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POLLUANTS DE L'AIR INT#RIEUR Frederique Grimaldi a,., Dominique Pareil a R6sum(~ L'homme passe environ 90 % de son temps & I'int6rieur de divers Iocaux oe il est soumis & I'action d'aerocontaminants qui tirent leur origine de trois sources principales (pollution exterieure, activit6s humaines, presence de certains mat6riaux, produits ou mobilier). Selon leur nature, on peut distinguer des polluants chimiques, biologiques et physiques. Les composes chimiques sont les plus nombreux et sont presents dans I'air sous forme gazeuse et/ou particulaire. Leurs effets sur la sante sont souvent difficiles & mettre en evidence, la fronti~re entre inconfort et pathologie etant mal d6finie. Seuls les effets aigus peuvent ~tre facilement apprehend6s, et parfois les effets & court terme. II faut aussi prendre en compte la responsabilite possible de certains polluants chimiques dans la genese d'effets & long terme, tels que bronchite chronique, asthme et cancer. II apparaft n6cessaire de continuer et d'intensifier les recherches sur ce theme dont I'approche est forcement pluridisciplinaire de fagon & mieux les maftriser et & en pr~venir les risques. Pollution air int(~rieur - (~valuation du risque saflitaire - pr(~vention. Summary : Indoor air pollutants People spend approximately 90% of their lives indoors where they are exposed to air contaminants coming from three main sources: outdoor pollution, human activities, or products~furniture. Depending on their nature, one can distinguish between 3 types of pollutants: chemical, biological, and physical Chemical components are the most common and can be found in the air, in gas and in particle form. Since the line between discomfort and pathology is not well defined, their effects on health are often difficult to prove. Only acute and short-run effects can easily be identified. a Universit6 de la M6diterran6e - Faculte de pharmacie Laboratoire de toxicologie 2?, bd Jean-Moulin 13385 Marseille cedex 5 * Correspondance [email protected] niv-mrs.fr article re~:u le 16 novembre 2005, accept6 le 16 fdvrier 2006. 9 ElsevierSAS. Some chemical pollutants might possibly be responsible for long term effects on health such as chronic bronchitis, asthma, and cancer. It seems necessary to continue and intensify the research on this topic using a multidisciplinary approach in order to control and prevent the risks of indoor pollutants. Indoor air pollution - risk assessment - prevention. 1. Introduction L orsque I'on aborde la notion de pollution atmospherique, il est clas- sique de se r6f6rer & la pollution de I'ext6rieur, des rues des cit6s, & la rigueur & celle qui s~vit dans les ambiances de travail. D'ailleurs, la plupart des enqu~tes epidemiologiques entreprises pour tenter d'6ta- blir des correlations entre la pollution de I'atmosph~re et la genese d'af- fections respiratoires ou d'autres pathologies n'ont fait le plus souvent intervenir que des polluants mesur6s a I'exterieur des b&timents. Cependant, la tendance actuelle s'interesse de plus en plus aux pol- lutions ,, indoor ,,. Et il faut reconnattre que, dans la plupart des socie- tes, la majorite des individus passe la plus grande partie de son temps & I'int~rieur, la vie en plein air ne representant pour I'homme qu'une part minime dans son existence. La qualit6 de I'air interieur apparait donc encore plus importante du point de vue de la sante et du bien ~tre que celle de I'air ext6rieur [19]. Mais cette ~tude de ,, pollution int~rieure des Iocaux ,, est complexe. D'une part, la concentration d'un polluant atmosph6rique & I'int6rieur des b&timents est fonction de nombreux facteurs, et depend non seu- lement de celle qui peut r6gner & I'ext6rieur, mais aussi des sources internes propres & chaque habitation ou & chaque local [13]. D'autre part, I'implantation de points de mesure & I'int~rieur pose plus de probl6mes pratiques qu'& I'ext6rieur. En effet, alors qu'il est pos- sible de caract~riser la pollution exterieure d'une zone en effectuant les mesures en un seul endroit, le choix du lieu d'implantation des postes de mesure n6cessaires & I'evaluation de la pollution de Pair & I'int~rieur des b&timents d'une ville ou d'un quarrier est materiellement difficile. Par ailleurs, la pr6sence d'appareils dans des appartements et lieux publics est souvent g~nante (bruit, encombrement). N6anmoins, depuis ces dix derni6res ann6es, des travaux de plus en plus nombreux sont consacr6s aux probl~mes de sant6 li6s & la qua- lite de Pair des b~.timents. Apres avoir pr6cis6 la nature et I'origine des polluants pr6sents dans I'air int~rieur, les outils de 1'6valuation du risque sanitaire seront pre- sentes de m~me que les mesures preventives actuellement propos~es en France. RevueFrancophone des Laboratoires, mars2006, N ~380 29

Polluants de l'air intérieur

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Page 1: Polluants de l'air intérieur

POLLUANTS DE L'AIR INT#RIEUR

Frederique Grimaldi a,., Dominique Pareil a

R6sum(~

L'homme passe environ 90 % de son temps & I'int6rieur de divers

Iocaux oe il est soumis & I'action d'aerocontaminants qui tirent leur origine de trois sources principales (pollution exterieure, activit6s

humaines, presence de certains mat6riaux, produits ou mobilier).

Selon leur nature, on peut distinguer des polluants chimiques,

biologiques et physiques. Les composes chimiques sont les plus

nombreux et sont presents dans I'air sous forme gazeuse et/ou particulaire.

Leurs effets sur la sante sont souvent difficiles & mettre en

evidence, la fronti~re entre inconfort et pathologie etant mal d6finie. Seuls les effets aigus peuvent ~tre facilement apprehend6s,

et parfois les effets & court terme.

II faut aussi prendre en compte la responsabilite possible de

certains polluants chimiques dans la genese d'effets & long terme,

tels que bronchite chronique, asthme et cancer.

II apparaft n6cessaire de continuer et d'intensifier les recherches sur ce theme dont I'approche est forcement pluridisciplinaire

de fagon & mieux les maftriser et & en pr~venir les risques.

Pol lut ion air int(~rieur - (~valuation du risque saf l i ta i re -

pr(~vention.

S u m m a r y : I n d o o r a i r p o l l u t a n t s

People spend approximately 90% of their lives indoors where they

are exposed to air contaminants coming from three main sources: outdoor pollution, human activities, or products~furniture.

Depending on their nature, one can distinguish between

3 types of pollutants: chemical, biological, and physical

Chemical components are the most common and can be

found in the air, in gas and in particle form.

Since the line between discomfort and pathology is not well

defined, their effects on health are often difficult to prove. Only acute and short-run effects can easily be identified.

a Universit6 de la M6diterran6e - Faculte de pharmacie Laboratoire de toxicologie 2?, bd Jean-Moulin 13385 Marseille cedex 5

* Correspondance [email protected] niv-mrs.fr

article re~:u le 16 novembre 2005, accept6 le 16 fdvrier 2006.

�9 Elsevier SAS.

Some chemical pollutants might possibly be responsible for

long term effects on health such as chronic bronchitis, asthma, and cancer.

It seems necessary to continue and intensify the research on

this topic using a multidisciplinary approach in order to control

and prevent the risks of indoor pollutants.

Indoor air pol lut ion - r isk assessment - prevent ion.

1. Introduction

L orsque I'on aborde la notion de pollution atmospherique, il est clas- sique de se r6f6rer & la pollution de I'ext6rieur, des rues des cit6s,

& la rigueur & celle qui s~vit dans les ambiances de travail. D'ailleurs, la plupart des enqu~tes epidemiologiques entreprises pour tenter d'6ta- blir des correlations entre la pollution de I'atmosph~re et la genese d'af- fections respiratoires ou d'autres pathologies n'ont fait le plus souvent intervenir que des polluants mesur6s a I'exterieur des b&timents. Cependant, la tendance actuelle s'interesse de plus en plus aux pol- lutions ,, indoor ,,. Et il faut reconnattre que, dans la plupart des socie- tes, la majorite des individus passe la plus grande partie de son temps & I'int~rieur, la vie en plein air ne representant pour I'homme qu'une part minime dans son existence. La qualit6 de I'air interieur apparait donc encore plus importante du point de vue de la sante et du bien ~tre que celle de I'air ext6rieur [19].

Mais cette ~tude de ,, pollution int~rieure des Iocaux ,, est complexe. D'une part, la concentration d'un polluant atmosph6rique & I'int6rieur des b&timents est fonction de nombreux facteurs, et depend non seu- lement de celle qui peut r6gner & I'ext6rieur, mais aussi des sources internes propres & chaque habitation ou & chaque local [13].

D'autre part, I'implantation de points de mesure & I'int~rieur pose plus de probl6mes pratiques qu'& I'ext6rieur. En effet, alors qu'il est pos- sible de caract~riser la pollution exterieure d'une zone en effectuant les mesures en un seul endroit, le choix du lieu d'implantation des postes de mesure n6cessaires & I'evaluation de la pollution de Pair & I'int~rieur des b&timents d'une ville ou d'un quarrier est materiellement difficile. Par ailleurs, la pr6sence d'appareils dans des appartements et lieux publics est souvent g~nante (bruit, encombrement). N6anmoins, depuis ces dix derni6res ann6es, des travaux de plus en plus nombreux sont consacr6s aux probl~mes de sant6 li6s & la qua- lite de Pair des b~.timents.

Apres avoir pr6cis6 la nature et I'origine des polluants pr6sents dans I'air int~rieur, les outils de 1'6valuation du risque sanitaire seront pre- sentes de m~me que les mesures preventives actuellement propos~es en France.

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D | @ O f @q OSsler sc len f l I u e

P o l l u t i o n a t m o s p h & r i q u e et p o l l u t i o n de / 'a i r

2. Nature et origine des polluants de I'air interieur

L'homme passe entre 70 et 90 % de son temps (jusqu'& 97 o/0 ,, pour les femmes au foyer ,,) & I'interieur de Iocaux divers (Iocaux d'habita- tion, de travail ou destines & recevoir le public) et de moyens de trans- port, o~ il est soumis & I'action de polluants qui peuvent differer qua- litativement et/ou quantitativement de ceux de I'exterieur [9, 10].

2.1. Pol luants ch imiques de I'air inter ieur

Certains des contaminants de nature chimique trouves & I'interieur tels que le dioxyde de soufre, les fumees noires, le plomb, le cadmium .... ont une origine ext#rieure predominante. Emis par les etablissements industriels, les foyers domestiques, I'automobile, ils peuvent penetrer & I'interieur des Iocaux par les fenetres, les portes, les cheminees, les systemes de ventilation et tousles interstices qui font communiquer les deux ambiances. Les occupants du local eux-memes peuvent apporter & I'interieur des polluants fixes sur leurs vetements et leurs cheveux.

D'autres polluants sont emis principalement & I ' int~rieur : ammoniac (certains produits de nettoyage), composes organiques volatils (COV), tels que hydrocarbures aliphatiques (n-decane, n-undecane, par exemple, provenant du white spirit, de colles, cires, vernis & bois, net- toyants divers, etc.), monocycliques (benzene et homologues supe- rieurs) [15] ; de meme, des aldehydes comme le formaldehyde (relar- gue & partir de mobilier en bois agglomere, d'isolants et de revetements pour lesquels des colles uree-formol ont ete utilisees), I'acetaldehyde present notamment dans la fumee de tabac environnementale [4], ou I'acroleine liberee par surchauffe des huiles et des graisses [17]. On retrouve egalement des ethers de glycol, des solvants (tirant leur origine de peintures, colles, decapants, produits de traitement du bois, etc.), des aerosols divers (cires, depoussierants) pouvant conduire & I'inhalation de leurs produits actifs parfois toxiques et meme du pro- duit propulseur. Rappelons que le plomb, provenant de peintures & la ceruse, se retrouve encore dans des b&timents construits avant 1948 et non encore renoves, et peut etre responsable d'intoxications, attei- gnant surtout les enfants.

D'autres substances enfin ont une origine mixte, .~ la fois ext#rieure et int~rieure ;il s'agit essentiellement des gaz (NOx, CO2, CO) et par- ticules (pouvant supporter des hydrocarbures polyaromatiques) gene- res par les combustions tabagiques, culinaires et domestiques (chauf- fage au gaz et/ou bois) [7, 11,18]. Une attention toute particuliere doit se porter sur les chauffe-eau & gaz non raccordes & un conduit d'eva- cuation, qui sont encore responsables de nombreuses intoxications aigues au monoxyde de carbone (300 morts et 6000 hospitalisations par an), ainsi que les appareils de chauffage d'appoint au butane ou au kerosene [8].

2.2. Pol luants b io log iques de Fair inter ieur

Les polluants biologiques comprennent entre autres des bacteries et des virus, des champignons et leurs spores, les insectes, les acariens, les poils d'animauX domestiques, les pollens. Dans ce groupe, certains d'entre eux (moisissures, acariens, blattes, poils de chat et chien) sont des pneumoallergenes connus de rhabitat et responsables de mala- dies allergiques respiratoires [5].

2.3. Pol luants et facteurs phys iques de Fair inter ieur

Les polluants et facteurs physiques & prendre en consideration sont notamment le bruit, I'eclairage artificiel, les ecrans divers, les appareils de climatisation et de ventilation, les conditions de temperature et d'hu-

midite, la pression barometrique, les champs electriques et magne- tiques, les ions, les radiations ionisantes (radon, rayonnement gamma, ...), les odeurs, etc.

3. Les outils de I'evaluation du risque sanitaire

La premiere demarche de I'evaluation d'un risque sanitaire consiste & identifier la ou les sources polluantes, & suivre leurs variations dans le temps tout en tenant compte des niveaux de pollution exterieure afin d'op- timiser le degre d'exposition des populations (notion d'expologie) [2].

3.1. Ident i f icat ion des sources po l luantes

Cette premiere etape fait appel & la metrologie et repose sur une veri- table strategie d'echantillonnage et d'analyse des polluants de I'air.

En matiere d'echantillonnage, les pol luants r de Pair peu- vent etre pieges selon deux modes differents : - le mode actif, faisant appel classiquement & un piege specifique d'un

polluant ou d'un groupe de polluants gazeux ou particulaires, relb & une pompe couplee & un debitmetre ;

- le mode passif, reserve uniquement aux polluants gazeux, base sur le principe de la diffusion gazeuse au travers d'un support sec spe- cifique du gaz ou melange gazeux & analyser.

Ce dernier mode de prelevement est utilise depuis tres Iongtemps en milieu professionnel pour contreler I'exposition du personnel aux toxiques gazeux volatils dans les ateliers de travail. Depuis peu, la sen- sibilite de ces badges passifs s'est tres nettement amelioree ; ils ont ete valides et leur emploi s'est considerablement developpe pour la mesure des polluants chimiques interieurs. IIs offrent I'avantage d'etre peu encombrants, insonores et assurent la portabilite, notamment pour la mesure de I'exposition individuelle des populations.

Concernant le mode actif, I& aussi, des progres consequents concer- nent I'autonomie des systemes de pompage et leur nuisance sonore reduite de fa?on notable.

Les techniques colorimetriques, qui pechaient par leur manque de sen- sibilite, ont fait place & des techniques plus performantes, telles la chro- matographie en phase gazeuse ou liquide, couplee le plus souvent #= la spectrometrie de masse.

Les techniques manuelles ont ete peu & peu remplacees par des appa. reillages automatiques assurant la mesure en continu, par exemple poul le monoxyde de carbone, avec enregistrement des donnees et trai. tement informatique.

Pour I'analyse des pol luants bio logiques, certains porteurs d'al. lergenes sont facilement vus & I'ceil nu : blattes, animaux domestique~ moisissures sur les parois humides ; la Ioupe binoculaire et le micro. scope optique peuvent servir au comptage des acariens (par gramme de poussieres) et des spores de moisissures revMfiables par culture et & I'identification de I'espeoe. La presence de bacteries peut auss etre revelee gr&ce & I'aptitude qu'elles possedent de se developpei sur des milieux de culture specifiques. Les polysacccharides extra. cellulaires des Aspergi//us et Penici//ium et les ~ (1 -~3)-glucans, consti. tuants de la paroi cellulaire des moisissures, peuvent etre determine., par des techniques immunologiques. On peut egalement doser I'acid~ muramique provenant des membranes bacteriennes, I'ergosterol mar. queur de la biomasse fongique, etc.

Le ,, test Acarex | >> permet d'apprehender le contenu en guanine d~ la poussiere de maison. La guanine est le produit terminal du meta bolisme azote des acariens ; elle s'est averee etre le support des aller. genes de certains acariens impliques dans I'asthme allergique.

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Concernant les po l luants physiques, divers appareillages permet- tent de mesurer le bruit (sonometre), la lumiere (luxmetre), la tempe- rature et I'humidite relative (thermohygrographe). Les appareils de cli- matisation et de ventilation doivent imperativement etre contrSles (nettoyage des systemes de filtration et reglage de la mecanique de propulsion d'air) ; la maintenance reguliere de ces dispositifs assure une bonne qualite de I'air notamment dans les ambiances climatisees.

En dehors de I'analyse des polluants de Pair interieur, il est necessaire de recueillir des donnees, sous forme de questionnaire, portant sur la typologie du b&timent, le mode de chauffage et de ventilation, les activites humaines, le cadre de vie en general... Ces questionnaires sont de plus en plus precis et sont saisis avec les autres donnees metrologiques et meteorologiques en vue du traitement statistique des resultats. Depuis peu, le ,< budget espace - temps - activite ,,, qui per- met de caracteriser la mobilite dans I'espace et le temps de la popu- lation etudiee, est egalement pris en compte dans le traitement des donnees.

La modelisation mathematique s'est largement developpee et permet actuellement de mettre au point des modeles predictifs de dispersion atmospherique qui dans I'avenir pourront tres certainement etre appli- ques dans le domaine de I'exposition des populations & la pollution exterieure et interieure.

Le traitement statistique s'est informatise et les tests mis en ceuvre sont de plus en plus puissants.

I 'evolution de I'ensemble de cette technologie permet de mieux deter- miner la nature, la source et I'evolution des concentrations du polluant dans I'air. Cette etape est necessaire pour la prise en compte des effets sur la sant&

3.2. P ro toco le d ' e t u d e des ef fets sur la san te des po l luants de I'air in ter ieur

Dans cette deuxieme etape de I'evaluation des risques sanitaires, la recherche peut etre orientee soit vers des etudes experimentales, soit vers des etudes epidemiologiques.

L'ouUl exper imenta l est la recherche fondamentale menee en labo- ratoire. Differents modeles peuvent etre utilises.

Le module anima/,, in v ivo, permet de faire inhaler un ou plusieurs polluants (aerosol tabagique, effluents ~ diesel ..... ) & diverses especes animales ; ce modele etablit les relations dose-effet et dose-reponse, de meme que les concentrations sans effet toxique observable.

On peut egalement utiliser/e rnode/e humain ; il s'agit I& d'exposer, de fagon contrSlee, des volontaires sains ou des sujets sensibilises (allergiques, asthmatiques) & des polluants de I'air. Des regles d'ethique tres strictes s'imposent dans ce type d'etude.

Enfin, I'experimentation peut etre conduite & /'echelon cel/ulaire (cellules cibles pulmonaires) ou subcellulaire (microsomes). Ce modble se developpe actuellement gr&ce au progres de la biologie moleculaire.

Toutes ces etudes experimentales apportent de precieuses connais- sances toxicologiques, notamment sur le mecanisme intime d'action des polluants de I'air.

L'out|l 6p idemio log ique permet d'etudier des populations en situa- tion naturelle d'exposition, qui plus est, de polyexposition.

Plusieurs parametres doivent etre choisis dans ce type d'etude : - la population, generale (exposee ou non exposee) ou sensible

(groupe & risque) ; - le type d'etude epidemiologique ; - la mesure du degre d'exposition de la population avec le choix

du ou des marqueurs chimiques aeriens et le type d'evaluation, soit individuelle (Etude ,, les sentinelles de Pair ~, sous I'egide de rAssociation pour la prevention de la pollution atmospherique) [2], soit collective (reference aux resultats des reseaux de mesure) ;

- la mesure du degre d'impregnation de la population avec le choix du ou des marqueurs biologiques specifiques, dans la mesure du possible, du polluant ou melange de polluants ;

- la mesure des effets cliniques avec le choix des indicateurs sanitaires soit de morbidite, soit de mortalite.

Ces connaissances epidemiologiques apportent une meilleure com- prehension des effets combines des polluants de I'air, mais I'inter- pretation des etudes est souvent difficile en terme d'imputabilite et sujette & contradictions.

4. Impact sanitaire

En raison de la grande variete des polluants interieurs et de I'intensite variable des emissions, les effets sur le confort et la sante sont divers dans leur nature et leur gravit& La mise en evidence de ces effets n'est pas facile, des I'instant oe la distinction entre inconfort et pathologie n'est pas toujours clairement definie.

Seuls les effets aigus, immediats, peuvent etre aisement apprehendes. II en est ainsi par exemple des cephalees, nausees, irritation des muqueuses, ou des intoxications severes, voire mortelles, comme celle imputable au monoxyde de carbone; rappelons que ce gaz est la pre- miere cause de mortalit6 en France et rlNSERM recense annuelle- ment 300 deces et pres de 6 000 hospitalisations dus & ce polluant interieur.

A court terme peuvent se manifester, outre le ,, syndrome du b&timent malsain ,,, des maladies infectieuses telles des legionelloses, des viroses, des mycoses, des dermatoses...

A long terme, certains polluants de I'air seraient impliques dans I'ap- parition d'affections multifactorielles comme la bronchite chronique, I'asthme, le cancer...

Des 1991, Karol emettait I'hypothese que la pollution interieure pou- vait entrafner des reactions allergiques [14].

L'existence d'une sensibilite indMduelle & I'environnement interieur esl d'ailleurs suggeree.

4.1. Impac t san i ta i re de me langes de po l luants

Deux exemples sont le plus souvent cites dans la litterature : le taba- gisme passif et le cas particulier du syndrome des b&timents malsains.

4.1.1. Tabagisme passif

A I'interieur des Iocaux, I'individu est expose & I'aerosol tabagique, contaminant majeur des atmospheres interieures, exemple parfait d'un melange de nombreux polluants chimiques. Mis & part le tabagisrne actif qui est une intoxication volontaire, I'homme est expose & la fumee de tabac environnementale [1].

Awes contrSle des principaux facteurs de confusion comme I'&ge, le sexe, les antecedents familiaux d'atopie et le statut socioeconomique, il est, aujourd'hui, evident que la fumee de tabac environnementale aug- mente le risque d'apparition d'un asthme, notamment chez les enfante non encore scolarises.

Par ailleurs, chez I'enfant asthmatique expose & la fumee de tabac envi- ronnementale, on note une aggravation des symptbmes avec une aug- mentation de leur severite, des crises plus frequentes, une augmen- tation de la consommation medicamenteuse, ainsi que du nombre des consultations et d'hospitalisations [20].

Uimplication du tabagisme passif dans les phenomenes allergiques et asthmatiques est maintenant bien admise par tousles auteurs.

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Pollution atmosph6rique et pollution de I'air

4.1.2. Syndrome des batiments malsains (SBM)

C'est au debut des ann6es 1980 que le concept du <, sick building syndrome ,, ou syndrome des b&timents malsains est apparu. II est encore appele maladie des tours ou des grands ensembles, maladie des gratte-ciel, maladie des tours ~ bureaux.

La cause de ce syndrome est encore de nos jours mal connue ; les sympt6mes sont non specifiques, et aucun test de laboratoire ne per- met de le reproduire.

Neanmoins, de nombreuses enqur epidemiologiques ont identifie un groupe de sympt6mes communs en relation avec I'occupation tem- poraire d'immeubles de bureaux.

La definition proposee, quoique un peu floue, peut 6tre resum~e ainsi : le syndrome des bb.timents malsains est un ensemble de sympt6mes respiratoires, oculaires, cutanes et sensoriels, apparaissant chez des sujets travaillant en atmosphere climatisee plusieurs heures par jour, sans substratum organique, ni criteres vraiment objectifs.

Les signes cliniques les plus frequents sont d'ordre respiratoire (rhinite), oculaire (secheresse et larmoiement), cutane (rougeur, deman- geaison, secheresse), sensoriel (impression de mauvaises odeurs ou mauvais goet), neuropsychologique (cephalee, asthenie, somnolence, difficultes de concentration). L'ensemble de ces signes cliniques realise une sensation d'inconfort dont se plaignent les personnels et

qui suscite une certaine perplexite pour les medecins du travail.

Le caractere specifique de ces troubles est qu'ils apparaissent dans la semaine, disparaissent en fin de semaine ; ce sont generalement des affections benignes.

Ce syndrome, en fait, releve de facteurs multiples : physiques, cliniques, biologiques et probablement aussi de facteurs psychologiques dont il faut tenir compte chez les personnes concernees. Elles decrivent une sensation d'oppression et d'enfermement dans ces Iocaux hermetiques or3 il est impossible d'ouvrir les fen~tres.

De nombreuses causes ont ete 6voquees, sans pour autant conduire & une reponse satisfaisante : fumee de tabac, formaldehyde, microor- ganismes, endotoxines, mycotoxines et variations de temperature, air trop sec, eclairage non satisfaisant, bruit de la climatisation, emanation de composes organiques & partir des materiaux ...

Dans le cadre de la relation syndrome des b~.timents malsains et allergie, il est admis par tous que I'allergique apparaft comme un sujet & risque.

4.2. Impac t san i ta i re axe sur un po l luant un ique

L'asthme est une des pathologies le plus souvent corr61ee & la qua- lite de I'air interieur. De nombreuses etudes portent sur les relations entre les polluants allergeniques d'origine biologique de I'environne- ment interieur et la genese ou I'exacerbation de I'asthme. Depuis oes dernieres annees, les auteurs s'interessent de plus en plus au r61e des polluants chimiques [3]. Les plus souvent cites sont les exydes d'azote, les composes organiques volatils [6] avec preferentiellement le for- maldehyde [1 6-21], I'ozone et le dioxyde de soufre.

Dans I'asthme atopique, les faoteurs de risque environnementaux lies & ces polluants chimiques sont de plus en plus evoques.

Les plus recentes revues bibliographiques sur ce sujet [1 2] font un bilan tres precis des expositions contr61ees (effets biologiques et cli- niques) et des etudes epidemiologiques, polluant par polluant. Cependant, les auteurs suggerent de poursuivre les recherches dans ce domaine.

II nous parait important de les mener, de fagon prioritaire, sur les com- poses chimiques retrouves majoritairement & I'interieur des Iocaux, & savoir le groupe des composes organiques volatils, incluant les com- poses aldehydiques, dont certains ont des potentialites allergisantes et cancerogenes.

5. Pr( vention

Pour eviter la degradation de la qualite de Pair interieur, la prevention repose avant tout sur une bonne information incitant d'une part, a dimi- nuer les sources de pollution et, d'autre part, & assurer un renouvel- lement correct de Pair des Iocaux.

En effet, I'information est le premier maillon de la prevention. Les actions d'information menees en France portent sur le monoxyde de carbone, les risques dus & la climatisation et les allergies respiratoires. Neanmoins, elles meriteraient d'etre plus largement etendues, en s'ap- puyant sur la Ioi sur Pair qui stipule que tout citoyen a droit & I'infor- mation sur la qualite de I'air qu'il inhale, certes a I'exterieur, mais ega- lement dans les ambiances interieures.

Si des moyens efficaces d'elimination des allergenes en suspension dans I'air interieur existent, il semble opportun de developper les outils de reduction des emissions de polluants chimiques et d'inclure, dans les enqu~tes realisees dans les Iocaux frequentes par des allergiques ou asthmatiques, un reperage des sources polluantes et d'envisager une analyse chimique du milieu environnemental. La creation de c o n s e i l l e r s e n e n v i r o n n e m e n t i n t 6 r i e u r t r o u v e I ~ t o u t s o n i n t e ~ r ~ t .

En mati~re r~glementaire, les textes officiels en France portent sur certains polluants chimiques (oxydes de carbone et fum6e de tabac environnementale), le radon et la ventilation.

En matiere de surveillance, avant de mettre en place un dispositif de contr61e de la qualite de I'air & I'int~rieur d'un local, il nous paraTt neces- saire de rassembler les donnees relatives aux diverses caracteristiques des b&timents et aux sources int6rieures de pollution de I'air : - le type de systeme de chauffage, c'est-&-dire le mode de diffusion

de la chaleur jusqu'aux zones de sejour ; - le type de combustible utilise pour le chauffage ; - le type de combustible utilise pour la cuisson des aliments ; - le type de systeme de conditionnement d'air ou de ventilation ; - le type de ventilation dans la cuisine (hotte aspirante branchee ou

non sur son conduit d'evacuation) ; - le nombre de fumeurs dans les Iogements ou les bureaux ; - les caracteristiques generales du quartier (topographie, installations

industrielles, travaux ponctuels) ; - I'intensite de la circulation automobile locale ; - les conditions meteorologiques au moment de I'analyse (insolation,

temperature, direction et vitesse du vent, phenomene d'inversion de temperature) ;

- le budget espace-temps-activite de la population concernee.

Conscients du risque sanitaire lie & la pollution interieure, les pouvoir~ publics ont decide d'instaurer une veille technologique et sanitaire.

Ainsi, en France, I'Observatoire national de la qualit6 de I'air interieul a vu sa creation en 2001 ; les campagnes de mesures de polluant~ chimiques, biologiques et facteurs physiques, dans plus de 700 habi- tats fran?ais ont debute en 2003 et se poursuivent actuellement.

Dans le cadre du Plan National Sante-Environnement 2004-2008, ur chapitre vise & proteger la population de la pollution & I'int6rieur de~ Iocaux ; les acteurs institutionnels enoncent plusieurs actions b. mettrc en oeuvre parmi lesquelles : - mieux connaftre les determinants de la qualite de Pair int6rieur et ren-

forcer la reglementation ; - mettre en place un ~tiquetage des caracteristiques sanitaires et envi.

ronnementales des materiaux de construction ; - ameliorer I'information des acquereurs et des Iocataires de bien~

immobiliers sur leurs principales caracteristiques techniques ; - reduire I'exposition au radon dans les b&timents & usage d'habita.

tion et mieux evaluer le risque ; - limiter I'exposition de la population aux fibres min6rales artificielles ; - proteger la sante des populations vivant en habitat insalubre.

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Page 5: Polluants de l'air intérieur

6. Conclusion

Malgr6 les nombreux travaux consacres depuis plus de 20 ans & la pollution de I'air & I'interieur des Iocaux, il est necessaire de poursuivre et d'intensifier les recherches dans ce domaine. Celles-ci doivent etre pluridisciplinaires et confronter les points de vue des physiciens, chimistes, biologistes, hygienistes, toxicologues, pathologistes, cliniciens, 6pidemiologistes, specialistes du b&timent et de la ventilation, representants des pouvoirs publics.., pour parfaire notre connaissance des risques sanitaires encourus.

La prevention semble donc primordiale et dolt reposer sur des mesures techniques au niveau des sources, de la ventilation, du traitement et

de I'epuration de I'air. La r6habilitation de I'habitat, en vue d'6conomie

d'6nergie et de r6duction des 6missions polluantes, s'inscrit parfai- tement dans la politique de developpement durable. La reglementa-

tion dolt egalement 6tre d6veloppee car, si ron excepte la ventilation, il n'existe que fort peu de textes officiels concernant ce probl~me. Une bonne information du public s'av~re enfin indispensable, des I'instant o~ tout individu est un pollueur potentiel.

Les pouvoirs publics de chaque pays, les instances europeennes et internationales, I'Organisation mondiale de la Sant~ notamment, doi- vent donc continuer & mobiliser leurs efforts pour la protection de la

sante des populations dans ce domaine particulier de la lutte contre la pollution de rair.

R 6 f 6 r e n c e s Sour sLT' Garo,.-A an. dioxide in Bare

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