëriault

0 8 JUil

691, RUE JALBERT - BAIE-COMEAU (QUÉBEC) - G5C 2A1 - TÉL.; (418} 589-9845

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Etude^statistique et psychosocial au phenomene des-àccldêntsrde "la

^rout^sur l^ÇÔte-Nord: prbbl&na-taflHf sujr les

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