7

Click here to load reader

Philosophie générale et phi

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Jacques Darriulat INTRODUCTION A LA PHILOSOPHIE ESTHETIQUE Philosophie générale et philosophie esthétique. Jacques Darriulat http://www.jdarriulat.net/Introductionphiloesth/MoyenAge/Allegorism... Auteurs Rechercher Contact

Citation preview

Page 1: Philosophie générale et phi

Jacques Darriulat

INTRODUCTION A LA PHILOSOPHIE ESTHETIQUE

Accueil Introduction à la philosophie

esthétique EssaisAuteurs Rechercher Contact

Philosophie générale et philosophie esthétique. Jacques Darriulat http://www.jdarriulat.net/Introductionphiloesth/MoyenAge/Allegorism...

1 sur 7 11/11/2009 09:06

Page 2: Philosophie générale et phi

ANTIQUITE

ANTIQUITE TARDIVE

MOYEN AGE

1- L'allégorisme médiéval

2- La Cathédrale

RENAISSANCE

PHILOSOPHIE MODERNE

PHILOSOPHIE

CONTEMPORAINE

Mis en ligne le 29 octobre 2007

L’allégorisme médiéval

Biblio : Edgar de Bruyne, Études d’esthétique médiévale, « DeTempel », Bruges, 1946 : I- De Boèce à Jean Scot Érigène, II- L’époqueromane, III- Le XIIIe siècle (republié eu deux volumes dans unecollection de poche chez Albin Michel). Erwin Panofsky, Architecturegothique et pensée scolastique, Minuit, 1967. Ernst Robert Curtius, LaLittérature européenne et le Moyen Age latin, Presses Pocket 1991[1956]. Sur la question des relations entre l’allégorisme païen etl’allégorisme chrétien, Jean Pépin, Mythe et allégorie, Les originesgrecques et les contestations judéo-chrétiennes, Paris, 1976. Émile Mâle,L’Art religieux du XIIIe siècle en France, Le Livre de Poche, « BiblioEssais ». Georges Duby, Adolescence de la chrétienté occidentale,980-1140, Skira, 1967 ; L’Europe des cathédrales, 1140-1280, Skira,1966 ; Fondements d’un nouvel humanisme, 1280-1440, Skira, 1966. Cestrois luxueux et magnifiques volumes ont été publiés sans illustrationsen poche : Georges Duby, L’Europe au Moyen Age : art roman, artgothique, Flammarion, « Champs », 1985. Georges Duby, Saint Bernardet l’art cistercien, Flammarion, « Champs ».

***

Par Aristote, Cicéron et Quintilien, le Moyen Age hérite de lalongue tradition rhétorique de l’Antiquité. Celle-ci se touve à l’origine desartes dictaminis, ou arts de bien dire, nécessaires par exemple auprédicateur qui veut, par son sermon, toucher le cœur des fidèles (artesprædicandi), mais elle dicte aussi ses règles aux arts plastiques, selon leprincipe mille fois commenté de l’Art poétique, ou Épître aux Pisons,d’Horace, qui veut que : « un poème est comme un tableau, ut picturapoesis ». C’est ainsi que la cathédrale se déploie dans l’espace commele sermon dans le temps, l’exorde correspondant au narthex, la divisiondu thème en trois parties aux trois nefs principales, l’argumentation quifait la synthèse entre les arguments à la croisée des transepts, enfin lapéroraison au chœur qui s’ouvre à la lumière. La rhétorique médiévaleoccupe ainsi une place dominante pour la définition des règles de l’art.Son rôle est d’autant plus déterminant que l’art du discours prend pourmodèle la parole de Dieu, c'est-à-dire la composition même de la Bibledont la valeur absolue ne saurait être contestée. La civilisation médiévalese croit détentrice d’une œuvre parfaite : il lui suffit donc d’en connaîtreles lois pour être en mesure de formuler les règles de tout art humain engénéral. C’est à partir de l’interprétation des Écritures que se définitl’esthétique médiévale.

Une très ancienne tradition, qui remonte à saint Jérôme et àsaint Augustin (De Doctrina christiana), distingue entre quatre sens del’Écriture. Elle est codifiée par les Victorins (Richard de Saint-Victor) etles Chartrains (Bernard de Chartres) au XIIe siècle, puis par Thomasd’Aquin, dans La Somme théologique, au XIIIe siècle. Mais puisqu’ils’agit ici d’esthétique et non de théologie, nous suivrons plutôt Dante quifait allusion aux quatre sens de l’Écriture, dans Le Banquet (Convivio) II,1, pour commenter l’un de ses propres poèmes, et dans l’épître XIII, quiconstitue un peu son « art poétique » et dans laquelle il dédie auseigneur de Vérone, Cangrande della Scala, « le chant suprême de laComédie, qui s’orne du nom de paradis » (Pléiade p. 792). L’Écriture —mais aussi bien toute représentation ou image dont l’Écriture demeure,pendant tout le Moyen Age, le modèle — possède quatre sens. Il sesubdivisent en deux groupes, dont le premier est le sens littéral, qu’on

Philosophie générale et philosophie esthétique. Jacques Darriulat http://www.jdarriulat.net/Introductionphiloesth/MoyenAge/Allegorism...

2 sur 7 11/11/2009 09:06

Page 3: Philosophie générale et phi

dit encore historique : le discours énonce un fait, par exemple (épîtreXIII) la sortie d’Égypte des fils d’Israël, au temps de Moïse. Mais le textepeut avoir encore un sens mystique, ou symbolique, nous dirionsaujourd’hui figuré, et dire autre chose que ce qu’il semble déclarerexpressément. Aux yeux des hommes du Moyen Age, le sens mystiquedoit rendre compte du mystère sacré qui fait la magie du texte biblique.Lire, ce n’est pas répéter un texte ne varietur, c’est interpréter, c'est-à-dire deviner, par-delà le sens manifeste, le sens latent du symbole,« car la lettre tue, l’Esprit seul vivifie » (2 Co 6). Pas de lecture sansglose ni commentaire à tel point que, par un renversement qui menaceratout l’édifice culturel du Moyen Age, le texte finira par disparaître, étouffépar la prolifération démesurée de ses gloses marginales. Les premierschrétiens empruntent cette opposition du sens littéral et du senssymbolique à l’allégorisme païen qui remonte aux Pythagoriciens, c'est-à-dire au VIe siècle BC. C’est ainsi qu’à la fin du IIe et au début du IIIesiècle de notre ère, Clément d’Alexandrie appliqua les principes del’herméneutique païenne à l’interprétation de l’Écriture. Il est vrai qu’il estl’un des rares chrétiens à avoir osé cette paisible synthèse. Les autresapologistes, par exemple Origène (IIe-IIIe siècle AC), dénonceront avecd’autant plus de violence les abus de l’allégorie païenne qu’ilsappliqueront à leur tour, et de façon plus débridée encore, la méthodeallégorique à la Bible. Il est vrai que le symbolisme païen exprime pardes images des idées éternelles, tandis que le symbolisme chrétieninscrit le travail de l’interprétation dans le temps : l’histoire de larédemption est aussi la révélation progressive du véritable sens de lapromesse caché sous le sens manifeste. Dieu, qui dévoile le plan duSalut par le progressif déroulement de l’Histoire Sainte, est l’uniqueherméneute. Telle est la raison pour laquelle le sens caché sous le senslittéral peut bien être nommé « sens mystique ».

Le sens mystique lui-même se divise en trois espèces, quicorrespondent aux trois grandes époques de la Révélation : le sensallégorique déchiffre, dans les scènes de l’Ancien Testament, les figuressymboliques des vérités enseignées dans le Nouveau Testament (typeet antétype ). C’est ainsi, pour prendre l’exemple proposé par Dantedans l’épître XIII, que le passage de la Mer Rouge est une allégorie denotre rachat par le sacrifice du Christ, ou bien encore, pourrions-nousajouter, que la récolte de la manne dans le désert est l’allégorie dusacrement de l’eucharistie, ou que les trois jours passés par Jonas dansle ventre de la baleine préfigurent les trois jours au tombeau. Le sensallégorique organise donc la concordance entre l’Ancien et le NouveauTestament, entre le règne de la Loi et le règne de la Grâce. Il permetd’assujettir la sagesse juive à la révélation chrétienne, la premièren’étant que le symbolisme inconscient de ce que la seconde énonceclairement. C’est ainsi que l’iconographie médiévale représente laSynagogue comme une femme aux yeux bandés, incapable dediscerner le sens allégorique par-delà le sens littéral, qu’on dit aussicharnel. L’allégorie ayant été déchiffrée, le sens est alors moral ets’adresse à la vie présente. La sortie d’Égypte signifie au sens moral,selon Dante, « la conversion de l’âme quittant le deuil et la misère dupéché pour un état de grâce » (p. 795). Il est vrai que le sens moral, outropologique, peut être sacré (c’est le cas par ex. de la paraboleévangélique) — il incite alors à la conversion — mais aussi profane :ainsi dans les sentences qui concluent les fables d’Ésope, que le MoyenAge rassemblait dans des recueils portant le titre d’Isopets (déformationdu nom d’Ésope). Mais cette vie présente n’est pas fin en soi, elle estune épreuve qui prépare à la vie éternelle : cette ultime révélation — ou« apocalypse » — découvrira à la fin des temps l’ultime degré du sensmystique : le sens anagogique qui rétablit la créature corrompue par lepremier péché dans la gloire du royaume de Dieu. Le sens anagogiquede la sortie d’Égypte est alors, selon Dante, « la sortie de l’âme saintehors de la servitude d’un monde corrompu, et la liberté de la gloire

Philosophie générale et philosophie esthétique. Jacques Darriulat http://www.jdarriulat.net/Introductionphiloesth/MoyenAge/Allegorism...

3 sur 7 11/11/2009 09:06

Page 4: Philosophie générale et phi

éternelle » (p. 795).

On comprend alors que les trois degrés du sens mystiquecorrespondent au trois dimensions du temps, c'est-à-dire dudéploiement de la Providence, le sens allégorique se rapportant aupassé par le parallèle qu’il établit entre le règne révolu de la Loi et lerègne de la Grâce, le sens moral au présent où se joue notre salut et lesens anagogique au futur de la vie éternelle qui commence avec larésurrection des corps et le dernier Jugement. Le sens allégoriquedemeure confiné à l’interprétation des Écritures, selon le jeu complexedes associations que les théologiens découvrent entre l’Ancien et leNouveau Testaments, entre le type et l’antétype, mettant ainsi à jour leplan secret de Dieu qui s’exprimait par l’inconscience de la transeprophétique. Le sens moral peut permettre de sauver une cultureantique pourtant privée de la lumière de la révélation, mais quel’humanisme médiéval, depuis la Renaissance carolingienne de la fin duVIIIe siècle, tient en haute estime. C’est ainsi que, tout au long duMoyen Age, on publiera de très nombreux « Ovide moralisés »,découvrant, par delà le sens littéral des fables des Métamorphoses, quifascinent tous les esprits, un sens moral qui réconcilie le poète païenavec l’Évangile. En vérité, le Moyen Age hérite de l’Antiquité tardive songoût pour l’allégorisme, et l’œuvre exemplaire, qui exerce une influenceconsidérable jusqu’à la Renaissance, est celle d’un païen du Ve siècle,Martianus Capella, à peu près contemporain de saint Augustin, quicompose un ouvrage en neuf livres intitulé : Les Noces de Mercure et dePhilologie, c'est-à-dire de la gnose (science initiée aux mystères divins)et de l’art du discours, ou bien encore, selon un classement pour lapremière fois codifié par Capella et qui structurera le cours des étudespendant tout le Moyen Age, du Quadrivium (arithmétique, géométrie,musique, astronomie) et du Trivium (grammaire, logique et rhétorique).Sur ce modèle, fleurira au Moyen Age toute une littérature allégorique etprofane (par exemple Le Roman de la rose, et tout particulièrement lapremière partie, vers 1236, due à Guillaume de Lorris, qui s’inspireprécisément de l’allégorisme supposé d’Ovide). Quant au sensanagogique, sa compréhension appartient en premier lieu au théologienqui discerne, dans les images de l’Apocalypse, ou des Épîtres de Paul,l’annonce de la cité céleste et de la félicité des élus ; mais sareprésentation appartient à l’artiste qui s’efforce d’évoquer par des sons(poésie et musique) ou par des formes plastiques (architecture,sculpture et peinture) la splendeur de la Jérusalem céleste et la visionbéatifique des ressuscités qui contemplent Dieu « face à face ». C’estainsi que l’art médiéval se conçoit lui-même comme une illustration del’Apocalypse et de la vie éternelle, l’artiste n’étant en conséquence qu’unartisan docilement soumis au discours du théologien, et la beautésensible n’étant que l’image dans un miroir de la beauté spirituelle. C’estbien en ce sens que Dante lui-même entendait le poème de La Divinecomédie, voyage mystique de l’Enfer, par le Purgatoire, jusqu’enParadis, somme figurée de la théologie médiévale. Si le sens moralpermettait de sauver les chefs-d’œuvre de l’Antiquité païenne, le sensanagogique ne pouvait illuminer que les œuvres réalisées sous le règnede la Grâce, c'est-à-dire depuis l’Incarnation. Le sens anagogique définitdonc la dimension propre de l’art chrétien médiéval, si l’on en exceptetoutefois le poète Virgile, grand magicien selon le Moyen Age, l’uniquepaïen qui aurait eu la prescience de la venue du Christ dans laquatrième églogue des Bucoliques, où il annonçait, croyait-on, la venuede la Vierge et de l’enfant, et le retour de l’âge d’or. Aussi Virgile sera-t-ille guide de Dante pour la traversée de l’Enfer comme du Purgatoire,mais il devra laisser sa place à Béatrice, ainsi nommée « par des gensqui ne savaient ce que c’est que donner un nom » (Vita Nova, II, 1), auseuil du Paradis.

Telle est ainsi la fonction de l’art médiéval : transporter l’âme de

Philosophie générale et philosophie esthétique. Jacques Darriulat http://www.jdarriulat.net/Introductionphiloesth/MoyenAge/Allegorism...

4 sur 7 11/11/2009 09:06

Page 5: Philosophie générale et phi

cette vie mortelle dans la béatitude de la vie éternelle, provoquer par lespectacle de la beauté une extase semblable à celle que connaîtront lesbienheureux quand, après la résurrection, ils verront la face de Dieu.L’art apporte ainsi un concours sensible au ravissement mystique qui neconcerne pourtant que l’esprit. Un peu avant le milieu du douzièmesiècle, l’abbé Suger fait construire la première cathédrale gothique àSaint-Denis. Saint Bernard, dont la rigueur inspire alors la magnifiquearchitecture cistercienne, contemporain de Suger, lui reproche le luxe etla richesse de son église « qui rappellent en quelque sorte les rites desjuifs », c'est-à-dire qui substitue, par la fascinante beauté de l’œuvre, àla recherche du sens spirituel, l’amour charnel des choses mêmes(Duby, II, 59). Pour Suger cependant, la splendeur matérielle de l’églisen’est ni futile ni profane : contemplant les pierres précieuses qui ornentl’autel et la lumière mystique réfractée par les vitraux, Suger s’imaginetransporté dès à présent dans la gloire du royaume de Dieu : « Quand,écrit-il — en dehors de l’amour de la beauté de la Maison de Dieu — labeauté des pierres aux multiples couleurs m’arrache aux soucisextérieurs et qu’une honorable méditation me conduit à réfléchir, entransposant ce qui est matériel à ce qui est immatériel, sur la diversitédes vertus sacrées, je crois me voir, en quelque sorte, dans une étrangerégion de l’univers qui n’existe tout à fait ni dans la boue de la terre nidans la pureté du Ciel et je crois pouvoir, par la grâce de Dieu, êtretransporté de ce monde inférieur à ce monde supérieur d’une manièreanagogique, anagogico more ».

Le transport anagogique de l’émotion esthétique peut alorss’accomplir de deux façons distinctes : il peut opérer selon la quantité,ou bien selon la qualité.

La beauté anagogique du point de vue de la quantité se définitpar les notions de proportion et de consonance. La proportion (proportio)est l’harmonie du tout qui rassemble les parties et fait une unité d’unepluralité ; la consonance (consonantia) rassemble des formes diversesqui se révèlent semblables par une secrète correspondance. Onremarquera que ces notions sont musicales tout autant que plastiques.Cet idéal pythagoricien et platonicien se réclame au Moyen Age du DeMusica et du De Arithmetica de Boèce (Ve-VIe siècle) et, par-delà, duLivre de la Sagesse, dans la Bible : « Dieu a disposé toutes choses inmensura et numero et pondere, par mesure, par nombre et par poids »(II, 12). Cette esthétique des proportions est sans doute dépravée dansles formes naturelles, mais elle est pourtant la raison cachée de leurbeauté. L’harmonie musicale rend sensible la divine beauté de lasymétrie et de l’eurythmie : elle est la forme anagogique de la musiquedes anges qui réjouit les âmes des élus en Paradis. La Musique devientalors la clé, et le chiffre de toute beauté. Toute la création est Musique :la musique céleste projette son image sur la musique mondaine(l’harmonie des sphères), sur la musique humaine (les proportions ducorps humain) comme sur la musique instrumentale. L’architecture, quiobéit elle aussi à cette mystique des nombres et des proportions, estune musique matérialisée dans l’espace. L’Église est à l’image d’uncorps humain les bras en croix, la nef tenant lieu de tronc, les transeptsdes deux bras étendus et l’abside de la tête. Le corps humain lui-mêmeest un microcosme qui reproduit les proportions du macrocosme, c'est-à-dire de l’univers entier. Aussi le Moyen Age spécule-t-il beaucoup surle véritable canon des proportions du corps humain, selon les canons deLysippe ou de Polyclète qui nous ont été transmis par l’architecte romainVitruve. Le Christ, dont une lettre apocryphe à Hérode, pourtant jugéeauthentique au Moyen Age, décrivait la physionomie, fournit le modèled’un corps parfaitement proportionné. Plutôt que sur les dimensions dutemple de Salomon, on prend appui sur les dimensions de l’Arche deNoé, symbole depuis Augustin de l’Église elle-même, pour en déduire laformule de parfaite eurythmie.

Philosophie générale et philosophie esthétique. Jacques Darriulat http://www.jdarriulat.net/Introductionphiloesth/MoyenAge/Allegorism...

5 sur 7 11/11/2009 09:06

Page 6: Philosophie générale et phi

La beauté anagogique du point de vue de la qualité se définitpar les notions de splendeur et de gloire. D’inspiration plotinienne plutôtque pythagoricienne ou platonicienne, elle croit discerner le secret de labeauté dans l’éclat de la lumière plutôt que dans la proportion de laforme. Elle prend appui sur un texte ancien, la Theologia mystica, qu’onattribuait à Denys l’Aréopagite, confondu par Suger avec saint Denis, unAthénien qui, selon les Actes, se serait converti lors de la venue de Pauldans cette ville, en fait un chrétien néoplatonicien de Byzance auxalentours du Ve siècle. Ce texte, qui est à l’origine de la mystique de lalumière qui inspirera l’art gothique dès la première moitié du XIIe siècle(la construction de Saint-Denis s’achève en 1440 environ) établit qu’unecréature rayonne d’autant plus qu’elle est davantage proche de Dieu.Telle est la raison de la clarté qui rayonne du firmament, mais plusencore de la lumière qui émane du visage humain quand il est éclairépar l’intelligence, et plus encore par la grâce. Le Moyen Age aimera lespierres précieuses, matière transfigurée de l’intérieur par une lumière quisemble surnaturelle (lux et non lumen), image de la transfigurationfuture qui ressuscitera toute chair. Les nervures de la voûte gothiquepermettent de décharger les mur de soutènement, et de percer delarges verrières dans la cathédrale, tandis qu’on abat le jubé et quel’ouverture des chapelles absidiales permet d’illuminer le chœur. Bientôtl’église gothique sera comme dématérialisée, devenue une sorte deprisme mystique au sein duquel flotte, réfractée par les vitraux, unelumière anagogique, venue d’un monde supérieur. A la Sainte-Chapelle(consacrée en 1248), l’architecture de pierre a pratiquement disparu,l’église s’est sublimée dans la lumière et n’est plus qu’une châsse poursertir d’immense vitraux, qui limitent paradoxalement l’espace sacré enl’ouvrant sur l’au-delà.

____________________________

NOTES

- Voir de Bruyne, Études d’esthétique médiévale, II p. 52.

- Voir de Bruyne, Études d’esthétique médiévale, II. L’époque romane,chapitre VII, « La Théorie de l’allégorisme ».

- Voir « Le temps et le mythe », in Jean Pépin, Mythe et allégorie ; Lesorigines grecques et les contestations judéo-chrétiennes, Étudesaugustiniennes, Paris, 1976, p. 503-516.

- Paul, I Co 13, 12 : « Aujourd’hui, nous voyons dans un miroir, d’unemanière confuse, mais alors ce sera face à face ». Également II Co 3,18.

- Vers 6 à 10 : « Jam redit et Virgo, redeunt Saturna regna... Déjà revientaussi la Vierge, revient le règne de Saturne / Déjà une nouvelle racedescend du haut des cieux / Cet enfant dont la naissance va clore l’âgede fer / Et ramener l’âge d’or dans le monde entier / Protège-leseulement, chaste Lucine. »

- Panofsky, Architecture gothique et pensée scolastique, Minuit 1967, p.41. Voir aussi de Bruyne, Études d’esthétique médiévale, II. L’époqueromane, p. 143 avec le texte latin en note.

- de Bruyne, Études d’esthétique médiévale, II p. 292 sq.

- de Bruyne, Études d’esthétique médiévale, I, p. 286, note.

Philosophie générale et philosophie esthétique. Jacques Darriulat http://www.jdarriulat.net/Introductionphiloesth/MoyenAge/Allegorism...

6 sur 7 11/11/2009 09:06

Page 7: Philosophie générale et phi

Philosophie générale et philosophie esthétique. Jacques Darriulat http://www.jdarriulat.net/Introductionphiloesth/MoyenAge/Allegorism...

7 sur 7 11/11/2009 09:06