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E nquête Numéro 12 Avril 2011 / www.pigemag. com Ridha Beji, gardien d’immeuble à La Villeneuve Page 18 Dossier Dossier É Le journal de l'IEPG PIG magazine Désobéissance ! Pages 7/17 Portrait Reportage Caserne de Bonne : un quartier mixte ? Ridha Beji, gardien d’immeuble à La Villeneuve Caserne de Bonne : un quartier mixte ? Page 22 Page 26 France Bleu Isère : Fidèle au Poste Magistrats, enseignants, associations, collectifs, ils ont décidé de dire « NON » Spécial Médias École Toutes les rédactions du master journalisme de l'IEP de Grenoble se mobilisent ! France Bleu Isère : Fidèle au Poste Reportage

Pigé Magazine 12

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Découvrez en exclusivité la douzième édition du magazine semestriel "Pigé Magazine", entièrement réalisé par les étudiants du Master de journalisme de Sciences Po Grenoble ! Numéro spécial avec l'ajout de productions spéciales des autres média-école de la formation... Au sommaire aussi de ce nouveau volume, un dossier spécial désobéissance avec un débat sur le succès du livre de Stéphane Hessel "Indignez-Vous", l'interview de Zoé Shepard auteur du pamphlet à succès "Absolument Débordée !" ou encore le rôle d'Internet dans les révolutions arabes. A découvrir d'urgence !

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Page 1: Pigé Magazine 12

Enquête

Numéro 12 A v r i l 2 0 1 1 / w w w . p i g e m a g . c o m

Ridha Beji,gardien

d’immeubleà La Villeneuve

Page

18

DossierDossier

É Le journal de l'IEPGPIGmagazine

Désobéissance !

Pages

7/17

Portrait

Reportage

Caserne de Bonne : un quartier mixte ?

Ridha Beji,gardien

d’immeubleà La Villeneuve

Caserne de Bonne : un quartier mixte ?

Page

22Page

26

France Bleu Isère :

Fidèle au Poste

Magistrats, enseignants, associations, collectifs,

ils ont décidé de dire « NON »

Spécial Médias École Toutes les rédactions du master journalisme de l'IEPde Grenoble se mobilisent !

France Bleu Isère :

Fidèle au Poste

Reportage

Page 2: Pigé Magazine 12

MusicoveryEn manque d'inspiration pour remplirvotre juke-box ? Pas de panique,Musicovery est là pour vous donnerdes idées. En fonction de l'humeurdans laquelle vous êtes, ce siteconcocte des playlists adaptées àvotre état d'esprit. En un clic,partagez vos découvertes surFacebook, Twitter... ou achetez-lessur iTunes et Amazon.musicovery.com

2

SITESweb

Google Art ProjectLe géant de Mountain View numérisait déjà articlesde presse et livres, il fait de même avec les peintures.Google s’est en effet inspiré de son système StreetView pour lancer ce nouveau service qui devraitséduire les amateurs d’art. Plus de 1 000 œuvresde 400 artistes sont gratuitement disponibles surInternet, issues des collections de 17 musées quiont accepté de participer à l’opération tels que leMoMA (New-York) ou le château de Versailles.

Savoirs inutilesSavoir-inutile.com accueille 6000 à 7000 visiteurs par jour à peineplus d'un an aprés sa création etcompte 16 000 fans sur Facebook.Inspiré par des amis lors d'unapéro, le programmateur FabienMaurice décide en 2009 de créer ce site pour regrouper les connaissances qui « ne servent pas dans la vie de tous les jours ».C'est un bric à brac d'informationslivrées sans contexte ni logique.La démarche est novatrice : il s'agit d'acquérir du capital cultureldans le but unique de « briller ensociété ».www.savoir-inutile.com

Le visiteur du futur« Voilà ce qui va se passer ». Drôle, caustique etdécalé, voilà le ton de la web-série à succés « Levisiteur du futur », créée et réalisée par FrançoisDescraques. Entre comédie et science-fiction, lasérie raconte les aventures de Raph, jeune adulte àla vie paisible, qui reçoit les visites d'un hommeensanglanté venu tout droit du futur pour sauver lemonde... tant bien que mal. Depuis son lancementen avril 2009, chaque épisode connait un véritablesuccès sur internet. La série a été visionnée plusde quatre millions de fois.www.levisiteurdufutur.com

Le Fil GrenobloisGrenoble compte ses montagnes,ses bars cultes... Mais aussi sesblogueurs ! Philippe, qui se cachederrière Le Fil Grenoblois, n'est pastout à fait un amateur en matièrede blogging ; le FilGB est sa 4èmeoeuvre. Coups de coeur et coupsde gueule, actualités et futilités,Philippe partage. Et pas que surson blog : son Facebook et sonTwitter n'attendent que votre visite.www.lefilgrenoblois.com

Encyclopedia Of LifeLa réussite de Wikipedia a inspiré ungrand nombre de projets collaboratifs,comme le portail musical Discogs ouencore the Encyclopedia Of Life.« Imaginez une page électronique pourchaque espèce ou organisme sur Terre »,indique l'encyclopédie.Site essentiellement en anglais.www.eol.org

Page 3: Pigé Magazine 12

SEdito

3

Sitesweb . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .2

Enbref / Enchiffres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .4/5

Société

« 99% des ados ne sont pas accros aux jeux vidéo » . . . . . . . . . . . .6

DOSSIERDésobéissance ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7 à 17• La désobéissance peut-elle

mettre en danger la démocratie ? . . . . . . . . . . .7• Pour ceux qui ont raté la vague Hessel… . . . . .8/9• Les dysfonctionnaires . . . . . . . . . . . . . . . . . .10/11• Les associ’actifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .12/13• Délits d'élus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .14• Quand le Net enfreint les règles . . . . . . . . . . . .15• Révolution 2.0 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .16• La transparence au service

de la désobéissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17

Portrait

Ridha Beji, gardien d’immeuble à La Villeneuve . . . . . . . . . .18

À lire

La guerre urbaine est-elle possible ? . . . . . . . . . .19

Insertion

La Remise défile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20

Entretien

Caroline de Haas, porte-parole D’osez le féminisme ! . . . . . . . . . . .21

Enquête

La caserne de Bonne à Grenoble : un quartier mixte ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .22/25

Reportage

France bleu Isère : « Fidèle au poste » . . . . . . . .26

Décalé

La possibilité d'une huile . . . . . . . . . . . . . . . . . . .27

A écouter et lire aussi sur Pigemag.com . . . . . . . . . . .28• Zoom actu• Aiguillage• Web JTL’agenda pour sortir et pour réfléchir . . . . . . . . . . . . . .28

Sommaire

PIGÉ Magazine, journal d’information édité par Sciences Po Grenoble (IEPG).

Directeur de la publication : Olivier Ihl, directeur de l’IEPG.

Rédacteur en chef : Laurent Rivet.

Comité éditorial : Yvan Avril, Gilles Bastin, Aurélie Billebault, Olivier Ihl, Séverine Perrier,

Laurent Rivet, Emmanuel Taïeb.

Coordination : Simon Recht et Sébastien Di Noia.

Secrétariat de rédaction : Sébastien Di Noia, Estelle Faure, Justine Lafon.

Rédaction et photos Pigémagazine/Pigemag.com : Clémence Artur, Sébastien Di Noia,

Estelle Faure, Justine Lafon, Lila Martin, Gwendal Perrin, Simon Recht, Hugo Richermoz.

Ont collaboré à ce numéro (pour LigneA.fr, l’atelier d’écriture et l’enquête) : Leïla Boutaam,

Arnaud Clément, Lucie De Ribier, Blandine Guignier, Alexandre Majirus, Léa Marquis, Bertrand-Noël

Roch, Léo Ruiz, Guillaume Vénétitay.

Points de diffusion de Pigémagazine à Grenoble : Librairie Le Square, hôtel de ville, la MC2.

Sur le campus universitaire de Saint-Martin-d'Hères : Bibliothèques Droit-Lettres et Sciences,

tabac du campus, Espace de Vie Etudiante (EVE).

Graphisme/mise en page : Rachel GAILLARD Infographie 06 09 87 66 69.

Tirage : 3000 exemplaires. Impression : Imprimerie du Pont-de-Claix.

N° ISSN 1777-71-6 X

IEP de Grenoble, BP 48 • 38040 Grenoble cedex 9 - www.iep-grenoble.fr

Prix de vente : 1€

Tel. 04 76 82 60 00 / Fax. 04 76 82 60 70 / [email protected]

Retrouvez Pigé Magazine sur www.pigemag.com, le site d’information du master

journalisme de l’IEP de Grenoble.

Les médias Ecole du master journalisme sont réalisés avec le

soutien du Conseil régional Rhône-Alpes.

La scène est devenue emblématique. Un ouvrier, poitrine découverte, abandonned’une main son fusil pour déposer, de l’autre, un bulletin de vote dans une urnemajestueuse. Geste inaugural gravé par un artiste inconnu, Louis-Marie Bosredon,en avril 1848. Au dessous, une légende : « Çà, c'est pour l'ennemi du dehors ; pourle dedans, voici comme l'on combat loyalement les adversaires ... ». En ne s’armantplus que du bulletin de vote, l’insurgé pouvait sembler désarmé. Sa cartouchen’était plus qu’un petit carré blanc griffonné à la hâte. Inoffensif bout de papier quiconsacrait la naissance de la démocratie électorale. Manuels scolaires, cataloguesd’exposition, articles de presse mais aussi écrits d’historiens et de journalistes ontencensé depuis la dimension allégorique de la scène. Voilà une image qui sacralisela modernité d’une Europe se confiant toute entière à la souveraineté du vote. Unprintemps des peuples qui fut toutefois suivi, ne l’oublions pas, par l’amertume desdésenchantements de juin. Pour voter, il fallait déposer les fusils. Et renoncer à biendes attentes nées des journées de Février…

Le mouvement démocratique qui secoue le monde arabe enferme lesmêmes rêves… sans doute aussi les mêmes ambiguïtés. Du Yémen à l’Egypte, dela Tunisie à la Jordanie, une civilité nouvelle voit le jour. Entre armées et autocratie,elle se déploie avec fierté comme pour annoncer une ère nouvelle. Avec l’aspirationà des droits nouveaux, surgit une revendication : celle de plus de dignité, celle deplus de justice sociale. Mais dans les bagages de cette arithmétique électorale, lescomptes du politique sont aussi des contes pour une foule qui déjà se démobilise.Le pluralisme ou la création d’un espace public demanderont du temps. Et la réaliténe sera pas un simple jeu de sommations et d’incantations. Mémoire inconsciented’une image qui a su fixer, en cet instant où le fusil s’échappe et où le bulletin déjàs’envole, le point limite des fraternités de la colère.

Olivier Ihl, directeur de l’IEPG.

Sur une image

La douzième édition de Pigémagazine offre un contenu original. Toutes les rédactions du master dejournalisme de Sciences Po Grenoble se sont mobilisées pour réaliser ce numéro spécial, des médiasécole à l’atelier d’écriture en passant par l’exercice de l’enquête. Une diversité de points de vue,de thématiques et de manières d’informer que nous souhaitons faire partager à nos lecteurs.

Page 4: Pigé Magazine 12

Film : Une séparation de Asghar Farhadi

Après Fatih Akin, Patrick Chéreau ou Ang Lee, c’est au tour du

cinéaste iranien Asghar Farhadi de recevoir le prix du meilleur

film au festival de Berlin, l’Ours d’or. Une séparation raconte

l’histoire d’un couple en crise

mais explore dans le même

temps les divisions sociales qui

gangrènent l’Iran. « La dernièrefois que j'étais ici, je n'auraispas cru que je reviendrai ànouveau sur cette scène », a

déclaré Farhadi en recevant sa

statuette. Le tournage de son film avait été brièvement suspendu

par les autorités iraniennes en septembre dernier. E.F.

4

En bref ///////

« Le salaire moyen d'un chinois est de 10% du SMIC et ils sont heureux ». Jacques Séguela, BFM-TV, 7 janvier 2011.

Marine Le PenPrésidente du FN

Elle a été créditée début mars de plus de 20% dans tousles sondages sur le premier tour aux présidentielles. MarineLe Pen a lancé une communication moins agressive que cellede son père et attire de plus en plus la frange extrême del'UMP. Elle a profité des débats sur la nationalité françaiseet l'islam, des effets du discours de Grenoble et du sentimentd'insécurité, mais aussi de la conjoncture au Maghrebavec la menace d'une immigration massive ou encore dethèmes plus structurels comme la crise économique oules ratés de l'Union Européenne. Cette montée dans lessondages (1er tour de la présidentielle) est symptomatiquede la montée de l'extrême droite dans l'Europe entière.C'est pourquoi, malgré les critiques sur la pertinence dessondages, Marine Le Pen est à notre sens la femme qui acréé l'évènement en ce début d'année 2011.

Slim AmamouBlogueur et

ministre tunisien

Membre du Parti pirate tunisien et blogueurinfluent pendant la révolution, Slim Amamousymbolise le combat de la jeunesse tunisienne.Arrêté en janvier puis libéré à la chute de BenAli, il a intégré le 17 janvier le gouvernementd’union nationale. Nommé au poste de secrétaired’État à la jeunesse et aux sports, il est le premier membre de son parti à obtenir un posted’envergure nationale. Il s’est prononcé aussitôtpour « la liberté totale sur internet ».Malgré la dernière vague de départs au sein dugouvernement tunisien, Slim Amamou persisteet signe : « je ne démissionne pas », a-t-il réaffirmé sur son Twitter le 28 février.

Crédits : DR : jilliancyork.

Ils ont dit...« Cette musique de Satan a été créée par les forces du mal pour amener les jeunes dans les pays occidentaux à une dégradation

morale absolue ».Les auteurs du film «Musique et calamité», dans le cadre de la campagne en Ouzbékistan contre le rap et le rock, YouthTV, février 2010.

« Qu’est-ce que c’est que ces conneries ? Vous m’imaginez reprendre un club comme Grenoble ? Et pourquoi pas Villetaneusetant qu’ils y sont ? ». Bernard Tapie, à propos d'une rumeur de reprise du GF38, le 12/03/2011, sur www.francefootball.fr.

La femme L’homme

Is sont 128 proviseurs, professeurs ou membres de l’Education Nationale

à avoir remis leurs palmes académiques au ministère. La distinction honore

quinze ans de service. C’est le cas de Michel Ascher, ancien proviseur lillois,

en désaccord avec la politique actuelle de Luc Chatel, ministre de l’Education

Nationale. Ils ne supportaient pas de voir de jeunes professeurs sans formation

ou l'instauration d'une prime au mérite pour les recteurs.

LES PALMÉS À

CONTRE-COURANT

COUP DE

GUEULE

TECHNOLOGIE :L’origine d’une censure

Un artiste danois, Frode

Steinicke, a vu son compte

Facebook supprimé en

février dernier. La raison ? Il a

exhibé sur son profil une

reproduction du célèbre – et

polémique – tableau de

Gustave Courbet, L’Origine du

monde. L’œuvre en question

dessine un sexe féminin de

façon très réaliste. Mais les

règles d’utilisation du site de

réseau social interdisent toute

nudité sur les photos. Même

dans une démarche artistique.

C’est un internaute qui a

« signalé l’abus », conduisant

à la désactivation du compte.

Avec près de 600 millions

d’inscrits sur le site, les censeurs

ne manqueront pas.

Politique Politique Politique

Page 5: Pigé Magazine 12

5

En bref

Trois ans après le succès de A Mouthfull, le duo franco-finnois

The Do revient avec un album très inattendu. Both Ways

Open Jaws explore de nouvelles voies, que le précédent

opus osait à peine effleurer. La gentille pop folk du duo

laisse place à des compositions plus produites, tirant sur

l’électro. La voix d’Olivia Merilahti prend une nouvelle

ampleur, n’allant pas sans rappeler celle de Björk. De la

balade pop aux morceaux rythmés de percussions africaines

et de samples vocaux, les 13 titres nous plongent successi-

vement dans l’inconnu. Un album dense, que les fans de

la première heure trouveront peut-être difficile à digérer.

Lelouch, Visconti, Ferreri,Audiard, Haneke... AnnieGirardot a joué pour les

plus grands réalisateurs. Et lesplus grands acteurs, de JeanGabin à Louis de Funès. Sa disparition, à l'âge de 79 ans, le28 février 2011, a provoqué unetrès vive émotion. Flamboyantedans Rocco et ses frères, éton-nante dans Docteur FrançoiseVaillant, pour lequel elleobtiendra le César de lameilleure actrice, émouvantedans Les Misérables, en 1995.Délaissée dans les années 1980,elle revient sur le grand écrangrâce à ce film. C'est ensuite lamaladie d'Alzheimer qui l'entiendra éloignée. 122 films, 54 téléfilms, 31 pièces de théâtre,trois César et deux Molières,Annie Girardot restera l'une desplus grandes figures populairesdu cinéma français.

COUP DE COEUR

Un an dans la peau d'un

gardien de prison. Arthur

Frayer a 26 ans, jeune

journaliste, il a étudié le

fonctionnement des

prisons françaises de

l'intérieur. En passant le concours de

l'école nationale de l'administration

pénitentiaire (Enap), il découvre la maison

d'arrêt de Fleury-Mérogis, « la plus grandeprison européenne », celle d’Orléans,

« l’une des pires de France ». « Dans lapeau d'un maton » décrit l'univers carcéral

au quotidien, celui auquel le public et

les médias n'ont pas accès. Entre

violences, tensions et inhumanité.

En chiffres31,2 milliards C’est lemontant en euros du chiffred’affaires du secteur de la restauration rapide en France en2010, selon une étude du bureauGira Conseil publiée en février.Ce chiffre est en hausse de 60%par rapport à 2004, affichant desrecettes d’environ 19,4 milliards.Cet essor est notamment dû ausuccès des fast-foods auxconceptions innovantes, bio,végétariens ou exotiques.

600 millions C’est lenombre d’utilisateurs que revendique Facebook. Si ceréseau social était un Etat, ilserait le troisième plus peupléau monde, derrière la Chine (1,4 milliard d’habitants) etl’Inde (1,2 milliard). Avec 210millions de comptes et rapportéà la même échelle, Twitter seraità la 7ème place, derrière les Etats-Unis, l’Indonésie et leBrésil. (sources : CNET, AOL)

3 h 32 C'est le temps que les Français passent chaque jourdevant la télévision, en moyenne.Soit 9 minutes de plus que l'année dernière ! La Coupe duMonde de football et les JO d'hiverde Vancouver ont attiré les téléspectateurs, ainsi que laréforme des retraites et lesgrèves qu'elle a provoquées. Le temps particulièrement froiddu début et de la fin d'annéeapporte aussi sa contribution à ce record de durée d'écoute.

40 000 C'est le nombre de comptes Gmail qui ont étévidés de leur contenu le 28 février 2011 du fait d’unepanne système.

Chagall etKandinsky

s'invitent à Grenoble

Le musée National d'Art Moderne – Centre Pompidou,

qui propose depuis plusieurs années des expositions

délocalisées, va permettre aux Grenoblois de se

plonger dans l’univers fascinant de Marc Chagall,

l'un des plus grands surréalistes russes. Le musée

de Grenoble présentera, en effet, jusqu'au 13 juin

2011 plus de 150 œuvres (tableaux, sculptures,

dessins ou photographies) retraçant les visions

d’artistes russes du début du XXème siècle, avec

en toile de fond la marche vers la guerre et la

révolution bolchévique.

Both Ways Open Jaws,

The Do

HOMMAGE

Annie Girardot

Page 6: Pigé Magazine 12

Olivier Revol en conférence à Grenoble.Crédits : L.Boutaam/BN.Roch.

6

« 99% des ados ne sontpas accros aux jeux vidéo »

PPédopsychiatre et chef de service de neuropsychiatrie de

l’enfant à l’hôpital neurologique de Lyon, Olivier Revol reçoit de

plus en plus de parents inquiets du temps passé par leurs ados

devant les écrans. Interview avec l'auteur de « J'ai un ado, mais

je me soigne » (Editions JC Lattès), à l'issue de la conférence,

jeudi 27 février 2010.

Société

Quelles sont les inquiétudes des parents concernant l’addiction aux écrans ?La peur vis-à-vis de l’écran est systématique. Le problème le plus frappant est celui du jeu vidéo, parce qu’ilcristallise les craintes de parents dépassés par ce nouveau média. L’irruption des écrans dans la vie familialeest un phénomène nouveau, et ils viennent me voir pour savoir où placer les limites. Jusqu’où peut-on considérerqu’un comportement de jeu est normal, quand cela devient-il pathologique ? La plupart des pédopsychiatres,dont je fais partie, commencent à dédiaboliser les écrans et les jeux vidéo en particulier.

Quelle réponse donner à ces inquiétudes ?La multiplication des écrans est un phénomène de société comparable à celui de l’apparition de l’écriture. Al’époque de sa diffusion, les gens éprouvaient les mêmes craintes observées aujourd’hui pour les écrans. Mamission est d’expliquer aux parents pourquoi les adolescents sont branchés là-dessus, et quelle attitude adopteren fonction de l’âge des enfants. Mon travail consiste aussi à rassurer, puisque 99% des ados que leursparents estiment accros à leurs ordinateurs ou à leurs consoles de jeu ne le sont pas du tout.

Concrètement, quels sont les indices qui doivent les alerter ?Il y a un signe qui doit inquiéter les parents : c’est l’isolement social. Si l’adolescent ne fait plus que ça, qu’ilrenonce à ses autres loisirs, ou qu’il ne voit plus ses amis, alors il faut consulter un spécialiste. En revanche,la chute libre des résultats scolaires, très classique à l’adolescence, ne doit pas forcément les alarmer. Il fautvoir si elle s’accompagne d’un fléchissement social et d’un désinvestissement du quotidien. L’adolescentdevient addict au moment où le jeu vidéo prend la place de tout le reste.

Faut-il interdire les écrans à la maison ?Absolument pas ! Interdire complétement quelque chose c’est idiot puisque les enfants vont le faire ailleurs,en dehors de la vigilance des parents. Supprimer les écrans, c’est priver l’enfant d’un outil d’intégration sociale.

Il aura du mal à se faire des copains s’il n’en a pas du tout. D’ailleurs, les écrans ont de bonscôtés. Les enfants maladroits, dyspraxiques ou dyslexiques n’auraient jamais pu écrire une lettred’amour il y a vingt ans de cela, alors qu’aujourd’hui ils envoient, grâce à leurs téléphones portablesou leurs ordinateurs, des « JTM »* passionnés. Il ne faut donc pas diaboliser les écrans, mais ilfaut s’en servir avec tact et mesure.

* « JTM » = « Je t’aime » en langage SMS.

Propos recueillis par Bertrand-Noël Roch

et Leïla Boutaam.

28 millions de joueurs !

Contrairement à ce que l’on pourrait penser,les passionnés de jeux vidéo ne sont pasforcément des adolescents. Ainsi, enFrance, l’âge moyen du « gamer » (joueurde jeu vidéo) est aujourd’hui de 35 ans. En2010, le secteur du loisir numérique agénéré plus de 3 milliards d’euros dechiffre d’affaires, et représente 22% dumarché du divertissement en France.Enfin, parmi les 28 millions de Français quijouent régulièrement, la moitié sont desfemmes (source : Rapport de l’institut Gfk,février 2011).

Deux wargames plébiscités par les ados.

HALO REACH

CALL OF DUTY BLACK OPS

Page 7: Pigé Magazine 12

EComment en arrive-t-on à la désobéissance civile ?On a recours à la désobéissance quand les formes traditionnelles de revendications comme la grève ou les manifestations ne suffisent plus. Lessyndicats, les partis politiques, les ONG ne répondent plus à certainesdemandes de l’opinion publique. Les rouages de notre bonne vieille démocratie représentative sont quelque peu rouillés : la désobéissance estlà pour rappeler à l’ordre le personnel politique et faire entendre la voix des« inaudibles ».

Tous les actes de désobéissance sont-ils politiques ?Quand Stéphane Hessel écrit « Indignez-vous », un million de personnes lesuivent. Cela ne peut être dénué de sens politique, même si tous ne partagentpas la même souffrance. La désobéissance part souvent de cet état de souffrance, au travail, devant des règles, des lois injustes. Mais quand quelqu’un en vient à désobéir, il ne le fait jamais de façon isolée. Il se meten danger pour la collectivité, parce qu’il a le sentiment que sa lutte est uneconquête démocratique.

Ne pensez-vous pas que la désobéissance civile peut mettre enpéril la démocratie en refusant le compromis ?La désobéissance s’attaque au principe même de la démocratie qui estd’accepter la règle de la majorité. Dès lors, la porte est grande ouverte àtous types de débordements. Nous le constatons avec le Tea Party aux Etats-Unis, ou avec l’UDC en Suisse qui appelle à la désobéissance fiscale.Mais à y regarder de plus près, la désobéissance se fait en général au nomdes grands principes démocratiques. Ces mouvements ne semblent crierqu’une seule chose : rendez nous le droit à la parole !

Si les moyens de revendications traditionnels ne fonctionnent plus,les actes de désobéissance vont-ils se généraliser ?Non. Nous ne pouvons pas concevoir une société qui ne fonctionne qu’à ladésobéissance. Elle n’est qu’un moyen, parmi d’autres, de rappeler le corpspolitique à la réalité. Ce sont des piqures de rappel sur des doléances raisonnables. Si ça ne suffit pas, il faudra passer à un autre mode d’action.La révolte. Qui sait, la révolution ?

Propos recueillis par Clémence Artur.

7

Dossier

Désobéissance !

La désobéissance peut-elle mettre en danger la démocratie ?

Albert Ogien,

sociologue, co-auteur de

« Pourquoi désobéir en démocratie »

(Editions La Découverte, 2010).

Paru en septembre 2010 aux Éditions La Découverte.

Crédits : La Découverte.

Entretien avec …

Non, la rédaction de Pigémagazine ne vous incite pas à enfreindre la loi, mais s’interroge sur la contestation, l’indiscipline. Sur le retour

en force de ces mots d’ordre, de ces mots durs, de ces mots de colère : résistance, désobéissance, indignation. Alors qu’il y a vingt ans

les actes d’insubordination restaient cantonnés à quelques mouvements associatifs extrêmes, aujourd’hui les désobéisseurs sont partout.

A l’école, dans la justice, dans la police et même parmi nos élus, ils brisent les règles, se mettent hors la loi, refusent d’obtempérer

pour attirer l’attention sur un système qu’ils jugent injuste. Les désobéisseurs se disent les garants de la démocratie, prêts à risquer leur

liberté pour défendre leurs idées. Qui sont ces nouveaux Ghandi qui appellent à la résistance par la désobéissance civile ?

Peut-on réellement enfreindre la loi pour améliorer le droit ?

En octobre dernier, Stéphane Hessel lançait son cri d’indignation. Depuis, plus d’un million de Français ont répondu à l’appel de l’ancien

résistant en achetant son livre. Parmi ces nouveaux désobéisseurs, des professionnels du service public, des fonctionnaires, soumis au

devoir de réserve et à l’obligation de loyauté (page 10). Mais aussi des associatifs, qui utilisent la désobéissance comme un moyen

d’action politique et médiatique, (page 12) et, plus étonnant peut-être, des élus, qui se dressent contre le système qu’ils représentent

(page 14). Avec Internet, un nouvel espace d’expression et de liberté s’impose. Facilitateur de désobéissance, la toile abrite les insoumis,

qui s’organisent efficacement (page 15).

Page 8: Pigé Magazine 12

Stéphane Hessel. Crédits : Alain Bachellier.

évoque ses propres souvenirs deguerre, ses propres colères. Et tout y passe, ou presque : les sans-papiers, la remise en causedes retraites, le statut réservé auxRoms, l’écart entre riches etpauvres, les acquis de la Sécuritésociale malmenés. Des exemplestoujours ancrés dans l’actualité.Car en 1945 comme aujourd’hui,« le motif de la résistance, c’est l’indignation ».

« Indignez-vous », Indigène éditions, en librairie

depuis le 20 octobre 2010, 32 pages, 3 euros.

8

Dossier

Désobéissance !Pour ceux qui

Il est partout. Dans tous les journaux et sur toutes les lèvres. Stéphane Hessel, diplomate et résistant de la Seconde

Guerre Mondiale, est devenu incontournable. Vendu à 1,2 million d’exemplaires, Indignez-vous, détesté ou adulé,

fait débat depuis la fin de l’année 2010. Etudiants, associatifs, intellectuels ou politiques, ils ont tous leur idée sur

le phénomène Hessel. La rédaction de Pigémagazine leur donne la parole.

En une petite vingtaine de pages,Stéphane Hessel résume l’essentielde sa pensée et de ses convictions,qu’il défend depuis toujours.Résistant de la première heure, cefils d’intellectuels allemands immigrésen France avant-guerre est déporté,à Buchenwald puis au camp deDora. La guerre finie, il participe à larédaction de la Déclaration universelledes droits de l’homme en 1948.Il mène ensuite une carrière dediplomate, devenant notammentambassadeur aux Nations Unies.

Pour une « insurrection pacifique »Pour ce héraut de la France Libre, lemoteur de l’action reste l’indignation.Un seul moyen d’y arriver : la nonviolence. Si Hessel explique le recoursau terrorisme, il ne le cautionne pas.C’est ainsi qu’il livre son analyse du conflit israélo-palestinien, quigangrène le Moyen-Orient depuisplus de soixante ans. Dans la lignéede Sartre, dont il rappelle l’héritage,il exhorte chacun à s’engager,prendre part à la vie de la Cité. Faitappel à deux philosophes Hegel etMerleau-Ponty, cite des articles dela Déclaration des droits de l’homme,

1,2 million de lecteurs de Stéphane

Hessel, sans compter les livres qui

passent de mains en mains.

Et vous, et vous, et vous ?

Guillaume Peyre, 22 ans, étudiant.« Rappeler les fondements de la République »J’ai trouvé son livre intéressant car un poil utopique. Jedirais que notre génération n’est pas forcément au courantdes fondements de notre société actuelle et de laRépublique. C’est bien de les rappeler. Concernant lescritiques et les polémiques qu’on entend, je ne suis pasd’accord. Hessel nous dit ce qu’il pense et c’est trèsbien. Le livre est concis, son développement est clair.

Gérard Koltchak, 53 ans, directeur d’une agence debanque privée.« Des vérités bonnes à entendre »Pour un homme de cet âge-là, il écrit des choses trèsactuelles. Il n’apprend rien mais assène des véritésbonnes à entendre. C’est bien de réveiller lesconsciences, sans pour autant donner des leçons. Jene connaissais pas Stéphane Hessel et je découvreaussi son parcours de résistant, il sait de quoi il parlesur le plan humain. Il apporte un peu de fraicheur, dejouvence.

Bernard Faivre, 62 ans, retraité.« Je ne comprends pas le succès de ce livre »Ce livre est très fouilli, même s'il est très court. Je necomprends pas un tel phénomène et pourquoi il s'esttant vendu. Il ne fait qu'effleurer les sujets, notammentsur le conflit entre Israel et la Palestine. Le passage estbien trop succinct, il ne propose aucune solution. Ilmanque à ce livre des idées concrètes. Je le trouvecher (NDLR : trois euros) pour le nombre de pages.

Elodie Martin, 34 ans, bibliothécaire.« Ce livre n'aura pas d'effets »J'ai été très déçu par ce livre. Il est très faible par rapport au battage médiatique très exagéré. On s'attendà trouver des sujets concrets sur lesquels s'indignermais les sujets de fond ne sont qu'en filigrane. Jepense qu'il faut s'indigner, mais ce livre n'aboutira pasà grand chose. Pour un million de lecteurs, il n'y aurapas un million d'actions. S'indigner, oui, mais il fautfaire quelque chose de ce sentiment.

Crédits : Estelle Faure et Sébastien Di Noia.

Les mots les plus utilisés dans le livre de Stéphane Hessel.Crédits : Gwendal Perrin.

Nombre d’occurrences

Résistance 18

Liberté/Libre 12

Droits 11

Nation/National 11

Violence 8

Histoire 8

Aujourd’hui 8

Espoir/Espérance 8

Guerre 6

Jeunes 5

Indignation 5

Terrorisme 5

Page 9: Pigé Magazine 12

Crédits : Estelle Faure.

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Dossier ont raté la vague Hessel…Ce qu'en pense... Pierre RabhiPierre Rabhi est agriculteur, philosophe et écrivain. Il défend le retour à

la terre et la reconstitution du lien social. En 2002, il s'est présenté à la

Présidentielle sur le thème de « l'appel à l'insurrection des consciences. »

Que pensez-vous du phénomène Stéphane Hessel ?Les gens ressentent une nécessité de s'indigner, je n'ai rien contre mais est-ce qu'ils prennent celivre pour le mettre sur une étagère ou est-ce que quelque chose se passe pour construire un autremonde ? Le phénomène risque d'être très éphémère. Il ne suffit pas de proclamer les choses pourqu'elles se fassent.

Trouvez-vous intéressant que Stéphane Hessel soit devenu le symbole de l'indignation ?Si ce livre parle aux gens, c'est que quelque part, il est juste. Stéphane Hessel semble réveiller lesgens mais les réveiller pour faire quoi? Je ne suis pas dans l'illusion de croire qu'il suffit de faire tomberles tyrans pour changer la société. Je suis indigné, mais s'il n'y a pas une réponse concrète à ce sentiment, c'est insuffisant.

Comment avez-vous concrétisé votre indignation ?Je suis un indigné depuis 50 ans. À mon arrivé à Paris, j'ai travaillé comme ouvrier spécialisé, j'ai vula condition des gens qui travaillaient dans ce microcosme. La différence avec Stéphane Hessel : j'airéagi il y a bien longtemps. Avec mon épouse nous avons pris nos clics et nos clacs pour nous installeren Ardèche. Nous avons modifié notre existence pour que notre indignation soit incarnée dans notre vie.

Ce qu'en pense... Robert AllemandRobert Allemand est médecin, il dirige la branche grenobloise de l’association

Médecins du Monde depuis plusieurs années.

Etes-vous d'accord avec la thèse du livre de Stéphane Hessel ?Evidemment, on ne peut être que d’accord avec lui. Il y a tellement de choses injustes qui se déroulent autourde nous, on ne peut que s’indigner. En ce moment à Grenoble, c’est la situation des Roms. C’est un début, uneréaction de révolte et de colère face à une injustice, tout le monde devrait le faire.

Le mot « indignation » vous convient-il ? Oui, mais ensuite le mot doit déboucher sur une action. C’est ce qu’envisage Hessel, il est partisan de la nonviolence. Le terrorisme n'est pas justifié mais il devient compréhensible. On comprend que des gens acculés,qui n’ont aucune possibilité, comme les Palestiniens, en soient réduits à commettre des actes terroristes.Parce qu’ils sont désespérés.

Pourquoi ce livre a-t-il tant de succès ?Il est court, facile à lire et pas cher. L’essentiel est dit avec un rappel du programme de la Résistance, qui revientà la mode. C’est aussi parce que les injustices sont de plus en plus criantes. La richesse nationale augmentemais la répartition est mal faite. Aujourd'hui notre société est basée sur la réussite personnelle, l’individualisme.On a perdu la notion de solidarité. L’indignation, c’est justement lutter contre cet air du temps.

Crédits : Fanny Dion.

Pages réalisées par Estelle Faure et Sébastien Di Noia.

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Vous considérez ne pas avoir failli à votre devoir de réserveet de discrétion. Alain Rousset (NDLR : président du ConseilRégional d’Aquitaine) a toujours pensé le contraire.Considérez-vous avoir désobéi à votre supérieur hiérarchique ?Juridiquement, je n'ai commis aucune faute, il suffit d'avoir desbases en droit de la fonction publique pour le savoir. Se gargariserd'accusations est un peu léger, mais c'est ainsi. Le livre est un essairomancé où tout a été suffisamment modifié pour que personne nepuisse pointer une collectivité du doigt.

Le devoir de réserve est-il devenu une notion dépassée dansle service public ? Doit-on, comme vous l’avez fait dans votrelivre, privilégier une transparence totale au nom de la libertéd’expression ? A partir du moment où l'on ne tombe pas dans les pièges de la diffamation et de la calomnie, alors oui, je pense qu'il faut privilégierla transparence. En interne, déjà, mais souvent les notes soulevantdes problèmes qui fâchent ne sont pas lues. En externe pour quecertains puissants arrêtent de se considérer comme des despotesentourés d'esclaves. Nous sommes là pour une seule chose : l'intérêtgénéral. Le reste, les histoires d'egos, on s'en fout.

Depuis votre retour, avez-vous senti un changement dans lespratiques de votre institution ? Votre livre a-t-il, finalement,servi à modifier quelque chose au système ?Bien sûr que non, voyons, la Cour des comptes ne réussit pas à faireévoluer les pratiques, ce n'est pas moi qui vais y parvenir ! Mon livrea permis à des milliers de fonctionnaires d'apprendre à sourire del'absurdité de leur situation, j'ai rencontré beaucoup de lecteurs et ilsm'expliquaient que je les avais fait rire et qu'ils auraient pu rebaptiserchaque personnage, que c'était « pareil chez eux ». Faire rire lesgens, c'est déjà une évolution favorable, non?

Gwendal PERRIN.

Ils sont 5 millions. 5 millions d’agents de la Fonction publique, au

service de la population et de l’Etat. Soumis au devoir d’obéissance

et à l’obligation de loyauté, ils sont pourtant de plus en plus nombreux

à se dresser face à la hiérarchie et au pouvoir.

Qui sont ces désobéisseurs du service public ?

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Dossier

Désobéissance !

Chargés de faire appliquer la loi,ils ont décidé de la braver pourse faire entendre.

Après l'intervention de Nicolas Sarkozy le jeudi 3 février, estimant que le meurtrede la jeune Laëticia résultait d'une « faute » de l'instruction, et que « ceux quiont couvert ou laissé faire cette faute seront sanctionnés », les magistrats ontdécidé de frapper fort. « Sarkozy a allumé une allumette, mais l'herbe était sèche »note Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfant de Bobigny. Envotant le renvoi des affaires non-urgentes, le 7 février dernier, les magistrats deNantes ont lancé un mouvement inédit, visant à protester contre la stigmatisationdont ils disent être les victimes de façon répétée. La mobilisation a d'ailleurs étéforte, avec un cortège de 2000 personnes à Nantes le 10 février et les résultatsne se sont pas fait attendre, puisque le gouvernement s'est finalement dédit enréhabilitant les magistrats mis en cause par Nicolas Sarkozy.

Mais cette action n'aurait eu rien d'exceptionnel si les professionnels de la justicene s'étaient pas ainsi mis à la limite de la légalité puisque, comme le rappelle,l'Union Syndicale des Magistrats, par la voix de Patrice Giroud, « les magistratsn'ont pas statutairement le droit de grève », Il semble bien que cet acte de désobéissance soit donc le dernier recours d'une profession en souffrance.« Quel autre moyen que le renvoi des affaires pouvons-nous avoir ? [...] Le renvoigénéralisé des audiences, qui pénalise nécessairement les justiciables, peutapparaître comme une mauvaise solution, mais nous n'en avons pas vraimentbeaucoup d'autre », confirme-t-il. Une chose est sure : cette grève fera date.

Hugo Richermoz.

Les magistrats descendent dans la rue, ici le 10 février 2011 devant le Palais de justice de Paris.Crédits : Christian Petit (Conseil général du Val-de-Marne).

Mars 2010 : une haut-fonctionnaire publie sous lepseudonyme de Zoe Shepard « Absolument Débordée »,description pamphlétaire du fonctionnement duConseil Régional d’Aquitaine dans lequel elle travaille.Un livre à succès qui aura valu à Aurélie Boullet, lavéritable auteure, une mise à pied de quatre mois…

3 questions à... Zoe Shepard3Les dysfonctionnaires

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Dossier

Ils ont osé. 280 des 12 000 membres des Compagnies Républicaines deSécurité, garants de l'ordre et de la sécurité, ont défié ouvertement l'autoritédu ministre de l’Intérieur début 2011. Le 26 janvier, Brice Hortefeux annoncela fermeture de deux compagnies de CRS, à Lyon et Marseille, en vue d’unemutation dans la police. « Colère » et « Incompréhension » sont les premiersmots qui viennent à la bouche de Frank Heguilein, délégué syndical de la 46e

compagnie, à Sainte-Foy-les-Lyon. Car « les gars de la 46e » considèrentavoir été de bons fonctionnaires, connus pour appliquer les objectifs du gouvernement : des résultats chiffrés en matière de baisse de la délinquance,malgré la diminution des effectifs.

S'ils ne sont pas allés jusqu'à se mettre du côté des manifestants, commele firent les compagnies 150 et 151 en 1947 à Marseille(1), leur engagementa eu quelque chose « d'historique » pour Frank Heguilein. Non parce qu'ilsse sont portés en « consultation médicale » ou qu'ils ont entamé des grèvesde la faim, il faut bien admettre qu’aucun média n'a observé de CRS faméliques,

mais bien parce qu'ilstémoignent de la fracturesans cesse grandissanteentre l'Etat et ses fonctionnaires. Frank Heguilein fustige ainsi « l’absencede dialogue social », qui pousse les CRS à se battre avec de nouveauxmoyens. Même syndiqués à 99% parce qu’ils n’ont pas le droit de grève,leurs délégués n’ont pas réussi à faire plier le ministre par la négociation :« Hortefeux n'écoutait pas » affirme Frank Heguilein.Comme les cheminots, ils voulaient seulement conserver leur poste et leurstatut, vieux de 65 ans, mais ils ont obtenu gain de cause bien plus rapidement.Quelques jours de médiatisation, l’appui des familles et de quelques commerçants ont suffi à faire reculer le gouvernement.

(1) Maurice Agulhon, Fernand Barrat, C.R.S. à Marseille, la police au service du peuple, 1944-1947,

Paris, 1971.

Simon RECHT.

« les gars de la 46e » considèrent avoir été

de bons fonctionnaires

CRS : Touche pas à mon poste !

Les CRS serrent les rangs...face à l'Etat. Crédits : Laurent BON.

Instituteur depuis vingt ans à Colomiers (Haute-Garonne), Alain Refalo n’a pas toujours suivi les règles àla lettre. C’est lui qui en 2008 est à l’origine du mouvement des « désobéisseurs ». A la suite desréformes du ministre de l’Education de l’époque, Xavier Darcos, qui mettait notamment en place l’aideindividuelle, Alain Refalo n’est pas resté les bras croisés. Il a refusé d’accorder deux heures hebdomadaires d’aide individuelle aux élèves les plus défaillants, une mesure qui entérinait, selon lui,l’échec du système éducatif républicain. Il l’a fait savoir à son inspecteur le 6 novembre 2008 dans unemissive intitulée « En conscience, je refuse d’obéir ». Mais pourquoi une lettre ? « Au printemps 2008,on a participé à de nombreuses grèves mais on n’a pas été entendu » raconte le professeur, « c’est làqu’est née l’idée d’entrer en résistance pour ne pas être complice de cette réforme ». Plutôt que manifester une fois tous les trois mois, il préfère l’action de longue durée. Celui qui tient le blog « Résistance pédagogique » compte parmi ses lectures Henri-David Thoreau et Martin Luther King,hérauts de la désobéissance pacifique.

Une vie de résistantL’affaire fait grand bruit. « Cette lettre a surtout suscité un électrochoc dans la profession, une partied’entre elle est entrée en désobéissance comme moi » se rappelle l’instit'. Plus de 3 000 collègues répètent son geste. Le réseau des désobéisseurs est aujourd’hui disséminé dans une cinquantaine dedépartements, notamment en Loire-Atlantique, dans l’Hérault, les Bouches-du-Rhône mais aussi àStrasbourg. Un mouvement soutenu par Stéphane Hessel, en décembre dernier, au moment où AlainRefalo écope d’un abaissement d’échelon pour son action. Il faut dire qu’à 47 ans, l’instit' agitateur aun long passif de résistant : après une formation de documentaliste à Toulouse, il devient objecteur deconscience dans une association de l’Essonne, sur le thème de la non violence. En 1990, il passe leconcours de l’IUFM par conviction, pour faire « un métier qui a du sens ». Même s’il n’aime pas se comparer à eux, il s’inscrit dans la lignée des résistants de la seconde guerre mondiale : « on agit au nom des valeurs des résistants de la première heureen se battant contre le démantèlement de l’éducation. Et d’une certaine façon, on prend des risques et on en paie parfois le prix ».

Estelle Faure.

Instituteur agitateur, Alain Refalo a lance le mouvement des enseignants « désobéisseurs ».

Crédits : DR.L’instit hueur

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La page d’accueil du site pièceset main d’oeuvre.

A la recherche du nouvel ennemi,

Editions L’Echappée,2009.

Le dernier ouvrage du collectif PMO.

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E

Dossier

Désobéissance !

L’école de la désobéissance

Novembre 2006 : une petite poignée de militants contre les missilesnucléaires décide de créer un réseau permettant à toutes sortes de luttesd’avoir recours à la désobéissance. Les militants de ce réseau, qui s’appellenteux-mêmes « les désobéissants », prêtent un concours humain et matérielà différentes actions collectives, des anti-OGM au conflit israélo-palestinien.Sa création est partie de la volonté de mettre fin au cloisonnement entre cesmouvements, qui, sans forcément avoir les mêmes idées, partagent lesmêmes valeurs : l’idée qu’il faut défendre le bien commun partout où il estmenacé par le libéralisme et le profit. Cinq ans après son lancement, le collectifdes « désobéissants » compte 2 500 membres. Au-delà des seules personnesdu réseau, le groupuscule voit défiler près de 1 000 militants par an à sesdésormais célèbres « stages de désobéissance ».

Apprendre à sortir des rangs« Si nous apprenons à obéir, nous pouvons apprendre à désobéir »*. C’est àpartir de ce postulat étonnant, que le collectif a décidé, en 2008, de créerces stages qui s’organisent sur un week-end. Le but : apprendre àenfreindre la loi de façon efficace et sécurisée. Pour cela, les stagiaires sevoient dispensés des cours théoriques et pratiques, entre « ateliers juridiques »et mises en situation. Pendant deux jours, une vingtaine de désobéissantsen herbe s’entraîne à faucher des OGM, à s’enchaîner sur des bidons deproduits chimiques, à faire diversion, à résister à la police. Le collectif leurenseigne également leurs droits et leur moyen de résistance juridique en casd’arrestation, et comment faire connaitre leur action à travers des « ateliers

médias » intensifs.Une communicationnécessaire pour alerterles dirigeants maisaussi le public, quipeut être amené à sereconnaître dans lacause défendue et àrejoindre les rangs deceux qui apprennentà en sortir.

*www.désobéir.net

On n’arrête pas le progrès ?

La révolution des technologies de l’infiniment petit (les nanotechnologies)ne se fait pas sans résistances. Certains les qualifient de « menace »pour la démocratie. Entretien avec un membre du collectif anonymegrenoblois « Pièces et main d’œuvre » (PMO), qui mène depuis2003 une « bataille d’idées » contre « le dogme dominant » qui fait,selon eux, passer pour des évidences des orientations qui sont enfait purement « politiques ».« Nous, les sans-pouvoir, sommes faibles face au pouvoir ». Par cesmots, le collectif plante le décor : une lutte des petits contre un étatjouissant de moyens qui lui permettent de mettre en œuvre sa politique ainsi que la « propagande » qui va avec, afin d’éviter larésistance. Ainsi, « vu de loin et en général, il est vrai que la massede la population subit avec résignation et/ou indifférence la technification à marche forcée de sa vie », reconnaissent les PMO.Face à ce qu’ils qualifient de « pétrissage permanent de l’opinion »,ils n’ont « que des mots ». Ainsi, les PMO ont dénoncé activementla campagne de débats participatifs de la Commission nationale dudébat public sur ces technologies en 2010. Ils sont intervenus enempêchant parfois les discussions d’avoir lieu. Une simple « campagned’acceptation », selon leurs propres termes.Au delà de la technophobie dont les accusent leurs détracteurs, lalutte contre les nanotechnologies est, selon leurs termes, rien de moins qu’un « combat direct contre le totalitarisme ». « Le développement des technologies renforce l'emprise de l'Etat sur lasociété et les individus », assènent-t-ils.Leur combat s’articule autour de la défense d’une démocratie àl’ancienne, idéalisée, où « tout citoyen est réputé compétent pourles affaires de la cité, quels que soient sa compétence ou ses titres ».Indignés, ils le sont, contre un pouvoir qui, selon eux, renonce à sesprincipes, accompagnant volontairement cette lente évolution.L’Etat serait donc à son tour le « désobéisseur », empruntant unevoie allant à l’encontre des principes démocratiques, selon PMO.

Hugo Richermoz et Lila Martin.

Crédits : DR.

Le succès d’une lutte passe souvent par le nombre. Plus de poids, plus de moyens, mais aussi la possibilité de

mettre en commun les idées, d’échanger, de débattre, sont autant de raison qui poussent les indignés à se regrouper.

Le secteur associatif canalise ainsi un grand nombre des formes de désobéissance.

Lumière sur quelques collectifs qui ont le vent en poupe.

Les associ’actifs

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Dossier

Les ratés et les tarifs de la SNCF énervent de plus en plus. En janvier,l’Association des Voyageurs-Usagers des Chemins de fer et le CollectifUsagers TER en Colère initient une pétition nommée « SNCF, ras le bol ! »,qui compte plus de 10 000 signatures au bout de deux mois. Certainsusagers décident de ne plus présenter leurs titres de transport sur les12 lignes reconnues comme « malades » par la direction, une sorte dedroit de grève. Et ce mouvement fait des émules.

Le 17 février, usé, Pascal décide de réagir. La veille le TER Lyon-Chambéry était arrivé 50 minutes en retard, alors ce membre del'Association Dauphinoise des Usagers du Train (ADUT) annonce sur unton provocateur au contrôleur : « je vous présenterai mon billet dans 50 minutes ». Ce dernier s'en va rapidement appeler la police ferroviaire et revient dans le wagon de Pascal, qui lui montre alors sontitre de transport, narquois. Le ton monte, et quelques habitués du7h01 de Chambéry prennent la défense de « l'usager en colère ».Le contrôleur, qui se sent agressé, s'exclame « vous me prennez enotage ! », ce à quoi rétorquent les 6 voyageurs : « c'est vous, avec vosgrèves, qui nous empêchez d'arriver à l'heure au boulot ! ». L'histoirese termine ici.

Si les retards se poursuivent, Pascal et « ses amis » prévoient une « montée en puissance », qui consisterait notamment à s'installer enpremiere classe pour compenser. Dans d'autres régions, les usagersimitent ironiquement les vaches qui attendent le train ou impriment desfaux tickets en signe de protestation.

Le lendemain, comme pour répondre à Pascal, les associations d'usagers TER de Rhône-Alpes tombent d'accord avec la directionrégionale de la SNCF. Résultat ? La balle est relancée vers Réseau Férréde France.

Simon RECHT.

Pour la gratuité des transports publicsSi les transports publics sont payants, pourquoi pas les rues piétonnes ?C'est la question que posent les militants du Réseau pour l'Abolition desTransports Payants (RATP) aux piétons qu'ils interpellent. Exaspérés parles prix des billets des transports à Paris, ils décident en 2001 de créer cecollectif qui mutualise des cotisations à hauteur de 7 euros par mois pourpayer les amendes. Depuis, ce genre de collectif d'une dizaine de membresa essaimé dans plusieurs villes comme Lyon, Marseille ou Lille.Robert, 25 ans, nous explique les raisons de son engagement. Il considèreque la gratuité des transports fait partie des missions de l'État, au mêmetitre que l'éducation ou la santé, etestime que « ce sont les pluspauvres, rejetés en périphérie deParis, qui doivent payer le plus cherpour aller travailler ». Il condamne,par ailleurs, le « traçage » des individusvia leur carte Monéo, « à chaque fois qu'on valide », et raconte comment lagratuité favoriserait l'usage des transports en commun à l'heure de la criseécologique.

Le financement ? « Arrêtez de payer les billetteries et les contrôleurs ! » s'indigne-t-il. Jean Louis Séhier, Directeur à Lille Métropole CommunautéUrbaine, rappelle en effet qu'en France l'usager paie souvent moins de 30 %du coût de fonctionnement.Certaines villes ont ainsi choisid'appliquer la gratuité, commeChâteauroux, Castres, Compiègne,Colomiers ou Gap. Dans un rapportde 2009, l'Association pour leDéveloppement des Transports enCommun estime cependant quececi n'est pas vrai dans lesgrandes villes, où la gratuité à plusd'incidence. Ainsi, en ce quiconcerne la billeterie, Grenoble aproportionellement 10 fois plusd'argent à perdre que Chateauroux,ce qui explique ses réticences.

Robert a quitté le « RATP » en2010, puisque « la mutuelle estphagocytée par la FédérationAnarchiste ». Et puis il y a lesautres, ceux « qui cherchent lesamendes, et ça coule tout lemonde ».

Simon RECHT.

Crédits : Simon RECHT.

Usagers usés

Exaspérés par lesprix des billets

Robert en action. Crédits : Simon RECHT.

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LL'indignation n'est pas l'apanage des syndicats ou des militants

associatifs. Les représentants de l'Etat à l'échelon local sont de

plus en plus nombreux à désobéir pour dénoncer une situation

qu'ils jugent injuste.

Dossier

Désobéissance !Délits d'élus

Enfreindre la loi tout en représentant la République. Nombreux sont lesélus qui se frottent à cette contradiction. Instigateur de cette mouvancedans l'agglomération lyonnaise, André Gérin, député communiste duRhône, a pris des arrêtés anti-saisie et anti-expulsion pendant une douzained'années lorsqu'il était maire de Vénissieux – jusqu'en 2009. En 2004,il élargit son champ d'action aux coupures d'eau et d'électricité.L'ex-maire est alors aidé par les Robins des bois, des salariés d'EDF quirétablissent clandestinement le courant chez les usagers. Poussé par la volonté de contrer « cette machine à broyer les gens », le députérevendique sa désobéissance. C'est aussi pour répondre à une situation de détresse que Nathalie Perrin-Gilbert, l'actuelle maire du 1er arrondissement de Lyon, a hébergé une famille sans-papiers danssa mairie et à son domicile, en 2004. « C'est d'abord l'émotion, voire lacompassion qui a joué », reconnaît-elle. Mais l'objectif était aussi deprotéger ses administrés : « Dans le quartier militant de la Croix-Rousse,plusieurs ménages hébergeaient des sans-papiers à cette époque.Rendre publique ma décision était une façon de porter la responsabilitéen tant qu'élu pour la détourner des citoyens ».

« Choisir entre ce qui est juste ou ce qui a l'apparence de lalégalité »Enfreindre la loi ne pose pas de problème de conscience à ces élus.Et pour cause, ils sont persuadés de la légitimité de leur action. PourAndré Gérin, il s'agit d'une « lutte de résistance ». « Si je n'agissais pas,j'aurais eu le sentiment de ne pas porter assistance à personne en danger », explique-t-il. « A un moment donné, on choisit entre ce quiest juste ou ce qui a l'apparence de la légalité », résume NathaliePerrin-Gilbert. Son arrondissement lyonnais a été le premier à célébrerdes parrainages républicains d'enfants sans-papiers en 2007. Ce délitde solidarité a porté ses fruits puisque depuis la majorité des personnesparrainées a été régularisées ou n'a pas été inquiétées par la police.Pour l'ancien maire de Vénissieux, les arrêtés pris durant son mandat ont« limité la casse» mais « sur le fond le problème demeure ». Il revendiqueau niveau national une reconnaissance de « l'eau et l'électricité commeéléments constitutifs de la vie quotidienne ». Les transgressions localesdes élus agissent comme des révélateurs de problèmes nationaux.« Ces actions sont la preuves d'un écart de plus en plus grand entre lesvaleurs fondamentales de la République et les lois qui sont votées »,estime Nathalie Perrin-Gilbert. Et d'ajouter : « J'aime la loi mais cesactes signifient peut être que l'on souhaite revenir à une Républiqueréelle, à ce pourquoi on a été élu ».

Justine Lafon.

Mariage gay : La désobéissance sanctionnée

Les actes de désobéissance ne sont pas tous logés à la mêmeenseigne. Lorsque le 5 juin 2004, Noël Mamère (Verts), célèbre lemariage civil d'un coupe homosexuel dans sa mairie de Bègle, enGironde, les sanctions tombent. Le préfet suspend le maire de ses fonctionspour un mois et une requête de nullité du mariage est immédiatementprésentée au Tribunal de grande instance de Bordeaux. Le 27 juillet2004 le TGI annule l'union. Le ministre de l'Intérieur, Dominique deVillepin, prévient alors que les maires qui procéderaient à des mariages

homosexuels s'expose-raient à une révocationet pourraient ne pas sereprésenter à des élections durant un an.Si pendant l'affaireNoël Mamère s'est félicité d'avoir inscrit ledébat dans la société,depuis aucun maire nes'est risqué à marierdeux personnes dumême sexe. Débutfévrier 2011, la mairede Montpellier, Hélène

Mandroux, a bien célébré un mariage gay ceinte de son écharpe tricolore ; mais pour respecter la législation, l'union n'a pas été inscriteau registre officiel.

Photo : Mariage homosexuel, à la mairie de Montpellier le 5 février 2011.Crédits : Ville de Montpellier.

Nathalie Perrin-Gilbert,maire du 1er arrondissement de Lyon.

André Gerin,député de la 14 e circonscriptiondu Rhône, le 10 mars 2010.

Crédits : BBCworldservice.

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Dossier

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Espace encore peu investi par le droit, Internet est un facilitateur

de désobéissance. Profitant des vides juridiques, les désobéisseurs

prennent le pouvoir sur le Web.

Quand le Net enfreint les règles

L’usage d’internet s’est révélé indispensable au processus révolutionnaire dans le

monde arabe. Les contestataires se sont engouffrés dans ces nouveaux espaces,

utilisant la puissance du réseau pour rassembler leurs forces et mener leurs actions.

S’agit-il ici d’une simple adaptation technologique ou bien d’une nouvelle forme de

désobéissance ?

L’heure des apéros a-t-elle sonné ?Un lieu, une heure, un rassemblement. Il y a unpeu moins d’un an, ils étaient sur toutes leslèvres. Les apéros géants organisés via le réseausocial Facebook ont donné plus d’une sueur froideaux pouvoirs publics après la mort, en mai 2010,d’un jeune homme à Nantes, tombé d’un pontdans un état d’ébriété certain. Ces rassemblementsn’ont pas tous eu une fin aussi tragique, maisleur capacité à réunir des jeunes et des bouteillesa vite inquiété le gouvernement. « Pas questionde les interdire », a décrété Brice Hortefeux.Cependant, les préfectures et les forces del’ordre se sont faites beaucoup plus regardantssur la nature de ces réunions alcoolisées. Ce qui,forcément, a attisé la velléité des organisateurs,qui ont multiplié leurs appels aux apéros sur latoile. Et offert nombre de situations ubuesques :un Twapéro – même principe que l’apéro géantmais organisé via le réseau social Twitter – a ainsiété annulé à Valenciennes par la police en janvierdernier. Un rassemblement public effectivement « potentiellement dangereux » puisqu’il prévoyaitde réunir… six personnes !

Le flashmob : ludique ou politique ?A la mort de Michael Jackson, des centaines demilliers de personnes se sont réunies aux quatrecoins de la planète pour danser sur « Thriller » etrendre hommage au roi de la pop. C’était l’apogéedu « flashmob », de la « mobilisation éclair »organisée sur Internet. Aujourd’hui, les dansesintempestives sur les places des grandes villesou dans les gares se font plus rares. Là encore,l’effet de mode est passé avant que les pouvoirspublics n’aient à s’en inquiéter. Cependant, leconcept a été repris par des petits groupes militants ou des associations, dans le but dedénoncer quelque chose. Les causes les plusmobilisatrices ? L’environnement, la protectiondes animaux, le nucléaire. Les médias se délectentde ces images choc de militants nus et couvertsde faux sang pour dénoncer l’industrie de la fourrure, ou encore de ces « freeze » (le fait derester immobile pendant un temps donné dansun lieu très passant) d’écologistes déguisés enbuissons. Des manifestations qui, souvent, nesont pas déclarées à la préfecture – mais toujours aux médias. De quoi faire un bon coupde communication lorsque les militants sontdélogés par la police.

La pétition online, nouvel espace citoyenLongtemps cantonné au format papier, ce type derequête s’est progressivement développé surInternet : des sites comme Pétitionduweb,Change.org, Avaaz ou MesOpinions.fr connaissentde plus en plus de succès. Rien de plus facile quede réunir les internautes du monde entier autourde causes mobilisatrices : celles-ci peuvent êtresérieuses, en témoigne l’exemple de l’oppositiondepuis deux ans à la condamnation à mort duprisonnier américain Troy Davis. Impliqué dansune affaire de meurtre de policier, sa culpabilitéd’abord établie a été largement remise en question.Elles peuvent aussi être farfelues, telles cesdemandes répétées pour que Facebook ne fermepas. Hypothèse à laquelle l’équipe de MarkZuckerberg n’a naturellement jamais songé.Les pétitions en ligne sont toutefois confrontéesà deux types de difficultés. Il y a, justement, lagénéralisation de Facebook qui permet, par lebiais de pages spécifiques, de mobiliser sesréseaux en quelques clics et de court-circuiterles sites spécialisés. L’efficacité de la pétition enligne est aussi discutable : elle n’a pas plus devaleur juridique que son équivalent papier et leurmultiplication peut décrédibiliser la démarche.Dernier point, non négligeable : une signature depétition se retrouve très souvent référencée surGoogle ce qui, face à un possible employeurtatillon, peut poser problème…

Gwendal Perrin et Clémence Artur.

Crédits : Flickr – Pierre Guinoiseau.

« A côté des flashmobs joyeux et autres freeze,cohabitent aussi les die-in : une simulation de mortmassive pour un impact maximal sur l’espacepublic ». Crédits : Flickr – Takver.

Site de pétitions en ligne, Avaaz.org.

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Dossier

Désobéissance !

La profusion« Un homme s'est immolé, manifestation ! » Voilà ce que Nizar Baraket a lu sur Facebookle 17 décembre 2010. A partir de là et jusqu'au 14 janvier 2011, les réseaux sociaux ontpris une large part dans la révolution tunisienne, l’une des premières de l'ère Internet.« Le changement est apparu avec les photos de profils : beaucoup de drapeaux tunisiensnoirs ou ensanglantés », raconte Nizar. « On pouvait suivre les évènements quasiment heurepar heure. » La densité d'échanges a atteint des sommets sur Twitter et sur Facebook. Lenombre d'inscrits passe de un à deux millions en quinze jours. « C'était fou, il fallait remontersur des dizaines de pages pour avoir une heure de discussions par pseudos interposés. »Mots d'ordre de manifestation se mêlaient aux revendications politiques et sociales.« La première cible, c'était les Trabelsi, puis les gens s'en sont pris au RCD (Rassemblementconstitutionnel démocratique ). Le « dégage » n'est arrivé que dans les tous derniersmoments ».

L'émotionChaque jour son lot de nouvelles : un discours du Président, un mort, la chute. Facebook s'emballait à la moindre actualité. « On voyait : “ Un homme quitire, à confirmer ”. Et la confirmation arrivait. » Des informations de ce type, il s'en est trouvé des centaines lors des rassemblements. « On sentait une formed'excitation, un vent de fraîcheur et puis toutes les émotions : la colère, la tristesse et puis la joie après le 14 janvier », se souvient Nizar Baraket. « C'étaittrès émouvant de voir les vidéos des gens crier “ Ben Ali dégage ” ».

L'implicationPour ce Franco-Tunisien, les réseaux sociaux ont été un moyen de participer à distance à la résistance. « Grâce à Facebook j'ai pu prendre part au mouvement. » Ce fut surtout une manière d'être informé puisque « jusqu'à la dernière semaine, nous n'avions que les images et les témoignages d'internet ». Même après la chute du dictateur, internet n'a pas perdu de sa vigueur. Nizar Baraket reste impliqué en suivant quatre à cinq pages Facebookmises à jour quotidiennement : des médias qui retrouvent leur liberté, des partis politiques qui peuvent de nouveau s'exprimer librement. L'un de ses groupesfavoris, celui d'Ettajdid, le parti communiste tunisien, de tendance socio-démocrate, sur lequel il débat, échange et présente des idées. Pour lui, Facebookparticipe au renouveau. « Aujourd'hui, c'est la reconstruction politique qui est source de discussion. »

Sébastien Di Noia.

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Couverture médiatique du « printemps arabe » sur Twitter et sur Le Monde. Décalage temporel constaté lors des premiers évènements.

NNizar Baraket, 36 ans, est franco-tunisien, arrivé en France

en 1994, son bac en poche. Musicien et animateur radio,

c'est depuis Grenoble qu'il a suivi la révolution de Jasmin,

grâce aux réseaux sociaux.

Révolution 2.0

La révolution depuis son smartphone.Crédits : Sébastien Di Noia.

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La Une du quotidien britannique « TheGuardian » datant du 25 juillet 2010,jour de la première publication des « warlogs » sur la guerre en Afghanistan.

Les affaires clés de Wikileaks

Décembre 2006 : création du site par une dizaine de personnes issues des médias, des associations de défense des droits del'Homme et du secteur des nouvelles technologies.Août 2007 : dénonciation de détournements de fonds par des hommes politiques au Kenya. Julian Assange obtient pour cetteaffaire le prix Amnesty International New media, en 2009.Avril 2010 : diffusion de la vidéo d'une bavure de l'armée américaine à Bagdad, en 2007, qui a coûté la vie à une dizaine decivils dont deux employés irakiens de l'agence Reuters.Juillet 2010 : près de 91 000 documents secrets sur la guerre en Afghanistan sont publiés.Octobre 2010 : diffusion de quelques 400 000 rapports d'incidents pendant la guerre en Irak.Novembre 2010 : plus de 250 000 câbles diplomatiques américains sont révélés par le site et publiés dans cinq grands titresde la presse mondiale.

Manning, soldat désobéissant

Cet américano-britannique s’engage dans l’armée à l’âge de 20 ans, en 2007. Doué de compétences en matière informatique,Bradley Manning devient agent de renseignements et est envoyé en Irak. Après les premières révélations de Wikileaks mettanten cause l’armée américaine à l’été 2010, il est très vite désigné comme informateur du site par les autorités militaires, probablementà cause de ses propres vantardises auprès d’autres soldats. A l’issue de son procès, qui s’ouvrira en mai devant la cour martiale,il encourt la peine capitale.

DLa transparence absolue devenue une arme de désobéissance. C'est la conclusion qui peut être tirée de « l’affaireWikileaks ». Créé en 2006, le site divulgue des documents provenant pour la plupart de fuites, afin de devenir, selonson créateur Julian Assange, « l’organe de renseignements le plus puissant au monde ». En 2010, Wikileaks meten ligne des milliers de documents confidentiels sur les guerres en Afghanistan et en Iraq, les « warlogs », puis destélégrammes de la diplomatie américaine. Lors de ces dernières opérations, les fuites sont relayées dans des journauxtraditionnels (The Guardian, Der Spiegel, The New-York Times et Le Monde). Leur publication provoque un débatéthique et politique sur la justification de la guerre en Irak.

Par une lettre ouverte, Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters Sans Frontières, et Clothilde Le Coz,représentante de l’ONG à Washington, dénoncent la divulgation du nom des informateurs afghans de l'armée américaine.Ils seront finalement retirés. Clothilde Le Coz a été responsable du bureau « internet et libertés » de RSF avant d’atterrirà Washington. Elle explique avoir voulu devenir journaliste par indignation. C’est également ce sentiment qui, selon elle, guide la démarche de Wikileaks. Unsystème déjà érigé en véritable contre-pouvoir. « Aujourd'hui, n'importe quel gouvernement sait que tout peut se retrouver sur un site type “ Wikileaks " »,explique Clothilde Le Coz. Un phénomène pas si nouveau, selon elle : « Avant d'être incarné par Julian Assange, Wikileaks a été le relai de nombreux dissidents,qui voulaient publier des informations jugées sensibles par le parti au pouvoir dans leur pays tout en restant anonymes afin de ne pas risquer la prison ».

Nicolas Kayser-Bril, journaliste chez OWNI – média d’information et de débat sur la société numérique – confirme le rôle de Wikileaks comme moteur d'indignation. « Lors des évènements en Tunisie ou en Egypte, par exemple, le site a diffusé au fur et à mesure des informations concernant les présidentsde ces pays pour remettre de l'huile sur le feu », précise-t-il. Pourtant, selon le journaliste, la transparence tant décriée par les détracteurs de Wikileaksdevrait avoir une tout autre finalité : mettre les gens en relation pour qu'ils agissent. C'est dans cette optique que le site web français OWNI a co-réaliséavec l'équipe de Julian Assange une application (http://wikileaks.owni.fr) permettant d'accéder en ligne aux 400 000 documents secrets concernant la guerreen Irak. D'après Nicolas Kayser-Bril, « La transparence ne devrait pas être un moyen de s'indigner mais au contraire amener à plus de collaboration pourtrouver des solutions ». A l'image du système du logiciel libre où tout est ouvert et transparent. « Mais on n'en est pas encore là », regrette-t-il.

Lila Martin et Justine Lafon.

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La transparence au servicede la désobéissance Dossier

Portrait peint de Julian Assange parThierry Ehrmann, à la Demeure du Chaos.Crédits : 2010 www.AbodeofChaos.org?courtesy of Organ Museum.Depuis quelques mois, le site Wikileaks sème la panique

auprès de l'administration américaine. Vertueux pour les

uns, menaçant pour d'autres ; quel rôle ce promoteur de

la transparence planétaire est-il amené à jouer dans le

débat démocratique ?

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LigneA.fr, comme le tram du même nom, est un nouveau média école du

master journalisme. Il tente chaque semaine de rapprocher les quartiers

nord et sud de Grenoble, de créer des échanges, de croiser les vécus, en

allant à la rencontre des gens qui y vivent, à l'écoute des problèmes qu'ils

rencontrent, comme des histoires qu'ils racontent.

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« Les gens ont simplement besoin de parler ». Ceux du 16 avenueConstantine sont bien tombés. Ridha, leur gardien d’immeuble de 44 ans,large sourire au-dessous d’une moustache bien taillée, n’hésite pasà donner de son temps pour écouter les locataires des Castellets,groupe d’HLM au cœur de La Villeneuve. Etre gardien, c’est un longtravail d’écoute et d’attention. Ridha le confirme, « c’est beaucoup desocial ». Mais la plupart du temps, les demandes des gens « ne sontpas liées à la location. Il faut être à l’écoute. Il y a beaucoup de maghrébins illettrés, par exemple, donc il faut lire leur courrier. »

Il reconnaît que cette situation est parfois difficile à gérer. Le dialogue est la clé. « Il faut parler, rapprocher lesgens, dans les problèmes de voisinage par exemple ». C’est sans rechigner que Ridha consacre une bonne partiede sa journée à gérer les soucis personnels de ses locataires. Sa voix apaisante et ses compétences rassurent. Ilest conscient de son rôle et « aime » son métier. Fier de ce qu’il a accompli, Ridha n’en est pas à son premiercoup d’essai.

Immigré tunisien, ses débuts dans le gardiennage remontent à une douzaine années. En 2002, Ridha est embauchépar Grenoble Habitat en tant que gardien aux Castellets. Aujourd’hui, il fait partie de l’immeuble. La qualité de sontravail durant ces années est aujourd’hui reconnue par les locataires et également par son employeur, qui vientde lui offrir une promotion. Dans deux mois, il s’en ira donc vers d’autres cieux. Son poste ne restera toutefois pasvacant, car il reste « indispensable ». C’est « une antenne de proximité, et cela permet une plus grande rapiditéd’intervention ».

Ridha n’a pas toujours eu la tâche facile. Il avoue avoir fait face à beaucoup de problèmes de dégradations par lepassé, « jusqu’à mettre le feu à des cabines d’ascenseurs ». Il a même été visé personnellement par des agressions,qui l’ont amené à porter plainte à deux reprises. Mais il ne s’attarde pas sur ces moments difficiles. A l’inverse, ilest intarissable sur les aspects techniques du métier, « sa passion », comme il dit. Ses tâches sont multiples, denettoyage des parties communes au contrôle des équipements. Il doit réparer les soucis mineurs, faire remonterles problèmes, participer au diagnostic, et assurer un lourd travail lié à la gestion locative. « Le métier de gardiend’immeuble s’est élargi aujourd’hui », d’où la nécessité de polyvalence, comme il aime le rappeler.

Ridha a d’autres atouts et ne manque pas d’ambitions. Depuis trois ans, il suit sur le campus une formation àl’Institut d’études économiques et juridiques appliquées à la Construction et à l’Habitation (ICH), « l’équivalent d’unmaster en gestion vente ». Il doit conjuguer travail et cours du soir, au détriment de sa vie de famille. Les événementsde l’été à la Villeneuve ? Les affrontements entre jeunes et forces de police ? Il tempère. Et lui, comment il les avécus ? « Sur la plage, en vacances », répond-il en riant. Il n’empêche. Depuis son immeuble, il observe le quartieret sent des choses. L’attitude elle-même des locataires change. « Cela ne date pas de cette année, nuance-t-il.Etre domicilié à la Villeneuve à une connotation négative sur un CV ».

Il est déjà 17h, Ridha a pris du retard dans sa permanence quotidienne, les locataires affluent à la porte. Il nous laissesur le vaste parking faisant front à son bureau et retourne à ses tâches. La journée pour lui est loin d’être finie.

Guillaume Vénétitay et Léo Ruiz.

RRidha Beji est gardien d’immeuble à la Villeneuve

depuis neuf ans. Un métier dont on parle peu,

pourtant indispensable au sein de la cité.

Pour en savoir plus, nous sommes allés à sa

rencontre.

Crédits : Guillaume Vénétitay.

Le quartier de Ridha :La Villeneuve, à Grenoble.

Crédits : Guillaume Vénétita.

Portrait

Ligne A

MÉDIASÉCOLE

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Ligne A

MÉDIASÉCOLE

ALa guerre urbaineest-elle possible ?

19

Assiste-t-on à une radicalisation politique à l’égard

des banlieues ? Les forces de l’ordre se militarisent-elles

depuis quelques années ? Auteur du livre Opération

banlieues : comment l’Etat prépare la guerre dans les

cités françaises ?, Hacène Belmessous, journaliste et

chercheur indépendant était à Grenoble le 17 janvier

dernier.

À lire

Hacène Belmessous, devant unpublic d’habitants de la Villeneuve,de militants associatifs et de jour-nalistes réuni dans la salle voûtéedu Tonneau de Diogène, attaqueson intervention par un réquisitoirecontre la couverture médiatique desbanlieues. En particulier celle faitesur les événements de la Villeneuvel’été dernier. En tête des accusés,France Inter ou France 3. « QuandPatrick Cohen vient en taxi jusqu’àla Villeneuve pour tourner uneémission après les événementssans même s’imprégner du climatde la ville, ne serait-ce qu’en prenantle tram A, on reste forcément dansles clichés », soupire-t-il. Le publicadhère. La stigmatisation du quartierlors des émeutes est encore danstous les esprits.Son ouvrage avance une thèseexplosive. A commencer par desrévélations sur la rénovation desquartiers dans le cadre duProgramme National pour laRénovation Urbaine (PNRU). « Lesurbanistes et les bailleurs intègrentà présent les besoins des forces del’ordre dans leur réflexion. Ce quiveut donc dire que pour touteconstruction d’un immeuble ou delogements collectifs, l’avis de lapolice a un poids important. » Lebut ? Faciliter les opérations desforces de l’ordre en cas de troubles.

Selon l’auteur, on assiste à unemilitarisation progressive des forcesde l’ordre. « En 2009, des canons àson utilisés par l’armée israéliennedans la bande de Gaza ont été testésdans les camps artificiels deSissonne (02) ou St Astier (33) oùs’entrainent les policiers et gen-darmes. Il faut savoir que cet outildésarçonne les fauteurs de troublegrâce à un son équivalent à unavion de chasse au décollage »,prévient-il. Silence dans la salle, lepublic semble plier sous le poidsdes révélations.Le pire reste à venir. « L’envoi del’armée dans les banlieues a étéenvisagé par le gouvernement. » Le remplacement des unités depolice de proximité par des unités territoriales de quartier (UteQ),armées comme des GI’s et rompuesau dialogue, avait été une premièreétape. Le journaliste dit avoir euaccès à un rapport confidentielfourni par un général de réservedans lequel le recours à la forcearmée est envisagé « en cas de facteur déclenchant ». Une thèsequi contredirait la version officielledu secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale(www.sgdsn.gouv.fr), dont le contrat‘10000 hommes’ est la pierreangulaire. De la même façon, pourHacène Belmessous, « les troubles

urbains font partie des cas, avec les catastrophes naturelles, les pandémies ou les crises pouvantdésordonner le territoire national,où les soldats peuvent intervenir ».La liste des interventions potentiellesde ce groupe opérationnel publiéesur le site gouvernemental ne citepourtant pas explicitement lestroubles urbains, mais use enrevanche de points de suspensionqui peuvent laisser le doute planer.D’autant, fait remarquer l’auteur,que ces hommes sont mobilisablespar l’exécutif, sans concertationparlementaire, du fait du caractèred’urgence que peuvent revêtir cesactions.

Hacène Belmessous enfonce leclou : « Après les événements deClichy en 2005, certains membresdes forces de l’ordre devant appliquerla politique sécuritaire avaient étédéçus de voir la rébellion se terminer ».Désabusé, il ajoute en conclusion :« ce n’est sûrement pas le Plan EspoirBanlieues porté dernièrement parFadela Amara qui va améliorer lasituation. Changer uniquement la sémantique des anciennesréformes pour faire paraitre lestermes employés moins lourds ettechnocratiques ne produit pasd’effets majeurs. »

Opération banlieues :Comment l’Etat prépare la guerre dans les cités françaises, de HacèneBelmessous, Editions la Découverte,octobre 2010.

Lire également dans le même dossier l’interview

du sous-préfet de l’Isère, Marc Tschiggfrey sur

www.ligneA.fr

Arnaud Clément.

Hacène Belmessous. Crédits : Éditions la Découverte.

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MÉDIASÉCOLE

20Un jour ordinaire au Magasin de La Remise. Le 29 rue du Général Fériéouvre ses portes aux clients. Une caisse, des cabines d’essayage, desrayons chargés de fripes, quelques accessoires… Les gens fouillent,commentent les prix, sur un fond musical discret. Pourtant dans quelquesjours, changement de décor. La pièce sera vidée de tous ses présentoirs etobjets et réaménagée pour l’événement. C’est ici que s’est tenu le défilé demode organisé par l’association le 4 février prochain. Un défilé d’un genreun peu particulier puisque les mannequins ne seront autres que lesemployés de La Remise, et les tenues portées des vêtements dénichés surplace. Une trentaine d’employés (essentiellement des femmes) vont se prêter au jeu. Un « jeu »… et bien plus que ça.

Un défi personnelPour ces femmes, en difficultés, défiler est un véritable défi. « Je vais le fairemais je vais avoir honte de sentir tous les regards sur moi. Si j’y arrive ça vam’apporter un plus personnel » témoigne Monera Boudjedra, employéedepuis un an par la structure d’insertion. Ce défilé répond à un objectifessentiel de l’association : le travail sur l’image de soi, moteur dans un processus de retour à l’emploi. « La Remise est là pour apporter de la dignité,de la fierté à des femmes qui arrivent en pensant qu’elles ne sont bonnes àrien » résume Claire Lonati, encadrante depuis 19 ans. Cela passe par un

travail quotidien autour du triet de la revente de textile, maisaussi par des événementsplus exceptionnels commecelui-ci. « Défiler devant 250personnes ce n’est pas rien !Certaines ont eu du mal àentrer dans le projet maiselles sont maintenant toutes impliquées. Elles connaissentle lieu, elles commencent àêtre un peu plus en confiance »renchérit François-XavierLapierre, le directeur de LaRemise. Il ajoute : « le défiléva permettre de travailler surl’image que les filles ont deleur entreprise et doncd’elles-mêmes. Pour certainesça va les déshiniber, ça auraun impact la prochaine foisqu’elles se retrouveront face àun employeur. »

Faire les choses en grandPour marquer le coup et pour fêter dignement ses 20 ans, La Remise a vules choses en grand. Flora, Sarah, Marion et Nathalie, quatre bénévoles enservice civique volontaire avec UnisCité, sont venues tous les jeudis et vendredis préparer le show. Du choix des musiques et des vêtements portés, à l’aménagement de la salle, en passant par le temps d’habillage,tout a été minutieusement organisé. Ce sont les employées elles-mêmes quiont choisi les deux tenues qu’elles porteront pour défiler. Des tenues issuesdes rayons des trois magasins grenoblois de l’association. « Deux robes desoirée, un peu habillées » confie en avant-première Monera. Mais la tenuene fait pas tout. Un partenariat a été établi avec une école de coiffure et demaquillage. Des étudiants vont donc pomponner les mannequins éphémèrespour rendre cette journée encore plus magique. Et c’est sous l’œil averti dedeux Miss que les « filles » vont s’essayer à cet exercice difficile. VirginieDechenaud, première dauphine de Miss France 2010, et Virginie Poulain,seconde dauphine de Miss Rhône-Alpes 2011, seront là pour les encourager.Un point extrêmement positif selon M. Lapierre : « ce sont des personnalitésmédiatiques et elles se mobilisent pour La Remise. C’est valorisant pour lesfilles. » Alors que le directeur « attend ce défilé avec impatience ! », Moneraa plutôt le « trac », mais, « ma plus grande fierté c’est que ma fille de 9 anssera là, parmi les spectateurs. C’est ce qui me donne le plus de courage ! »

Lucie De Ribier et Léa Marquis.

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La Remise défile20 ans, ça se fête ! Le chantier d’insertion La Remise a organisé le 4 février dernier un défilé de mode

un peu particulier. Avec pour mannequins les employés et pour tenues les vêtements

des boutiques de l’association. Tout ça sous l’œil aguerri de deux Miss.

Insertion

Les habits présentés ont été dénichés dans les rayons des magasins de l’association grenobloise.

Ces femmes ont du braver leur timidité pour défiler à la Remise. Crédits : DR.

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Pigemag.com

Pourquoi ce nom, « Osez le féminisme » ?C’est venu lors d’une réunion où on cherchait unnom pour le mouvement. Celles qui avaient déjàeu un engagement militant voulaient « Féminismeet égalité », car c’est plus politique, avec un message derrière. Celles qu’on venait de recruter,qui n’avaient jamais participé à un réseau associatif,voulaient « Osez le féminisme ! ». Je n’étais paspour car c’était un peu « gnan-gnan ». Ce qui m’aconvaincu, c’est justement le fait que ça plaisaità ces jeunes-là. Ca nous a permis de parler au-delàdes réseaux militants habituels. Car ce n’est pasévident d’être féministe aujourd’hui, les genspensent qu’on est toutes des frustrées mal baiséeset pas épilées. Il y a encore des préjugés.

Vous pensez qu'il y a encore des batailles àmener aujourd'hui pour le féminisme? Toutes nos formations, on les commence de lamême façon : en citant des chiffres et même en

faisant un petit quizz. Différence de salairehommes-femmes ? 27%. A responsabilité etqualification égale, c’est 10%. Différence desretraites hommes-femmes ? 40%. Le nombre defemmes violées en France ? 75 000 en 2010 !

Dans quel monde vit-on ? La répartition destâches ménagères ? 80% pour les femmes, 20%pour les hommes. Combien de femmes àl’Assemblée Nationale ? 18,5%. C’est le meilleuroutil que j’ai quand on me dit que notre lutte estun peu dépassée. Dans notre société, l'hommereste dans une position dominante, et la femmeinférieure. La question est de savoir comment on agit.

Campagnes sur internet ou dans le métro,blogs, sites internet, vous diversifiez lesmoyens d’action, notamment vers lesjeunes.Oui on a plusieurs moyens d’agir. Mais d’abord,c’est l’humour et puis beaucoup de travail. C’estun sujet tellement sensible, on ne peut pas sepermettre de dire n’importe quoi. Quand on parlede féminisme, on parle de l’intime, de sexe, derelations amoureuses, de répartition des tâchesménagères. Les gens se sentent attaqués : leshommes parce qu’ils pensent qu’on les prendpour des salauds qui vont nous taper et les nanasparce qu’on les prend pour des victimes incapablesde se défendre. Donc on privilégie l’humour. Parexemple, pour le premier numéro de notre journal,on a créé un encadré « Idées reçues », le premierportait sur le mot « hystérique ».

Quelles actions marchent le mieux ? Il y a le blog « Vie de Meuf », lancé l’été dernier.On est à plus de 100 000 visites par mois. On

l’a ouvert le 13 juillet et le premier mois on a eu 150 000 connexions. Les discriminations,l’oppression faites aux femmes sont un fonctionnement de la société et pas seulementdes exemples individuels. Pour la prochaine campagne, on a réservé un nom « Osez le clito.fr ».Tout le monde ne sait pas ce qu'est un clitoris.L’exemple le plus frappant, c’est l’exposition « Le zizi sexuel » à la Villette. Dans le glossaire del’exposition, on pouvait lire les mots du sexe :gland, vulve, masturbation... sauf clitoris. Alorsallez expliquer aux jeunes comment marche lasexualité des femmes sans leur parler de clitoris.Ca me dépasse. Donc je n’hésite pas à parler

d’excision politique, même si le terme est fort.C’est impressionnant à quel point on nie lasexualité des femmes. La masturbation féminine,c’est pareil. Les filles ont honte et n’en parlentpas. C’est pour ça qu’on veut faire une campagne,pour faire réfléchir les gens.

Propos recueillis par Estelle Faure.

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LCaro line de Haas, porte-parole

D’osez le féminisme !Le blog « Vie de meuf » ou la pétition contre le viol, c’est elle.

L’association « Osez le féminisme ! » est créée en juin 2009

à la suite de la mobilisation pour le planning familial, mis en

péril. Son but : réveiller la cause féministe et bousculer les

préjugés. Interview de sa porte-parole et co-fondatrice,

Caroline de Haas, à l’occasion de la Journée des droits

des femmes.

Entretien avec …

« L’homme reste dans une position dominante, la femme inférieure »

« Je n’hésite pas à parlerd’excision politique ! »

Crédits : Simon Recht.

Pigemag.com

MÉDIASÉCOLE

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La caserne de Bonne à

RRécompensée par le grand prix national éco-quartier 2009, la caserne de Bonne

à Grenoble a été érigée en modèle pour la construction de nouveaux quartiers

écologiques dans les villes françaises. Derrière cette vitrine environnementale,

se cachent aussi des objectifs sociaux ambitieux. La plupart des logements sur la

ZAC de Bonne sont aujourd’hui terminés, moment propice pour dresser un premier

bilan du pilier social.

L’historique de la caserne de Bonne

Remodeler complètement 8,5 hectarespour réaliser un quartier flambant neufà proximité du centre-ville : la ZAC deBonne est un projet de la Ville deGrenoble plus qu’ambitieux. La caserneétait en friche depuis 1994. Pour établirun programme d’aménagement decette zone laissée à l’abandon, la Villede Grenoble et le ministère de laDéfense lancent en 2000 un marché dedéfinition. Les orientations du programmesont décidées en octobre 2001 surdélibération du Conseil Municipal deGrenoble. Le projet d’urbanisme ducabinet Devillers est retenu en juin2002 par la commission présidée parPierre Kermen. Le marché de définitiondébouche également en février 2004sur la décision de faire de la SEMSAGES l’aménageur du site. Elle esten charge de la commercialisation descharges foncières aux promoteurs delogements sociaux ou privés ou auxmaîtres d'ouvrages de bureaux etd'équipements publics. Entre 2004 et2005, les premiers appels à propositionenvers les promoteurs et bailleurssociaux sont lancés par la SEM SAGES.Au sein de la Société d’EconomieMixte, un jury est chargé de choisir unpromoteur par charge foncière, décisionsoumise ensuite au Conseil Municipal.Une première tranche de charges foncières devant accueillir des logementsest commercialisée à partir de 2005.838 logements sont prévus au total(logements en locatif social, en locatifencadré, en accession à la propriété,en accession sociale).

Enquête

Une volonté politique de diversité sociale.« A terme, c’est un nouvel espace urbain qui sera crééau cœur de l’agglomération grenobloise. Il devra favoriserla mixité sociale, répondre aux besoins actuels desquartiers environnants et aux besoins de demain de laville en matière d’équipements, en favorisant la viesociale, éducative, sportive, culturelle et les activités.Cet espace est également un véritable enjeu d’écologieurbaine dans une démarche d’accessibilité pour tous etde haute qualité environnementale. » Formulé par PierreKermen, 2ème adjoint délégué à l’urbanisme et à l’envi-ronnement, le pilier social apparait dans les orientationsde programme de la Ville de Grenoble pour la casernede Bonne dès octobre 2001. A l’époque, la caserneappartient toujours à l’armée mais l’idée de construireun nouveau quartier émerge (Historique ci-contre). Ladirection de l’urbanisme de la Ville de Grenoble, PierreKermen en tête, décide d’un taux de logement socialsupérieur au minimum fixé par le Plan Locald’Urbanisme sur cette zone (30%). Plus généralement,

les responsables politiques réfléchissent à des mécanismesvisant à rendre accessible les logements de la caserneà des populations aux revenus modestes, ainsi qu’auxménages issus de la classe moyenne. Le mécanisme endirection des classes populaires fut de réserver un pour-centage important de logements sociaux. Le secondmécanisme, en direction cette fois des classesmoyennes, a consisté en un plafonnement des prix de50% des surfaces des appartements en accession à lapropriété. Autrement dit 50% des logements mis envente n’ont pu être vendus au-dessus d’un certain seuil.L’accession sociale(1), bien que peu importante (dix-septlogements) fut également un moyen de vendre deslogements à une population qui ne pouvait en acheterdirectement au prix du marché grenoblois.

(1) L’accession sociale est un mécanisme mis en place par les bailleurs

sociaux qui permet à certaines familles de devenir propriétaires, à condition

qu’elles remplissent certains critères et louent jusqu’ici un logement social.

Les anciens bâtiments de l'Armée, délaissés en 1994, reconvertis aujourd'hui en appartements.

Récompensée par le grand prix national éco-quartier 2009, la caserne de Bonne

à Grenoble a été érigée en modèle pour la construction de nouveaux quartiers

écologiques dans les villes françaises. Derrière cette vitrine environnementale,

se cachent aussi des objectifs sociaux ambitieux. La plupart des logements sur la

ZAC de Bonne sont aujourd’hui terminés, moment propice pour dresser un premier

bilan du pilier social.

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Enquête Grenoble : un quartier mixte ?Deux impératifs ont motivé lesbailleurs sociaux et la directionlogement de la Ville de Grenoble àfavoriser une part importante d’habitat social. Cette initiative augmente, d’une part, la proportionde logements sociaux dans le quartieret plus généralement dans le centrede Grenoble. Ce faisant, elle rééqui-libre l’offre de d’habitat social àl’échelle de la ville. Le logementsocial se concentre en effet sur lesud de Grenoble. D’autre part, du faitdu cahier des charges écologiquede la ZAC de Bonne, construire surce quartier permet aux bailleurssociaux de réaliser des immeublesavec une maîtrise énergétique.L’idée d’allier écologie et solidaritéétait déjà présente dans les projetsdes bailleurs sociaux, notammentceux de l’OPAC 38.

Favoriser la mixité par le logement socialEn février 2004, un premier objectif en matière de logementsocial est formulé, à hauteur de 30% des logements dela ZAC de Bonne : « Le programme qui vous est présentéconcerne, dans la ZAC, 85 000 m2 constructibles. Dansla convention d’aménagement, nous avons retenu 850logements dont 700 sur la Caserne de Bonne et 30% delogements sociaux. » À l’automne 2004, ce taux estrevu à la hausse. Dans le dossier de réalisation de laZAC de Bonne, l’objectif passe à 35% de logements aidés.Après délibération du conseil municipal en septembre2004, la décision de construire 35% de logementssociaux est entérinée. En réalité, leur nombre sur lacaserne est plus élevé que prévu. Sur un total de 790appartements, comprenant différents types d’habitations,le taux s’élève à 41,80% de logements en locatif social,qui sont répartis sur l’ensemble de la caserne de Bonne.La majorité des logements sociaux ont été construitsdans des immeubles uniquement consacrés à du locatifsocial. D’autres se situent dans des immeubles mixtes,comme l’immeuble de l’OPAC 38 ou l’immeuble LeSully de Salilaf. La distinction est tout de même réaliséedu fait d’entrées séparées dans le bâtiment.

Des prix plafonnés pour permettre l’accès auxfamillesDeuxième dispositif en faveur de la mixité sociale, leplafonnement des prix des logements privés. Il visait àrendre le centre-ville accessible à une population, dontle revenu, bien que supérieur au plafond d’obtentiond’un logement social, ne permet pas de s’offrir unappartement aux prix du marché grenoblois. Cettemesure favorise la diversité sociale sur la caserne deBonne, l’accès aux familles et aux classes moyennes.C’est dans cet esprit que le plafonnement a été décidépar les élus de la Ville de Grenoble: « lors de la créationde la ZAC de Bonne, le Conseil Municipal a approuvél’objectif prioritaire de « contribuer à la diversité deslogements, en privilégiant l’offre à destination desfamilles ». Ainsi le dossier de création de la ZAC deBonne précise qu’une répartition équilibrée entre accession et locatif sera poursuivie, afin que chacunpuisse trouver de quoi se loger, selon ses choix et sesbesoins. » Dans le contexte du marché immobilieractuel, la ville de Grenoble doit s’assurer que, dans laZAC de Bonne, l’objectif de créer une offre accessibleaux familles puisse être atteint et que cette offre nefasse pas l’objet de phénomènes spéculatifs.» Les

promoteurs de la ZAC de Bonne ontdonc été obligés par le ConseilMunicipal de Grenoble de vendre50% des surfaces des logements àun prix plafonné. Au moment de ladécision, en juin 2004, le prix desortie plafonné était de 2800 eurospar m2 de surface habitable. Maiscompte tenu de la hausse du marchéimmobilier entre 2004 et 2008,il a été ramené à 3100 € HT/m2

habitable. Le prix moyen du marchégrenoblois était en moyenne durantcette période de 3500 € HT/m2

habitable. Pour que ce dispositiftouche le bien public souhaité, lesélus en charge du projet ont mis enplace des clauses anti-spéculativesconcernant les logements plafonnés.Les acheteurs devaient faire de leurappartement leur lieu de résidenceprincipal. Un dispositif contractuel a aussi été décidé pour que le premier acheteur ne revende pasimmédiatement son bien en réalisantune plus-value foncière.

A suivre...

Le Sully de Salilaf.L'immeuble Le Sully est dit « mixte »:il héberge des logements sociaux et des appartements privés.

Le prix élevé des appartements

La moyenne grenobloise des prix d’appartements neufs s’élèveen 2007 à 3579 €/m2 TTC, en 2008 à 3335 €/m2

Moyenne des prix de sortie des logements en accession à la propriété sur la caserne de Bonne, par promoteur :Grenoble Habitat : 3700 €/m2

Nexity : 3900 €/m2

Icade : 3950 €/m2

Salilaf : 3850 €/m2

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Enquête

Attirer les populations aiséesA la suite de à la mise en place des dispositifsvisant la mixité sociale, une deuxième inquiétudeest apparue : sans les populations à hauts revenus,il n’y a pas non plus de diversité sociale ! Cespréoccupations s’expliquent par l’échec de certains quartiers grenoblois, où la maitrisepublique était forte, la part de logement socialimportante. C’est le cas du quartier de laVilleneuve qui, malgré des objectifs de mixité,a connu le départ des classes moyennes et un phénomène de ghettoïsation. Le même phénomène est-il alors susceptible de se produire dans le quartier de Bonne ? La mixitédes fonctions (commerce, bureaux et logements),les équipements publics, la proximité au centreville, la haute qualité environnementale et lamaîtrise des charges font que la caserne deBonne devrait demeurer un quartier attractifpour les populations à hauts revenus.

Les promoteurs privés n’ont d’ailleurs pas hésitéà construire sur la caserne de Bonne. JérômeNicol, qui travaille pour l’agence immobilièreNovalim, spécialisée dans la vente d’immobilierneuf en Haute qualité environnementale, enatteste : « Au départ, de gros espoirs avaientété fondés par les promoteurs sur la Casernede Bonne, on pensait commercialiser ces logements plus tôt, eu égard à la qualité del'emplacement. »Ce qui n’a pas empêché une période de doutes,quant à la vente des logements destinés à laclasse supérieure. Derniers biens encore àpourvoir entre l’automne 2009 et le printemps2010, les appartements les plus chers et lesplus grands ont aussi été les plus difficiles àvendre. Leur prix, supérieur à la moyenne grenobloise de 3500 euros du m2 et leur superficieexpliquent leur vente tardive. Certains acheteurspotentiels ont certainement été découragés parces tarifs. Les classes aisées ont traditionnellementégalement une préférence pour le pavillonnaireen périphérie des villes et ont pu être effrayépar la densité du bâti sur la caserne. Pour commercialiser les 50% de logements non plafonnés et augmenter leur attractivité, lespromoteurs les ont situés à des emplacementsprivilégiés. Ils sont localisés aux derniers étagesdes immeubles, face aux jardins et possèdentune terrasse. Les finitions sont également demeilleure qualité que celles des logements auxprix plafonnés.

L'espace commercial permettra-t-il au quartier de rester un espace d'activités et d'échange ?

La caserne de Bonne à

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Enquête

Outre les tarifs, c’est la crise, qui selonles personnes en charge de la commer-cialisation des appartements, a ralenti la vente de logements. En effet, la commercialisation sur plan avant lacrise n’a pas posé de problèmes, alorsque la commercialisation pendant etaprès la construction, a été freinée.Ainsi, ceux encore sur le marché endécembre 2009 étaient situés dans lesderniers immeubles privés construits.« 95% des logements ont été venduspendant la période de construction,nous explique Jérôme Nicol de Novalim.Quoi qu'il arrive, même avant le démarrage des travaux, près de 40% deslogements sont vendus. C’est le principede tout projet immobilier neuf, poursécuriser financièrement l’opération. Lacrise de 2008 est cependant passée parlà et a ralenti un peu la commercialisationdes logements restants, comme pourtous les projets immobiliers globaux. »Pour vendre ces appartements, il n’y apas eu de promotions exceptionnellesproposées aux acheteurs. La commer-cialisation de tous les logements privésest aujourd’hui terminée, à une exceptionprès : Le Connestable. La populationayant des hauts revenus est donc enavril 2010 présente sur la caserne deBonne. « Aujourd’hui, commercialementparlant, la caserne de Bonne, c'est un succès pour les promoteurs qui ont eu l'opportunité d'y construire et d'y proposer des logements, déclareJérôme Nicol ».

Une réussite des objectifs de mixitésociale sur la caserne de Bonne ?La diversité sociale sur la caserne deBonne dans l’attribution, la location et lavente des logements a été réalisée.Dans 40% des logements vivent desménages dont les ressources sont inférieures ou égales aux plafonds fixéspour louer une habitation à loyer modéré(2).Dans 50% des surfaces habitables privées,vit une population plus aisée que cellecitée précédemment, soit des habitantsayant eu les moyens d’acheter unappartement. Enfin, les autres 50% delogements privés, vendus eux aux prix du

marché, sont occupés par une populationplus aisée que les précédentes, comptetenu des prix élevés de ces appartements.La population du quartier de Bonne est parconséquent une population socialementhétérogène. Peut-on pour autant parlerde réussite ? Il est trop tôt pour dire quela mixité sociale à Bonne est acquise. Lamixité sociale, se calcule certes en partie statistiquement, en fonction desressources des habitants, mais elle semesure aussi qualitativement. La mixitésignifie alors un mélange des populations.Si quantitativement ce mélange est réaliséà l’échelle du quartier, le fait qu’il y aitdes entrées séparées dans les bâtimentsmixtes et qu’ils soient peu nombreux, neserait-il pas un frein à un véritablemélange des populations, rencontre deshabitants ?Il est encore trop tôt pour savoir s’il yaura à terme une vie de quartier sur lacaserne de Bonne et si celle-ci ne serapas uniquement résidentielle. La SEMSAGES a en tout cas prévu une étude de satisfaction des habitants. Elle pourrasans doute apporter des réponses sur levivre-ensemble du quartier.L’ouverture du centre commercial, la finde l’aménagement des jardins permettentde mieux estimer si la Caserne devientun lieu d’activités et d’échange entre leshabitants.

(2) Les plafonds pour Grenoble, la Métro et le département

de l'Isère en 2008 : Pour obtenir un logement social,

les revenus du locataire ne doivent pas dépasser les

plafonds suivants : Pour les ménages composés

d’une personne : 20 477 €, de 2 personnes : 27 345 €,

de 3 personnes : 32 885 €, de 4 personnes 39 698 €,

de 5 : 46 701 €, de 6 : 52 630 €, 5 871 € par

personne supplémentaire.

Blandine Guignier.

Grenoble : un quartier mixte ?

Blandine Guignierest actuellement pigiste pour le quotidien 24heures à Lausanne.Elle a effectué des stages à France Bleu Bourgogne, l'Humanitéet la Tribune de Genève. Son objectif ? Réaliser d'autres reportageset enquêtes de terrain, en France ou à l'étranger.Ses sujets de prédilection ? La politique locale et les questions sociales.

L’enquête est l’exercice de fin d’études que chaque étudiant

de deuxième année du master journalisme doit défendre

devant un jury de professionnels. Blandine Guignier a

présenté ce travail en avril 2010.

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Depuis 6h, animateur et journalistes sont en studio.

L

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France bleu Isère :« Fidèle au poste »

La rédaction de Pigemag.com se lève tôt pour vous.

Une fois par semaine, ses journalistes vont à la

rencontre de ceux qui animent la ville très tôt le

matin, entre 5h et 7h. Cette semaine, arrêt rue Felix

Viallet, à Grenoble, dans les studios de France Bleu

Isère. Derrière des micros, ils sont une petite équipe

à accompagner vos réveils. Reportage.

« France Bleu Isère, il est 6h, lejournal, Laurent Gallien »Voilà ce que vous entendez tous lesjours, tous les matins, sur le 98.2 àGrenoble. Derrière votre poste,pendant votre petit-déjeuner, votredouche ou votre brossage de dents,ils sont une petite équipe à vousaccompagner dans vos débuts dejournée. Fil rouge de moments souvent chronométrés.Et vous êtes nombreux à l'écoute.Cette locale de Radio France est ladeuxième radio la plus écoutée dansle département, en part d'audience,derrière France Inter.

La partie immergée de l'iceberg.Ce matin-là, ils sont quatre dans la station. Deux journalistes, un animateur et un technicien. Larédaction est vide et calme, loin del'agitation de la journée. Pas un coupde téléphone, pas de discussions.L'atmosphère est feutrée. Tous tra-vaillent à la préparation de la matinale,le 6h-9h de la station. Pendant troisheures, animateur et journalistes sepassent l'antenne. Mais derrière cesjournaux, ces rappels des titres etces « grilles pain France Bleu Isère »

à gagner, la préparation en amontest intense et le rythme soutenu.Laurent Gallien présente les journauxde cette tranche horaire depuisprès de quatre ans, un mois surdeux. Depuis 2007, c'est sa voixque vous entendez à chaque heureentre 6h et 10h, pour les rappelsdes titres, chaque « quart » et « moinsle quart ».

« Sans café, je ne peux pas travailler » Le quotidien est ritualisé. Lever :2h30. « Je préfère me lever tôt etprendre mon temps, je n'arrive pasà me lever et arriver tout-de-suiteici », explique-t-il. Arrivé dans leslocaux de la radio entre 3h30 et 4h.Aujourd'hui, 3h45. L'horloge interneest impeccablement réglée, à laminute près. Déformation profession-nelle évidemment. « J'arrive, j'écouteles sons à diffuser, je lis les textes,les dépêches, les mails, je fais marépartition d'informations entre lesdifférents journaux, je lis le Dauphiné. »A partir de 4h45, l'écriture du premierjournal commence. « En moyenne, ilme faut une heure par canard. »Elément indispensable pour êtreefficace dès potron-minet : le café.

« Sans café, je ne peux pas travailler », confie Véronique Pueyo,journaliste, arrivée à 5h.

Un sacerdoceForcément, le rythme de vie n'estpas tout-à-fait le même que celuides autres journalistes de la rédaction.Ils sont deux le matin. Les autresarrivent à 8h45. Laurent Gallienconnaît son fonctionnement. « Pourse réveiller à 2h30, il faut se coucherà 21h, 22h au plus tard, et uneseule fois dans la semaine. » Le travail s'arrête en général à 10h30.« Je fais une sieste dans l'après-midi, mais pas plus d'une heure etdemi. » La journée est réglée. Malgrétout, le journaliste s'est habitué,même si la cadence est usante. « Ala fin du mois, je ne garantis pasd'être de très bonne humeur, maisquitte à faire de la présentation,autant le faire le matin, le momentoù le plus de gens vous écoutent. »

L'inconvénient, c'est la viesociale qui en prend un coup.5h30 : pause cigarette. Le tempsde poursuivre la discussion sur sonmétier. « L'inconvénient, c'est la viesociale qui en prend un coup.

L'avantage, c'est des journéesbeaucoup plus calés. En reportage,on sait quand on commence, pasquand on finit. » La relation avec lesautres journalistes est aussi différente.Il participe le matin à la conférencede rédaction afin de faire le pointsur la matinale mais il ne participepas aux discussions de la journée.La pression existe. Le matinalierdoit mettre en valeur le travail de la rédaction. « Parfois, il y a des discussions sur la répartition dessujets... » Pas le temps d'en direbeaucoup plus, la cigarette est terminée. Retour vers l'ordinateur.5h57, le premier coup de téléphone.« Je fais la tournée, j'appelle la police,gendarmerie et pompiers pour savoirce qui s'est passé pendant la nuit. »59, en studio. La course contre lamontre continue, la cadence s'accélère d'un coup.Il est 6h, la lumière rouge s'allume...

Sébastien Di Noia et Clémence Artur.

Laurent Gallien est matinalier depuis quatre ans.Crédits : Sébastien Di Noia.

Reportage

Pigemag.comPigemag.com

MÉDIASÉCOLE

Page 27: Pigé Magazine 12

LLa possibilité d'une huile

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Les gourmands désargentés ne contrediront pas la maxime suivante :

« la faim ne justifie pas les moyens. » Parfois, notre appétit, ainsi que notre porte-monnaie,

nous poussent à privilégier la friture au raffinement, la quantité à moindre coût plutôt

que la qualité dispendieuse. Parfois, notre appétit, ainsi que notre porte-monnaie,

nous condamnent à manger un kebab.

Décalé

Parmi la trentaine d'établissements proposant des sandwichs kebab àGrenoble, Le Baraka est l'un des plus prisés. Idéalement situé en plein coeurdu quartier Sainte-Claire les halles, il est courant de voir à l'heure du déjeuner,une file éléphantesque d'étudiants et de travailleurs affamés qui désespèrentde commander. Aussi, un grand nombre de mes amis l'ont sacré « meilleurkebab de Grenoble ».

« Salade-tomates-oignons ? »Il est 21h30 et me voici dans l'antre exiguë du Baraka. Les tables sont rares,l'espace sobre et soigné. Des murs blancs immaculés et une odeur de friturequasiment absente tranchent déjà avec la plupart des autres restaurants dugenre. Deux amis du maître queux sont affalés dans un coin et discutentavec lui dans un langage où s'entremêlent français et arabe. Le chef estassez jeune, plutôt sympathique et a le tutoiement facile. Notre échange selimite malheureusement à ma commande, une galette kebab sauce samouraïaccompagnée de frites, et à mon acquiescement honteux lorsqu'il entonnela célèbre ritournelle interrogative qui accompagne chaque préparation dekebab : « salade-tomates-oignons ? » Acquiescement honteux car en acceptantla présence d'oignons dans mon sandwich, je le laisse penser que je suiscélibataire ou peu préoccupé par mon haleine. Tant pis, j'ai bien trop faimpour me justifier.Le temps d'attente est raisonnable, cinq minutes tout au plus. Le service estcoopératif, le chef me faisant passer mon plateau par-dessus la vitrine réfrigéréeet me somme de prendre une boisson, comprise dans la formule, dans lefrigo. L'esprit « bonne franquette » ravira à coup sûr les gloutons qui, habituésà ce genre de promiscuité, se soucient peu de la bienséance observée dansles restaurants dits « classiques ».Puisque la nuit froide ne me permet pas de manger en terrasse, je reste àl'intérieur, m'installe à une des tables en inox, jouissant alors d'une superbevue sur la vitrine réfrigérée, la friteuse et la rôtissoire.

Crédits : Simon Recht.

Sodium et Gomorrhe Pour la modeste somme de six euros quatre-vingt-dix, me voilàdevant un repas pantagruélique. Les frites, surgelées, rutilentd'huile et le chef a eu la main un peu trop leste sur le sel.La galette kebab, une crêpe roulée sur elle-même pour contenirla viande et la sainte trinité « salade-tomates-oignons », est d'uneconsistance capable de rassasier les appétits les plus féroces.La sauce samouraï, un mélange de mayonnaise, de moutarde, deketchup et d'harissa, relève bien la fadeur d'une viande de moutondont je me garde de connaître le procédé de fabrication.Encore trois bouchées et ma galette ne sera plus. L'huile s'estécoulée vers le fond du papier aluminium pour s'y agglutiner et,à ma grande surprise, se répandre abondamment entre mesdoigts. Par chance, le cuisinier n'est pas avare en serviettes et meprête le rouleau de sopalin jusqu'à la fin du dîner.Pour accompagner des mets aussi précieux, rien de tel qu'unecanette d'Oasis tropical. Un millésime jeune et frais dont le sucredes fruits chimiques enrobe mon palais pour éteindre l'incendiefait d'épices et de sel. Une fois rassasié et la soif étanchée, je rapporte au chef mon plateau et le rouleau d'essuie-tout sérieusement diminué. Puisqu'il est fort possible que je soisamené à de nouveau manger au Baraka dans un futur plus oumoins proche, je préfère mettre de l'huile dans les rouages en leflagornant plutôt que sur le feu : « C'était parfait chef. »

Alexandre Majirus.

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Pour se divertir...Soprano à Grenoble en mai.Après avoir connu le succès avec Psy 4 de la Rime, le rappeur marseillaiscontinue sa carrière solo. En tournée en France à l’occasion de la sortiede son nouvel album, Le Corbeau.Il sera au summum le 19 mai.

Kabaravan.La troupe du Vox international théâtre présentera son cabaret théâtremusical en mai à Grenoble. Grâce aux chanteurs, acteurs et musiciens,vous suivrez une famille en vadrouille à travers l’Europe. Se déplaçantdans des ambiances tziganes et méditerranéennes, les artistes offrentune belle leçon d’humanité.Jeudi 12 mai au centre médical Rocheplane, vendredi 13 mai aulycée Pablo Neruda, vendredi 27 mai, Quartier Paul Bert, samedi28 mai Quartier Henri Wallon à 20h30.

Le centre Pompidou délocalise.C’est l’évènement culturel du premier semestre à Grenoble. Un épisodedu projet « hors-les-murs » du centre Pompidou consacré à Chagall età l'avant-garde russe du début du XXe siècle. L’exposition est aussi l’occasion pour le musée de Grenoble d’organiser de nombreux partenariatsdans différents domaines (contes, cinéma, etc.) sur ce thème.Au musée de Grenoble jusqu’au 13 juin 2011.

Pour réfléchir et agir...« La santé en prison ».Conférence sur « La santé en prison », animée par la psychologueJosianne Suiffet (alcool en prison), un membre de l’association ACTUPLyon (hépatites et sida), et un médecin (accès à la santé en général pourle détenu). Cet événement est organisé par l’association GENEPI dansle cadre du Printemps des Prisons.Mercredi 21 avril 2011 à 20h, à EVE sur le campus universitaire àSaint-Martin-d’Hères.

Sortie « La nature en ville », Place de Verdun, Grenoble.Une balade est organisée pour observer comment l'homme peut favoriserl'installation de la nature en ville, avec Mme Vanpeene de la Cemagref(Institut de recherche en sciences et technologies pour l'environnement).Le samedi 7 mai 2011 à 14h30.

« Elf une Afrique sous influence » à EVE sur le campus Grenoblois.Un documentaire de Fabrizio Calvi, Jean-Michel Meurice et LaurenceDequay, qui tente d'éclairer les pratiques « occultes » du groupe Elfdepuis son implantation en Afrique.Le mercredi 25 mai 2011 à 19h00.Plus d'informations sur www.survie.isere.free.fr

Zoom actuC’est un nouveau rendez-vous. Zoom actu traite desthématiques du moment sous forme de reportagesvidéos. Le tout premier s’intéresse aux Grenobloisd’origine tunisienne. Eux qui ont suivi la révolte dujasmin depuis la France. Si l’effervescence continueà se propager après le départ de l’ex-président Ben Ali,dans les rues de Tunis, Sfax ou Sidi Bouzid, l'agitationreste toute aussi forte chez les Tunisiens de la diaspora. Vivre un tel événement à distance… voilàce que nous racontent ces Tunisiens de Grenoble.

Agenda•Agenda•AgendaSite internet d’information du master journalisme de l’IEP de Grenoble.

À lire et à écouter sur pigemag.com

Augustin Bascoulerge et Pauline Gastprésentent le journal.

Web JTLes futurs professionnels du petit écransont à l'IEPG ! Six élèves du master journalisme de l'école vous proposentchaque mois un quart d'heure de rattrapage vidéo pour connaître l'actualitédu bassin grenoblois, disponible sur le sitepigemag.com. Au sommaire de l'épisodede janvier : « Les bars paient-ils la musiquetrop cher ? », « Le tram E s'apprête àdébarquer », « Grenoble, première villeétudiante de France... », « A la rencontredes bigbangballeurs »...

Retrouvez ces médias école sur :www.pigemag.com

Baptiste Roux.Photo : Raphael Chabaud.

AiguillageIl est 13h, lundi 14 mars. C'est parti,cette semaine Aiguillage vous entraînesur la voie des jeunes diplômés prêts àentrer sur le marché du travail.L'émission des étudiants du master journalisme de l'IEPG sur Radio Campus(90.8 FM) démarre à 13h pétantes parun petit état des lieux. On parle chômage,petits boulots, Pôle emploi mais aussi dudiplôme. La rédaction enchaîne revuesde presse, reportages, interviews et flashinfos pendant trois quarts d'heure d'actualités politiques et culturelles,comme tous les lundis. L'invité du jour,Baptiste Roux, revient sur ses débutsd'entrepreneur.

Najib, interviewé dans unkebab de Grenoble.

Photo : Marion Payet.

É Le journal de l'IEPGPIGmagazine