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BIOCHIMICA ET BIOPHYSICA ACTA 193 BBA 95469 PHOTOINHIBITION DE L'ADAPTATION RESPIRATOIRE CHEZ SACCHAROMYCES CEREVISIA E I. VARIATIONS DE LA SENSIBILITE A L'INHIBITION BERNARD GUERIN ET EUGENE SULKOWSKI* Institut de Biochimie de la Facultd des Sciences d'Orsay, et Laboratoire de Gdndtique Physiologique du Centre National de la Recherche Scientifique, Gi]-sur-Yvette (France) (Re~u le 24 janvier, 1966) SUMMARY Photoinhibition of the respiratory adaptation of Saccharomyces cerevisiae I. Variability in sensitivity to inhibition Visible light, at sub-lethal doses, inhibits the formation of oxygen-induced respiratory enzymes of yeast. The variability of sensitivity to the inhibition under different conditions has been studied. I. When yeast is left in the dark after a 2-h initial illumination, the cells recover their adaptation ability; with increasing periods of illumination, inhibition becomes irreversible. 2. Fermentation is inhibited only by large doses of light. 3. The light-sensitive adaptation period occurs in the first hour following oxygen admission. 4. The degree of inhibition of adaptation varies with the number of generations the yeast has undergone in anaerobiosis, this is proportional to the degree of cell de-adaptation. Moreover, yeast harvested during the stationary phase of anaerobic growth is less sensitive to light than that harvested during the exponential growth phase. Light sensitivity therefore depends on the quantity of pre-existant respiratory enzymes or on the ability of the yeast to synthesize these enzymes. 5. The ability to synthesize respiratory enzymes after an initial photoin- hibition depends on one substance or one highly labile physiological mechanism, the integrity of which depends on the solution used for washing the anaerobic cells. INTRODUCTION On sait que l'oxyg~ne induit chez la levure cultiv6e en ana6robiose la totalit6 des enzymes respiratoiresl,2, 3 et les structures mitochondriales~, 5. Nous avons 6tabli r6cemment e que les syntheses de prot6ines, au cours du passage de la vie ana6robie la vie a6robie, sont inhib6es par la lumi~re visible, alors que les levures cultiv6es * Adresse actuelle: Ilxstitut de Bioctlimie et de Biophysique de l'Acad~mie Polonaise des Sciences, 8 rue Rakowiecka, Varsovie, Pologne. Biochim. Biophys. Acta, 129 (1966) 193-2oo

Photoinhibition de l'adaptation respiratoire chez Saccharomyces cerevisiae: I. Variations de la sensibilite a l'inhibition

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BIOCHIMICA ET BIOPHYSICA ACTA 193

BBA 95469

PHOTOINHIBITION DE L'ADAPTATION RESPIRATOIRE CHEZ

SACCHAROMYCES CEREVISIA E

I. VARIATIONS DE LA SENSIBILITE A L ' INHIBITION

B E R N A R D G U E R I N E T E U G E N E S U L K O W S K I *

Institut de Biochimie de la Facultd des Sciences d'Orsay, et Laboratoire de Gdndtique Physiologique du Centre National de la Recherche Scientifique, Gi]-sur-Yvette (France)

(Re~u le 24 j anv ie r , 1966)

SUMMARY

Photoinhibition of the respiratory adaptation of Saccharomyces cerevisiae I. Variability in sensitivity to inhibition

Visible light, at sub-lethal doses, inhibits the formation of oxygen-induced respiratory enzymes of yeast. The variability of sensitivity to the inhibition under different conditions has been studied.

I. When yeast is left in the dark after a 2-h initial illumination, the cells recover their adaptation ability; with increasing periods of illumination, inhibition becomes irreversible.

2. Fermentation is inhibited only by large doses of light. 3. The light-sensitive adaptation period occurs in the first hour following oxygen

admission. 4. The degree of inhibition of adaptation varies with the number of generations

the yeast has undergone in anaerobiosis, this is proportional to the degree of cell de-adaptation. Moreover, yeast harvested during the stationary phase of anaerobic growth is less sensitive to light than that harvested during the exponential growth phase. Light sensitivity therefore depends on the quanti ty of pre-existant respiratory enzymes or on the ability of the yeast to synthesize these enzymes.

5. The ability to synthesize respiratory enzymes after an initial photoin- hibition depends on one substance or one highly labile physiological mechanism, the integrity of which depends on the solution used for washing the anaerobic cells.

INTRODUCTION

On sait que l'oxyg~ne induit chez la levure cultiv6e en ana6robiose la totalit6 des enzymes respiratoiresl,2, 3 et les structures mitochondriales~, 5. Nous avons 6tabli r6cemment e que les syntheses de prot6ines, au cours du passage de la vie ana6robie

la vie a6robie, sont inhib6es par la lumi~re visible, alors que les levures cultiv6es

* Adresse actuel le : I lxs t i tu t de Bioct l imie e t de B i o p h y s i q u e de l 'Acad~mie Po lona i se des Sciences, 8 rue Rakowiecka , Varsovie , Pologne.

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en ana6robiose et gard6es sous atmosphere d'azote, ainsi que les levures a6robies, c'est-~-dire d6jA adapt6es, sont insensibles 5. la lumi~re dans nos conditions d'6claire- ment.

Ce travail a pour but de pr6ciser certains r6sultats et en particulier d'6tudier les variations de l 'inhibition de l 'adaptat ion par la lumi~re en fonction de l '6tat physiologique des cellules.

CONDITIONS EXPI~RIMENTALES ET TECHNIQUES

Souche Saccharomyces cerevisiae, "Yeast Foam".

Conditions de culture Milieu de culture: Yeast Extrac t Difco, 1 % ; KH2PO 4, o.I %; (NH4)2SOa,

o.l~ ~ ; glucose anhydre, IO %; solution de Tween-8o et d'ergost6rol (pr6par6e ainsi: 250 mg d'ergost6rol, 25 ml de Tween-8o, compl6t6s A IOO ml par de l '6thanol

95 %), 0.5 %. La culture est ensemenc~e ~ part ir d 'un inoculum pr61ev6 pendant la phase

exponentieile de croissance d'une pr6culture a6robie. L'incubation se fait ~ l'obscurit6 et A 28 ° dans des conditions d'ana6robiose strictes. Pour ce faire Fair est d6plac6 des fioles de culture par un barbotage d'azote durant une heure ("Azote R" contenant moins de 0.005 ~o de 03, fourni par Air Liquide, Paris).

A des temps variables pr6cis6s dans le texte, une partie de la culture est r6colt6e et refroidie dans un bain de glace, puis la suspension de levures est centrifug6e A o °. Les cellules sont lav6es deux fois ~ l 'eau glucos6e o.I O7o.

Mesures manomdtriques Les levures sont suspendues, A raison de 0.5 mg poids sec par ml, dans le tampon

suivant: phosphate disodique, phtalate, acide de potassium, acide succinique, 0.05 M (pH 4-7), glucose 2 %.

Les mesures manom6triques sont effectu6es A l'aide d 'un appareil de Warburg pour photosynth~se, module SL 65 Braun, muni de deux tubes ~ fluorescence Philips TL 33/4 ° W. L'6clairement au niveau des 6chantillons est environ de 1.5" lO 4 ergs/ cm 2 par sec (ces mesures ont 6t6 effectu6es A l'aide d'une thermopile lin6aire de Molle 6talonn6e A part ir de lampes ~ filament de carbone fournies par le Bureau des Stan- dards de New York). Les cellules gard~es h l'obscurit~ sont envelopp~es dans une feuille d 'aluminium dans laquelle on perce de petits trous pour assurer la circulation de l 'eau du bain; la quantit6 de lumi+re passant par ces trous est n6gligeable.

Chaque fiole est refroidie dans un bain de glace et remplie de la fa~on suivante: 2 ml de la suspension finale de levures (soit I mg poids sec) dans la cavit6 principale; afin d 'absorber les grandes quantit6s de CO2 d~gag6es par les levures anadrobies, on introduit, dans le cas des mesures de consommation d'oxyg+ne, respectivement 0.2 ml et o.I ml de KOH 20 % dans le puits central et l 'ampoule lat6rale, la surface d 'ab- sorption 6tant augment6e en plongeant dans la potasse un cart6 de papier filtre pliss67. Les mesures sont faites ~ 28 °. Le temps z~ro des experiences est compt~ apr~s IO min d'6quilibration.

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R~SULTATS

Inhibition de l'adaptation respiratoire par la lumi~re visible Au tours de l'a6ration des levures, la vitesse de respiration, qui & l'obscurit6

augmente lin6airement avec le temps, conserve sa valeur initiale lorsque les cellules sont illumin~es continuellement (Fig. I). L'illumination pendant les deux pre- mi&res heures de l'a~ration provoque une p6riode d'inhibition de 3 h, bien que les levures soient replac6es ~ l'obscurit6; les cellules s 'adaptent ensuite normalement. Pour cette dose lumineuse l'inhibition est compl~tement r6versible, alors qu'eUe ne l'est plus si les levures sont illumin6es durant 4 h ou plus (Fig. I).

,oo . / .o~o--O--o

e.../~ j 0 / 0 75~- e/ e/"

• B~ / . / , " o / ."

I • / / / e / z ° ~x--x

25 / ,~" x ''x~ l /: e" ~"o °"°I°

0 3 6 9 12 Temps d'oeration (h)

400

~300

Qr 200

100

~ % ._.../It ~t---zr---t .... :*---:7-_~ \i.o_o o 0 i I I I

0 3 6 g 12 Temps d'aerotlon (h)

Fig. I. I nh ib i t i on de l ' a d a p t a t i o n resp i ra to i re pa r la lumi~re visible. Les l evures s o n t rdc0it~es en p h a s e exponent ie l l e de c ro i ssance anadrobie (apr~s avo i r effectu6 zo g6n6ra t ions en ana6robiose) , lav6es & l ' eau glucos6e o . i % et pr6par~es c o m m e il e s t d6cri t d a n s les t e chn iques . L ' a d a p t a ~ o n resp i ra to i re es t su iv ie au cours de l ' a~ra t ion des cel lules p a r l ' a u g m e n t a t i o n de la v i t e s se de res- piration en fonc t ion du t e m p s , celle-ci 6 t a n t exp r imde en Q ~ , c 'est-&-dire en/~1 d ' oxyg~ne

c o n s o m m 6 s p a r h e t pa r m g po ids sec de levure. 0 - 0 , f ioles gard6es & l 'obscur i t6 ; G - ( D , fioles i l lumin6es c o n t i n u e l l e m e n t au cours de l ' adra t ion ; O - - - O , fioles placdes ~ l 'obscur i t~ apr~s i l l u m i n a t i o n d u r a n t les d e u x p remie re s heu re s de l ' a6 ra t ion ; × - - - × , apr~s l ' i l l umina t i on d u r a n t les q u a t r e p remie re s heu re s de l ' adra t ion .

Fig. 2. Ac t ion de la lumi~re v is ib le su r la f e r m e n t a t i o n au cours de l ' a d a p t a t i o n respi ra to i re . Les l evures s o n t r6colt6es e t pr~par6es c o m m e p o u r les expdr iences d6cr i tes d a n s la Fig. i . L a

v i tesse de f e r m e n t a t i o n es t su iv ie au cours de l ' a6 ra t ion des cellules et expr imde en Q ~ ferm. ,

c 'est-&-dire en / ,1 de CO 2 f e r m e n t a i r e d6gag6s pa r h et p a r m g po ids sec de levure. O - O , fioles garddes & l 'obscur i t6 ; 0 - 0 , fioles i l lumindes c o n t i n n e l l e m e n t au cours de l ' a6ra t ion ; O - - - O , fioles placdes & l 'obscur i td apr~s i l l u m i n a t i o n d u r a n t les d e u x p remie re s heu res de l ' adra t ion .

Action de la lurni~re sur la ]ermentation au tours de l'adaptation respiratoire La fermentation est suivie au cours de l 'adaptation respiratoire A la lumi~re

et A l'obscurit6 (Fig. 2). Lorsque les levures sont illumin6es seulement durant les deux premieres heures, aucune action n'est observ6e sur la fermentation alors que la consommation d'oxyg~ne est d6j& fortement inhib6e (voir Fig. I). Si le temps d'iUu- mination est prolong6 au-del& de 3 h, la vitesse de la fermentation d6crott rapidement; rappelons que lorsque les levures ont requ de telles doses de lumi~re l'inhibition de l 'adaptation n'est plus enti~rement r6vers6e & l'obscurit6 (Fig. I).

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Mise en dvidence d'une pdriode sensible ~ la lumi~re au cours de l'adaptation respiratoire Afin de mettre en dvidence une p6riode particuli~rement sensible ~ la lumi~re

au cours de l 'adaptation respiratoire, nous avons proc6d6 ~ l'exp6rience suivante (Fig. 3) : les levures sont illumin6es durant 6 h A des temps diff6rents de leur a6ration (depuis le temps o jusqu'~ 6 h, apr~s 30 min d'adaptation ~ l'obscurit6 jusqu'~ 6 h 30, apr6s I h d'adaptation ~ l'obscurit6 jusqu'~ 7 h, et ainsi de suite aprbs 2, 3, 4 h d'adaptation ~t l'obscurit6 jusqu'A respectivement 8, 9 et IO h. On mesure, dans chaque cas, l'inhibition de l'accroissement de la vitesse de ,respiration provoqu6e par les 6 h d'illumination. En illuminant depuis le temps o de l'a6ration l'inhibition est de 80 %, elle n'est plus que de 4 ° % en illuminant apr~s 30 rain d'adaptation l'obscurit6 et de 18 % aprbs I h d 'adaptation ~ l'obscurit6 (Fig. 3). Par cons6quent la p6riode sensible ~ l'illumination se situe au cours de la premiere heure qui suit l'admission de l 'oxy@ne.

7~

7-. ~o

..7_, "~,

E 2 5 \

I 2 3 4 Temps d'aeration b l'obscurit(~ pr6cedant rillumination (h)

75

5O

25

75

.~ 50

3

A

I L 2 4 6

B /

7 5 - o / °

5 0 - /

. / ° x

o ~ ~ C Temps d'aerotion (h)

/ \ / °-~°~-o-____o

Nombre de generations effectu~es en anaerobiose

8 o

- 75 "~

5O

o

25 .E

>

Fig. 3. Sensibil i t6 de l ' a d a p t a t i o n resp i ra to i re ~ la lumi~re visible. Les l evures son t r6colt6es et pr6par6es comrne pou r les exper iences d~cri tes ~ la Fig. i . L ' a d a p t a t i o n es t su iv ie ~ la lumi~re et ~ l 'obscur i t6 de la man i~re s u i v a n t e (Un 6chan t i l lon t 6 m o i n es t gard6 g l 'obscur i t6) : un 6chan- t i l lon es t i l lumin6 depu i s le t e m p s z6ro de l ' a6 ra t ion et d u r a n t 6 h; les au t r e s 6chan t i l lons ~ t an t i l lumin6s 6 h apr~s r e s p e c t i v e m e n t 0.5, i , 2, 3 et 4 h d ' a d a p t a t i o n g l 'obscur i t6 . On calcule pa r r a p p o r t au t 6 m o i n l ' i nh ib i t ion de l ' a d a p t a t i o n p rovoqu6e pa r les 6 h d ' i l l u m i n a t i o n pou r c h a q u e 6chant i l lon . Le p o u r c e n t a g e de ces i nh ib i t i ons es t por t6 en fonc t ion du t e m p s d ' a6 ra t i on ~ l 'ob- scur i t~ p r6c6dan t l ' i l l umina t ion .

Fig. 4. I nh ib i t i on de l ' a d a p t a t i o n resp i ra to i re pa r la lumi~re visible, en fonc t ion du h o m b r e de g6n6ra t ions effectu~es pa r les l evures en ana~robiose . C o n t r a i r e m e n t a u x exp6r iences d6cri tes pr6- c 6 d e m m e n t , les l evures son t r6colt6es ~. d i f f6rents s t ade s de leur c ro issance ana6robie e t lav~es l ' eau glucos6e o.I %. A. Courbes d ' a d a p t a t i o n de l evures a y a n t effectu6 o. 7 g~n6ra t ion en ana6- robiose. O - O , fioles gard6es ~. l 'obscur i t6 ; O - O , fioles i l lumin~es c o n t i n u e l l e m e n t au cours de l ' a6ra t ion ; × - × , f ioles gard6es A l 'obscur i t6 e t c o n t e n a n t 5" Io-8 M de 6-azauraci le . B. Courbes d ' a d a p t a t i o n des l evures a y a n t effectu6 2.5 g6n6ra t ions en ana6robiose. Les 16gendes s o n t ident i - ques A celles de la Fig. 4 A. C. O - O , v i t e s se de r e sp i r a t ion in i t ia le en fonc t ion du h o m b r e de g6- n6 ra t i ons effectu6es pa r les l evures en ana~robiose (cette v i t e s se es t mesur~e pa r le h o m b r e de/~1 d 'O 8 c o n s o m m e s p e n d a n t la p remie re heu re de l ' a6 ra t ion et pa r m g de po ids sec). O - ~ , pour- cen tage d ' i nh ib i t i on de l ' a d a p t a t i o n apr~s i l l u m i n a t i o n d u r a n t les c inq p remie res heu res de l ' a6ra t ion , en fonc t ion du n o m b r e de g~n~ra t ions effectu6es pa r les l evures en ana~robiose.

B i o c h i m . B i o p h y s . A c t a , 129 (1966) I93-2oo

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PHOTOINHIBITION DE L'ADAPTATION RESPIR&TOIRE 197

Variations de l'inhibition de l'adaptation respiratoire par la lumi~re en [onction du hombre de gdndrations effectudes par les levures en anadrobiose

On sait que les levures a6robies plac6es dans un milieu nutritif ~ l 'abri de l 'oxyg~ne perdent leurs caract6ristiques en quelques g6n6rations s. La Fig. 4C montre la d6croissance de la vitesse initiale de respiration en fonction du nombre de divisions effectu6es en ana6robiose. L'affaiblissement de cette vitesse s'explique par la dilution progressive des syst~mes enzymatiques a6robies qui ont cess6 d'6tre synth6tis6s en absence d'oxyg~ne, alors que la masse totale des prot6ines s'accrott 8,9. Nous avons observ6 d 'autre part qu'apr~s quelques heures seulement de croissance en ana6robiose l 'adaptat ion est faiblement inhib6e par la lumi~re visible. I1 nous a, d~s lors, paru int6ressant de rechercher une relation entre l 'intensit6 de l 'inhibition et le degr6 de d6sadaptation. Pour entreprendre ce travail nous avons 6tudi6 le comportement des levures partiellement a6robies, c'est-~-dire ayant subi une faible d6sadaptation, mises en pr6sence d'oxyg~ne. Lorsque les levures ont effectu6 seulement 0.7 division en ana6robiose, il est d6j~ possible d 'observer un accroissement de la vitesse de respiration au cours de l 'a6ration (Fig. 4A); apr~s 2.5 g6n6rations les levures sont d6jk sensiblement ana6robies (Fig. 4B). I1 fallait s 'assurer d 'autre part que l 'aug- mentat ion de la vitesse de respiration, observ6e au cours de l 'a6ration des cellules partiellement a6robies, correspondait r6ellement ~ une augmentation de la quantit6 d 'enzyme comme pour des levures compl~tement anadrobies. Ceci a 6t~ v6rifi6 en testant l 'effet du 6-azauracile qui inhibe indistinctement la synth~se de tous ces enzymes 1°. L 'adapta t ion des levures partiellement a6robies, comme celle des levures sensiblement ana6robies (Fig. 4B), est totalement inhib6e par cet analogue. Les levures partiellement d6sadapt6es semblent donc se comporter de la m~me fa~on que les levures ana6robies au cours de l'a6ration.

La Fig. 4 C repr6sente le pourcentage d'inhibition de l 'adaptafion de levures illumin6es durant 5 h en fonction du hombre de g6n6rations effectu6es en ana6robiose. Pour 0. 7 division on n'observe aucune inhibition (Figs. 4 A et 4C); elle apparai t et crolt sensiblement entre 0. 7 et 2.5 divisions pour tendre A une valeur maximale au- del~ de 4 g6n6rations. De plus on remarque, en comparant les deux courbes de la Fig. 4C que l 'inhibition de l 'adaptat ion augmente parall~lement ~ la d6croissance de la vitesse initiale de respiration des levures. On peut donc conclure que le degr6 d'inhibition est proportionnel ~ la d6sadaptation. Cependant des variations sensibles de l 'inhibition ont 6t6 enregistr6es avec des levures ayant effectu6 un nombre suf- fisant de g~n6rations en ana6robiose pour avoir perdu toutes leurs caract6ristiques a6robies. C'est ainsi que des levures r~coltdes en phase stationnaire de croissance sont moins sensibles ~ la lumi~re que des levures r6colt6es en phase exponentielle (Fig. 5)-

Variations de l'inhibition de l' adaptation respiratoire selon le mode de lavage des cellules anadrobies

Dans toutes les exp6riences d6crites jusqu'ici, les levures provenant de la culture ana6robie ont 6t6 lav6es deux fois ~ l 'eau glucos6e o.I %. Si les cellules sont lav6es A l 'eau distill6e les r6sultats obtenus sont diff6rents: l 'inhibition due ~ l'illu- mination des levures pendant les deux premieres heures d'a6ration est r6versible lors- que les levures sont lav6es ~ l 'eau glucos6e (Fig. 6A) et ne l 'est plus lorsqu'elles sont lav6es ~ l 'eau distill~e (Fig. 6B). Ceci signifie que la facult6 de synthdtiser les enzymes

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75

5C

~o ~ o' 2[

o

A B

/ / / / ' /o/ ./ 2 e _Z

/ o /° ~7/o /

Temps d'aeration (h)

75

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e / ,d 2~

B

/ /

/ /.

Temps d'oeration (h)

Fig. 5. Inhibition de l 'adaptat ion respiratoire par la lumi~re visible de levures r6coltdes en phase exponentielle et en phase stationnaire de croissance ana~robie. Les levures sont rdcolt~es en phase exponentielle (A) (apr~s avoir effectual io gdn6rations an ana~robiose) et en phase stationnaire (B) (apr~s avoir effectu6 14 g6ndrations en anadrobiose) et lav6es & l'eau glucosde o.i %. L'adap- tat ion respiratoire est suivie & la lumi~re et & l'obscurit6. O - @ , fioles garddes & l'obscuritd; O - O , fioles illumindes continuellement au cours de l'a6ration.

Fig. 6. Effet du lavage des cellules anadrobies sur l ' inhibition de l 'adaptat ion respiratoire par la lumi~re visible. Les levures sont r~colt6es en phase exponentielle de croissance ana6robie (comme dans les expdriences d~crites & la Fig. I), et lav~es deux lois, soit & l'eau glucosde o . 1 % (A), soit &]'eau distillde (B), la suite de la preparation des dchantillons est identique & celle ddcrite dans les techniques. L 'adaptat ion est suivie & la lumi~re et & l'obscurit6. O - O , fioles garddes & l'ob- scuritd; O- - - O , fioles illumin6es durant les deux premieres heures de l 'adration et O- - -O, ~eplacdes ~ l'obscurit6.

respiratoires apr~s une photoinhibition initiale, est d6pendante d 'une substance ou d 'un mdcanisme physiologique tr~s labile. Cette substance ou ce m6canisme est stabilis6 par une petite quantit6 de glucose. L'absence de cette source de carbone pendant le lavage ne se r6percute pas ou tr~s peu sur l 'adaptat ion elle-m~me (qui s'ef- fectue en pr6sence d'une source de carbone) mais a des cons6quences consid6rables sur la facult6 de r6cup6ration apr~s photoinhibition.

DISCUSSION

I1 a ~t6 montr~ 6 que les synth&ses de prot6ines, et particuli~rement les syn- theses des enzymes induits par l 'oxyg~ne sont inhib6es par la lumi~re visible au cours du passage de la vie ana6robie & la vie a6robie. L'action de la lumi~re proc~de en deux ~tapes. Dans un premier temps les syntheses seules sont inhib6es et les cellules peuvent r6cup6rer la facult6 d 'adaptat ion & l'obscurit& En prolongeant le temps d'illumination la fermentation est aussi touch6e, et dans ce cas l 'inhibition des syntheses de prot6ines ne sont plus r6versibles k l'obscuritd. Nous n 'avons jamais observ6 d'inhibition de l 'activit6 des enzymes respiratoires par la lumi~re visible, mais& des doses de lumi~re plus importantes il est possible d'observer un tel effet n.

Le travail present6 ici a permis de prdciser la p6riode de l 'adaptat ion sensible la lumi~re. Pour que l'inhibition soit importante, l 'illumination doit ~tre effectu6e

pendant la premi6re heure de l'a~ration. D'autre part, nous avons pu montreP ~ qu'en illuminant les levures ~ 4 °, les inhibitions de l 'adaptation, suivie & 28 ° et l'obscurit6, sont dgales A celles obtenues par illumination & 28 °. Comme ~ 4 ° le mdtabolisme des cellules est faible, il semble que ta lumi~re et l 'oxyg~ne agissent sur un

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matrriel d~jA prrsent chez la levure anarrobie. L'int~grit6 de cette substance est indispensable, tout au moins A la premiere heure de l 'adaptation.

Tout comme les levures anarrobies, les levures partiellement arrobies mises en prrsence d'oxyg~ne synthrt isent les enzymes respiratoires. Ces syntheses ne sont pas inhibres par la lumi~re, ce qui laisse X penser que les structures ou les enzymes arrobies drjA prrsents prot~geraient les levures de l'effet des radiations. Cette hy- poth~se a 6t6 formulre ~ pour expliquer les diffrrences de comportement A la lumi~re des levures adaptfies et non adaptres. Le fait que l'inhibition augmente parall~lement

la perte des caractrristiques arrobies est aussi en faveur de cette hypoth~se. Les levures r6coltres en phase stationnaire de croissance anarrobie s 'adaptent

plus rapidement que celles rrcoltres en phase exponentiellela; les cytochromes ap- paraissent plus rapidement dans le premier cas 14. Ceci peut expliquer les diff6rences d'inhibition observres, par un raccourcissement de la prriode sensible ~ la lumi~re pour les levures rrcoltres en phase stationnaire.

R]~SUM]~

La lumi~re visible inhibe la formation, induite par l'oxyg~ne, des enzymes respiratoires de la levure, ~ des doses non 16thales pour les ceUules. Les variations de la sensibilit6 ~ l'inhibition en fonction de diffrrents facteurs sont 6tudires.

I. Lorsque les levures sont placres ~ l'obscurit6 apr~s une illumination initiale de 2 helle rdcup~rent leur facult~ d'adaptation; en augmentant le temps d'illumination l'inhibition devient irrrversible.

2. La fermentation est inhibre seulement A de fortes doses de lumi~re. 3- La prriode de l 'adaptation sensible A la lumi~re se situe au cours de la

premiere heure qui suit radmission de l'oxyg~ne. 4. Le degr6 d'inhibition de l 'adaptation varie en fonction du nombre de gdnrra-

tions effectudes par les levures en anarrobiose; il est proportionnel ~ la drsadaptation des cellules. D'autre part les levures r~coltdes en phase stationnaire de croissance anarrobie sont moins sensibles ~t la lumi~re que celles rrcoltdes en phase exponentielle. La sensibilit6 ~ la lumi~re d~pend donc de la quantit6 des enzymes respiratoires driP. prrsents ou de la vitesse A laquelle les cellules sont capables de les synthrtiser.

5- La facult6 de synthrtiser les enzymes respiratoires apr~s photoinhibition initiale d6pend d'une substance ou d'un mrcanisme physiologique tr~s labile dont l'intrgrit6 est fonction du mode de lavage des cellules anarrobies.

REMERCIEMENTS

Nous remercions bien vivement Monsieur le Professeur SLONIMSKI pour les nombreuses suggestions et critiques qu'il a formulres au cours de ce travail.

Ce travail a brnrfici6 d'une subvention de la Drlrgation Grnrrale k la Recherche Scientifique et Technique, Comit6 de Biologie Molrculaire.

B I B L I O G R A P H I E

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