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Pigiste. Le mag’ des journalistes pigistes. N°3 - Dec 2004-Jan 2005 2 AGENDA Le carnet de rendez-vous des journalistes 3 MON BUREAU ET MOI Travailler et vivre dans la même pièce... 4 DOSSIER Parents et pigistes, et vice-versa 7 PROJET Un carnet de voyage à plu- sieurs mains 8 3 QUESTIONS A UN REDAC CHEF Catherine George-Hoyau, Pleine Vie 9 POINT DE VUE A quoi sert le CNRJ ? 10 JOURNALISME(S) Le journalisme gonzo 11 EN BREF Nouvelles publications... 13 LA VIE DE L’ASSO Les news de Profession : pigiste pages adhérents 14 CONSEILS Obtenir sa carte de presse PORTRAIT DE PIGISTE Isabelle, pigiste correspon- dante à New-York 12 Journalistes. Indépendant, free lance, pigiste, les dénominations que nous pouvons nous coller sur le dos pour aspirer, tranquilles, à une légitimité sociale jamais vraiment acquise, sont multi- ples. Le terme indépendant est séduisant pour nos ego meurtris, il signe à la fois la liberté qui nous est chère, voire un soupçon d’esprit rebelle largement oublié de nos jours dans une pro- fession normalisée et standardisée par la dictature du calibra- ge. Mais il renvoie, c’est l’ambiguïté, au statut de travailleur indépendant que nous ne pouvons prétendre être puisque nous sommes - selon la loi (article 761.2, alinéa 4 du code du travail) - des salariés… Le terme Free Lance que nous utilisons parfois confine peut-être plus à la quête d’un mythe du journaliste, anglo- saxon il va de soi. Free lance me semble évoquer le journaliste au long cours, celui qu’on vient chercher à cause de sa réputa- tion, le baroudeur, reporter de guerre par exemple. Reste pigiste. J’entends déjà les complaintes des sirènes de mauvais augure me susurrer que le mot pigiste est une men- tion dévalorisante, qu’il nous confine à la marge de la profes- sion, entre le CDD et le correspondant local de presse, quand ce n’est pas le débutant gauche. Certes, pigiste est souvent employé dans ces acceptations par ceux qui n’y connaissent rien. Pourquoi tant de digressions pourtant ? La pige n’est pas un statut, nous sommes journalistes n’est-ce pas ? Alors commençons par nous en convaincre nous-mêmes ! Revendi- quons notre qualité de journaliste en premier lieu, puis celle de pigiste comme un supplément non d’âme, mais de liberté et d’indépendance. Et n’oublions pas d’avoir une pensée pour nos deux confrères détenus en Irak, que plus personne ne dé- nomme “pigistes” aujourd’hui, mais simplement “confrères” justement. Yann Kerveno Président de Profession : pigiste | [email protected] JURIS’PIGES L’élection des délégués du personnel 15 Dessin de Pierre Bizalion | [email protected]

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3 QUESTIONS A UN REDAC CHEF CONSEILS POINT DE VUE PORTRAIT DE PIGISTE EN BREF JOURNALISME(S) LA VIE DE L’ASSO JURIS’PIGES Les news de Profession : pigiste Indépendant, free lance, pigiste, les dénominations que nous pouvons nous coller sur le dos pour aspirer, tranquilles, à une légitimité sociale jamais vraiment acquise, sont multi- ples. Catherine George-Hoyau, Pleine Vie Un carnet de voyage à plu- sieurs mains pages adhérents L’élection des délégués du personnel

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Pigiste.Le mag’ des journalistes pigistes. N°3 - Dec 2004-Jan 2005

2 AGENDALe carnet de rendez-vous des journalistes

3 MON BUREAU ET MOITravailler et vivredans la même pièce...

4 DOSSIER Parents et pigistes, et vice-versa

7 PROJETUn carnet de voyage à plu-sieurs mains

8

3 QUESTIONSA UN REDAC CHEFCatherine George-Hoyau, Pleine Vie

9POINT DE VUE A quoi sert le CNRJ ?

10JOURNALISME(S)Le journalisme gonzo

11

EN BREFNouvelles publications...

13LA VIE DE L’ASSOLes news de Profession :pigiste

pages adhérents

14

CONSEILSObtenir sa carte de presse

PORTRAIT DE PIGISTEIsabelle, pigiste correspon-dante à New-York

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Journalistes.Indépendant, free lance, pigiste, les dénominations que

nous pouvons nous coller sur le dos pour aspirer, tranquilles, à une légitimité sociale jamais vraiment acquise, sont multi-ples.

Le terme indépendant est séduisant pour nos ego meurtris, il signe à la fois la liberté qui nous est chère, voire un soupçon d’esprit rebelle largement oublié de nos jours dans une pro-fession normalisée et standardisée par la dictature du calibra-ge. Mais il renvoie, c’est l’ambiguïté, au statut de travailleur indépendant que nous ne pouvons prétendre être puisque nous sommes - selon la loi (article 761.2, alinéa 4 du code du travail) - des salariés…

Le terme Free Lance que nous utilisons parfois confine peut-être plus à la quête d’un mythe du journaliste, anglo-saxon il va de soi. Free lance me semble évoquer le journaliste au long cours, celui qu’on vient chercher à cause de sa réputa-tion, le baroudeur, reporter de guerre par exemple.

Reste pigiste. J’entends déjà les complaintes des sirènes de mauvais augure me susurrer que le mot pigiste est une men-tion dévalorisante, qu’il nous confine à la marge de la profes-sion, entre le CDD et le correspondant local de presse, quand ce n’est pas le débutant gauche. Certes, pigiste est souvent employé dans ces acceptations par ceux qui n’y connaissent rien.

Pourquoi tant de digressions pourtant ? La pige n’est pas un statut, nous sommes journalistes n’est-ce pas ? Alors commençons par nous en convaincre nous-mêmes ! Revendi-

quons notre qualité de journaliste en premier lieu, puis celle de pigiste comme un supplément non d’âme, mais de liberté et d’indépendance. Et n’oublions pas d’avoir une pensée pour nos deux confrères détenus en Irak, que plus personne ne dé-nomme “pigistes” aujourd’hui, mais simplement “confrères” justement.

Yann KervenoPrésident de Profession : pigiste

| [email protected]

JURIS’PIGESL’élection des délégués du personnel

15Dessin de Pierre Bizalion

| [email protected]

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AgendaSéverac-le-Château (Aveyron). À l’initiative de Marie-Laure Baradez et Charlotte Clergeau, mem-bres de Profession : pigiste installées à Rodez (Avey-ron), une rencontre est or-ganisée pour les pigistes du sud du massif central (et les autres) le samedi 8 janvier 2005 à Séverac-le-Château. Contact et renseignements :[email protected] ou [email protected]

La Rochelle | Apéro pigiste tous les premiers vendredis du mois, à 18 heu-res, au café populaire de La Pallice.

Nantes | Déjeuner pi-giste. Déjeuner pigiste mensuel à Nantes, les pre-miers lundis du mois. Pour être tenu au courant de l’heure et du lieu, contac-ter Fabienne Proux. mél : [email protected]

Toulouse. L’association des journalistes toulousains organise aussi régulièrement des rendez-vous, apéros, débats et des rencontres spécialement destinées aux journalistes pigistes. Contact [email protected].

Bordeaux. Depuis plus de deux années maintenant, le club de la presse de Bor-deaux et sa commission “pigistes” œuvrent à l’or-ganisation de rendez-vous

réguliers autour de thémati-ques. Contact : [email protected]

Rennes. Le Club de la pres-se de Rennes s’est lui aussi saisi des apéros pigistes et en a organisé un le 7 décem-bre dernier dans ses locaux. Pour être tenu au courant d’éventuels autres apéros organisés à l’avenir, mél : [email protected], téléphone : 02 99 27 59 52.

Marseille. Dans la cité phocéenne, le club de la presse organise depuis cet automne des rendez-vous pour les pigistes. Le dernier en date s’est tenu dans les locaux du club, 53, rue Gri-gnan dans le sixième arron-dissement autour de José Lenzini qui fut notamment correspondant du Monde à Toulon. Pour être tenu au courant des prochaines dates :[email protected]

Paris. SNJ-CGT. Tous les premiers mercredis du mois, réunion de la sec-tion “pigistes et isolés de la région parisienne”. Rue Léopold-Bellan, deuxième arrondissement (métro sentier). Réunions ouvertes aux syndiqués et non syndi-qués, permanence juridique. Contact : [email protected] : 01 42 36 93 46

Paris. Profession : pigiste. Tous les mois, ou presque, Profession : pigiste organise à Paris un apéro pigiste aux Halles. Pour être informé des rendez-vous à venir, www.webzinemaker.com/pigiste.

Vous organisez une réunion à destination des journalistes pigis-tes ? Vous organisez un apéro, un repas ? Signa-lez-le nous ! [email protected]

Pigiste.Rédaction : [email protected]

Président de Profession : pigiste,directeur de publication :Yann KERVENO(06 08 49 89 54 - [email protected])

Rédacteur en chef :Christophe BELLEUVRE(06 72 70 19 01 - [email protected])

Rédaction :F. B. - Nicolas BALLOTMarie-Laure BARADEZDelphine BARRAIS - Stéphanie BUJONAlbane CANTO - Jean CHABOD-SERIEISEric DELON - Françoise FOUCHERDominique LERAY - Laure LETER Anne LEROY - Alberte LONDRESMarie-Jeanne MARTIBarbara PASQUIER - Bénédicte RALLUXavier TOUTAIN

Ont collaboré à ce numéro :Marie-Gaëlle LE PERFF

Graphisme/maquette : Dominique LERAY ([email protected])

Communication - Relations presse :Marie-Jeanne MARTI([email protected])

Editeur : Profession : pigiste (loi 1901), l’association des journalistes pigistes de la presse écrite.66, rue Labrouste, 75015 Paris.E-mail : [email protected] : http://profession.pigiste.free.fr

Toute reproduction intégrale ou partielle sans le consentement de l’auteur est strictement inter-dite - Article L 122-4 du Code de la propriété intellectuelle

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J’ai passé plus de trois ans à travailler chez moi, dans notre précieuse troisième

pièce qui nous sert de bureau. Chez nous, c’est chacun sa table de bureau, chacun son ordina-teur, sinon, c’est la guerre. Lui bidouille, trifouille, télécharge… moi je veux juste que ça marche quand j’en ai besoin. Trois an-nées durant lesquelles pas un soir, ce ne fût mieux rangé que sur cette photo… Peut-être le week-end quand on accueillait des amis et que la pièce se trans-formait en vestiaire (et encore !). Ranger, classer me semblait une

perte de temps, je me disais que je le ferai plus tard… quand ? En tout cas toujours pas mainte-nant, les articles pour le journal de quartier (Dix et Demi dans le 10°), les bafouilles pour la lettre Pigiste, les cours de droit à potas-ser, les projets associatifs ont pris la relève dans la même pagaille semi-organisée. Et mes dossiers de piges sont toujours là, à peine élagués... On ne sait jamais, si je replonge !

Depuis bientôt un an, je passe mes journées sur l’autre bureau. Et là, il n’y a pas eu un soir, avec un papier qui traîne. C’est un

rituel, un quart d’heure avant de partir, je trie les post-it, classe les feuilles éparpillées, épure les mails de la journée… Mes dos-siers en cours sont classés, mes idées de sujets immédia-tement notées sur un document word, mes contacts archi-vés dans le carnet d’adresses partagé… Et je suis même moteur sur la mise en place d’une docu-mentation commu-ne. Je sous-divise les dossiers (textes réglementaires, statistiques, docu-ments clé…). Savoir où sont les choses, quelle satisfaction !

D’un bureau à l’autre !

Si si, ces deux bureaux sont occupés par la même personne, mais l’un à la maison, à présent en soirée, et l’autre au journal

durant la journée.

Carnet de bord« … issu de la grande tribu merce-

naire des écrivains à tout faire ». Maupassant ne portait pas vraiment les journalistes dans son cœur et les portraits qu’il en fait dans son Bel-Ami en ont refroidis plus d’un. Il faut dire que les plumitifs du 19è siècle confon-daient souvent leur métier avec celui des intrigants, des diplomates, des publicistes et même de la police. Mais, cent ans après, le mot mercenaire fait quand même écho dans ma petite tête de journaliste indépendant.

Au premier abord, je suis plutôt éloi-gné de l’image traditionnelle du chien de guerre barbu au regard libidineux vendant au plus offrant son goût du combat rapproché et ses compétences de tir au Famas. Il n’empêche que, comme le mercenaire, je travaille hors de l’ ‘‘armée régulière’’, je touche des salaires ponctuels et je suis libre d’in-terrompre mes collaborations quand ça me prend. Je suis ce que les pays anglo-saxons appellent un travailleur freelance.

J’en étais là de mes réflexions entre deux articles lorsque j’apprends, pan-tois, l’origine du mot freelance. Avant que Charles VII ne donne à la France sa première armée régulière, les sei-gneurs locaux avaient à leur service des compagnies militaires privées. Les « lances libres » étaient quelques uns des soldats de ces compagnies, souvent étrangers – Italiens, Germains, Ecos-sais –, qui vendaient leurs bras guer-riers au plus offrant. La « lance libre » était bel et bien la première ébauche de mercenaire et je n’étais pas tombé si loin en nous trouvant des points com-muns.

Je me fais donc une raison avec Maupassant et je me résigne à endos-ser la sale image du soldat apatride qui part se vendre au gré des guerres, pardon : de l’actualité ! D’autant que c’est assez excitant de se voir dans cette posture de grand solitaire écumeur de rédactions. Et pas si dégradant que ça si l’on en croit le Robert qui définit le mercenaire comme celui « qui n’agit, ne travaille que pour un salaire ». Oui : le pigiste ne travaille que pour un salaire. Le bénévolat ne lui a jamais convenu et il a toujours eu le choix d’aller louer sa lance (libre) un peu plus loin.

Barbara Pasquier| barbara.

[email protected]

Jean Chabod-Serieis | [email protected]

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Tous vous le diront, pas facile de conjuguer les enfants en bas âge (après ça s’arrange un peu) et le travail à la maison. À moins d’opter, par volonté ou parce qu’on en a les moyens financiers, pour un éloignement des garnements à l’extérieur, il faut souvent être ingénieux pour combiner harmonieusement le temps consacré au travail avec celui consacré aux enfants.

Chaque parent pigiste innove donc, met son imagination à contribution pour ébaucher des solutions aussi intimes qu’uniques. Mais à bien y regarder, là n’est pas tant le problème, on se débrouille toujours, en travaillant tard le soir, tôt le matin, en ayant recours parfois à une baby-sitter qui tiendra les “pots de colle” à distance du bureau, tentera de les faire taire s’ils traversent l’apparte-ment en hurlant se prenant pour Calamity Jane ou Buffalo Bill, mettant à con-tribution les grands-parents s’ils sont à portée de main, impliquant sans refus possible notre conjoint exténué à peine rentré de son propre travail ou ayant enfin recours, cruelle extrémité, à la “nounou électronique” et son gros œil luminescent, dame télévision affublée de son lecteur de DVD ou de cassettes vidéos… Non, pour tout ça, nous avons chacun des solutions à notre mesure, forcément imparfaites mais préservant l’essentiel…

Le problème se pose plutôt dans le regard des autres sur cette conjonction inhabituelle, de la garderie au médecin en passant par la directrice d’école, les amis et l’administration… Qui souvent peinent à comprendre qu’on puisse par-venir à conjuguer les deux, les enfants, le travail à la maison - à moins que ce soit le contraire - et nous refusent l’entrée à la cantine pour le grand, nous as-saillent de questions pour une place en halte-garderie pour le plus jeune, parce que naturellement, si nous restons à la maison, c’est que nous ne travaillons pas…

Là, comme ailleurs, à nous alors de fournir les explications nécessaires devant des interlocuteurs parfois incrédules… Peut-être alors avons-nous à inventer collectivement nos propres solutions ? Peut-être faut-il que nous jetions un coup d’œil vers d’autres professions aux horaires impensables pour voir s’il n’existe pas de solutions collectives déjà mises en œuvre ?

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Parents et pigistes,et vice-versa

DOSSIER PARENTS PIGISTES

Yann Kerveno | [email protected]

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DOSSIER PARENTS PIGISTESPigiste au foyer...C’est pas un métier !Stéphanie Bujon a choisi d’être pigiste pour voir grandir ses enfants. Elle ne fait pas bouillir la marmite, mais parvient à être efficace entre biberons et legos, avec tout ce que ça représente d’épanouissement personnel et professionnel. Enfin, quand les enfants ne sont pas malades...

- Vous travaillez ? Demande régulière-ment le médecin de famille.- Euh... oui, un peu. Je travaille à la maison, réponds-je presque en m’ex-cusant.- Ah bon, vous faites quoi ?- Journaliste-pigiste.- Donc, vous gardez vos enfants à la maison.- Oui, oui...

Et je lis dans l’esprit du médecin, et de l’institutrice, et de la directrice de la halte-garderie, et de mon beau-père, que j’ai bien de la chance de pouvoir gagner de l’argent en écrivant des articles légers pendant que mes enfants dansent la carmagnole dans mon ap-partement. « Au moins, elle peut gagner sa vie tout en exerçant sa passion et en voyant grandir ses mouflets » pensent-ils tous.

Certes, c’est un choix que j’assume, que j’adore. Mais quant à avoir de la chance, à ga-gner ma vie, à ce qu’il s’agisse d’une passion, c’est beaucoup dire. Mère au foyer à plein-temps - 168 heures par semaine - de deux bambins de 18 mois et 4 ans, je slalome entre les horaires de chacun pour parvenir à faire une interview pendant une sieste ou pendant un bain calme. Pas comme aujourd’hui où

l’un est devant une vidéo de Mickey - avec musique assortie - et l’autre chantonne dans son lit à barreaux en tapant sur le mur. Je fais des détours invraisemblables pour attra-per au vol des rédactrices en chef qui partent déjeuner quand je commence à travailler et commence à travailler quand c’est l’heure de déjeuner.

J’ai appris à taper à l’ordinateur avec deux petits sur mes genoux dont l’un fait un des-sin et l’autre veut jouer à « hue dada ». Le temps dont je dispose me permet cependant de remplir une rubrique de mensuel féminin, et de ce fait de parler en pleine journée à des personnes qui font des phrases de plus de 5 mots. C’est finalement le seul moyen que j’ai trouvé pour gagner légalement un peu d’ar-gent en gardant mes enfants sans être assis-tante maternelle.Des conseils ? Considérer une bonne fois pour toutes, même si on n’ose pas le dire à tout le monde, qu’on travaille vraiment. Avoir des horaires pendant lesquels on doit travailler. Savoir s’arrêter quand la tension monte trop. Prendre le risque d’être dérangé au milieu d’une interview téléphonique par un grand bruit d’eau dans la salle de bain. Au fond, qu’est-ce qu’on a vraiment à perdre ? Ne pas culpabiliser pour la vidéo de Mickey et le bébé qui chantonne dans son lit tout seul. Se rappeler que, si on ne permet pas à sa famille de vivre « aisément », au moins on fait des économies de nounou. Remercier son mari (sa mère, son fils) qui paye le loyer. Et enfin se souvenir, si c’est le cas, qu’on a choisi de travailler à la maison pour être près de ses enfants, et pas l’inverse.

Stéphanie Bujon | [email protected]

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Conseils. Ne faites pas d’enfant (je plaisante !) et libérez-vous tôt en fin de journée sans état d’âme en optimisant votre emploi du temps (ce privilège n’a pas de prix)

« T’es pigiste, tu bosses chez toi, c’est donc faci-le de garder tes enfants à la maison,non ? »

Combien de fois ai-je entendu ces naïves interroga-tions d’amis ou de relations traduisant ainsi une fi-chue méconnaissance (comment leur en vouloir ?) des joies et des peines de la vie de pigiste ? En tant que père de deux jeunes enfants (4 ans et demi, 5 mois), j’estime concilier au mieux journée de boulot bien remplie (le quotidien d’un pigiste heureux en quelque sorte) et souplesse dans la gestion des mo-des de garde (école maternelle pour l’aîné, nounou pour le second).Une recette miracle ? Pas vraiment. Dans une jour-née-type, je m’impose de me libérer relativement tôt le soir (entre 16h30 et 17h45) pour aller chercher mes chers bambins et ainsi jouir de l’insigne privi-lège de nous voir tous réunis au plus tard à la maison vers 18h/18h30. La souplesse de mon organisation

me permet en outre de garder l’un des deux une journée ou deux en cas de fièvre carabi-née (avec l’aide d’une garde

à domicile plus connue sous le nom de programme télévisé pour les enfants).

Reste le mercredi. Ma compagne ayant opté pour un salutaire 4/5e, nous nous retrouvons tous les qua-tre dans notre convivial 4 pièces. Mon bureau ayant

élu domicile dans l’une des pièces du double-living (je déconseille, par expérience, la chambre à coucher pour éviter le syndrome de l’étau), il est souvent pé-rilleux de réaliser des interviews téléphoniques pen-dant que l’aîné passe ses nerfs sur sa petite sœur. Je profite donc de ce jour ‘des enfants’ pour caler un ou plusieurs entretiens à l’extérieur.

Deux enfants et...Pigiste ! Un handicap ?Que nenni, une chance au contraire ! Celle de pouvoir (vraiment) profiter de ses chères têtes blondes à condition de bien s’organiser.

Mon rendez-vous téléphonique est prévu dans un quart d’heure, mais j’ai déjà tout prévu.

Bien sûr du papier et un crayon près du combiné, mais aussi ma fille, installée dans sa chambre avec des jeux. Je respire, tout est paré, je peux me con-centrer sur l’entretien à venir, décisif car le « Môs-sieur » est quelqu’un de très occupé. Mais à cet ins-tant où je pense tout maîtriser, l’imprévu peut surgir. D’ailleurs il s’est souvent invité. Ainsi, ma fille s’étant coincée sous son lit, a hurlé pendant tout l’entretien téléphonique avec un médecin urgentiste, qui s’est même interrompu pour me demander si tout allait bien chez moi.

L’idée d’avoir dégoté un bon plan en étant parent pigiste est très vite mis à mal. Il y a bien sûr les im-prévus qu’inventent les enfants, les incompatibilités entre les emplois du temps des « p’tits bouts » et celui des redacteurs en chef. Mais, aussi les démar-

ches extérieures qui se compliquent. La Caisse d’allocations familiales re-fuse le congé parental à temps partiel sous prétexte qu’elle ne peut vérifier les horaires des pigistes, la recherche

d’une famille compréhensive pour une garde parta-gée ayant lieu toujours chez elle. Mais comment bos-ser chez soi avec une nounou et plusieurs petits ?

Avec tous ces soucis, pourquoi être encore pigis-te ? Parce que le temps de travail peut être assou-pli quand il le faut (la fièvre de l’un, la scarlatine de l’autre…). Surtout, parce que la liberté de temps et de ton est le trésor de tout pigiste, qu’il soit parent ou non. L’organisation reste alors la clé pour accéder à ce magot.

Eric Delon | [email protected]

A gérer le bain des enfants et l’heure de bouclage en même temps, le parent pigiste se doit d’avoir une meilleure organisation que les autres.

Marie-Gaëlle Le Perff | [email protected]

Quand le pigiste devientjongleur de temps

DOSSIER | PARENTS PIGISTES

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Conseils : essayer d’être encore plus rigoureux dans la séparation temps de travail et temps pour la famille et être joignable chez soi ne veut pas dire être disponible : l’expliquer et se l’appliquer.

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DOSSIER | PARENTS PIGISTES

Etre plus fort ensemble que tout seul, défendre la diversité des pratiques contre l’académisme, être mieux reconnu dans l’édition et les

médias, monter des projets, donner envie aux petits et grands de faire leur propres carnets… Ces idées ont émergé au fil des rencontres aux « Carnets d’ici et d’ailleurs » à Brest ou à la « Biennale des carnets de voyage » à Clermont-Ferrand. « Nous ne sommes qu’une poignée de carnettistes et notre but n’est pas d’être le plus grand nombre. Nous nous estimons réciproquement. C’est comme si nous nous étions choisis ». Les statuts de l’association doivent être déposés en décembre, mais la véritable pierre de l’édifice, c’est le carnet de voyages à plusieurs mains qui circule déjà entre les membres. Il a vocation à devenir le manifeste des « carnettistes tribulants » en représentant la diversité des supports et des techniques, mêlant dessin, écriture, photo, collage… Pourquoi la banlieue parisienne ? « Car c’est un

territoire maudit dont on ne parle dans les médias que pour dénoncer ses maux. Or c’est un tissu humain gigantesque et hétérogène… un formidable terrain d’investigation poétique. Etant pour la plupart Franciliens et pas trop riches, prendre la tangente du périphérique est pour nous une destination accessible » explique Simon, l’un des tribulants initiateurs et futur président de l’association. La créativité et la spontanéité des artistes c’est une chose, mais la contrainte a aussi ses vertus pour éviter le patchwork ou le pot pourri : le carnet s’intéresse aux communes limitrophes

de Paris et chaque carnettiste doit rebondir sur les pages du précédent en créant un lien, qu’il soit géographique, technique, architectural… On souhaite vivement que cette ronde du périphérique soit sélectionnée à l’automne 2005 pour la prochaine édition de la Biennale de Clermont, qui comme son nom ne l’indique pas, se déroule tous les ans.

Un carnet de voyageà plusieurs mainsUne vingtaine de « carnettistes tribulants » ont opté pour la devise « l’union fait la force ». L’acte fondateur de cette nouvelle association : un carnet de voyage sur la petite couronne parisienne où chacun a carte blanche ou presque !

Barbara Pasquier | [email protected]

Contact. Les carnettistes tribulants : 01 45 47 20 23www.uniterre.com annuaire de carnets de voyage

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Sur la porte d’entrée, un panneau annonce la cou-leur : le CNRJ est un

« service spécialisé, destiné aux journalistes munis d’une carte de presse ». Avis aux naïfs qui s’aventureraient plein d’espoir au 12 rue Blanche à Paris, faute de montrer leur sésame trico-lore, ils se verront impitoyable-ment refoulés.

Locaux déserts, ordinateurs éteints, renseignements donnés de mauvaise grâce… Les services proposés ne semblent pourtant pas à la hauteur des ambitions affichées ! Sur les rayonnages traînent quelques exemplaires défraîchis de titres de la PQR, trois bons de commande pour Le guide de presse news 2004, un vieux hors série de Rebondir – le prix indiqué est en francs – consacré « au travail en in-dépendant ». Sic !

« Ici vous pouvez trouver les adresses des organismes utiles à vos démarches » est-il inscrit au dessus d’un casier désespé-rément vide. Guide de la pige, Media sig, Vous écrivez, quels sont vos droits … une vingtaine de livres peuvent être consultés sur place. Certains ouvrages paraissent totalement obsolètes, celui sur les sources de l’information date de 1996.

Une seule proposition de stage, dispensée par International formation conseil (IFC) était affichée sur le panneau des offres de formation le 16 no-vembre 2004. Renseignements pris auprès d’IFC, cette « formation de base » s’adressait « aux chô-meurs qui ne disposent pas d’ordinateur, qui ne connaissent pas l’informatique à qui l’on apprend à savoir comment ouvrir une boite aux lettres et à envoyer des messages ».

Près du téléphone, une affichette proclame : « Le CNRJ propose près de 700 offres sur son répon-deur vocal ». L’information laisse sceptique ! Egre-nées de manière monocorde chaque jeudi à partir de 18h, les offres d’emploi se comptent générale-

ment sur les doigts d’une seule main. Quelques unes repassent en boucle plusieurs semaines de suite, certains jeudis aucun poste n’est offert ! Si – net progrès – les patronymes sont désormais épelés – ce qui évite de mal orthographier un nom quand on envoie un CV ! – les coordonnées complètes des annonceurs ne sont pas toujours communiquées. Il s’agit de périodiques obscurs, d’agences de communication à la recherche de gens polyvalents et sous payés qui ne disposent pas de la commission paritaire et n’appliquant jamais la convention collective. Conseiller, Claude Rouah estime que vérifier le statut d’entreprise de presse des annonceurs n’entre pas dans les missions du CNRJ, organisme créé sous l’impulsion des syndicats en 1976. Chargé d’opérer un tri parmi les candidats lorsque les employeurs ne veulent pas être contactés direc-tement, cet ancien journaliste n’es-time pas davantage possible, « faute de moyens », de tenir informés les chômeurs de la suite donnée à leurs courriers.

Pourquoi les stages proposés sur le serveur vocal ne sont-ils jamais dispensés par des organismes sé-

rieux, reconnus par la profession, tels le CPJ ou le Celsa ? Pourquoi le CNRJ n’a-t-il toujours pas de site Internet, n’informe-t-il pas mieux les chômeurs, n’opè-re-t-il pas un tri parmi les employeurs ? Autant de questions restées sans ré-ponses. Voilà deux ans, cette antenne spécialisée semblait dans le collimateur de la di-rection départementale du travail. Certains responsables syndicaux, alertés, ont estimé devoir prendre sa défense, sous prétexte qu’il avait le mérite d’exister… Y ont-ils seulement jamais mis les pieds ?

A quoi sert le

CNRJ ?

Antenne spécialisée de l’ANPE, le Centre national

de reclassement des journalistes est censé aider ces derniers à

trouver du travail. Signe particulier ? A l’heure du haut débit, le CNRJ ne met toujours pas ses

rares annonces en ligne, mais les diffuse sur un

vieux répondeur à bout de souffle… symptôme d’une

crise plus grave.

Alberte Londres

A quoi sert le CNRJ ? La question a été posée sur le forum de Categorynet. Allez prendre connaissance des réponses... http://www.categorynet.com/fr/boards/viewforum.php?f=7

POINT DE VUE

CNRJ - 12 rue Blanche - 75009 Paris répondeur : 01 53 21 8051

D’accord, pas d’accord avec ce point de vue ? Réagissez ! Les meilleures contributions seront publiées dans nos colonnes sous forme de droit de réponse. Ecrivez au rédacteur en chef à : [email protected]

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En 1966 sort aux Etats-Unis Hell’s Angels, le reportage fleuve d’un journaliste de

Rolling Stone Magazine, Hun-ter Thompson, qui a passé un an sur les routes aux côtés des légendaires motards en blouson noir. S’il a effectivement tenté de comprendre qui étaient ces types et pourquoi ils incarnaient à ce point-là la liberté et l’anti-confor-misme, il n’en a pas moins passé la majeure partie de son temps à s’envoyer de la cocaïne et de la bière, à participer aux bagarres et aux descentes sur les petites villes tranquilles de l’Amérique. De ce reportage, Thompson a tiré un style, le Gonzo (la «brute» en italien), qui a inspiré des auteurs comme Lester Banks et qu’on a plus tard érigé en genre journa-listique. Le journalisme gonzo, c’est vivre l’événement de l’inté-rieur et le raconter avec toutes les déformations subjectives que cela implique. C’est se mettre au centre de son propre reportage et en faire l’alibi d’un récit hallu-ciné. Au niveau du style, c’est un joyeux mélange de prise de notes, de grandes envolées lyriques, de dialogues rapportés et de coupu-res de presse collées telles quel-les… Mais le Gonzo reste un jour-naliste et aussi défoncé soit-il, il garde pour souci premier de don-ner des infos vérifiées. Il ne veut pas tricher.

Aujourd’hui, le Gonzo est mort.

Pour son créateur lui-même, Hunter Thompson, il n’a même jamais existé : « le vrai journa-lisme gonzo, ça ne marche pas du tout – et même si ça avait mar-ché, il me serait impossible de le reconnaître. Il faudrait vraiment être bon à enfermer, camisole et cellule capitonnée, pour écrire un truc pareil et jurer que c’est vrai. » Pourtant, les fans de l’écri-vain ont tenu coûte que coûte à lui prouver qu’il avait tort et des écoles gonzo se sont formées un peu partout aux Etats-Unis. En France, on a même récemment vu un mouvement néo-gonzo qui justifiait son existence en ces ter-mes : « parce que le mot subver-sif n’évoque plus rien aux crétins de ce monde, […], parce que ce ne sont plus les rédacteurs en chef mais les financiers qui font la po-litique éditoriale ». Au-delà de la critique sociale riche et nuancée, ces néo-là rappellent surtout que si le Gonzo est mort, son nom est resté signe de rébellion.

Désormais, l’appellation con-trôlée, vidée de son sens premier, n’a plus grand rapport avec le journalisme. Elle est déclinée dans tous les genres pour signi-fier qu’on se met au centre de ce que l’on rapporte, réalise, écrit ou produit. Exemple avec l’industrie du porno – vous ne connaissez pas les films X gonzo ? – ou les innombrables blogs (pages web personnelles) qui fleurissent sur la Toile et qui se présentent com-me autant de «sources d’informa-tion alternative». Je est Gonzo.

A la question « qui suis-je ? », le journaliste n’a pas toujours répondu la même chose. L’Histoire lui a fait connaître mille rôles différents qui sont autant de genres journalistiques avec ses codes et ses héros. Chaque mois, retour sur l’un d’eux.

Le journalismegonzo

Nos amis les journalistesFrançois REYNAERTPocket, 247 pages

Hunter ThompsonHell’s AngelsRobert Laffont 2000

Nicolas Ballot | [email protected]

LE(S) JOURNALISME(S)

Jean Chabod-Serieis | [email protected]

Lu pour vous

Chroniqueur acide et tendre des petits et grands tracas du monde chaque semai-ne dans le Nouvel Ob-servateur, François Reynaert s’attaque

dans son premier roman à un milieu qu’il connaît bien, le journalisme. Pre-nant le parti de se moquer des travers de ses congénères, il met son talent d’observation et son sens de la formule qui font mouche au service d’une po-chade bon enfant, dans laquelle il est difficile de s’empêcher de reconnaître des collègues…Dès les premières pages, le ton est donné. Le lecteur débarque au cœur de la rédaction parisienne d’un grand hebdomadaire, Le Journal – toute ressemblance avec le magazine dirigé par Jean Daniel serait-elle réellement fortuite ? –, entre conférences de ré-daction tendues d’où sortent des idées pour le moins tordues (notamment celle d’un numéro spécial consacré aux «non-événements»), conflits d’ego entre chefs de rubrique et grands re-porters n’arrivant pas au bureau avant 11 heures. Déjà savoureuse dans sa critique du microcosme journalistique parisien, cette satire devient hilarante dès lors que les personnages quittent leur rédaction pour aller enquêter sur le terrain. Et quel terrain ! Le Tourdis-tan, vraie-fausse ex-république soviéti-que oubliée de tous dont la caractéris-tique principale est qu’ il ne s’y passe jamais rien. Entre barrière de la langue et de la culture, fonctionnaires ripoux et obligation de rendre des papiers sur une actualité inexistante, on suit alors avec délectation les aventures des trois «Pieds Nickelés» du journalisme en milieu hostile. D’où une succession de situations aussi improbables que rocambolesques, mais toujours drôles et pour certaines sentant le vécu.Enfin, détail important, Basile Polson, le personnage principal du livre et héros récurrent des li-vres de François Reynaert, exerce le beau métier de… pigiste !!!

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Catherine George-Hoyau, Pleine Vie est un magazine largement ouvert à tous les su-jets, de fait, embauchez-vous beaucoup de pigistes ?

Certaines rubriques sont plus ‘‘demandeuses’’ que d’autres en matière de piges : le droit, la santé, la mode, la beauté, le tourisme, le dossier « évè-nement ». Pour autant, nous sommes fidèles à nos pigistes et nous ne renouvelons pas beaucoup l’équipe, voire pratiquement jamais dans certaines rubriques. Nous travaillons avec la même journa-liste en tourisme depuis 8 ans. Nous pensons qu’un pigiste régulier se sent davantage concerné par la rubrique pour laquelle il travaille. Il est plus impliqué au sein de la rédaction et pos-sède de fait une bonne connaissance de notre cible. De plus nous avons une rédaction en place assez fournie : 2 chefs de service santé et droit, 5 chefs de rubrique et un rédacteur qui écrivent la plupart de nos articles. Eux-mêmes encadrent une douzaine de pigistes spécialisés dans leur secteur.Il reste donc très peu de rubriques ouvertes aux pigistes extérieurs ?

Effectivement, seul « l’évènement », situé au début du journal, est susceptible d’ac-cueillir les sujets de pigistes très réactifs et force de proposition. C’est une rubrique qui se développe et pour laquelle la qualité et la pertinence des informations sont indispen-sables. Il y a par exemple un papier qui a eu une audience importante, « Un enfant après la mé-nopause ». C’est une collaboratrice implantée aux Etats-Unis et spécialisée en santé qui nous a fourni l’idée de cet article. Nous sommes à la recherche de tous sujets de société « dans l’air du temps », d’actualité, en gardant à l’esprit que les plus de 50 ans sont notre cœur de cible.Pour vous quel est le pigiste idéal ?

C’est un enquêteur, un bon journaliste de terrain très spécialisé dans son domaine. J’insiste. On ne peut pas à la fois écrire des critiques littéraires, des sujets santé et des papiers sur l’emploi, c’est une question de maîtrise du sujet. En tant que rédac-

teur en chef, j’ai besoin de pouvoir lui faire une to-tale confiance sur ses sources et la fiabilité de l’info qu’il m’apporte. Moi, je lui dispense ma connais-sance du journal et de la cible mais lui doit pouvoir me donner la connaissance de son secteur. Il est également réactif, rapide. Il sait écrire naturelle-ment. Un papier où rien n’est à reprendre est un gain de temps même si nous avons un bon secré-tariat de rédaction. Le pigiste idéal est aussi ouvert à la discussion. Et ce n’est pas si facile, je le com-prends bien. Lorsqu’un collaborateur extérieur rend son texte, il peut avoir l’impression de passer

un examen comme s’il apportait sa copie ‘‘à corri-ger’’. Un pigiste doit comprendre que ce n’est pas le but du jeu, l’important c’est le dialogue. Du reste, pour limiter les malentendus je travaille en amont sur synopsis. Cela nous engage l’un et l’autre : lui s’engage sur l’angle de son papier, le plan, et la fa-çon de développer sa problématique et moi je lui donne en retour le premier BAT.

Propos recueillis parMarie-Jeanne Marti

| [email protected]

3 questions àune rédac-chef ’

Pleine VieMensuel féminin généraliste pratique de la femme de 50 ans et plus. Edité par le Groupe Emap France | www.emapmedia.com Créé en 1981 sous le nom du Temps Retrouvé.Diffusion totale payée : 1 026 852 exemplairesTarif pige : environ 84 euros bruts le feuillet, congés payés et treizième mois compris.Contact : Catherine George-Hoyau : 01 40 16 32 61 - [email protected]

« Pour moi le pigiste idéal est spécialisé : on ne peut pas à la fois écrire des critiques littéraires, des sujets sur la santé et des papiers sur l’emploi, c’est une question de maîtrise du sujet. »

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Les rédacteurs en chef parlent aux pigistes : passage en revue de ces truculentes expressions qui vous gâchent la vie. Absur-dités, questions piège : tout est permis pour que vous ne rappe-liez pas. Mais vous rappellerez.

C comme Coco : « On voit ça lundi, coco… ». Si vous êtes le coco en question, tout va bien et pourtant… tout va mal. Tout va bien parce que vous êtes l’intime, le pigiste intégré à la rédaction, celui qu’on gratifie du prestigieux laissez-passer. Après tout, le coco, c’est le copain, littéralement «celui avec qui on partage le pain». Tout va mal parce que ce pain-là, il est prêt à vous en faire manger pendant longtemps : l’humiliant coco est la meilleure façon de vous amadouer et de repousser sans cesse la commande de votre article à un hypothétique «lundi prochain». Alors, à moins que votre rédacteur en chef ne porte un feutre mou et qu’il ne se croie dans un film de Frank Capra, ce coco-là n’a pas lieu d’exister : à quand la petite tape amicale sur les fesses ?V comme Verrouillé : « Désolé, ton papier n’est pas assez verrouillé » est une façon plutôt élégante de vous refuser un article. Parce que personne ne peut nier qu’un papier verrouillé, c’est la base du métier : infos précises, avérées, vérifiables et structurées. Il ne faut pas culpabiliser pour autant : verrouillé est devenu le vocable chéri des rédacteurs en chef qui verrouillent l’info… au sein de leur propre rédac et de fait n’ont qu’une envie, vous pousser dehors. Du reste, est-il judicieux de permettre l’irruption dans le langage de la presse, métier d’échanges, le verrou, symbole du monde judiciaire ?

jargonnerie

Est journaliste professionnel celui qui tra-vaille principalement et régulièrement pour une ou plusieurs entreprises de presse (art

L 762-2 du Code du travail). Ce dernier critère est important, il exclut les agences de communication. Pour une première demande, il faut avoir trois mois de rémunération consécutifs. Les encartés doivent, eux montrer, un minimum de revenu sur douze mois.

Première difficulté… Mais pas de panique, 8374 pigistes ont quand même obtenu leur carte d’identité des journalistes profes-sionnels en 2003, pour un total de 35 539 cartes délivrées (source CCIJP). « La Commission ne fait pas le journaliste, elle ne fait que constater qu’une per-sonne est journaliste professionnel selon la loi », souligne Eric Marquis, élu à la CCIJP depuis 1994.

Ces dernières années, la Commission a pris en compte la précarisation gran-dissante de la profession dans ses critères d’attribution de la carte de presse. Les dossiers des pigistes sont souvent complexes car il leur faut réunir les attes-tations employeurs, les feuilles de paie (cela suppose d’être payé en salaire), une rémunération mensuelle supérieure à un demi SMIC et montrer qu’ils tirent de

leur activité journalistique le principal de leurs ressources.

« Lors de la première de-mande, la Commission accepte

de prendre en compte les piges rémunérées en droits d’auteurs, mais pas lors du renouvellement. Les journalistes doivent aussi faire l’effort de demander à être payés en salaires », indique Gilles Codina, pigiste et membre de la CCIJP. Toute autre forme de rémunération (honoraires) est exclue.

« La Commission essaie de comprendre la situation du demandeur. Elle a besoin pour cela d’éléments d’informations. Un simple courrier expliquant un congé maladie, maternité, chômage, perte de piges, ou autres permet souvent de faciliter les choses », poursuit Gilles Codina. Même si la sévérité reste de ri-gueur. Pour Christophe Girard, ancien membre de la CCIJP, « le respect de ces critères permet aussi de protéger les journalistes et l’application de la conven-tion collective contre des employeurs indélicats ». Alors courage et fermeté !

Dans la série outils pratiques, ce site recense la plupart des journaux étrangers accessibles en ligne dans 192 pays, de l’Afghanistan au Zimbabwe. Ce qui évite de chercher des heures pour savoir ce que pensent les journaux ivoiriens de la crise, ou des médias ukrainiens sur les élections présidentielles. Et entre deux feuillets on se détend un peu en consultant l’actualité mondiale vue par le North Korea Daily…En parallèle, le site propose un petit annuaire sur le monde de la presse : organismes professionnels et d’information sur la presse, syndicats de presse, syndicat de journalistes, principales associations, écoles de journalisme, organismes de communication. Sur la France uniquement (dommage).

Web : www.ccijp.netObtenir sa carte de presse et la conserver, Olivier Da Lage, Guide Légipresse PUF, 2003

Jean Chabod-Serieis& Marie-Jeanne Marti

Obtenir sa carte de presse s’avè-re parfois compliqué pour les pigistes. Pourtant, il suffit bien souvent d’expliquer simplement sa situation par courrier à la Commission pour que la situa-tion se débloque…

Bénédicte Rallu | [email protected]

Demander sa carte de presse...

Web du mois :www.theworldpress.com

Laure Leter | [email protected]

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Encore épuisée, « mais heureu-se ! », par la couverture tous azimuts des élections améri-

caines, Isabelle Lesniak, 36 ans, est une pigiste comblée depuis sa tour de contrôle de l’Upper East Side à Man-hattan. Arrivée il y a un an et demi à New York avec son mari, cadre sup’ dans un grand groupe français, et ses deux bambins, Isabelle invoque volontiers la nécessité de ce statut « dans la mesure où nous avons fait le choix de déménager dans une ville déjà très largement couverte par des journalistes correspondants salariés en place ». Nulle aigreur dans le pro-pos toutefois, car la pige est un choix pour cette jolie blonde originaire du nord de la France qui apprécie au plus haut point de pouvoir disposer à sa guise de ses horaires et de pouvoir collaborer avec plusieurs employeurs à périodicités et centres d’intérêts dif-férents (Ouest France, l’Expansion, Liaisons Sociales, BFM, Le Journal du Dimanche…)

« J’aime pouvoir proposer mes sujets, qui, ont, en plus, de grandes chances d’être acceptés puisque New York est un peu le centre du monde », ironise-t-elle. Apôtre de la flexibilité des horaires, Isabelle avoue toutefois jongler le matin lors-que l’actualité s’emballe entre le site internet de l’Expansion qui poste les papiers à 12 heures (heure locale, 18h à Paris), Ouest France à qui les articles doivent impérativement être remis vers 13 heures et BFM qui vient parfois la solliciter en direct vers 13h15 ! « L’après-midi est généra-lement plus cool, note Isabelle, j’en profite pour respirer, m’occuper de mes enfants et me consacrer à des sujets ou enquêtes plus ‘‘magazi-ne’’ ». Bien qu’ayant travaillé huit ans

dans une rédaction parisienne « avec le statut de grand reporter », Isa-belle se définit « comme une solitaire et une indépendante ». Travailler en solo ne lui pèse donc nullement tout, sauf lorsque son ordinateur est visité par d’impromptus virus comme il y a quelques semaines,« la plus grosse galère du pigiste profane en informatique », ou lorsqu’un de ses deux jeunes enfants tombe malade, « et qu’on s’aperçoit le matin qu’il ne peut pas aller à l’école alors que je ne dispose que de trois heures pour ter-miner un papier ».

Accro à son autonomie, Isabelle regrette parfois de ne pas posséder la maîtrise complète de ses articles (choix de la photo, titraille, etc...) « sauf quand un interlocuteur sympa à Paris m’avertit de la manière dont mon papier va être mis en valeur ou me demande des conseils sur la mise en pages ». En tant que pigiste-correspondante à l’étranger, Isabelle, qui a expérimenté le statut dans la Pologne du début des années 90 pour Libération, sait parfaitement qu’elle bénéficie de la politique de réduction drastique des budgets voyages des rédactions « qui du coup, sont ravies de faire confiance à quelqu’un de lo-cal dans la mesure où ce dernier ho-nore parfaitement les commandes ». Pigiste comblée, Isabelle tient à nuancer l’idylle new-yorkaise. « Nous avons une vie matérielle agréable grâce au salaire confortable de mon mari. Mes piges étant réglées selon les tarifs parisiens, et les prix locaux étant au moins deux fois supérieurs (loyer, nourriture, nounou, etc...), je serais incapable de faire bouillir la marmite avec ma seule plume ! ».

Portraitde pigiste

Ses conseils. 1. Savoir refuser une pige de temps en temps lorsque le sujet de commande apparaît « à côté de la plaque » ou qu’on ne dispose pas du temps nécessaire pour le traiter correctement.

2. Ne pas faire la fine bouche devant une offre car la disponibilité représente véritablement la clé de la relation tissée avec l’employeur à Paris

Eric Delon| [email protected]

Isabelle Lesniak, 36 ansUne pigiste comblée depuis sa tour de contrôle de l’Upper East Side à Manhattan

Pigiste, correspondante pour de prestigieux titres hexagonaux depuis un an et demi à New York, Isabelle vit un rêve éveillé dans la « capitale du monde », malgré les contraintes du déca-lage horaire, de la chère progéniture dont il faut s’occuper et de la cherté de la vie.

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Qui sont les délégués du personnel ?Ils représentent les salariés auprès du chef d’entreprise, lui transmettent les réclamations individuelles ou collectives, et sont chargés de saisir l’inspecteur du travail de toutes plaintes ou observations relatives à l’application de la loi ou des règlements. Ils remplacent également le comité d’entreprise quand celui-ci n’existe pas.

Droit de vote des pigistes.Selon le code du travail, tout salarié peut être électeur dès lors qu’il a au moins trois mois d’ancienneté. En pratique, des protocoles électoraux sont mis en place dans chaque entreprise pour déterminer le nombre minimal de piges et de salaire requis pour être admis à voter (par exemple 6 bulletins de salaire sur 12 mois et 1,5 fois le SMIC). La masse salariale annuelle des pigistes est divisée par un salaire annuel de référence pour calculer le nombre de salariés équivalents à temps plein.

Eligibilité des pigistes.Pour être éligible, il faut avoir au moins un an d’ancienneté. Les pigistes ont le droit de voter dans plusieurs entreprises mais ne peuvent être élus que dans l’une d’elles. Petite jurisprudence au soutien des vocations : un journaliste pigiste dont les piges avaient baissé juste après qu’il se soit présenté comme délégué du personnel a obtenu, en référé puis devant la Cour d’appel de Paris, la réintégration dans ses conditions antérieures d’emploi (Paris, 18e ch., 18/12/96. Barbier c/ SA Métropole Télévision M6).

Juris’PigesLes élections desdélégués du personnel

Faire reconnaître ses droits électoraux est un moyen pour le journaliste rémunéré à la pige de montrer qu’il est un salarié comme les autres. Et pourtant, selon l’enquête pigiste 2003 du SNJ, moins de 20% des pigistes participent aux élections.

En pratique Vous recevez un bulletin de vote.Un seul mot d’ordre : votez ! Si vous ne le faites pas, le quorum (nombre de participants requis pour que le scrutin soit validé) risque de ne pas être atteint, ce qui affaiblit la position de ceux qui se battent pour l’inscription des pigistes sur les listes électorales. Un fort taux de participation est un message fort à l’adresse de la direction qui démontre l’implication des pigistes dans la vie de l’entreprise. Cela facilite le travail des représentants qui peuvent plus facilement négocier le droit à la participation, le 1% logement, les tickets restaurant, l’ancienneté, etc.

Vous ne recevez pas de bulletin de vote.Renseignez-vous auprès des délégués actuels ou auprès des syndicats pour en connaître la raison. Les élections ont lieu tous les deux ans. C’est l’employeur qui établit la liste électorale. Il faut donc vérifier qu’on y figure bien. Pour cela il faut être comptabilisé dans les effectifs salariés. Le journaliste pigiste doit être inscrit sur le registre unique du personnel dès sa première collaboration. L’organisation d’élections est obligatoire dès que l’entreprise regroupe 11 salariés. Si ce n’est pas le cas, vous pouvez prendre contact avec l’inspection du travail du lieu du siège de l’entreprise.

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Laure Leter | [email protected]