Polybe Histoires I-II Agrégation 1999, cours de M.Counillon, POLYBEHISTOIRESI_II

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Agrgation 1999, Cours de M.Counillon, Polybe, HistoiresII

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POLYBE, HISTOIRES, LIVRE I-II.P. COUNILLONCE TEXTE ACCOMPAGNAIT DEUX COURS DAGREGATION (1989 ; 1999), A PU TRE CORRIG A LOCCASION DU COURS, ET NENGAGE DONC PAS SCIENTIFIQUEMENT SON AUTEUR. DE PLUS, UNE PARTIE DES CARACTRES GRECS UTILISS SONT DEVENUS ILLISIBLES POUR LES SYSTEMES CONTEMPORAINS. TEL QUEL, JESPRE QUIL PEUT CEPENDANT RENDRE QUELQUES SERVICES.

RECOMMANDATIONS GENERALES : En 1971 et 1989, le livre 1 tait au programme.Voici des leons alors proposes par les jurys : la composition du premier livre des Histoires ; l'unit du premier livre des Histoires ; les catgories logiques de l'histoire (temps, cause, lieu etc) ; la tuch dans le premier livre des Histoires ; Rome dans le premier livre des Histoires ; Carthage dans le premier livre des Histoires ; Amilcar Barca ; l'art de la guerre dans le premier livre des Histoires ; l'utilit de l'histoire d'aprs le premier livre des Histoires ; Rome et Carthage dans le premier livre des Histoires ; le rle des hommes dans le premier livre des Histoires ; le rcit dans le premier livre des Histoires ; tude littraire des chapitres 6568 ; tude littraire des chapitres 17-21 ; tude littraire des chapitres 66-70. Autres leons possibles : le rcit de bataille ; l'art du rcit ; les personnages. Certaines feront l'objet d'un expos dans la suite du cours. EDITIONS ET BIBLIOGRAPHIE : On utilisera l'dition de P. PEDECH dans la CUF, Paris : Les Belles Lettres, 1970. L'dition Teubner, souvent utilise par le jury du concours, continue servir de base aux tudes polybiennes : le texte en est reproduit par W.R. PATON dans la collection Loeb (1922-1927), il a servi de base au commentaire historique de F.WALBANK et c'est le texte traduit par D.ROUSSEL (Pliade : Paris, 1970). La bibliographie des travaux sur Polybe est trs fournie, ce qui ne saurait surprendre pour un auteur qu'tudient la fois des littraires, des philologues (il est le premier reprsentant de la koin), et des historiens. Nous nous contenterons donc de renvoyer aux bibliographies des tudes les plus rcentes (voir infra). et, pour la priode antrieure D.MUSTI "Polibio negli studi dell'ultimo ventennio (1950-1970) ", ANRW, 1-2, 11141181. L'introduction de P. PEDECH dans le tome I de l'dition des Belles Lettres dit ce qu'il faut savoir sur la vie de l'auteur : certaines dates sont discutes (naissance en 208 ou 200? Date du voyage en Asie? Date du voyage en Afrique? Date de la mort ?), mais elles ne changent rien l'essentiel. En matire historique, une bonne connaissance du contexte des guerre puniques est indispensable. On devra profiter de la parution de la nouvelle dition du volume de la Nouvelle Clio consacr cette priode sous la direction de C.NICOLLET, Rome et la conqute du monde mditerranen, 264-27 avant J.C., Tome II : Gense d'un empire, 2dition corrige avec addendum bibliographique (1 d., 1978), Paris : PUF, 1989.

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Pour le texte lui-mme, le commentaire historique de rfrence est celui de F.WALBANK, A Historical commentary on Polybius, Oxford, t.2, 1957 : les notes essentielles en seront rsumes dans les prochains cours. En matire littraire, la thse de P. PEDECH, La mthode historique de Polybe fait la synthse essentielle sur la culture et l'oeuvre de Polybe (cf.infra). La thse de J.A. DE FOUCAULT, Recherches sur la langue et le style de Polybe, Paris : Les Belles Lettres, 1972 a fait la synthse des recherches philologiques et stylistiques antrieures, en particulier allemandes (cf.infra). A cette tude, il faut ajouter le travail rcent de M. DUBUISSON, Le latin de Polybe, Paris : Klincksieck, 1985, qui permet en outre de corriger certains points du texte et prsente une bibliographie jour. (cf.infra). Enfin, pour une vue plus gnrale de l'volution de la langue classique vers la koin, on se reportera E.MEILLET, Aperu d'une histoire de la langue grecque, Klincksieck, 1965, 253-337. CHRONOLOGIE DE LA PERIODE 500 Clisthne Athnes Fin de la royaut Rome Prise de Milet 490 Marathon Tribubat de la plbe 480 Salamine Victoire de Glon Himre (1) 430 Guerre du Ploponnse Alliance Rome/Latins Les Samnites Capoue 415 Expdition de Sicile 405 Fin de la guerre Denys tyran de Syracuse(2) 362 Mantine: paix en Grce Troubles de succession de Denys 338 Chrone Guerres samnites et latine(3 Timolon bat les Carthaginois(4) 334-323 Alexandre 315 Guerres des Diadoques Dfaite des Gaulois(283) Agathocls (5) 280 " " " Guerre avec Tarente: Pyrrhus (6)en Italie et en Sicile. 264 Guerres de Syrie Dbut de la premire guerre punique 241 Guerres de Syrie etc.(7) Fin de la guerre. Interventions en Illyrie et en Cisalpine 219 Egypte/Syrie. Philippe V Prise de Sagonte.216: Cannes. L'Italie du sud fait dfection 201: Trait de Tunis; 200 Guerre entre Philippe et Rome : bataille de Cynoscphales.(8) 1/ Glon par la victoire d'Himre repousse les Carthaginois dans l'ouest de la Sicile. Hiron, successeur de Glon porte son apoge la puissance de Syracuse : il bat les Etrusques Cumes et impose sa puissance l'ensemble de la Sicile et de la Grande Grce. Mais le rgime s'effondre sa mort. Les cits de Grande Grce, Tarente et Rhgion sont menaces par l'expansion des peuples de l'Apennin, Samnites,Osques , Iapyges, Eques et Sabins. 2/ L'anarchie grecque incite les Carthaginois reprendre l'offensive: Ils s'emparent d'Himre en 409. Denys (l'Ancien) en profite pour prendre le pouvoir(405) : il fait la paix avec Carthage, mais en 403 reprend l'offensive jusqu' prendre Moty (396). Il se porte aussi vers l'Italie, et s'empare de Rhgion . 3/ Rome vient l'aide de Capoue menace par les Samnites, mais (340-338) doit ensuite rduire les Latins rvolts: le Latium est annex. Trois guerres sont ncessaires pour venir bout des Samnites (283), mais aussi des Gaulois qui ont occup la Cisalpine.

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4/ Les Syracusains en proie l'anarchie reoivent un lgislateur, Timolon, qui rtablit la paix, rallie les cits de Sicile, et brise l'offensive carthaginoise (341) : le trait de paix de 339 limite le domine des vaincus l'Ouest. 5/ Le dmocrate Agathocls s'empare du pouvoir, soumet les cits voisines, mais est battu par les Carthaginois Ecnomos (311). Il passe en Afrique, (310), est vaincu, mais Carthage, puise, accepte de signer la paix(306). 6/Tarente inquite de l'expansion romaine fait appel Pyrrhus roi d'Epire (281) : il guerroie en Italie et en Sicile, mais est finalement battu et repart . Rome s'empare de Tarente (272) et de Rhgion(270) 7/ Tandis que Sleucides et Lagides se battent en Syrie - au profit des Attalides de Pergame et des Parthes (250)- la Ligue Achenne sous la direction d'Aratos (245) s'emploie affaiblir la Macdoine, et Sparte. 8/ Philippe V de Macdoine menace les Dtroits (202) : Rhodes et Pergame appellent Rome au secours. Bataille de Cynoscphales en 200, qui le chasse de Grce. Antiochos III qui a rtabli son pouvoir jusqu' l'Indus et vaincu les Egyptiens au Panion (202), s'attaque la Grce. il est cras Magnsie et perd toute l'Asie Cistaurique. (188) - De 198 194, Flaminius rassemble autour de lui les ancines allis de la Macdoine, en particulier la Confdration achenne. Les Achens, depuis la victoire sur Sparte cherchent a augmenter leur indpendance. 196, l'indpendance de la Grce est proclame. -De 192 172, les Etoliens, qui ont pris le parti d'Antiochos, sont rduites la dpendance ; tandis que la Confdration achenne, sous la direction de Philoepomen, tente de mener une politique indpendante. En 182, la mort de Philoepomen, deux partis s'affrontent : celui de la soumission totale Rome ( dirig par Callicrats) et un parti indpendantiste dans lequel se trouve le pre de Polybe. En 179, Perse succde Philippe V.Les Romains le battent Pydna en 168, et la Macdoine est divise.Les Romains, furieux des trahisons (70 oppida toliens dtruits, 150000 habitants rduits en esclavage) ou de la mollesse des soutiens, se livrent une puration gnrale en Grce( 1000 dans la Confdration, dont Polybe). 149 Troisime guerre punique. 147 : Guerre d'Achae: les Romains exigent le dmembrement de la Confdration, et la rvolte qui suit est frocement rprime (mise sac de Corinthe) 133 Prise de Numance par Scipion Emilien et pacification du Portugal.

BIBLIOGRAPHIELes rsums qui suivent illustent des approches universitaires du texte Ils sont aussi fidles que possible, eu gard aux dimensions des originaux : les rfrences et les passages analyss sont slectionnes et ne se rapportent qu'au texte au programme. Les citations ne sont pas exactes par conomie d'espace : on devra se reporter le cas chant l'original. 1- ETUDES LITTERAIRES : 1/PEDECH P, La mthode historique de Polybe, Les Belles-Lettres : Paris, 1964 Chapitre 1 : La mthodologie de Polybe 21/. I-L'HISTOIRE PRAGMATIQUE 21/. Sens de l'expression.1, 35, 9, "Ces raisons montrent qu'il faut considrer comme la meilleure ducation la vie relle le savoir tir de l'histoire "pragmatique ". 1 ce terme ne dsigne pas une mthode personnelle Polybe : c'est un genre connu qui s'oppose aux gnalogiai (filiation des dieux et exploits des

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hros) et aux ktisei. (migration des peuples, fondation des villes, colonisation et fondation des cits, genre illustr en particulier par Ephore) 26/ 2 il n'implique pas une mthode particulire ni d'explication ni de critique, 27/ mais peut se dfinir par oppostion la fiction potique (Agatharchids), la philosophie, la biographie (Plutarque), 3 elle n'est pas un genre "pratique"et utile p.30 : l'histoire pragmatique est seulement la narration des pragmata restreint et prcise le sens d'historia. II-L'EXPLICATION ET LES CATEGORIES HISTORIQUES 33/ Polybe conoit l'histoire, non comme un rcit mais comme une interrogation des vnements, une apprhension (dialpsis) des faits : elle possde son propre systme de concepts, 3.1.4 : "Le seul travail est le seul objet de notre entreprise toute entire consiste rapporter comment, quand et pourquoi toutes les parties du monde connu sont venues sous la domination romaine qui rappellent les catgories d'Aristote. Mais Polybe ne les a pas tires de la philosophie mais plutt d'une rflexion historique sur l'objet de l'histoire, et peut-tre aid par la rhtorique. La notion de cause, dont l'historien ne peut pas se passer s'il veut aboutir une vritable explicationPolybe la met au premier rang. Ces notions sont si claires et si commodes qu'il les rpte frquemment dans tout le cours de son oeuvre, aux endroits importants, dans les prfaces, les rcapitulations ou les digressions mthodologiques : cf. 1.20.8, annonce et justification du rcit de la premire guerre punique, et rcapitulation 2.1.1-3. 36/ La mme formule revient dans la conclusion du livre 2, qui termine les prliminaires () de l'ouvrage. 39/ Le plus souvent, il s'arrte au pourquoi et au comment : les Achens jouissent dans tout le Ploponsse d'une prminence et d'une meilleure rputation, de prfrence l'Arcadie et la Laconie, qui sont plus riches et plus peuples. Comment et pourquoi cela s'explique-t-il (2.38.4)? 41/ La rhtorique, qui a tant contribu fixer les rgles littraires du genre historique, l'a certainement aid trouver sa mthode et ses instruments : les tats du sujet, les tats de la cause, les questions de dfinition, de genre et d'espce. III-LA MTHODE APODICTIQUE, 43/.Si l'histoire consiste rsoudre les problmes poss par les catgories, la solution doit tre dmonstrative ; c'est ce que veut dire le terme d'apodeiktik historia., 4.40.1 : "Il ne faut rien laisser en friche, ni se contenter de la simple affirmation, comme font d'habitude la plupart des historiens, mais plutt recourir l'apodeiktik digsis pour ne laisser aucun problme sans rponse l'esprit des lecteurs". L'histoire apodictique s'opppose la simple relation des faits et au genre laudatif. 45/ Avant de raconter au livre 10.21.8 les dbuts de Philopoemen dans la politique, il rappelle qu'il a compos sur lui une biographie en trois livres, et il s'applique prouver qu'il ne se rptera pasLa biographieoffre deux caractres. D'abord, elle donne des faits un compte rendu , c'est--dire simplifi46/ Ensuite, elle utilise le procd oratoire de l'. Ainsi se prcise la notion d'histoire apodictique : cette expression n'apparat qu'une seule fois et au livre 2.37.2 : "il conviendrait de passer au rcit des vnements en Grce afin d'amener notre prambule au mme point chronologique dans toutes ses parties, avant de commencer mon histoire personnelle et apodictique".Le prambule, la prokataskeu comprend les deux premiers livres ; le reste de l'oeuvre, partir du livre 3, forme l'histoire personnelle, la pragmateia. Or l'opposition entre ces deux termes rappelle certains termes de l'antithse entre le genre laudatif et l'histoire. Bien entendu, l'amplificatio oratoire n'entre pas dans la prokataskeu ; en revanche, l'auteur annonce

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une prsentation abrge des vnements47/ ce qu'il appelle les , 1.13.6-9 ; 2.1.4. Ce qu'il a laiss de ct est considrable, non seulement l'histoire de l'Asie et de l'gypte, qu'il jugeait suffisamment connue (2.37.6), mais encore la guerre de Pyrrhus, et toute l'histoire de la Grce et de la Macdoine, sauf de rapides allusions, jusqu' l'poque d'Antigone Doson. Il n'a donc voulu faire qu'une rcapitulation, une esquisse (2.71.10, ).L'histoire personnelle commence avec la guerre d'HannibalLa mthode apodictique ne consiste pas dans l'tude des causes, mais dans l'argumentation qui accompagne la rponse un problme pos. 50/ [ Le rle d'Aristote, qui avant d'exposer ses propres thories, passe en revue les opinions antrieures, les discute et les combat ; le rle de l'historien Time, dont l'enseignement comprend non seulement les preuves apodictiques, mais encore les prsomptions morales tires du crdit des auteurs, de leur caractre, de leur conduite, et de leur honntet]. Polybe est un continuateur de Time : contre Phylarque, il soutient que la fonction de l'histoire est d'instruire et de persuader ( ), non de plaire et de toucher (2.56.11-13 ; voir aussi 1.4.10). 51/ Les dclaration de l'historien ne suffisent pas, il faut des preuves (2.42.2). 51/ Les mots qui traduisent cette continuelle volont d'expliquer reviennent constamment : apodeixis ; pistis 2.42.2, qui dsigne la preuve en rhtotique, apparat pour tablir une relation entre deux faits particuliers ; smion 2.63.5, qui est une proposition particulire qui conduit une autre plus gnrale, dont elle est l'indice : le recours de Sagonte Rome l'occasion de troubles civils est l'indice qu'elle tait sous la deditio romaine.Le marturion est la confirmation d'une opinion. C'est un vnement qui en confirme un autre assez loign, une preuve rtrospective, 2.38.11. Un deigma est un chantillon, l'unit d'o l'on infre la collection. La rgle apodictique entrane des digressions de trois sortes : la discussion explicative sur les vnements pour en dgager l'enchanement et la logique interne (ils sont parfois assez longs, parfois une simple rflexion : 1, 31, 11, "les Carthaginois furent vaincus deux fois de suite sur terre et sur mer, non par la lchet des troupes, mais par l'incapacit des gnraux"ou 1, 61, 2 : "la situation des deux adversaires tant l'inverse de ce qu'elle tait la bataille de Drpane, le rsultat fut naturellement inverse"), la production de documents (cf. 1, 62, 8-9 ; 2.12.3), et l'autorit d'un garant, ou de l'autopsie, le commentaire polmique, p.52. Chapitre II. La thorie des causes (Polybe, III.6-7, 3 ; XXII, 18-11) p.54 I-LES CAUSES EN HISTOIRE AVANT POLYBE.-Les causes l'poque hellnistique : rle croissant de l'individu, de son entourage, des femmes ; tude des institutions, du milieu gographique ; importance de la tuch, p.69. II-THEORIE DE LA CAUSE CHEZ POLYBE.75/.-L'explication par les causes est la premire et la plus ncessaire des conditions de l'explicaton historique. Polybe insiste inlassablement sur ce principe (mme s'il avoue parfois son embarras : 1, 82, 9) : par exemple, si l'tude de la rvolte des Mercenaires offre un enseignement politique de premier ordre concernant l'attitude d'un Etat devant les barbares, le plus important n'est pas cette leon pratique. C'est de faire comprendre les causes de la guerre d'Hannibal contre les Romains, causes sur lesquelles les historiens et les belligrants eux-mmes ne sont pas d'accord (1, 65, 8-9) Les causes ont besoin d'tre expliques par des causes plus gnrales. En marge du rcit, il se pose de nombreux pourquoi (1, 64, 1). A tout

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moment, il aiguille le rcit vers l'expos des causes. IL n'y a pas de formules plus frquentes ( , 2.2.3 ; . - Polybe distingue , , . 1 L' est dfinie par des termes comme (le jugement psychologique, l'acte mental par lequel on pose le contenu d'une opinion). est l'un des mots favoris de Polybe (1, 65, 9. 2.46.5 [surtoute au pluriel ; point de vue inspirant une ligne de conduite, ventuellement d'une collectivit, considre comme personne morale) ; 2.46.16 ; 2.61.8), rare ailleurs ; il dsigne une opration intellectuelle analytique par laquelle l'esprit dcompose un problme en ses lments, tandis que parat etre une opration synthtique. D'autres expressions prcise le sens de ces mots comme _ (1, 48, 3 ; 58, 4 ; 60, 4 ; 77, 3. 2.50.5 ; 2.66.2 ; 2.66.4), qui prpare la dcision : c'est l'ide directrice, en gnrale individuelle. (2.31.10 ; 2.70.6) dsigne un tat d'me occasionnel de l'odre affectif ou intellectuel, celui de l'opinion publique, par exemple. Le s'oppose au , la partie affective et passionne de l'me, 2.35.3 ; cf.2.4.8 ; 2.64.5.Le verbe se renconre presque chaque page : tout moment, les personnages raisonnent, calculent leurs chances de succs, ou oublient une donne dans leur raisonnement, ce qui cause leur perte, comme les toliens, 2.45.5. Polybe emploie trs souvent au sens de prendre une dcision, cf.1, 30, 6 ; 49, 8 ; 59, 2 ; 82, 12 ; 85, 2. 2.13.6 ; 2.32.5 ; 2.34.2 ; 2.47.4 : Aratos juge de la situation politique et dcide de faire chec aux entreprises des toliens ; 2. 63.2).87/ La cause est donc un ensemble d'oprations mentales qui prcdent l'action. On est frapp du caractre profondment intellectualiste de cette thorie. Elle refuse le nom de causes historiques des phnomnes matriels et physiques, comme la prise d'une ville ou un dbarquement agressif ; Cette doctrine a une double fonction, dialectique et psychologique. Sa fonction dialectique consiste construire l'histoire sur ce fondement intellectuel, considrer que les oprationts mentales antcdentes sont comme la source et le principe des vnements. 88/ 2La (2.17.3 ; 2.46.3 ; 2.52.3 ; 2.59.9), dans la thorie de Polybe, accompagne l', et vient comme elle au commencement, spare de l' par un certain intervalle. Raison convient mieux que prtexte, puisqu'il indique d'une part les donne qui expliquent un fait aux yeux d'un observateur, d'autre part les arguments invoqus par le sujet pour se justifier. Mais les exemples montrent que Polybe l'entend au sens de prtexte ou allgation. : il faut entendre par tout argument, vrai ou faux, destin justifier une guerre.Les toliens saisissaient n'importe quel prtexte pour faire la guerre injustement, 2.46.3 91/3 (2.7.5 ; 2.41.5 ; 2.52.3 ; 2. 59.9) signifie le moyen d'action dans le sens le plus tendu, et peut dsigner les dons naturels d'une personne aussi bien que les ressources matrielles d'un pays (cf. 1, 20, 12), une base d'oprations militaires (1, 41, 6), ou encore, dans le langage diplomatique, une base de ngociations. Mais le sens le plus courant est occasion.. La prophasis est le prtexte, l' englobe l'ensemble des circonstances dterminantes ou occasionnelles, qui provoquent l'vnement. 92/ 4 L' (cf. 2.37.2 ; 2.40.5 ; 2.46.7, guerre de Clomne) dsigne le passage l'acte aprs les oprations mentales qui constituent l'. Origine : influence possible de la rhtorique judiciaire, le systme s'est form progressivement dans l'historiographie par laboration des distinctions de Thucydide, 93/

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Chapitre III. Les causes historiques : les origines des guerres, p.99. Polybe a conu sa thorie pour expliquer l'origine des guerres. La thorie implique trois lments dans l'explication. 1 Une analyse des considrations qui ont pouss les belligrants prendre les armes (analyse politique, ou morale). 2 L'examen des doit clairer la valeur des raisons invoques (discussion morale et juridique). L'expos des archai fait connatre la cause occasionnelle de la guerre et relie les analyses au rcit des praxeis qui reprend alors son cours. 153/ La Guerre de Clomne. La guerre des Allis. La guerre d'Antiochus.

1. La guerre de Clomne.[Ce passage est la reproduction du livre de Pdech] L'expos des origines de la guerre de Clomne n'est pas construit sur la distinction entre la cause, le prtexte et le commencement ; c'est la rgle dans la des deux premiers livres. Polybe, aprs avoir racont la formation de la Confdration achenne, rsum ses luttes avec Antigone Gonatas, rappel l'uvre d'Aratos, l'alliance entre les Etoliens et les Achens au temps de Dmtrius II et l'adhsion de Mgalopolis et d'Argos, arrive l'poque d'Antigone Doson (2.41-44). Le rcit s'oriente alors vers les intrigues des toliens. Naturellement injustes et avides, ils taient jaloux de l'accroissement de la Confdration achenne, o ils avaient espr leur part ; ils se tournrent donc vers Antigone, qui en voulait aux Achens d'avoir enlev l'Acrocorinthe et vers Clomne qu'ils laissrent s'emparer sans la moindre protestation de trois villes du Ploponnse, membres de leur Confdration, Tge, Mantine et Orchomne285.Maisils avaient compt sans Aratos qui devinait leurs intentions et les contrecarrait. La Confdration achenne, dont Aratos tait alors stratge (229-228), dcida provisoirement de n'ouvrir les hostilits contre personne, mais de s'opposer aux empitements lacdmoniens. Bientt apres, Clomne s'empara de l'Athnaion, situ sur le territoire de Mgalopolis, et le fortifia. Alors les Achens se dciderent traiter Lacdmone en ennemie : (2.45-46). Cette formule indique d'habitude la fin de l'expos des causes286. On attend ici, comme d'ordinaire, l'analyse des motifs des protagonistes, Aratos et Clomne. Polybe l'a garde pour la suite. Mais il nglig le personnage de Clomne, qui est pourtant dans sa pense le responsable de la guerre, pour traiter l'histoire des ngociations entre Aratos et Antigone, ou plutt travers ces ngociations, l'histoire des craintes, des scrupules et des prcautions d'Aratos. Pour combattre Clomne qui venait de faire un coup d'tat Sparte et d'installer la tyrannie, Aratos, redoutant l'audace des285

Aratos s'tait empar de Corinthe et de l'Acrocorinthe en 243 (PLUT. Arat. 16-23); c'tait une des clefs de la domination macdonienne dans le Ploponnase (PLUT.ibid. 16.4; POL.VII.12.3; XVIII.11.4, 45.5). Tge, Orchomne, Mantine (et Phigaleia) appartenaient a la tolienne depuis le temps d'Antigone Gonatas (FLACELIERE, Les Aitoliens Delphes, p. 240 et n. 2). En s'en emparant Clomane coupait en deux le territoire de la Confdration achenne, qui venait de s'tendre a l'est par l'adhsion rcente (229) d'Argos, de Phlious et d'Hermione. Le dpit des Etoliens s'explique peut-tre parce qu'ils avaient espr obtenir des bases navales en Argolide ou parce qu'Aratos leur disputait l'amiti d'Athnes. 286 Cf. Pol.1.12.5-6 ; 70.7.

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toliens, rsolut de solliciter l'appui d'Antigone, malgr qu'il en eut, car la Macdoine tait une vieille ennemie de sa Confdration. Voyant les souffrances que la guerre imposait Mgalopolis, en un moment ou les Achens taient hors d'tat de lui venir en aide, il se servit de deux Mgalopolitains, Cercidas et Nicophanes, pour ngocier secretement avec Antigone. Dlgus de Mgalopolis avec l'autorisation fdrale, ils reprsenterent au roi, sur les instructions d'Aratos, le danger que la collaboration des toliens et de Clomne faisait courir la Macdoine. Antigone promit son concours. Mais Aratos ne voulut l'accepter qu' la derniere extrmit. Clomne remporte sur les Achens victoire apres victoire et finalement occupe Corinthe (225). Alors Aratos appelle Antigone et lui livre Corinthe (2.47-52.4). Deux traits ressortent de ce rcit. D'abord, croire Polybe, c'est Aratos qui tout dirig d'un bout l'autre. Ensuite, le motif dterminant de sa politique t la crainte d'une coalition entre Clomne et les toliens ; la menace tolienne n'a cess d'tre prsente son esprit. Or, sur ces deux points l'expos de Polybe est en contradiction formelle avec deux autres rcits, celui de l'historien Phvlarque et celui d'Aratos, que nous connaissons indirectement par Plutarque ; I'Histoire de Phylarque est une source de sa Vie de Clomne, et les Mmoires d'Aratos une source de sa Vie d'Aratos 287287. Polybe connules deuxrelations : celle d'Aratos, dit-il, dissimulait partiellement la vrit, et il l'a surtout suivie pour le rcit des oprations mllitaires ultrieures ; il rejette celle de Phylarque288. Pourtant toutes les deux s'accordent pour indiquer qu'une guerre contre Sparte n'est pas entre dans les vues d'Aratos avant l'poque de la rvolution de Clomne (automne 227). D'apres Phylarque il mprisait d'abord le jeune roi et, pour287

Pour la rpartition des sources dans les deux Vies, voir: M. KLATT, Forschungen zur Geschichte des achaiscschen Bundes, 1. Quellen und Chronologie des Kleomenischen Krieges, Berlin,1877, p. 30-39; G. GOLTZ, Quibus fontibus Plutarchus in vitis Arati, Agidis, Cleomenis enarrandis usus sit, Diss. inaug., Insterburgi, 1883; F. SCHULZ, Quibus ex fontibus fluxerint Agistis Cleomenis Arati uitae Plutarcheae, Berolini, 1886. Dans la suite, nous distinguons par les abrviations (PHYL.) et (AR.) les passages de Plutarque drivs respectivement de PHYLARQUE et d ARATOS. 288 Pol 2.47.10-11, 56.1-2. C'est a tort qu'on affirme gnralement que Polvbe a tir ce rcit des Mmoires d Aratos (BIKERMAN, REG. 56.1943. p. 298 ; VALETON, De Polybii fontibus, p. 154). Rserves importantes de WALBANK, Aratos, p. 11-12Commentary.I. p 248. KLATT. ibid., p. 26, fait justement remarquer que POLYBE, en declarant 2.56.2, qu'il a mieux aim suivre Aratos que Phylarque, n'a pas voulu dire qu'il le prenait comme source, mais qu'il adoptait son point de vue politique. Il se dfend du reste 2.40.4 de rpter ce qu'a dit Aratos. De son rcit 2.48-60, on dduit qu'Aratos avait dissimul dans ses Mmoires 1 qu'il avait lui-mme inspir la dmarche de Nicophanes et Cercidas devant l'assemble achenne pour qu'elle autorist les Mgalopolitains ngocier avec Antigone; 2 qu'il leur avait donn des instructions pour parler au roi non seulement au nom de Mgalopolisce qu'ils font brivement 2.48.8mais surtout au nom des Achens (donc le discours des deux personnages ne vient pas d'Aratos) ; 3 qu'il a connu part le rsultat de leur mission avant qu'il soit publiquement communiqu aux Achens. D'aprs PLUTARQUE, Arat. 38.5, Phylarque racontait aussi cette ngociation secrte, et dans le mme sens que Polybe et leur version commune s'opposait celle d'Aratos.

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tter les Lacdmoniens et mesurer leur rsistance son projet d'unification du Ploponnse, il s'attaqua aux parties de l'Arcadie qui confinaient la Laconie. En reprsailles les phores donnerent l'ordre Clomne de saisir l'Athnaion de Belbin, enfonc oomme un coin dans la Laconie et disput Mgalopolis. Aratos riposta par un coup de main sur Orchomne et Tge ; il choua. Nanmoins les phores ordonnrent Clomne d'vacuer l'Arcadie. Il ne s'tait pas plns tt retir qu'Aratos s'emparait de Kaphyai. Alors Clomne, toujours sur les instructions des phores, occupa Mthydrion sur le territoire de Mgalopolis, et marcha contre Aristomachos, le nouveau stratge des Achens (mai 228-mai 227), qui, sur les supplications d'Aratos, refusa la bataille devant Pallantion289. Polybe ne parle pas de cet change de coups qui se droula sous la neuvieme stratgie d'Aratos (229-228) ; ou du moins il n'en parle que d'une facon unilatrale, ne rapportant que les oprations de Clomne et les prsentant comme des initiatives personnelles. Il ne parle pas du tout en revanche des frquents dsaccords qui se produisaient entre Aratos et les partisans de la guerre contre Sparte, Lydiadas, ancien tyrall de Mgalopolis, et Aristomachos, ancien tyran d'Argos. Aratos ne passait pas cela sous silence dans ses Mmoires. Lydiadas, lu stratge fdral en 234, voulait faire aussitt la guerre l'ennemi hrditaire ; son projet n'eut pas de suite. Mais Aratos tait fortement oppos l'influence de Lydiadas290. Chose plus grave, quelques annes aprs (228), il dissuadait Aristomachos d'envahir la Laconie et mme l'empchait de livrer bataille Clomne ; I'affaire fit grand bruit291.Bien qu'il rendt coup pour coup, il n'tait pas systmatiquement hostile Sparte. En ralit, il tait, cette poque, absorb par un projet grandiose dont il parlait avec exaltation dans ses Mmoires : il s'efforcait de gagner la Confdration achenne l'adhsion d'Athenes, qu'il avait libre de l'occupation macdonienne 292. Apres le coup d'tat de Clomne (automne 227) tout changea dans sa politique. Polybe note l'vnement sans lui attribuer de rpercussion sur la guerre, car Aratos ne redoutait que les toliens (2.47.3). Mais Phylarque exposait d'autres raisons : Clomne offrait la paix aux Achens, ne leur demandant en change que l'293. Aratos craignit d'tre clips par ce nouveau venu ; il ne voulait pas lui cder le fruit de ses travaux, mais surtout il lui reprochait sa politique contre les riches en faveur des pauvres. Bien des villes, nombre d'Achens mme, penchaient pour le rformateur294.289PLUT.

Cleom. (PHYL.) 3.4-4.4. Pour l a chronologie des vnements, voir J. v. A. FINE, The background of the Social war of 220-217 B. C., A J Ph. 61.1940. p. 137-140. 290 PLUT. Arat. (AR.) 30. 291 PLUT. Arat. (AR.) 35.4 = Cleom. (PHYL.) 4.4. 292 PLUT Arat. (AR.) 33-34, et 35.4 ; Cleom. (AR.), 16 3. 293 Plut. Arat. (PHYL.) 38.2 et 4; Cleom. (PHYL.) 15.2. Clomne songeait sans doute a une symmachie acho-lacdmonienne dont il aurait t l' vie (cf. TARN. CAH.VII. p. 756). 294 PLUT. Cleom. (PHYL.) 16.2-4 ; Arat. (AR.) 39.3. Cf. FINE, A J Ph. 61.1940. p. 146-147. BIKERMAN, REG. 56.1943. p. 299, conteste que la crainte d'un bouleversement social ait t un motif dterminant dans la politique d'Aratos ; chez POLYBE 2.49, ses missaires n'en parlent pas a Antigone, et l'un d'eux, Cercidas, est un crivain a tendances sociales (voir son pome dans I.U.POWELL, Collectanea Alexandrina, Oxonii, 1925, p. 203-205). Observons cependant que la thse de Polybe

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Aratosse rsolut de solliciter l'aide d'Antigone. Mais plusieurs indices montrent qu'il ne le fit qu'a contrecur. Lui-mme dans ses Mmoires invoquait la ncessit, et plus tard il trouvait amers les fruits de cette alliance295. Phylarque assure que les Achens ne s'y taient rsigns qu'a l'instigation de Mgalopolis296. Or Polybe ne reprsente pas ses compatriotes comme les initiateurs de l'alliance, mais comme les auxiliaires du projet d'Aratos. Quelle version faut-il prfrer ? Les vraisemblances historiques sont plutot du ct de Phylarque. La vieille inimiti de Mgalopolis contre Sparte, son amiti ancienne avec les rois de Macdoine, les agressions rptes de Clomne contre la cit, tout concourt prouver que les Mgalopolitains ne jouerent pas dans cette affaire un rle d'intermdiaires passifs. Polybe lui-mme laisse entendre qu'ils menacrent de s'adresser la Macdoine si les Achens ne leur apportaient pas un prompt secours297. On ne voit gure l'action des toliens dans les rcits d'Aratos et de Phylarque. Aucun des deux ne parlait de leur collusion avec Clomne, qui ds l'origine aurait suscit les inquitudes d'Aratos. Clomne, dans le discours qu'on lui prte au moment de son coup d'tat, dsignait aux Spartiates les toliens comme des ennemis possibles298. Attitude incomprhensible, s'il tait dj de connivence avec eux depuis deux ans. Deux annes plus tard encore (en 226), quand les victoires spartiates rduisaient Aratos aux abois, il demanda secours aux toliens, qui refusrent, il est vrai299 ; c'eut t bien naf, s'il avait mis tout en uvre depuis des annes pour contrecarrer leur politique. Les toliens avaient t ses allis contre Dmtrius, et l'anne mme (229) ou ils abandonnaient les trois villes d'Arcadie Clomne, pour nuire, prtend Polybe, aux Achens, ils avaient

ne tient pas compte du pril rvolutionnaire dans la politique d'Aratos ; quant a Cercidas, ses opinions ont pu varier ou le patriotisme mgalopolitain, traditionnellement antispartiate, prendre le pas sur elles (cf. WALBANK, Clas. Quart. 37.1943. p. 11); gardons-nous de l'imaginer sur le patron d'un doctrinaire moderne pour qui les classes sont internationales (TARN, in The Hellenistic age, p. 137) 295 PLUT. Arat. (AR.) 38.5, 43.1, (PHYL.) 45.2. TARN, CAH. VII. p. 756, analyse finement l'tat d'esprit d'Aratos devant le problme douloureux de l'alliance macdonienne par laquelle il dsavouait un long pass de luttes (cf. WALBANK, Aratos, p. 74, qui place tort en 229 les ngociations d'Aratos avec Antigone (p.206), alors qu'elles sont manifestement postrieures au coup d'tat de Clomene, automne 227). On n'a pas assez mis en relief, a mon avis, un lment important du problme: Ptolme, en transfrant a Clomene les subsides qu'il payait a Aratos (Pol.2.51.2), le mettait hors d'tat de soutenir les dpenses fdrales et le jetait en quelque sorte dans les bras de la Macdoine, ennemie traditionnelle des Lagides. 296 PLUT. Cleom. (PHyL.) 23.2. 297Pol. 2.48.3. D'apres Plutarque, Arat. (PHYL.) 36.2, Aratos rsistait a la pression des Mgalopolitains. Les historiens modernes (TARN, CAH VII. p. 219 ; WALBANK, Aratos, p. 63, 163) s'accordent a penser que l'entre de Mgalopolis dans la Confdration achenne (235) introduisit dans la politique fdrale un fort courant antispartiate, qui n'existait pas d'abord et qu'Aratos ne put contenir. Obsevons que Philopoemen et Lycortas taient plus hostiles Sparte qu'aux toliens 298 PLUT. Cleom. (PHyL.) 10.5. 299 PLUT. Arat. (AR.) 41.1.

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collabor avec eux pour dfendre Corcyre contre les pirates illyriens300. En admettant que l'ambition et l'injustice les aient pousss former une coalition avec Sparte et la Macdoine contre la Confdration achenne, de quels prtextes coloraient-ils leur attitude, quels chefs les auraient pousss ce surprenant renversement ? Aratos racontait que l'tolien Pantalon avait t le promoteur del'alliance acho-tolienne301. Pourquoi n'aurait-il pas nomm les ouvriers de la politique inverse ? Et s'il les avait nomms, Polybe aurait brivement indiqu leurs mobiles et et t trop heureux de les fltrir. Mais surtout, cette menace d'une coalition et t, pour Aratos, la meilleure excuse pour avoir recherch l'alliance macdonienne, qu'on lui tant reproche, et Plutarque, qui dplore si vivement la dmarche de son hros, aurait trouv cet argument dans ses Mmoires302. Les Grecs accusaient Aratos d'avoir prfr l'amiti d'Antigone celle de Clomede, non d'avoir pris en Macdoine une assurance contre une coalition de Sparte et des toliens ; il lui aurait suffi d'allguer ce pril pour se justifier303. En dpit de ces difficults srieuses il ne faut pas trop se hter de rejeter le rcit de Polybe, qui a t certainement puis bonne source et d'autant plus soigneusement pes qu'il contredisait les versions d'Aratos ct de Phylarque. Reprsentons-nous plutt la situation et l'tat d'esprit d'Aratos au cours de cette stratgie cruciale (mai 227-mai 226), ou il eut prendre la plus grave dcision de sa vie. En 229-228 les toliens ont t engags avec Antigone Doson dans un conflit dont les dtails sont mal connus et contests304 ; ils y perdent la Thessaliotide, l'Hestiaiotide et la Phocide orientale305. Mais rapidement tout s'apaise, et en 227, Antigone peut faire une expdition en Carie, dirige contre l'Egypte306. A ce moment-l, les Etoliens pourraient reprendre Tge, Mantine et Orchomne, que Clomne leur avait enleves en 229 ; ils ne le font pas, et Aratos en est surpris. Il voit avec angoisse les succs croissants du jeune roi spartiate ; les Achens ont t vaincus au Lykaion et quelques jours aprs, l'ancien stratge Lydiadas trouve la mort dans un engagement de cavalerie. On reproche Aratos de l'avoir abandonn, et

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POL.2.9.8. PLUT. Arat (AR.) 33.1. 302 PLUT. Arat. 43.1 - Cleom. (PHYL.) 16. 303 Faut-il penser que le projet tolien de coalition tait imaginaire et que ce fut une invention de la propagande d'Aratos pour justifier son alliance avec la Macdoine ? C'est l'opinion de FINE, AJPh. 61.1940. P. 148. Elle parat excessive. Une telle coalition et t naturelle: elle aurait permis Clomene d'tendre son hgmonie sur toutle Ploponnse et aux toliens de briser l'hgmonie macdonienne avec l'aide de Sparte, ennemie traditionnelle de la Macdoine. Elle a t srement envisage par les deux puissances un certain moment, et c'est ce qui inquitait Aratos. 304 La thse d'un conflit arm, dont nos sources ne parlent pas, a t soutenue d'abord par FINE, The problems of Macedonian holdings in Epirus and Thessaly in 221 B. C., TAPhA 63.1932. p.130-147, et reprise par P. TREVES, Studi su Antigone Dosone, Athenaeum, N.S. 12, 1934, p.396-397, et par M. FEYEL, Polybe et l'histoire de Botie. p. 111 S. 305 FEYEL, ibid., P. 125. 306 Cf. POL.20.6.11.

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l'assemble d'Aigion lui refuse l'argent pour la guerre307. Clomne s'empare encore des villes achennes d'Hraia et d'Alsaia, et vient s'tablir devant Mantine308. Aratos se trouve maintenant plac entre un parti qui veut faire la guerre Sparte (les amis de Lydiadas et les Mgalopolitains) et un parti qui ne veut pas la faire. Son dsarroi est tel qu'il songe se dmettre309. Aprs avoir lutt pendant vingt-quatre ans pour agrandir et consolider la Confdration, il voit son uvre irrmdiablement compromise : l'intrieur deux factions rivales, sans compter les tendances sparatistes qui, mme Sicyone, souhaitent la fin du koinon ; l'extrieur, la puissance tolienne son comble310, et l'audace conqurante de Clomne, encore accrue par le coup d'Etat de l'automne 227, qui lui laisse un pouvoir absolu. L'avenir est sombre. Son gnie militaire est bien infrieur celui de Clomne et il en conscience311. Peut-tre meme certains Achens songent qu'il pourrait avoir en Clomne un brillant successeur, qui raliserait l'union de tout le Ploponnese sous l'autorit de l'tat spartiate rajeuni, et Clomne ne tardera pas caresser ce projet 312. Mais la diplomatie d'Aratos toujours t fertile en expdients. Cette situation critique tait en mme temps sa plus grande chance. Son rve d'unifier le Ploponnse se heurtait deux obstacles, les Etoliens et Clomne. En s'alliant la Macdoine, il saisissait l'occasion d'liminer l'un et l'autre. Une premire guerre devait le dbarrasser de Clomne ; le tour des Etoliens viendra au temps de la guerre des Allis. Mais il fallait mnager l'opinion. Il inspira donc la mission de Nicophanes et Cercidas aupres d'Antigone, concession au sentiment antispartiate de Mgalopolis. En mme temps, pour rassurer l'autre camp, il faisait dcider qu'on n'aurait recours aux Macdoniens qu' la derniere extrmit (Pol.2.50). L dessus sa stratgie prit fin et il resta volontairement deux ans sans l'exercer, laissant Clomne devenir toujours plus dangereux pour Antigone, avec lequel il semble qu'il demeurait en contact pendant le temps qu'il resta homme priv313. Dans ces conditions, le danger d'une coalition entre la Confdration tolienne et Clomne fut une hypothse qu'il envisagea et fit redouter Antigone plutt qu'un fait positif qui avait dj un commencement de ralit314. Mais dans ses Mmoires il ne pouvait gure invoquer un fantme inconsistant pour justifier une volte-face aussi clatante, qui dmentait tout son pass d'adversaire de

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PLUT. Cleom. 6.2-3; Arat. 37.3; POL.2.51.3. On place ordinairement les batailles du Lykaion et de Ladokeia dans l't 227 (WALBANK, Aratos, p. 81, 193). D'aprs POLYBE 2.51.3, elles sont postrieures au coup d'tat de Clomane, donc du printemps 226. 308 PLUT. Cleom. 7.3. 309 PLUT. Arat. 38.1. 310 Cf. FLACELIERE, Les Aitoliens Delphes, P. 266-275. 311PLUT. Arat. 10.1, 29.4 ; Cf. POL. IV.8.5-6. 312 PLUT. Cleom. 17.3. 313 Cf. PLUT. Cleom. 17.1. 314 Notre conclusion rejoint sur ce point rejoint celle de Feyel, Polybe et l'histoire de Botie, p. 110. Ajoutons que l'alliance entre les Achens et la Botie, un peu antrieure aux ngociations avec Antigone (cf. Pol. 2.49.6), rpondit vraisemblablement aux mmes proccupations d'Aratos: contenir les les toliens.

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la Macdoine et d'ennemi de la monarchie315. Il se serait luimme dnonc maladroitement comme l'agresseur. Polybe, en revanche, jugeant apres les vnements et analysant la politiquc d'Aratos conformment sa thorie des causes, pouvait faire la plus large place ces considration. Il remontait ainsi, dans les origines de la guerre, jusqu'a la raison la plus secrte et la plus abstraite de l'homme d'tat responsable, jusqu'a la qui formule l'avenir dans les termes d'un problme. La situation de la Grce en 227 rendait invitable une course la coalition entre les deux grandes confdrations qui se disputaient la clientle des cits ploponnsiennes : ce fut Aratos qui prit les devants et gagna. Polybe a bien montr la naissance et le sens de cette comptition, qui commenca par l'entente d'Aratos avec Antigone et se poursuivit par la formation de la symmachie acho-macdonienne de 224, favorise par l'attitude inamicale des toliens aux Thermopyles316. La symmachie ralisa d'abord l'abaissement de Sparte par la dfaite de Clomne quelques annes plus tard, puis limina les Etoliens du Ploponnse dans la guerre des Allis. De l'ide initiale, qui n'tait qu'une prcaution conditionnelle, est sortie une grande politique, audacieuse et raliste317. L'historien voulu tudier le cheminement de l'ide travers les actes, en dmontant pice pice les raisonnements et les objections, avec un penchant marqu pour l'histoire secrte, celle qui se droule dans le mystre des chancelleries et dans la conscience des chefs. Il vitait les sentiers battus : or cette version tait tout fait neuve et ne devait rien ni Phylarque ni Aratos. Elle allait aussi davantage au cceur des choses. Il est difficile de dire d'ou il tir ses informations. Elles ont pu faire partie de son ducation politique, un moment o, jeune encore et dja destin aux plus hautes charges de la Confdration, il s'initiait son histoire et ses secrets diplomatiques, et o des tmoins de ces vnements vivaient encore ; n'oublions pas que les missaires d'Aratos Antigone, Nicophanes et Cercidas318, taient tous les deux de Mgalopolis. Son grand-pre Tharidas avait alors jou un rle politique319. LES GUERRE PUNIQUES, 177/. [ Les antcdents de la premire guerre punique n'ont pas t examins fond par Polybe. Il dsigne le responsable de la seconde guerre punique ; c'est Hamilcar, le pre315

Observons ce propos qu'Aratos n'a pas d confier a ses Mmoires la relation de ses ngociations avec Antigone une poque tardive comme le pense BIIKERMAN, REG 56.1943. p. 298, mais au moment mme o il les menait, car Plutarque assure qu'il les rdigeait au pied lev au fur et a mesure des vnements (PLUT. Arat. 3.2). On comprend qu'il ne pouvait tout dire dans la crainte qu'ils fussent dcouverts. 316 Pol.2.52.8. 317 Plutarque (Arat. 41.3, Cleom. 19.2) rapporte un mot d'Aratos, qui claire profondment cette situation: il ne possdait pas la politique, mais la politique le possdait 318 Voir A. GERHARD, RE. XI.294-308. Nicophanes de Mgalopolis n'est pas recens dans la RE. 319 DITTENBERGER, Sylloge 3, 626, PLUT. Cleom. 24.2; cf. STHELIN, RE. V A, 1382 v. Thearidas 1; GELZER, Abhandl. der preuss. Akad. der Wissensch. 1940.2. p. 10.

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d'Hannibal. Mais son portrait reste vague Son activit de 9 annes en Espagne pour forger l'instrument de lutte est enleve en quelques lignes 2.1.5-9. Hasdrubal est encore plus flou 2.36.1-2 ; 3.8.1-4. Dans la discussion juridique des traits entre Rome et Carthage (3.20.30), Polybe discute ses diffrentes sources, et s'oppose en particulier son prdcesseur Philinos. Le trait de Lutatius est prsent sous sa forme de projet, 1, 62, 8-9, et sous sa forme dfinitive, 3, 27, 2-6. De mme pour l'additif relatif la Sardaigne, dj prsent en 1, 88, 12.] Chapitre IV. Les causes : Les personnages historiques, 204/ Aprs Thucydide, dont la psychologie est moins riche que la dialectique, l'individu conquiert son autonomie et devient l'lment prpondrant du dterminisme historique. Toute explication historique repose sur une conception de l'action humaine dans les vnements : enrichissement de la description psychologique depuis Thucydide. Importance que Polybe accorde l'individu responsables ou initiateurs des vnements (, 2.67.8 ) p.206 : un obscur Achen, Alexon, sauve successivement deux villes, Agrigente et Lilybe d'un complot tram par les mercenaires, 1, 43, 2-8 Cas de Xanthippe 1, 35, 4-5.208/ , 2.46.7 2.56.4 2.37.2 2.71.9 _ , 2.46.1.Histoire de Philopoemen 2.67.. I- LES THEORIES PSYCHOLOGIQUES, - Polybe distingue dans l'ame deux parties : un noyau solide form par l'intellignece dont l'essence est la raison, et une priphrie mouvante o entrent les lments rationnels. Il rserve la partie raisonnable une fonction prpondrante. Pour Polybe, la russite vient des facults raisonnables (logismos ; , l'intelligence pntrante), les checs de la ngation de la raison (hybris, horm ; draison 2.30.4 , manque de discernement 2.39.8 , incomptence). Sa mthode d'explication consiste donc mesurer la place du rationnel et de l'irrationnel dans les actions, p.211. II- LES DEUX TYPES PSYCHOLOGIQUES, p.216 - 1 Le hros raisonnable : "Les grands hros de Polybe, qui va son admiration sans rserve et auxquels il attribue une influence dcisive, sont des hommes froids, positifs et calculateurs. Il les a si bien dpouills de toute affectivit qu'ils paraissent taills sur le mme patron. Le premier de cette srie est Hamilcar Barca. Il a compltement laiss de ct les traditions qui lui prtaient des moeurs douteuses Il voit en lui la plus haute figure de la premire guerre punique, la plus remarquable par les deux qualits matresses du grand homme, le jugement et l'audace (gnom kai tolm), I, 62, 4-6.En toutes circonstances, il agit selon la raison, kata logon. Tant que Carthage conserve un espoir raisonnable de gagner la guerre, il ne recule devant aucune difficult ; quant il ne lui reste plus aucun espoir raisonnable (le mot est rpt), il fait la paix. En cela il agit avec intelligence et sens politique. Ce type de personnange est le personnage historique par excellence Polybe considre Hamilcar comme la cause de la seconde guerre punique : sa rancune contre les Romains provoque le conflit. Mais cette colre (hybris) n'est pas un emportement irraisonn. Il est d'abord contenu et cach sous l'empire des circonstances ; la guerre des Mercenaires le dtourne de la revanche."217. Omission des sentiments religieux, 222. Autres exemple : Antigone et Clomde, 2.64.4 ; 2.64.6. Son expression favorite est , 2.38.5 ; 2.45.5 ; 2.65.7 2 Le personnage draisonnable : il agit . Exemples : Philippe, Perse etc. 233/ 3 D'autres figures sont moins stylises, parce que l'auteur les a mieux connues,

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gammes intermdiaires : Aratos, prvoyant en diplomatie, imprvoyant la guerre, 2.47.3-4, 4.11.1 ; 4.12.2 ; 4.14.6. p. 226. Valeur thique de la psychologie de Polybe : "Entre le gnie romain, raliste, lucide, judicieux, et le caractre de notre Arcadien, flegmatique et ordonn, il y avait une affinit certaine Le temprament mthodique et prudent des Romains et l'intellectualit raisonneuse des Grecs se sont rencontrs pour inventer un nouveau type humain, l'anr prafmatigos kai nounechs 2.13.1, diffrent du kalos kagathos de la priode socratique et platonicienne, en ce qu'il ne recherche pas seulement son perfectionnement intrieur en se rglant sur un modle transcendant, mais aussi le dveloppement et le meilleur usage de ses facults intellectuelles dans la vie publique. Cet idal avant les ouvrages de Pantius, a trouv son expression historique dans les personnages de Polybe."228/. III- LES INFLUENCES EXTERIEURES, 229/ - Polybe tudie comment le caractre ragit : 1 sous la pression des vnements ; 2 Sous l'influence de l'entourage (galerie de ministres et de courtisans autour de Philippe), des femmes, (sur lesquelles son jugement est dfavorable, 2.8.12, 31.2610) -Variations du caractre (natures changeantes, ge). IV- LA DIALECTIQUE INTERIEURE ET LE PORTRAIT, 239/ - Pour expliquer l'action de l'homme dans l'histoire et l'application des facults personnelles aux vnements, Polybe a recours deux procds : l'un, analytique, consiste dcrire les ractions des personnags dans chaque cas particulier ; l'autre, synthtique, dgage les rapports entres les traits du caractre et le rle historique : c'est le portrait. Il examine dans chaque action particulire les mobiles, analyse les raisonnements, expose les cas de conscience, les sentiments cachs : analyse des considrations qui ont dcid Aratos renverser les alliances traditionnelles de la Confdration achenne : la crainte de Clomne, celle des Achens, l'estime pour le sens politique d'Antigone et la rflexions que les rois concluent des alliances guids par leurs intrts plutpt que par leurs affinits, 2.47.4-6. Schma thorique de oprations intellectuelles : la dlibration qui dtermine l'action se prsente souvent dans un ordre fixe, selon un schma dialectique qui se rpte quelque variantes prs. Exemples, 1, 31, 4, Rgulus ; 1.32, 2, Xanthippe ; 1. 40, 1, Hasdrubal ; 1.45, 1-2 ; 1. 60, 4, Lutatius. Cas de conscience, dbat intrieur, aratos 2.47.2. La dlibration qui dtermine l'action se prsente souvent dans un ordre fixe, selon un schma dialectique qu se rpte quelques variantes prs : 1.Obervation des faits 2. recherche d'informations nouvelles 3.rflexion 4. Dcision et plan. 5. Action : cf. 2.26.3 ; 2.46.1-4 ; 2.47.5-6 ; 2.48.1 ; 2.50.1 ; 2. 55.1-2 ; 2.67.4 ; 243 "Cette motivation intellectuelle des actes est un trait distinctif de la manire de Polybe. Elle se rencontre tout au long de son oeuvre. Ainsi la dialectique de Lutatius avant la bataille des les Egates, 1, 60. Bien que Polybe se dfende de porter des jugements dfinitifs sur ses personnages, il ne s'est pas content de motiver et d'apprcier chaque action en particulier ; mais toutes les fois que l'occasion se prsentait, il a montr que les qualits et les dfauts rpondaient aux actes, la politique, la destine d'un homme et les expliquaient. Cette synthse, ce bilan forment le portrait. Polybe en a trac un grand nombre Il critique les historiens qui comme Thopompe dcrivent le caractre avant d'exposer la conduiteCependant lui-mme use assez couramment de cette technique."244/. D'autres fois un portrait antithtique est destin expliquer les contrastes d'une destine et d'une politique Dans la guerre des Mercenaires, Hannon est un bon intendant, mais un mauvais stratge. Il s'ensuit que son

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arme est fort bien quipe, mais qu'il se fait battre, 1, 74. Les lois psychologiques dans les Histoires : raret de la persvrance, mais confiance dans la raison ; l'histoire ainsi conue devient une phnomnologie de la raison. p. 247. Conclusion : La richesse des notions psychologiques de Polybe est attestte par l'abondance du vocabulaire psychologique (nomenclature de 210 termes, 248-249!). Ni sa formation Mgalopolis, ni sa frquentation Rome du cercle des Scipions (o il tait arriv en pleine maturit), ni les ides fondamentales de sa psychologie, ni les philosophes qu'il cite ne permettent de faire de lui un stocien ; on peut seulement dceler chez lui une culture pripatticienne et admettre l'influence de la Nouvelle Acadmie. Chapitre V. Les causes historiques : les discours 254/. "Une doctrine domine la psychologie de Polybe et sa conception du pouvoir humain dans l'histoire : c'est que l'individu est l'instance suprme, la force qui anime et dirige les vnements. Il est par suite entran prendre position sur la place des discours dans le genre historique. Car les discours expliquent d'une part l'influence de l'individu, de l'autre les actes et les dcisions de la vie publique. En les insrant dans leurs oeuvres, les historiens antiques obissent autant une conception oratoire qu' une ralit de leur temps. Chez les Anciens la parole est un facteur historique ; pour les historiens, le discours est l'gal de l'action. Thorie du discours chez les historiens antiques : 1 Thucydide : le discours restitue l'esprit de la situation ; 2 Callisthne recommande de ne pas s'carter de son personnage et de lui prter des discours confomes sa personnalit et aux circonstances.254/. - Thorie de Polybe : il limite troitement l'usage du discours : rejet de la rhtorique ; le discours doit tre vrai et observer l' (qui donne l'impression de la vrit, 2.47.10) et l' (qui relie solidement le dicours aux antcdents et aux suites. I- LES SOURCES DES DISCOURS, 259 II- LA MATIERE DES DISCOURS : 276 - Les discours de Polybe taient assez nombreux, souvent courts, condenss et analyss, simplement indiqus : de cette catgorie sont les exhortations adresses aux troupes par les chefs (parakltikoi logoi : 1, 32, 8 ; 44, 1 ; 60, 5 ; 69, 9. 2.64.1 ; 2.67.1). Emploi du style indirect, en particulier dans la prokataskeu (1, 43, 3 ; 43, 5 ; 49, 10 ; 67, 1 ; 69, 1-2 ; 78, 14-15 ; 79, 11-13, 80, 1-4. 2.48.8-49.10 ; 2.50.11-12) : l'auteur n'est qu'aux prliminaires de son Histoire et dsire passer rapidement. La harangue des deux missaires d'Aratos Antigone, 2.48.849.10 est exceptionnellement longue parce qu'elle a pour objet de justifier le renversement des alliances dont Aratos a pris l'initiative, et d'exposer par la mme occasion la situation politique de la Grce la veille de la guerre de Clomne. Les discours abondent en faits plus qu'en ides ; peu de topoi (mais on aperoit un dveloppement fond sur le beau et l'utile dans le rsum d'un discours d'Aratos 2.50.11) : 1 faits concrets ; 2 discussions juridiques ; 3 valeur des prcdents historiques : les discours de Chlaineas et Lyciscos contiennent deux longues rtrospectives de l'hgmonie macdonienne en Grce, l'une hostile, l'autre favorableDoit-on considrer cela comme un talage inutile d'rudition? Un homme politique doit savoir combien le pass remontent souvent des vnements lointains2.48.1.3. I- LA PORTEE DES DISCOURS L'AITIOLOGEIN.289/- Le discours est un maillon dans la chane des causes ; de l une composition dramatique exposant les sentiments et les

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mouvements des assembles et des confrences, p294 : "Quelques sances sont particulirment animes et tumultueuses, par exemple la runion des Mercenaires o Spendios et Matho excitent la soldatesque, font lapider les contradicteurs et finissent par piller l'argent et les bagages du gnral carthaginois (1, 69, 1-70, 4) Dans ce dernier pisode, il montre le cheminement de la rvolte, mdite d'abord dans le cerveau des deux meneurs, puis souffle au petit groupe des Africains, et rpandue la faveur d'une assemble gnrale travers cette foule bigarre, nerveuse, o cent langages aggravent les malentendus On trouve une progression semblable dans une seconde assemble des Mercenaires, o les meneurs, alarms par l'humanit d'Hamilcar envers les prisonniers, veulent empcher tout apaisement et rendre la guerre inexpiable (1, 79, 880, 13) L'ide germe d'abord dans l'esprit des chefs, qui inventent une tromperie pour la raliser"Conclusion : Les grands discours de Polybe analysent de crise en crise les rapports variables des forces historiques. Chapitre VI. Les causes historiques : les constitutions, 303/. Une constitution est la forme la plus gnrale de la causalit historique Au livre II, avant de raconter les commencements de la Confdration achenne, il se demande pour quelle raison le nom achen en est venu dominer tout le Ploponnse (2.38)il l'attribue l'excellence de la constitution achenne : Polybe distingue deux groupes de valeurs : 1) l' et la l' et la . Le second groupe est l'application concrte dans la vie politique des principes contenus dans le premierLe rgime contenait un principe moral, qui favorisait l'unification et l'quilibre ; mais il n'a pas t assez fort pour mener l'oeuvre jusqu'au bout, et il a fallu l'intervention des grands hommes d'tat achen, Aratos, Lycortas et Philopemen. Examen de la constitution de Rome au livre VI) 308/ A leur tour les constitutions obissent des lois, que Polybe qualifie de naturelles la premire de ces lois est l'anacyclosis qui rgle la succession cyclique des rgimes politiques.309/ La seconde loi naturelle assimile les constitutions aux organismes vivants qui passent par trois tats, la croissance, la maturit, le dclin Chapitre VII. Les causes historiques : la fortune et le hasard, 331/. Il reste encore du jeu dans le mcanisme de l'histoire. Une force incalculable vient s'interposer entre la cause et l'effet, djouant les prvisions les plus rigoureuses, et droutant la dialectique de l'historien ; c'estla forune et le hasard (, ). La avant Polybe, c'est le cours inconnu des vnements, ce qui va l'encontre du raisonnement. Non seulement le mot n'a pas partout la mme signification chez Polybe, mais encore il adopte cette attitude paradoxale de souligner maintes fois le rle de la fortune dans l'histoire et de dclarer en mme temps qu'il faut la bannir de l'explication historique. Ainsi, il annonce que le but de son ouvrage est de montrer comment la a renouvel le monde en le soumettant aux Romains (1.1.3 etc.) et d'autre part il s'lve contre les historiens qui attribuent la les victoires de Rome et mme, d'une faon gnrale, il rejette la dans la recherche des causes (2.38.5). I- DEFINITION DE LA FORTUNE ET DU HASARD 336/ Cf.36.17, o il blme d'abord tous ceux qui mettent sous le signe de la et l' toutes sortes d'vnements, aussi bien publics que privs, et qui conoiven la sous la forme d'un gnie attach la destine personnelle et d'une puissance rgissant la vie des Etats. Il divise ensuite les vnements en deux catgories, ceux dont il est

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impossible pour l'homme de dcouvrir la cause, et ceux dont la cause peut se dcouvrir. Seuls les premiers peuvent tre rapports la divinit et la fortune ( ). Dans la premire il range les pluies, les neiges etc. (2.31.10). Dans l'autre il place les faits qui dpendent de notre volont, par exemple le dpeuplement de la Grce de son temps Sa dfinition ne tient compte que du caractre inconnaissable des causes : une extrmit, la est une puissance suprieure qui ordonne les vnements en les orientant vers une fin dtermine. Elle rprsente un pouvoir rgulateuraussi et se trouvent-ils ici rapprochs et associs comme dpositaires d'un pouvoir semblable. Il dit encore , , car la direction des affaire humaines est un attribut divin. Dans ce sens, la est ce qu'on peut traduire par la fortune. A l'autre extrmit, elle assume un role tiologique. Elle sert combler les vides que les autres formes de causalit, individu et constitutions, laissent dans l'agencement des faits. Il emploie alors le mot souvent corrig par le mot ou . Elle possde encore d'autres attributs. Elle fait naitre les changements ; elle renouvelle indfiniment le cours des affaires humaines. L'historien prendra ce changement comme point de dpart. Mais dans l'histoire de l'Asie et de l'Egypte, il ne remontera pas au-del de cette date parce que la fortune n'y a produit aucune modification notable (2.37.6). Assumant un rle d'arbitre, elle tient quelquefois la balance gale entre les adversaires. Elle manifeste son impartialit en donnant tout tour l'avantage chacun d'eux : elle favorise alternativement les Carthaginois et les Mercenaires pour leur permettre d'exercer les uns sur les autres des reprsailles svres (1, 86, 7). L'ide d'impartialit est voisine de celle de justice ; et comme la nmsis traditionnelle, elle est jalouse du bonheur et du succs Pour n'avoir pas compris ses leons, Rgulus a t victime de son arrogance D'un bout l'autre de son oeuvre, il professe cette croyance en une puissance suprieure, qui rgle sa manire le cours des vnements et sous le signe de laquelle il place son rcit tout entier. Est-elle ses yeux une divinit? [oui] II-METHOLOGIE DE LA FORTUNE ET DU HASARD, p.343 : - Polybe dclare qu'il faut bannir la de l'explication historique (2.38.5) et il polmique contre les historiens qui ont l'habitude d'expliquer les succs extraordinaires par la fortune et le hasard sans plus d'examen : 1.63.5 etc. et l'introduit lui-mme tout instant. L'hypothse d'une contradiction due des rdactions successives est improbable : la fortune qu'il rejette est celle qui supprime l'tude des causes morales et raisonnables, mais a fortune qu'il faut exclure de l'histoire n'est pas celle qui domine de haut les vnements La conception de Polybe s'est forme sous l'influence de la pense grecque et de la socit romaine (Fortuna). Chapitre VIII. La mthode critique. p.355. La critique des tmoignages fait partie de l'histoire apodictique. Principes de Polybe, p.355 I- LA CRITIQUE DES TEMOIGNAGES, 356. tude de l' de l'historien, qui risque de fausser son jugement. Il parat grouper ses remarques sous deux chefs : la vie etl 'esprit, , , la situation particulire de l'crivain et sa position morale. ( Time, Thopompe). Envers d'autres, il est moins

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svre ; il admet qu'un historien manifeste une prfrence pour sa patrie (Znon, Antisthne de Rhodes ; Philinos et Fabius Pictor). Comptence? Exprience? Autopsie (" la vue est plus sre que l'ouie"). Tmoins directs ( exils grecs, voyageurs de passage, informateurs romains). Il suit les mmes rgles dans le choix et la critique des sources littraires Il traite ce genre de sources comme les tmoins oculaires : il les confronte, il les oppose. 374/ Pour crire l'histoire de la guerre de Clomne au livre II, il a oppos les Mmoires d'Aratos l'historique de Phylarque. Il accorde plus de crdit au premier, non pas par une confiance aveugle, car il sait que ses Mmoires dissimulaient parfois la vrit, en particulier sur les ngociations avec Antigone ( 2.47.11 ; 2.51.1).Plutarque avait suivi ces Mmoires dans sa vie d'Aratos et Phylarque dans sa Vie de Clomne ; mais comme on relve entre ces deux biographies des divergences importantes et nombreuses, il est certain que ce dernier a recouru en outre une tierce autorit qui dvoilait l'histoire des ngociations. Kromayer, analysant le rcit de la bataille de Sellasie, 2.65.69 aboutit la conclusion qu'il ne drive ni d'Aratos ni de Phylarque, mais plutt d'un tmoin oculaire qui aurait pu tre Philopoemen ou un autre Achen. II- L'UTILISATION DES DOCUMENTS, 377/. On loue chez Polybe l'abondance des documents, et le got du document authentique, en particulier du texte pigraphique. 382/ D'aprs Appien, tous les traits des Romains taient gravs sur des plaques de bronze et conservs au Capitole Le trait de Rome avec Teuta est aussi cit en abrg (2.12.3). Il est impossible de dcider s'il vient d'un document d'archives ou d'une source littraire. Comme les Romains l'avaient communiqu aux Achens, les archives fdrales en conservaient srement la trace.2.12.4. 388/ Il aime aussi les statistiques, comme le prouve l'numration frquente des pertes la fin des batailles, ou encore le recensement des forces romaines avant l'invasion gauloise de 225 ( 2.24). III-L'ARGUMENT DE VRAISEMBLANCE, 389/ Quand les preuves manquent, il faut recourir au vraisemblable, . Au livre 2, il oppose la tragdie l'histoire, l'une ayant pour objet d'mouvoir et de charmer l'aide de discours croyables, et ce croyable ( ) peut faux, de mme que le faux peut tre incroyable ( 2.56.12 ; 2.58.12). Ainsi, la vrit et le mensonge d'une part, le croyable et l'incroyable d'ature part forment deux domaines distincts, mais qui se pntrent en certains points. Le vraisemblable appartient la catgorie du logique, il rsulte de donnes rationnelles. _ et sont des expressions quivalentes : le raisonnement est un moyen et un instrument pour dgager le vraisemblable. Polybe condamne le merveilleux la fois au nom de la raison et de la sparation des genres, et condamne dans le mmes termes Phylarque, non parce qu'il utilise le merveilleux, mas parce qu'il confond les procds de l'hisoire avec ceux de la tragdie 2.56.6-12. Il rejette comme un matire tragique les histoire des Grecs sur la rgion du P, 2.16.13-15. Au sujet des Vntes, il s'abstient de reproduire les rcits que les auteurs tragiques ont crit sur eux, 2.17.6 ( Caton avait crit sur l'origine troyenne des Vntes). En fait, il exige partout cohrence et logique, cf. 2.62-1-4, 63.1.3, sur les incohrences de Phylarque sur les ressources de Clomde.

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Chapitre IX. La mthode comparative, 405/. La mthode comparative en histoire demande une gnralisation dlicate des vnements : elle cherche expliquer les symtries et les dissymtries qu'elle constate ; cette recherche l'amne dcouvrir dans certains cas ce qu'on appelle une loi historique. Thucydide y a recours avec ses discours antithtiques, qui tirent leur origine des de la rhtorique. Isocrate a fond la mthode comparative en histoire, suivi par ses lves, Ephore et Thopompe. 406/. I- LES PRINCIPES.- L'emploi de la mthode repose chez Polybe sur le double souci d'analyser les causes avec plus de prcision et d'apprcier l'importance relative des faits. Les comparaisons ont pour but la fois de rflchir sur les origines d'un vnement et de mesurer son importance. La mthode remonte par limination de l'effet la cause, du connu l'inconnu, puis, ouvrant les perspectives, elle claire les dimensions de tout le systme. Mais c'est parfois une simple ressemblance, comme par exemple de remarquer qu'aprs la premire guerre punique, Rome et Carthage eurent chacune faire face des difficults pareilles dans leur pays, l'une avec le soulvement de Falries, l'autre avec la rvolte des mercenaires (1, 65, 1-4) : Polybe s'abstient en effet d'tudier paralllement les causes et le droulement de deux vnements. 408/. II- LES COMPARAISONS GEOGRAPHIQUES : - 1 La Sicile situe par rapport l'Italie et ses extrmits comme le Ploponnse l'est par rapport la Grce et aux pointes qui la terminent, avec cette diffrence1, 42, 1-2. Cette comparaison fait partie d'une digression, elle vient un peu tard, l'anne 250 et n'explique ni les raisons gographiques ni les oprations de la guerre : c'est une addition datant de l'poque de la rdaction de la second partie.p.411En gnral, plus que la position des lieux () Polybe tudie les avantages qui en dcoulent (). p.411.III- PARALLELE DE PERSONNAGES : Sa psychologie ne consiste pas nuancer en profondeur les lments varis d'un caractre, mais tirer d'un personnage les ressorts d'une action, rduite ellemme un schma dialectique. Dans ces condittions l'antithse est un instrument prcieux pour analyser une conduite contradictoire ou des oppositions de dfauts et de qualits.415. IV. COMPARAISONS MILITAIRES : - 1 les flottes de la premire guerre punique : son rcit tend mettre en lumire un phnomne capital : l'apparition de la flotte romaine au premier rang des marines du monde antique et l'normit de cette puissance nouvelle. Il rapelle qu'au cours de la guerre les Romains ont perdu 700 quinqurmes et les Carthaginois 500 (1, 63, 6-9). 2 En racontant la bataille de Drpane, il dresse un tableau comparatif des lments qui taient favorables aux Carthaginois et dfavorables aux Romains (1.51.3-10). Du ct punique il en note deux, essentiellement : 1 la mobilit des manoeuvres, due la qualit de la construction navale et l'exprience des quipages ; 2 l'avantage de la position, le dos au large, qui donnait toute facilit de mouvements. Du c romain c'est le contraire : adosss la cte ils n'ont pas la place pour manoeuvrer ; 2 leurs vaisseaux sont lourds, leurs quipages inexpriments. Il s'y ajoute, un peu plus loin (1, 52, 1-2), deux lments moraux, la prvoyance et la dcision de l'amiral punique, opposes la tmrit et la sottise du consul romain. La victoire apparat comme une consquence ncessaire. L'historien reprend ce parallle dans le rcit de la bataille des iles Egates ; mais il note en manire d'introduction que la situation des adversaires tait l'inverse de ce qu'elle tait Drpane, donc que que le rsultat fut naturellement inverse, 1, 61, 2. : Ici, quatre lments sont l'avantage des

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Romains : 1 ils ont rform leur construction navale ; 2 ils ont laiss terre tous les poids lourds ; 3 leurs quipages sont bien exercs ; 4 ils embarquent leurs meilleurs combattants de l'arme de terre. Les faiblesses de l'escadre punique ne sont pas prsentes dans le mme ordre : 1 Les vaisseaux sont pesamment chargs ; 2 les quipages sont inexpriments et recruts au hasard ; 3 les pibates sont des recrues, inhabitues aux durets de la guerre ; 4 les Carthaginois, ne croyant pas que les Romains oseraient encore les affronter dur mer ont nglig leur marine. Seuls les trois premiers points de cette liste ont des correspondants dans la liste romaineDans chacune Polybe a class les facteurs selon l'importance qu'il leur attribue, indiquant d'abord les facteurs matriels, qui sont pour les Romains les progrs de la construction navale, pour les Carthaginois la lourdeur de la flotte ; la fin viennent les facteurs moraux : chez lez Romains la valeur des combattants ; chez les Carthaginois, la sousestimation des possiblilits romaines. Ces deux circonstances ne sont toutefois pas symtriques. L'erreur de jugement ne correspond pas exactement l'absurdit de P.Claudius Drpane, ni aux raisonnements de Lutatius dvelopps un peu avant (1, 60, 4-8) : c'est une erreur de plusieurs annesCe parallle est le cas d'application le plus parfait et le plus lucide de la mthode comparative : les termes compars diffrent en ce que les facteurs ont chang de signe d'un vnement l'autre, et un dterminisme rigoureux explique que le rsultat son tour change de camp. Il contient la leon de tout le conflit : la victoire est alle celui des deux adversaires qui a eu la tnacit de s'assurer jusqu'au bout les qualits ncessaires et surtout l'irremplaable . Aux yeux de Polybe cette guerre tout entire est un terrain idal de comparaison entre Rome et Carthage : les deux Etats taient alors au sommet de leurs institutions, qui avaient conserv leur puret, ils devaient peu aux jeux de la fortune et leurs forces taient gales (1, 59, 1-5 ; 65, 5-6). Le problme consistait donc trouver le surpoids qui a fait pencher la balance en faveur des Romains 422/. La mthode comparative explique encore la victoire de Rome dans son duel avec Carthage. Examinant la valeur de chaque nation dans le domaine militaire, il accorde l'avantage aux CarthaginoisMais sur terre les Romains sont les plus forts ; cela tient la supriorit des armes nationales sur les armes mercenaires. Le patriotisme exalte des qualits morales qui restent trangres aux mercenariat : Polybe met au dessus du mtier les vertus qu'il appelle, , . V.PARALLELE DES CONSTITUTIONS : Le livre VI se propose d'expliquer la victoire de Rome sur Carthage par la diffrence des rgimes politiques. Polybe a annonc de loin ce parallle : 1, 64, 2 (Hypothse de Laqueur, qui pensait que la _ des deux constitutions appartenait primitivement la et faisait suite au rcit de la premire guerre punique, 1, 64, 2. C'est une hypothse rejeter, mais un point que Polybe ne perd jamais de vue : 1, 63, 4- 64, 6 ; 88, 8-12 etc.) Mlange des lieux communs et d'une exprience directe (le rgime romain), p. 425. Chapitre X. La chronologie. p. 432. [Polybe met la catgorie du au nombre des conditions essentielles de l'explication historique, ct de la cause et de la modalit, a voulu souligner le rle de la chronologie dans l'intelligence des faits, 2.1.11. L'explication tiologique n'est possible que si elle s'appuie sur des relations temporelles, l'antrieur, le simultan, l'ultrieur. La chronologie de Polybe prsente un double caractre : d'une part elle

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s'attache la valeur explicative qui rsulte des rapports de temps, d'autre part elle s'efforce de les classer d'aprs un systme abstrait de datation Les historiens et les savants ( Time, ratosthne) tablissent une chronologie universelle, base sur l'anne gyptienne, mais utilisant annes archontales et olympiades. 436/ Polybe conscient des diffrents problmes doit 1. trouver un point de dpart valeur historique et chronologique en mme temps 2. relier la chronologie grecque la chronologie romaine. 3. disposer des vnements se droulant sur des thtres diffrents dans un ordre qui permette d'en saisir succession et la simultanit. I. LES POINTS DE DEPART. L'histoire de Polybe commence avec la guerre d'Hannibal et les guerres contemporaines : en Grce, la guerre des Allis, et en Asie la guerre de Coel-Syrie, cf.2.37.2-3. En ralit, l'ouvrage commece par une une introduction en deux livres dont l'objet est de faire connatre, d'une part, l'histoire antrieure de Rome et Carthage, d'autre part, paralllement, l'histoire de la Grce pendant la mme priode. Elle se divise don en deux parties : 1. Une histoire romaine jusqu' l'arrive d'Hannibal au commandement de l'arme d'Espagne ( 1.5-2.36) ; 2. Une histoire grecque jusqu' la mort d'Antigone Doson ( 2.3771). Chacune de ces deux parties a un point de dpart distinct. Mais elles sont construites symtriquement et comprennent : 1. Une prface mthodologique. 2. Un aperu rtrospectif qui remonte au-del du point de dpart. 3. L'histoire sommaire de chaque pays partir du point de dpart. La romaine commence par la premire expdition des Romains hors de l'Italie ( premire guerre punique) ; Polybe rattache son dbut au point final de son devancier, Time.[nb : dsigne un espace de temps ; indique un moment prcis : 2.2.1 ; 2.37.9-10 ; 2.39.5 ; 2.62.3-4).Mais il prend pour point de dpart absolu la prise de Rome par les Gaulois, point de repre couramment utilis par les annalistes de son temps, et la situe 19 ans aprs Aigos Potamos et 16 ans avant Leuctres. Elle a lieu l'anne de la paix d'Antalcidas ( hiver 387). Par ailleurs, le passage de Pyrrhus en Italie lui fourni un autre repre, qu'il met en rapport avec la dfaite des Gaulois Delphes, 2. 20.6 ; 2.41.11. 445. . Le vrai point de dpart de la , aprs que Pyrrhus ait t chass d'Italie, est le sige de Rhgion par les Romains : c'est la premire , entreprise suffisamment marquable pour qu'elle soit une , un "arrt", ( " attention" au figur, 2.2.2) une ligne de partage entre deux sries historiques ( 2.40.3 ; 2. 40.5 ; 2.71.7). Dans la seconde partie de la ( 2.37-71), Polybe pose les de l'histoire grecque avant l'histoire propre, qui ne commence qu'avec la guerre des Allis : on retrouve dans l'ordre 1.La digression mthodologique (2.37) : rappel, 2.37.1-3, des points de dpart de son Histoire et de son projet. Puis grecque, en expliquant pourquoi il laisse de ct l'histoire correspondante de l'Asie et de l'gypte ( 2.37.4-6) ; et en soulignant les raisons qui le dterminent se borner l'histoire de la Macdoine et de l'Achae ( 2.37.7-11). 2. La rtrospective historique ( 2.38-40.4) 3. L'vnement important qui est la fois et ( 2.40.5-42.7)

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II.LE COMPUT DES OLYMPIADES, p.449. La bataille des iles Egates est de mai 241= ol.134, 3, (1, 59, 8) Toutes les donnes sont concordantes. Le terme annuel, comme le terme quadriennal, tombe chez Polybe rgulirement l'poque de la canicule.p.459. Le comput des olympiades constitue l'lment abstrait de la chronologie de Polybe ; l'anne naturelle avec ses priodes saisonnires en est la trame concrte. Pour tablir tous ces synchronismes, Polybe a procd d'une manire gomtrique. Il a divis l'anne en deux semestres gaux III.LA CHRONOLOGIE DES LIVRES I ET II, p.474 - 2 la chronologie de la premire guerre punique (I, 11-64) : elle a dur 24 ans sans interruption (1, 63, 4) ; la guerre des Mercenaires a dur 3 ans et 4 mois (1, 88, 7). Elle a commenc par l'expdition d'Appius Claudius Messine dans l'olympiade 129 (1, 5, 9), au printemps 263La guerre se termine par la bataille des les Egates, l't 41. [ Les problmes de chronologie et de dcalage dans les dates et les dures indiques, 1, 41, 3 ; 1, 59, 1, s'expliquent par le systme de comput des olympiades utilis par Polybe, et son manque de synchronisme avec l'anne civile romaine, dtermine par les entres en charge des consuls. p. 484 446. Dans la seconde partie de la , 2.37-71, Polybe pose les de l'histoire grecque, avant l'Histoire porpre, qui ne commence qu'avec la guerre des Allis. La disposition rappelle la premire partie et la mthode chronologique prsente des correspondances calcules. On retrouve dans l'ordre : 1. La digression mthodologique (2.37) ; 2. la rtrospective historique (2.38-40.4) ; 3. l'vnement important qui est la fois et (2.40.5-42-7). 1.Il rappelle 2.37.1-3 les points de dpart de son Histoire propre et de son projet d'histoire universelle ; ce dveloppement correspond 1.3.4. Puis il annonce sa grecque en expliquant pourquoi il laisse de ct l'histoire correspondante de l'Asie et de l'Egypte (37.4-6) et en soulignant les raisons qui le dterminent se borner l'histoire de la Macdoine et de l'Achae ( 37.7.11). 2. La rtrospective est d'une dure indtermine. A dessein, car son but n'est pas de montrer l'accroissement des Achens mais les progrs de leur influence dans le Ploponnse ( 2.38) : aussi ne prend-il pas une , mais seulement quelques dont la date est plus ou moins prcise : a/ arbitrage des Achens dans les affaire de la Grande Grce, b/ Institutions achennes de Crotone, Sybaris et Kaulnia, c/mdiation entre Sparte et Thbes. Ils servent plutt dmontrer une thse qu' constituer un rcit. La vritable rtrospective se trouve un peu plus loin ; elle fait suite l'indication du point de dpart au-del duquel elle remonte, par une disposition qui reproduit celle de 1. 5.12. Polybe y distingue 1. Un priode royale, de Tisamne Ogygos, 2. une priode dmocratique jusqu' l'poque de Philippe et Alexandre 3. une priode de dissolution et de tyrannie jusqu' la reconstitution 2.41.3-10. 3. Le point de dpart, qui correspond la d'Appius Claudius, est la restauration de la Confdration achenne dissoute par les rois de Macdoine. Comme son pendant romain, c'est une ( 2.40.3 ; 40.5). D'impressionnantes prcisions chronologiques l'entourent : la mention rpe de l'ol.124 ( 2.41.1 ; 2. 41.11) ; un synchronisme 4 termes ( la mort de Ptolme Lagou, celles de Lysimaque, de Sleucos et de Ptolme Kraunos 2.41.2.) ; un second synchronisme, la de Pyrrhus en Italie 2.41.11.

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Pour la technique du genre historique, il est intressant de notre que Polybe prfre l' rigide au-del de laquelle on ne peut remonter, un commencement plus souple, l' , qui permet le retour en arrire exigs par l'tiologie. Les deux premiers livres dans leur ensemble ne sont qu'une vaste de l'Histoire propre, comme il le dclare la fin du livre II (2.71.7) : cf. Pentcontatie de Thucydide. D'autre part, la chronologie qui sert fixer les s'est prcise et enrichie : la datation par ponyme a disparu, il y a prfr le comput des olympiades et l'emploi des synchronismes. 449/ LE COMPUT DES OLYMPIADES. La chronologie olympique introduite dans l'historiographie par Time, rvise par ratosthne sur des bases astronomique forme l'armature des Histoires de Polybe. L'olympiade commence la date prcise o les Jeux sont clbrs, c'est dire tous les 4 ans la seconde pleine lune suivant le solstice d't (entre le 25 juillet et le 23 aot. Le temps est ensuite divis en 4 parties homologues. L'ouvrage est divis de telle sorte que le dbut d'une olympiade concide avec le commencement d'un livre. 461/ L't () commence au lever hliaque des Pliades. L'expression s'applique au mois de mai et jui jusqu'au solstice d't qui tombait alors le 25 juin (2.65.1). Au commencement de l't fait suit le sommet de l't, not par des expressions comme , parfois prcise par des indications astronomiques, ( 2.16.9), qui correspondent au mois de juillet (n.174 : le lever du Chien est celui de l'toile du Grand Chien ( Sirius), le 28 juillet. Elle est suivie de l', dont nous avons parl plus haut et qui s'tend sur le mois d'aot. 462/ L'Hiver ne commence pas l'quinoxe d'automne, mais au coucher matinal des Pliades, vers le 7 novembre. Des expressions comme (2.54.13), s'appliquent la priode suivante jusqu'au solstice. L'expression s'applique la priode qui prcde le coucher des Pliades, le premier tier de novembre. La synodos achenne qui se tient Aigion en 222, un peu avant qu'Antigone ne prenne ses quartiers d'hiver ( 2.54.13) doit tre rapporte cette date. 467/ L'EMPLOI DES SYNCHRONISMES. 1/ Les histoires simultanes des diffrents pays tudis sont prsents selon une concordance annuelle. 2/ Par exception, dans l'olympiade 140, o les diverses histoires nationales sont rapportes d'unseul trait pour toute la priode quadriennale, les synchronismes sont rpartis sur l'ensemble de l'olympiade.3/ L'histoire grecque est un lment essentiel des synchronismes. 474/ LA CHRONOLOGIE DES LIVRES I ET II. Les dates d'olympiades sont rares dans les deux premiers livres. Le systme le plus courant consiste indiquer le nombre des annes qui spare les vnements. Nanmoins, le systme des olympiades est prsent ( date d'olympiade au dbut et la fin de la , 2.71.6). Dans l'intervalle qui s'tend de la prise de Rome jusqu' l'olympiade 140, par o commence la , il a donn trois sries chronologiques distinctes correspondant chacun des points de dpart et convergeant vers le mme terme :

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- 1. Une srie de dates allant de la d'Appius Claudius la veille de la guerre d'Hannibal ( 1.5-2.36). - 2. Une srie secondaire s'tendant de la prise de Rome jusqu' la soumission des Insubres ( 222/1) et jalonne par les invasions gauloises en Italie ( 2.18-35) -3. Une troisime srie couvrant l'histoire grecque depuis la constitution de la Confdration achenne jusqu' la mort d'Antigone Doson, de l'olympiade 124 l'olympiade 139 (2.37.71). 1.LA CHRONOLOGIE DES INVASIONS GAULOISES 2.18-35 s'tend de la prise de Rome au consulat de Cn. Cornelius et M. Claudius ( 222). Elle est construite sur le nombre des annes qui sparent les invasions successives.Il contient d'abord une srie d'intervalles exprims tantt en nombres cardinaux, tantt en nombres ordinaux (qui n'ont pas la mme valeur, les cardinaux impliquant une priode acheve, les ordinaux exprimant que la dernire unit du nombre n'est pas entirement coule : si l'auteure indique la 30e anne aprs un vnement, 2.18.6), il faut ajouter 30 annes au nombre prcdent ; s'il indique un intervalle de 13 ans ( 2.18.9), l'vnement suivant occupe et reprsente la 14e anne, et il faut ajouter 14 aux nombres antrieurs) ; ensuite un synchronisme grco-romain ( 2.30.6). Seuls les intervalles et le synchronisme forment un systme chronologique. 478/ Pour les invasions gauloises, on aboutit un total de 166 annes. 1.Prise de Rome.387/386. 2. La 30e anne, les Celtes s'avancent jusqu' Albe, 2.18.6.357/6. 3. La 12e anne aprs, nouvelle invasion, 2.18.7.348/7. 4. Tranquillit de 13 ans, puis trait avec Rome, 2.18.9. 5. Paix de 30 ans, invasion de l'trurie, 2.19.1.300/299. 6. La 4e anne aprs, coalition gallo-Samnite, bataille de Sentinum (printemps 95), 2.19.5. 7. Au bout de 10 ans, nouvelle invasion, sige d'Arrtium (t 285), coalition trusco- boienne, bataille du lac Vadimon, 2.19.8. 8. L'anne suivante, nouvelle attaque des coaliss, trait avec Rome, 2.20.4.284/3. synchronisme : le trait est conclu la 3e anne avant le passage de Pyrrhus en Italie (281), et la 5e anne avant la droute des Gaulois Delphes (279/8). 9. Tranquillit de 45 ans, guerre entre Gaulois transalpins et Boiens, 2.21.1.238/7. 10. La 5e anne aprs, colonisation du Picenum, 2.21.7. 233/2. 11. La 8e anne aprs, invasion des Gsates, bataille de Tlamon, 2.23.1-6.225/4. 12. Campagne de Q.Fulvius et T.Manlius coss.224 en Cisalpine. 13. Campagnes de P.Furius et C.Flaminius coss.223 contre Anares. 14. L'anne suivante, campagne de Cn. Cornlius et M.Claudius coss.222 contre les Insubres, 2.34.1 3. CHRONOLOGIE DE L'HISTOIRE ACHEENNE 488/ Histoire de la Grce de la 124e la 139e olympiade, la formation de la confdration achenne en liaison avec l'histoire de la maison de Macdoine. Au comput des olympiades, il ajoute un canon royal. Le point de dpart est la fdration des cits achennes de Patras, Dym, Tritaia et Pharai, noyau de la nouvelle Confdration, dans l'olympiade 124. Il est exactement dtermin par un syncrhonisme qui a dj servi l'histoire des invasions gauloises, la de Pyrrhus en Italie, en 281/0.

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1. Les ville confdres l'poque de la de Pyrrhus conservent la mme forme de gouvernement pendant 25 ans, 2.43.1. Le changement de constitution se produit pendant la 26 e anne. 2. La 4e anne aprs, Aratos dlivre Sicyone de la tyrannie ( 2.43.2) = 251/0. 3. La 8e anne aprs, Aratos s'empare de l'Acrocorinthe et de Mgare, 2. 43.3= 243/2. Un nouveau synchronisme fixe le rapport avec l'anne romaine : l'affaire de l'Acrocorinthe et de Mgare a lieu pendant l'anne qui prcde la dfaite des Carthaginois en Sicile, 2.43.6 : la bataille des iles Egates est de l'ol.134.3. Date de la bataille de Sellasie. D'aprs 2.70.4, elle fut livre un peu avant les Jeux Nmens, qui taient clbrs dans les annes impaires le 18 panamos du calendrier argien = premire moiti de juillet : il faut donc adopter juin 221. Paralllement, Polybe utilise les canons royaux : 492/ Un point de cette chronologie royale doit retenir l'attention : c'est le synchronisme entre la mort de Dmtrius, roi de Macdoine et la des Romains en Illyrie, 2.44.2. Ce synchronisme a une porte double : non seulement il relie l'histoire grecque aux vnements romains qui ont t dj raconts, 2.8-12, mais encore, comme l'expdition d'Illyrie est contemporaine de la mort d'Hamilcar (2.2.1), les affaires de Grce, de Rome et d'Espagne deviennent du mme coup synoptique. 493/ L'examen de la chronologie des deux premiers livres conduit une conclusion unique : depuis les jusqu' l'olympiade 139, toutes les donnes chronologiques reposent sur les olympiades, qu'il s'agisse de la premire guerre punique, des invasions gauloises ou de l'histoire grecque ; mme lorsqu'elles ne sont pas exprimes en chiffres d'olympiades, on devine aisment qu'elles ont t calcules et contrles d'aprs ce comput. Chapitre XI. L'histoire universelle, p. 496 La synthse des lements qui entrent dans la compostion des Histoires se fait par l'excution d'une histoire universelle. 496. Elle n'est pas un simple largissement des l'histoire partielle (monographies) ; elle est d'une nature diffrente. Ce n'est pas un sujet de rcit, c'est une mthode d'explication, p. 497. I.L'UNITE DES HISTOIRES, p.497.- Unit du sujet primitif, raconter comment les Romains ont conquis le monde presque tout entier en moins de 52 ans. Mais Polybe a trouv d'autres principes dans une vue philosophique, le vouloir de la fortune, et dans un lment politique, la constitution romaine, qui les rend redoutables dans les revers, intraitables dans les dfaites (1, 55, 3 ; 64, 1) p. 498 II.CONTINUITE DE L'HISTOIRE, p.503.- Pour assurer la continuit des Histoires, Polybe a d'abord recours des artifices de composition : structure annalistique, assez souple, p. 503. - Convergence des vnements dans les cinq premiers livres jusqu' la p. 505. Continuit organique des guerre successives, p. 507.- l' romaine, 508/, que Polybe ne conoit pas sous la forme dynamique d'une nergie rgulire manifeste par une volont d'expansion, mais qui s'apparent plutt au raisonnement par la logique interne qui la caractrise : seulement ce n'est pas un individu qui raisonne, c'est le gnie d'un peuple

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Polybe compare l'histoire universelle un organisme dont toutes les parties sont troitement solidaires et ne peuvent pas tre tudies sparment : le mot traduit cette cohsion vivante. 512/ Polybe veut que les dtails clairent l'ensemble. Souvent il largit la signification d'un vnement ; un bref commentaire rappelle qu'il n'est pas isol et le situe dans la perspective de l'histoire gnrale. Le trait d'Hasdrubal, qui n'est chez TiteLive qu'un renouvellement du trait de Lutatius, apparait comme un rpit que les Romains se donnent dans la conqute de l'Espagne en attendant d'craser les Gaulois 2.13, 22.9-11. L'histoire des invasions gauloises en Italie doit faire comprendre le rle des Gaulois dans la guerre d'Hannibal ; le dnombrement des forces que Rome a leves contre les Gsates doit expliquer la grandeur de son effort dans la deuxime guerre punique Pol.2.14.1-3 ; 24.1. Une simple expdition punitive en Illyrie montre le dveloppement et les moyens de la puissance romaine 2.2.2. Chaque vnement est un carrefour ; il appartient l'historien de dgager les vues dans toutes les directions. Les invasions gauloises, en retenant l'attention des Romains, contribuent l'tablissement de la dominatio