192
FACULTÉ DE MÉDECINE PITIÉ-SALPÊTRIÈRE POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3 Ont participé à la rédaction de ce polycopié : - Annick ANKRI - Jacques-Louis BINET - Frédéric CHARLOTTE - Sylvain CHOQUET - Frédéric DAVI - Nathalie DHÉDIN - Véronique LEBLOND - Isabelle MARTIN-TOUTAIN - Hélène MERLE-BÉRAL - Stéphanie NGUYEN-QUOC - Marc RENAUD - Laurent SUTTON - Laurent VALLAT - Jean-Paul VERNANT AMICALE DES ETUDIANTS EN MEDECINE DU C.H.U. PITIE-SALPETRIERE 2007-2008 Tirage exclusif pour la faculté de médecine Reprographie interdite TOME 1

POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf · ... ... Aplastic Anemia …

  • Upload
    buitram

  • View
    267

  • Download
    11

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

FACULTÉ DE MÉDECINE PITIÉ-SALPÊTRIÈRE

PPOOLLYYCCOOPPIIÉÉ DD’’HHÉÉMMAATTOOLLOOGGIIEE

DDCCEEMM33

Ont participé à la rédaction de ce polycopié : - Annick ANKRI

- Jacques-Louis BINET - Frédéric CHARLOTTE

- Sylvain CHOQUET - Frédéric DAVI

- Nathalie DHÉDIN - Véronique LEBLOND

- Isabelle MARTIN-TOUTAIN - Hélène MERLE-BÉRAL

- Stéphanie NGUYEN-QUOC - Marc RENAUD

- Laurent SUTTON - Laurent VALLAT

- Jean-Paul VERNANT

AMICALE DES ETUDIANTS EN MEDECINE DU C.H.U. PITIE-SALPETRIERE

2007-2008 Tirage exclusif pour la faculté de médecine

Reprographie interdite

TOME 1

Page 2: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

2/192

SSOOMMMMAAIIRREE GGÉÉNNÉÉRRAALL

ADRESSES INTERNET ........................................................................................................................ pp. 3 - 9

COURS D’HEMATOLOGIE :

1-2 LA LIGNEE ERYTHROCYTAIRE .................................................................................... pp. 10 - 54

3 CELLULES SOUCHES ET LIGNEES MYELOÏDES ............................................... pp. 55 – 106

4 LYMPHOPOÏESE ET SYNDROMES LYMPHOPROLIFERATIFS ..................... pp. 107 – 155

5 EXAMENS COMPLEMENTAIRES EN HEMATOLOGIE ..................................... pp. 156-184

[A SYNDROMES MYELOPROLIFERATIFS ....................................................... pp. 185-192]

Page 3: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

3/192

E-mail Véronique Leblond :

[email protected]

FFrraannccoopphhoonneess ppaarr TTyyppee Atlas de cytologie hématologique :

http://med.univ-angers.fr/discipline/lab_hema/index.shtml CHU d’Angers - Laboratoire d’hématologie Apprentissage de la cytologie hématologique normale (sang et moelle) - 100 images http://www.med.univ-tours.fr/fmc/Pages/hematovincipages/index.html

CHU & Université de Tours - Hématologie Sang et moelle : normaux et pathologiques - 250 images, 100 pages http://www.med.univ-tours.fr/fmc/Pages/smdpages/index.html

CHU & Université de Tours - Hématologie Les syndromes myélodysplasiques : sang et moelle - 228 images, 149 pages http://193.55.12.135/imagesHemato.htm

Paris XI - Faculté de Pharmacie Pathologie hématologique - 13 images http://www.aum.iawf.unibe.ch/vlz/BWL/HemoSurf/IndexF.htm

Atlas d’hématologie interactif sur les leucocytes normaux et pathologiques

Atlas de cytologie hématologique :

http://www.ujf-iab.ujf-grenoble.fr/sante/corpmed/Corpus/corpus/question/hemasomm.htm Grenoble - Faculté de Médecine Hématologie pathologique cellulaire - 18 cours http://cri-cirs-wnts.univ-lyon1.fr/Polycopies/Hematologie/CellulesSanguines/

Lyon - UCBL Hématologie de base (cellulaire) - 14 chapitres http://cri-cirs-wnts.univ-lyon1.fr/Polycopies/Hematologie/CellulesSanguinesDESDIS/

Lyon - UCBL Hématopoïèse et l’hématologie niveau DES - 20 chapitres http://cri-cirs-wnts.univ-lyon1.fr/Polycopies/Hematologie/Hemostase/

Lyon - UCBL Physiologie et exploration de l’hémostase - 15 chapitres

Page 4: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

4/192

http://hemato.unice.fr/sanderson/ Nice – site personnel Transfusion sanguine - 5 chapitres http://www.medecine.uhp-nancy.fr/

Nancy – site gratuit avec code d’accès (inscription nécessaire pour entrer dans l’Université virtuelle de Nancy) Cellules sanguines normales - 13 pages avec illustrations http://193.55.12.135/cours.htm

Paris XI - Faculté de Pharmacie Hématologie fondamentale et pathologie hématologique – 78 pages http://www.med.univ-rennes1.fr/etud/hemato-cancero/index4.htm

Rennes – notes de cours Pathologie hématologique – 27 cours http://www.med.univ-tours.fr/fmc/Pages/hematocours.html

CHU et Université de Tours – Hématologie Sang et hématopoïèse – 3 cours + 50 illustrations http://www.unimedia.fr/homepage/oncopediatrie/index.html

Angers – Unité d’Onco-Hématologie Pédiatrique Oncologie-hématologie pédiatrique – 10 cours

Evaluation : cytologie hématologique :

http://fac.med.univ-angers.fr/discipline/lab_hema/4a.html CHU d’Angers – Laboratoire d’Hématologie Apprentissage de la cytologie : test sur la reconnaissance des cellules médullaires normales – 18 images http://193.55.12.135/sangtab.asp

Paris XI – Faculté de Pharmacie Test sur la reconnaissance des cellules sanguines normales – 20 images environ http://193.55.12.135/moelle.asp

Paris XI – Faculté de Pharmacie Test sur la reconnaissance des cellules médullaires normales – 20 images environ http://www.med.univ-rennes1.fr/resped/hemato/cc/

Rennes Présentation de 12 cas cliniques illustrés – en français et en anglais http://www.med.univ-tours.fr/fmc/Pages/smdpages/cas-cliniques.html

CHU et Université de Tours – Hématologie Syndromes myélodysplasiques – 4 cas bio-cliniques

Page 5: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

5/192

http://www.med.univ-tours.fr/fmc/Media/cytohemato.htm CHU et Université de Tours – Hématologie Sang, moelle, cellules normales ou pathologiques – test sur 40 images http://www.aum.iawf.unibe.ch/vlz/BWL/HemoSurf/IndexF.htm

Atlas d’hématologie interactif sur les leucocytes normaux et pathologiques – possibilité d’effectuer des numérations formules sanguines complètes avec revue éventuelle des erreurs

Evaluation : cytologie hématologique :

http://www.ujf-iab.ujf-grenoble.fr/sante/corpmed/QCMFRAME.htm Grenoble - Faculté de Médecine 43 QCM http://medidacte.timone.univ-mrs.fr/learnet/

Marseille - Faculté de Médecine 137 QCM http://www.med.univ-tours.fr/fmc/Pages/qcmhemato.html

CHU et Université de Tours – Hématologie 43 QCM, QROC et cas cliniques http://www.uvp5.univ-paris5.fr/HEMATO_GFHC/CasDiag/Casdiag.asp

Groupe Français d’Hématologie Cellulaire 1 cas clinique illustré

FFrraannccoopphhoonneess ppaarr SSiitteess http://med.univ-angers.fr/discipline/lab_hema/index.shtml

CHU d’Angers - Laboratoire d’hématologie Cytologie http://www.ujf-iab.ujf-grenoble.fr/sante/corpmed/Corpus/corpus/

Grenoble - Faculté de Médecine Cours, QCM http://cri-cirs-wnts.univ-lyon1.fr/Polycopies/Hematologie/CellulesSanguines/

http://cri-cirs-wnts.univ-lyon1.fr/Polycopies/Hematologie/CellulesSanguinesDESDIS/ http://cri-cirs-wnts.univ-lyon1.fr/Polycopies/Hematologie/Hemostase/ Lyon - UCBL Cours http://medidacte.timone.univ-mrs.fr/learnet/

Marseille - Faculté de Médecine QCM

Page 6: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

6/192

http://www.medecine.uhp-nancy.fr/ Nancy - notes de cours http://hemato.unice.fr/sanderson/IGIV.htm

Nice Quelques aspects de transfusion sanguine http://193.55.12.135/cours.htm

Paris XI – Faculté de Pharmacie http://www.med.univ-rennes1.fr/resped/hemato/cc/

Rennes Présentation de cas cliniques illustrés – en français et en anglais http://www.med.univ-rennes1.fr/etud/hemato-cancero/index4.htm

Rennes – notes de cours http://www.med.univ-tours.fr/fmc/Pages/hemato.html

CHU & Université de Tours - Hématologie Cours, tests d’évaluation, cas cliniques, 2 atlas http://xenia.sote.hu/hu/biosci/docs/pathophys/hematology/hemosurf_mirror/Index.htm

« Hemosurf » - Université de Berne ; accessible en français – auteur : U. Woermann Nombreuses photographies de cellules normales et pathologiques du sang – possibilité d’effectuer des formules sur 100 cellules, de comparer les résultats obtenus avec les résultats attendus, et de visualiser ensuite les cellules où la reconnaissance n’a pas été bonne http://www.uvp5.univ-paris5.fr/HEMATO_GFHC/

Groupe Français d’Hématologie Cellulaire http://agmed.sante.gouv.fr/fr/pdf/5/5001.pdf

Agence Française de Sécurité SAnitaires des Produits de Santé HBPM http://www.unimedia.fr/homepage/oncopediatrie/index.html

Angers – Unité d’Onco-Hématologie Pédiatrique http://www.intermedic.org/default.htm

Site FMC Dunkerque – médecins libéraux http://www.im3.inserm.fr/hemoglobine/

Recherche sur l’hémoglobine http://www.lyon151.inserm.fr/unites/331_tout.html

Recherche Hémostase et thrombose http://www.geht.org/

GEHT

Page 7: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

7/192

SSiitteess nnoonn FFrraannccoopphhoonneess http://www.eur.nl/fgg/ow/pr2/v6/diaseries/hemop-99/index.htm

Université Erasmus de Rotterdam Atlas d’histologie par Pieter Leenen – partie hématopoïèse et lymphopoïèse – 42 diapositives de cellules normales (moelle, sang, thymus) http://www.med1.de/Home/

En allemand Photographies de sang et de moelle, normaux ou pathologiques http://www.umds.ac.uk/tissue/bludgrp.html

An introduction to blood groups http://www.bloodline.net/

The hematology ressource. Articles électroniques http://www.mic.ki.se/Diseases/c15.html

Liste des principaux sites anglo-saxons consacrés à l’hématologie http://www.wadsworth.org/chemheme/heme/microscope/celllist.htm

Wadsworth Center of New York State Department of health Collection de diapositives de cellules sanguines normales et pathologiques http://www.tmc.tulane.edu/classware/pathology/krause/Krause.html

Tulane University School of Medicine http://edcenter.med.cornell.edu/CUMC_PathNotes/Hematopathology/Hematopathology.html

College of Cornell University Cours d’hématologie – texte avec photographies http://www.neosoft.com/~uthman/blood_cells.html

Cours de Ed Uthman (American board of pathology) Cours d’hématologie avec quelques photographies d’illustration http://hms.medweb.harvard.edu/qry/core/setframe.cmf?crs=HSHeme

Collection d’images normales et pathologiques http://healthlinks.washington.edu/courses/blood/intro.html

Collection d’images normales et pathologiques http://www.tau.ac.il:81/~inter05/

Atlas - cytologie hématologique normale (hématopoïèse)

Page 8: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

8/192

http://www.mc.vanderbilt.edu/histo/blood/index.html Cours avec quelques illustrations photographiques sur les cellules du sang http://www.wadsworth.org/chemheme/heme/cytoheme/cytoindex.htm

Wadsworth Center of New York State Department of health Photographies de cellules hématopoïétiques utilisées comme contrôle de qualité de lecture – résultats globaux des laboratoires concernés http://www.sm.ic.ac.uk/haematology/teaching/index.htm

Imperial College of Science, Technology and Medicine of London « Dr Bain’s image files » - pour apprendre ou se tester http://courses.nus.edu.sg/Course/patleesh/morph1/slides.htm

National Universisty of Singapore Test de cytologie hématologique ++ - présenté sous forme de cas bio-cliniques http://courses.nus.edu.sg/Course/patleesh/morph/slides.htm

National Universisty of Singapore Atlas d’hématologie http://medocs.ucdavis.edu/IMD/420A/course.htm

UC Davis School of Medicine Atlas d’hématologie normale et pathologique (classement par pathologies) et présentation de cas bio-cliniques http://pathy.med.nagoya-u.ac.jp/pathy/Pictures/atlas.html

Site japonais en anglais – Atlas d’hématologie - nombreuses images normales et pathologiques, classées mais sans commentaires http://www.hslib.washington.edu/courses/blood

Atlas d’hématologie http://www.infobiogen.fr/services/chromcancer/

Atlas of genetics and cytogenetics in oncology and haematology http://www.aplastic.org/myelodysplastic.html

Aplastic Anemia Foundation of America Myelodysplastic syndrome answer book http://cancernet.nci.nih.gov/clinpdq/soa/Myelodysplastic_syndrome_Physician.html

National Cancer Institute Présentation – myelodysplastic syndrome http://www.leukemia.org/docs/pub_media/mds/fc_mds.html

Leukemia Society of America Présentation – myelodysplastic syndrome

Page 9: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

9/192

DDiivveerrss http://www.cma.ca/fra-index.htm

Association Médicale Canadienne Guide de pratique clinique – un document d’hématologie sur la transfusion sanguine d’hématies http://agmed.sante.gouv.fr/fr/htm/5/5200.htm

Références médicales opposables de décembre 1998 : une sur les carences martiales http://www.fgm.fr/

France Greffe de Moelle Registre des donneurs volontaires de moelle http://www.bloodservices.ca/version3_open.html

Société Canadienne du Sang http://www.dondusang.net/index.php

Etablissement Français du Sang http://www.infobiogen.fr/services/chromcancer/Associations/GFCH_fr.html

Groupe français de cytogénétique hématologique http://home.tvd.be/ws36401/francais.htm

Société belge sur l’hémophilie et la maladie de Willebrand http://193.48.40.168/

Hôpital Saint Louis – Paris Institut Universitaire d’Hématologie

Page 10: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 10/192

11-- LLaa lliiggnnééee éérryytthhrrooccyyttaaiirree :: pphhyyssiioollooggiiee

1.1. La lignée érythroblastique ................................................................................................. p. 12

1.1.1. L’érythropoïèse ................................................................................................................. p. 12

1.1.2. Le globule rouge .............................................................................................................. p. 12

1.1.3. Méthodes d’étude de l’érythropoïèse ........................................................... p. 14

22-- LLaa lliiggnnééee éérryytthhrrooccyyttaaiirree :: ppaatthhoollooggiiee

2.1. Anémies microcytaires .......................................................................................................... p. 17

2.1.1. Anémies par carence martiale ............................................................................ p. 17

2.1.2. Anémies inflammatoires ............................................................................................ p. 18

2.1.3. Thalassémie ......................................................................................................................... p. 18

2.2. Anémies hémolytiques ............................................................................................................ p. 20

2.2.1. Anémies hémolytiques acquises (extra corpusculaires) ................. p. 20

2.2.2. Anémies hémolytiques congénitales (corpusculaires) ........................ p. 24

2.3. Anémies macrocytaires .......................................................................................................... p. 28

2.3.1. Carences en vitamine B12 ....................................................................................... p. 29

2.3.2. Carences en folates ..................................................................................................... p. 31

2.3.3. Syndromes myélodysplasiques .............................................................................. p. 32

2.4. Autres anémies ............................................................................................................................ p. 38

2.4.1. Erythroblastopénies ..................................................................................................... p. 38

2.4.2. Anémies de l’insuffisance rénale chronique ............................................. p. 39

2.4.3. Anémies de la grossesse .......................................................................................... p. 40

2.4.4. Anémies des endocrinopathies ............................................................................ p. 40

Page 11: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 11/192

OOBBJJEECCTTIIFFSS Anémies hémolytiques

Signes biologiques d’hémolyse Différences entre anémies intravasculaire et intratissulaire, corpusculaire et extra corpusculaire, congénitale et acquise

Affirmer la nature auto-immune de l’anémie Décrire le Coombs et les différents types d’auto-anticorps Etiologies des AHAI Diagnostic et complications des hémoglobinopathies Déficit en G6PD, clinique diagnostic et causes Déficit en pyruvate kinase, clinique diagnostic et causes Sphérocytose héréditaire, mode de transmission, diagnostic et traitement Etiologies des autres causes d’anémies hémolytiques (extra corpusculaires non immunologiques)

Complications de la splénectomie Anémies macrocytaires

Définition d’une macrocytose Mode d’étude des macrocytoses Tableau hématologique, digestif et neurologique d’une anémie de Biermer Ecrire l’ordonnance initiale d’une maladie de Biermer Métabolisme de la vitamine B12 Métabolisme de l’acide folique Cause des carences en acide folique Mode de diagnostic des myélodysplasies

Anémie par carence martiale

Définir une anémie hypochrome hyposidérémique Signes cliniques d’une carence en fer Signes biologiques d’une carence en fer Interpréter un taux de fer sérique, un coefficient de saturation de la transferrine, une capacité de fixation de la sidérophiline, un taux de ferritine, un taux de transferrine

Etablir la liste hiérarchique des causes des anémies par carence martiale à rechercher et des examens à pratiquer

Rédiger une ordonnance pour le traitement d’une carence en fer Divers

Physiopathologie de l’anémie dans l’insuffisance rénale Physiopathologie de l’anémie dans la grossesse

Page 12: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 12/192

11.. PPhhyyssiioollooggiiee 1.1. La lignée érythroblastique

1.1.1. L’érythropoïèse

Les érythroblastes sont produits au niveau de la moelle osseuse. Une érythropoïèse hépatique et splénique existe pendant la vie fœtale. Les progéniteurs directs des érythroblastes sont les BFU-E (Burst Forming Unit Erythroid) et les CFU-E (Colony Forming Unit Erythroid) et sont issus des cellules souches pluripotentes. Les BFU-E sont des progéniteurs précoces. Leur sensibilité à l’érythropoïétine dépend de leur différenciation. Les CFU-E sont des précurseurs tardifs, proches des pro-érythroblastes et dépendant de l’érythropoïétine. BFU-E et CFU-E sont définis a posteriori, après culture in vitro. L’érythropoïétine est une glycoprotéine sécrétée surtout par le rein et dont le taux augmente en cas d’anémie. Elle se comporte comme un facteur de croissance, agissant au niveau des BFU-E différenciés et des CFU-E. L’injection in vivo corrige en général l’anémie de l’insuffisance rénale. La maturation des érythroblastes jusqu’au globule rouge dure 6 jours environ. Les cellules de la lignée érythroblastique au niveau médullaire sont : - Les pro-érythroblastes : grande taille, chromatine à grains serrés, cytoplasme très basophile. - Les érythroblastes basophiles : taille moyenne, noyau sans nucléole, chromatine mottée,

cytoplasme basophile. - Les érythroblastes polychromatophiles : noyau de taille réduite, cytoplasme bleu pâle. - Les érythroblastes acidophiles : noyau excentré et très dense. Expulsion du noyau de l’érythroblaste acidophile réticulocyte (coloration au bleu de Crésyl, précipite les polyribosomes) qui peut produire des petites quantités d’hémoglobine. La durée de vie des réticulocytes est de 48 à 72 h., puis transformation en globules rouges dont la durée de vie est de 110 jours.

1.1.2. Le globule rouge

1.1.2.1. Constitution du globule rouge Des anomalies de chacun des constituants peuvent être à l’origine de maladies.

1.1.2.1.1. L’hémoglobine Représente 33% du poids du GR. Trois fonctions principales : transfère de l’oxygène des poumons aux tissus, du CO2 des tissus aux poumons, et tamponne les ions H+ libérés par les tissus. Est constituée de 4 chaînes de globine, et de l’hème avec un atome de fer ferreux enchâssé en son centre.

1.1.2.1.2. Les enzymes Voie d’Embden Meyerhof (pyruvate kinase). Shunt de Rappaport : formation de 2,3 DPG qui règle l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène. Voie des pentoses phosphates (Glucose -6- phosphate déshydrogénase : G6PD).

Page 13: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 13/192

Déficit de la voie accessoire de la glycolyse (G6PD)

Glucose

Glucose 6 phosphate NADP Glucose 6 phosphate déshydrogénase 10% 90% NADPH

Atteinte de la voie principale

Glucose

Glucose 6 phosphate

10% 90%

Triophosphate

Pyruvate kinase

Pyruvate

Page 14: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 14/192

1.1.2.1.3. La membrane Elle est constituée de lipides (44 %) et de protéines transmembranaires (traversant la couche lipidique) et sous-membranaires (spectrine, actine,..). En fonction de l’anomalie et de la protéine membranaire touchée, on définit : - L’elliptocytose (spectrine, protéine 4.1). - La sphérocytose ou maladie de Minkowski Chauffard (Spectrine, ankyrine). La membrane détermine deux formes physiologiques : discocyte et echinocyte. La déformabilité joue un rôle essentiel dans la circulation du GR dans les capillaires : sa forme change selon le contenant.

1.1.2.2. Les mesures des GR : les constantes Leur nombre définit deux chapitres de la pathologie : l’anémie et la polyglobulie. Les trois mesures de référence sont : - La numération (par mm3) : appareil automatique avec calcul des indices, histogramme et

morphologie des GR - L’hématocrite (rapport de volume des globules rouges sur sang total : normale 45/100) - Le taux d’hémoglobine au photocolorimètre par mesure de densité optique de l’hémoglobine

(14 g/dl)

1.1.2.3. Le frottis sanguin Après coloration au May-Grunwald-Giemsa, la lecture du frottis permet de détecter des anomalies de forme ou d’aspect (ovalocytes, corps de Jolly...) permettant parfois d’orienter le diagnostic de l’anémie.

1.1.3. Méthodes d’étude de l’érythropoïèse

1.1.3.1. Les cultures cellulaires Les cultures des précurseurs hématopoïétiques sont effectuées à partir de cellules de la moelle osseuse mises en culture sur méthyl-cellulose et auxquelles on ajoute différents facteurs de croissance, en fonction de la lignée étudiée. L’érythropoïétine est nécessaire à la culture des progéniteurs de la lignée rouge (BFU-E et CFU-E).

1.1.3.2. Le myélogramme Permet d’avoir un aspect quantitatif de la lignée érythroblastique (représente 30% des éléments de la moelle normale) et un aspect qualitatif (anomalies morphologiques). La coloration de Perls montre de fines granules de ferritine colorées par le bleu de Prusse dans environ un tiers des érythroblastes (sidéroblastes).

1.1.3.3. La biopsie médullaire Permet d’apprécier la richesse réelle de la moelle, de quantifier la lignée rouge par rapport aux autres lignées, et de détecter des anomalies de l’environnement médullaire (myélofibrose).

1.1.3.4. Le fer chrome Explore la production médullaire de la lignée érythroblastique. Le fer 59 radioactif, injecté par voie IV va être capté au niveau de la moelle (temps de décroissance plasmatique), va s’intégrer à l’hémoglobine au niveau des érythroblastes (temps médullaire), puis va recirculer au niveau des hématies dans le sang périphérique (index d’incorporation). A partir du 10ème jour, 90% de la radioactivité est normalement retrouvée dans les hématies circulantes.

Page 15: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 15/192

Au cours des pathologies : Erythroblastopénie, aplasie médullaire : du temps plasmatique, de la fixation médullaire

et de l’index d’incorporation. Dysérythropoïèse : temps plasmatique normal ou raccourci, fixation médullaire, de l’index

d’incorporation. Anémie hémolytique : du temps plasmatique, de la fixation médullaire, de l’index

d’incorporation.

1.1.3.5. Les réticulocytes Ils reflètent la production médullaire. Ils sont plus gros que le GR et, lorsqu’ils sont augmentés, peuvent être responsables d’une macrocytose. Ils doivent toujours être calculés en chiffre absolu.

Ces méthodes d’études permettent de mieux classer les anémies : A- anémies régénératives (hémolyses) B- anémies arégénératives : 1- inflammatoire, 2- carence en fer, 3- avortement intra-médullaire (dysérythropoïèse) 4- défaut quantitatif de production (érythroblastopénie)

1.1.3.6 L’hémogramme normal L'hémogramme est un examen appréciant le nombre et l’aspect des cellules du sang.

VVaalleeuurrss mmooyyeennnneess ddee ll’’hhéémmooggrraammmmee sseelloonn ll’’ââggee eett llee sseexxee ::

nouveaux- nés

1 mois 1-12 ans Hommes Femmes Grossesse

Hématies (1012/l) 5 - 5,4 4 4 – 5,5 4,5 – 5,9 4,1 – 5,1 3,5 – 4,5 Hématocrite (%) 55 - 68 38 – 48 38 - 52 42 - 55 38 - 48 32 - 42 Hémoglobine (g/dl) 17 - 21 12 – 16 11 – 17 13,5 - 18 12 - 16 10 – 13 VGM (µ3) 110 – 130 100 – 110 80 – 100 80 – 100 80 – 100 80 – 100 Leucocytes (109/l) 9 – 30 5 - 20 4 – 15 4,5 - 11 4,5 - 11 4,5 - 11 Neutrophiles (109/l) 6 – 25 1 – 10 1,5 – 8 1,8 - 7 1,8 - 7 1,8 - 7 Eosinophiles (109/l) 0,02 – 0,8 0,1 – 1 0 – 0,6 0 – 0,4 0 – 0,4 0 – 0,4 Basophiles (109/l) 0 – 0,6 0 – 0,2 0 – 0,2 0 – 0,01 0 – 0,01 0 – 0,01 Lymphocytes (109/l) 2 – 11 2 – 17 1,5 –10 1 - 4 1 - 4 1 - 4 Monocytes(109/l) 0,4 – 3,1 0,2 – 2,4 0 – 1 0 – 0,8 0 – 0,8 0 – 0,8 Plaquettes (109/l) 150 - 400 150 - 400 150 - 400 150 - 400 150 - 400 150 - 400

Les modalités du prélèvement et la technique d’examen sont déterminantes dans la qualité des résultats de l’hémogramme. Il doit être effectué par une ponction veineuse franche permettant le remplissage rapide du tube dans lequel le sang est mélangé à un anticoagulant (chélateur du calcium : EDTA). Pour assurer un bon mélange entre le sang et l’EDTA, la fin du prélèvement doit être suivie par une agitation du tube qui doit être retourné à plusieurs reprises.

Les cellules en suspension dans le plasma sont classées en 3 catégories : Globules rouges ou hématies ou érythrocytes ..................... cf. annexe 1 (p. 42) Globules blancs ou leucocytes Plaquettes ou thrombocytes

Page 16: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 16/192

OORRIIEENNTTAATTIIOONN DDIIAAGGNNOOSSTTIIQQUUEE DDEESS AANNÉÉMMIIEESS (Hb < 12 g/dl)

types d’anémie anémie microcytaire VGM ≤ 80 µm3

anémie normocytaire 80 µ3 < VGM < 100 µm3

anémie macrocytaire VGM ≥ 100 µm3

Examen(s) à demander en premier lieu

fer sérique + transferrine (ou saturation de la transferrine) ferritine

taux des réticulocytes haptoglobine

folates sériques et globulaires vitaminémie B12 taux des réticulocytes myélogramme électrophorèse des protides TSHus

Causes Fer sérique + transferrine Ferritine

= carence en fer

Fer sérique + transferrine N ou Ferritine

= syndrome inflammatoire

Fer sérique N ou + transferrine N Ferritine N ou

= thalassémie

Réticulocytes = anémie arégénérative hémorragie récente

hémolyse (haptoglobine ) Réticulocytes

= anémie arégénérative érythroblastopénie

envahissement médullaire (hémopathie maligne ou métastase)

Carences en : folates ou vitamine B12

Réticulocytes

= hémolyse chronique hémorragie aiguë

anémie en voie de guérison

myélodysplasie

Page 17: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 17/192

22.. PPaatthhoollooggiiee 2.1. Anémies microcytaires

2.1.1. Anémies par carence martiale La carence en fer se traduit par une anémie microcytaire, hypochrome hyposidérémique.

2.1.1.1. Diagnostic positif

2.1.1.1.1. Clinique Pour la plupart des patients, la carence en fer, d'installation progressive, est remarquablement bien tolérée. Toutefois, dans certains cas, il existe une asthénie croissante avec, dans les formes sévères, des manifestations témoignant du retentissement tissulaire de la carence en fer : perte des cheveux, koïlonychie (courbure de l'ongle qui s'inverse), glossite, dysphagie par rétraction de la muqueuse œsophagienne (syndrome de Plummer-Vinson).

2.1.1.1.2. Biologique Il existe une anémie microcytaire qui est une conséquence tardive de la carence (Hb < 12 g/mm3, VGM < 80 µm3), fréquemment associée à une augmentation modérée du nombre de plaquettes (500 à 600 000/mm3). Le fer sérique est abaissé (normalement compris entre 13 et 25 µmol/l). La transferrine (N : 50 - 80 µmol/l) protéine plasmatique qui transporte la molécule de fer, est normalement saturée au tiers (entre 20 et 50 %). Au cours des carences en fer, le coefficient de saturation diminue et la capacité de saturation de la transferrine est augmentée ainsi que la transferrine elle-même car sa synthèse est régulée par les réserves en fer. Les réserves en fer sont représentées par le taux de ferritine qui est ici abaissé (N comprises entre 30 et 300 µg/l). Ces examens suffisent au diagnostic et la ponction sternale n'a aucune indication dans l'exploration d'une carence martiale.

2.1.1.2. Diagnostic étiologique Toute découverte d'une carence martiale doit être suivie d'une enquête étiologique précise.

2.1.1.2.1. Hémorragies gynécologiques Les méno-métrorragies sont les causes les plus fréquentes chez la femme : fibromes et polypes utérins, déséquilibre hormonal, cancer utérin. Plus rarement, c'est le mode de révélation d'une anomalie latente de l'hémostase primaire. Dans tous les cas, l’utilisation d'un dispositif de contraception intra-utérin est un facteur aggravant.

2.1.1.2.2. Hémorragies digestives Des pertes de sang répétées et en petite quantité n'entraînent pas de modification visible des selles et la preuve du saignement est souvent difficile à apporter. Une exploration digestive, parfois orientée par l'interrogatoire, sera effectuée : coloscopie après 50 ans, fibroscopie gastrique chez les sujets plus jeunes. En effet, une anémie ferriprive peut aboutir à la découverte de : - tumeurs malignes (adénocarcinomes coliques et gastriques, lésions de l'ampoule de Vater, lymphomes gastriques et du grêle, localisations digestives du sarcome de Kaposi)

Page 18: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 18/192

- lésions bénignes (œsophagite peptique, ulcères gastro-duodénaux, diverticule de Meckel, angiodysplasies coliques, polypes et angiomatoses notamment la maladie de Rendu-Osler). Ne pas méconnaître une hernie hiatale, des hémorroïdes ou un traitement anticoagulant et, chez l'enfant, l'intolérance aux protéines du lait de vache responsable d'un syndrome diarrhéique avec entéropathie exsudative.

2.1.1.2.3. Autres pertes en fer Les autres causes restent exceptionnelles : porteurs de valves cardiaques mal adaptées, syndrome de Lasthénie de Ferjol.

2.1.1.2.4. Malabsorption L'hyposidérémie peut être liée à une malabsorption au niveau du grêle proximal (maladie cœliaque). Le thé réduirait de 45 à 95 % l'absorption du fer alimentaire.

2.1.1.2.5. Défauts d'apport ou besoins accrus Il peut être le résultat de facteurs socio-économiques, mais aussi de troubles psychiatriques (anorexie mentale). En cas de grossesse ou au cours de la croissance, une augmentation des besoins en fer est pratiquement constante.

2.1.1.3. Traitement Il vise à restaurer le stock de fer normal et doit s'accompagner du traitement de la cause du déficit. Les préparations utilisables sont des sels de fer per os : 200 mg de fer ferreux/jour (posologies à adapter suivant les médicaments : Ascofer®, Fumafer®, Fero-grad®, Tardyféron®). Le traitement doit être prolongé plusieurs mois afin d'obtenir une réplétion martiale correcte. En utilisant une posologie de 2 mg/kg, il faudra 4 à 6 mois de traitement à condition que la cause soit parallèlement traitée. En moyenne et à titre d'exemple, une ordonnance type comportera : Fumafer : 6 comprimés par jour pendant 1 mois puis 4 comprimés par jour les 2 mois suivants. Les sels de fer sont mieux absorbés s'ils sont administrés à distance des repas mais ils peuvent, consommés à jeun, entraîner des troubles digestifs (pesanteur gastrique, constipation). Dans tous les cas ils sont responsables d'une couleur noire des selles. Dans certaines circonstances (intolérance digestive majeure), on peut avoir recours à des formes injectables mais cette solution comporte des inconvénients parfois gravissimes (choc anaphylactique) et doit être prescrite avec réserve.

2.1.2. Anémies inflammatoires La diminution du fer sérique est associée à une transferrine normale ou abaissée et à un coefficient de saturation augmenté. La ferritine a tendance à augmenter. Ces modifications s'accompagnent des autres perturbations biologiques liées à l'inflammation : accélération de la vitesse de sédimentation, augmentation du fibrinogène, de la protéine C réactive et de l'haptoglobine, et hypergammaglobulinémie à l'électrophorèse des protéines.

2.1.3. Thalassémie Evoquée en fonction de l’origine ethnique et du contexte familial, elle s'accompagne de taux de fer sérique, de transferrine et de ferritine normaux ou augmentés et elle sera confirmée par l'électrophorèse de l'hémoglobine (Cf. chapitre sur les anomalies congénitales de l'hémoglobine).

Page 19: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 19/192

LLEESS AANNÉÉMMIIEESS MMIICCRROOCCYYTTAAIIRREESS

Fer sérique Transferrine Ferritine Références 13 à 25 µmol/l 50 à 80 µmol/l 30 à 300 µg/l (= valeurs normales)

Carence en fer Fer Transferrine Ferritine

Inflammation Fer Transferrine N ou Ferritine

Thalassémie Fer N ou Transferrine N Ferritine N ou

Page 20: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 20/192

2.2. Anémies hémolytiques

2.2.1. Anémies hémolytiques acquises (extra-corpusculaires)

2.2.1.1. Anémies hémolytiques auto-immunes (AHAI) Elles sont caractérisées par la présence d’auto-anticorps dirigés contre un déterminant antigénique du globule rouge. Prévalence 1/80000

2.2.1.1.1. Diagnostic positif Hémolyse intra tissulaire subaiguë ou chronique :

Le syndrome anémique La tolérance fonctionnelle de l’anémie est liée à la rapidité de survenue plus qu’à son intensité Signes cliniques d’anémie : asthénie, dyspnée, vertiges, tachycardie, souffle systolique. Signes cliniques d’hémolyse : ictère cutanéo-muqueux ou subictère conjonctival, urines foncées, selles normales ou foncées.

Biologie Anémie (Hb< 13g/dl chez l’homme et 12g/dl chez la femme) :

normochrome, normocytaire ou macrocytaire (liée aux réticulocytes, voire une carence en folates si hémolyse chronique) régénérative : chiffre absolu de réticulocytes > 150.000/mm3

Haptoglobine effondrée ou diminuée : peut augmenter si syndrome inflammatoire associé Elévation de la bilirubine libre sérique Elévation des LDH (non spécifique)

Hémolyse intravasculaire aiguë (urgence diagnostique et thérapeutique) : Clinique

Apparition brutale d’un tableau grave mettant en jeu le pronostic vital : fièvre, céphalées, frissons, douleurs lombaires et abdominales. Choc avec collapsus cardio-vasculaire.

Biologie Anémie avec élévation de l’hémoglobinémie, effondrement de l’haptoglobine et hémoglobinurie. Chiffre de réticulocytes normal dans les 48 premières heures. Risque de néphropathie interstitielle aiguë et de CIVD.

Si AHAI avec agglutinines froides : Déclenchement par le froid évocateur de la présence d’auto-anticorps froids. Accès d’hémolyse, troubles vasomoteurs des extrémités : acrocyanose, syndrome de Raynaud, possibilité de nécrose digitale.

2.2.1.1.2. Affirmer la nature auto-immune de l’hémolyse Méthodes d’études :

Test de Coombs direct : détecte les anticorps fixés sur les globules rouges Il consiste à mettre les globules rouges du patient en présence d’anticorps antiglobulines polyvalents ou mono spécifiques (anti-IgG, anti-complément, anti-C3d etc..). La positivité se traduit par une agglutination. Il est effectué en routine à 37°C.

Page 21: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 21/192

Elution : S’effectue après le test de Coombs. Elle permet d’isoler l’auto-anticorps, en le dissociant des GR, et de déterminer sa spécificité antigénique (anti-I, i, anti-rhésus,...) en le testant contre un panel de GR ; révélation par une IgG animale anti igG humaine

Le test de Coombs indirect : détecte les anticorps circulant dans le sérum Réaction d’agglutination mettant en présence le sérum du patient et un panel de GR ; révélation par une IgG animale anti igG humaine Le test peut être négatif si tous les anticorps sont fixés sur les GR.

La recherche d’agglutinines irrégulières (RAI) Peut être positive. C’est une réaction d’agglutination de GR à 37°C.

La recherche d’agglutinines froides : Réaction d’agglutination à 4°C en mettant en présence le sérum du patient et des GR tests. Elle est positive quand l’agglutination se produit à un titre supérieur ou égal à 1/32ème.

La recherche d’une hémolysine (Ac hémolysant in vitro) : S’effectue par une réaction d’hémolyse en mettant en présence le sérum du patient, les GR tests et du complément. Les différents types d’auto-Ac anti-érythrocytaires :

Trois critères : 1. Le type d’auto-Ac : déterminé par le test de Coombs direct. 2. La spécificité : déterminée par l’élution. 3. L’optimum thermique :

Ac chauds : fixation maximale entre 20 et 37°C (80%). Ac froids : fixation maximale entre 0 et 5°C (20%).

Test de Coombs Type Température Spécificité Contexte

anti-IgG anti-C

Type I + - IgG chaud anti-D, c, e idiopathique

Type II + + mixte chaud anti-D, c, e idiopathique

Type III - + complément

(C) chaud anti-I étiologie identifiable

Type IV - + IgM froid anti-I,i,ii maladie des agglutinines

froides

Type V - + IgG

hémolysine biphasique

froid +

chaud anti-P

maladie de Donath-

Landsteiner

Les auto-anticorps chauds : Fixation à 37°C. 3 types : IgG, IgG+C (les plus fréquentes), C L’IgG est de spécificité anti-rhésus : soit d’allotype simple (E, e, ce, D,...), soit de structure antigénique de base (nl, pdl).

Les auto-anticorps froids : Amplitude thermique de fixation de 0 à 30 °C (maximale à 4°C). Ils se fixent sur le GR lors d’une baisse de la température dans la microcirculation. Lors du réchauffement, des auto-anticorps se dissocient du GR et seul le C reste fixé. A 37°C, le Coombs est positif de type C.

Page 22: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 22/192

La recherche d’agglutinines froides est positive. L’hémolyse peut être de 2 types :

Fixation sur les GR d’anticorps reconnaissant des antigènes du soi (essentiellement système rhésus, I, i ou P) En cas de fixation du complément, l’hémolyse peut être rapide, et intravasculaire

intra vasculaire : due à l’activation complète de la voie classique du complément qui entraîne les lésions de la membrane érythrocytaire et une lyse intra vasculaire.

En l’absence de fixation du complément, ou en cas d’activation retardée, l’hémolyse est intra tissulaire

intra tissulaire : phagocytose par les macrophages du système réticulo-endothélial des GR opsonisés par les auto-anticorps. Elle peut être à prédominance splénique ou hépatique

Le complément n’est pas fixé lorsqu’il s’agit d’une IgA et d’une IgG4 ou lorsque les antigènes sont trop espacés pour permettre l’action de 2 Ig (nécessaire à l’activation du complément)

2.2.1.1.3. Etiologies des AHAI AHAI idiopathiques (30 %) ou secondaires (70 %). Le diagnostic d’AHAI idiopathique est un diagnostic d’élimination. Cinq types d’étiologie sont à rechercher systématiquement : infections, hémopathie lymphoïde, médicaments, connectivite, cancer. AHAI à auto-anticorps chauds, types I et II :

Progressif, chronique, hémolyse intra tissulaire à prédominance splénique souvent idiopathique ou secondaire à :

- Connectivite : Lupus (Coombs + 40%, AHAI< 10%), Sjögren, polyarthrite rhumatoïde, ... ; - Affection auto-immune : myasthénie, cirrhose biliaire primitive, thyroïdite d’Hashimoto,

RCH, thymome ; - Hémopathies lymphoïdes : LLC, LNH, Waldenström, - Lymphadénopathie angio-immunoblastique : Coombs + dans 50% des cas - Cancers : poumon, estomac, ovaires... ; - Infection HIV ; - Médicaments : alpha-méthyl Dopa, Levodopa, ibuprofène, cimétidine, fludarabine

Sensibilité à la corticothérapie, possibilité de rechute AHAI à auto-Ac chauds, type III (complément)

Anémie hémolytique discrète, intra tissulaire, à prédominance hépatique, peu corticosensible. Rechercher un syndrome lymphoprolifératif. AHAI avec agglutinines froides (AF) formes idiopathiques : maladie chronique des AF : les auto-anticorps sont des IgM monoclonales

Kappa, le plus souvent anti-I. Sujet âgé. Non cortico-sensible. Eviction du froid. formes secondaires : infections : pneumopathie atypique à mycoplasme, infection à CMV, EBV,

grippe, oreillons, hépatite virale,…. Hémopathies lymphoïdes. » AHAI à auto anticorps « froids » de type hémoglobinurie paroxystique « a frigore » le plus souvent aiguë après infection (virale : VZV, EBV), Mycoplasme. Parfois déclenchée par le froid, hémoglobinurie. Pas d’accrocyanose ( # maladie agglutinines froides) Coombs + de type complément (Hémolyse maximale à 37°C si incubation a débuté à 0°c, IgG froide s’éluant à chaud type Donath-Landsteiner, non agglutinante, anti P, fixe le complément). Le traitement est le repos au chaud et si

Page 23: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 23/192

transfusion culots si possible P neg réchauffes.

2.2.1.1.4. Principes du traitement (AHAI) Correction de l’hémolyse et traitement de la cause si elle existe. Traitement symptomatique

Groupe ABO et rhésus (2 déterminations avec 2 prélèvements successifs). Problème de la transfusion avec auto-anticorps qui gênent la détermination des allo-anticorps associés (RAI) et inefficacité transfusionnelle (antigènes publics). Si hémolyse aiguë : remplissage, voie d’abord, traitement du choc. Prévention de la carence en folates. Les méthodes Corticothérapie : efficace principalement pour les AHAI à auto anticorps chauds de type I et

II Effet sur la synthèse des Ac, effet sur l’avidité des Ac, effet sur la clearance des cellules par le système macrophagique +++ Traitement de 1ère intention : de 1 à 2 mg/kg (3 semaines). Traitement d’attaque puis diminution lente sur plusieurs mois, (cortico-dépendance ++) si efficacité clinique et biologique. Réponse dans 80% des cas.

Splénectomie : Pratiquée en seconde intention après échec ou corticodépendance. Elle sera précédée d’une épreuve isotopique permettant de définir la part de l’hémolyse intra splénique. Efficace dans 60% des cas. Attention aux complications post splénectomie : infections à germes encapsulés, vaccination et prophylaxie antibiotique.

Immunosuppresseurs : Imurel, Endoxan, Ciclosporine. Ils sont réservés aux échecs des corticoïdes et de la splénectomie.

Danazol : Androgène avec peu d’effets androgéniques.

Traitement bloquant l’activité macrophagique : Immunoglobulines intraveineuses à fortes doses : efficacité relative dans les AHAI. x Anticorps monoclonaux anti –B ( Mabthera®) Est efficace dans 30% des cas chez des patients cortico resistants ou cortico dépendants.

Page 24: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 24/192

Schéma thérapeutique des AHAI à ac chauds

Diagnostic

Corticothérapie

Echec ou intolérance (6 mois)

Splénectomie

Echec ou rechute

Immunosuppresseurs, Anticorps monoclonaux anti-B

2.2.2. Anémies hémolytiques congénitales (corpusculaires) Une anémie et un ictère évoluant parfois par poussée, une splénomégalie, une lithiase biliaire doivent évoquer le diagnostic d’anémie hémolytique congénitale. Souvent un contexte familial, l’apparition d’une anémie régénérative et d’un ictère à bilirubine non conjuguée dans les premières années, voire mois, de la vie sont évocateurs. Parfois l’hémolyse, plus modeste, est compensée par une hyper érythropoïèse et le diagnostic doit être évoqué à l’âge adulte devant un ictère, une splénomégalie, une lithiase pigmentaire ou une poussée d’anémie liée à une infection virale ou une carence en folates (inhibant l’érythropoïèse). Dans tous les cas, l’hémolyse est une hémolyse corpusculaire : si elle était pratiquée, la durée de vie autologue des hématies serait raccourcie avec une durée de vie normale des hématies allogéniques.

L’anémie hémolytique congénitale peut être liée à : une anomalie de l’hémoglobine

Il peut s’agir : - d’un déséquilibre de la synthèse des chaînes de globine : thalassémie, - d’une hémoglobine anormale liée à une anomalie de structure de la globine : hémoglobinopathie.

une anomalie membranaire Responsable, avec le vieillissement de l’hématie, d’une réduction de la surface membranaire ; l’hématie modifiant sa forme (sphérocytose, ovalocytose) voit sa déformabilité diminuer. Elle est précocement détruite, en particulier dans les sinus de la rate, lieu d’hypoxie intense.

un déficit enzymatique érythrocytaire - Pour l’hématie, la voie de Embden-Meyerhof est vitale : la production d’ATP fournie l’énergie

nécessaire aux protéines du squelette membranaire, - La réaction NADP-NADPH est nécessaire au système d’oxydoréduction empêchant l’oxydation du

fer de l’hémoglobine (hémoglobine oxydée : méthémoglobine). Certaines anomalies enzymatiques de cette voie sont responsables d’hémolyses chroniques ou évoluant par poussée.

Toute suspicion d’anémie hémolytique héréditaire justifie une consultation en milieu spécialisé.

Page 25: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 25/192

2.2.2.1. Hémoglobinopathies

2.2.2.1.1. La drépanocytose La drépanocytose par homozygotie S/S est l’hémoglobinopathie la plus fréquente. La fréquence de la mutation à l’état hétérozygote est très élevée dans certaines populations noires : 15 % en Afrique Centrale, 10 % aux Antilles Françaises, 4 % à la Réunion par exemple. Elle est également retrouvée, moins fréquente, autour du bassin méditerranéen et au Proche Orient. Il s’agit d’une affection récessive autosomique, l’hétérozygote étant quasi asymptomatique.

cf. annexe 2 (p. 45)

2.2.2.1.2. Les thalassémies Situés sur le chromosome 16, les gènes des chaînes de globine Zêta (ζ) et Alpha (α), vont s’exprimer successivement au cours de l’ontogenèse, seule la globine α étant présente à la naissance. Sur le chromosome 11 vont être exprimés successivement les gènes des chaînes Epsilon (ε), Gamma (γ) puis, après la naissance Bêta (β) et Delta (δ). Chaque molécule d’hémoglobine comprend deux globines identiques codées par le chromosome 16 et deux du chromosome 11. Ainsi, on retrouve physiologiquement : - chez l’embryon, de l’hémoglobine ζ2-ε2 (Gower 1), ζ2-γ2 (Portland), α2-ε2 (gower 2), - chez le fœtus, α2-γ2 (hémoglobine fœtale = HbF), - chez l’enfant apparaît l’hémoglobine α2-β2 (A1) et α2-δ2 (A2) Il existe, au cours de la thalassémie, un défaut de synthèse des chaînes d’hémoglobine : déficit de synthèse de la chaîne β dans les β-thalassémies et déficit de synthèse de la chaîne α dans les α-thalassémies.

cf. annexe 3 (p. 51)

2.2.2.2. Pathologies membranaires : la sphérocytose héréditaire = Maladie de Minkowski-Chauffard Une altération de certaines protéines constitutives du cytosquelette sous membranaire (spectrine ankyrine, bande 3) est responsable de la maladie. De nombreuses mutations sont individualisées, responsables d’une affection le plus souvent autosomale dominante, plus rarement récessive. La sphérocytose héréditaire est, dans sa forme typique, assez rare (1/5000) mais les formes pauci symptomatiques à révélation tardive, voire asymptomatiques ne sont pas exceptionnelles. L’anomalie membranaire est responsable d’une réduction progressive de la surface de l’hématie qui se transforme en sphérocyte indéformable dont la destruction, in vivo, survient précocement dans la rate.

cf. annexe 4 (p.54)

2.2.2.3. Enzymopathies L’hématie a un équipement enzymatique non renouvelable, qui s’épuise pendant ses 4 mois de vie. Certaines mutations peuvent entraîner une réduction quantitative d’une enzyme par défaut de synthèse ou instabilité de la molécule. Le déficit est plus marqué dans les populations érythrocytaires vieillies. Les déficits qui portent sur la voie de Embden-Meyerhof sont responsables d’un défaut en ATP et induisent en règle une hémolyse chronique. Le déficit en glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD) altère le potentiel d’oxydo-réduction et est responsable d’une hémolyse aiguë lors de certaines infections et surtout lors de la prise de certains médicaments ou aliments oxydants pour la membrane érythrocytaire.

Page 26: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 26/192

2.2.2.3.1. Déficit en G6PD Le déficit en G6PD est l’enzymopathie érythrocytaire la plus fréquente. Le gène codant pour la G6PD est situé sur le chromosome X et existe en deux variants “ sauvages ” à activité normale : A (surtout chez les sujets noirs) et B. Par définition, les hommes sont porteurs d’un seul gène (A ou B) alors que les femmes sont AA, BB ou AB. On connaît plusieurs centaines de mutations de ces gènes, modifiant le plus souvent l’activité enzymatique. Les anomalies du variant B (de type méditerranéen) sont en règle responsables de déficits plus profonds (activité < 1%) que ceux du variant A (5 à 15 %). La fréquence du déficit est très variable : de 1 % des hommes en Europe du Nord, jusqu'à 50 % des hommes dans certaines populations juives du Moyen-Orient.

L’hémolyse aiguë, intravasculaire, est le plus souvent observée après prise de certains médicaments oxydants (cf. tableau). Elle peut également s’observer après ingestion de fèves (favisme) ou à l’occasion d’infections. L’hémolyse est beaucoup plus rarement chronique.

Le diagnostic évoqué, lors d’une hémolyse aiguë chez un homme (sur l’interrogatoire et la découverte de corps de Heinz sur le frottis) est confirmé par le dosage du déficit enzymatique, effectué en dehors de la crise hémolytique.

Le seul traitement est préventif et consiste en la remise au patient et à son médecin traitant de la liste des médicaments susceptibles de déclencher de nouvelles poussées d’hémolyse.

Produits susceptibles d'occasionner des accidents hémolytiques chez les sujets déficients en G6PD

substances noms communs autres dénominations Les aliments les fèves

Famille des antimalariques

Primaquine Pentaquine Pamaquine ............................

............................

Mépacrine ............................ ............................

Praequine Plasmoquine

Quinacrine Atébrine

Famille des sulfamides

Sulfapyridine ....................... Sulfacétamide ..................... Sulfanilamide ....................... Sulfisoxazole ....................... Thiazolsulfone ..................... Sulfaméthoxypyridazine .. N.acétylsylfanflaniide Salicyl-azo-sulfapyridine ..

Dagénan Albucide Septoplix Gantrisine Promizol Sultirène Salazopyrine

Les analgésiques

Acide acétyl salicyclique .. Acétanilide ........................... Phénacétine ......................... Antipyrine ............................ Pyramidon ............................. Glafénine

Aspirine Phénylacétmide Acétyl phénétidine Analgésine Amidopyrine Glifanan

Page 27: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 27/192

substances noms communs autres dénominations Les agents bactériostatiques

Furazolidone Nitrofurantoïne .................. Nitrofurazone ..................... Chloramphénicol ..................

................. ................. Acide paraminosalicyclique Furaltadone

Tricofuron Furoxane Furadoine Chloromycétine Tifomycine PAS

Divers Naphtalène Vitamine K Nitrates Probénécide ......................... Trinitrotoluène Bleu de méthylène Dimercaptol Bisulfate de ménadione ..... Phényl hydrazine Biphosphate de médanione

sodique Quinine Quinocide Quinidine .............................. Chloroquine Acide ascorbique Néosolvarsan

Bénémide BAL Quinocarbine

Remarques à l'attention du médecin traitant : Les substances ci-dessus énumérées ne sont pas nécessairement dangereuses chez tous les

sujets déficients en G6-PD. En raison du polymorphisme de l’affection, elles sont cependant à éviter, la tolérance étant

imprévisible. Par ailleurs, cette liste n'est pas exhaustive.

2.2.2.3.2. Déficit en pyruvate kinase

Le gène codant pour la Pyruvate Kinase (PK) est situé sur le chromosome 1. La transmission du déficit se fait sur un mode autosomique récessif, les hétérozygotes n’exprimant aucune anomalie. Le tableau clinique et biologique peut évoquer celui d’une maladie de Minkowski-Chauffard, mais il n’y a pas de sphérocytose. Le diagnostic est affirmé sur le taux bas d’activité enzymatique érythrocytaire en PK. Du fait de la réticulocytose importante, l’abaissement peut être modeste (la population érythrocytaire jeune est riche en enzymes) : dans tous les cas, cette activité doit donc être comparée à celle d’autres enzymes (comme la G6PD) qui apparaissent nettement augmentées dans ces conditions. Il n’y a pas de traitement spécifique au déficit en PK. Les transfusions peuvent être nécessaires. La splénectomie permet d’espacer celles-ci sans faire disparaître l’hémolyse.

Page 28: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 28/192

2.2.2.3.3. Autres déficits enzymatiques En dehors du déficit en PK, sept déficits enzymatiques sur la voie d’Embden-Meyerhof ont été individualisés. Tous sauf un (le déficit en phosphoglycérate kinase lié à l’X) sont transmis sur le mode récessif autosomique. Certains déficits touchent le métabolisme des nucléotides, comme le déficit en Pyrimidine-5’-nucléotidase. Cette affection, non exceptionnelle, doit être évoquée devant une hémolyse avec nombreuses hématies ponctuées (ponctuations basophiles) chez un jeune enfant.

2.3. Anémies macrocytaires

Caractérisées par une augmentation du volume des globules rouges, les anémies macrocytaires sont définies par un volume globulaire moyen (VGM) supérieur à 100μm3 ; la lecture systématique du frottis contrôlera la présence des globules rouges de grande taille. Cet examen du frottis permet aussi d'éliminer les causes d'erreur : fausses macrocytoses liées à la présence d'agglutinines froides ou macrocytose masquée par une microcytose associée : si le VGM est alors normal, il existe une double population sur le frottis sanguin et l'histogramme du volume des globules rouges.

Après avoir éliminé une hémolyse qui peut induire une macrocytose par augmentation des réticulocytes, une hypothyroïdie, une gammapathie, on recherchera, pour l'expliquer, une carence en vitamine B12, une carence en acide folique et une myélodysplasie

Page 29: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 29/192

2.3.1. Carences en vitamine B12 (Cobalamines)

2.3.1.1. Le métabolisme de la vitamine B12 Il explique les conditions pathologiques dans lesquelles on peut observer une carence.

Les besoins quotidiens, qui ne dépassent pas 4 μg/jour, sont largement couverts par l'alimentation normale en protéines animales des populations occidentales.

Cobalamines et folates interviennent dans la synthèse de l’ADN

Les colabamines alimentaires, libérées par l'hydrolyse peptidique acide de l'estomac, sont captées par le facteur intrinsèque secrété par les cellules principales de toute la muqueuse gastrique.

Le complexe vitamine B12 et facteur intrinsèque parcourt tout l'intestin grêle pour être absorbé sur la partie distale de l'iléon : le facteur intrinsèque est relargué dans la lumière digestive tandis que la B12 est transportée jusqu'aux réserves hépatiques par trois types de transcolabamine (TC) ; les TC I et III transportent la B12 dans le sang, la TC II permet l’endocytose cellulaire.

Le stockage hépatique est très important et il faudrait trois ans pour l'épuiser sans apport supplémentaire de vitamine B12.

Les causes les plus classiques de carence en vitamine B12 sont la maladie de Biermer et les carences par malabsorption (première étiologie en gériatrie)

2.3.1.2. La maladie de Biermer

Associant quatre syndromes (hématologique, digestif, neurologique et immunologique), la maladie de Biermer survient souvent après 50 ans, avec fréquemment des antécédents familiaux. Elle peut être parfaitement compensée par la vitamine B12.

2.3.1.2.1. Le tableau hématologique Il est très caractéristique avec : - une anémie macrocytaire sur le frottis ; - présence de grands globules rouges ; - une anisocytose ; - des corps de Joly ; - des réticulocytes non augmentés ; - fait caractéristique, une discrète diminution des globules blancs , pouvant évoluer vers

d’authentiques leucopénies ; - et surtout la présence de polynucléaires au noyau hypersegmenté ; - le chiffre des plaquettes est normal ou bas ; - d’authentiques pancytopénies sont possible, la macrocytose et le contexte doivent alors orienter

le clinicien - le myélogramme est très caractéristique avec une moelle très riche, très érythroblastique,

"moelle bleue" et de nombreux mégaloblastes ; cette aspect disparaît très rapidement en cas de transfusion snaguine

- les anomalies de maturation portent aussi sur la lignée granuleuse avec des myélocytes et des métamyélocytes de grande taille.

- L’existence d’une hémolyse intramédullaire explique la baisse de l’haptoglobine et l’augmentation des LDH. L’absence d’augmentation de réticulocytes permet d’écarter le diagnostic d’hémolyse extramédullaire

Page 30: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 30/192

- L’homocystéine, en amont dans le cycle de synthèse de l’ADN, s’accumule et est donc augmentée

2.3.1.2.2. Le syndrome digestif Est défini par deux atteintes de signification très différente :

La gastrite atrophique (classiquement histamino-résistante mais cette épreuve à l'histamine n'est plus pratiquée) est liée à une infiltration lymphoplasmocytaire de la muqueuse. Cette lésion est définitive. On avait autrefois insisté sur son aspect pré-cancéreux : sa transformation est en fait très rare, mais un suivi fibroscopique reste de règle.

Toutes les muqueuses sont atteintes par l’absence de vitamine B12, en particulier les muqueuses linguales, provoquant la glossite de Hunter, où l'atrophie des papilles linguales donne à la langue

un aspect très lisse et vernissé rendant parfois le contact des aliments désagréable. Cette atteinte des muqueuses digestives sera réversible après traitement par la B12.

2.3.1.2.3. Les manifestations neurologiques Inconstantes mais très particulières car elles associent une atteinte du faisceau pyramidal et du cordon postérieur, c'est-à-dire un syndrome pyramidal et des anomalies de la sensibilité de position des membres ou des troubles de la marche. L'atteinte des nerfs crâniens reste beaucoup plus rare. Cette sclérose combinée de la moelle est très caractéristique et systématiquement, même en l'absence de signe hématologique évident, les neurologues recherchent, devant de tels patients, une carence en B12.

2.3.1.2.4. Le syndrome immunologique Est celui d'une maladie auto-immune avec, presque toujours, présence d'anticorps anti-cellules pariétales (dans 90% des cas) et anti-facteur intrinsèque (dans 70% des cas) qui peuvent manquer lorsque le diagnostic est porté tardivement. On observe aussi souvent, comme dans toute maladie auto-immune, la présence d’autres auto-Ac comme des Ac thyroïdiens anti-thyroglobuline avec parfois même des associations cliniques (par exemple, avec une thyroïdite d’Hashimoto).

2.3.1.2.5. Le diagnostic Le diagnostic est facile puisque le dosage de la vitamine B12 utilise maintenant une méthode radio-immunologique. Les résultats pourraient être perturbés par un traitement insuffisant et intempestif de vitamine B12 préalable, ou une transfusion. Le test de Schilling n’est plus pratiqué en France.

Avant toute transfusion (globules rouges ou plaquettes), lorsqu’il existe une anémie d’origine non encore expliquée, prélever un dosage B12 et folates

2.3.1.2.6. Le traitement

Ce traitement doit être connu de tout médecin : Dans un premier temps, tous les jours pendant 10 jours : traitement d'attaque par des

injections intramusculaires de 1 000 µg de vitamine B12 ; elles font disparaître en 24 heures la mégaloblastose médullaire ; provoquent une poussée réticulocytaire vers le 5ème jour, une montée des rouges après la 1ère semaine, puis souvent un palier avec même parfois une microcytose et un retour à la normale du chiffre des rouges et du chiffre des blancs ; disparition de polynucléaires polysegmentés seulement à la 4ème semaine.

Page 31: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 31/192

Ce traitement d'attaque doit être suivi d'un traitement d'entretien : 1 000 µg de vitamine B12 par mois, toute la vie.

Une autre possibilité, moins « universitaire » mais reconnue, est le traitement per os à forte dose : 1000µg/jour à vie

Il est classique de reconvoquer les patients tous les ans et, si il apparaissait une microcytose, de rechercher un cancer de l'estomac mais surtout de surveiller l'éventuelle apparition d'autres maladies auto-immunes ainsi que la présence d'autres maladies de Biermer dans la famille

2.3.1.3. Les autres causes de carence en B12 Elles sont expliquées par le métabolisme de cette vitamine :

Un régime végétarien absolu et prolongé pendant plus de trois ans pourrait classiquement provoquer une carence en B12, ce qui est exceptionnel.

Une gastrectomie, à condition qu'elle soit totale, doit induire une carence en B12 trois ans après le geste chirurgical.

Toute maladie iléale peut empêcher l'absorption de la vitamine B12, comme les résections de l'iléon, l'iléite tuberculeuse, la maladie de Crohn, ou, beaucoup plus exceptionnellement, la maladie d'Imerslund qui survient chez l'enfant (il s'agit d'une absence congénitale du récepteur du complexe B12-facteur intrinsèque). Enfin, rarement, une infection par le bothriocéphale ou une prolifération bactérienne iléale (syndrome des anses borgnes) peuvent induire une carence en B12.

On a aussi décrit des carences induites par des médicaments qui perturberaient l'absorption, et des déficits congénitaux en transcobolamine II ou autres enzymes intervenant dans le métabolisme de la B12. On notera que les déficits en TC I et III sont asymptomatiques.

2.3.2. Carences en folates

2.3.2.1. Le métabolisme Le métabolisme de l'acide folique est très différent de celui de la vitamine B12 avec des besoins quotidiens de 50 à 300 pg/jour, convenablement couverts par une alimentation comprenant des végétaux frais, une absorption au niveau du jéjunum proximal et un stockage hépatique très modeste. Comme la B12, les folates interviennent dabs la synthèse de l’ADN

2.3.2.2. Le tableau hématologique Il est absolument identique à celui de la carence en vitamine B12, sans facteur immunologique, sans atteinte digestive et sans atteinte neurologique.

2.3.2.3. Le diagnostic Il repose sur la détermination du taux sérique des folates, normalement entre 5 et 15 ng/ml, taux qui peut être rapidement corrigé à l'opposé du taux d'acide folique intra-érythrocytaire qui est lui plus stable dans le temps.

2.3.2.4. Les causes de carence en acide folique Elles sont multiples :

Insuffisances nutritionnelles. Malabsorptions dues à une atteinte de l'intestin grêle proximal, c'est-à-dire du jéjunum

(malabsorption du petit enfant souvent évidente mais plus difficile à détecter chez l'adulte),

Page 32: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 32/192

notamment la maladie cœliaque. Grossesses, successives ou non, et hémolyses chroniques, par accroissement des besoins. Médicaments : le méthotrexate le Bactrim et le Malocide peuvent provoquer des carences en

acide folinique, en bloquant la tranformation de l’acide folique. en forme folinique active, le dosage de l’acide folique peut alors être normal et faussmeent rassurant.

Troubles de transfert : contraceptifs oraux ou anti-épileptiques (hydantoïnes, phénobarbital). A signaler aussi que toute atteinte hépatique peut provoquer une carence en acide folique

puisque les réserves hépatiques restent très modestes. Dans les cirrhoses, il existe souvent une atteinte plurifactorielle avec effet toxique de l'alcool sur l'hématopoïèse et association d'une carence martiale par gastrite ou varices oesophagiennes dues à l’hypertension portale.

2.3.2.5. Les traitements

L'acide folique est donné par comprimés de 5 mg par la bouche dans les carences au cours des grossesses, des anémies hémolytiques, et des conséquences des traitements anti-épileptiques et des contraceptifs oraux.

L'acide folinique est injecté en ampoules de dosage variant entre 2,5 et 300 mg ou en comprimés. C’est le traitement préventif ou curatif d’une carence due à des anti-foliques

2.3.3. Syndromes myélodysplasiques

2.3.3.1. Définitions Les syndromes myélodysplasiques sont caractérisés par une ou plusieurs cytopénies sanguines

périphériques dues à une diminution de la durée de vie des éléments sanguins (qui peuvent en outre présenter des anomalies fonctionnelles), mais surtout à une hématopoïèse inefficace par avortement intramédullaire des précurseurs des cellules sanguines, en partie expliqué par une apoptose accrue.

La moelle osseuse est le plus souvent de richesse normale ou augmentée et on y met en évidence des dysplasies touchant une à 3 lignées myéloïdes.

La maladie est secondaire à une anomalie clonale acquise (idiopathique ou secondaire) Ces maladies ont un potentiel malin caractérisé par l’évolution fréquente vers une leucémie aiguë

(état pré leucémique).

2.3.3.2. Circonstances de découverte Elles sont la conséquence des cytopénies mises en évidence sur un hémogramme à l’occasion d’un

syndrome infectieux (neutropénie), d’un syndrome hémorragique (thrombopénie), de signes cliniques d’anémie. La découverte peut aussi être fortuite, à l’occasion d’un hémogramme systématique.

Une myélodysplasie à un stade avancé peut se révéler par une altération de l’état général due à plusieurs cytopénies, voire à une transformation blastique.

Ces maladies peuvent se déclarer à tout âge mais le pic de fréquence est au-delà de 60 ans. Il s’agit de maladies le plus souvent idiopathiques mais elles peuvent être secondaires à une

chimiothérapie (ou une radiothérapie) effectuée quelques mois ou plusieurs années auparavant. On recherchera aussi une profession exposée aux radiations, ou à certains produits chimiques tels les solvants (benzène) ou les insecticides.

Il existe d’exceptionnelles formes familiales qui s’accompagnent en général d’une anomalie cytogénétique transmise.

Page 33: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 33/192

2.3.3.3. Diagnostic positif L’anémie régulièrement présente est le plus souvent macrocytaire, normochrome arégénérative.

On peut mettre en évidence en immuno-hématologie une double population érythrocytaire. Il peut exister une hémolyse corpusculaire.

Neutropénie et thrombopénie sont souvent présentes et de profondeurs variables, s’installant progressivement dans l’évolution.

Le myélogramme est de richesse normale ou augmentée (très rares formes à richesse diminuée) et permet de caractériser des dystrophies touchant un à 3 lignées : - la lignée granuleuse est le siège d’anomalies nucléaires (pseudo Pelger-Huet, hypo- ou hyper

segmentation du noyau), granulation hétérogène du cytoplasme, hypo granulation ou dégranulation.

- l’étude des cellules de la lignée mégacaryocytaire met en évidence des micro-mégacaryocytes avec noyaux non lobés, parfois multiples. Un cytoplasme en “ barbe en papa ” est caractéristique de l’anomalie 5q-, fréquemment associée à une thrombocytose.

- l’étude de la lignée érythroblastique met en évidence une dysérythropoïèse sous la forme d’érythroblastes géants multi-nucléés.

- enfin, il peut exister un excès de blastes et de myéloblastes.

La coloration de Perls permet de caractériser les sidéroblastes (érythroblastes chargés en fer ferrique au niveau de ses mitochondries). La présence de sidéroblastes en anneaux (> à 15 %) , c'est-à-dire dont le noyau est entouré d’un cercle de ponctuations révélées par le Perls, caractérise les anémies réfractaires sidéroblastiques.

sidéroblaste en couronne

Le caryotype est normal dans la moitié des cas.

Les syndromes myélodysplasiques sont répartis selon la classification de l’OMS en fonction du

Page 34: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 34/192

pourcentage de blastes et myéloblastes médullaires : - anémie réfractaire (AR) : moins de 5 % de blastes + myéloblastes.

• Avec une lignée atteinte • Avec atteinte multilignée (≥ 2)

- anémie réfractaire sidéroblastique (ARS) : moins de à 5 % de blastes et myéloblastes, plus de 15 % de sidéroblastes en anneaux (= « en couronne »).

• Avec une lignée atteinte • Avec atteinte multilignée (≥ 2)

- anémie réfractaire avec excès de blastes (AREB) : 5 à 20 % de blastes + myéloblastes • AREB de type I : 5 à 10% de blastes/myéloblastes • AREB de type II : 10 à 20% de blastes/myéloblastes

- Le syndrome 5q- : anomalies médullaires caractéristiques, thrombocytose, del(5q) au caryotype

- Myélodysplasies non classables - La leucémie myélomonocytaire chronique (LMMC) n’est plus classée parmi les myélodysplasies

mais à part, elle présente un myélogramme se rapprochant de celui d’une AREB mais il existe plus de 1000/mm3 monocytes circulants et souvent une polynucléose neutrophile ; cette maladie est une forme frontière entre les syndromes myélodysplasiques et les syndromes myéloprolifératifs.

2.3.3.4. Diagnostic différentiel

2.3.3.4.1. Pathologies non clonales réversibles - carence en vitamine B12 ou folates. - dyshématopoïèse médicamenteuse (ex : chloramphénicol, chimiothérapie…). - alcoolisme (le plus souvent dysérythropoïèse isolée sans carence en folates), cédant à l’arrêt de

l’intoxication. - connectivite, neutropénie immunologique. - endocrinopathie, hypothyroïdie, insuffisance rénale. - saturnisme, intoxication à l’arsenic. - infections graves. - La carence en fer peut donner un aspect de pseudo-dysplasie au myélogramme, un piège souvent

oublié car on ne doit pas faire de myélogramme dans une carence martiale !

2.3.3.4.1. Pathologies clonales - leucémies aiguës myéloblastiques De Novo : elle est caractérisée par un excès de blastes

médullaires dépassant 20 %, sans maturation. Elle peut cependant être précédée dans 15 à 20 % des cas d’un syndrome myélodysplasique.

- le “ Clumping syndrome ”, de définition cytologique, caracterisé souvent par une polynucléose neutrophile.

- La leucémie myélomonocytaire chronique

Mentionnons à part les dysérythropoïèses héréditaires par troubles de la synthèse de l’héme ou de la globine.

L’aplasie médullaire idiopathique peut être confondue avec un syndrome myélodysplasique à forme aplasique qui précède souvent le diagnostic d’une hémoglobinurie paroxystique nocturne. L’étude de l’érythropoïèse au fer 59 peut permettre de faire la différence entre une aplasie érythroblastique et un avortement intra-médullaire. A ce propos, il faut noter l’existence de rares formes de dysplasie érythrocytaire, ou granulocytaire, ou mégacaryocytaire isolée.

Page 35: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 35/192

2.3.3.5. Evolution L’évolution naturelle de ces maladies se fait, à une échéance plus ou moins longue, vers des complications liées aux cytopénies ou à la transformation blastique en règle myéloïde qui conduisent au décès : - l’anémie, du fait de la nécessité de transfusions, mais aussi de la destruction endogène des

globules rouges, se complique d’hémochromatose. - la neutropénie est responsable d’infections locales ou générales. - la thrombopénie se complique de syndromes hémorragiques. - la transformation en leucémie aiguë est plus souvent de type micro mégacaryocytaires que les

leucémies De Novo. Elle s’accompagne d’anomalies cytogénétiques surajoutées et est souvent réfractaire à la chimiothérapie.

2.3.3.6. Les facteurs pronostiques Les facteurs pronostiques sont représentés par : - la forme primitive ou secondaire du syndrome myélodysplasique (dans ce dernier cas, la

transformation en leucémie aiguë est quasiment inéluctable), - la présence et le pourcentage de blastes médullaires, - l’existence d’un caryotype défavorable représenté essentiellement par une anomalie touchant le

chromosome 7 ou des anomalies complexes (supérieures ou égales à 3 anomalies). Un caryotype normal ou des anomalies simples à type de délétion du chromosome Y (-Y), délétion 5q (5q-), délétion 20q (20q-) sont de bons pronostics. Toutes les autres anomalies sont de pronostics intermédiaires.

- les cytopénies qui sont définies par moins de 1 500 PNN ou moins de 100 000 plaquettes ou moins de 10 g d’hémoglobine ou la nécessité de transfusion de globules rouges. L’association de plusieurs cytopénies est péjorative.

- enfin, un âge plus avancé est comme toujours un facteur de mauvais pronostic. Ces différents éléments ont permis à plusieurs équipes d’établir des scores pronostiques dont le dernier, établi de manière consensuelle, permet de prédire la survie ou la transformation blastique de la maladie :

SSccoorree pprroonnoossttiiqquuee iinntteerrnnaattiioonnaall ((IIPPSSSS))

Pourcentage de blastes médullaires < 5 % 5-10 % 11-20 %

caryotype favorable intermédiaire défavorable

cytopénie 0/1 2/3

score 0 0,5 1 1,5

Ceci permet de définir : un score faible à 0 ; un score intermédiaire-1 à 0,5 - 1 ; un score intermédiaire-2 à 1,5 - 2 ; et un score élevé > à 2,5. Ce score permet d’estimer la survie médiane, comme indiqué dans le tableau ci-dessous

Page 36: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 36/192

≤ 60 ans > 60 ans ≤70 ans > 70 ans Bas 11,8 4,8 9 3,9 INT-1 5,2 2,7 4,4 2,4 INT-2 1,8 1,1 1,3 1,2 Haut 0,3 0,5 0,4 0,4

- Le score faible risque de transformation en leucémie aiguë de 25 % à 9 ans. - Le score intermédiaire-1 risque de transformation en leucémie aiguë de 25 % à 3,3 ans. - Le score intermédiaire-2 risque de transformation en leucémie aiguë de 25 % à 1 an. - Le score élevé risque de transformation en leucémie aiguë de 25 % à 0,2 ans.

Un score plus récent (WPSS), faisant intervenir les besoins trasfusionnels, et la classification OMS, a été proposé :

0 1 2 3 OMS AR, AS, 5q- AR et AS

dyspl AREB 1 AREB 2

Caryotype Bon Intermédiaire Mauvais Transfusions Non Régulières

AR et AS dyslp = anémie réfractaire et sidéroblastique avc dysplasies multilignée

Les anomalies du caryotype retenues sont les mêmes que pour l’IPSS

2.3.3.7. Traitements et indications thérapeutiques

Les indications thérapeutiques dépendent de l’âge et du score pronostic international.

2.3.3.7.1. Traitements à visée curatrice L’allogreffe de moelle, à condition qu’il existe un donneur géno-identique familial ou un donneur

HLA identique non apparenté, est le seul traitement qui permette d’obtenir des guérisons. Elle est discutable, compte tenu de sa toxicité, pour les patients qui présentent un score pronostic faible. Pour les sujets plus âgés, des allogreffes géno-identiques à conditionnement atténué sont à l’étude. L’efficacité de ce type de traitement dans cette pathologie est probablement liée à un effet du greffon contre la leucémie (effet GVL) qui n’est cependant pas prouvé dans les myélodysplasies.

La chimiothérapie intensive est d’autant plus efficace qu’il existe un excès de blastes important. Le pourcentage de rémission complète est variable de 15 à 50 % seulement et dépend de l’expression par les cellules blastiques du gène de résistance aux chimiothérapies (MDR). L’utilisation de médicaments réversants du MDR permet d’améliorer la sensibilité à la chimiothérapie et d’obtenir un taux de rémission supérieur (quinine, ciclosporine…).

Survie médiane (m) LAM à 2 ans LAM à 5 ans 0 103 0 6% 1 72 11% 24% 2 40 28% 48% 3-4 21 52% 63% 5-6 12 79% 100%

Page 37: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 37/192

L’utilisation de facteurs de croissance granulocytaires (G-CSF) augmente aussi le taux de rémission complète.

L’autogreffe de cellules souches sanguines ou de moelle osseuse en traitement de consolidation en cas d’obtention d’une rémission complète, prolonge probablement la durée de rémission mais les résultats à long terme de cette technique sont encore inconnus.

2.3.3.7.2. Traitements palliatifs et traitements des complications

L’association d’érythropoïétine (EPO) et de facteurs de croissance granulocytaires (G-CSF) a montré dans un tiers des cas une efficacité dans la correction des anémies réfractaires permettant de surseoir aux transfusions de globules rouges.

Un traitement immunosuppresseur de type sérum anti-lymphocytaire + ciclosporine comme dans les traitements des aplasies a été essayé et permet là aussi parfois une correction des cytopénies.

Le thalidomide est actuellement en cours d’expérimentation et agirait par son effet anti-angiogénèse et anti-TNFα.

La cytarabine en sous-cutané à faibles doses associée ou non à un facteur de croissance granulocytaire (G-CSF) permet quelquefois d’obtenir une amélioration des cytopénies mais jamais de rémission complète.

La 5-azacytidine (Vidaza®), un agent déméthylant, semble donner de bonnes réponses et

améliorer la survie

Les androgènes (danazol) sont utilisés avec une efficacité inconstante en traitement des thrombopénies réfractaires.

Quand l’anémie est mal tolérée ou devient inférieure à 8 g/dl, les transfusions érythrocytaires deviennent nécessaires. Elles sont malheureusement à terme compliquées par une hémochromatose transfusionnelle qui n’est que partiellement prévenue par un traitement chélateur du fer (déféroxamine ou Exjade®).

Les transfusions de plaquettes sont réservées aux accidents hémorragiques car des transfusions itératives conduisent rapidement à une allo-immunisation les rendant inefficaces.

Un syndrome infectieux doit être rapidement traité par une antibiothérapie à large spectre secondairement adaptée aux germes quand il est retrouvé. Les facteurs de croissance granulocytaires permettent temporairement de corriger une neutropénie. Dans quelques cas exceptionnels d’infections sévères bactériennes ou mycotiques, les transfusions de globules blancs sont indiquées.

Page 38: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 38/192

2.4. Autres anémies

2.4.1 Erythroblastopénies Les érythroblastopénies sont caractérisées par une anémie isolée. Elles sont rares et définies par une disparition des érythroblastes de la moelle osseuse, sans atteinte des autres lignées.

2.4.1.1. Diagnostic L’anémie est normocytaire, normochrome, arégénérative avec un effondrement du taux des réticulocytes. Le reste de l’hémogramme est normal. Le diagnostic repose sur le myélogramme qui montre une diminution ou une disparition des érythroblastes au niveau de la moelle osseuse (<à 5%) L’épreuve isotopique au 59Fer montre une clearance du fer ralentie, une fixation médullaire et une incorporation globulaire nulle.

2.4.1.2. Etiologies

2.4.1.2.1. Forme congénitale : maladie de Blackfan et Diamond Il existe une forme congénitale chez le petit enfant ; elle est responsable d’une érythroblastopénie chronique : il s’agit de la maladie de Blackfan et Diamond. Les seuls traitements efficaces sont la corticothérapie et l’allogreffe médullaire.

2.4.1.2.2. Forme acquise : les érythroblastopénies aiguës Elles ont été décrites chez les patients atteints d’anémies hémolytiques constitutionnelles et

sont les plus souvent d’origine virale. La durée est d’environ 1 à 2 semaines. Le virus le plus impliqué est le parvovirus B 19 (responsable de la 5ème maladie chez l’enfant)

survenant sur un terrain privilégié (sphérocytose héréditaire, drépanocytose). Le diagnostic repose sur la mise en évidence du virus en PCR dans le sang ou dans la moelle, et la présence d’IgM sérologiquement. Parmi les autres virus impliqués, on retrouve celui de l’hépatite B et le VIH.

Médicaments : thiamphenicol+++, dépakine, diphényl-hydantoïne etc..

2.4.1.2.3. Forme acquise : les érythroblastopénies chroniques Elles sont d’origine auto-immunes et peuvent être associées à :

Un thymome : à rechercher systématiquement devant toute érythroblastopénie chronique acquise (scanner, IRM). Elle peut guérir après thymectomie. En cas d’échec, un traitement par corticothérapie ou immunosuppresseurs peut être efficace.

Leucémie lymphoïde chronique : le diagnostic est difficile en raison de l’infiltration de la moelle par les lymphocytes de la LLC. La biopsie médullaire, ou l’épreuve au 59Fer est parfois nécessaire pour le diagnostic. La corticothérapie est efficace.

Autres maladies associées : autres syndromes lymphoprolifératifs, lupus, polyarthrite rhumatoïde, …

Les érythroblastopénies chroniques idiopathiques sont les plus fréquentes et probablement immunologiques ; elles sont souvent associées à la présence d’autoanticorps. Le traitement repose sur la corticothérapie, les immunosuppresseurs (Endoxan, ciclosporine), les gammaglobulines.

Page 39: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 39/192

2.4.2. Anémies de l’insuffisance rénale chronique (IRC) L’anémie de l’IRC est normochrome normocytaire peu générative, mais la multiplicité des mécanismes en cause peut modifier le tableau typique.

2.4.2.1. Physiopathologie Divers éléments concourent à l’anémie : dilution, perte de sang, hémolyse, insuffisance médullaire.

2.4.2.1.1. Dilution Les modifications du volume plasmatique peuvent être cause d’erreurs. L’hémodilution fréquente augmente l’anémie. A l’inverse, au cours d’une insuffisance rénale avec perte en sel, une hémoconcentration peut la minimiser.

2.4.2.1.2. Perte de sang Les hémorragies ne sont pas exceptionnelles (digestives, gynécologiques), et sont liées entre autre à la thrombopathie de l’IRC.

2.4.2.1.3. Hémolyse La durée de vie des hématies de l’IRC est raccourcie par un mécanisme extra-corpusculaire

(durée de vie également raccourcie d’hématies transfusées). Des facteurs non épurés par le rein seraient responsables d’anomalies de la voie des Pentoses, rendant compte d’une oxydation de l’hémoglobine (présence de corps de Heinz et d’une particulière sensibilité aux produits oxydants (anti-paludéen, sulfamides…).

Schizocytose possible en cas d’IRC associée à une microangiopathie thrombotique. Hypersplénisme : l’hémolyse chronique peut être à la longue responsable d’une splénomégalie

“ d’hyperfonction ”, cause autonome possible (bien que modeste) de raccourcissement de la durée de vie des hématies.

En fait, en dehors de la microangiopathie, l’hémolyse ne dépasse pas 2 à 3 fois l’hémolyse physiologique ; si elle s’accompagne d’anémies c’est que cette hémolyse ne peut être

compensée du fait d’une production médullaire insuffisante.

2.4.2.1.4. Insuffisance médullaire Il existe au cours de l’IRC un taux bas d’EPO. C’est la cause majeure de l’insuffisance de l’érythropoïèse. Cela n’explique cependant pas tout. En effet, l’hémodialyse chez les patients atteints d’IRC corrige partiellement l’anémie, entre autre en augmentant la réticulocytose, sans modifier le taux d’EPO.

2.4.2.2. Anémies et variétés de la néphropathie L’anémie apparaît généralement lorsque le débit de filtration glomérulaire est inférieur à 30 % de la normale. Il existe globalement une relation entre le degré de l’anémie et la chute du débit de filtration glomérulaire. Cependant, cette relation n’est pas simple : ainsi pour une même diminution du débit de filtration glomérulaire, l’anémie est majeure au cours des néphropathies interstitielles et modeste au cours de l’hydronéphrose ou de la polykystose rénale.

Page 40: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 40/192

2.4.2.3. Tolérance à l’anémie La tolérance à l’anémie est assez souvent bonne en rapport avec une déviation vers la droite de la courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine (CDO). Celle-ci est secondaire :

- à un taux élevé de 2-3 DPG lié à l’hyperphosphorémie, - à l’acidose.

2.4.2.4. Traitement

Les folates et le fer peuvent être utiles en fonction de besoin précis. L’hémodialyse chronique corrige en partie l’anémie en améliorant la durée de vie des hématies

mais aussi en favorisant leur production. Surtout l’érythropoïètine recombinante (EPO) a transformé la situation de ces patients en

corrigeant le plus souvent de façon satisfaisante leur anémie.

2.4.3. Anémies de la grossesse

2.4.3.1. Les « anémies physiologiques » de la grossesse Le volume plasmatique augmente de façon régulière jusqu’à la 36ème semaine et est alors en

moyenne de 50 % supérieure à celui de l’état basal. Le mécanisme de cette augmentation est mal expliqué : les modifications hormonales et le “ Shunt ” artério-veineux que peut représenter le placenta y participent probablement.

Le volume globulaire augmente lui aussi, passant de la 24ème à la 36ème semaine d’un volume basal à 20 % d’excès.

Ainsi, si physiologiquement il n’y a pas stricto sensu d’anémie (masse globulaire élevé), le taux de l’hémoglobine baisse au cours de la grossesse pour atteindre 10,5 à 11,5 g pour 100 ml avant l’accouchement.

2.4.3.2. Les anémies pathologiques Si le taux d’hémoglobine est inférieur à 10,5 g pour 100 ml, s’il existe une anomalie du VGM et/ou une hypochromie et/ou une atteinte des autres lignées, la cause doit en être expliquée :

Carence en fer : le bilan en fer est négatif en fin de grossesse : gain consécutif à l’aménorrhée (environ 250 mg) inférieure aux pertes : besoins placentaires et foetaux (environ 300 à 400 mg) et hémorragies de la délivrance. La carence martiale est fréquente en cas de malnutrition ou de grossesse répétée. L’abaissement de la ferritine justifie la prescription d’un traitement martial évitant l’apparition d’une anémie hypochrome microcytaire.

Carence en folates : les besoins en folates doublent pendant la grossesse alors que les troubles de l’alimentation, les vomissements en limitent l’apport. En dehors de la malnutrition où la supplémentation s’impose (5 mg/24 H) l’apport systématique peut se discuter. Rappelons que la supplémentation en acide folique en début de grossesse pourrait réduire l’incidence de Spina Bifida chez les enfants présentant de tels risques.

2.4.4. Anémies des endocrinopathies

2.4.4.1. Hypothyroïdie Une anémie le plus souvent macrocytaire est fréquemment observée au cours des

hypothyroïdies : si une anémie de Biermer authentique doit être recherchée car fréquemment observée (environ 10 % des cas), le plus souvent la cause de cette anémie, corrigée par l’opothérapie n’est pas expliquée.

Page 41: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – La lignée érythrocytaire 41/192

Une anémie normocytaire corrigée par la thérapeutique substitutive peut s’observer. Une anémie microcytaire doit faire rechercher une carence en fer fréquente dans ce contexte.

2.4.4.2. Maladie d’Addison Dans 30 % des cas, une maladie de Biermer est associée. Sinon une anémie normochrome, normocytaire et non régénérative, sous estimée du fait d’une

diminution du volume plasmatique, s’observe, et est corrigée par le traitement substitutif.

2.4.4.3. Panhypopituitarisme L’hypophysectomie entraîne une hypoplasie médullaire sévère expérimentale chez le rat, et est

corrigée par les hormones périphériques et l’ACTH. Le même phénomène peut s’observer chez l’homme, avec en particulier une anémie (sous estimée

du fait de l’hémoconcentration) et une leuconeutropénie. L’opothérapie substitutive corrige généralement ces anomalies.

Page 42: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM3 – La lignée érythrocytaire 42/192 Annexe 1 : les globules rouges

Annexe 1 LES GLOBULES ROUGES

(ou hématies ou érythrocytes) 1- Aspect quantitatif

L'hémogramme comporte la mesure de 3 variables : - le nombre de globules rouges, - l’hématocrite, - l’hémoglobine.

1-1- Nombre de globules rouges par unité de volume

Il est compris, chez les sujets normaux, entre 4 et 5,5 millions/mm3 de sang (ou 4 à 5,5 x 1012/l)

1-2- Hématocrite C’est le volume des hématies par rapport au sang total. La valeur normale est comprise entre 38 et 50%. Sur les automates, le calcul de l’hématocrite correspond au produit de la mesure directe du volume des hématies par le nombre des hématies dans une unité de volume sanguin.

1-3- Hémoglobine Son poids est évalué par unité de volume du sang. Il est normalement compris entre 12 et 17 g/dl (ou 120-170 g/l).

2- Constantes érythrocytaires

2-1- Volume globulaire moyen (VGM) C’est le rapport hématocrite/nombre de globules rouges. Le volume globulaire moyen normal (normocytose) est compris entre 80 et 100 µ3.

hématocrite VGM = = 80 - 100 µ3 (normocytose) nombre de GR

Une diminution du VGM définit la microcytose et son augmentation définit la macrocytose.

2-2- Concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH) Il s’agit de la fraction du globule rouge constituée d'hémoglobine ; c’est le rapport entre le taux d’hémoglobine et l’hématocrite.

hémoglobine CCMH = = 32 – 36 % (normochromie) hématocrite

Page 43: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM3 – La lignée érythrocytaire 43/192 Annexe 1 : les globules rouges

Une diminution de la CCMH définit l’hypochromie. Pour des raisons physiologiques, il ne peut y avoir constitution d’une hyperchromie car, arrivée à un certain seuil, la concentration d’hémoglobine entraîne l’expulsion du noyau, et donc l’arrêt de la synthèse d’ARN et de celle de l’hémoglobine. Il existe toutefois deux exceptions : la sphérocytose héréditaire et l’exceptionnelle xérocytose.

2-3- Teneur corpusculaire moyenne en hémoglobine (TCMH) Il s’agit de la quantité d'hémoglobine contenue dans une hématie ; c’est le rapport entre le taux d'hémoglobine et le nombre d'hématies.

hémoglobine TCMH = = 27 – 32 pg nombre de GR

3- Frottis sanguin

Les globules rouges étalés sur une lame de verre (frottis sanguin) et examinés au microscope optique, ont un aspect de disque biconcave de 7 microns de diamètre. Si la coloration est convenablement effectuée, leur contenu est rosé, homogène. Des anomalies de taille, de forme, de coloration, ou la présence d'inclusions peuvent être observées sur le frottis coloré avec la méthode classique du May Grunwald Giemsa.

3-1- Variations de taille = anisocytose : la taille des GR n’est pas homogène. La taille peut diminuer (microcytose) : cette diminution peut être très importante avec un aspect bien particulier des hématies, plus petites, plus rondes, plus denses (microsphérocytose). La taille des hématies peut également augmenter (macrocytose) : cette augmentation peut être, pour certains globules rouges, très importante (mégalocytose).

3-2- Variations de forme

= poïkilocytose On peut observer sur le frottis des hématies piriformes (en forme de poire), des dacryocytes (en forme de larme), des echinocytes (à bords crénelés). Ces anomalies peuvent être observées en particulier dans la splénomégalie myéloïde (myélofibrose primitive), et les thalassémies. Certaines anomalies ont une signification pathologique précise : - les schizocytes (hématies fragmentées) : évoquent un processus de lésions mécaniques de la

membrane (microangiopathies, désinsertion de prothèses endocardiaques), - les acanthocytes (en forme d’oursin) : anomalies qui peuvent s’observer lorsqu’il existe une

aβlipoprotéinémie congénitale ou dans les hypertriglycéridémies, - les drépanocytes (hématies en faucille) : qui sont observés au cours de la drépanocytose, - les ovalocytes ou elliptocytes qui peuvent traduire certaines anémies hémolytiques

congénitales par anomalie membranaire.

Page 44: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM3 – La lignée érythrocytaire 44/192 Annexe 1 : les globules rouges

3-3- Variations de coloration Hypochromie : atténuation de la couleur rosée, traduisant une carence en hémoglobine. Polychromatophilie : coloration inhomogène avec des zones basophiles ou bleutées

traduisant une synthèse d'hémoglobine encore active ; ce phénomène peut être prononcé en cas de régénération médullaire accélérée (hémorragie aiguë, hémolyse).

Hématies cibles ou en cocarde : liées à une insuffisance d'hémoglobinisation ; peuvent se voir dans les carences en fer ou dans les thalassémies.

3-4- Inclusions

L’examen des hématies sur le frottis peut permettre de déceler des inclusions intra-érythrocytaires anormales.

Les corps de Jolly : observés après splénectomie, lors des asplénies fonctionnelles (ex.: drépanocytose) et au cours de toute régénération érythrocytaire accélérée ; ce sont des inclusions arrondies correspondant à des vestiges nucléaires.

Les anneaux de Cabot : inclusions circulaires ou en forme de huit ; ont la même signification que les corps de Jolly.

Les corps de Heinz : précipités observés lorsque l’hémoglobine est oxydée ; ne sont visibles qu’avec une coloration particulière.

Des parasites intra-érythrocytaires (hématozoaire du paludisme, babésia,...) : peuvent être observés sur un frottis.

3-5- Réticulocytes

Pendant les premières 24 heures suivant leur passage sanguin, les hématies ont perdu leur noyau mais ont gardé un réseau granulo-filamenteux d'ARN qui peut être mis en évidence sur frottis par une coloration au bleu de Crésyl ou par certains colorants fluorescents permettant le comptage automatique par cytométrie de flux. Le pourcentage des réticulocytes par rapport aux hématies matures est un bon indice de la production médullaire. Taux de réticulocytes à l’état normal = 1 % de l'ensemble de la population des globules rouges. soit 50 ± 25 X 109 /l ou 50.000 /mm3

Page 45: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM3 – La lignée érythrocytaire 45/192 Annexe 2 : la drépanocytose

Annexe 2 LA DREPANOCYTOSE

1. Physiopathologie La mutation du codon 6 (GAG → GTC) du gène β de l’hémoglobine est responsable d’un remplacement de l’acide glutamique par la valine. Dans sa forme désoxygénée, l’HbS polymérise et est responsable d’une falciformation (aspect en faucille) de l’hématie. Cette falciformation peut être réversible, mais l’intensité et la répétition du phénomène induisent des lésions membranaires et une hémolyse.

La polymérisation et la falciformation Elles dépendent : - du degré de désoxygénation de l’Hb : en rapport avec une baisse de la PO2, une baisse de

l’affinité de l’Hb pour l’O2 (baisse du pH, augmentation du 2-3DPG), - de la concentration intra-érythrocytaire en HbS : la concentration en HbS n’est pas suffisante

chez l’hétérozygote A/S pour induire une falciformation

L’hémoglobine fœtale Elle est plus affine pour l’oxygène que l’HbA, sa coexistence avec l’HbS dans l’hématie protège donc celle-ci de la polymérisation. Cela peut expliquer que l’hémolyse chez l’enfant drépanocytaire n’apparaisse que vers le 2ème - 3ème mois. Le switch physiologique HbF → HbA semble se faire chez le drépanocytaire de façon retardée. Le taux d’HbF chez l’adulte drépanocytaire est le plus souvent élevé (cela est du à la stimulation de l’érythropoïèse et à la sélection des cellules riches en HbF*). Les sujets ayant un taux d’HbF élevé (> à 15 %) ont des formes moins graves de la maladie.

Occlusion vasculaire : Les drépanocytes, peu déformables, adhèrent anormalement aux cellules endothéliales, obstruent les petits vaisseaux et sont facteurs d’infarcissements tissulaires au cours des crises vaso-occlusives. L’hypoxie, la déshydratation, l’infection, l’inflammation peuvent déclencher ou aggraver ces crises.

*la distribution de l’HbF est physiologiquement inégale d’un érythrocyte à l’autre.

Infections : Du fait des micro-infarctus spléniques répétés, une atrophie splénique progressive, en règle complète vers l’âge de 5–6 ans, est observée. Cette asplénie fonctionnelle rend compte d’infections graves impliquant en particulier les cocci gram +, les salmonelles, et les Hemophilus influenzae. Des anomalies de la voie alterne du complément et de la phagocytose, mal comprises, aggravent cette susceptibilité aux infections. 2. Tableau clinique

2.1 Histoire schématique de la maladie :

2.1.1. Chez l’enfant jusqu’à 5 ans L’affection se révèle le plus souvent après 5-6 mois par une anémie, une splénomégalie, ou une infection grave. Une séquestration splénique aiguë ou une infection peuvent d’emblée mettre la vie en danger.

Page 46: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM3 – La lignée érythrocytaire 46/192 Annexe 2 : la drépanocytose

2.1.2. Chez l’enfant entre 5 et 15 ans La vie est rythmée par les crises vaso-occlusives hyperalgiques et les infections, avec un retentissement scolaire et psycho-affectif.

2.1.3. Après 15 ans Les crises hyperalgiques diminuent mais se développent des atteintes dégénératives chroniques : pulmonaires, cardiaques, rétiniennes, rénales, neurologiques… Grossesses et interventions chirurgicales souvent nécessaires sont des facteurs de risques évolutifs supplémentaires.

2.2. Tableau clinique La sévérité clinique du syndrome drépanocytaire est très variable d’un individu à l’autre. La persistance héréditaire de l’HbF et l’association à une alpha-thalassémie ne rendent pas compte de toutes les évolutions relativement bénignes. Dans tous les cas, un environnement socio-sanitaire favorable prolonge et améliore qualitativement la vie ; ainsi les anomalies de croissance, les anomalies du morphotype peuvent en grande partie être prévenues.

2.2.1. L’anémie Une anémie de base comprise entre 6 et 10 g d’Hb/100 ml est en règle observée. La réticulocytose est comprise entre 5 et 20 %, le frottis sanguin montre entre 5 et 50 % d’hématies falciformes : la falciformation peut être provoquée in vitro entre lames et lamelles. Témoins de l’hyper érythropoïèse et de l’hyposplénisme, on observe de plus sur le frottis : polychromatophylie, érythroblastose, ponctuations basophiles et corps de Jolly. Un certain degré d’hémodilution contribue à l’anémie. La tolérance à l’anémie est meilleure qu’attendue compte tenu de l’augmentation chez ces malades de la P50 (déviation vers la droite de la courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine).

L’anémie peut s’aggraver : brutalement : associée à un collapsus lors d’un épisode aigu de séquestration splénique en règle

chez l’enfant de moins de 5 ans (augmentation rapide et douloureuse du volume de la rate), rapidement : en rapport avec une érythroblastopénie (décompensation de l’anémie d’autant plus

rapide que l’hémolyse est élevée : 5 à 7 fois l’hémolyse physiologique). Cette érythroblastopénie que l’on évoque devant un effondrement de la réticulocytose doit faire rechercher une infection virale, en particulier à parvovirus,

progressivement : il faut alors rechercher une carence, en particulier en acide folique : l’intense activité érythropoïétique chronique justifie un régime protéique riche, supplémenté en acide folique et éventuellement en vitamine E et en zinc, plus rarement en fer chez le jeune enfant.

2.2.2. Les crises vaso-occlusives

Il s’agit de crises douloureuses, de survenue irrégulière et imprévisible, de durée et d’intensité variables pouvant fréquemment justifier le recours à des antalgiques majeurs. Les douleurs osseuses, thoraciques, abdominales, peuvent en imposer pour une ostéomyélite, une pneumopathie infectieuse, une urgence chirurgicale abdominale, tous problèmes non exceptionnels chez le drépanocytaire. Des épisodes de priapisme (par séquestration des hématies et engorgement des corps caverneux) parfois rapidement et spontanément résolutifs, peuvent précéder (3 à 5 % des patients) un priapisme sévère, durant plusieurs jours, et aboutissant le plus souvent à une impuissance définitive.

Page 47: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM3 – La lignée érythrocytaire 47/192 Annexe 2 : la drépanocytose

2.2.3. Complications chroniques

2.2.3.1. Pulmonaires Les micro-thromboses avec infarcissement et infections répétées sont responsables d’une diminution de la capacité vitale et d’un effet shunt avec, à la longue, une hypoxémie aggravant la falciformation. Des embolies graisseuses secondaires à des infarctus médullaires et osseux peuvent s’observer.

2.2.3.2. Cardiaques L’anémie chronique est responsable, dans tous les cas, d’une augmentation du débit cardiaque par augmentation du volume d’éjection systolique, avec à la longue une hypertrophie ventriculaire gauche puis, avec l’âge, d’une insuffisance cardiaque dite à débit élevé (mais avec un débit moins élevé qu’attendu compte tenu du degré de l’anémie…) ; au maximum un aspect de CMNO peut s’observer. Les micro-thromboses répétées dans la circulation pulmonaire peuvent être responsables d’HTAP.

2.2.3.3. Neurologiques (système nerveux central) Les vaso-occlusions de la circulation cérébrale sont responsables, chez 5 à 10 % des patients, d’infarcissement avec parfois des accidents aigus : hémiplégie, épisodes convulsifs, trouble brutal de la conscience. On peut aussi observer des sténoses progressives des gros troncs, parfois des sténoses plus distales, évoluant à bas bruit et justifiant une surveillance systématique de ces patients par échodoppler transcrânien et IRM. Les méningites bactériennes sont fréquentes chez le petit enfant, plus rares sont les complications neurologiques d’une embolie graisseuse.

2.2.3.4. Oculaires Compte tenu du risque de rétinite proliférative (secondaire aux phénomènes d’occlusions, d’hémorragies, d’anastomose artério-veineuse, de néoangiogénèse…) pouvant conduire à la cécité, une surveillance ophtalmologique systématique est nécessaire.

2.2.3.5. Osseuses Les ostéonécroses aseptiques sont fréquentes, en particulier au niveau des têtes fémorales, plus rarement humérales, pouvant conduire à des interventions orthopédiques et éventuellement mise en place de prothèses. Les infarctus osseux répétés peuvent être responsables de déformations en particulier au niveau des vertèbres. Ces accidents aseptiques doivent être différenciés des ostéites et ostéomyélites fréquentes sur ce terrain, et tout infarctus osseux s’accompagnant de fièvre justifie hémocultures et antibiothérapie systématiques.

2.2.3.6. Rénales L’hypertonie et l’hypoxémie qui y règnent expliquent l’importance de la falciformation dans les zones profondes de la médullaire. Avec l’âge, le flux médullaire et le pouvoir de maintenir un gradient cortico-papillaire satisfaisant diminuent. On observe ainsi chez l’adulte un défaut du pouvoir de concentration des urines au-delà de 4 ou 500 ml osmoles/l avec une tendance à la polyurie. On note par ailleurs une diminution du pouvoir d’acidification des urines et un défaut d’élimination d’acide urique par tubulopathie distale.

Page 48: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM3 – La lignée érythrocytaire 48/192 Annexe 2 : la drépanocytose

2.2.3.7. Autres La lithiase pigmentaire est fréquente parfois dès les premières années de la vie ainsi que les ulcères cutanés préférentiellement au tiers inférieur des membres inférieurs.

3. Diagnostic Les frottis sanguins et le contexte familial permettent d’évoquer un diagnostic qui est confirmé par l’électrophorèse de l’hémoglobine. Réalisée à distance de toute transfusion, celle-ci montre dans la forme homozygote S/S plus de 80 % d’HbS. Le diagnostic anténatal, possible dès la 10ème semaine, doit être proposé à tous les couples à risque d’avoir un enfant homozygote ou double hétérozygote.

4. Formes cliniques

4.1. Les syndromes drépanocytaires peuvent être dus à d’autres anomalies de l’Hb

La double hétérozygotie S/C (C : β6 glu → lys) L’anémie et l’hémolyse sont souvent plus modérées que dans la forme S/S. Le pronostic est souvent moins sévère mais les complications thrombotiques, en particulier neurologiques et rétiniennes, sont au premier plan. L’électrophorèse de l’hémoglobine montre l’association d’HbS (50 à 55 %) et d’HbC (40 à 45 %). La double hétérozygotie HbS/β-thalassémie :

Elle est responsable, en fonction de la mutation bêta thal de complications évolutives aussi graves (S/β 0 thal) ou moins graves (S/β + thal) que dans la forme S/S. Lorsqu’une α-thalassémie ou une persistance de l’HbF s’associe à une double hétérozygotie

S/S, le tableau clinique est globalement moins sévère.

4.2. Le trait drépanocytaire Les hétérozygotes A/S ont de 35 à 45 % d’HbS dans chacune de leurs hématies. Ils n’ont, par ailleurs, aucune manifestation clinique ou biologique particulière en dehors d’observations discutées : - d’incidents survenant lors d’hypoxémies extrêmes, - de diminution du pouvoir de concentration des urines. En fait, le seul risque significatif pour les porteurs du trait drépanocytaire est celui de donner naissance à un homozygote si le conjoint est également à risque (proposition de dépistage et de diagnostic anténatal). 5. Traitements Les drépanocytaires doivent être pris en charge par des équipes pluridisciplinaires. En pratique, seules des équipes suivant d’importantes cohortes de patients ont le savoir-faire requis. Cette prise en charge implique :

une information et une éducation du patient et de sa famille, un suivi clinique et biologique régulier adapté à l’évolutivité de l’affection, une grande disponibilité et capacité d’hospitalisation des patients pour prise en charge de

complications parfois imprévisibles.

Page 49: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM3 – La lignée érythrocytaire 49/192 Annexe 2 : la drépanocytose

5.1. Mesures générales

Une supplémentation systématique en acide folique et adaptée aux besoins en vitamines A, E, en zinc, et en fer, est nécessaire. Une nutrition riche en protéines et en sel, des boissons abondantes sont recommandées ;

Les efforts physiques intenses sont proscrits ;

L’hypoxémie (à l’occasion d’un séjour en altitude), d’une AG, d’un accouchement doit être prévenue ;

Les infections (à l’occasion desquelles les crises vaso-occlusives surviennent volontiers) doivent être prévenues ;

Contrôle des vaccinations : DT coq polio, Thyphim Vi, BCG, rougeole, anti-hémophilus, anti-pneumocoques, anti-hépatite B, anti-grippale,…

Pénicillinothérapie préventive systématique jusqu’à l’âge de 7 ans et définitive en cas de manifestations d’hyposplénisme et/ou en cas d’infections à streptocoques ou à pneumocoques récidivantes ;

Recherche et traitement des foyers infectieux latents, ORL et dentaires en particulier ;

Traitement énergique et rapide de toute infection déclarée par paracétamol et antibiothérapie adaptée.

5.2. Traitements des crises vaso-occlusives

Il convient :

d’aliter le patient,

de calmer les douleurs en adaptant les antalgiques à l’importance de celles-ci (du Paracétamol aux morphiniques),

de prescrire des anti-inflammatoires non stéroïdiens,

d’hydrater largement (soluté isotonique avec apports sodés),

dans tous les cas, de traiter une éventuelle cause infectieuse déclenchante.

5.3. Transfusions

En urgence en cas :

de baisse mal tolérée, de plus de 2 g du chiffre de l’hémoglobine de base (en particulier en cas de séquestration splénique aiguë),

d’accidents infectieux graves,

d’accidents thrombotiques aigus touchant des organes essentiels (SNC, rétine, poumons, corps caverneux…) ou d’embolie graisseuse.

Dans toutes ces circonstances, il est souhaitable de réaliser des exsanguino-transfusions partielles visant à obtenir moins de 40 % d’HbS résiduelle. Il en est de même en cas d’intervention avec anesthésie générale.

Page 50: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM3 – La lignée érythrocytaire 50/192 Annexe 2 : la drépanocytose

Les conditions appelant la transfusion en urgence requièrent également une oxygénothérapie de principe (FIO2 supérieure à 50 %). Un programme de transfusion au long cours est nécessaire chez les patients souffrant d’insuffisance respiratoire ou cardiaque, ou d’accidents circulatoires cérébraux.

5.4. La grossesse Au cours de la grossesse, les poussées hémolytiques, les accidents infectieux algiques et les complications thrombotiques sont fréquents, avec un risque vital pour la patiente et le fœtus. Dans tous les cas, il est nécessaire de maintenir, par un programme transfusionnel systématique, le taux d’HbS en dessous de 40 %, à partir du 4ème ou 5ème mois de grossesse.

5.5. Traitements spécifiques

L’hydroxyurée utilisée au long cours, permettant d’augmenter la synthèse d’HbF (et donc l’affinité pour l’oxygène) semble intéressante au moins chez certains patients dans des essais prospectifs.

Des programmes, encore balbutiants, visent à modifier la molécule d’HbS, à inhiber sa polymérisation, ou à corriger spécifiquement l’anomalie par thérapie génique.

Dès aujourd’hui, l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques, utilisant comme donneur un germain HLA identique peut permettre dans les formes graves (en particulier avec risques neurologiques) des guérisons complètes à condition d’être réalisée chez des enfants ou des adultes jeunes.

Page 51: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM3 – La lignée érythrocytaire 51/192 Annexe 3 : les thalassémies

Annexe 3 LES THALASSEMIES

1. Les β-thalassémies Elles peuvent revêtir un tableau plus ou moins sévère.

1.1. β-thalassémie homozygote : maladie de Cooley Le déficit majeur de synthèse en chaînes β fait qu’il y a peu ou pas de tétramères α2β2 : les hématies sont très microcytaires et hypochromes. De plus, les chaînes α “ célibataires ”, instables, précipitent et contribuent à une mort anormale et précoce des érythroblastes (érythropoïèse inefficace ou avortement intramédullaire). Les érythroblastes survivants, qui vont donner naissance à des érythrocytes, sont essentiellement ceux qui synthétisent le plus d’HbF (α2-γ2). L’anémie intense est responsable, en retour, par le biais d’une synthèse d’EPO, d’une intense activité érythropoïétique (inefficace) et d’une hypertrophie du tissu médullaire débordant de ses zones actives habituelles.

L’anémie ne se révèle que plusieurs mois après la naissance alors que la chaîne β doit remplacer la chaîne γ. L’anémie est intense (Hb < à 7 g/100 ml), microcytaire (< à 65 μm3) et hypochrome. Outre la poïkilocytose, avec un aspect en cible des hématies, on note une réticulocytose élevée (mais moins qu’attendue compte tenu du degré de l’anémie) et la présence d’érythroblastes circulants. L’électrophorèse de l’hémoglobine montre la présence quasi exclusive d’HbF.

Une hypertrophie splénique (due à l’hémolyse et à la métaplasie érythroblastique) apparaît rapidement.

L’hyperplasie médullaire est responsable de déformations osseuses et de troubles de la croissance : os du crâne, os de la face, os longs que l’amincissement de la corticale fragilise en outre.

L’érythropoïèse inefficace et les transfusions répétées sont responsables d’une surcharge en fer simulant parfaitement l’hémochromatose primitive et responsable de désordres endocriniens, de cirrhose…

Une insuffisance cardiaque survient en quelques années, à laquelle contribuent l’hémosidérose et surtout la nécessité de maintenir un débit cardiaque élevé (anémie chronique et baisse des résistances périphériques secondaires à la splénomégalie, aux shunts intramédullaires, et à l’hypervolémie plasmatique). En l’absence de traitement, les malades meurent en quelques années. Les transfusions répétées, maintenant en permanence l’hémoglobine ≥ 9,5 g/100 ml, le traitement très précoce de la surcharge en fer par Desféral en perfusion continue sous-cutanée, la splénectomie si besoin (accompagnée des précautions anti-infectieuses de rigueur) ont permis à de nombreux patients d’atteindre l’âge adulte mais au prix d’une qualité de vie médiocre.

Le seul traitement curateur est l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques provenant d’un germain HLA géno-identique (non β-thalassémique homozygote…) voire d’un donneur, non apparenté, HLA phéno-identique. Il importe, cependant, d’envisager précocement ce traitement avant que la surcharge en fer n’ait généré des lésions définitives qui augmentent les risques de l’allogreffe.

Page 52: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM3 – La lignée érythrocytaire 52/192 Annexe 3 : les thalassémies

Dans tous les cas, le diagnostic prénatal doit être proposé aux couples “à risques ”.

1.2. β-thalassémie mineure (ou hétérozygote) Il s’agit d’une anomalie fréquente en France (environ 1% de la population métropolitaine) particulièrement dans le sud. En règle asymptomatique, le diagnostic doit être évoqué devant :

une microcytose (< 75 μm3) : - avec hypochromie, - avec ou sans anémie (Hb ≥ à 10,5 g/100 ml), - sans carence en fer (ferritinémie normale).

une splénomégalie (présente dans 25 % des cas). Le diagnostic est en règle facile à établir : l’électrophorèse de l’hémoglobine montre en effet une augmentation modérée de l’HbA2 (comprise entre 3,5 et 6 %), l’association à la β-thalassémie hétérozygote d’une carence en fer peut compliquer les choses car la sidéropénie abaisse le taux de l’HbA2. L’électrophorèse de l’Hb ne doit, dans ces conditions, être effectuée qu’après recharge en fer. Le nombre d’hématies peut être plus élevé que la normale, mais compte tenu de la microcytose, l’hématocrite et l’hémoglobine ne sont jamais élevés (pseudo polyglobulie). Le diagnostic posé, le rôle du médecin est avant tout d’expliquer le caractère tout à fait anodin de cette très fréquente anomalie. Par contre, un hémogramme doit systématiquement être pratiqué chez l’éventuel(le) conjoint(e) pour exclure la même anomalie, qui pourrait donner naissance à un enfant homozygote et justifierait un diagnostic prénatal.

1.3. β-thalassémie intermédiaire Elle peut être liée à des formes homozygotes atténuées (expression résiduelle du gène β, augmentation de synthèse des chaînes γ ou α-thalassémies associées) ou à d’exceptionnelles formes hétérozygotes dominantes. Le taux d’hémoglobine est compris entre 7 et 9 g/100 ml. Les troubles de croissance et la surcharge en fer peuvent justifier les mêmes traitements que ceux requis dans la forme majeure.

2. Les α-thalassémies Quatre gènes (deux contigus sur chaque chromosome 16) codent pour la chaîne de globine α.

2.1. Anasarque fœtal Mutation des 4 gènes L’absence totale de gène α fonctionnel entraîne le décès in utero ou peu après la naissance. L’hémoglobine est composée de tétramères γ4 (Hb Bart) non fonctionnels car de très haute affinité pour l’oxygène.

2.2. L’hémoglobinose H Mutation de 3 gènes L’anémie microcytaire et régénérative se révèle en période néonatale. L’électrophorèse de l’Hb permet d’observer la présence de 3 à 30 % d’hémoglobine H (β4) après quelques mois, et dès la naissance de 10 à 30 % d’hémoglobine BART (γ4). L’hémoglobine A1 est diminuée. L’évolution et le traitement sont peu différents de ceux de la maladie de Cooley. A noter une

Page 53: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM3 – La lignée érythrocytaire 53/192 Annexe 3 : les thalassémies

sensibilité particulière aux drogues oxydantes comme celle observée chez les patients porteurs de déficit en G6PD, ou d’hémoglobine instable.

2.3. α-thalassémie mineure Anomalie de 2 gènes, en cis (côte à côte) ou en trans (sur deux chromosomes) Le tableau biologique est celui d’une microcytose (environ 70 μm3) avec une anémie très discrète voire absente. L’électrophorèse de l’hémoglobine est normale et seule une étude du rapport de synthèse des chaînes α/β dans les réticulocytes permet de faire le diagnostic. Cette anomalie très fréquente est cliniquement asymptomatique.

2.4. α-thalassémie silencieuse Mutation d’1 gène La présence d’Hb BART (γ4) à la naissance, parfois une microcytose très modérée, sans anémie, sont les seuls stigmates observés si cette anomalie est isolée. Par contre, sa prévalence très élevée (20 à 30 % en Afrique noire) explique son association très fréquente à d’autres anomalies de l’Hb dont elle peut modifier l’expression : par exemple les taux d’HbS, d’HbC ou d’HbE chez les hétérozygotes A/S, A/C, A/E.

Page 54: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM3 – La lignée érythrocytaire 54/192 Annexe 4 : la sphérocytose héréditaire

Annexe 4 LA SPHEROCYTOSE HEREDITAIRE

1. Diagnostic

Le tableau est celui d’une hémolyse chronique, découverte typiquement dans l’enfance, devant un ictère, une pâleur conjonctivale, une splénomégalie. Plus rarement, dans les formes pauci symptomatiques, le diagnostic n’est discuté qu’à l’âge adulte. Le diagnostic est évoqué devant une anémie hautement régénérative avec une CCMH élevée et avec présence de nombreux sphérocytes sur la lame. Il est également suggéré par les antécédents familiaux (75 % des formes sont à transmission dominante) et confirmé par :

l’autohémolyse excessive à 24 h., partiellement corrigée par l’adjonction de glucose (n’est plus pratiqué), l’hémolyse excessive en milieu hypotonique,

l’ektacytométrie

voire l’étude biochimique des protéines du cytosquelette membranaire. 2- Complications

La lithiase pigmentaire, survenant souvent à bas bruit, est parfois révélatrice de la maladie. Tout événement responsable d’un défaut de l’érythropoïèse peut être responsable, chez ces malades compensant difficilement l’hémolyse par une régénération intense, d’une chute rapide et majeure de l’hémoglobine. Ainsi en est-il d’une carence en folates par défaut d’apports (besoins accrus) et surtout de certaines infections virales. L’infection à parvovirus B19 (responsable de la 5ème maladie), parce qu’elle touche particulièrement les érythroblastes, est ainsi responsable d’épisodes d’anémie aiguë chez ces patients. 3. Traitement

La splénectomie est le seul traitement efficace : elle normalise la durée de vie des hématies, fait disparaître l’hémolyse et l’anémie et prévient les complications alors même que persistent l’anomalie membranaire et la sphérocytose. Elle n’est nécessaire que dans les formes majeures.

Plusieurs problèmes quant à la splénectomie :

Celle-ci doit être différée jusqu’à l’âge de 5-7 ans du fait des risques infectieux majeurs liés à l’asplénie chez le petit enfant (infections à streptocoques, pneumocoques, méningocoques, Hemophilus influenzae, …)

Le chirurgien doit prendre soin de ne pas laisser en place une rate accessoire sous peine, à terme, d’une récidive de l’hémolyse. Il doit également contrôler les voies biliaires.

Comme après toute splénectomie, il importe : - à court terme : de contrôler une éventuelle hyperplaquettose par un traitement

anticoagulant et/ou hypoagrégant ; - à long terme : de prévenir les infections à pneumocoques par vaccination et surtout

pénicillinothérapie orale à vie.

Page 55: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 55/192

33.. CCeelllluulleess ssoouucchheess eett lliiggnnééeess mmyyééllooïïddeess

3.1. L’hématopoïèse ............................................................................................................................. p. 57

3.1.1. Généralités ........................................................................................................................... p. 57

3.1.2. Déroulement ........................................................................................................................ p. 57

3.1.3. Régulation .............................................................................................................................. p. 59

3.1.4. Explorations ........................................................................................................................ p. 61

3.1.5. Pathologies ........................................................................................................................... p. 61

3.2. Biopsie médullaire en hématologie ............................................................................... p. 63

3.2.1. Pratique de la BOM ...................................................................................................... p. 63

3.2.2. Analyse histologique ..................................................................................................... p. 63

3.2.3. Indications ........................................................................................................................... p. 63

3.2.4. Lésions histologiques .................................................................................................... p. 63

3.2.5. BOM et infection VIH ............................................................................................... p. 65

3.3. Pathologie des granuleux ..................................................................................................... p. 66

3.3.1. Agranulocytose médicamenteuse ....................................................................... p. 66

[A. Syndromes myéloprolifératifs (p. 185-192 )]

3.3.2. Leucémie myéloïde chronique ............................................................................... p. 68

3.3.3. Polyglobulies ........................................................................................................................ p. 77

3.3.4. Hyperéosinophilie ........................................................................................................... p. 81

3.3.5. Leucémies aiguës ............................................................................................................. p. 88

3.3.6. Aplasie médullaire .......................................................................................................... p. 97

3.3.7. Splénomégalie .................................................................................................................... p. 98

Page 56: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 56/192

OOBBJJEECCTTIIFFSS Agranulocytose

Physiopathologie et diagnostic Syndromes myéloprolifératifs

Enumérer les maladies rassemblées sous le terme “ syndromes myéloprolifératifs ” Définir une myélémie, énumérer les causes Décrire l’aspect histologique de la moelle osseuse dans les différents syndromes myéloprolifératifs.

Tableau clinique et hématologique de la Leucémie myéloïde chronique (LMC) Décrire le chromosome Philadelphie, ses conséquences moléculaires, et les conclusions que l’on peut en tirer sur l’existence d’une cellule souche

Décrire l’évolution de la LMC Tableau clinique et hématologique de la splénomégalie myéloïde Définir une polyglobulie Enumérer les causes des polyglobulies Enumérer les critères nécessaires pour porter le diagnostic de maladie de Vaquez Enumérer les causes de thrombocytémies Tableau clinique, hématologique et complications des thrombocytémies essentielles Différences entre anémies intravasculaire et intratissulaire, corpusculaire et extra corpusculaire, congénitale et acquise

Hyperéosinophilies

Enumérer les causes des hyperéosinophilies Démarche diagnostique devant une hyperéosinophilie

Leucémies aiguës

Diagnostic hématologique des leucémies aiguës Examens complémentaires permettant de différencier LAL et LAM Traitements symptomatiques d’urgence pouvant être nécessaires lors de la découverte d’une LA

Principes thérapeutiques au cours des LA Aplasie médullaire

Diagnostic hématologique de l’aplasie médullaire Principes thérapeutiques de l’aplasie médullaire

Splénomégalie

Démarche diagnostique devant une splénomégalie Principales causes hématologiques d’une splénomégalie

Page 57: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 57/192

3.1. L’hématopoïèse

3.1.1. Généralités

3.1.1.1. Définition L’hématopoïèse est l’ensemble des mécanismes assurant la production, le développement et la maturation des cellules sanguines, permettant ainsi leur renouvellement et l’adaptation aux besoins.

3.1.1.2. Localisation Chez l’embryon : précurseur commun pour les cellules de l’endothélium vasculaire et les cellules

sanguines (hémangioblaste) Chez le fœtus : foie, rate Après la naissance : moelle osseuse

3.1.2. Déroulement

3.1.2.1. Organisation générale

3.1.2.2. Compartiments cellulaires

3.1.2.2.1. Cellule souche hématopoïétique Mise en évidence expérimentale :

- technique des CFU-S (Colony Forming Unit in the Spleen)

Page 58: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 58/192

Propriétés : - génération de l’ensemble des cellules sanguines (totipotence) - auto renouvellement (maintien d’un pool de cellules souches) - transplantables (greffe) - la majorité ne se divise pas (pas ou peu affectées par les chimiothérapies qui agissent

essentiellement sur les cellules en cycle)

Chez l’homme : - immunophénotypage : CD34+ Lin- (absence de marqueur de différenciation de lignée) - culture in vitro à long terme - transplantation chez la souris SCID

3.1.2.2.2. Progéniteurs

Propriétés : - perte de la totipotence mais maintien d’une certaine pluripotence (CFU-GEMM) ou

seulement monopotence - perte de la capacité d’auto-renouvellement - capacité pour se multiplier et de différencier

Mise en évidence : - immunophénotypage : CD34+ Lin- (absence de marqueur de différenciation de lignée) - cultures à long terme (LTC-IC) = Long Term Culture Initiating Cells) - culture in vitro en milieu semi solide

J0 cellules mononucléées de la moelle

< 3 semaines   milieu semi solide  colonies   + facteurs de croissance     sans troma       quantification directe des     progéniteurs présents à J0 

Progéniteurs multipotents : - CFU-GEMM : Colony Forming Unit – Granulo-Erythro-Mono-Mégacryocytes

Progéniteurs de la lignée granulo-monocytaire / macrophagique : - CFU-GM : Colony Forming Unit – Granulo-Monocytes - CFU-Eo (éosinophiles) et CFU-Baso (basophiles)

Progéniteurs de la lignée érythroïde : - BFU-E : Burst Forming Unit – Erythrocytes : les plus immatures - CFU-E : Colony Forming Unit – Erythrocytes : plus matures.

Page 59: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 59/192

Progéniteurs de la lignée plaquettaire : - BFU-MK : Burst Forming Unit – Mégacaryocytes : les plus immatures - CFU-MK : Colony Forming Unit – Mégacryocytes : plus matures.

3.1.2.2.3. Précurseurs identifiables morphologiquement (myélogramme)

3.1.3. Régulation

3.1.3.1. Facteurs de croissance

Facteurs à action directe, spécifiques de la lignée (action tardive) : - érythropoïétine - G-CSF : granulocyte – colony stimulating factor - M-CSG : monocyte – colony stimulating factor - IL-5 : interleukin 5 - TPO : thrombopoïétine

Facteurs à action directe, multipotents (action précoce) : - IL-3 : interleukin 3 - GM-CSF : granulocyte, monocyte – colony stimulating factor

Facteurs agissant en synergie : - SCF : stem cell factor - IL-1 : interleukin 1 - IL-4 : interleukin 4 - IL-6 : interleukin 6

Page 60: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 60/192

facteur localisation 

chromosomique source  cellules cibles 

EPO chromosome 7 cellules péritubulaires du rein

CFU-E +++ érythroblastes BFU-E +/-

G-CSF chromosome 17 cellules endothéliales fibroblastes monocytes/macrophages

CFU-G +++ lignée neutrophile CFU-GM

M-CSF chromosome 5 cellules endothéliales fibroblastes monocytes/macrophages

CFU-GM effets indirects

TPO chromosome 3 foie ++ stroma rein

CFU-MK mégacaryocytes progéniteurs primitifs

IL-5 chromosome 5 lymphocytes T lignée éosinophile

IL-3 chromosome 5 lymphocytes T activés multipoïétine

GM-CSF chromosome 5

cellules endothéliales fibroblastes monocytes/macrophages lymphocytes

multipoïétine

SCF stroma médullaire synergie avec les autres

facteurs (EPO+) lignée mastocytaire

IL-1 chromosome 2 macrophages fibroblastes hépatocytes

facteur synergique

IL-6 chromosome 7

cellules endothéliales fibroblastes monocytes/macrophages lymphocytes B et T

facteur synergique lignée mégacaryocytaire

IL-4 chromosome 5 lymphocytes T facteur synergique

Page 61: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 61/192

3.1.3.2. Inhibiteurs - TGB β : transforming growth factor β - TNF α : tumor necrosis factor α - Interféron γ

3.1.3.3. Rôle du micro-environnement - Stroma : fibroblastes, cellules endothéliales, adipocytes, cellules musculaires lisses, matrice

extracellulaire - Rôle de soutien et de nutrition - Source de facteurs de croissance (sécrétés, membranaires, sur la matrice extracellulaire) - Importance des phénomènes d’adhésion (intégrines, sélectines)

3.1.4. Exploration Hémogramme Myélogramme (cytologie) Biopsie médullaire (richesse, architecture) Cultures de progéniteurs Immunophénotypage (hémopathies)

3.1.5. Pathologies Anomalie de l’hématopoïèse Leucémogénèse Greffes Facteurs de croissance

Page 62: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 62/192

Page 63: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 63/192

3.2. La biopsie médullaire en hématologie

3.2.1. Pratique de la BOM La biopsie médullaire consiste à prélever une carotte osseuse de 15 à 20 mm de long dans la crête iliaque postérieure sous anesthésie locale. Il n’y a pas de contre-indication formelle.

3.2.2. Analyse histologique L’analyse histologique est réalisée après fixation et décalcification, ce qui nécessite un délai de réponse de 48 heures. Des empreintes de la carotte biopsique sont systématiquement effectuées pour analyse cytologique. Les buts de cette analyse histologique sont : - d’évaluer la proportion de moelle hématopoïétique par rapport à la moelle adipeuse. - d’évaluer la répartition des lignées myéloïdes : érythroblastiques, granuleuses et

mégacaryocytaires. - rechercher l’existence d’une myélofibrose. - les travées osseuses. Une infiltration tumorale ou des granulomes épithélioïdes sont systématiquement recherchés sur plusieurs niveaux de coupe du bloc d’inclusion en paraffine.

3.2.3. Indications de la BOM Bilan d'extension des lymphomes hodgkinien ou non hodgkinien. Bilan d'extension de cancers non hématologiques (QS). Syndromes lymphoprolifératifs chroniques : leucémie lymphoïde chronique, maladie de

Waldenström et myélome. Syndromes myéloprolifératifs chroniques. Syndromes myélodysplasiques : pour ce type d’indication, il ne s'agit pas d'un examen de

première intention mais il est pratiqué en complément du myélogramme pour évaluer la cellularité ou rechercher une myélofibrose.

Leucémie aiguë (LA) : il s’agit d’un examen de seconde intention, pratiqué en cas de myélogramme pauvre dans les LA hypoplasiques ou les LA avec myélofibrose.

Aplasie médullaire : la BOM confirme le diagnostic dans les situations associant une pancytopénie et un myélogramme pauvre.

Bilan d'une fièvre : pour rechercher des granulomes épithélioïdes, notamment dans le cadre d’une tuberculose hématogène.

3.2.4. Lésions histologiques

3.2.4.1. Aplasie médullaire Le diagnostic d’aplasie médullaire est évoqué devant toute pancytopénie. Le myélogramme est pauvre. Le diagnostic est confirmé par la BOM. A l’examen histologique, la moelle peut être totalement adipeuse. On peut retrouver quelques îlots érythroblastiques mais pas de mégacaryocytes ou d’éléments granuleux. Quelques îlots lymphoïdes peuvent être présents.

Page 64: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 64/192

3.2.4.2. Syndromes myéloprolifératifs chroniques Le diagnostic des syndromes myéloprolifératifs chroniques repose sur la confrontation des données cliniques, biologiques et histologiques. On distingue la leucémie myéloïde chronique, la polyglobulie primitive, la thrombocytémie essentielle et la splénomégalie myéloïde.

3.2.4.2.1. La leucémie myéloïde chronique (LMC) La LMC se manifeste par une hyperleucocytose souvent associée à une splénomégalie. La BOM montre une hyperplasie granuleuse parfois associée à une hyperplasie mégacaryocytaire, et une hypoplasie érythroblastique sans myélofibrose.

3.2.4.2.2. La polyglobulie primitive (PGP) La PGP se caractérise par une augmentation de la masse globulaire. La BOM montre une hyperplasie érythroblastique ou globale sans myélofibrose.

3.2.4.2.3. La thrombocytémie essentielle (TE) La TE se manifeste par une hyperplaquettose, après avoir éliminé une cause secondaire (syndrome inflammatoire, carence en fer). La BOM montre une moelle hématopoïétique de richesse moyenne ou peu augmentée contrastant avec une hyperplasie mégacaryocytaire. Les mégacaryocytes sont nombreux et souvent groupés. Les autres lignées ne sont pas modifiées. Il n’y a pas de myélofibrose.

3.2.4.2.4. La splénomégalie myéloïde (ou myélofibrose primitive) La splénomégalie myéloïde se manifeste par une cytopénie, une myélémie et une splénomégalie. La BOM montre une moelle hématopoïétique riche avec hyperplasie globale et une myélofibrose. On distingue : - le stade I caractérisé par une moelle riche et une myélofibrose débutante ; - le stade II caractérisé par une moelle de richesse moyenne et une myélofibrose mutilante ; - le stade III où la moelle est pauvre, la myélofibrose est plus marquée et est associée à un

épaississement des travées osseuses (stade d’ostéomyélosclérose).

3.2.4.3. Syndromes lymphoprolifératifs chroniques On peut inclure dans cette catégorie la leucémie lymphoïde chronique, la maladie de Waldenström et le myélome. L’intérêt de la BOM est diagnostique, en corrélation avec les autres données cliniques et biologiques. Elle permet d’évaluer l’intensité et la topographie des infiltrats lymphoïdes. Selon la topographie, on distingue :

L’infiltrat interstitiel : les lymphocytes s’insinuent entre les éléments hématopoïétiques respectant l’architecture de la moelle ;

L’infiltrat nodulaire : les lymphocytes réalisent des nodules bien limités ;

L’infiltrat paratrabéculaire : les lymphocytes forment des amas situés au contact des travées osseuses ;

L’infiltrat diffus : les lymphocytes forment une nappe diffuse effaçant totalement l’architecture de la moelle.

Ces différents modes d’infiltration peuvent être combinés. Dans la leucémie lymphoïde chronique, l’infiltrat est interstitiel, nodulaire ou diffus et est constitué de lymphocytes au noyau aux contours arrondis avec une chromatine dense.

Page 65: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 65/192

La maladie de Waldenström correspond à une prolifération lymphoplasmocytaire intéressant la moelle osseuse et le sang associé à une IgM sérique. Dans le myélome, il s’agit d’une infiltration interstitielle ou diffuse faite de plasmocytes dystrophiques avec expression monotypique de la chaîne légère kappa ou lambda généralement associée à une chaîne lourde de type IgG ou IgA.

3.2.4.4. Bilan d’extension des lymphomes et du lymphome Hodgkin Dans les lymphomes à grandes cellules, le type d’infiltration est variable. Le lymphome folliculaire réalise une infiltration paratrabéculaire. Dans le lymphome de Hodgkin, la BOM est souvent normale. Elle peut montrer une hyperplasie d’une ou de plusieurs lignées myéloïdes. L’atteinte spécifique se traduit par un granulome polymorphe au sein duquel sont présentes des cellules de Sternberg ou de Hodgkin.

3.2.5. BOM et infection par le VIH Au cours de l’infection par le VIH, des types variés de lésions peuvent être observés. L’indication d’une BOM peut être posée en raison d’une pancytopénie ou d’une fièvre.

Dysmyélopoïèse : cette lésion est caractérisée par une moelle de richesse augmentée ou diminuée et par des anomalies qualitatives des trois lignées. Elle peut être secondaire à une carence vitaminique, d’origine médicamenteuse ou être induite par le VIH lui-même.

Hyperplasie lymphoïde nodulaire et plasmocytose : au cours de l’infection par le VIH.

Granulomes épithélioïdes : en rapport avec une infection à mycobactérie.

Infiltration histiocytaire interstitielle : elle peut être expliquée par une infection à mycobactéries atypiques. Il s’agit d’une infiltration interstitielle faite de macrophages à cytoplasme spumeux qui contiennent des bacilles colorés par le PAS et la technique de Ziehl. La leishmaniose viscérale est une autre cause d’infiltration macrophagique de la moelle osseuse.

Syndrome d'activation macrophagique : il se caractérise par une cytopénie (anémie, thrombopénie ou leucopénie), une hépatomégalie et une splénomégalie. Biologiquement, il existe une hypertriglycéridémie, une hypofibrinogénémie et une hyperferritinémie. Histologiquement, la moelle osseuse, la rate et le foie sont infiltrés par des macrophages avec une activité hémophagocytaire. Les causes en sont les infections (dont le VIH lui-même) et les lymphomes non hodgkiniens. Au cours de l’infection par VIH, la moelle osseuse peut être le siège d’une infiltration tumorale par un LNH Hodgkinien ou non Hodgkinien.

Transformation gélatiniforme de moelle osseuse ou atrophie séreuse de la moelle adipeuse : au cours de l’infection par le VIH, on peut constater une atrophie de la moelle adipeuse caractérisée par une disparition des adipocytes qui sont remplacés par les mucopolysaccharides de la matrice extracellulaire.

Page 66: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 66/192

3.3. Pathologie des granuleux

3.3.1. Agranulocytose médicamenteuse On entend sous ce terme, les neutropénies extrêmes (≤ 100 polynucléaires neutrophiles/μl) isolées, dues à une prise médicamenteuse. Cela exclut les neutropénies dues à des chimiothérapies anticancéreuses et à d’autres médicaments touchant d’autres lignées. L’agranulocytose médicamenteuse représente 40 % des accidents hématologiques d’origine médicamenteuse. La population féminine, indépendamment de sa consommation médicamenteuse plus élevée, est plus exposée à ce risque.

3.3.1.1. Physiopathologie Des études biologiques, en particulier cultures de progéniteurs granuleux, ont permis d’individualiser deux mécanismes :

Le mécanisme immuno-allergique : l’agranulocytose est d’installation brutale et non prévisible chez un sujet prenant un traitement au long cours ou après réintroduction du médicament. Il n’y a pas de relation dose-effet. Dans tous les cas, on suppose qu’il y a production chez un sujet susceptible d’un anticorps dirigé contre :

- le médicament-haptène fixé sur une protéine de la cellule cible (polynucléaire ou précurseur granuleux),

- le médicament-haptène associé à une protéine plasmatique, les complexes immuns antigène-anticorps se fixant sur les cellules cibles.

Les polynucléaires, leurs précurseurs, les cellules souches granuleuses peuvent être touchés. Des anticorps opsonisants ou fixant le complément, ou inhibant la pousse des colonies granuleuses ont été décrits.

Le mécanisme toxique : certaines drogues, dont le prototype est la chlorpromazine sont toxiques pour les cellules souches granuleuses ; le mécanisme semble dose-dépendant, survenant après plusieurs semaines voire mois de traitement, uniquement chez certains sujets “ sensibles ”. En cas de mécanisme toxique, la neutropénie s’aggrave de façon rapide mais progressive et pourrait éventuellement être détectable par des hémogrammes répétés.

La liste (cf. tableau page suivante) des médicaments responsables d’agranulocytose est non exhaustive. Il faut noter que si certains produits comme l’amidopyrine, la ticlopidine sont responsables d’agranulocytose par un phénomène immuno-allergique, si d’autres comme les phénotiazines (chlorpromazine) sont responsables d’agranulocytose par un mécanisme toxique, certains produits comme les sulfonamides ou les drogues antithyroïdiennes peuvent générer des agranulocytoses par l’un ou l’autre des mécanismes.

3.3.1.2. Diagnostic Le diagnostic est habituellement évoqué sur un hémogramme réalisé pour un syndrome fébrile parfois isolé, plus souvent associé à une angine banale ou ulcéro-nécrotique, voire un syndrome septique préoccupant. La raréfaction extrême des polynucléaires (≤ 200/μl) contrastant avec un sang par ailleurs normal, en dehors parfois d’une thrombopénie modeste (≥ 100 000/μl) suggère le diagnostic. Le malade doit être hospitalisé d’urgence en milieu spécialisé. Le myélogramme permet d’éliminer une leucémie aiguë et confirme le diagnostic en montrant l’absence totale de granuleux, ou la présence exclusive de précurseurs granuleux (myéloblastes et promyélocytes) contrastant avec la richesse normale en érythroblastes et en mégacaryocytes.

Page 67: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 67/192

Médicaments pouvant induire une agranulocytose (liste non exhaustive)

Antibactériens Pénicilline (haute dose) ; Sulphonamides ; Céphalosporines ; Chloramphénicol ; Rifampicine ; Isoniazide

À visées psychotropes Chlorpromazine ; Clomipramine ; Diazépam ; lmipramine ;

Méprobamate ; Promazine ; Méthylpromazine ; Thioridiazine

Antiviraux Zidovuline

Antimalariques Pyriméthamine ; Hydrochloroquine ; Quinine

Anticonvulsivants Phénytoïne ; Prinidone ; Carbamazépine

À visées rhumatologiques Allopurinol ; Colchicine ; Oxyphenbutazone ; Indométacine ;

Sels d'or ; Fénoprofène ; Phénylbutazone ; D-pénicillamine ; Anidopyrine ; Noramidopyrine.

Anti-ulcéreux Cimétidine ; Ranitidine

Anti-thyroïdiens Méthylthiouracile ; Propylthiouracfle ; Carbimazole

Hypoglycémiants Chlorpropaniide ; Tolbutamide

Diurétiques Acétazolamine ; Chlorothiazide ; Spironolactone ; Méthazolanide

Cardiovasculaires Captopril ; Disopyraniide ; Hydralazine ; Pindione ; Procaïnamide ; Propranolol ; Ticlopidine

3.3.1.3. Conduite à tenir

s’enquérir de tous les médicaments pris au cours des 3 dernières semaines par le patient et interrompre immédiatement toute prise suspecte et non indispensable (demander à la famille d’apporter les médicaments possédés au domicile),

en cas de fièvre : réaliser des prélèvements bactériologiques de tous les foyers infectieux suspects, hémocultures systématiques et mise sous antibiothérapie à large spectre comportant un aminoside et une céphalosporine de 3ème génération.

On peut prévoir une récupération des polynucléaires en 8 à 12 jours après l’arrêt du médicament responsable. Le G-CSF permet très probablement de raccourcir de plusieurs jours la période de neutropénie et doit être utilisé. La mortalité globale est actuellement, avec ces modalités de prise en charge, inférieure à 5 %.

Dans tous les cas, le malade et son médecin traitant doivent être informés du produit responsable de l’accident (ou des produits suspects).

La liste des spécialités pharmaceutiques contenant ce produit doit être fournie ainsi que l’information que toute nouvelle prise serait responsable du même accident.

Page 68: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 68/192

[A. Syndromes myéloprolifératifs (en fin de poly)] 3.3.2. Leucémie myéloïde chronique

La leucémie myéloïde chronique est un syndrome myéloprolifératif chronique comportant une prolifération prédominante sur la lignée granuleuse, et qui évolue inéluctablement en leucémie aiguë. Elle est marquée par la présence de marqueurs cytogénétique (chromosome Philadelphie) et moléculaire (réarrangement bcr-abl) caractéristiques. La greffe de moelle allogénique a modifié le pronostic de cette maladie marquée par une évolution mortelle en 3 à 4 ans.

3.3.2.1. Physiopathologie

3.3.2.1.1. Prolifération monoclonale La LMC est une prolifération monoclonale résultant de la transformation d’une cellule souche hématopoïétique. Le chromosome Philadelphie (Ph), marqueur de la maladie, est présent dans les cellules myéloïdes (granuleux, monocytes, érythroblastes, mégacaryocytes) et lymphoïdes B, mais pas lymphoïdes T ni NK. L’origine clonale de la maladie a également été démontrée par les techniques basées sur l’inactivation du chromosome X chez des femmes hétérozygotes pour un marqueur donné (isoenzymes de la G6PD, polymorphisme des gènes PGK et HPRT).

3.3.2.1.2. Le chromosome Ph Le chromosome Ph est une anomalie cytogénétique acquise, présente dans environ 95 % des cas de LMC, et correspond en fait à un chromosome 22 raccourci (22q-). Il résulte d’une translocation équilibrée, c’est-à-dire sans perte de matériel, entre les chromosomes 9 et 22 : t(9;22) (q34;q11). Le chromosome Ph est visible dans la majorité des mitoses caryotypées, mais il persiste des cellules hématopoïétiques normales, sans translocation. Dans environ 5 % des cas, le chromosome Ph n’est pas observé ; il existe des translocations complexes (impliquant 3 partenaires ou plus) ou cryptiques, que l’on peut mettre en évidence par les techniques d’hybridation in situ fluorescentes (FISH) avec une sonde spécifique de la t(9;22). Le chromosome Ph est également observé au cours de leucémies aiguës lymphoblastiques (25% des LAL de l’adulte, moins de 5% des LAL de l’enfant). Des anomalies cytogénétiques supplémentaires (duplication du chromosome Ph, isochromosome 17q, trisomie 8) sont fréquemment observées au cours de l'évolution de la maladie.

3.3.2.1.3. Biologie moléculaire La t(9;22) réalise la juxtaposition des gènes bcr et abelson (abl). Le point de cassure sur le chromosome 22 se produit dans le gène bcr, dans une petite région dénommée M-bcr (major breakpoint cluster region) au niveau des introns situé entre les exons b2 et b3, ou b3 et b4. Sur le chromosome 9, la translocation se produit dans la région 5’ du gène abl, en amont du deuxième exon. Ce gène hybride est exprimé dans les cellules tumorales sous forme d’un ARN de fusion bcr-abl, comportant ou non, l’exon b3 selon le site de cassure sur bcr. Il s’ensuit la production d’une protéine de fusion d’un poids moléculaire de 210 kDa (p210). Celle-ci possède une activité tyrosine kinase anormale, pouvant phosphoryler de nombreux substrats intracellulaires. Diverses expériences ont montré que cette protéine joue un rôle très important dans le processus de leucémogénèse. Au cours des LAL avec chromosome Ph, il existe fréquemment un autre point de cassure sur le gène

Page 69: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 69/192

bcr (m-bcr) aboutissant à une protéine de fusion plus courte (p190), possédant un pouvoir oncogénique supérieur. La mise en évidence du transcrit de fusion est un élément capital pour le diagnostic de LMC, ainsi que pour la surveillance des malades traités: ces techniques ont en effet une très grande sensibilité puisqu’elles sont capables de détecter une cellule leucémique parmi 105-106 cellules normales.

3.3.2.1.4. Epidémiologie La LMC représente environ 20% de toutes les leucémies (elle est moins fréquente que les leucémies aiguës). Son incidence augmente avec l’âge : l’âge médian variant entre 30 à 60 ans. Les radiations ionisantes ainsi que les dérivés du benzène sont des facteurs de risque connus : la LMC est inscrite au tableau des maladies professionnelles. Cependant dans la très grande majorité des cas, on ne retrouve aucune cause évidente.

3.3.2.2. Signes cliniques

3.3.2.2.1. Circonstances de découverte Souvent des signes non spécifiques, de début insidieux :

- altération de l’état général (asthénie, amaigrissement, anorexie), - pesanteur de l’hypocondre gauche, ballonnements.

Dans 40% des cas, découverte fortuite à l’occasion d’un hémogramme ou d’un examen clinique systématique. Rarement : à l’occasion d’une complication : crise de goutte, infarctus splénique, priapisme,

thrombose veineuse, troubles visuels. Exceptionnellement : au stade de transformation aiguë, la phase chronique étant passée

inaperçue.

3.3.2.2.2. Examen clinique Splénomégalie : présente dans 50% des cas, souvent volumineuse, mobile avec la respiration, occupant le quadrant abdominal supérieur gauche (elle doit être mesurée). Confirmée par échographie si elle est discrète. Hépatomégalie : plus rare et modérée. Pas d’adénopathies.

3.3.2.3. Signes biologiques

3.3.2.3.1. L’hémogramme Les globules blancs : hyperleucocytose :

- souvent supérieure à 100 x 109/l (généralement entre 100 et 300) - parfois modérée (inférieure à 30 x 109/) lors d’une découverte systématique Formule : 90 à 95% d’éléments granuleux : polynucléaires neutrophiles (30 à 40%), éosinophiles (5 à 10%)

Myélémie : - passage dans le sang de cellules immatures (10 à 15%) - d’autant plus importante que la leucocytose est élevée - constituée surtout de métamyélocytes et de myélocytes, de quelques promyélocytes et de rares

myéloblastes (moins de 5%)

Page 70: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 70/192

- La morphologie de ces éléments granuleux est normale.

Les hématies : Le nombre de globules rouges est généralement normal, mais il peut exister une anémie (normocytaire) modérée. Il n'y a pas d'altération morphologique des hématies.

Les plaquettes : Une thrombocytose modérée (500 à 800 x 109/l) est fréquente. Une thrombocytose importante (> à 800 x 109/l) ou une thrombopénie sont rares.

3.3.2.3.2. Le myélogramme Il confirme le syndrome myéloprolifératif en montrant une moelle très riche avec hyperplasie de la lignée granuleuse (90 à 95% des éléments nucléés), équilibrée (tous les stades de maturation présents). Il existe également une hyperplasie mégacaryocytaire. En revanche les érythroblastes sont très diminués en pourcentage (0,5%) de même que les lymphocytes (1 à 2%). Surtout il permet la réalisation d’un caryotype.

3.3.2.3.3. La biopsie médullaire (peu d’intérêt pour le diagnostic) Confirme le syndrome myéloprolifératif : hypercellularité par hyperplasie granuleuse et mégacaryocytaire, avec disparition des vésicules adipeuses. Fibrose le plus souvent absente ou modérée (20 à 30% des cas).

3.3.2.3.4. Le caryotype Il est effectué sur cellules médullaires ou éventuellement sanguines si la myélémie est importante, car il nécessite des cellules en division (donc immatures) pour obtenir des métaphases. Il met en évidence le chromosome Ph avec translocation standard dans la très grande majorité des cas. Dans 5% des cas, il existe une translocation variante (chromosome 22q sur un chromosome autre que le 9) ou complexe (impliquant plusieurs chromosomes), voire un caryotype normal : intérêt alors des études en FISH. En outre il permet éventuellement de détecter des anomalies supplémentaires.

3.3.2.3.5. La biologie moléculaire Elle peut être réalisée directement sur le sang. Elle s’effectue par PCR (Polymerase Chain Reaction) après conversion de l’ARN en ADN complémentaire par la reverse-transcriptase (d’où le nom de RT-PCR). Elle met en évidence, à partir de l’ARN des cellules tumorales, le transcrit de fusion bcr-abl : de type M b2-a2 ou b3-a2. La majorité des formes Ph- sont bcr-abl+.

3.3.2.3.6. Les autres signes biologiques Certains sont classiques mais non nécessaires au diagnostic :

- Le taux des phosphatases alcalines leucocytaires (PAL), mesuré par étude cytochimique des polynucléaires sanguins, est effondré ;

- Il existe une augmentation du taux sanguin de la vitamine B12 ; - Le taux de LDH est très élevé ; - Elévation modérée du lysozyme sanguin, hyperhistaminémie ;

Page 71: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 71/192

- L'exploration fonctionnelle des plaquettes peut montrer l'existence d'une thrombopathie

acquise. Par contre, intérêt de : hyperuricémie et hyperuraturie qui sont fréquentes et peuvent requérir

un traitement spécifique.

3.3.2.4. Evolution La LMC évolue naturellement en 3 phases

3.3.2.4.1. Phase chronique La maladie est le plus souvent bénigne sur le plan clinique. Le traitement fait régresser splénomégalie, hyperleucocytose et myélémie, ainsi que le chromosome Ph dans le sang. Au myélogramme, l’hypercellularité diminue mais la fibrose se développe dans 30 à 40 % des cas. Une stabilisation de durée variable est obtenue, mais il n’y a pas de rémission vraie : le chromosome Ph persiste dans la moelle, et le transcrit bcr-abl est pratiquement toujours détecté dans le sang. Les complications sont exceptionnelles, ne survenant qu’en l’absence de traitement :

- thromboses veineuses (rate, rétine, membres inférieurs, corps caverneux avec priapisme) liées à l’hyperleucocytose et parfois à une hyperplaquettose.

- leucostase dans les fortes hyperleucocytoses : insuffisance respiratoire, signes neurologiques

- hyperuricémie avec risque de crise de goutte, de lithiase.

3.3.2.4.2. Phase d’accélération Elle précède la transformation aiguë dans 60 à 70% des cas, et dure en moyenne 18 mois. On observe une résistance progressive au traitement. Cliniquement: l’état général s’altère (fatigue, fièvre) et la rate augmente de volume. Biologiquement : l’hyperleucocytose réapparaît et augmente (avec un raccourcissement du temps de doublement) avec une basophilie ; les plaquettes augmentent également ; il apparaît une anémie, et une élévation du score des PAL. Au myélogramme il existe une augmentation de la blastose (10 à 30%) mais la maturation persiste. Le caryotype révèle souvent des anomalies additionnelles (duplication du chromosome Ph, isochromosome 17q, trisomie 8) de mauvais pronostic (signe d’évolution clonale). La modification du traitement peut entraîner un retour à la phase chronique mais de courte durée.

3.3.2.4.3. Transformation aiguë C’est le mode naturel de terminaison de la maladie, en moyenne au bout de 3 à 5 ans, mais avec des extrêmes allant de moins de 1 an à 10-15 ans. Elle est précédée ou non d’une phase d’accélération.

Signes cliniques : Altération de l’état général, fièvre, sueurs nocturnes, hémorragies, douleurs osseuses, syndrome hémorragique. A l'examen : splénomégalie souvent importante, hépatomégalie. Il peut exister des foyers tumoraux blastiques extra-médullaires : vertébraux (compression médullaire), méningés, ganglionnaires, spléniques, pleuraux, cutanés. Ces foyers peuvent être isolés et seule la ponction ou la biopsie en permettent le diagnostic. La généralisation médullaire et sanguine apparaît secondairement en quelques semaines ou mois.

Signes biologiques :

Page 72: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 72/192

- NFS : le chiffre des globules blancs est variable, de même que le pourcentage des blastes sanguins ; il existe des anomalies morphologiques des polynucléaires neutrophiles. Apparition de signes d’insuffisance médullaire : anémie, thrombopénie fréquente (thrombocytose rare)

- Augmentation des PAL - Le myélogramme, indispensable, montre plus de 30% de blastes qu’il faut typer (cytologie,

cytochimie, immunophénotypage) : - dans 70% des cas, la TA se fait sous une forme myéloïde (LA myéloblastique,

myélomonocytaire, monocytaire) ; elle peut associer plusieurs catégories cellulaires (myéloblastes, mégacaryoblastes, érythroblastes)

- dans 25% des cas, il s’agit de leucémies aiguës lymphoblastiques de la lignée B, exceptionnellement de la lignée T

- dans 5% des cas, il s’agit de formes indifférenciées, ou encore mixtes (myéloïde + lymphoïde).

- Le caryotype montre souvent des anomalies surajoutées au chromosome Ph.

Evolution : le pronostic est très mauvais : si une rémission peut être obtenue (notamment en cas de transformation lymphoïde), la maladie est chimio-résistante et la greffe de moelle allogénique n’améliore guère le pronostic

3.3.2.5. Formes cliniques Formes sub-leucémiques (GB < 20 x 109/l) Formes à leucocytose cyclique Formes à éosinophiles, à basophiles Formes avec thrombocytose : "thrombocytémie essentielle" avec chromosome Ph Formes transformées d'emblée Formes bcr-abl- : très rares, RT-PCR négative en raison de points de cassure différents; intérêt

du caryotype avec études en FISH Leucémie myéloïde chronique à polynucléaires neutrophiles : rare, elle touche surtout le sujet

âgé et elle réalise un tableau plus bénin et d’évolution plus longue. Elle est caractérisée au niveau moléculaire par un point de cassure différent (µ-bcr) entre les exons 19 et 20, et la production d’une protéine de fusion plus longue (p230).

3.3.2.6. Diagnostics différentiels Ne se pose pas dans les hyperleucocytoses supérieures à 100 x 109/l avec myélémie (sans blastose) et splénomégalie.

3.3.2.6.1. Hyperleucocytose + myélémie Fausse polynucléose : érythroblastose et cryoglobulinémie ; Polynucléose physiologique : à la naissance, au cours de la grossesse, post-effort et post-

prandiale. Infections : bactériennes, aiguës ou chroniques, localisées (suppurations profondes ++) ou

généralisées (remarque : la polynucléose peut exister en absence de fièvre; rechercher un foyer infectieux latent) ; tuberculose des organes hématopoïétiques.

Maladies malignes (surtout en cas de métastase médullaire) : cancers (en particulier bronchique, gastrique, pancréatique) ; lymphomes.

Syndromes inflammatoires : maladies systémiques (polyarthrite rhumatoïde notamment) ;

Page 73: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 73/192

maladies métaboliques et endocriniennes (insuffisance rénale, crise de goutte, maladie de Cushing, acidose diabétique) ; nécroses tissulaires (traumatisme, brûlure, infarctus, pancréatite) ; cirrhose du foie.

Régénération médullaire : phase de réparation des agranulocytoses ; plus rarement après hémolyse, hémorragie.

Médicaments et toxiques : corticoïdes surtout, mais aussi lithium, héparine, adrénaline, oxyde de carbone, benzène, plomb, mercure

Tabac (cause fréquente) : polynucléose modérée, sans myélémie, régressive après plusieurs mois d’arrêt.

3.3.2.6.2. Autres syndromes myéloprolifératifs Splénomégalie myéloïde :

- souvent sujet plus âgé ; - splénomégalie et myélémie, mais leucocytose moins importante, érythroblastose,

poïkilocytose marquée, score des PAL élevé ; - pas de chromosome Ph, ni de réarrangement bcr-abl ; - myélofibrose et métaplasie myéloïde de la rate.

Thrombocytémie essentielle (quand les plaquettes sont élevées) : - hyperleucocytose modérée, myélémie modeste, plaquettes souvent très élevées (plus

de 1000 x 109/l) ; - pas de chromosome Ph, ni de réarrangement bcr-abl, - mais une LMC peut débuter par une prolifération mégacaryocytaire : intérêt de la

détection du chromosome Ph Maladie de Vaquez :

- hyperleucocytose et myélémie modérées, polyglobulie dominante ; - moelle : hyperplasie globale à prédominance érythroblastique et mégacaryocytaire ; - pas de chromosome Ph, ni de réarrangement bcr-abl ; - mais là aussi une authentique LMC peut débuter par une prolifération

érythroblastique

3.3.2.6.3. Leucémies myélomonocytaires chroniques (LMMC) LMMC du sujet âgé :

- classée parmi les myélodysplasies - splénomégalie et leucocytose modérée (20 à 30 x 109/l) avec PN neutrophiles, sans

basophilie, et myélémie modérée (< 10%) ; mais surtout il y a une monocytose franche (>10%); il existe souvent anémie et thrombopénie.

- myélogramme: hyperplasie granuleuse avec signes de dysmyélopoïèse, excès de cellules immatures, érythroblastose (>15%) et composante monocytaire

- lysozyme sérique très élevé - pas de chromosomes Ph, ni de réarrangement bcr-abl

LMMC du jeune enfant : - fièvre, infections récidivantes, syndrome hémorragique - hépatosplénomégalie, adénopathies, infiltrats cutanés - hyperleucocytose (20 à 50 x 109/l) avec polynucléose, monocytose, myélémie; anémie

et thrombopénie fréquentes - myélogramme : aspect semblable à celui de la LMC de l'adulte - augmentation du lysozyme, de l'hémoglobine F, modification des antigènes de groupe

érythrocytaire, hypergammaglobulinémie - pas de chromosomes Ph, ni de réarrangement bcr-abl (mais il existe de rares formes

Page 74: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 74/192

de LMC Ph+ chez l’enfant)

3.3.2.6.4. Leucémies aiguës (pour les TA d’emblée) LAL à Ph+ (très rarement LAM Ph+) En faveur d’une LMC acutisée :

- rate volumineuse - basophilie, myélémie - caryotype : absence de mosaïcisme Ph+ / Ph- - si remise en rémission: aspect de phase chronique avec persistance du chromosome

Ph+ (qui disparaît dans les LA).

3.3.2.7. Traitement

3.3.2.7.1. Traitement symptomatique Traitement prophylactique de l’hyperuricémie en début de traitement : allopurinol, hyperdiurèse, alcalinisation des urines. Cytaphérèse en cas de leucostase.

3.3.2.7.2. Chimiothérapie : hydroxyurée (Hydréa) C’est un inhibiteur de synthèse de l’ADN ; il n’agit que sur les précurseurs différenciés, il est donc peu toxique. Dose (0,5 - 2g/jr per os) adaptée à la leucocytose, puis traitement d’entretien. C'est un traitement palliatif: il permet de normaliser la leucocytose et de faire régresser la splénomégalie; il n’entraîne pas de réponse cytogénétique médullaire ; il améliore la qualité de vie mais ne prolonge pas la survie ni le délai de transformation aiguë. C’est le traitement optimal chez le sujet âgé en raison de son efficacité clinique et de sa bonne tolérance. Effets secondaires : troubles cutanéo-muqueux (sécheresse, aphtes buccaux), parfois ulcères chroniques de jambes, cytopénie, nausées.

3.3.2.7.3. Interféron alpha recombinant Il est administré en sous-cutané (5.000.000 unités /m2 par jour). Il permet d’obtenir une rémission clinique et hématologique (en quelques mois); dans 20 % des cas il permet même d’obtenir une rémission cytogénétique complète. Cependant une maladie résiduelle reste presque toujours détectable en PCR. L’interféron permet d’augmenter la survie des malades (médiane de survie : 6 ans) Le traitement doit être poursuivi indéfiniment. Il est souvent mal toléré : syndrome pseudo-grippal, sécheresse cutanée, perte de la libido, myalgies, thrombopénie; parfois manifestations plus sévères : syndrome dépressif, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, hépatotoxicité, hypothyroïdie C'est le traitement de référence chez les sujets entre 50 et 70 ans

3.3.2.7.4. STI 571 Inhibiteur de la tyrosine kinase, ce traitement semble très prometteur et est actuellement testé chez des patients intolérants ou résistants à l'interféron. Il agit en inhibant Abl tyrosine Kinase et entraîne la mort par apoptose de la cellule leucémique.

Page 75: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 75/192

3.3.2.7.5. Allogreffe de moelle

C’est le seul traitement permettant d’obtenir une guérison. Il s’effectue après conditionnement (chimiothérapie à hautes doses plus ou moins irradiation) à partir d’un donneur de la fratrie HLA-compatible ou d’un donneur volontaire non apparenté phéno-identique. Ce traitement est grevé d’une importante mortalité (environ 30%): infections, réactions du greffon contre hôte (GVH), pneumopathies interstitielles. Il est donc réservé aux sujets de moins de 50 ans ; environ 15 à 20% des malades, voire 30 % avec les greffes non apparentées, peuvent en bénéficier. Il doit être effectué précocement (en phase chronique) Il permet d’obtenir des rémissions moléculaires prolongées: 50 à 70 % de survie à 10 ans avec les greffes HLA-identiques de la fratrie (40 à 60% à 5 ans en cas de greffes HLA-phéno-identiques non relatées). Une surveillance régulière par PCR permet de détecter une rechute précoce: une nouvelle rémission clinique peut alors être obtenue par transfusion de lymphocytes du donneur (effet antitumoral GVL)

3.3.2.7.6. Autogreffe de cellules souches périphériques Dans la mesure où il existe des cellules souches chromosome Ph-, celles-ci peuvent servir à reconstituer une hématopoïèse normale. Les cellules souches d'origine médullaire sont mobilisées dans le sang après chimiothérapie et facteur de croissance (G-CSF). Ces greffes permettent une survie prolongée, mais la majorité des patients gardent des métaphases avec chromosome Ph. Elles sont indiquées en cas d'allogreffe impossible ou d'échec de l'interféron.

3.3.2.7.7. Traitement des TA Chimiothérapies conventionnelles des LA. Allogreffe de moelle parfois possible mais résultats médiocres (10% de survie à 5 ans). Autogreffe de cellules souches (collectionnées en phase chronique) : permet d'obtenir une seconde phase chronique, mais de courte durée.

3.3.2.8. Pour en savoir plus Tanzer J, Guilhot F. Leucémie myéloïde chronique. In : L'Hématologie de Bernard Dreyfus. Paris: Flammarion Médecine-Sciences 1992 : 619-50. Guilhot F. Diagnostic et traitement des hémopathies malignes comportant un réarrangement bcr-abl. Hématologie 1995, 2 : 133-44. Sawyers CL. Chronic Myeloid Leukemia. N Engl J Med 1999, 340 : 1331-40.

Page 76: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 76/192

Page 77: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 77/192

3.3.3. Les polyglobulies La polyglobulie vraie est définie par l’augmentation du volume globulaire total (mesure isotopique de la masse sanguine). La polyglobulie est dite relative lorsque l’augmentation du nombre des globules rouges et l’augmentation de l’hématocrite et de l’hémoglobine s’associent à un volume globulaire total non augmenté : il s’agit alors d’une hémoconcentration. Si l’hématocrite est supérieur à 58 %, on peut considérer qu’il s’agit d’une polyglobulie vraie et il n’est pas nécessaire de pratiquer la mesure de la masse sanguine. Bien à part, les fausses polyglobulies avec augmentation du nombre des globules rouges mais sans augmentation de l’hémoglobine ni de l’hématocrite : ce contraste témoigne d’une microcytose importante et est observé aux cours des thalassémies mineures. Les polyglobulies vraies peuvent être :

Primitives : maladie de Vaquez Secondaires à une activité érythropoïétique élevée du sérum.

3.3.3.1. Polyglobulie primitive Il s’agit d’une prolifération monoclonale de l’ensemble des lignées myéloïdes (syndrome myéloprolifératif) qui prédomine sur la lignée érythroblastique. Les précurseurs érythroblastiques peuvent pousser sans adjonction d’érythropoïétine (Epo) dans le milieu de culture. Les dosages d’Epo plasmatique sont normaux ou bas. La maladie s’observe chez l’adulte mûr : âge moyen 60 ans. Elle est rare avant 40 ans (- de 5 % des cas) et exceptionnelle chez l’enfant. Le diagnostic de polyglobulie est souvent évoqué devant une érythrose faciale indiquant la réalisation d’un hémogramme. Parfois, c’est une complication liée à l’hyperviscosité sanguine qui est révélatrice : complications neurologiques en particulier (céphalées, vertiges, paresthésies, voire amaurose ou AVC) ou plus rarement thrombose du système porte ou des veines sus hépatiques. L’interrogatoire retrouve dans presque la moitié des cas un prurit à l’eau très évocateur du diagnostic de polyglobulie primitive. A l’examen, peu de choses à noter en dehors de l’érythrose et d’une splénomégalie cliniquement perceptible chez 50 % des malades et à rechercher sinon systématiquement par l'échographie.

3.3.3.1.1. Signes biologiques Hémogramme : typiquement, l’hématocrite est entre 55 et 65 %, et l’hémoglobine entre 18 et

20 g. Il existe fréquemment une polynucléose et une hyperplaquettose supérieure à 400 000. Biopsie médullaire : si elle était réalisée, elle montrerait une hyperplasie des trois lignées avec

une diminution des zones graisseuses. EPO : elle est le plus souvent abaissée, parfois normale. La culture des précurseurs

érythroblastiques médullaires peut se faire spontanément sans adjonction d’Epo ; La vitaminémie B12 est élevée du fait d’une augmentation des transcobolamines I et III ; La vitesse de sédimentation est toujours très basse Surtout le caractère primitif de la polyglobulie est affirmé sur la mise en évidence de la

mutation V 617 F du gène JAK-2, présente chez plus de 95% des polyglobulies primitives. A noter, que cette mutation est également retrouvée dans la moitié des thrombocytémies essentielles et des myélofibroses primitives.

3.3.3.1.2. Complications

vasculaires : elles étaient la cause la plus fréquente de décès lorsque les malades étaient non ou mal traités.

Page 78: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 78/192

L’association d’un hématocrite élevé et d’une hyperplaquettose génère une hyperviscosité sanguine. Ces complications peuvent encore se voir, révélatrices : thrombose artérielle des membres, cérébrale, rétinienne, coronarienne, thrombose veineuse profonde : thrombose portale, syndrome de Budd-Chiari.

Hématologiques : l’évolution de la maladie de Vaquez peut se faire après plusieurs années, vers une myélofibrose avec une diminution de la polyglobulie puis une anémie, thrombopénie… Cette myélofibrose s’associe en règle générale à une augmentation du volume splénique. Le tableau est alors celui d’une myélofibrose primitive (splénomégalie myéloïde). Le traitement de fond de la maladie (hydroxyurée ou pipobroman) devrait éviter ou, du moins, retarder cette évolution.

L’évolution vers une myélodysplasie et une leucémie aiguë peut s’observer jusque dans 15 à 20 % des cas. La responsabilité du traitement par le P32 et certains agents alkylants (qui ne doivent plus être utilisés actuellement) peut être mise en cause puisque avec d’autres traitements moins agressifs (hydroxyurée), la survenue de ce type de complications n’excède pas 3 à 5 % des cas.

3.3.3.1.3. Traitement

Le traitement d’attaque repose sur les saignées. Ce traitement doit être fait en urgence pour éviter les complications vasculaires. Des saignées de 250 à 400 cc doivent être faites tous les 2 à 3 jours jusqu’à ramener l’hématocrite en dessous de 45 %. Les saignées ne représentent pas un traitement de fond. Elles peuvent à la longue accélérer l’évolution vers la myélofibrose.

Le traitement de fond doit également être mis en route. Il s’agit : de l’hydroxyurée (Hydréa) qui va freiner l’hématopoïèse et en particulier l’érythropoïèse.

La dose d’attaque est de 2 à 4 gélules/24 h., la dose d’entretien est de 1 à 2 gélules/24 h. L’hémogramme doit être surveillé de façon régulière afin de vérifier que les polynucléaires et les plaquettes restent dans des limites acceptables. Il faut noter la rapidité mais aussi la courte rémanence d’action de l’hydroxyurée. Chez tous les patients, l’hydroxyurée provoque une importante macrocytose (jusqu’à 130 μ3) : on peut donc observer une chute très importante des érythrocytes sans chute associée de l’hématocrite et de l’hémoglobine. Cette anomalie est sans conséquence mais doit être connue. En revanche, des problèmes cutanés (ulcères des membres inférieurs) ou muqueux (aphtose buccale) peuvent être observés chez 5 à 10% des malades même après de longues années de traitement.

du pipobroman (Vercyte) : il s’agit d’une alternative possible à l’hydroxyurée en cas de mauvaise tolérance de celui-ci.

Le radiophosphore (P32) n’est pratiquement plus utilisé du fait du risque leucémogène très élevé. Comme au cours de tous les syndromes myéloprolifératifs, il y a une hyperproduction d’urates et, au début du traitement au moins, il convient de prescrire de l’allopurinol.

3.3.3.2. Polyglobulies secondaires (à une sécrétion excessive d’EPO)

3.3.3.2.1. Polyglobulie par hypoxie tissulaire L’hypoxie peut être secondaire à une hypoxémie avec diminution de la saturation en oxygène (en

règle inférieure à 92 %) : - insuffisance respiratoire chronique, - cardiopathie cyanogène avec shunt droit/gauche, - polyglobulie d’altitude,

Page 79: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 79/192

- il faut savoir penser à une hypoxémie intermittente chez les obèses, ronfleurs, présentant des apnées du sommeil.

Hypoxie sans hypoxémie : - polyglobulie du tabagisme liée à une oxycarbonémie chronique, - défaut de libération de l’oxygène par l’hémoglobine, lié à une hyper affinité de

l’hémoglobine pour l’oxygène (la P50 est diminuée) : cette anomalie exceptionnelle peut être liée à une anomalie structurale de l’hémoglobine ou un déficit en 2-3 DPG mutase.

3.3.3.2.2. Polyglobulie par sécrétion inappropriée d’érythropoïétine

Tumeurs : devant une polyglobulie inexpliquée avec EPO élevée, il convient de rechercher systématiquement (imagerie) un cancer du rein ou du foie ou, plus exceptionnellement, un hémangioblastome du cervelet.

La cause de l’hypersécrétion d’érythropoïétine peut être une hypoxie locale rénale (sans hypoxie systémique) comme cela est observé dans certains cas de sténose de l’artère rénale, d’hydronéphrose, de kystes rénaux volumineux ou de polykystose rénale.

3.3.3.2.3. Traitement

En cas de tumeur, le traitement de la cause sera le traitement de la polyglobulie. Il peut cependant être utile, en urgence, de réaliser des saignées. Lorsque la polyglobulie est secondaire à une hypoxie, elle peut être considérée comme une adaptation éventuellement à respecter. Il faut cependant considérer que le risque lié à l’hyperviscosité est délétère et peut aggraver la cause de l’hypoxie (troubles de la microcirculation pulmonaire). On convient généralement que des saignées répétées doivent maintenir l’hématocrite en dessous de 55 % chez les insuffisants respiratoires chroniques et les patients atteints de cardiopathie cyanogène en particulier. La carence martiale induite par les saignées répétées est éventuellement à respecter (elle inhibe l’érythropoïèse et permet d’espacer ces saignées). Se méfier cependant d’une hyperplaquettose secondaire à la carence martiale pouvant aggraver la viscosité.

Critères diagnostiques proposés par le Polycythemia Vera Study Group

Groupe A

A1

A2

A3

VGM > 36 ml/kg chez l’homme VGM > 32 ml/kg chez la femme

Saturation artérielle en O2 > 92 %

Splénomégalie

Groupe B

B1

B2

B3

B4

en absence d’infection

Plaquettes > 400 000/mm3

GB > 120 000/mm3

Score des PAL > 100

B12 sérique > 900 pg/ml

A1+A2+A3 ou A1+A2+ 2 critères du groupe B

Page 80: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 80/192

Arbre diagnostique dans les polyglobulies

JAK-2 JAK-2

Page 81: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 81/192

3.3.4. L’hyperéosinophilie

3.3.4.1. Définition L’hyperéosinophilie est définie par la présence de plus de 600/mm3 polynucléaires éosinophiles circulants, constatée sur plusieurs numérations successives. On distingue les éosinophilies :

- discrètes : de 600 à 1 500/mm3, - modérées : de 1 500 à 5 000/mm3, - élevées : plus de 5 000/mm3.

Les causes d’hyperéosinophilies sont nombreuses, mais les deux plus fréquentes sont les allergies et les parasitoses. Toute éosinophile élevée et durable peut entraîner des lésions tissulaires, en particulier cardiaques.

3.3.4.2. Physiopathologie

3.3.4.2.1. Structure Le polynucléaire éosinophile est une cellule de 12-17 µm3 possédant des granules « éosinophiles » (jaune orangé), visibles sur un frottis coloré au May-Grünwald-Giemsa, contenant des enzymes (protéine basique majeure, arylsulfatase, phospholipase D, lysophospholipase, histamine-oxydase). Le terme « éosinophile » provient de la coloration caractéristique obtenue avec les dérivés de l’éosine,

3.3.4.2.2. Ontogenèse Les polynucléaires éosinophiles sont produits dans la moelle osseuse et dérivent d’un précurseur commun à toutes les cellules de la lignée myéloïde. Leur différenciation est dépendante de facteurs solubles appelés cytokines (IL-3, IL-5, GM-CSF), en particulier de l'IL-5 produite par les lymphocytes T-Helper (Th-2). Après leur maturation, les polynucléaires éosinophiles circulent dans le sang de manière transitoire (1/2 vie de 4 à 5 h.) et gagnent les tissus, notamment la peau, les poumons, le tube digestif (1/2 vie 8 à 12 jours). Ainsi le pool d’éosinophiles tissulaires est beaucoup plus important que le pool sanguin (100 à 300 fois plus). Le nombre habituel d’éosinophiles circulants se situe entre 20 et 200/mm3, Certains médicaments comme les corticoïdes peuvent diminuer le nombre d’éosinophiles circulants.

3.3.4.2.3. Fonctions Défense contre les agents infectieux : les polynucléaires éosinophiles peuvent détruire les œufs

et larves de certains parasites, essentiellement les Helminthes. Ils ont également une activité bactéricide accessoire (moins efficace que celle des polynucléaires neutrophiles).

Modulation des réactions inflammatoires et d’hypersensibilité : l’éosinophile intervient particulièrement dans les réactions d’hypersensibilité immédiate (anaphylaxie) dépendante des IgE. En collaboration avec d’autres cellules (mastocytes, basophiles, lymphocytes) les polynucléaires éosinophiles sont attirés vers les sites lésionnels, sous l’influence de nombreux facteurs chimiotactiques libérés par les bactéries, le système du complément, les mastocytes et les lymphocytes activés ; ils libèrent des médiateurs de la réaction inflammatoire et anaphylactique stockés dans leurs grains. Ces produits modulent la réaction allergique, notamment en inhibant les facteurs d’origine mastocytaire responsables de manifestations pathologiques.

Toxicité : en cas d’éosinophilie importante et prolongée, les substances libérées peuvent entraîner des lésions tissulaires, principalement cardiovasculaires (lésions endothéliales, contraction des fibres musculaires lisses) mais aussi broncho-pulmonaires et neurologiques, pouvant mettre en jeu le pronostic vital.

Page 82: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 82/192

Les complications les plus fréquentes sont : - cœur : (1° cause de mortalité) insuffisance cardiaque à petit cœur, insuffisance valvulaire, fibrose myocardique - système nerveux : AVC, troubles de la conscience, neuropathie périphérique - peau : rash, prurit, angio-œdème, ulcérations, nodules - poumon : épanchement pleural, infiltrats - rein : protéinurie, cylindrurie - digestif : diarrhée, nausées, douleurs, ascite - œil : baisse de l’acuité visuelle

3.3.4.3. Causes des hyperéosinophilies (cf annexe 1)

3.3.4.3.1. Allergies

Elles sont les causes les plus fréquentes d’hyperéosinophilie dans les pays industrialisés. Il s’agit le plus souvent de réactions allergiques de type I, dites anaphylactiques, provoquées par la sensibilisation de sujets présentant souvent une prédisposition héréditaire à certaines substances. Rentrent dans ce cadre d’affections : - l’asthme atopique - l’eczéma constitutionnel - l’urticaire - les rhinites et sinusites allergiques - la trachéo-bronchite spasmodique. L’éosinophilie est généralement modérée (inférieure à 2 000/mm3) ; cependant, elle peut être importante dans les affections aiguës. Elle peut disparaître en cas de surinfection bactérienne ou de traitement par corticoïdes.

3.3.4.3.2. Parasitoses cf. annexe 1 (p.104) Elles sont les causes les plus fréquentes d'hyperéosinophilies dans le monde en dehors des pays industrialisés. Seules les parasitoses où le parasite a un contact tissulaire, c’est à dire les Helminthiases essentiellement, provoquent une hyperéosinophilie.

L’hyperéosinophilie est variable selon : - le cycle parasitaire : elle est importante pendant la phase intra tissulaire ; - le temps : l’éosinophilie suit classiquement une courbe dite de Lavier avec : latence, puis

augmentation rapide pour atteindre un maximum en quelques jours ou quelques semaines, puis diminution d’abord rapide puis lente aboutissant en quelques semaines à une stabilisation ;

- l’espèce parasitaire - la sensibilité individuelle, les antécédents allergiques ; - la prise de médicaments (corticoïdes), une surinfection bactérienne.

Elle peut s’accompagner d’un syndrome de Löffler, réaction d’hypersensibilité liée à la migration pulmonaire de certains parasites. Il s’agit d’une pneumopathie associant des manifestations cliniques modérées (toux, dyspnée, bronchospasmes, fièvre) à des opacités pulmonaires (infiltrats non systématisés) d’évolution rapide.

Etiologies du syndrome de Löffler Ascaris

Ankylostome Anguillule

Larva Migrans

Page 83: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 83/192

Les IgE totales sont très souvent élevées, leur normalité doit remettre en cause le diagnostic de parasitose.

3.3.4.3.3. Médicaments De nombreux médicaments (cf. tableau) sont responsables de manifestations allergiques,

immédiates ou retardées. L’hyperéosinophilie est d’importance variable (1 000 à 10 000/mm3). Diverses manifestations peuvent s’y associer : fièvre, éruption cutanée, atteinte pulmonaire ("poumon éosinophile"), hépatique (hépatite cytolytique ou cholestatique), rénale (néphropathie glomérulaire ou interstitielle).

Certains médicaments entraînent régulièrement une hyperéosinophilie, en dehors de toute réaction allergique : extrait de foie, allopurinol, hydantoïne, facteur de croissance granulo-monocytaire (GM-CSF).

Enfin, le syndrome " éosinophilie-myalgies " est associé à la consommation de produit contenant du L–tryptophane

Hyperéosinophilie et médicaments

Antibiotiques : pénicillines (1%) - PE* céphalosporines érythromycine nitrofurantoïne - PE* sulfamides - PE* tétracyclines - PE* rifampicine - PE* isoniazide (1%) PAS - PE*

Antifongiques – Antiparasitaires : amphotéricine B (32%) flucytozine niridazole - PE*

Psychotropes : imipraminiques (4%) - PE* phénothiazines - PE*

Anti-épileptiques : barbituriques diphénylhydantoïne carbamazépine (30%) - PE*

Antidiabétiques oraux : chlorpropamide - PE* tolbutamide - PE*

Cytotoxiques : bléomycine - PE* méthotrexate - PE* procarbazine - PE*

Antalgiques – Anti-inflammatoires : aspirine - PE* phénylbutazone - PE* clométacine naproxène - PE*

Divers : amiloride allopurinol sels d’or (9-47%) - PE* anticoagulants dérivés de l’indanédione méthyldopa D-pénicillamine cromoglycate de sodium - PE* béclométasone - PE* halothane potassium fer produits iodés L-tryptophane

poumons éosinophiles

D’origine parasitaire : syndrome de Löffler éosinophilie tropicale Larva migrans

D’origine médicamenteuse : aspergillose bronchopulmonaire allergique associé aux vascularites granulomatose bronchocentrique éosinophilie pulmonaire chronique syndrome de Löffler idiopathique syndrome hyperéosinophilique

* PE = poumon éosinophile

Page 84: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 84/192

Le DRESS syndrome (Drug Rash Eosinophilia and Systemic Symptoms) est de description récente, il est caractérisé par : - cliniquement : fièvre, éruption, adénopathies périphériques - biologiquement : risque d’hépatite fulminante et d’insuffisance rénale aiguë (par néphropathie interstitielle immuno-allergique) - une apparition 2 à 8 semaines après la prise médicamenteuse - médicaments en cause : anti-épileptiques, disulone, sulfamides, allopurinol

3.3.4.3.4. Maladies systémiques Dans certaines maladies systémiques l’hyperéosinophilie est un élément important du tableau

clinique : - fasciite nécrosante (syndrome de Shulmann) - périartérite noueuse - syndrome de Churg et Strauss

- Wegener

Dans d’autres pathologies systémiques, une hyperéosinophilie peut se voir mais est moins importante et passe au second plan : lupus, polyarthrite rhumatoïde, sclérodermie, sarcoïdose, …

3.3.4.3.5. Cancers et hémopathies

Cancers : Une hyperéosinophilie, généralement modérée, peut être observée au cours de nombreux types de cancers, en particulier les tumeurs digestives, des bronches, du sein, de l’utérus et du rein. Elle est considérée comme un facteur de mauvais pronostic car souvent associée à des cancers nécrosés ou métastatiques.

Hémopathies : - Syndromes myéloprolifératifs chroniques : l’hyperéosinophilie est fréquente au cours de la

leucémie myéloïde chronique, et d'intensité variable (elle s'accompagne de basophilie et myélémie) ; elle peut se voir également dans les autres syndromes myéloprolifératifs chroniques ;

- Leucémies aiguës myéloïdes : l’hyperéosinophilie se voit au cours de certains types de LAM, notamment les LAM-4 avec inversion du chromosome 16, et les LAM-2 avec translocation chromosomique t(8;21) ;

- Lymphome de Hodgkin : l’hyperéosinophilie est classique, inconstante et souvent modérée ; - Lymphomes non Hodgkiniens : une hyperéosinophilie importante (et parfois révélatrice)

peut être retrouvée au cours de certains lymphomes, de phénotypes T en particulier ; - Leucémies à éosinophiles : rares, elles peuvent se développer sur un mode chronique ou

aigu.

3.3.4.3.6. Maladies diverses Dermatoses : une hyperéosinophilie peut se voir dans de nombreuses infections cutanées

(pemphigus, pemphigoïde bulleuse, psoriasis…).

Maladies pulmonaires : une infiltration parenchymateuse, associée ou non à une hyperéosinophilie sanguine, réalise le tableau de "poumon éosinophile". Outre les affections parasitaires, allergiques et les vascularites, signalons deux autres causes :

- l’aspergillose broncho-pulmonaire allergique, avec éosinophilie importante et variable (500 à 10 000/mm3) ;

Page 85: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 85/192

- la pneumonie éosinophilique chronique de Carrington (avec dyspnée, hémoptysie, altération de l’état général, et à la radiographie opacités périphériques floues bilatérales).

Affections digestives : - les entéropathies chroniques (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique, maladie de

Whipple) peuvent s’accompagner d’une hyperéosinophilie ; - la gastroentérite à éosinophiles, maladie rare, est caractérisée par une infiltration

diffuse du tube digestif par des éosinophiles ; ceux-ci s’observent fréquemment dans le sang et parfois dans certaines cavités (ascite, pleurésie) ;

- la cholangite sclérosante primitive s’accompagne d’hyperéosinophilie modérée dans un quart des cas.

Toxiques : - radiations ionisantes (exposition professionnelle ou irradiation thérapeutique) ; - intoxication chronique (sulfate de cuivre, phosphore, vapeur de mercure, benzène,

nickel) ; - hémodialyse.

Hyperéosinophilie familiale : transmise sur le mode autosomique dominant

3.3.4.3.7. Syndrome hyperéosinophilique Il touche l’homme jeune, et comporte une hyperéosinophilie isolée parfois considérable, d’évolution chronique (> 6 mois). Les manifestations cliniques sont liées aux lésions tissulaires provoquées par les éosinophiles :

- atteintes cardiaques : fibrose endomyocardique avec lésions des valves, thromboses et embolies artérielles, insuffisance cardiaque, nécrose myocardique ;

- atteintes neurologiques : surtout à type de neuropathie périphérique ; - hépatosplénomégalie ; - manifestations pulmonaires (fibrose), digestives, articulaires.

Le pronostic est sombre en absence de traitement (prednisone, hydroxyurée). Les progrès récents ont permis d’identifier 3 principaux groupes étiologiques : - pathologie myéloïde maligne (30%) - pathologie lymphoïde maligne (30%) - idiopathique (40%) Un gène de fusion résultant d’une délétion interne au chromosome 4 (FIP1L1-PDGFRα) est responsable, selon les études, de 15 à 60% des syndromes hyperéosinophiliques. Sa détection est essentielle car le Glivec® à faibles doses est spectaculairement efficace.

3.3.4.4. Conduite diagnostique : cf figure

3.3.4.4.1. Bilan Confirmer l’hyperéosinophilie par au moins 2 examens successifs : importance et profil évolutif.

L’interrogatoire : - âge, profession, origine géographique - antécédents (atopie, néoplasie, radiothérapie, maladie systémique) - séjours à l'étranger - prise de médicaments - habitudes alimentaires - proximité d'animaux

Page 86: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 86/192

- symptomatologie antérieure ayant disparu

L’examen clinique complet : état général, manifestations cutanées, articulaires, viscérales

Les examens biologiques : - hémogramme : anomalies associées - VS, copro-parasitologie des selles - les autres investigations (sérologies, bilan hépatique, bilan allergologique, radiographie

pulmonaire, ECG, biopsies d'organe ou de tumeur,...) sont fonction du contexte clinique - lorsque le bilan est négatif et l’hyperéosinophilie majeure ou le traitement d’épreuve

inefficace, les examens à la recherche d’une hémopathie s’imposent

3.3.4.4.2. Au terme du bilan Le contexte est évident :

- allergie, - dermatose, - parasitose, - néoplasie connue.

L’hémogramme oriente d’emblée vers une hémopathie.

Il existe des manifestations associées : - le bilan en montrera l’origine : cancer profond, lymphome, lymphome de Hodgkin, maladie

systémique, poumon éosinophile (parasitaire, médicamenteux, aspergillose, pneumopathie de Carrington, idiopathique).

- le bilan est négatif : syndrome hyperéosinophilique idiopathique.

L’hyperéosinophilie est isolée : - avec VS accélérée : rechercher un cancer profond, un lymphome, une collagénose ; en cas

de bilan négatif : surveillance trimestrielle. - avec VS normale : faire une enquête parasitologique (recherche de parasites et

sérologie), et réaliser un bilan allergologique (dosage des IgE spécifiques, tests cutanés) ; en cas de bilan négatif : débuter un traitement antiparasitaire d’épreuve et surveillance.

3.3.4.5. Traitement

- Le traitement est essentiellement étiologique - Le traitement anti-parasitaire d’épreuve doit être à spectre large : albendazole ou

ivermectine + flubendazole - En cas de réarrangement FIP1L1-PDGFRα, le traitement se fait par Glivec® - Les hyperéosinophilies idiopathiques, lorsque l’orientation est plutôt vers une maladie de

système ou une hémopathie lymphoïde, sont traitées par corticothérapie. En cas d’échec l’hydroxyurée est le traitement de référence

3.3.4.6. Références bibliographiques de Wazieres B. Hyperéosinophilie, orientation diagnostique. Rev Prat 1997, 47 : 1129-36 Med Trop 1998, 58 (mars) : numéro spécial sur l’éosinophilie

Page 87: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 87/192

Page 88: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 88/192

3.3.5. Les leucémies aiguës

Les leucémies aiguës (LA) sont des proliférations monoclonales de cellules hématopoïétiques immatures (blastes) malignes prenant leur point de départ au niveau médullaire. Ces hémopathies sont caractérisées par : - Une prolifération de précurseurs des lignées myéloïde (Leucémies aiguës myéloblastiques,

LAM) ou lymphoïde (Leucémies aiguës lymphoblastiques, LAL), morphologiquement anormaux avec un blocage de maturation au stade de blastes. Cette prolifération siège initialement dans la moelle osseuse puis envahit le sang et certains viscères.

- Une insuffisance de production des éléments normaux du sang en corrélation avec l’envahissement blastique médullaire, responsable de cytopénies (anémie, thrombopénie, neutropénie).

3.3.5.1. Épidémiologie et étiologie

3.3.5.1.1. Épidémiologie La fréquence des leucémies aiguës myéloïdes ou lymphoblastiques est d’environ deux nouveaux cas pour 100 000 habitants par an : Les LAL représentent 80% des LA de l’enfant et 20% des LA chez l’adulte ; Les LAM représentant 20% des LA de l’enfant et 80% des LA de l’adulte. La moitié des cas de LAM est diagnostiquée après 50 ans.

3.3.5.1.2. Étiologie Les phénomènes intervenant dans le développement d’une leucémie aiguë sont mal connus. Cependant, certains facteurs de risque leucémogène ont été identifiés (surtout pour les LAM) :

maladies génétiques : trisomie 21, maladies de réparation de l’ADN (maladie de Fanconi, ataxie télangiectasie, xeroderma pigmentosum, syndrome de Bloom), neutropénies congénitales (syndrome de Kostmann), neurofibromatose de Recklinghausen, syndrome de Klinefelter.

exposition à des toxiques : pour les LAM : benzène, solvants organiques, radiations ionisantes et certains médicaments cytotoxiques utilisés dans le traitement des cancers (alkylants, étoposide, nitroso-urée, anthracyclines)

maladies considérées comme pré-leucémiques : - syndromes myéloprolifératifs : surtout la leucémie myéloïde chronique (évolution vers

une LAM ou une LAL) mais aussi les autres syndromes myéloprolifératifs (évolution vers une LAM).

- syndromes myélodysplasiques : évolution vers une LAM.

3.3.5.2. Diagnostic

3.3.5.2.1. Les signes cliniques Ils associent, à des degrés variables, des signes témoignant de l’infiltration tumorale et des signes en rapport avec l’insuffisance de production des éléments hématologiques normaux.

Les manifestations tumorales : - hypertrophie des organes hématopoïétiques : plus fréquente dans les LAL que dans les

LAM : hépatomégalie, splénomégalie, adénopathies superficielles (rares dans les LAM) ; dans les LAL de la lignée T : masse tumorale médiastinale antérieure (thymique). Une localisation médiastinale ou ganglionnaire peut provoquer un syndrome cave supérieur.

Page 89: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 89/192

- lésions cutanées : principalement dans les LAM : nodules ou placards fermes enchâssés dans le derme

- hypertrophie gingivale : très évocatrice de leucémie aiguë monoblastique - atteinte osseuse, ou testiculaire, ou du système nerveux central (SNC) : surtout dans les

LAL ; atteinte du SNC dans les LAM à différenciation monoblastique - syndrome de leucostase : surtout dans les LAM hyperleucocytaires, en particulier s’il

existe un contingent monocytaire. Il associe des signes neurologiques (confusion, coma) et signes pulmonaires (œdème pulmonaire lésionnel), parfois un priapisme.

L’insuffisance médullaire : - syndrome anémique - syndrome infectieux avec fièvre isolée ou associée à un point d’appel clinique - syndrome hémorragique : hémorragie cutanée, muqueuse principalement ; existence

fréquente d’une CIVD dans les LAM3 (leucémies aiguës promyélocytaires)

3.3.5.2. Diagnostic biologique

La différenciation entre LAM et LAL est essentielle car le traitement de chimiothérapie est différent. Le diagnostic positif et le classement des LA reposent sur l’examen cytologique du frottis de sang et de moelle complété par des réactions cytochimiques. Cette approche permet encore actuellement le diagnostic de la plupart des LAM. Cependant, le phénotype immunologique est devenu nécessaire pour confirmer le diagnostic de LAL et pour identifier certaines leucémies aiguës d’aspect atypique. Enfin, l’étude cytogénétique et l’analyse moléculaire confortent le diagnostic et sont surtout des facteurs pronostiques majeurs.

a- L’hémogramme : il n’est quasiment jamais normal : - anémie très fréquente : normochrome, normocytaire, arégénérative - thrombopénie fréquente - présence, le plus souvent, d’une hyperleucocytose faite essentiellement de cellules

blastiques ; cependant, le chiffre des globules blancs peut être normal ou diminué avec, dans la plupart des cas, l’existence de blastes circulants (mais l’absence de cellules blastiques dans le sang n’élimine pas le diagnostic de LA) ; existence fréquente d’une neutropénie

b- Le myélogramme (par ponction sternale ou iliaque) : indispensable pour le diagnostic, il permet : - d’éliminer d’autres causes de cytopénie en cas d’absence de cellule blastique circulante :

carence vitaminique (vitamine B12 ou folates), infection sévère et prolongée s’accompagnant d’une neutropénie, agranulocytose toxique en voie de réparation, aplasie médullaire, métastase médullaire de tumeur solide, syndrome myélodysplasique

- de réaliser une étude cytologique et cytochimique - de réaliser un phénotype immunologique, un caryotype et une étude en biologie

moléculaire des cellules blastiques. - La biopsie médullaire est rarement indiquée et doit être faite avec un chiffre de

plaquettes supérieur à 50 G/L. Elle est nécessaire en cas d’échec du myélogramme (moelle pauvre ou avec myélofibrose associée, telle que dans les LAM7 ou les LAM transformant une splénomégalie myéloïde).

Page 90: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 90/192

c- Etude cytologique (analyse morphologique) et étude cytochimique En pratique, une fois le diagnostic de leucémie aiguë posé, la démarche consiste à préciser son origine myéloïde ou lymphoblastique (l’approche thérapeutique étant différente), et d’identifier des facteurs pronostiques (cytogénétiques, immunologiques, moléculaires).

Selon la nouvelle définition de l’OMS, le diagnostic de leucémie aiguë est porté devant une infiltration médullaire de plus de 20% de cellules blastiques. La classification tient compte de l’appartenance à la lignée myéloïde ou lymphoïde des cellules blastiques et à leur état de maturation. La présence d’éléments de différenciation myéloïde, telles que des granulations azurophiles ou des corps d’Auer (inclusions allongées correspondant à des granulations alignées et cristallisées) caractérise les leucémies aiguës myéloïdes. En leur absence, des techniques cytochimiques sont indispensables pour documenter l’origine myéloïde de la prolifération (cf. tableau classifications LAM) : - réaction des myéloperoxydases (MPO) : la détection d’une activité myéloperoxydase des blastes

est le témoin très spécifique de leur origine myéloïde. Cette réaction est considérée comme positive lorsqu’on la détecte dans au moins 30% des blastes

- réaction des estérases (NASDA) : cette réaction est positive dans les cellules myéloïdes granuleuses et monocytaires. En présence de fluorure de sodium (NAF), les cellules granuleuses restent positives alors que les précurseurs monocytaires voient leur positivité diminuer ou disparaître

d- Etude phénotypique (cf. tableau classifications LAM)

Lorsque les données cytologiques et cytochimiques n’apportent pas d’éléments de certitude quant à la nature de la LA, l’étude de marqueurs immunologiques est essentielle pour affirmer l’origine myéloïde ou lymphoïde (marquage par des anticorps monoclonaux anti-myéloïdes, anti-monocytaires et anti-lymphoïdes B ou T). Parfois, ces marqueurs immunologiques identifient des formes particulières de leucémies aiguës bi-phénotypiques (myéloïdes et lymphoïdes), des LAM très peu différenciées (LAM0) ou des LA à mégacaryoblastes (LAM 7).

e- Etude cytogénétique Elle est indispensable pour donner des indications pronostiques essentiellement. Pour les LAM : L’étude caryotypique des blastes montre des anomalies chromosomiques dans plus de 50% des LAM. Les anomalies de bon pronostic sont : - la translocation t(5 ;17) caractéristique de la LAM3 et créant le transcrit de fusion PML-RARA - la translocation t(8 ;21) retrouvée dans 25% des LAM2 et créant le transcrit de fusion AML1-

ETO - l’inversion du chromosome 16 inv(16) retrouvée dans les LAM4 avec éosinophiles médullaires

anormaux (LAM4eo) et créant le transcrit de fusion (CBF-MYH11) Les anomalies de mauvais pronostic sont : - les anomalies des chromosomes 5 ou 7 - les caryotypes complexes (5 anomalies ou +) - les anomalies de la région 11q23 où se trouve l’oncogène MLL - la translocation t(9 ;22) (chromosome philadelphie) signant la transformation en LAM d’une LMC Les caryotypes normaux ont un pronostic intermédiaire.

Page 91: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 91/192

Pour les LAL : Les anomalies de mauvais pronostic sont : - L’hypoploïdie (<45 chromosomes) - La translocation t(9 ;22) (chromosome philadelphie), présente soit dans les acutisations de LMC

en LAL, soit dans les LAL de novo - La translocation t(4 ;11) touchant l’oncogène MLL sur le chromosome 11 ou le gène AF4 sur le

chromosome 4 - La translocation t(1 ;19) L’hyperploïdie (>46 chromosomes) est plutôt de bon pronostic La translocation t(8 ;14) est quasi pathognomonique des LAL3/lymphome de Burkitt. L’atteinte du chromosome 8 touche l’oncogène c-myc.

f- Etude en biologie moléculaire

L’étude moléculaire par PCR permet : - l’amplification du transcrit de fusion, résultat de certaines translocations récurrentes

spécifiques de la cellule leucémique (cf e- Etude cytogénétique) - d’autre part, pour les LAL, l’amplification des réarrangements des gènes des immunoglobulines

ou du récepteur du lymphocyte T, représentant des marqueurs spécifiques du clone tumoral

Par rapport à l’étude cytogénétique, l’étude en biologique moléculaire permet : - d’étudier la maladie résiduelle avec une plus grande sensibilité - de détecter certains réarrangements correspondant à des translocations non mises en évidence

par l’étude cytogénétique - de prouver la clonalité d’une population lymphoïde par réarrangement des gènes des

immunoglobulines ou du TCR en l’absence de translocation spécifique.

3.3.5.4. Classification des LA

3.3.5.4.1. LAM Les résultats des diverses analyses biologiques ont permis de mettre en évidence que l’événement oncogénique initial n’entraîne pas au hasard des anomalies morphologiques, chromosomiques ou moléculaires et qu’il existe une corrélation entre ces différentes caractéristiques et la présentation clinique des différents types de LAM, ainsi qu’avec leur caractère de novo ou secondaire. Ainsi, la classification FAB a défini initialement six catégories de LAM (de LAM1 à LAM6) selon leur différenciation cytologique (granuleuse, monocytaire ou érythroblastique) et leur degré de maturation. Il s’y est secondairement ajouté les LAM7 (LA mégacaryoblastiques) et les LAM très peu différenciées (LAM0).

3.3.5.4.2. LAL Les cellules de LAL ne présentent pas de granulations azurophiles ni de corps d’Auer, et la réaction des MPO est négative.

Un système de classification des LAL repose sur la classification du groupe FAB qui définit trois catégories (LAL1, LAL2, LAL3) en fonction de caractéristiques cytologiques non corrélées aux marqueurs immunologiques et caryotypiques sauf les LAL3 qui présentent toujours les marqueurs immunologiques avec t(8;14).

Page 92: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 92/192

Un autre système de classification, défini en fonction du phénotype immunologique, tient compte du stade de différenciation des cellules leucémiques. Les LAL des précurseurs B expriment l’antigène CD19, la présence ou l’absence d’expression des antigènes CD20 et CD10 et des Ig de surface ou intra cytoplasmiques définissent différents stades de différenciation. Les LAL T expriment les antigènes CD7, CD2, ± CD5, CD3 en surface ou dans le cytoplasme des cellules, ±CD4 ±CD8.

3.3.5.4.3. La biphénotypique Il s’agit soit de leucémies dont les cellules blastiques expriment à la fois des marqueurs myéloïdes et lymphoïdes (T ou B).

Page 93: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

CLASSIFICATION FRENCH-AMERICAN-BRITISH (LAB) DES LAM Classification (fréquence)

Caractéristiques cytologiques Cytochimie Cytogénétique

Fréquente Phénotypage

Clinique Pronostic (prc)

Cellules Maturation

Corps d’auer

MPO NASD

A

CD13+e/o Cd33+

LAM 0 ou très peu différenciée (3%)

Blastes immatures - - - - + prc médiocre

LAM 1 sans maturation (15-20%)

Myéloblaste +/- granuleux - +/- + + +

LAM 2 avec maturation (25-30%)

Myéloblaste granuleux ++ ++ + + + T(8 ;21) + bon prc pour les t(8 ;21)

LAM 3 Promyélocytaire (5-10%)

Promyélocytes anormaux ++ +++

fagot + + T(15 ;17) + CIVD +++ bon prc

intérêt ATRA

LAM 4 Myélomonocytaire (25-30%)

Myéloblastes + monocytes ++ +/- +

++ inhibée

par Naf

Inv 16 dans les LAM4Eo +

bon prc pour inv 16 tubulopathie (lysozyme) localisations méningée,

cutanée

LAM 5 Monoblastique (2-10%)

Monoblastes +/- monocytes

- + +/- +/-

++ inhibée

par NaF

+

hypertrophie gingivale

leucostase souvent hyperleucocytaire

LAM 6 Erythroleucémie (3-5%)

Myéloblastes Erythroblastes

++ - +/- - glycophorine

+ pcr médiocre

LAM 7 mégacaryocytaire Mégacaryoblastes - +/- -

CD41+ CD42+ CD61

fibrose médullaire

mauvais prc

Page 94: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – cellules souches et lignées myéloïdes 94/192

3.3.5.5. Prise en charge thérapeutique

3.3.5.5.1. Objectifs L’approche thérapeutique actuelle se veut curative. L’objectif initial du traitement est l’obtention d’une rémission complète (RC) définie par : - la disparition des signes cliniques éventuels, - une blastose médullaire inférieure à 5%, - la correction des signes d’insuffisance médullaire pendant au moins un mois. L’obtention d’une première RC est la condition indispensable pour espérer une survie sans rechute prolongée, voire définitive. La RC doit ensuite être entretenue pour éviter la rechute.

3.3.5.5.2. Bilan et traitement des complications

Une fois le diagnostic de leucémie aiguë porté, il faut apprécier : - l’importance de la masse tumorale : importance de l’hyperleucocytose, existence de localisations

extra médullaires, en particulier hépatosplénique, ganglions périphériques, adénopathies médiastinales dans les LAL T),

- le risque hémorragique en raison de la thrombopénie et de la possibilité d’une CIVD associée (particulièrement dans la LAM3). Une CIVD sera évoquée devant une baisse du TP, une élévation du TCA, une diminution du fibrinogène, une thrombopénie, la positivité des complexes solubles et des D-Dimères. Le traitement consiste en des transfusions répétées de plaquettes pour maintenir un taux >50 000/mm3, l’administration de plasma frais congelé (PFC) pour maintenir un taux de fibrinogène>1g/l et un TP>40% et souvent une héparinothérapie à doses iso coagulantes (discutée). Pas de geste invasif (pose cathéter central, ponction lombaire etc.) avant correction d’une CIVD++

- le risque infectieux en raison de la neutropénie. En cas de syndrome fébrile, il convient d’évaluer le retentissement hémodynamique (pouls, FC, FR, PA, sat, marbrures, conscience : risque de choc septique), de réaliser des prélèvements bactériologiques (hémocultures, ECBU , radio thorax systématiques, et autres examens orientés en fonction des points d’appel cliniques) et de débuter très rapidement une antibiothérapie synergique à large spectre efficace contre les BGN (type C3G + aminoside (si bonne fonction rénale) ou fluoroquinolones), à adapter secondairement à l’évolution clinique et aux prélèvements bactériologiques.

- les troubles métaboliques, principalement en rapport avec la lyse tumorale : hyperuricémie, hyperuraturie, hyperphosphorémie, hypocalcémie (par précipitation de cristaux phosphocalciques) puis hypercalcémie, hyperkaliémie, acidose métabolique, insuffisance rénale, élévation des LDH. La prévention du syndrome de lyse consiste en une hyperhydratation alcaline, l’administration d’hypo-uricémiant (Allopurinol (Zyloric) ou Rasburicase (Fasturtec) en fonction du risque de sd de lyse), absence de supplémentation systématique en potassium ou calcium.

- l’existence d’une leucostase, dans les LAM hyper leucocytaire (>100 000/mm3). C’est une urgence thérapeutique++ (SDRA). Le traitement associe la chimiothérapie à un support ventilatoire, et parfois des leucaphérèses. La transfusion de CGR est contre-indiquée devant le risque d’aggraver la leucostase.

- La nécessité de transfuser en CGR (si Hb <8g/dl ou seuil plus élevé en fonction du terrain : sujet âgé, coronarien, mauvaise tolérance de l’anémie etc.), en plaquettes (si plaq <15-20 000 dans tous les cas, ou si plaq <50 000 en cas de CIVD, de gestes invasifs, de sd hémorragique etc). On fera un bilan pré-transfusionnel dans tous les cas (groupe, Rh, RAI, sérologies Hep.B, C, HIV).

Page 95: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – cellules souches et lignées myéloïdes 95/192

3.3.5.5.3. Traitement étiologique des LAM L’obtention de la RC est indispensable pour une survie prolongée. Le traitement d’induction comprend une polychimiothérapie intensive responsable d’une aplasie longue (20 à 30 jours). Dans la grande majorité des cas, ce traitement d’induction des LAM consiste en une association anthracyclines + aracytine. Une échographie cardiaque est effectuée avant le traitement par anthracyclines devant la toxicité cardiaque des anthracyclines.

Les modalités d’entretien de la RC sont variables : - cures de réinduction, espacées de plusieurs mois, utilisant les mêmes drogues qu’en induction, à

des doses plus faibles ; - chimiothérapie de consolidation avec de l’aracytine à forte dose, - intensification thérapeutique suivie d’une autogreffe de cellules souches hématopoïétiques, - allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Les indications des différentes modalités d’entretien font l’objet d’études prospectives cliniques.

Cas particuliers : - LAM3 : l’acide tout transrétinoïque (ATRA) permet l’obtention d’une RC mais nécessite

l’association à une chimiothérapie pour prévenir les rechutes. - Prévention neuroméningée : réalisée dans les LAM4 & LAM5 et LAM hyperleucocytaires au

diagnostic, par injection de chimiothérapie intrathécale.

Résultats : Le taux de RC après induction est de 70% chez les sujets jeunes porteurs de LAM de novo et la probabilité de RC prolongée est de l’ordre de 40 à 50%. Certains facteurs sont de mauvais pronostic : - la non obtention d’une RC après une ligne de chimiothérapie, - l’âge supérieur à 60 ans, - le caractère secondaire d’une LAM, - le type cytologique M7 ou LA inclassable, - l’existence d’anomalies du chromosome 7 ou du chromosome 5

3.3.5.5.4. Traitement étiologique des LAL

L’obtention de la RC est indispensable pour une survie prolongée. Le traitement d’induction comprend une polychimiothérapie intensive responsable d’une aplasie longue (20 à 30 jours). Dans la plupart des cas, cette chimiothérapie d’induction associe de la vincristine, des corticoïdes, de l’endoxan (Cyclophosphamide) et des anthracyclines auxquels peuvent être associés d’autres drogues. Après 1 ou 2 lignes de chimiothérapie, le taux global de RC est de l’ordre de 75 à 80 % chez l’adulte et de 95 % chez l’enfant.

Le traitement d’entretien de la RC comprend généralement 3 phases : - chimiothérapie intensive de consolidation ; - chimiothérapie d’entretien entre 18 et 30 mois associant : Purinéthol et Méthotrexate en

alternance avec des chimiothérapies par voie intraveineuse ; - traitement neuroméningé : réalisé par chimiothérapie intrathécale et irradiation encéphalique Dans les LAL avec t(9 ;22), un inhibiteur de tyrosine kinase tel que l’Imatinib (Glivec) est associé à la chimiothérapie et son efficacité est en cours d’évaluation.

Page 96: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – cellules souches et lignées myéloïdes 96/192

Résultats : survie à long terme sans maladie avec la chimiothérapie seule : 30% chez l’adulte, 70% chez l’enfant.

La greffe de cellules souches périphériques allogéniques ou autologues : - allogénique : dans les LAL à haut risque en première RC, ou à risque standard en 2ème RC - autologue : évaluée dans les LAL à haut risque en 1ère RC chez l’adulte sans donneur compatible

ou en 2ème RC en l’absence de donneur compatible

3.3.5.6. Conclusion Les leucémies aiguës constituent un groupe de maladies hétérogènes dont certaines curables. Une meilleure prise en charge de ces maladies est actuellement possible grâce : - à une meilleure utilisation des agents chimiothérapiques, - aux progrès réalisés dans le domaine des thérapeutiques de support (transfusions de globules

rouges et de plaquettes, utilisation de facteurs de croissance, amélioration des traitements anti-infectieux),

- à l’identification de facteurs pronostiques permettant d’adapter le traitement, - à la compréhension de mécanismes d’action de facteurs de résistance au traitement, - aux progrès de la biologie moléculaire permettant de comprendre les mécanismes de la

leucémogenèse Objectifs et points importants à retenir : 1- Porter le diagnostic de LA - devant une forme hyperleucocytaire, ne pas confondre avec les syndromes prolifératifs

chroniques : * Une LLC : hyperleucocytose constituée de lymphocytes matures (pas de blocage de maturation au stade de blastes) et sans insuffisance médullaire associée (pas d’anémie ou de thrombopénie sauf au stade C, pas de neutropénie). Terrain : sujet âgé pour LLC/ enfant, adulte jeune pour LAL. * Une LMC : hyperleucocytose portant sur la lignée granuleuse : polynucléose avec myélémie (il peut exister quelques blastes circulants mais en très faible quantité (<5%) et associés à un passage sanguin des autres précurseurs myéloïdes à tous les stades car il n’y a pas de blocage de maturation au stade de blaste). Pas d’anémie ni de thrombopénie sauf en cas d’accélération ou de transformation en LA. - devant une forme pancytopénique sans blastes circulants, les diagnostics différentiels sont : * l’aplasie médullaire * la carence en folates, vit B12 * la myélodysplasie Dans tous ces cas, seul le myélogramme portera le diagnostic. A noter que dans l’agranulocytose, seuls les polynucléaires neutrophiles sont diminués de façon très profonde (<100/mm3) et isolée (pas d’anémie, pas de thrombopénie, et bien sûr, pas de blastes circulants). 2- Diagnostiquer et prendre en charge les complications mettant en jeu le pronostic vital : Risque infectieux, hémorragique, syndrome de lyse, leucostase. Pas de gestes invasifs (notamment PL) en cas de thrombopénie profonde (<20 000/mm3) ou de CIVD non corrigées.

Page 97: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – cellules souches et lignées myéloïdes 97/192

3- Savoir différencier LAL et LAM : Clinique : LAL : sujet jeune, sd tumoral/ LAM : adulte + âgé, sd hémorragique (CIVD dans les LAM3), hypertrophie gingivale (LAM4 et5) Biologie : LAM : corps d’auer+, peroxydase+, CD33+, CD13+/ LAL : importance du phénotypage++

3.3.6. L’aplasie médullaire

3.3.6.1. Définition et physiopathologie : - Atteinte quantitative, de la production des 3 lignées myéloïdes avec une moelle hypocellulaire, voire déserte. - Elle est liée à une raréfaction/ et ou une baisse d’activité mitotique des cellules souches médullaires. - Les étiologies sont multiples, mais la maladie est souvent idiopathique.

3.3.6.2 Signes cliniques L’aplasie médullaire peut être asymptomatique, découverte à l’occasion d’une NFS. Il n’y a pas de splénomégalie lors des aplasies idiopathiques ou toxiques. La présence d’adénopathies est rare et est due à des infections dans le territoire de drainage des ganglions impliqués. Les signes d’anémie dépendent du taux d’hémoglobine et de la rapidité d’installation de l’aplasie. La thrombopénie peut être à l’origine d’un purpura ou d’hémorragies. La neutropénie, si elle est inférieure à 500/mm3, peut être source d’infections bactériennes.

3.3.6.3. Diagnostic - La NFS est le premier examen permettant d’orienter le diagnostic et de préciser la gravité de

l’aplasie : anémie normochrome, normocytaire, arégénérative, thrombopénie, leuconeutropénie. Parfois : bicytopénie.

- Le myélogramme retrouvera une moelle pauvre voire déserte et, surtout, éliminera une leucémie aigue, une myélodysplasie ou un envahissement médullaire.

- La biopsie médullaire est l’examen INDISPENSABLE, permettant d’établir le diagnostic. Elle permet d’exclure une éventuelle myélofibrose. La présence de foyers de régénération ou de myélopoïèse résiduelle est de bon pronostic.

- Diagnostic étiologique : Toxiques : solvants, benzènes, irradiation Infectieuses : survenant après une hépatite (dues à un virus hépatotrope inconnu) Hémoglobinurie paroxystique nocturne : maladie due à un déficit acquis de

glycoprotéines liées à la membrane des globules rouges, les protégeant de l’activité lytique du complément. Elle est due à une mutation d’un gène qui touche les 3 lignées myéloïdes. Le tableau clinique comporte une hémolyse due à l’activation du complément +/- une aplasie médullaire + /- des thromboses veineuses. L’analyse par cytométrie de flux des cellules sanguines met en évidence un déficit d’expression des antigènes CD55 et CD59.

Maladie de Fanconi : anomalies héréditaires du système des DNA-réparases. Malformations : pouces, reins, dysmorphie faciale, taches café au lait. (notion familiale) , retard mental. Recherche de fragilité chromosomique au caryotype. Possible évolution vers une leucémie.

La majorité des aplasies médullaires sont idiopathiques.

Page 98: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – cellules souches et lignées myéloïdes 98/192

3.3.6.4. Traitement symptomatique C’est le traitement de toutes les pancytopénies centrales : - traitement de l’anémie par transfusions de culots globulaires phénotypés, déleucocytés et

systématiquement irradiés lorsque le malade reçoit ou va recevoir un traitement immunosuppresseur (prévention de la réaction du greffon contre l’hôte),

- transfusions répétées de concentrés plaquettaires unitaires afin de maintenir le chiffre de plaquettes au dessus de 15 à 20 000/μl,

- traitement de tous les épisodes infectieux par une antibiothérapie si possible adaptée aux prélèvements bactériologiques sinon “probabiliste”.

En cas d’infection bactérienne préoccupante, on peut être amené à prescrire du G-CSF, pouvant permettre de façon temporaire la remontée du chiffre des polynucléaires

3.3.6.5. Traitement immunosuppresseur dans les aplasies médullaires idiopathiques : Association de sérum anti-lymphocytaire (SAL) et de ciclosporine..

3.3.6.6. Allogreffe de cellules souches hématopoïétiques : dans les formes sévères (définies sur la profondeur des cytopénies)

3.3.6.7. Androgénothérapie : elle est utilisée :

- chez des sujets âgés ayant des aplasies paraissant peu préoccupantes à moyen terme, - lorsque les traitements immunosuppresseurs ont été inefficaces et qu’une allogreffe n’est

pas possible. 3.3.7. La splénomégalie

3.3.7.1. La rate : généralités La rate est un organe du système réticulo-endothélial connecté sur le système porte. On y distingue, selon les termes de Malpighi, la pulpe rouge et la pulpe blanche, correspondant respectivement aux sinus remplis de sang et aux cordons réticulo-endothéliaux d’une part, et aux follicules lymphoïdes d’autre part. Ses rôles essentiels sont : - Défense immunitaire : synthèse d’immunoglobulines (par les plasmocytes), destruction des

bactéries (essentiellement encapsulées) ou des cellules sanguines recouvertes d’anticorps ; - Stockage des plaquettes (1 tiers des plaquettes circulantes), et, à un moindre degré, des

neutrophiles ; - Destruction des hématies âgées ou altérées ; - Hématopoïèse (chez le fœtus). La stimulation anormale d’une de ces fonctions, l’hypertension portale ou enfin une infiltration de la rate seront source de splénomégalie.

3.3.7.2. Examen de la rate

3.3.7.2.1. Symptomatologie Les splénomégalies sont le plus souvent asymptomatiques. Le clinicien est parfois orienté par une pesanteur ou une douleur de l’hypochondre gauche.

Page 99: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – cellules souches et lignées myéloïdes 99/192

3.3.7.2.2. Examen clinique Trois méthodes permettent d’examiner la rate :

Le patient est en décubitus dorsal, l’examinateur à sa droite : celui-ci glisse sa main gauche sous le flanc gauche du malade et tire la cage thoracique vers l’avant ; sa main droite, sous le rebord costal gauche, appuie en direction de la rate. La palpation doit commencer assez bas afin de ne point négliger une rate très hypertrophiée. Lors d’une inspiration profonde on cherchera à toucher le bord inférieur de la rate. Il y a splénomégalie lorsque la rate est palpable.

Le patient est en décubitus latéral droit, les membres inférieurs légèrement fléchis ; dans cette position la rate descend en avant et à droite et peut ainsi être plus aisément palpable. Il y a splénomégalie lorsque la rate est palpable.

La percussion est rarement utilisée mais peut aider le clinicien, surtout chez un patient obèse. La percussion du dernier espace intercostal gauche, au niveau de la ligne axillaire antérieure gauche, doit retrouver un tympanisme ; toute matité est en faveur d’une splénomégalie.

Quelques pièges à éviter : - Prendre pour une rate ce qui n’en est pas : tumeur abdominale, essentiellement rénale. La

palpation d’une encoche sur le bord interne est très utile pour reconnaître une rate. - Rater le bord inférieur : il s’agit d’une erreur classique rencontrée dans les cas de

splénomégalies massives.

Remarques : - Chez le nourrisson : la rate est physiologiquement palpable jusqu’à 6 mois. - Une splénomégalie est retrouvée chez 3% de la population générale, sans évolution particulière.

Dans certaines régions tropicales, la prévalence peut atteindre 60%.

3.3.7.2.3. Imagerie Elle est essentielle en cas de doute et permet souvent d’orienter le diagnostic. Une rate normale a les dimensions suivantes : - hauteur : < 13 cm. - longueur antéro-postérieure : < 12 cm. - diamètre transversal : < 8 cm. - poids : < 250 g. L’échographie est l’examen de choix : elle permet de mesurer la rate, de juger de son aspect (homogène ou non) et de trouver d’éventuelles adénopathies profondes. Le doppler est particulièrement utile pour détecter une hypertension portale. Le scanner abdominal est d’une aide capitale pour rechercher des tumeurs ou des adénopathies ; il ne se pratique qu’en 2nde intention

3.3.7.3. Etiologies

3.3.7.3.1. Stimulation réticulo-endothéliale (destruction des cellules âgées ou anormales)

Les anémies hémolytiques chroniques :

immunologiques : - auto-immunes - allo-immunes

anomalies membranaires : - sphérocytose - elliptocytose - ovalocytose

Page 100: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – cellules souches et lignées myéloïdes 100/192

anomalies de l’hémoglobine : - drépanocytose (chez l’enfant) - thalassémie majeure - hémoglobines instables

anomalies enzymatiques : - déficit en G6PD

autres : - hémoglobinurie paroxystique nocturne - porphyrie érythropoïétique

3.3.7.3.2. Stimulation immunitaire : infections Virales : - mononucléose infectieuse

- VIH - hépatites virales - CMV

Bactériennes : - endocardite d’Osler - septicémie - syphilis congénitale - abcès splénique - tuberculose - typhus, tularémie

Parasitaires : - paludisme - histoplasmose - leishmaniose - trypanosomiase - toxoplasmose - bilharziose - échinococcose

3.3.7.3.3. Stimulation immunitaire : désordres immunitaires Polyarthrite rhumatoïde (syndrome de Felty) Lupus érythémateux disséminé Maladie sérique Thrombopénies et neutropénies auto-immunes Lymphadénopathie angio-immunoblastique Sarcoïdose

3.3.7.3.4. Hématopoïèse extra médullaire

Splénomégalie myéloïde

3.3.7.3.5. Hypertension portale QS

3.3.7.3.6. Infiltration splénique

Dépôts : - amylose - maladie de Gaucher - maladie de Niemann-Pick

Page 101: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – cellules souches et lignées myéloïdes 101/192

- maladie de Tay-Sachs - maladie de Tangier - mucopolysaccharidoses - hyperlipidémies

Infiltration cellulaire : - leucémies, aiguës et chroniques - lymphomes, hodgkiniens et non hodgkiniens - syndrome myéloprolifératif - angiosarcome, hamartome, hémangiome, fibrome, lymphangiome - kyste, pseudo-kyste - hématome - métastases - histiocytose X

3.3.7.3.7. Mécanismes inconnus Carence martiale ; bérylliose ; splénomégalie idiopathique

3.3.7.4. Conduite à tenir

3.3.7.4.1. Interrogatoire Pathologie sous jacente connue : hémopathie, cirrhose, maladie auto-immune, infection, ... Splénomégalie déjà connue ? Voyages récents (régions impaludées), origine géographique (zones tropicales) Douleurs articulaires ?

3.3.7.4.2. Examen clinique Température Rechercher d’éventuelles adénopathies Lésions cutanées ?

3.3.7.4.3. En l’absence d’orientation

Demander : NFS, frottis, réticulocytes, haptoglobine, bilirubine libre, biologie hépatique.

En cas de pancytopénie modérée, il faut écarter un hypersplénisme (hémodilution par augmentation du volume plasmatique).

Si il existe une thrombopénie, une neutropénie, une pancytopénie, une myélémie ou des cellules blastiques circulantes, il faut effectuer un myélogramme avec, si possible, un caryotype. Cette attitude permettra de diagnostiquer la majorité des hémopathies malignes ainsi que les maladies de surcharge et la leishmaniose.

En cas d’hyperlymphocytose, l’immunophénotypage des lymphocytes circulants suffit le plus souvent.

Des réticulocytes élevés, associés à une haptoglobine abaissée, et une bilirubine libre élevée orienteront vers une hémolyse chronique.

Une biologie hépatique perturbée orientera vers une cause d’hypertension portale.

Au moindre doute d’infection palustre, le frottis et la goutte épaisse doivent être prescrits

Page 102: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – cellules souches et lignées myéloïdes 102/192

Si l’ensemble de ces examens est normal : demander une échographie hépatosplénique avec recherche d’une hypertension portale au doppler.

Si l’écho-doppler est normal, la biopsie médullaire est nécessaire.

Si la biopsie médullaire n’est pas contributive, deux alternatives s’offrent au clinicien : - la rate est hétérogène à l’échographie : la splénectomie est alors recommandée, - la rate est homogène : la surveillance est suffisante

Page 103: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – cellules souches et lignées myéloïdes 103/192

Page 104: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 104/192 Annexe 1 : les parasitoses responsables d’’hyperéosinophilie

Annexe 1 ETIOLOGIES DES HYPEREOSINOPHILIES

* Parasitoses Localisation Examens

Parasitose Eu Ma AN A.AS Asie Oc CoPa Séro Clinique

Oxyure + prurit anal

Ascaris + + + + + + + + TD, P

Trichocéphale + +

Botriocéphale + + TD, anémie macro

Tænia saginata + + + TD

Distomatose + + + + + angiocholite, allergies

Larva migrans + + θ, urticaire, HSM, P

Trichinose + + θ, œdème visage

myalgies, P

Ankylostomiase + + + + + + + P, TD, anémie micro

Echinococcose + + tumeur hépatique

Cysticercose + + SNC,

Hydatidose + + + + HM, P

Anguillulose + + + + + + + P, TD

Bilharziose U + + + hématurie

Bilharziose D + + + + + + TD

Filariose + + + + + œdème, lymphangite, P

Loase + + œdème fugace

Onchocercose + + + prurit, œil

Dracunculose + ver sous la peau

Angiostrongyloïdose + + syndrome méningé

Anisakiase. + + + pseudo ulcères

Myase + + AEG, allergies

Eu = Europe/Amérique du Nord, Ma = Maghreb, AN = Afrique Noire, A.AS = Antilles/Amérique du Sud, Oc = Océanie. CoPa = copro-parasitologie des selles, Séro = sérologie. U = urinaire, D = digestive. TD = troubles digestifs, P = troubles pulmonaires, θ = fièvre, HSM = hépato-splénomégalie, HM = hépatomégalie. macro = macrocytaire, micro = microcytaire, SNC = système nerveux central, AEG = altération de l’état général.

= parasitoses les plus fréquentes en France.

Cysticercose = tænia solium tissulaire, Larva migrans = toxocarose, Fasciolase = distomatose.

• Helminthes : en France = – adultes : distomatose, tænia saginata (pas de parasite dans les selles tant que persiste

l’hyperéosinophilie) >> anguillule, kyste hydatique, echinoccocose, trichinose ; – enfants : oxyurose (diagnostic par scotch test), toxocarose (= larva migrans) > ascaridiase.

• Myase.

Page 105: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 105/192 Annexe 1 : les parasitoses responsables d’’hyperéosinophilie

* Virus • VIH. • Hépatite C.

* Iatrogène • ≤ 1 % des hyperéosinophilies. • Facteurs prédisposant : insuffisance hépatique ou rénale. • Principales étiologies :

– pénicillines ; – isoniazide ; – amphotéricine B ; – imipraminiques ; – carbamazépine ; – sels d’or ; – héparine.

* Pneumologie • Asthme. • Aspergillose allergique (fièvre, asthme, ↑↑IgE spécifiques). • Pneumonie de Carrington = pneumonie éosinophile chronique idiopathique (femmes >

hommes, altération de l’état général, asthme, syndrome inflammatoire, ↑IgE, Rx thorax : image « d’OAP en négatif »).

Hyperéosinophile et bronchospasme

Asthme Pneumonie de Carrington

Syndrome de Löffler Churg et Strauss

Wegener Hyperéosinophilie chronique…

* Dermatologie • Pemphigus. • Pemphigoïde bulleuse (l’hyperéosinophile peut précéder la maladie) • Dermatite herpétiforme. • Psoriasis. • Érythème polymorphe. • Prurit chronique. • Mycosis fongoïde, Sézary. • Mastocytose systémique :

clinique : flush, urticaire pigmentaire, hépato-splénomégalie, ostéoporose biologie : ↑ histamine, ↑ tryptase moléculaire : mutation de c-kit

• Cellulite à éosinophiles (syndrome de Wells). • Syndrome de Gleich : angio-œdème, ↑ IgE, ↑ IgM

Page 106: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM3 – Cellules souches et lignées myéloïdes 106/192 Annexe 1 : les parasitoses responsables d’’hyperéosinophilie

• Maladie de Kimura : hommes asiatiques, adénopathies, hypertrophie des glandes salivaires, nodules sous cutanés

• Hyperplasie angio-lymphoïde avec éosinophilie

* Gastro-entérologie • Rectocolite hémorragique. • Crohn. • Whipple. • Cholangite sclérosante primitive. • Maladie cœliaque • Gastroentérite à éosinophiles : fait partie du syndrome hyperéosinophilique

* Maladies systémiques • Maladie de Shulman (fasciite nécrosante sans éosinophiles) : état sclérodermiforme.

Risque évoltif vers l’aplasie médullaire ou les LNH • Churg et Strauss : hyperéosinophilie dans 95%. Asthme grave, neuropathie, ANCA

positifs dans 50% des cas • Wegener : atteinte pulmonaire, ANCA dans plus de 90% des cas • Périartérite noueuse : multinévrite

* Génétique • Wiskott Aldrich. • Maladie de Fanconi. • Déficit en IgA. • Syndrome hyper IgE. • Déficits immuns complexes sévères. • Syndrome d’Omenn • Syndrome de Job-Buckley

* Cancer solide

* Hémopathies • Hodgkin > Lymphomes non hodgkiniens, leucémies aiguës lymphoïdes. • Lymphadénopathie angio-immunoblastique. • Leucémie myéloïde chronique, Vaquez, thrombocytémie essentielle, LAM4 • Agranulocytose en voie de guérison. • Splénectomie. • Plus rarement : Biermer, myélome, Waldenström, maladie des chaînes légères,

myélodysplasies. • « syndrome hyperéosinophilique ».

* Divers • Insuffisance surrénalienne. • Infarctus du myocarde.

Page 107: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 107/192

44.. LLyymmpphhooppooïïèèssee eett ssyynnddrroommeess llyymmpphhoopprroolliifféérraattiiffss

4.1. Lymphopoïèse ............................................................................................................................... p. 110

4.1.1. Généralités ......................................................................................................................... p. 110

4.1.2. Différenciation lymphoïde B ............................................................................... p. 113

4.1.3. Différenciation lymphoïde T ............................................................................... p. 114

4.1.4. Application pour les hémopathies lymphoïdes ...................................... p. 115

4.2. Oncogenèse ................................................................................................................................... p. 117

4.2.1. Généralités – concepts de bases .................................................................... p. 117

4.2.2. Lésions génétiques ....................................................................................................... p. 117

4.2.3. Agents infectieux ......................................................................................................... p. 120

4.2.4. Application pour les hémopathies lymphoïdes ...................................... p. 121

4.3. Le ganglion lymphatique ...................................................................................................... p. 122

4.3.1. Le ganglion lymphatique normal ........................................................................ p. 122

4.3.2. Lymphadénites ................................................................................................................. p. 122

4.3.3. Métastases ........................................................................................................................ p. 123

4.3.4. Lymphomes non hodgkiniens ganglionnaires ............................................ p. 123

4.3.5. Lymphomes B .................................................................................................................... p. 124

4.3.6. Lymphomes T ou NK .................................................................................................. p. 126

4.3.7. Lymphome de Hodgkin .............................................................................................. p. 127

4.4. Diagnostic des adénopathies superficielles ....................................................... p. 129

4.4.1. Rappels : physiologie et anatomie ................................................................. p. 129

4.4.2. Diagnostic différentiel ............................................................................................ p. 129

4.4.3. Démarche diagnostique ............................................................................................ p. 129

Page 108: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 108/192

4.4.4. Examens complémentaires .................................................................................... p. 130

4.4.5. Conclusion ............................................................................................................................ p. 131

4.5. Syndromes lymphoprolifératifs chroniques ........................................................ p. 133

4.5.1. Leucémie lymphoïde chronique .......................................................................... p. 134

4.5.2. Myélome ............................................................................................................................... p. 138

4.5.3. Maladie de Waldenström ....................................................................................... p. 144

4.6. Lymphomes malins ................................................................................................................... p. 147

4.6.1. Lymphome de Hodgkin .............................................................................................. p. 147

4.6.2. Lymphomes malins non hodgkiniens ............................................................... p. 151

Page 109: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 109/192

OOBBJJEECCTTIIFFSS Adénopathies périphériques

Différencier les démarches diagnostiques à réaliser en cas d’adénopathies localisées ou diffuses

Différencier les démarches diagnostiques à réaliser en cas d’adénopathies aiguës ou chroniques

Ne pas se contenter d’un adénogramme pour affirmer ou infirmer un diagnostic étiologique

Savoir choisir les examens complémentaires à réaliser en fonction de l’interrogatoire et de l’examen clinique

Savoir demander une NFS et une radiographie de thorax au cours de tout bilan d’adénopathies

Leucémie Lymphoïde Chronique

Diagnostic biologique de la LLC Diagnostic différentiel de la LLC Complications au cours des LLC Principes thérapeutiques

Myélome et Waldenström

Diagnostic biologique du myélome Signes cliniques et radiologiques de l’atteinte osseuse au cours du myélome Complications au cours du myélome Facteurs pronostiques et classification du myélome Principes thérapeutiques Circonstances de découverte d’une maladie de Waldenström Complications liées à l’Ig monoclonale au cours de la maladie de Waldenström Diagnostic biologique de la maladie de Waldenström

Lymphome de Hodgkin

Signes cliniques et paracliniques permettant de suspecter un lymphome de Hodgkin Examens permettant de confirmer le diagnostic Bilan d’extension d’un lymphome de Hodgkin Effets secondaires et complications liées aux traitements

Page 110: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 110/192

4.1. Lymphopoïèse

4.1.1. Généralités

4.1.1.1. Origine de la lymphopoïèse Les cellules lymphoïdes dérivent d’un précurseur commun pour les lymphocytes B, T, mais également les cellules NK et une sous-population de cellules dendritiques. Par ailleurs, il existe des relations entre les voies de différenciation lymphoïde et myéloïde :

- précurseur lymphoïde B – précurseur des monocytes/macrophages - cellules dendritiques issues de monocytes

Représentation schématique des grandes voies de l’hématopoïèse

4.1.1.2. Compartimentalisation du développement lymphoïde

On peut distinguer trois compartiments lymphoïdes

4.1.1.2.1. Organes lymphoïdes primaires Il s’agit de la moelle osseuse et du thymus, où se produit une différenciation indépendante de l’antigène. Le point essentiel est l’acquisition d’un récepteur (membranaire) à l’antigène spécifique : immunoglobulines (Ig) ou BCR pour les lymphocytes B, TCR pour les lymphocytes T. Les précurseurs lymphoïdes subissent des étapes de sélection :

- positive : récepteur capable de reconnaître un déterminant antigénique dans son contexte approprié (par exemple : lié aux molécules du CMH pour les TCR)

- négative : élimination des cellules autoréactives (tolérance). Cette première phase du développement aboutit à la production de lymphocytes « naïfs » qui passent dans la circulation.

4.1.1.2.2. Organes lymphoïdes secondaires Ce sont les ganglions, la rate, les amygdales, les plaques de Peyer de l’intestin. Il s’y produit une différenciation dépendante de l’antigène, et qui permet la production des lymphocytes effecteurs de la réponse immune.

4.1.1.2.3. Compartiment lymphoïde tertiaire Il est représenté par les territoires colonisés par les lymphocytes effecteurs (peau, muqueuse, parenchymes). Les cellules lymphoïdes y sont regroupées dans des structures fonctionnelles induites par la présence d’antigène.

Page 111: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 111/192

4.1.1.3. Récepteur à l’antigène

Structure des récepteurs à l’antigène A‐  BCR  (B‐cell  receptor)  constitué  d’une  immunoglobine  de membrane (IgH + IgL), module de reconnaissance de l’antigène, qui est  associée  à  l’hétérodimère  Igα  et  Igβ  (CD79)  dont  la  partie intracytoplasmique est pourvue d’un motif pour la transduction du signal  d’activation ;  H  =  chaîne  lourde ;  L  =  chaîne  légère  de l’immunoglobuline ; V = region variable ; C = région constante.  

B‐  TCR  (T‐cell  receptor)  constitué  d’une  hétérodimère  αβ  ou  γδ (module  de  reconnaissance)  et  d’un  complexe  invariant  (CD3), formé de différents types de chaînes, pour la transduction du signal. La  partie  intracytoplasmique  des  chaînes  CD3  est  pourvue  de motifs d’activation de la signalisation.   

Le récepteur à l’antigène est : - cytoplasmique puis membranaire - unique pour un antigène donné - exprimé par un lymphocyte et sa descendance : notion de clone - caractérisé par capacité de reconnaître un très grand nombre d’antigènes différents (108

à 1011) Origine de la diversité : - mécanique des réarrangements des gènes constituant les régions variables (diversité combinatoire et diversité jonctionnelle).

Exemple : réarrangement des gènes codant pour la partie variable des chaînes lourdes des Ig

- structure en hétérodimères : combinatoire de l’association des 2 chaînes - mutations somatiques dans les régions variables pour les Ig. Il existe une sélection drastique des récepteurs : 80 à 90 % des cellules sont éliminées in situ.

4.1.1.4. Etapes de la différenciation Les différentes étapes de la différenciation lymphoïdes peuvent être distinguées : - par l’état de réarrangement des gènes des récepteurs : développement séquentiel

Ig : chaînes lourdes, puis chaînes légères κ puis éventuellement λ TCR : chaînes γ et δ, puis chaîne β, puis chaînes α

- par la présence d’antigènes de surface (ou parfois intracellulaire) : notion de CD

2ème recombinaison (VD)

ARNm précurseur

1ère recombinaison (DJ)

5 ’

5 ’ 3 ’

1 2 3 4 5 n 1 2 3 4 n 1 2 3 4 5 6VH DH JH Cµ

3 ’

Transcription

AAA

ARNm matureV D J Cµ

AAA

3 ’5 ’

Epissage

2ème recombinaison (VD)

ARNm précurseur

1ère recombinaison (DJ)

5 ’

5 ’ 3 ’

1 2 3 4 51 2 3 4 5 n 1 2 3 4 n 1 2 3 4 5 6VH DH JH Cµ

3 ’

Transcription

AAA

ARNm matureV D J Cµ

AAA

3 ’5 ’

Epissage

Page 112: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 112/192

Principaux marqueurs de différenciation (CD)

apparaissant au cours des différenciations lymphocytaires B et T

CD* distribution tissulaire Fonctions

1a, b, c Thymocytes corticaux cellules de Langerhans Présentation de l’antigène ?

2 Ly T – cellules NK Adhésion – Signalisation 3 Ly T Signalisation 4 Ly T Corécepteur – Signalisation 5 Ly T – certains Ly B Signalisation

7 Ly T – cellules NK Précurseurs médullaires Signalisation

8 Ly T – cellules NK Corécepteur – Signalisation 10 Pré B – Ly B folliculaire Enzyme 11a Cellules lymphoïdes et myéloïdes Adhésion – Signalisation 14 Monocytes Récepteur 18 Cellules lymphoïdes et myéloïdes Adhésion 19 Pré B – Ly B Corécepteur – Signalisation 20 Pré B – Ly B Canal calcique – Signalisation 21 Pré B – Ly B Corécepteur – Signalisation 22 Pré B – Ly B Adhésion

23 Ly B Récepteur IgE Facteur de croissance

25 Ly T activés Récepteur IL2 (chaîne α) 28 Ly T Signalisation 30 Ly T et B activés Signalisation 34 Cellules souches hématopoïétiques Adhésion 40 Ly B Signalisation

45RO, RA Cellules lymphoïdes et myéloïdes Enzyme

54 Cellules lymphoïdes et myéloïdes Cellules endothéliales Adhésion

56 Cellules NK Adhésion 57 Cellules NK – Ly T ? 58 Cellules lymphoïdes et myéloïdes Adhésion 79 Pré B – Ly B Signalisation 80 Ly B Costimulation 86 Ly B Costimulation

*liste non exhaustive Ly : lymphocytes ; NK : natural killer ; IL : interleukine

4.1.1.5. Rôle du microenvironnement

Le microenvironnement joue un rôle essentiel, à la fois par le biais de contacts cellulaires (stroma médullaire, épithélium thymique), et par la productions de médiateurs solubles, les cytokines et interleukines.

4.1.1.5. Régulation moléculaire de la lymphopoïèse Toutes les étapes de la lymphopoïèse sont contrôlées par divers facteurs protéiques ayant une influence positive ou négative sur la régulation de transcriptionnelle de nombreux gènes importants pour la différenciation. Ces facteurs transcriptionnels peuvent être la cible d’altérations moléculaires (mutations, translocations chromosomiques) à l’origine de transformations tumorales (voir plus bas).

Page 113: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 113/192

Exemple de contrôle transcritionnel de la lymphopoïèse précoce

CSH : cellule souche hématopoïétique CSL : cellule souche lymphoïde CDL : cellule dendritique d’origine lymphoïde Régulation positive

Régulation négative

4.1.2. Différenciation lymphoïde B

4.1.2.1. Différenciation indépendante d’antigène

Elle s’effectue dans le foie fœtal puis la moëlle osseuse. Différentes étapes peuvent être individualisées, jusqu’au stade de lymphocyte B mature co-exprimant IgM et IgD.

 Réarrangements des gènes des régions variables des Ig Etapes cellulaires (CSH : cellule souche hématopoïétique ; CSL : cellule souche lymphphoïde) Principaux antigènes exprimés (intracellulaires ou membranaires)

4.1.2.2. Différenciation dépendante d’antigène Elle se déroule en plusieurs phases :

• Pénétration des lymphocytes B dans les organes lymphoïdes secondaires (en traversant la paroi des veinules post-capillaires) : formation de follicules lymphoïdes (primaires puis secondaires).

• Contact : antigènes – cellules dendritiques – lymphocytes T helper • Activation :

- prolifération des lymphocytes B (centroblastes) - accumulation de mutations somatiques dans les régions variables des Ig - sélection des cellules (centrocytes) exprimant des récepteurs de meilleure affinité (les

autres meurent par apoptose et sont éliminées par les macrophages) - commutation de classe : IgM IgG, IgA, IgE

• Au total, production : 1) de cellules B mémoires circulation sanguine 2) de plasmocytes moëlle et compartiments tertiaires (IgA dans la lamina propria de l’intestin).

CSH CSL

T/NK

CDL

B

PU.1

Notch1

E2AEBF

Pax-5

Spi-B

CSH CSL

T/NK

CDL

B

PU.1

Notch1

E2AEBF

Pax-5

Spi-B

M M D

D-JHV-DJH

V-JL

CD34

CD10

CD19CD21CD22

CD45RAIL-7R

TdT

pré-BCR

CD24

Gènes de chaînes lourdesGènes de

chaînes légères

M M D

D-JHV-DJH

V-JL

CD34

CD10

CD19CD21CD22

CD45RAIL-7R

TdT

pré-BCR

CD24

Gènes de chaînes lourdesGènes de

chaînes légères

CSH CSL Pro-B Pré-B B immature B mature

M M D

D-JHV-DJH

V-JL

CD34

CD10

CD19CD21CD22

CD45RAIL-7R

TdT

pré-BCR

CD24

Gènes de chaînes lourdesGènes de

chaînes légères

M M D

D-JHV-DJH

V-JL

CD34

CD10

CD19CD21CD22

CD45RAIL-7R

TdT

pré-BCR

CD24

Gènes de chaînes lourdesGènes de

chaînes légères

CSH CSL Pro-B Pré-B B immature B mature

Page 114: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 114/192

Structure du ganglion et du follicule secondaire

Les  lymphocytes B activés par  l’antigène prolifèrent dans  la zone sombre  (centroblastes)  et  sont  sélectionnés  dans  la  zone  claire (centrocytes)  selon  l’affinité  de  leur  BCR,  pour  se  différencier  en plasmocytes et en cellules mémoires. Les plasmocytes et les cellules mémoires quittent  le ganglion par  les  lymphatiques efférents. Les premiers  gagnent  le  site  effecteur  de  la  réponse  anticorps  et  les seconds circulent dans l’ensemble du système immunitaire. 

Les lymphocytes B du manteau (résidu du follicule primaire) sont IgM+/IgD+  en  membrane,  Bcl‐2+  en  intracytoplasmique.  Les centroblastes n’expriment (faiblement) que des IgM de membrane, acquièrent  CD10.  Les  centrocytes  peuvent  exprimer  tous  les isotypes  d’immunoglobulines  (commutation).  Les  centroblastes n’expriment  pas  Bcl‐2  qui  réapparaît  ultérieurement  dans  les centrocytes et cellules mémoires. 

4.1.3. Différenciation lymphoïde T

4.1.3.1. Différenciation indépendante d’antigène Elle s’effectue essentiellement dans le thymus, mais il existe une voie de différenciation extrathymique, notamment au niveau de l’intestin (avec production de lymphocytes T αβ CD8+). Il existe 2 lignées selon le type de TCR exprimé: αβ majoritaire, δγ minoritaire (< 5%). D’autre part, il existe 2 grands types de lymphocytes T αβ :

- ceux exprimant l’antigène CD4 : ils reconnaissent l’antigène associé et présenté par les molécules du complexe majeur d’histocompatibilité (CMH) de type II ; la majorité sont des lymphocytes T auxiliaires (ou helper), - ceux exprimant l’antigène CD8 : ils reconnaissent l’antigène associé et présenté par les molécules du CMH de type I ; la majorité sont des lymphocytes T cytotoxiques.  

Lymphopoïèse T indépendante d’antigène Réarrangements des gènes des régions variables du TCR Etapes cellulaires (CSH : cellule souche hématopoïétique ; CSL : cellule souche lymphoïde) Principaux antigènes exprimés (intracellulaires ou membranaires)     

 

CSH CLP Pro-T Pré-T1 Pré-T2 CD4+ CD8+ CD4+ CD8+immature mature

CD4+

CD8+

Pré-TCRTCR

CD34CD45RACD7CD2CD5CD1aCD3CD4CD8pTαTCR

TCRδTCRγTCRβTCRα

CSH CLP Pro-T Pré-T1 Pré-T2 CD4+ CD8+ CD4+ CD8+immature mature

CD4+

CD8+

Pré-TCRTCR

CD34CD45RACD7CD2CD5CD1aCD3CD4CD8pTαTCR

TCRδTCRγTCRβTCRα

Page 115: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 115/192

4.1.3.2. Différenciation dépendante d’antigène Elle se déroule également en plusieurs étapes :

• Pénétration des lymphocytes T dans les organes lymphoïdes secondaires (en traversant la paroi des veinules post-capillaires) et localisation au niveau des zones T.

• Activation : - induite par contact avec le complexe antigène-CMH porté par une cellule présentatrice

(cellule dendritique, macrophage, lymphocyte B) - 2ème signal de coactivation (médié par les molécules CD28 et CD80) - modulée par d’autres molécules (CD4, CD2, CD11a, CD45)

• Ce qui entraîne : - prolifération - production d’interleukine 2 (IL-2) et de son récepteur - synthèse de cytokines de type TH1 ou TH2 pour les lymphocytes T helper - synthèse de perforine, granzyme B pour les lymphocytes T cytotoxiques

Régulation croisée des lymphocytes T CD4 antigène dépendante La plupart des clones T CD4 chez l’homme sécrètent de l’IL‐2 ou un mélange de  cytokines.  Ces  clones  « helper »  correspondent  à  une  terminologie variable,  précurseurs  (Thp)  ou  nuls  (Tho).  La  stimulation  antigénique chronique,  selon  la dose d’antigène et  la nature   de  la cellule présentatrice, entraîne leur différenciation en clone Th1 (faible dose) sous l’effet de l’IL‐12, de l’IFNγ ou du TNF et en clone TH2 (fortes doses) sous l’effet de l’IL‐4 et de l’IL‐10. Ces cytokines sont produites en 1ère  ligne par des cellules captant et présentant  l’antigène  (cellule  dendritique, macrophage :  IL‐2,  TNF,  IL‐10). Puis, les cytokines,  produites à leur tour par les lymphocytes T activés (IFNγ, IL‐4,  IL‐10),  contribuent  à  une  régulation  complexe  de  la  réponse immunitaire qui finalement apparaît polarisée de «type Th1» avec activation macrophagique  et  T  cytotoxique,  ou  de  «type  Th2»  avec  production d’anticorps. 

4.1.4. Applications pour les hémopathies lymphoïdes

4.1.4.1. Immunophénotypage

La mise en évidence d’antigènes cellulaires, membranaires ou intracellulaires (cytoplasmiques ou nucléaires) permet de déterminer la nature des cellules tumorales et leur degré de différenciation. Cette détection d’antigènes peut se faire sur des cellules en suspension (cytométrie de flux), ou sur des tissus sur lames (immuno-histochimie) (voir cours sur les techniques en Hématologie). Cela constitue une étape essentielle en onco-hématologie, qui a plusieurs intérêts : • Diagnostique Elles permettent la détection d’une population lymphocytaire anormale :

- expression sur les lymphocytes B d’un seul type de chaîne légère, κ ou λ (concept de monotypie)

- phénotype anormal (trou phénotypique, en particulier pour les populations T) • Classification des hémopathies malignes La détermination du stade de développement auquel correspondent les différents syndromes lymphoprolifératifs est à la base des nouvelles classifications (OMS) des hémopathies malignes.

Page 116: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 116/192

Chaque prolifération exprime typiquement un ensemble de marqueurs antigéniques qui permet d’individualiser des entités nosologiques. Ceci est important car les thérapeutiques peuvent être différentes selon les cas. Ces analyses phénotypiques doivent être complétées par des analyses génétiques (voir plus bas).

Exemple : caractéristiques immunophénotypiques

des hémopathies lymphoïdes B chroniques                      

LLC : leucémie lymphoïde chronique ; LPL : leucémie prolymphocytaire ; HCL : leucémie à tricholeucocytes (ou hairy cell leukemia) ; SLVL : lymphome splénique à lymphocytes villeux ; LF : lymphome folliculaire ;  LM : lymphome du manteau 

• Pronostique La présence (ou l’absence) de certains marqueurs à la surface ou dans les cellules tumorales peut avoir une valeur pronostique : par exemple l’expression de CD38 (surface) ou ZAP-70 (cytoplasme) sur les cellules de leucémie lymphoïde chronique est un facteur défavorable. • Surveillance du traitement (« maladie résiduelle ») Le profil immunophénotypique unique de certaines proliférations, et qui n’est pas retrouvé sur les cellules normales, permet de suivre la réponse de la population tumorale au traitement et de détecter une éventuelle rechute.

4.1.4.2. Immunogénotypage

• Notion de clone : - si une prolifération est de nature tumorale, elle est monoclonale : toutes les cellules qui la

composent ont les mêmes réarrangements des gènes de Ig ou des TCR ; - si une prolifération est de nature réactionnelle, elle est polyclonale : toutes les cellules qui

la composent ont des réarrangements distincts des gènes des Ig ou des TCR. • Application diagnostique Ce principe est à la base du diagnostic moléculaire de clonalité lymphoïde. En effet l’analyse en biologie moléculaire des réarrangements des gènes des Ig et du TCR permet de faire la distinction entre proliférations monoclonales et polyclonales.

LM LF SLVL HCL LPL LLC MARQUEUR

forte

forte

moyenne

forte

forte faible Intensité des Ig de surface

---+ - - CD 103 --++ - +/- CD11c ---+ - +/- CD25 -+-- +/- - CD10 +-+/-- +/- + CD5 ++++ + - FMC7 -+/-+/-- - + CD23 ++++ + - CD22 ++++ + + CD19

Page 117: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 117/192

• Surveillance du traitement (maladie résiduelle) La séquence nucléotidique spécifique des réarrangements des gènes des Ig ou du TCR d’une prolifération lymphoïde peut être utilisée pour suivre avec une grande sensibilité l’évolution du clone tumoral au cours du traitement.

4.2. Oncogenèse

4.2.1. Généralités – concepts de base Comme pour les autres formes de cancer, l’origine des hémopathies lymphoïdes malignes est multifactorielle et leur développement est la résultante d’une accumulation de plusieurs événements oncogéniques. Schématiquement, on peut distinguer des facteurs d’origine exogène comme les virus, qui jouent un rôle direct ou indirect dans la lymphomagénèse, et surtout des facteurs endogènes que représentent les altérations des gènes cellulaires. En effet, il est aujourd’hui bien démontré que des lésions génétiques sont présentes dans la plupart des leucémies et lymphomes. Ces anomalies sont acquises, clonales, et limitées à la tumeur ; elles consistent soit en l’activation anormale d’un ou plusieurs proto-oncogènes, résultant le plus souvent d’une translocation chromosomique, soit au contraire en la perte de fonction d’un gène à effet anti-oncogène ou suppresseur de tumeur. Elles peuvent être : - primitives : elles sont fréquemment associées à un type histologique ou cytologique particulier, et correspondent à un événement précoce dans le développement des tumeurs. - secondaires : elles sont de survenue tardive et concernent plutôt des gènes impliqués dans la progression tumorale ou leur transformation histologique ; elles sont souvent communes à divers types de tumeurs (y compris les tumeurs solides). Elles concernent des gènes impliqués dans la prolifération, la différenciation ou la mort cellulaire. Les produits de ces gènes peuvent être des récepteurs cellulaires (voire leurs ligands), des protéines cytoplasmiques impliquées dans des voies d’activation cellulaire, ou des facteurs nucléaires contrôlant l’expression d’autres gènes. Enfin, il existe fréquemment des modifications du micro-environnement tumoral par le biais de sécrétions anormales de cytokines, produites de façon paracrine ou autocrine, et participant ainsi à la prolifération tumorale.

4.2.2. Lésions génétiques

Différents mécanismes moléculaires concourent à ces lésions génétiques.

4.2.2.1. Translocations chromosomiques activant un proto-oncogène Des anomalies du caryotype sont présentes dans près de 90% des cas d’hémopathies lymphoïdes. Les plus fréquentes et les mieux caractérisées sont les translocations chromosomiques réciproques, qui ont pour conséquence de juxtaposer des gènes qui sont normalement situés sur des chromosomes différents. Dans les hémopathies lymphoïdes, deux types de translocation sont rencontrés : • Translocations avec gènes des Ig / TCR Elles impliquent comme l’un des partenaires de fusion, les gènes des récepteurs à l’antigène des lymphocytes (BCR et TCR) ; elles sont vraisemblablement la conséquence d’une erreur de la recombinase (enzyme qui effectue le processus complexe de « réarrangement » des gènes de ces récepteurs au cours de l’ontogénène lymphoïde).

Page 118: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 118/192

De fait, certaines séquences d’ADN qui sont reconnues par la recombinase au voisinage des gènes du BCR ou du TCR, sont également présentes dans certains des gènes partenaires des translocations. Dans ce type de réarrangement, les gènes transloqués passent sous le contrôle transcriptionnel des gènes du BCR ou du TCR, aboutissant à leur expression anormale dans les cellules.

Translocations chromosomiques impliquant les gènes des Ig/TCR (avec expression aberrante d’oncogènes)

Hémopathie Translocation Oncogène Partenaire

LYMPHOMES

de Burkitt t(8;14) t(2;8)

t(8;22)

C-MYC C-MYC C-MYC

IgH Ig κ Ig λ

folliculaire t(14;18) BCL-2 IgH du manteau t(11;14) Cycline D1 IgH diffus à grandes cellules

t(3;14)

BCL-6 IgH

de MALT t(1;14) BCL-10 IgH

LEUCEMIES

LAL – B t(8;14) C-MYC IgH

LAL – T

t(1;14) t(7;9) t(7;9) t(7;19) t(10;14) t(11;14)

TAL1 TAL2

Notch-1 LYL1

HOX11 LMO1, LMO2

TCR α/δ TCR β TCR β TCR β

TCR α/δ TCR α/δ

LPL - T t(14;14) t(X;14)

TCL-1 MTCP-1

TCR α/δ TCR α/δ

LAL : leucémie aigue lymphoblastique ; LPL : leucémie prolymphocytaire.

Gène A

cassure cassure

recombinaison

V D J CGène Ig ou TCR

Promoteur

E

Action en cis des éléments de régulation de transcription (E = enhancer) des Ig ou du TCR

HyperexpressionARN

ADN

Protéine

Gène A

cassure cassure

recombinaison

V D J CGène Ig ou TCR

Promoteur

E

Action en cis des éléments de régulation de transcription (E = enhancer) des Ig ou du TCR

HyperexpressionARN

ADN

Protéine

Page 119: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 119/192

• Translocations avec fusion de gènes Dans ce second type de translocation, les gènes juxtaposés s’expriment sous forme d’un transcrit de fusion, produisant une protéine hybride. Ce mécanisme est moins fréquent dans les lymphomes que dans les leucémies aiguës.

Translocations chromosomiques avec protéine de fusion

Hémopathie Translocation Gènes de fusion

LYMPHOMES anaplasique t(2;5) NPM-ALK de MALT t(11;18) API2-MALT1

LEUCEMIES LAL de la lignée B

t(9;22) t(1;19)

t(17;19) t(12;21) t(4;11)

BCR-ABL E2A-PBX1 E2A-HLF

TEL–AML1 MLL-AF4

4.2.2.2. Inactivation de gènes suppresseurs de tumeurs

4.2.2.2.1. Gène TP53 Les altérations du gène TP53 sont parmi les lésions génétiques les plus fréquentes au cours des tumeurs humaines, puisqu’elles sont présentes dans environ la moitié des cancers. La protéine p53 joue un rôle crucial dans la vie cellulaire et la protection de l’intégrité du patrimoine génétique. Le mécanisme d’inactivation le plus fréquent dans les tumeurs correspond à une délétion mono-allélique accompagnée, sur l’autre allèle, d’une mutation ponctuelle qui aboutit à une inactivation fonctionnelle de la protéine. Cette perte de fonction permet aux cellules cancéreuses d’échapper aux phénomènes d’apoptose, et s’accompagne d’une instabilité génétique importante. Dans les lymphomes, la fréquence des altérations de TP53 est moindre que dans les tumeurs solides, et varie selon le type histologique. Elle se voit surtout dans les lymphomes de Burkitt (40% des cas) et les lymphomes de haut grade (30%), ainsi que dans les transformations de lymphomes de bas grade en haut grade. On la détecte également dans la leucémie lymphoïde chronique (5%-10% des cas). Dans toutes ces hémopathies, la présence de mutations (et délétions) de TP53 est un facteur de mauvais pronostic.

Gène A Gène B

cassure cassure

recombinaison

ADN de fusion

ARN de fusion

Protéine de fusion

Gène A Gène B

cassure cassure

recombinaison

ADN de fusion

ARN de fusion

Protéine de fusion

Page 120: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 120/192

4.2.2.2.2. Inhibiteurs des kinases du cycle cellulaire

Les inhibiteurs du cycle cellulaire représentent une famille de protéines (p15INK4b, p16INK4a, p18INK4c, p19INK4d) associées aux complexes kinases cycline D. Des lésions de ces gènes sont fréquentes dans divers types de cancers et résultent de plusieurs mécanismes : mutations, délétions (hétéro- ou homozygotes) et également hyperméthylation des régions promotrices empêchant leur expression. Des altérations des gènes P15 INK4b et P16INK4a sont fréquentes dans les leucémies aigues et les lymphomes de haut grade.

4.2.2.3. Mutations activatrices Le gène FLT-3 code pour un récepteur membranaire à activité tyrosine kinase, qui joue un rôle important dans le développement des cellules souches hématopoïétiques. Des mutations de ce gène sont présentes dans certaines leucémies aiguës lymphoblastiques (et également myéloblastiques). Elles entraînent un état d’activation permanente de la protéine, qui contribue à la croissance dérégulée des cellules leucémiques.

4.2.3. Agents infectieux

Depuis la découverte en 1964 du virus Epstein Barr (EBV) dans les cellules de lymphome de Burkitt, le rôle des virus dans le développement des tumeurs chez l’homme est bien établi. La contribution de ces agents infectieux au développement tumoral est complexe et variable. • Certains y jouent un rôle direct dans la mesure où ils sont présents dans les cellules tumorales et participent à la dérégulation des processus de division cellulaire et/ou de mort cellulaire programmée (apoptose) ; c’est le cas de :

- EBV : présent dans les lymphomes de Burkitt (en Afrique) et les lymphomes des immunodéprimés (SIDA, transplantés) - HTLV-1 (Human T-cell Leukemia Virus-1) : responsable de la leucémie – lymphome T de l’adulte - Virus humain herpès 8 (HHV-8) : trouvé dans certains types de lymphomes.

• D’autres, au contraire, comme certaines bactéries, ne sont pas retrouvés dans les cellules

lymphomateuses mais contribuent à la prolifération tumorale, vraisemblablement par le biais d’une stimulation antigénique chronique : Helicobacter pylori (lymphomes gastriques), Campylobacter jejuni (lymphomes intestinaux), Borrelia burgdorferi (lymphomes cutanés), Chlamydia psittaci (lymphomes des annexes oculaires). C’est également le cas du virus l’hépatite C (lymphomes B, en particulier ceux de la zone marginale).

• Enfin certain virus, comme celui de l’immunodéficience humaine (VIH), ont une action complexe et favorisent l’émergence de proliférations clonales à la fois par perte du contrôle par le système immunitaire (en particulier de cellules infectées par l’EBV) et par sa capacité de stimulation B polyclonale.

Page 121: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 121/192

4.2.4. Applications pour les hémopathies lymphoïdes

4.2.4.1. Techniques d’études Les altérations génétiques présentes dans les hémopathies peuvent être mises en évidence de plusieurs manières : - au niveau chromosomique par les techniques de Cytogénétique conventionnelle (caryotype) et

moléculaire (FISH = hybridation in situ fluorescente) - au niveau génique par Biologie moléculaire (intérêt en particulier des techniques d’amplification

génique par PCR) : nécessité de disposer de matériel congelé +++ - enfin certaines protéines oncogéniques peuvent être détectées par des techniques

immunologiques (cytométrie en flux, immunocytochimie) 4.2.4.2. Utilisation en onco-hématologie

La mise en évidence d’anomalies génétiques particulières a plusieurs types d’intérêt : • Diagnostique

La présence de ces anomalies va permettre de confirmer, voire d’affirmer le caractère malin d’une lymphoprolifération. Elles permettent également de préciser le type précis de prolifération, ce qui peut influer sur la thérapeutique à utiliser: par exemple la présence de t(11 ;14) avec hyper expression de la cycline D1 associée aux lymphomes du manteau.

• Pronostique Certaines anomalies constituent des facteurs de pronostic qui vont nécessiter des approches thérapeutiques distinctes. Par exemple dans les leucémies aiguës lymphoblastiques, les réarrangements de type BCR-ABL, E2A-PBX, MLL-AF4 sont de mauvais pronostic, alors ceux de type TEL-AML1 sont de bon pronostic.

• Evolutif Les techniques, en particulier moléculaires, sont très utilisées pour suivre l’évolution de la maladie sous traitement (« maladie résiduelle »). En effet leur grande sensibilité (capacité de détection pouvant atteindre une cellule leucémique parmi 106 cellules normales) leur permet de détecter une éventuelle rechute (dite moléculaire) avant les autres techniques, notamment cytologiques.

Page 122: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 122/192

4.2.4.3. Intérêt pronostique - Anomalies de mauvais pronostic :

réarrangements bcr-abl, E2A-PBX, gène MLL dans les LAL délétions/mutations p53, inhibiteurs du cycle cellulaire

- Anomalies de bon pronostic : t(2;5) et expression de ALK dans les lymphomes anaplasiques

4.2.4.4. Intérêt pour la surveillance sous traitement

Etudes de la maladie résiduelle : Bcl-2 (sensibilité = 10-5)

4.2.4.5. Espoirs thérapeutiques - Inhibition d’oncogènes (inhibiteur de la tyrosine kinase bcr-abl, oligonucléotides anti-sens bcl-2) - Restauration d’anto-oncogènes (p53) - Immunothérapie (anti bcr-abl, anti-EBV) 4.3. Le ganglion lymphatique

4.3.1. Ganglion lymphatique normal Le ganglion normal comporte une zone corticale qui contient les follicules lymphoïdes, et une zone paracorticale et médullaire riche en vaisseaux. Il existe un sinus marginal sous-capsulaire dans lequel s’abouchent les canaux lymphatiques afférents et des sinus inter folliculaires et médullaires. Les follicules lymphoïdes sont constitués de lymphocytes B. On distingue les follicules primaires et les follicules secondaires, apparaissant après stimulation antigénique, qui comportent un centre germinatif et une couronne de petits lymphocytes formant la zone du manteau. La zone inter folliculaire est constituée de lymphocytes T, de veinules post-capillaires par lesquelles ils transitent. Ces zones peuvent comporter aussi quelques lymphocytes B dispersés et des plasmocytes.

4.3.2. Lymphadénites

4.3.2.1. Lymphadénite tuberculoïde Le granulome tuberculoïde est un granulome épithélioïdes et gigantocellulaires avec ou sans nécrose. Les deux principales causes à évoquer sont la tuberculose et la sarcoïdose. La coloration de Ziehl peut détecter des bacilles acido-alcoolo-résistants.

4.3.2.2. Lymphadénite nodulaire abcédée La lésion nodulaire abcédée ou granulome pyo-épithélioïde est constituée par un abcès central entouré par une couronne de cellules épithélioïdes disposées de façon palissadique. Si cette lésion est présente dans un ganglion axillaire ou cervical, il faut évoquer les maladies des griffes du chat ; dans un ganglion mésentérique, il pourra s’agir d’une yersiniose.

4.3.2.3. Mononucléose infectieuse Elle est secondaire à une infection par le virus d’ Epstein-Barr (EBV). Elle intéresse les ganglions cervicaux. Elle se traduit par les lésions histologiques suivantes :

Page 123: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 123/192

une hyperplasie immunoblastique avec parfois des cellules sternbergoïdes, ce qui pose parfois un problème de diagnostic différentiel avec un lymphome à grandes cellules ou un lymphome de Hodgkin mais l’architecture du ganglion est respectée.

une hyperplasie folliculaire.

des amas de cellules épithélioïdes dans les zones inter folliculaires ou les follicules.

des foyers de nécrose.

4.3.2.4. Toxoplasmose Une infection toxoplasmique est évoquée devant la triade lésionnelle suivante :

une hyperplasie folliculaire ;

des amas de cellules épithélioïdes ;

une lymphocytose B monocytoïde sinusale et parasinusale.

4.3.2.5. Infection VIH Au cours de l’infection par le VIH, on peut constater une hyperplasie folliculaire souvent caractérisée par une dissociation des centres germinatifs. Des aspects proches d’une lymphadénopathie angio-immunoblastique peuvent également être retrouvés, associant une hyperplasie vasculaire et un infiltrat polymorphe (plasmocytes, petits lymphocytes, immunoblastes).

4.3.3. Métastases QS

4.3.4. Lymphomes non hodgkiniens ganglionnaires Intérêt de l'étude anatomopathologique : elle permet de faire le diagnostic de lymphome et d’établir une classification d'intérêt pronostique. Plusieurs classifications des lymphomes non hodgkiniens (LNH) ont été proposées. La classification la plus récente proposée par l’O.M.S. repose sur des critères morphologiques, immunophénotypiques et génotypiques.

Classification des lymphomes selon l’OMS

LNH B LNH T Lymphome de Hodgkin

Lymphoblastique Lymphoblastique Nodulaire à prédominance lymphocytaire

LNH lymphocytique/LLC LNH T périphérique Classique à prédominance lymphocytaire

LNH lymphoplasmocytaire LNH T angio-immunoblastique scléronodulaire

LNH du manteau LNH anaplasique Cellularité mixte

LNH folliculaire LNH à cellules T/NK

LNH de la zone marginale (MALT) LNH T γδ

LNH à grandes cellules

LNH Burkitt

Page 124: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 124/192

4.3.4.1. Critères morphologiques Architecture : type nodulaire ou diffus. Cytologie : on distingue les lymphomes selon la taille des noyaux des cellules tumorales, la

densité de la chromatine, l’aspect des contours nucléaires et le nombre et la taille des nucléoles. L’activité mitotique est également évaluée. On tient également compte de l’aspect du cytoplasme.

4.3.4.2. Critères immunophénotypiques L’étude immunohistochimique sur matériel inclus en paraffine permet de déterminer le

phénotype B ou T d’un lymphome, ce qui est un facteur pronostique important, les lymphomes T étant plus agressifs que les lymphomes B. Elle permet également de déterminer le caractère monotypique d’une prolifération lymphoplasmocytaire ou plasmocytaire par l’étude des chaînes légères d’immunoglobuline intra cytoplasmiques.

L’étude immunohistochimique sur matériel congelé est utilisée en cas de doute entre hyperplasie lymphoïde et lymphome. Pour les lymphome B, une restriction d’expression de la chaîne kappa ou lambda à la surface des cellules lymphoïdes permet d’affirmer la malignité. Ce type d’étude n’est pas possible sur matériel inclus en paraffine car les immunoglobulines de surface sont détruites par la fixation des prélèvements. Pour les lymphomes T, l’absence d’expression un ou plusieurs d’antigène de différenciation T (CD2, CD3 CD5ou CD7) à la surface des cellules lymphoïdes permet d’affirmer la malignité.

4.3.4.3. Critères génotypiques L’étude en biologie moléculaire (par PCR ou Southern blot) permet d’affirmer le caractère clonal d’une prolifération lymphoïde en montrant un réarrangement monoclonal du gène de la chaîne lourde des immunoglobulines pour les lymphomes B ou du gène du récepteur pour l’antigène des lymphocytes T (TCR) pour les lymphocytes T. Elle permet de mettre en évidence le réarrangement d’oncogènes : bcl-2 et LNH folliculaire, cycline D1 et LNH du manteau, C-myc et LNH de Burkitt, NPM-ALK dans certains types de LNH anaplasiques (cf. infra).

4.3.5. Lymphomes B

LNH B : profil phénotypique

CD5 CD10 CD23 LNH lymphocytique/LLC + - + LNH manteau + - - LNH folliculaire - + - LNH de la zone marginale - - -

4.3.5.1. Lymphome lymphoblastique B Cette prolifération est faite de cellules de taille moyenne au noyau arrondi contenant une chromatine fine et des nucléoles à peine visibles correspondant à des lymphoblastes. C’est l’équivalent lymphomateux des leucémies aiguës lymphoblastiques.

Page 125: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 125/192

4.3.5.2. Lymphome lymphocytique / Leucémie Lymphoïde Chronique (LLC) La différence entre lymphome lymphocytique et LLC est l’existence d’une lymphocytose sanguine dans le second cas. Cette prolifération est d’architecture diffuse est constituée de petits lymphocytes au noyau arrondis contenant une chromatine dense sans nucléoles. Il existe également des cellules de taille un peu plus grande et nucléolées appelées prolymphocytes qui sont dispersés ou groupés en centre de croissance. L’immunophénotype est le suivant : CD5+, CD23+, IgM+, IgD+ (cf. tableau « LNH B : profil phénotypique »).

4.3.5.3. Lymphome lymphoplasmocytaire C’est la traduction morphologique de la maladie de Waldenström qui associe une prolifération lymphoplasmocytaire de la moelle osseuse, du sang et de la rate plus rarement des ganglions à une IgM sérique. L’immunomarquage sur coupes déparaffinées met en évidence une IgM monotypique intra cytoplasmique.

4.3.5.4. Lymphome folliculaire Cette prolifération est d’architecture nodulaire ou nodulaire et diffuse. Elle est constituée de centrocytes (cellules de taille petite ou moyenne au noyau clivé) et de centroblastes (cellule de grande taille au noyau arrondi contenant une chromatine de faible densité et plusieurs nucléoles souvent plaqués contre l’enveloppe nucléaire). La proportion de centroblastes permet de séparer les lymphomes folliculaires en deux groupes : - le grade I ou lymphome folliculaire (< 50 % de centroblastes) - le grade II ou lymphome folliculaire à grandes cellules (> 50% de centroblastes). L’immunophénotype est le suivant : CD5-, CD10+, CD23- (cf. tableau « LNH B : profil phénotypique »). Au plan génotypique, il existe un réarrangement de l’oncogène bcl-2 qui bloque la mort cellulaire programmée (ou apoptose), en rapport avec la translocation chromosomique 14-18. Les cellules tumorales expriment la protéine bcl-2. Ceci peut être utilisé pour différencier un lymphome folliculaire d’une hyperplasie folliculaire dans laquelle les cellules des centres germinatifs sont bcl-2 négatives.

4.3.5.5. Lymphome du manteau Il s’agit d’un lymphome d’architecture nodulaire ou diffuse. Cette prolifération est constituée de cellules de taille petite ou moyenne avec des noyaux aux contours irréguliers, parfois clivés ressemblant à des centrocytes. Les cellules tumorales ont le phénotype suivant : CD5+, CD10-, CD23-, IgM+, IgD± (cf. tableau « LNH B : profil phénotypique »). La particularité de ce lymphome est l’hyper expression de la cycline D1 en rapport avec un réarrangement du gène lié à la translocation chromosomique 11-14.

4.3.5.6. Lymphome de la zone marginale ou type MALT Les cellules tumorales de ce type de lymphome sont issues de la zone marginale. Il s’agit d’une zone claire située au-delà de la zone du manteau des follicules lymphoïdes. Ce type de LNH peut se développer dans les ganglions lymphatiques, la rate ou le tissu lymphoïde associé aux muqueuses (ou MALT). Les cellules tumorales sont de type centrocytoïdes ou monocytoïdes. Leur phénotype est le suivant : CD5-, CD10-, CD23- (cf. tableau « LNH B : profil phénotypique »).

Page 126: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 126/192

4.3.5.7. Lymphome diffus à grandes cellules B Les lymphomes à grandes cellules de phénotype B sont d’architecture diffuse. Ils peuvent être constitués de centroblastes ou d’immunoblastes. Les immunoblastes sont des grandes cellules au cytoplasme abondant et basophile comportant un noyau parfois excentré contenant un nucléole volumineux central. Selon le type cellulaire prédominant, on peut donc distinguer les lymphomes centroblastiques, immunoblastiques.

4.3.5.8. Lymphome anaplasique B Cf. 4.3.6.4. LNH anaplasique T

4.3.5.9. Lymphome de Burkitt Le lymphome de Burkitt est une forme particulière de lymphome de haut grade de malignité car il est associé au réarrangement de l’oncogène c-myc secondaire à la translocation chromosomique 8-14 (80% des cas) ou aux translocations variantes 8-2 et 8-22 (20% des cas). L’oncogène c-myc stimule la prolifération cellulaire. Il existe une forme endémique en zone équatoriale associée à l’EBV dans près de 100% des cas et une forme sporadique dans les zones géographiques tempérées, associée à l’EBV dans 15 à 30% des cas. Ce lymphome se présente comme une prolifération diffuse monomorphe de cellules de taille moyenne, au rapport cytoplasmique élevé. Leur noyau est rond avec une chromatine fine, et plusieurs petits nucléoles. L’activité mitotique est élevée. De nombreux macrophages phagocytant des corps apoptotiques réalisent un aspect dit “en ciel étoilé”.

4.3.6. Lymphomes T ou NK

4.3.6.1. Lymphome lymphoblastique T Cette prolifération est faite de cellules de taille moyenne au noyau arrondi contenant une chromatine fine et des nucléoles à peine visibles correspondant à des lymphoblastes. C’est l’équivalent lymphomateux des leucémies aiguës lymphoblastiques. Cliniquement, ce type de LNH se manifeste par une masse médiastinale.

4.3.6.2. Lymphome T périphérique Les lymphomes T périphériques sont caractérisés par un infiltrat pléomorphe (mélange de cellules de taille différente), une hyperplasie vasculaire et la présence de quelques cellules réactionnelles (plasmocytes, cellules épithélioïdes ou polynucléaires éosinophiles). L’immunomarquage sur matériel congelé montre l’absence d’expression d’un ou plusieurs antigènes de différenciation T (CD2, CD3, CD5 ou CD7).

4.3.6.3. Lymphome T angio-immunoblastique Ce type de LNH est caractérisé par un effacement de l’architecture ganglionnaire un infiltrat diffus constitué principalement de cellules réactionnelles (plasmocytes, cellules épithélioïdes ou polynucléaires éosinophiles), une hyperplasie vasculaire. Les cellules tumorales peu nombreuses forment de petits amas. L’immunomarquage sur matériel congelé est d’interprétation difficile, les cellules tumorales étant peu nombreuses. L’étude par PCR ou Southern blot du gène du TCR (récepteur des lymphocytes T pour l’antigène) montre un profil mono ou oligoclonal.

Page 127: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 127/192

4.3.6.4. Lymphome anaplasique Les LNH anaplasiques peuvent être de phénotype T, B ou non B-non T. Les cellules tumorales sont de très grande taille avec des noyaux très irréguliers polylobés, fortement nucléolés. L’architecture des ganglions est totalement détruite. En cas d’atteinte partielle, l’infiltration est inter folliculaire ou intrasinusale. Les cellules tumorales expriment l’antigène CD30 qui est un marqueur d’activation des lymphocytes. Ce marqueur peut être utile pour différencier le lymphome anaplasique des carcinomes indifférenciés : le LNH anaplasique exprime l’antigène CD30+, antigène commun leucocytaire mais pas la cytokératine alors que les carcinomes sont cytokératine positifs, CD30 négatifs et n’expriment pas l’antigène commun leucocytaire. Dans les LNH anaplasiques T ou non B - non T, on peut retrouver une translocation entre les chromosomes 2 et 5 qui juxtapose les gènes NPM et ALK.

4.3.6.5. LNH à cellules T / NK Le LNH à cellules T/NK se caractérise par des localisations extra ganglionnaires (nez, peau, intestin, testicule, utérus). Les formes nasales sont les plus fréquentes. Il s’agit de lésions destructrices des sinus de la face, de la cloison nasale, de la voûte du palais. Histologiquement, il existe un infiltrat polymorphe (lymphocytes, plasmocytes, macrophages) associé à un infiltrat pléomorphe tumoral envahissant les parois vasculaires avec nécrose souvent extensive. Le phénotype est le suivant : CD3 intra-cytoplasmique +, CD2+, CD5-, CD4-/CD8-, βF1+, δtcr1-, CD56+ correspondant à des cellules cytotoxiques activées (Tia1+, Granzyme B+). Cette prolifération est associée à l’EBV.

4.3.6.6. LNH T γδ hépatosplénique La présentation clinique est hépatosplénique avec une atteinte ostéomédullaire sans d’adénopathie. L’infiltrat tumoral est fait de cellules de taille moyenne, monomorphes situées dans les sinus et les cordons de la pulpe rouge de la rate, les sinusoïdes du foie, et les sinus de la moelle osseuse. Le phénotype est le suivant : CD3+, CD5-, TCRγδ+, CD4-/CD8-, CD56+ correspondant à des cellules cytotoxiques non activées (Tia1+, Granzyme B-).

4.3.7. Lymphome de Hodgkin Le lymphome de Hodgkin est caractérisé par l’association de cellules tumorales particulières : les cellules de Hodgkin ou de Sternberg, et d’une population de cellules inflammatoires très nombreuses (plasmocytes, petits lymphocytes, polynucléaires neutrophiles ou éosinophiles, histiocytes). Les cellules tumorales sont dispersées et masquées par le granulome inflammatoire. Les cellules de Sternberg sont des cellules de très grande taille au noyau polylobé, fortement nucléolé. Les cellules de Hodgkin sont mononucléées avec un nucléole volumineux. Ces cellules expriment l’antigène CD30, CD15 et sont généralement CD3 et CD20 négatives. Le lymphome de Hodgkin est associé à l’EBV dan 50% des cas.

Il existe plusieurs formes de lymphome de Hodgkin : La forme nodulaire à prédominance lymphocytaire ou paragranulome de Poppema est

caractérisée par une architecture faite de nodules sans fibrose avec des cellules tumorales peu nombreuses avec un noyau polylobé, peu nucléolé dont l’aspect particulier a été comparé au pop corn (cellules pop corn). Le phénotype de ces cellules tumorales (CD20+, CD30-, CD15+,

Page 128: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 128/192

EMA+) est différent de celui des cellules de Sternberg. La forme diffuse à prédominance lymphocytaire est exceptionnelle. La forme scléronodulaire caractérisée par une architecture faite de nodules délimités par une

fibrose annulaire. Le type à cellularité mixte caractérisée par une architecture diffuse et un mélange de cellules

inflammatoires et de cellules tumorales. La forme à déplétion lymphocytaire exceptionnelle et qui est en réalité dans la plupart des cas

un LNH anaplasique.

Page 129: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 129/192

4.4. Diagnostic des adénopathies superficielles

4.4.1. Rappels : physiologie et anatomie Les ganglions interviennent dans les défenses de l’organisme. Leur hypertrophie pathologique peut résulter : - d’une réaction lymphocytaire et/ou macrophagique secondaire à une stimulation antigénique

loco-régionale de nature infectieuse - d’une réaction lymphocytaire secondaire à une infection généralisée (le plus souvent virale) avec

hypertrophie de l’ensemble du système lymphoïde - d’un envahissement par les cellules cancéreuses dans le territoire de drainage des ganglions - d’une prolifération tumorale primitive du tissu lymphoïde - d’une réaction lymphocytaire en rapport avec une stimulation antigénique dans le cadre de

pathologies auto-immunes

Territoires physiologiques de drainage lymphatique

Siège ganglionnaire Territoires drainés

cervical Cuir chevelu Sphères ORL et stomatologique Thyroïde

axillaire Membres supérieurs Seins

sus-claviculaire Médiastin, poumons Tube digestif Testicules

inguinal Périnée : anus, pénis, scrotum, vulve Membres inférieurs

4.4.2. Diagnostic différentiel Ganglions non pathologiques comme les fréquents petits ganglions (< 1 cm) inguinaux Lésions non ganglionnaires : fibrome ou lipome (consistance molle, tumeur thyroïdienne ou salivaire (hydrosadénite, hernie)

4.4.3. Démarche diagnostique Cf. figure « conduite à tenir devant des adénopathies superficielles » Cette démarche diagnostique devra tenir compte :

Du caractère localisé ou disséminé des adénopathies : - une adénopathie localisée orientera vers une cause locale, infectieuse ou tumorale, ayant

comme point de départ le territoire drainé par le ganglion - les ganglions disséminés orienteront vers une cause infectieuse systémique, une

hémopathie maligne, une maladie de système

De la date d’apparition et du mode d’évolutivité de l’adénopathie : adénopathie aiguë ou chronique, augmentation rapide de volume, résolution spontanée, …

Page 130: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 130/192

Autres éléments importants : - âge du patient : fréquence des infections virales chez l’enfant et des tumeurs chez

l’adulte âgé - contexte : facteurs de risque du VIH, présence d’animaux dans l’entourage, notion de

griffure de chat. - caractère inflammatoire et/ou douloureux, consistance et mobilité du ganglion - association à une altération de l’état général - existence d’une hépatomégalie et/ou d’une splénomégalie - existence d’un foyer infectieux dans le territoire de drainage

4.4.4. Examens complémentaires

Le choix des examens complémentaires devra dépendre : du contexte, du caractère localisé ou disséminé, du caractère aigu ou chronique des adénopathies.

4.4.4.1. Numération formule sanguine Elle permet de mettre en évidence : - un syndrome mononucléosique avec la présence de grands lymphocytes activés (infection virale) - une hyperlymphocytose (leucémie lymphoïde chronique), - des cellules leucémiques - une polynucléose (infection bactérienne).

4.4.4.2. Radiographie thoracique Recherche d’un syndrome tumoral Recherche d’un foyer infectieux Recherche d’une tuberculose

4.4.4.3. Sérologies virales En fonction du contexte : VIH, MNI, CMV, rubéole, toxoplasmose, brucellose, syphilis, maladie des griffes du chat, IDR

4.4.4.4. Protéines de l’inflammation et vitesse de sédimentation Maladie auto-immune Infection

4.4.4.5. Échographie abdominale, scanner En fonction du contexte

4.4.4.6. Recherche d’une tumeur solide En fonction du contexte et de la localisation des adénopathies

4.4.4.7. Cytoponction d’une adénopathie Aspiration à l’aiguille fine pour la réalisation d’un adénogramme et la mise en culture. Elle peut mettre en évidence des cellules malignes, du pus, du caséum, des germes. L’adénogramme constitue un élément d’orientation devant un aspect cytologique évocateur mais ne peut affirmer le diagnostic d’une pathologie maligne ou d’une hyperplasie réactionnelle.

Page 131: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 131/192

4.4.4.8. Biopsie chirurgicale d’une adénopathie Elle doit être réalisée devant une ou des adénopathies chroniques (> 2 mois) non expliquées par le bilan étiologique et parfois plus tôt devant une forte suspicion de malignité. Elle permet une analyse histologique et pose le diagnostic (lymphome, métastase de tumeur solide, tuberculose, hyperplasie réactionnelle). La biopsie doit être organisée en collaboration avec le chirurgien et l’anatomopathologiste. Le ganglion doit être adressé au laboratoire d’anatomopathologie (dans une compresse de sérum physiologique) pour la réalisation d’une étude histologique, et d’une cryoconservation pour des études immunohistochimiques sur coupe à congélation et/ou pour des techniques de biologie moléculaire ultérieures

4.4.5. Conclusion L’existence d’adénopathies est un motif de consultation très courant en hématologie. Le contexte clinique, l’interrogatoire, l’examen clinique et le mode évolutif des adénopathies sont des éléments fondamentaux pour orienter les examens complémentaires. Si au terme du bilan, aucune étiologie n’est retrouvée et que les adénopathies persistent, une biopsie ganglionnaire doit être réalisée.

Page 132: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Conduite à tenir devant des adénopathies superficielles :

Adénopathies localisées Aiguës Chroniques

Rechercher dans le territoire de drainage

Infections Adénopathie d’allure inflammatoire, douloureuse : ex.: - maxillaire : infection ORL, dentaire. - axillaire : Plaies des membres supérieurs. Maladie des griffes du chat - inguinale : infection de la verge, de la marge anale. o Hémopathies : Lymphome non hodgkinien ou de hodgkin

o Tumorales : ex.: - ADP cervicale, sous-maxillaire : ORL, stomatologique,

oesophagien, thyroïdien - ADP sus-claviculaire gauche : digestif, rénal, testiculaire - ADP axillaire : sein ADP inguinale : OGE, marge anale

Infection chronique Sinusite chronique, foyer dentaire, plaie chronique, chancre, tuberculose

Hémopathies : Lymphome non hodgkinien ou de hodgkin

Adénopathies localisées Aiguës Chroniques

Infections - virales : VIH, MNI, CMV, rubéole, adénovirus, rougeole - parasitaires : toxoplasmose, leishmaniose - bactériennes : brucellose, syphilis II

Hémopathies : Leucémie aigue ou lymphome

Leucémie lymphoïde chronique

Métastases de cancer solide

Lymphome non hodgkinien, lymphome de Hodgkin,

Maladies dysimmunitaires : lupus, sarcoïdose, PR, …

Pathologies infectieuses persistant plusieurs mois après des manifestations générales : tuberculose, brucellose, syphilis, VIH,

Page 133: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 133/192

4.5. Syndromes lymphoprolifératifs chroniques

4.5.1. La leucémie lymphoïde chronique (LLC)

4.5.1.1. Circonstances de découverte La LLC est la plus fréquente des leucémies. Elle est souvent reconnue dans la deuxième partie de la vie à l’occasion : - de l’apparition des signes classiques de la maladie : ganglions, splénomégalie - d’un bilan de complications auto-immunes, de surinfection - d’un hémogramme systématique, réalisé par exemple à titre pré-opératoire

4.5.1.2. Données cyto-histologiques indispensables Lymphocytose sanguine : plus de 5 000 lymphocytes/mm3 ; morphologie vérifiée au microscope ;

lymphocytose durable (> 3 mois). Cytologie ; petits lymphocytes matures permettant d’éliminer les autres causes de lymphocytoses

Aujourd’hui, ponction sternale et biopsie médullaire ne sont plus nécessaires pour établir le diagnostic et ne sont pratiquées que pour mieux préciser le mécanisme d’un cytopénie associée (thrombopénie ou anémie)

4.5.1.3. Méthodes actuelles Le phénotype lymphocytaire sanguin fait en technique de flux est devenu indispensable au

diagnostic et remplace les examens médullaires. Il retrouve un clone de lymphocytes B, monotypique (exprimant tous la même chaîne légère) avec peu d’immunoglobulines à la surface contrairement aux lymphocytes B normaux, CD5+, CD23+. Il s’agit d’un clone très particulier de lymphocytes B. L’immunophénotypage est un outil clé pour le diagnostic mais aussi le diagnostic différentiel des autres hyperlymphocytoses sanguines.

Le réarrangement des immunoglobulines : il sera étudié avant les protocoles thérapeutiques pour pouvoir déceler, à la fin du traitement, par PCR, une éventuelle maladie résiduelle et a également une valeur pronostique.

Le caryotype + étude en FISH : il a une valeur pronostique majeure et sera pratiqué dans le sang circulant

En pratique : il faut congeler les cellules et le sérum pour pouvoir éventuellement étudier plus tard : ADN, ARN, oncogènes et marqueurs sériques.

4.5.1.4. Diagnostic différentiel Il doit être traité en deux chapitres : les lymphocytoses polyclonales et les lymphocytoses monoclonales.

4.5.1.4.1. Les lymphocytoses polyclonales Faciles à reconnaître car transitoires.

Une lymphocytose sanguine isolée, sans atteinte médullaire persiste plusieurs mois au décours d’un syndrome mononucléosique (prolifération de lymphocytes T):

- primo-infection par virus HIV, - mononucléose infectieuse : tableau clinique aigu et apparition d'anticorps contre d'autres

espèces détectées par la réaction de Paul et Bunnel ou le MNI-test, détection de l'infection EBV.

- toxoplasmose acquise caractérisée par l'existence d'anticorps IgM - l'infection à cytomégalovirus : est aussi reconnue par l'existence d'anticorps IgM

Page 134: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 134/192

Au cours de la coqueluche, la lymphocytose sanguine est liée à un trouble de la circulation des lymphocytes qui ne peuvent revenir dans les territoires lymphatiques.

4.5.1.4.2. Les autres lymphocytoses monoclonales

Les autres lymphocytoses monoclonales doivent être reconnues car elles sont justiciables de traitements différents.

La maladie de Waldenström sera traitée plus loin

La leucémie à tricholeucocytes ou Hairy Cell Leukemia est caractérisée par la fréquence de la splénomégalie, un aspect morphologique des cellules très particulier mais modifié par le frottis sanguin, un monocytopénie, la présence de fibrose à la biopsie médullaire où les cellules sont parfois plus faciles à reconnaître. Le phénotype des cellules est caractéristique (cf. tableau) avec un clone B et, en plus, la présence de marqueurs granuleux et du CD25. Le pronostic autrefois grave et dominé par la pancytopénie a été transformé par l'utilisation du 2 chlorodésoxydésaminase (2CDA)

Les lymphomes du manteau s'accompagnent souvent d'un syndrome tumoral avec polyadénopathies. Le diagnostic est affirmé par la présence d'une translocation 11-14 et l'augmentation de la cycline D1. Cette affection est particulièrement redoutable

Le "Splenic lymphocyte Villositous Leukemia" (SLVL) ressemble à la leucémie à tricholeucocytes avec une évolution plus paisible.

Les lymphomes à petites cellules sont, là encore, caractérisées par un tableau ganglionnaire souvent plus important. L'infiltration médullaire est souvent paratrabéculaire. Chacun de ces lymphocytes à petites cellules a une morphologie lymphocytaire et un phénotype particulier.

L'ensemble des données phénotypiques est résumé sur le tableau suivant :

Expression des molécules membranaires dans les principaux syndromes lymphoprolifératifs

LLC HCL LPL SLVL LF LM IGs faible forte forte forte forte forte

CD 19 + + + + + + CD 20 + + + + + + CD 22 - + + + + + CD 23 + - + / - - / + - - CD 24 + ND + + / - + + CD 5 + - + / - - / + - +

CD 10 - - - - + - CD 11c - / + + - + / - - - CD 25 - / + + - - - - FMC 7 - / + + + + + +

CD 103 - + - - - - CD 79b - + + + + +

LLC : leucémie lymphoïde chronique ; HCL : leucémie à tricholeucocytes LM : lymphome du manteau

LPL : leucémie à prolymphocytes ; SLVL : lymphome splénique à lymphocytes villeux LF : lymphome folliculaire ;

Page 135: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 135/192

4.5.1.5. Évolution, classification

4.5.1.5.1. Les complications Les complications hématologiques : elles restent rares, avec pancytopénie par infiltration

médullaire : - complications auto-immunes : anémie hémolytique par auto-anticorps, P.T.I. : purpura

thrombopénique immunologique, érythroblastopénie (réticulocytes< 10.000/mm3) - transformations ganglionnaires, c'est-à-dire de Richter, avec lymphome ou lymphome de

Hodgkin compliquant une LLC - transformations sanguines et médullaires avec la leucémie prolymphocytaire qui peut

survenir d'emblée et est caractérisée par la présence dans le sang de 60% de lymphoblastes associés aux petits lymphocytes

Les complications infectieuses : elles sont, quant à elles, très fréquentes. Elles relèvent de plusieurs mécanismes (trouble de l'immunité retardée ou/et hypogammaglobulinémie). Souvent à germes encapsulés en raison de l’hypogammaglobulinémie. Il est interdit de vacciner les L.L.C. avec un vaccin vivant (fièvre jaune).

Les cancers secondaires : à âge égal, ils sont dix fois plus fréquents que dans une population non atteinte de LLC. Ils doivent être suspectés devant toute manifestation qui ne touche pas le sang, la moelle et les ganglions.

Les localisations multiviscérales de la maladie restent exceptionnelles. Parfois aucune complication ne survient pendant des années. La fréquence de ces complications et l'évolution de la maladie peuvent aujourd'hui être appréciées grâce aux classifications anatomo-cliniques et à certains marqueurs biologiques.

4.5.1.5.2. Classifications anatomo-cliniques Elles permettent de guider les protocoles thérapeutiques. Trois classifications sont utilisées :

- Classification anatomo-clinique de Rai ; de 1975 ; stade 0 à stade IV - Classification anatomo-clinique de Binet ; de 1980 ; 3 stades : A, B, C. - Classification du National Cancer Institute ; de 1996

Classification anatomo-clinique de Rai

Stade 0 Lymphocytose sanguine et médullaire isolée :

Les critères de diagnostic étaient : association d'une lymphocytose périphérique absolue > à 15 000/mm3 et d'une infiltration médullaire > à 40%.

Stade I Stade 0

+ adénopathies

Stade II Stade 0

+ splénomégalie et/ou hépatomégalie avec ou sans adénopathies

Stade III Stade 0

+ anémie (hémoglobine inférieure à 11g/dl) qu'il y ait ou non adénopathies, splénomégalie ou hépatomégalie.

Stade IV Stade 0

+ thrombopénie (plaquettes inférieures à 100 000/mm3), qu'il y ait ou non adénopathies, splénomégalie ou hépatomégalie

Page 136: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 136/192

Classification anatomo-clinique de Binet

hémoglobine ≥ 10 g/dl et

plaquettes ≥ 100 000/mm3

- de 3 aires* palpables A

au moins 3 aires* palpables B

hémoglobine < 10 g/dl et/ou plaquettes < 100 000/mm3 C * aire ganglionnaire ou rate

Classification du National Cancer Institute (NCI)

Définition des aires lymphoïdes selon la

classification de Binet

1

2

3

54

Page 137: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 137/192

Sont considérées comme formes agressives, les LLC avec :

Au moins un des signes suivants : - perte de poids ≥ 10 % dans les 6 derniers mois - fatigue extrême (incapacité d’assurer les activités quotidiennes) - fièvre ≥ 38°C pendant 15 jours, sans infection évidente - sueurs nocturnes sans preuve d’infection

ou - insuffisance médullaire (anémie ou thrombopénie) ou - anémie auto-immune ou thrombopénie répondant mal aux corticoïdes ou - splénomégalie massive (au moins 6 cm au-dessous des fausses côtes) ou - adénopathies superficielles très importantes (> 10 cm de diamètre)

ou - augmentation rapide de la lymphocytose sanguine d'au moins 50% en 2 mois ou d'un temps de dédoublement d'au moins 6 mois

4.5.1.5.3. Autres critères biologiques

D’autres critères biologiques ont également une valeur péjorative : Le temps de dédoublement lymphocytaire de plus de 50% en moins d'un an (déjà cité dans la

classification du NCI) L'aspect diffus de l'infiltration lymphocytaire à la biopsie médullaire L'augmentation du taux du CD23 sérique, de la thymidine kinase Certains aspects caryotypiques Absence de Mutation des gènes des immunoglobulines dans les lymphocytes du clone proliférant L’augmentation de la P27, de la β2µglobuline, des LDH

4.5.1.5.4. Conclusion

Avec des éléments cliniques simples et quelques facteurs biologiques, il est aujourd'hui facile de reconnaître les LLC paisibles et de forme agressive ; dans ces formes paisibles, la surveillance sera répétée tous les six mois

4.5.1.6. Traitements Les formes "paisibles" ne doivent pas être traitées, quel que soit l’âge du patient. Elles

représentent la moitié des patients au diagnostic; en revanche, elles doivent être surveillées tous les six mois, à la recherche de signes cliniques et biologiques d'aggravation (la moitié évoluera vers un stade B ou C nécessitant un traitement, avec une médiane de survie qui sera de 6 à 8 ans). En l’absence d’évolution les patients ayant un stade A ont une survie identique à une population saine.

Dans les LLC agressives, deux options sont actuellement discutées : - On préfère une forte chimiothérapie (fludarabine ou fludarabine + endoxan),

associées à des anticorps monoclonaux anti-CD20, parfois même suivie d'autogreffe pour obtenir une rémission définie par des critères cliniques, hématologiques, phénotypiques et même de biologie moléculaire (PCR du réarrangement des immunoglobulines). On a montré que l'avenir de ces patients dépendait de la qualité de la réponse.

- C'est donc chez les sujets âgés qu'on préfère une chimiothérapie ou une polychimiothérapie moins agressive mais qui donnera de moins bons résultats.

Page 138: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 138/192

Les traitements symptomatiques restent essentiels : - des anémies hémolytiques par auto-anticorps - des P.T.I. - des érythroblastopénies - des infections (avec, au besoin, Ig I.V.. en cas d'hypoγ très accentuée)

4.5.2. Le myélome

Le myélome multiple ou maladie de Kahler est une dyscrasie plasmocytaire maligne responsable : - d’une prolifération tumorale intra médullaire - de la sécrétion d’une immunoglobuline monoclonale ; chaîne légère ± chaîne lourde - d’une atteinte osseuse liée à la sécrétion de cytokines - Fréquence : 3/100000, représente 10% des hémopathies et 1% des cancers. - Age moyen : 65 ans (moins de 3% des patients ont moins de 40 ans)

4.5.2.1. Physiopathologie Echappement du plasmocyte tumoral à la différenciation par l’IL-6. Prolifération des plasmocytes médullaires avec 3 étapes :

- phase initiale : < 1% des plasmocytes en cycle (index de prolifération: cellules en phase S), masse tumorale faible : myélome indolent

- phase active : des cellules en phase S, de la masse tumorale, nouveaux événements oncogéniques

- rechute : maladie agressive avec plasmocytes circulants, index de prolifération élevé

La cellule plasmocytaire tumorale est : - CD38+, CD138+, CD20- CD19-, immunoglobuline intra cytoplasmique +. - sensible à certaines cytokines : IL6 (reflet : CRP); TNF β et IL-1, secrétées par les cellules

stromales et activant les ostéoclastes d’où l’ostéolyse des lésions tumorales

La maladie est donc caractérisée par : - le syndrome tumorale lié aux plasmocytes - l’immunoglobuline monoclonale - l’atteinte osseuse liée aux cytokines

4.5.2.1.1. Le syndrome tumoral lié aux plasmocytes Infiltration médullaire pouvant être responsable d’une cytopénie

4.5.2.1.2. L’immunoglobuline monoclonale Plusieurs isotypes: IgG> IgA> IgD, demi-vie : 22 jours Chaîne légère : kappa ou lambda, secrétée et réabsorbée au niveau du rein Chaîne lourde non filtrée par le rein : accumulation sérique Peut être responsable d’une hyperviscosité ou de manifestations auto immune et d’une atteinte rénale soit tubulopathie par accumulation de la chaîne légère, soit précipitation de chaînes polymérisées dans les tubules : les cylindres.

4.5.2.1.3. L’atteinte osseuse Syndrome cytokinique : sécrétion d’IL-6, TNF et IL-1 Avec douleurs osseuses, tassement et épidurite avec compression médullaire Hypercalcémie : de l’activité ostéo-clastique avec activité ostéoblastique normale : lyse osseuse : intérêt de la radiologie standard par rapport à la scintigraphie osseuse.

Page 139: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 139/192

4.5.2.2. Diagnostic

4.5.2.2.1. Circonstances de découverte Atteinte médullaire : anémie, thrombopénie Immunoglobuline : hyperviscosité (céphalées), atteinte rénale, VS , protéinurie, infection en

raison de l’hypoγglobulinémie (diminution des Ig normales) Atteinte osseuse : douleurs osseuses (douleurs inflammatoires, nocturnes avec dérouillage

matinal), risque de fracture pathologique et de tumeur osseuse (plasmocytome costal) ; hypercalcémie, tassement vertébral, compression médullaire (examen neurologique complet systématique)

Altération de l’état général rare

4.5.2.2.2. Examen radiologique Radiographie du squelette à la recherche de lacunes à l’emporte pièce siégeant au niveau du

crâne et du bassin. Recherche d’une ostéolyse d’un segment osseux (pédicule vertébral), tassements vertébraux, aspect déminéralisé de la trame osseuse.

Intérêt de l’IRM qui est plus sensible et permet de retrouver des lésions osseuses infra radiologiques, et de diagnostiquer une compression médullaire (lésion en hypo signal T1 et hyper signal T2).

Clinique

Destruction osseuse - hypercalcémie

Pic monoclonal - Hypogammaglobulinémie

- Cryoglobulinémie - hyperviscosité

- Troubles de l’hémostase

Infiltration médullaireAnémie

Perte de Taille (tassements) Douleurs osseuses Fractures sans traumatisme

Altération de l’état généralAsthénie

InfectionsInsuffisance rénale

AmyloseSymptômes

d’hyperviscositéHémorragies

Page 140: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 140/192

Lésions osseuse du myélome: Lacunes à l’emporte pièce et fractures

4.5.2.2.3. Examens biologiques

VS (sauf myélome à chaîne légère), NFS (présence de rouleaux qui peuvent être responsables d’une macrocytose sur la NFS), ionogramme, calcémie, urée et créatinine, β2µglobuline et CRP.

Electrophorèse des protéines qui retrouve un pic monoclonal, qui migre dans les β ou les γ globulines (1 ère électrophorèse) ; ne peut montrer qu’une hypoγglobulinémie (myélome à chaîne légère : 2 ème électrophorèse) )

Immunoélectrophorèse du sang : permet de caractériser la chaîne lourde (γ IgG, α IgA, δ IgD) et la chaîne légère (κ, λ).

Dosage pondéral des immunoglobulines : permet de quantifier le pic monoclonal et les Ig polyclonales résiduelles.

Protéinurie des 24h avec électrophorèse (albumine et globuline) et immunoélectrophorèse des urines : quantification de la chaîne légère urinaire (la recherche de protéinurie de Bence-Jones thermo soluble n’est plus pratiquée). Répéter les protéinuries des 24h. pour les myélomes à chaîne légère. Si glomérulopathie (albuminurie sans chaîne légère) rechercher une amylose AL et une maladie de Randall)

Le dosage des chaînes légères libres dans le sérum (Free light chain) est très utile pour le diagnostic et le suivi des myélomes à chaînes légères.

Le myélogramme permet de mettre en évidence la prolifération plasmocytaire qui est dystrophique (critère majeur du diagnostic cytologique) et supérieure à 10%. Une biopsie médullaire peut être envisagée si le myélogramme est normal : prolifération plasmocytaire en îlot.

La mise en évidence du caractère monotypique du plasmocyte peut être faite en immunomarquage sur la BM ou la PS.

Destructions

Page 141: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 141/192

Protidémie : 84 Alb. 43,2 α1 1,8α2 7β 6γ 26 Pic 21,8

IgG 30,2 IgA 0,7 IgM 0,8

Électrophorèse

Imm unofixation

CommentairesIgG λ m onoclonale (pic évalué à 21,8 g/L)des Ig résiduelles

G A M κ λT

Résultats (g/L)

P r o t i d é m i e : 4 0 A l b . 2 5 , 5 α 1 1 , 4α 2 5 , 6β 5 , 3γ 2 , 2

I g G 2 , 3 I g A 0 , 2 I g M 0 , 2

H y p o t h è s e sG A M κ λT

É l e c t r o p h o r è s e

I m m u n o f i x a t i o n

C h a î n e s l é g è r e s l i b r e s λ ? I g E λ ?I g D λ ?

R é s u l t a t s ( g / L )

Page 142: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 142/192

4.5.2.3. Evaluation de la masse tumorale et Classification de Durie et Salmon

Classification de Durie et Salmon corrélation de critères clinico biologiques et de la masse tumorale

stade I stade III

critères nécessaires tous un ou plus

hémoglobine > 10 g/dl < 8,5 g/dl

calcémie < 3 mmol/l > 3 mmol/l

os Normal ou une lésion > 3 lésions lytiques

Composant monoclonal

IgG < 50 g/l > 70 g/l

IgA < 30 g/l > 50 g/l

Protéinurie < 4 g/24 h. > 12 g/24 h.

stade II : aucun critère du stade III et au moins 1 critère de stade I absent Sous classification selon la fonction rénale :

- stade A : créatinine < 175 μmol, - stade B : créatinine > 175 μmol

Autres facteurs de mauvais pronostic : - La β2µglobuline sérique : facteur pronostique majeur, corrélé à la survie et facteur

pronostique puissant (N< 2,5 mg/l) - La CRP : reflet de l’IL-6 : si élevée facteur de mauvais pronostic - Index mitotique des plasmocytes élevé - Anomalie caryotypique avec étude en FISH (Hybridation in situ après tri des plasmocytes)

délétion du chromosome 13, translocation impliquant le chromosome 14 - Index de marquage des plasmocytes, myélome à chaîne légère, taux d’IL-6 circulant,…

4.5.2.4. Le diagnostic différentiel

4.5.2.4.1. Les gammapathies monoclonales bénignes Elles s’observent chez le sujet de plus de 60 ans. Leur diagnostic est un diagnostic d’élimination : absence de signes osseux ; absence d’infiltration médullaire plasmocytaire avec caractère polytypique des plasmocytes médullaires ; absence d’anémie ; absence d’hypogammaglobulinémie ; protéinurie faible ; taux du pic modéré. La surveillance s’impose car une évolution vers une hémopathie (myélome ou lymphome) est observée entre 10 et 30% des cas selon les séries (risque d’environ 1% par an).

4.5.2.4.2. Autres syndromes lymphoprolifératifs Leucémie lymphoïde chronique, lymphome.

4.5.2.4.3. Amylose AL Avec pic monoclonal ou sécrétion de chaîne légère.

Page 143: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 143/192

4.5.2.4.4. POEMS syndrome

Associant : PPolyneuropathie, OOrganomégalie, EEndocrinopathie, Ig MMonoclonale et SSignes cutanés. Très rare et révélé par une neuropathie associée à une Immunoglobuline monoclonale souvent en faible quantité et lamdda dans 90% des cas.

4.5.2.4.5. Plasmocytome solitaire Prolifération plasmocytaire localisée, avec une seule atteinte osseuse. Il peut exister une sécrétion d’une protéine monoclonale. La biopsie médullaire et le myélogramme sont normaux. Le traitement conventionnel repose sur la radiothérapie. Le risque d’évolution vers un myélome est important (50 %) et nécessite donc une surveillance.

4.5.2.5. Evolution et traitement

4.5.2.5.1. Evolution La réponse à la chimiothérapie s’observe dans 60 à 70% des cas. La médiane de survie a augmenté dans les dix dernières années en raison de nouvelles thérapeutiques et est environ de 6 ans La rémission complète est exceptionnelle après chimiothérapie conventionnelle et une phase de plateau est en général obtenue entre la 3ème et la 6ème cure (maladie stable sur 6 mois). La rechute est inéluctable, quelque soit le traitement utilisé (entre 2 et 3 ans) et la maladie peut être à nouveau contrôlée par la reprise de la chimiothérapie ou de traitements ciblés. L’évolution d’une maladie résistante est caractérisée par les complications liées aux cytopénies, à l’atteinte osseuse (fractures, hypercalcémie) et par les complications liées à l’immunoglobuline (atteinte rénale). Le dépôt de l’immunoglobuline au niveau des organes peut être responsable d’une amylose (dépôt d’une substance amorphe, rouge Congo positive au niveau des organes : glomérulopathie, atteinte cardiaque avec cardiopathie restrictive) ou d’une maladie de Randall (dépôt d’une chaîne légère visible en immunofluorescence avec des anticorps anti lambda ou kappa). L’existence d’une amylose associée est de mauvais pronostic.

Critères de réponse: - réponse complète : disparition de la protéine monoclonale en immunofixation; moelle normale - maladie résiduelle minime : diminution de plus de 90% de l’immunoglobuline monoclonale. - Bonne réponse : réduction de la protéine monoclonale : > 50% de la protéine monoclonale et/ou >

75% des chaînes légères urinaires. - Réponse partielle : diminution du taux de l’immunoglobuline monoclonale entre 25 et 50% et des

chaînes légères entre 50 et 70%, avec correction associée au moins partielle des principaux symptômes.

4.5.2.5.2. Principes de traitement Le traitement peut reposer sur des cures de chimiothérapie comportant des alkylants

(melphalan) et des corticoïdes. Ces cures sont poursuivies jusqu’à l’obtention d’un plateau. Des poly chimiothérapies associant plusieurs alkylants (MCP: melphalan, cyclophosphamide et prednisone) ou des anthracyclines (Adriamycine) sont également proposées. Actuellement de nouveaux traitements ciblés anti angiogènes (comme le thalidomide® ou le Revlimid®), ou inhibiteur du protéasome comme le Bortézomib (Velcade®) peuvent remplacer ou s’ajouter à la chimiothérapie.

Page 144: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 144/192

La radiothérapie est indiquée si il existe une complication osseuse ou une épidurite, et éventuellement à titre antalgique. En cas de rechute, la chimiothérapie repose sur les anthracyclines (VAD = vincristine adriamycine et dexaméthasone). Des cures de dexaméthasone (40 mg/jr pendant 4 jours) sont également efficaces associées aux nouveaux traitements ciblés.

Les intensifications thérapeutiques avec autogreffe de cellules souches hématopoïétiques restent le meilleur traitement chez le sujet jeune et sont proposées jusqu’à 60 ans. Ce traitement permet de délivrer des doses de chimiothérapie et/ou de radiothérapie qui sont myélo-ablatives et qui nécessitent donc un greffon pour permettre une reconstitution hématopoïétique. Cependant aucun de ces traitements n’est curateur. Les greffes ont permis d’allonger la médiane de survie de façon significative ; celle-ci reste cependant en moyenne de 6 ans. En cas de donneur HLA identique et si l’âge est inférieur à 50 ans, une allogreffe peut être envisagée.

Les traitements symptomatiques reposent sur le traitement de l’hypercalcémie (hydratation, diphosphonates), de la compression médullaire (irradiation, laminectomie, ...), et de la douleur ; Prévention de l’insuffisance rénale : le patient doit éviter toute déshydratation surtout si il existe une protéinurie à chaînes légères++++ L’injection d’iode responsable d’un effet hyperosmolaire au niveau rénal doit être associée à une hyperhydratation et proscrite en cas contraire. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens doivent être évités en raison de leur néphrotoxicité et le risque de précipitation des chaînes légères.

Les diphosphonates (Arédia®, Clastoban®) ont une action préventive sur les événements osseux et peut-être une action directe sur la sécrétion de cytokines au niveau du stroma médullaire.

4.5.3. La maladie de Waldenström Elle est caractérisée par une prolifération lymphoplasmocytaire médullaire monotypique, monoclonale et une IgM monoclonale quelque soit sa quantité. Il s’agit d’une entité proche des lymphomes à différenciation plasmocytaire (immunocytome), les lymphomes de la zone marginale et les SLVL (splenic lymphoma with villous lymphocytes). Ils sont caractérisés par la présence d’une IgM et d’une infiltration lymphoplasmocytaire variable de la moelle, du sang, ou des ganglions. L’importance du pic monoclonal caractérise la maladie de Waldenström. Les cellules lymphoïdes sont CD19+, CD20+, CD5+/-, et peuvent être CD38+.

4.5.3.1. Diagnostic L’infiltration tumorale par des lymphoplasmocytes médullaires peut être responsable d’un cytopénie ou d’une hyperlymphocytose révélant la maladie. L’existence d’un syndrome tumoral est plus rare (splénomégalie, adénopathies périphériques). L’atteinte osseuse radiologique est également rare.

L’immunoglobuline monoclonale IgM est souvent révélatrice de la maladie : - soit biologiquement : accélération de la VS - soit en raison d’un retentissement clinique : hyperviscosité avec signes neurologiques et

oculaires (courant granuleux au fond d’oeil), insuffisance rénale liée à des dépôts d’IgM - soit en raison d’une action anticorps spécifique : neuropathie périphérique ou anémie

hémolytique.

Page 145: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 145/192

infiltration tumorale moelle rate sang

immunoglobuline monoclonale

IgM circulante hyperviscosité 15 %

cryoglobulinémie 15 % AHAI : agglutinines froides 15 %

Dépôt tissulaire IgM neuropathie

amylose atteinte glomérulaire

4.5.3.2. Biologie

- NFS : présence d’une anémie (hémodilution, envahissement) parfois hémolytique (agglutinines froides). VS accélérée vérifier la fonction rénale.

- Hémostase : rechercher des anomalies de l’hémostase primaire et secondaire en particulier si signes hémorragiques (Willebrand acquis avec absorption du facteur VIII W sur le pic monoclonal)

- Protéinurie à chaîne légère: > 0,1 g/l : 50% des patients ; > 1 g/l : 3% des patients - β2µglobuline > 4mg/l : 30% des patients ; est un facteur pronostique. - CRP > 4 : 75% des patients - Electrophorèse des protides et immunoélectrophorèse : présence d’un pic monoclonal migrant en

général en γ et de type IgM. Le dosage pondéral n’est pas fiable en raison de polymérisation de l’IgM. Il faut suivre l’évolution sous traitement avec l’électrophorèse

4.5.3.3. Les complications

4.5.3.3.1. Par dépôts Complications neurologiques : les signes neurologiques : signes centraux : peuvent être liés à

l’hyperviscosité. Neuropathie périphérique le plus souvent sensitive peut être liée à la présence d’une cryoglobulinémie, ou à une activité anticorps de l’IgM responsable d’une neuropathie sensitivo-motrice demyélinisante (5 à 10% des Waldenström). Celle-ci est plus fréquente en cas de chaîne légère κ. L’activité de l’immunoglobuline est dirigée contre une protéine associée à la myéline : anti-MAG (myeline associated glycoprotein).

Atteinte rénale : moins fréquente que dans le myélome. Syndrome néphrotique = amylose ou dépôt glomérulaire d’IgM. Rein de cryoglobuline.

Amylose : plus fréquente en cas de chaîne légère λ. Tableau clinique des amyloses AL avec atteinte cardiaque, rénale et cutanée

4.5.3.3.2. Liées à l’immunoglobuline circulante

Cryoglobulinémie : - de type I (précipitation au froid de l’IgM) : IgM monoclonale (15%) : syndrome de Raynaud, arthralgies, atteinte rénale. Cryoprécipité qui active le complément et est responsable d’une vascularite avec immun complexe.

- de type II (Activité anticorps de l’IgM) : IgM monoclonale anti IgG polyclonales ; souvent associée à l’HCV.

Page 146: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 146/192

Anémie hémolytique auto-immune : AHAI avec agglutinines froides. Hémolyse intra vasculaire, agglutinines froides > 1/1000ème, souvent IgM κ anti-I ou i.

Hyperviscosité : IgM > 30 g/l. Atteintes neurologique, cardiaque et oculaire. Intérêt du fond d’œil qui montre des signes d’hyperviscosité

Thrombopathie : Interaction plaquettes et fibrino-formation : TS , TCK , absorption du facteur VIII Willebrand sur le pic

4.5.3.4. Diagnostic différentiel

LLC si cellules circulantes : immunophénotypage, IgM. IgM monoclonale bénigne : absence d’infiltration tumorale dans la moelle, taux d’IgM modéré ; à surveiller. Lymphomes de la Zone Marginale Splénique avec IgM : entité proche

4.5.3.5. Traitement La médiane de survie est de 5 à 8 ans. On ne traite que les patients symptomatiques (pancytopénie, masse tumorale importante, complications associées liées à l’immunoglobuline). Le traitement repose sur les alkylants (chlorambucil, endoxan), les analogues des purines (fludarabine, 2 chlorodeoxyadénosine) éventuellement associés à un anticorps monoclonal anti-B. Ces traitements contrôlent la maladie sans donner de rémission complète. En cas d’hyperviscosité ou de complications liées à l’immunoglobuline circulante, des plasmaphérèses peuvent rapidement améliorer l’état clinique du patient.

Page 147: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 147/192

4.6. Lymphomes malins

4.6.1. Le lymphome de Hodgkin Le lymphome de Hodgkin est une prolifération cellulaire maligne, d’origine inconnue, affectant le tissu lymphoïde. Le diagnostic repose sur des critères principalement morphologiques avec la présence de cellules particulières : les cellules de Sternberg au sein d’un infiltrat cellulaire lymphoïde polymorphe et variable, responsables d’une destruction de l’architecture ganglionnaire. Cette hémopathie autrefois constamment mortelle, est actuellement curable dans plus de deux tiers des cas grâce à des traitements associant de la chimiothérapie et de la radiothérapie.

4.6.1.1. Epidémiologie et étiologie La fréquence des lymphomes de Hodgkin est de 2 à 3 nouveaux cas pour 100 000 habitants par an. Il existe deux pics de fréquence selon l’âge : un pic juvénile et un pic après 50 ans.

L’étiologie du lymphome de Hodgkin est inconnue. Les enquêtes épidémiologiques n’ont pas permis de retenir avec certitude de facteur étiologique génétique, environnemental ou viral. Néanmoins, le génome de l’EBV est parfois mis en évidence dans les cellules tumorales. Le lymphome de Hodgkin est par ailleurs 20 fois plus fréquent dans la population VIH+ que dans la population générale.

4.6.1.2. Diagnostic

4.6.1.2.1. Circonstance de découverte La mise en évidence d’adénopathies périphériques constitue la circonstance de découverte la plus fréquente. Il s’agit par ordre de fréquence décroissante le plus souvent d’adénopathies sus-claviculaires et cervicales basses, axillaires, cervicales hautes et inguino-crurales. Ces adénopathies uniques ou multiples sont indolores, mobiles, fermes à la palpation, non inflammatoires. Possible splénomégalie et/ou hépatomégalie associée. Signes généraux : fièvre prolongée irrégulière sans cause infectieuse retrouvée, sueurs nocturnes (obligeant à changer le linge), amaigrissement, prurit, asthénie. Découverte radiographique : opacité médiastinale (image polycyclique, asymétrique antéro-supérieure habituellement non compressive).

4.6.1.2.2. Histologie Le diagnostic du lymphome de Hodgkin est histologique : par la biopsie chirurgicale d’une adénopathie superficielle. Cependant, cette biopsie peut être précédée de la ponction d’une adénopathie périphérique qui est un geste simple permettant d’orienter le diagnostic. Elle n’a de valeur que positive. Elle est très évocatrice si elle montre la présence de cellules de Sternberg (cellules volumineuses avec un noyau irrégulier et multi-lobé comportant un ou plusieurs gros nucléoles, à cytoplasme abondant, légèrement basophile et parfois vacuolisé). En aucun cas, la simple étude cytologique par ponction d’une adénopathie ne peut suffire au diagnostic de certitude qui repose sur la biopsie ganglionnaire. Le diagnostic de lymphome de Hodgkin repose sur l’association de deux critères : la destruction partielle ou totale de l’architecture ganglionnaire et la reconnaissance de cellules de Sternberg et/ou de ses variantes. Les cellules de Sternberg expriment à leur surface les antigènes CD30, CD15 et CD25. Les modifications réactionnelles du tissu ganglionnaire ont permis de classer les lymphomes de

Page 148: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 148/192

Hodgkin en quatre types histologiques selon la classification de Lukes-Rye.

Classification de Lukes-Rye

type dénomination caractéristique fréquence

I prédominance lymphocytaire

Infiltration lympho-histiocytaire diffuse. Rares cellules de Sternberg. Pas de sclérose. Ressemblance avec des lymphomes B de bas grade de malignité. Diagnostic souvent porté à un stade précoce de la maladie. Bon pronostic

10%

II scléro-nodulaire Nodules cellulaires limités par des travées de collagène 55%

III cellularité mixte Infiltration cellulaire autour des cellules de Sternberg ressemblant à un granulome 30%

IV déplétion

lymphocytaire

Fibrose. Forme en fait souvent reclassée parmi les lymphomes Hodgkiniens de type anaplasique.

5%

4.6.1.3. Bilan d’extension et d’évolutivité

Une fois le diagnostic histologique de lymphome de Hodgkin posé, il convient de réaliser un bilan d’extension qui permettra de déterminer le traitement.

4.6.1.3.1. Bilan d’extension Examen clinique

Schéma détaillé des aires ganglionnaires atteintes (avec localisation et taille de chacune d’elle), et de la rate. Examen ORL en présence d’adénopathies cervicales hautes.

Recherche de localisations sus-diaphragmatiques - Radiographie thoracique face / profil avec mesure de rapport médiastino-thoracique. - Scanner thoracique : les adénopathies médiastinales sont le plus souvent latéro-trachéales,

parfois hilaires, le plus souvent asymétriques. Recherche de localisations pulmonaires et pleurales.

Localisations sous-diaphragmatiques - Scanner abdomino-pelvien : recherche d’adénopathies rétro-péritonéales ou intra-

abdominales (localisation hépatique et splénique). - Lymphographie bi-pédieuse : elle explore les chaînes iliaques (externe et primitive) et

lombo-aortiques. En raison de sa grande sensibilité, cet examen est particulièrement intéressant chez les patients pour lesquels le scanner abdomino-pelvien est négatif. La lymphographie visualise une hypertrophie des ganglions avec présence de lacunes ; des produits de contraste demeurant imprégnés de longs mois, permettent de suivre l’évolution du volume tumoral par de simples clichés de l’abdomen et de guider une éventuelle radiothérapie.

Biopsie ostéo-médullaire : surtout positive dans les formes étendues ou symptomatiques) Bilan biologique hépatique Le reste du bilan est fonction des points d’appel clinique ou des résultats des résultats

précédents : scintigraphie osseuse, radiographie du squelette, ponction biopsie hépatique, ...

Page 149: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 149/192

4.6.1.3.2. Bilan d’évolutivité

Signes généraux : fièvre, amaigrissement, sueurs nocturnes. Syndrome inflammatoire biologique : essentiellement apprécié par l’accélération de la vitesse de

sédimentation.

Le lymphome de Hodgkin s’accompagne d’un déficit de l’immunité à médiation cellulaire. Les réactions cutanées d’hypersensibilité retardée sont le plus souvent négatives (IDR, multi-tests). Il peut exister une lymphopénie et un déficit des fonctions lymphocytaires T sanguin testé in vitro.

4.6.1.4. Classification anatomo-clinique Au terme du bilan d’extension, on peut classer le lymphome de Hodgkin en quatre stades, selon la classification anatomo-clinique internationale de Ann Arbor. Cette classification est déterminante pour poser les indications thérapeutiques.

Classification anatomo-clinique de Ann Arbor

Stade I Atteinte d’un seul territoire ganglionnaire ou d’une structure lymphoïde ou présence d’une seule localisation extra-ganglionnaire (IE)

Stade II Atteinte de 2 ou plusieurs territoires ganglionnaires non contigus du même côté du diaphragme (II) qui peut être accompagnée d’une atteinte viscérale de contiguïté d’un organe extra-lymphatique (IIE)

Stade III Atteinte ganglionnaire sus et sous diaphragmatique qui peut être accompagnée d’une atteinte extra-ganglionnaire de contiguïté (IIIE)

Stade IV Localisations disséminées avec localisations viscérales autres que par contiguïté

La rate est considérée comme un territoire ganglionnaire : en cas d’atteinte splénique, on ajoute la lettre S.

Si le bilan a comporté une laparotomie exploratrice, la classification est dite “ pathologique ”. Dans le cas contraire, elle est dite “ clinique ”.

Signes d’évolutivité clinique : fièvre supérieure à 38°C et/ou perte de poids inexpliquée (> 10% du poids du corps) en 6 mois. La présence d’un de ces 2 signes est notée B, leur absence A.

4.6.1.5. Evolution et traitement

4.6.1.5.1. Facteurs pronostiques Spontanément, le lymphome de Hodgkin est toujours mortel. En revanche, la majorité des patients peut être guérie par la chimiothérapie et/ou la radiothérapie. Des études ont permis d’isoler des facteurs de mauvais pronostic au moment du diagnostic qui sont : - les formes disséminées (III et IV), - la présence de signes généraux : B, - certaines localisations viscérales, notamment péricardiques, pleurales, pulmonaires, osseuses, - l’existence de grosse “ masse tumorale ”, en particulier médiastinale ou abdominale, - l’accélération de la vitesse de sédimentation (> 50 à la 1ère heure), - l’âge supérieur à 40 ans.

Page 150: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 150/192

4.6.1.5.2. Les moyens thérapeutiques

La chimiothérapie : elle comprend des polychimiothérapies séquentielles administrées en cure mensuelle. Les 3 principaux protocoles sont : - le MOPP associant de la Caryolysine, de l’Oncovin, du Natulan, de la Prednisone, - l’ABVD associant de l’Adriablastine, de la Bléomycine, du Velbé, du Déticène, - le MOPP/ABV “ hybride ”. Le MOPP est responsable d’azoospermie définitive (intérêt de la congélation de sperme avant traitement), de ménopause précoce et de leucémies secondaires. L’ABVD est beaucoup moins leucémogène. Il est également responsable d’un nombre beaucoup plus faible de stérilité définitive mais la toxicité cardiaque est plus importante. Le protocole MOPP/ABV “ hybride” associe les drogues contenues dans les protocoles MOPP et ABVD. Ces drogues n’ayant pas de résistance croisée, l’utilisation d’un tel protocole devrait permettre d’augmenter l’efficacité en limitant la toxicité.

La radiothérapie : elle est classiquement délivrée : - soit à visée curative : 40 Gy (fractionnés à raison de séance de 10 Gy par semaine) sur les

territoires atteints et adjacents, - soit à visée préventive : 30 Gy. Cependant, en raison des complications observées, la tendance actuelle est de baisser les doses curatives à 36 Gy et de limiter l’irradiation aux seules aires initialement atteintes.

Les champs de base sont au nombre de 3 : - le mantelet comprend le médiastin, le cou et les aisselles, - le Y inversé + la rate comprend la rate et l’ensemble des aires lombo-aortiques, iliaques et

inguinales, - la barre lombo-aortique comprend la rate, le pédicule splénique, les aires lombo-aortiques

jusqu’en L3-L4 voire L5-S1.

4.6.1.5.3. Indications thérapeutiques Sur le plan thérapeutique, les patients sont schématiquement divisés en deux groupes : le premier groupe comportant les stades localisés (I et II) et le second groupe comportant les stades disséminés (III et IV). Actuellement, la grande majorité des patients atteints de lymphome de Hodgkin de stade I et II peut être guérie par les traitements. Chez ces patients, l’objectif actuel vise à réduire la toxicité du traitement, en particulier les séquelles à long terme. En revanche, pour les stades disséminés (III et IV), l’objectif reste l’amélioration de l’efficacité des traitements.

Traitement des formes localisées (stade I et II) Les formes localisées sont divisées en forme plus ou moins favorable. Cette classification tient compte de différents paramètres : sexe, age, bilan d’extension, présence de signes généraux, paramètres biologiques. En pratique, les indications sont décidées par des études pluri-disciplinaires dans le cadre de protocoles prospectifs coopératifs. Schématiquement : dans la plupart des cas, une polychimiothérapie est souvent associée à une radiothérapie délivrée au niveau des sites initialement envahis. Dans les formes très localisées, de pronostic très favorable, certaines études se contentent d’ une irradiation seule.

Page 151: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 151/192

Dans les formes avancées (IIIB et IV) Le traitement repose essentiellement sur une polychimiothérapie pour une durée de 6 à 8 mois, parfois associée à une radiothérapie dans les aires initialement atteintes. L’intérêt de la chimiothérapie intensive avec autogreffe de cellules souches hématopoïétiques est actuellement en cours d’évaluation dans les formes de mauvais pronostic. Cette thérapeutique est également proposée en cas de mauvaise réponse au traitement initial ou en cas de rechute.

4.6.1.5.4. Complications des traitements

Si les thérapeutiques actuelles permettent de guérir la plupart des patients atteints de lymphome de Hodgkin, ces thérapeutiques sont responsables d’une lourde toxicité à long terme : leucémies secondaires, cancers, stérilité.

Complications favorisées par la chimiothérapie et la radiothérapie - Toxicité médullaire transitoire, - Toxicité gonadique : ménopause précoce chez la femme, stérilité dans les deux sexes

(inconstante après la chimiothérapie seule), - leucémies aiguës secondaires (pronostic redoutable), myélodysplasies, tumeurs solides

survenant après un délai de plusieurs années chez 2 à 5% des patients traités par MOPP et radiothérapie

Complications de la radiothérapie Syndrome sec buccal, troubles digestifs, fibrose pulmonaire ou médiastinale, hypothyroïdie, péricardite chronique, grêle radique, trouble de la croissance chez l’enfant, cancer en territoire irradié.

Complications de la chimiothérapie - à court terme : mauvais tolérance digestive, alopécie, neuropathie des alcaloïdes de la

pervenche. - à long terme : toxicité cardiaque des anthracyclines, fibrose pulmonaire en rapport avec la

Bléomycine.

4.6.1.5.5. Résultats Stades localisés (I et II) : survie à 15 ans sans maladie = 70 % Stades disséminés (III et IV) : survie à 10 ans : 40 à 60 %

4.6.2. Les lymphomes malins non hodgkiniens Le terme de lymphomes malins non Hodgkiniens (LNH) regroupe des proliférations malignes développées à partir de cellules du système lymphoïde. La prolifération peut être ganglionnaire (ou nodale) ou extraganglionnaire (extra-nodale). Les localisations extranodales les plus fréquentes sont les localisations digestives et ORL. L’histologie reste un facteur pronostique majeur, d’où la nécessité d’un examen histologique d’un ganglion dans sa totalité (biopsie exérèse) et d’une étude phénotypique et moléculaire la plus complète possible (congélation du ganglion). Il s’agit d’une hémopathie beaucoup plus fréquente que le lymphome de Hodgkin et représente la pathologie la plus fréquente en hématologie (10/100000/an)

4.6.2.1. Les classifications (voir aussi 4-3) Elles sont multiples. Les classifications histologiques ont évoluées au cours du temps, les plus anciennes étant uniquement morphologiques, et les plus récentes intégrant des données immuno-phénotypiques, cliniques et pronostiques, permettant de guider le traitement.

Page 152: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 152/192

La recherche d’une correspondance anatomo-clinique reproductible reliant les classifications a abouti à un consensus définissant trois groupes pronostiques (classification internationale à usage clinique ou Working Formulation ; 1981). Il existe en fait 3 grandes catégories :

Les LNH dits de bas grade de malignité, souvent diffus, avec une atteinte médullaire, sensibles aux traitements mais récidivant et dont l’histoire naturelle est peu modifiée par les chimiothérapies conventionnelles. La médiane de survie est en moyenne de 5 à 8 ans;

Des LNH de malignité intermédiaire ou dit “aggressifs”, qui peuvent être localisés, nécessitant des traitements de chimiothérapie lourds, mais dont la guérison peut être obtenue.

Des LNH de haut grade de malignité dont les traitements se rapprochent de ceux utilisés au cours des leucémies lymphoblastiques et qui peuvent également guérir au prix de traitement très intensifs. Cette dernière classification propose 34 entités différentes ! (Revised European American Lymphoma Classification : REAL ).

Les progrès de la cytogénétique, de la virologie moléculaire et la découverte des oncogènes ont affiné les connaissances sur la pathogénie des LNH mais accru le degré de complexité apparente dans les classifications les plus récentes.

4.6.2.2. Diagnostic

4.6.2.2.1. Anatomo-Pathologie Le diagnostic est toujours anatomopathologique. Il repose sur l’étude histologique d’un prélèvement tumoral, ganglionnaire ou autre. Les études complémentaires sont souvent nécessaires et une congélation doit être systématique : étude phénotypique (B ou T), études cytogénétique et moléculaires (clonalité avec l’étude du réarrangement des gènes codant pour les immunoglobulines, ou du récepteur T, étude des oncogènes, ...).

Classification

Histologie WF REAL Anomalies

cytogénétiques et moléculaires

infiltration diffuse de petits lymphocytes B

(A) LNH à petits lymphocytes LNH à petits lymphocytes trisomie 12

infiltration par des cellules lympho-plasmocytaires

LNH lymphoplasmocytaire (Waldenström)

cellules lymphoïdes à noyau irrégulier

LNH nodulaire ( B) ou diffus ( E) LNH du manteau

t (11;14) hyper expression de la cycline D1

centrocytes et centroblastes

LNH folliculaire à petites cellules (B) mixte (C) ou à

grandes cellules ( D)

LNH centro folliculaire, à petites cellules, mixte, à

grandes cellules

t(14;18) hyperexpression

de Bcl-2

grandes cellules lymphoïdes

LNH à grandes cellules clivées ou non clivées (G) ou

immunoblastique ( H)

LNH diffus à grandes cellules B

diffus à petites cellules non clivées LNH type Burkitt LNH type Burkitt

t(8;14), t (2;8), t (8;22)

hyperexpression de c-myc

Page 153: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 153/192

Histologie WF REAL Anomalies

cytogénétiques et moléculaires

grandes cellules à noyau irrégulier LNH anaplasique LNH anaplasique à grandes

cellules CD30+ t(2;5)

WF: Working formulation REAL: Revised European American Lymphoma Classification

4.6.2.2.2. Bilan d’extension Il comporte : - un interrogatoire à la recherche de signes généraux: sueurs nocturnes, fièvre, perte de poids

permettant d’évaluer l’index de performance, facteur pronostique essentiel (PS: Performing status = ECOG ou Index de Karnofsky)

- un examen clinique détaillé, de toutes les aires ganglionnaires, - un scanner sus et sous diaphragmatique à la recherche d’adénopathies profondes - une biopsie ostéo-médullaire - des examens plus ciblés en fonction des signes d’appel : examen digestif et ORL si LNH digestif

ou ORL, scanner cérébral si point d’appel clinique, scintigraphie osseuse si LNH osseux, ..

La classification d’ANN ARBOR permet de distinguer les formes diffuses des formes localisées.

Classification anatomo-clinique de Ann Arbor

Stade I Atteinte d’un seul territoire ganglionnaire ou d’une structure lymphoïde ou présence d’une seule localisation extra-ganglionnaire (IE)

Stade II Atteinte de 2 ou plusieurs territoires ganglionnaires non contigus du même côté du diaphragme (II) qui peut être accompagnée d’une atteinte viscérale de contiguïté d’un organe extra-lymphatique (IIE)

Stade III Atteinte ganglionnaire sus et sous diaphragmatique qui peut être accompagnée d’une atteinte extra-ganglionnaire de contiguïté (IIIE)

Stade IV Localisations disséminées avec localisations viscérales autres que par contiguïté

4.6.2.2.3. Examens biologiques

Certains ont une valeur pronostique : LDH, β2µglobuline. D’autres dépendent du contexte: sérologie VIH, HCV, électrophorèse et immunoélectrophorèse,…

4.6.2.2.4. Evaluation pronostique L’index international (reposant sur le type histologique, l’âge, l’index de performance, le stade de Ann Arbor, le nombre de localisations extra-ganglionnaires, le taux de LDH) permet de prévoir la chance d’obtenir la rémission complète et la survie, en fonction du nombre de facteurs pronostiques au diagnostic. La survie à 5 ans de patients avec 4 ou 5 de facteurs de mauvais pronostic est de 40% comparée à 70% pour ceux sans facteur de risque.

Page 154: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 154/192

4.6.2.3. Principales entités

4.6.2.3.1. Lymphome diffus à petits lymphocytes Ils représentent 5 à 10% des cas. L’histologie du ganglion est celle d’une leucémie lymphoïde chronique, mais il n’existe pas d’hyperlymphocytose sanguine. Le phénotype des cellules est identique (CD5+, CD19+, CD23+) ainsi que les anomalies cytogénétiques (trisomie 12). Les traitements sont proches.

4.6.2.3.2. Lymphome (ou immunocytome lymphoplasmocytaire) C’est une variété rare, correspondant à la maladie de Waldenström, avec l’excrétion d’une protéine monoclonale IgM en faible quantité.

4.6.2.3.3. Lymphome centrofolliculaire Cette entité représente environ 30% des cas. La prolifération est constituée de petites cellules (centrocytes) et de grandes cellules (centroblastes), correspondant aux centres germinatifs des ganglions. Il existe une translocation t(14;18), responsable d’une hyper expression de l’oncogène Bcl-2, qui bloque le phénomène d’apoptose. La médiane d’âge est 55 ans. Les formes localisées sont rares, l’atteinte de la moelle osseuse est fréquente. Seules les formes à forte masse tumorale nécessitent un traitement. L’évolution est émaillée par des rechutes fréquentes, en dépit des traitements, et une transformation histologique vers un LNH à grandes cellules est observée dans 15% des cas. La médiane de survie est entre 5 et 8 ans.

4.6.2.3.4. Lymphome diffus à grandes cellules Cette entité représente 25 à 35% des cas et est observée à toute âge chez l’adulte. Il peut être localisé, et extra nodal (tube digestif, ORL, os,...) Le traitement consiste en une chimiothérapie intensive, de courte durée (4 à 6 mois). Une guérison peut être observée dans 50% des cas environ.

4.6.2.3.5. Lymphome du manteau Cette entité est rare, environ 5% des cas. Les cellules tumorales sont issues de la zone du manteau des follicules ganglionnaires. Les cellules sont B, CD5+, CD23-. Il existe une translocation 11;14 impliquant l’oncogène Bcl-1, qui met la cellule en cycle en activant la cycline D1. L’atteinte médullaire et sanguine est fréquente et le pronostic est mauvais (médiane de survie : 3 ans)

4.6.2.3.6. Lymphome du MALT Cette entité représente 2 à 10% des cas. Ces initiales signifient Mucosa Associated Lymphoid Tissue (système lymphoïde associé aux muqueuses). L’évolution est indolente, avec des localisations gastrique, salivaire, thyroïdienne et bronchique. Une stimulation antigénique chronique peut être responsable de la lymphoprolifération. (Helicobacter pylori pour les MALT de l’estomac, thyroglobuline pour les MALT de la thyroïde).

Page 155: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Lymphopoïèse et syndromes lymphoprolifératifs 155/192

4.6.2.3.7. Lymphome de Burkitt Forme la plus fréquente de l’enfant, le LNH de Burkitt est associé à une forte masse tumorale avec des localisations de la face, du rétro péritoine et une atteinte neuro-méningée. Il existe des translocations impliquant les gènes des immunoglobulines et l’oncogène c-myc (8;14), t (2;8), t (8;22). Le génome du virus Epstein-Barr est retrouvé dans les cellules tumorales dans 50% des cas. Il est très chimiosensible, mais nécessite des traitements très agressifs.

4.6.2.3.8. Lymphome T périphérique Il représente 15% des cas. Les manifestations cliniques sont souvent associées à des manifestations dysimmunitaires avec une anémie hémolytique, une hypergammaglobulinémie, et divers auto anticorps (Lymphome T de type angio-immunoblastique). Il peut être angiodestructeur, de type T ou NK, et localisé au niveau du massif facial (granulome malin centro-facial). Le pronostic est péjoratif.

4.6.2.3.9. Lymphomes chez l’immunodéprimé L’immunodépression (acquise comme après transplantation, infection HIV ; ou congénitale comme dans les déficits immunitaires congénitaux) favorise la survenue des LNH. Il s’agit presque toujours de LNH de type B, à grandes cellules ou de type Burkitt. Le virus Epstein-Barr est souvent retrouvé dans les cellules tumorales. Le traitement dépend de l’étiologie de l’immunodépression et du type histologique de la tumeur et peut reposer sur l’utilisation d’anticorps monoclonaux ou de la chimiothérapie.

4.6.2.4. Traitement Les LNH sont particulièrement sensibles à la chimiothérapie et à la radiothérapie.

4.6.2.4.1. LNH de faible grade de malignité Ne sont traitées que les formes symptomatiques par des mono ou des polychimiothérapies associées le plus souvent à un anticorps monoclonal anti-B (Mabthera®) Les intensifications avec greffe de cellules souches sont en cours d’évaluation chez les sujets jeunes. La radiothérapie n’est utile que dans des situations d’urgence (épidurite…). Elle n’a plus de place dans le traitement conventionnel.

4.6.2.4.2. LNH de malignité intermédiaire Les formes localisées sont traitées par polychimiothérapie contenant de l’Adriamycine® associée à un anticorps monoclonal anti-B (Mabthera®) Les formes diffuses reçoivent des polychimiothérapies rapprochées et intensives associées à un anticorps monoclonal anti-B (Mabthera. Les drogues majeures sont les anthracyclines (Adriblastine®), le cyclophosphamide et la vincristine, associés aux corticoïdes ®). Les intensifications avec greffe de cellules souches sont réservées aux formes de mauvais pronostic et aux rechutes. Une guérison est obtenue dans 50% des cas environ.

Page 156: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

156/192

55-- EExxaammeennss ccoommpplléémmeennttaaiirreess eenn hhéémmaattoollooggiiee

5.1. Les prélèvements ................................................................................................................... p. 157

5.1.1. Ponction de sang veineux périphérique ...................................................... p. 157

5.1.2. Ponction médullaire sternale / iliaque ........................................................ p. 157

5.1.3. Biopsie ostéomédullaire ........................................................................................ p. 158

5.1.4. Ponction ganglionnaire .......................................................................................... p. 159

5.1.5. Biopsie ganglionnaire ............................................................................................... p. 159

5.2. Examens complémentaires ........................................................................................... p. 160

5.2.1. Hémogramme et analyse cytologique .......................................................... p. 160

5.2.2. Cytométrie de flux ..................................................................................................... p. 164

5.2.3. Analyse cytogénétique ............................................................................................. p. 168

5.2.4. Biopsie moléculaire ...................................................................................................... p. 171

5.2.5. Anatomie pathologique ............................................................................................. p. 176

Page 157: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

157/192

5.1. Les prélèvements

5.1.1. Ponction de sang veineux périphérique

5.1.1.1. Technique - pose d'un garrot - ponction veineuse franche permettant le remplissage rapide du tube de recueil - mélange du sang et de l'anticoagulant par retournement doux du tube - le choix de l'anticoagulant dépend de l'analyse à effectuer

5.1.1.2. Examens réalisables - hémogramme : numération formule sanguine et analyse cytologique après frottis [anticoagulant : EDTA (éthylène diamine tétra acétique)] - VS : mesure de la vitesse de sédimentation (tube de recueil spécifique, anticoagulant : citrate de sodium) - cytométrie en flux (anticoagulant : héparinate de lithium) - cytogénétique (anticoagulant, milieux de culture) - biologie moléculaire (anticoagulant : EDTA) - électrophorèse des protéines sériques, test de Coombs, électrophorèse de l'hémoglobine - bilan d'hémostase Remarque : ces examens sont également réalisables sur sang artériel en cas de nécessité. 5.1.2. Ponction médullaire sternale/iliaque

5.1.2.1. Indications Bilan diagnostique, surveillance évolutive de :

- anémie, neutropénie, thrombopénie, - leucémie aiguë ou chronique.

5.1.2.2. Technique 5.1.2.2.1. Matériel

Anesthésie locale, asepsie locale (gants stériles, compresses stériles, polyvidone iodée), trocart jetable, seringue (10cm3), tubes de recueil, lames pour étalement.

5.1.2.2.2. Sites de ponction - Sternum, 2 doigts en dessous de la crête sternale : site de ponction contre-indiquée chez l'enfant (ossification incomplète), en cas d'infection cutanée locale (risque infectieux) et en cas d'antécédent de sternotomie ou radiothérapie (risque d'existence d'une fibrose médullaire et d'échec de la ponction). - Crête iliaque antérieure ou postérieure : site de ponction contre-indiquée en cas d'infection cutanée locale.

Page 158: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

158/192

5.1.2.2.3. En pratique - anesthésie locale (crème anesthésique de type Emla® pendant 20 min) - asepsie locale - traverser la peau et la table externe de l'os à l'aide du trocart. - aspirer 1 cm3 de moelle à l'aide de la seringue (geste douloureux) - répartir le prélèvement dans les tubes de recueil, effectuer 3 frottis sur lame.

5.1.2.3. Examens réalisables - myélogramme : analyse cytologique quantitative des différentes lignées cellulaires et qualitative (morphologie cellulaire, cellules anormales, ± coloration spéciale) du frottis médullaire - cytométrie en flux (anticoagulant : héparinate de lithium) - cytogénétique (milieux de culture) - biologie moléculaire (anticoagulant : EDTA) - bactériologie...

5.1.3. Biopsie ostéomédullaire (BOM)

5.1.3.1. Indications - En complément du myélogramme, dans les situations suivantes : . pancytopénie avec moelle pauvre au myélogramme . myélofibrose suspectée à l'hémogramme . myélome multiple suspecté mais non affirmé au myélogramme. - Bilan d'extension de lymphome ou de cancer non hématologique.

5.1.3.2. Technique

5.1.3.2.1. Matériel Anesthésie locale, asepsie, bistouri, trocart jetable à BOM, guide de profondeur, seringue (10cm3), tubes de recueil, lame pour étalement.

5.1.3.2.2. Site de ponction Crête iliaque postéro supérieure.

5.1.3.2.3. En pratique - asepsie chirurgicale (désinfection cutanée, champ percé) - anesthésie locale de la peau et du périoste - ouverture cutanée au bistouri - amener le trocart au contact de l'os, retirer le mandrin et enfoncer le trocart de 1 à 1,5 cm de profondeur (évaluer la profondeur avec le guide) - retirer le trocart en cassant et en ramenant la carotte osseuse (geste douloureux) - réaliser une empreinte de la carotte osseuse sur lame pour analyse cytologique - déposer la carotte dans un liquide de fixation pour analyse anatomo-pathologique

Page 159: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

159/192

5.1.3.3. Examens réalisables

- analyse cytologique de l'empreinte médullaire - analyse histologique quantitative et qualitative des éléments de la moelle et du stroma - immunohistochimie

5.1.4. Ponction ganglionnaire

5.1.4.1. Indications Tout ganglion suspect, si l'examen clinique ou l'hémogramme n'oriente pas le diagnostic (suspicion de lymphome de Hodgkin, lymphome non Hodgkinien ou de métastase). Attention, la ponction n'a qu'une valeur d'orientation, seule la biopsie peut affirmer un diagnostic.

5.1.4.2. Technique

5.1.4.2.1. Matériel Aiguille de type sous-cutanée, lames pour étalement, seringue.

5.1.4.2.2. Site de ponction Tout ganglion suspect.

5.1.4.2.3. En pratique - asepsie - immobiliser le ganglion entre deux doigts - piquer plusieurs fois le ganglion sans faire ressortir l'aiguille - refouler le contenu de l'aiguille sur une lame à l'aide d'une seringue et réaliser un frottis - si le prélèvement à un aspect purulent, répéter la ponction avec une aiguille de plus gros diamètre et réaliser une analyse bactériologique.

5.1.4.3. Examens réalisables - adénogramme : analyse cytologique du frottis - cytogénétique - bactériologique

5.1.5. Biopsie ganglionnaire 5.1.5.1. Indications

Tout ganglion suspect persistant plus d'un mois, pour lequel la ponction n'apporte pas d'élément diagnostique.

Page 160: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

160/192

5.1.5.2. Technique Le prélèvement s'effectue en milieu chirurgical et nécessite une coordination entre le clinicien, le chirurgien et le biologiste. Le ganglion est acheminé rapidement en anatomo-pathologie dans une compresse humidifiée par du sérum physiologique pour éviter la lyse cellulaire. Il est alors fragmenté pour être traité, fixé ou congelé.

5.1.5.3. Examens réalisables - histologie et immuno-histochimie sur coupe en paraffine - cytogénétique : mise en culture rapide après remise en suspension des cellules - biologie moléculaire : préparation des acides nucléiques ou congélation 5.2. Examens complémentaires

5.2.1. Hémogramme et analyse cytologique

5.2.1.1. Introduction L'hémogramme est l'analyse quantitative automatisée des cellules des différentes lignées hématopoïétiques sanguines (Numération Formule Sanguine ± complétée par le compte des réticulocytes). Une analyse cytologique sur frottis peut compléter cet examen en réalisant une analyse morphologique des différentes cellules. Cette étude cytologique permet le plus souvent d'orienter ou d'affirmer le diagnostic d'une hémopathie.

5.2.1.2. Hémogramme

5.2.1.2.1. Indications - anémie (pâleur, asthénie) - polyglobulie (érythrose) - hémorragie, thrombose - infection (fièvre) - surveillance de chimiothérapie - bilan systématique - Signes devant faire pratiquer un hémogramme en urgence : - anémie mal tolérée (angor, OAP, pâleur intense) - hyperviscosité - état de choc infectieux - angine ulcéro-nécrotique - fièvre intense après prise médicamenteuse - hémorragie spontanée, purpura pétéchial

Page 161: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

161/192

5.2.1.2.2. Technique L'échantillon de sang veineux périphérique prélevé sur anticoagulant est analysé sur un appareil automatisé. L'échantillon est fractionné et plusieurs mesures biologiques sont réalisées en parallèle pour obtenir la formule globale. Plusieurs étapes de contrôle de qualité ainsi que la validation finale de la formule sont assurées par le médecin cytologiste. Chacune des mesures effectuées exploite différentes propriétés physico-chimiques des cellules sanguines : sa conductivité/résistance dans un champ électrique, son pouvoir de diffraction lumineuse et sa composition chimique. La conductivité/résistance propre aux cellules génère une modification de potentiel lors de son passage dans un champ électrique. Chaque impulsion détectée permet de compter les cellules et l'amplitude de l'impulsion permet d'apprécier son volume. Le pouvoir de diffraction lumineuse est utilisé en photométrie pour mesurer le taux d'hémoglobine et en cytométrie en flux pour analyser la taille et la structure cellulaire. Des réactions chimiques permettent enfin d'analyser le contenu des granules cytoplasmiques (estérases, peroxydases). Si une cellule ne peut être identifiée avec certitude selon ces paramètres, elle est signalée par l'appareil comme étant une cellule atypique nécessitant une analyse cytologique manuelle sur un frottis coloré.

5.2.1.3. Résultats

5.2.1.3.1. Erythrocytes La numération des globules rouges (GR), associée à la détermination (par la mesure ou le calcul) de certains paramètres biologiques sont indispensables pour l'étude séméiologique de la lignée érythrocytaire. Les valeurs de référence et les principales variations physiologiques sont présentées dans le tableau 1 « Valeurs moyennes de l’hémogramme selon l’âge et le sexe » en page 178. Paramètres mesurés : - Hb : taux d'hémoglobine ou hémoglobinémie (g/dl ou g/litre) correspond au poids d'hémoglobine contenue dans une unité de volume sanguin - VGM : Volume Globulaire Moyen (fl ou µ3) (peut aussi être calculé : Ht (%) / GR (1012/L) x 10) - Nombre de GR (ou érythrocytes, ou hématies) exprimé en million (106)/µL ou tera (1012)/L Paramètres calculés, ou constantes érythrocytaires : - Ht : hématocrite (%) correspond à la proportion de GR dans une unité de volume sanguin Ht = GR (1012/L) x VGM (fl) / 10 (peut aussi être mesuré par microcentrifugation de sang prélevé sur tube capillaire)

Page 162: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

162/192

- TCMH : teneur corpusculaire moyenne en Hb (pg) correspond au poids moyen d'Hb contenu dans un GR moyen TCMH = Hb (g/dl) / GR (1012/L) x 10 - CCMH : concentration corpusculaire moyenne en Hb (%) correspond à la proportion d'Hb contenue dans un GR moyen CCMH = Hb (g/dl) / Ht (%) x 100

5.2.1.3.2. Leucocytes ou globules blancs (GB) La numération des leucocytes est exprimée en millier (103)/µL ou giga (109)/L. Pour effectuer cette numération, certains anciens automates dénombrent toutes les cellules nucléées sanguines. Une correction est alors nécessaire s'il existe une érythroblastose circulante évaluée sur le frottis sanguin :

GB corrigé = nb d'éléments nuclées x 100 / [(nb d'érythroblastes / 100 GB) + 100].

La formule leucocytaire automatisée apprécie la répartition (en %) des polynucléaires neutrophiles, éosinophiles, basophiles, lymphocytes, monocytes et éventuellement des cellules atypiques/anormales. Chaque paramètre doit cependant être analysé en valeur absolue.

5.2.1.3.3. Plaquettes La numération plaquettaire est exprimée en millier (103) /µL ou giga (109) /L.

5.2.1.3.4. Réticulocytes Les réticulocytes, reflet de la production médullaire érythroblastique, possèdent encore des ARNm pendant 24 à 48h lors de leur maturation en GR. La mesure de l'ARN cellulaire est couplée aux autres paramètres de cytométrie en flux pour effectuer le compte automatique de réticulocytes.

5.2.1.4. Frottis pour analyse cytologique

5.2.1.4.1. Principe Analyse au microscope d'un frottis coloré réalisé à partir de prélèvement sanguin, médullaire (myélogramme), ganglionnaire (adénogramme), de tout autre liquide biologique (LCR, ascite, épanchement,..) ou à partir d'une empreinte de fragment biopsique (BOM, ganglion, ..).

5.2.1.4.2. Indications - systématique si NFS anormale : alarme qualitative (cellules atypiques/anormales) ou quantitative (thrombopénie,..). - cf. indications myélogramme, adénogramme.

Page 163: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

163/192

5.2.1.5. Méthodes

Un étalement cellulaire sur lame est réalisé par frottis, empreinte de biopsie ou centrifugation (cytospin). Les cellules sont ensuite fixées et colorées pour une analyse morphologique, chimique ou immunologique.

5.2.1.5.1. MGG La coloration de May-Grünwald Giemsa (fixateur puis éosine et bleu de méthylène) est la coloration utilisée pour l'analyse morphologique. Les compartiments cellulaires acidophiles ou basophiles sont colorés respectivement en rose ou en bleu. L'analyse au microscope par le cytologiste permet de réaliser une formule leucocytaire manuelle et une analyse morphologique de chaque élément et des cellules atypiques, mais aussi des GR. Cette analyse permet également de rechercher des agrégats plaquettaires.

5.2.1.5.1. Cytochimie Ces colorations permettent de visualiser des substrats ou des activités enzymatiques dans les cellules afin de préciser leur appartenance à une lignée hématopoïétique. Le développement de la cytométrie en flux a considérablement limité leur indication.

2.1.3.3.2.1. Myéloperoxydase (MPO) - principe : l'H2O2 transforme un sel de benzidine en un composé brun aux endroits où se trouve la peroxydase. - intérêt : dans un bilan diagnostique de LA, la recherche de MPO permet de préciser l'origine des cellules leucémiques : les cellules de la lignée granulocytaire et monocytaire possèdent une activité péroxydasique.

2.1.3.3.2.3. Perls (bleu de Prusse) - principe : le ferrocyanure de potassium en présence d'acide chlorhydrique oxyde le fer en ferricyanure (bleu-vert) et révèle la présence de fer (hémosidérine et agrégats de ferritine). - intérêt : certains érythroblastes présentent des grains de fer à partir du stade polychromatophile. Ces sidéroblastes sont alors classés en 3 catégories selon leurs nombre et répartition de grain de fer.

5.2.1.5.2. Immunocytologie L'immunomarquage de cellules sur lames est utilisé pour l'étude des échantillons pauvres en cellules (liquide de séreuse, vitrée) lorsque l'analyse de cytométrie en flux est impossible.

5.2.1.6. Vitesse de sédimentation

5.2.1.6.1. Définition

Mesure en mm de la hauteur de plasma correspondant à la sédimentation des GR après 1h (méthode de Westerngreen).

Page 164: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

164/192

5.2.1.6.2. Principe

Les mécanismes intervenant dans la sédimentation des GR sont complexes et font intervenir la viscosité sanguine et le volume occupé par les GR.

5.2.1.6.3. Méthode automatisée 5.2.1.6.4. Résultats : valeur normale ≤ 30 mm à la 1ere heure

5.2.2. Cytométrie de flux

5.2.2.1. Introduction Les leucémies sont la conséquence d'un blocage de maturation durant l'hématopoïèse, associées pour certaines à une prolifération des cellules leucémiques. Selon que la maturation est bloquée au niveau des cellules précurseurs, on parlera de Leucémies Aiguës, ou au niveau des cellules matures, on parlera de Leucémies Chroniques. Toutes les lignées de L'hématopoïèse peuvent être concernées :

- lymphoïde (T, B NK) - myéloïde (Granuleuse, Monocytaire, Plaquettaire, Erythrocytaire)

Chacune des cellules possède, à leur surface et dans leur cytoplasme, des molécules caractéristiques de leur lignée et de leur état de maturation. Grâce à l'utilisation de la cytométrie en flux et d'anticorps fluorescents spécifiques de ces molécules, il est possible de caractériser les différents types d'hémopathies (leucémies aiguës lymphoblastiques T (LAL-T), leucémies aiguës lymphoblastiques B (LAL-B), leucémies aiguës myéloblastiques (LAM), lymphomes non-hodgkiniens T (LNH-T), lymphomes non-hodgkiniens B (LNH-B), leucémie lymphoïde chronique (LLC), ainsi que leur stade (par exemple : LAL proB, les lymphomes du manteau, LAM3, ou leucémies aiguës pro-lymphocytaires ...) La détermination des antigènes cellulaires à la surface et dans le cytoplasme des cellules hématopoïétiques normales ou pathologiques par la cytométrie en flux constitue une étape essentielle dans le diagnostic à la classification des hémopathies malignes. Elle est indispensable dans le diagnostic des leucémies aiguës et des syndromes lymphoprolifératifs chroniques leucémiques.

5.2.2.2. Techniques d'analyse 5.2.2.2.1. Prélèvements / Matériel cellulaire Dans la majorité des cas, les cellules à étudier proviennent du sang ou de la moelle mais elles peuvent provenir de liquide d’épanchement pleural, d’ascite ou de liquide céphalorachidien et / ou être obtenues à partir de dissociation de tissu pathologique

Page 165: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

165/192

(ganglion, rate ou d’un autre organe). Le plus souvent, il s’agit d’une suspension de cellules obtenue à partir du sang ou de la moelle après séparation sur gradiant de densité (Ficoll). Le sang total peut être directement utilisé après lyse des globules rouges. 5.2.2.2.2. Techniques d'analyse La cytométrie en flux est une technique qui permet l’obtention de mesures simultanées des différentes caractéristiques d’une cellule (ou particule). Les mesures sont effectuées pendant que les cellules défilent une à une dans un flux liquidien devant une source lumineuse d’excitation (Laser). La vitesse de passage est élevée de 50 à 30 000 cellules par seconde. Les informations données sur une cellule par l’appareil sont (Fig.1 et 2):

- sa taille relative (forward Scatter - FSC) - sa granularité relative ou complexité interne (Side Scatter - SSC) - son intensité relative de fluorescence

Les 3 principaux éléments du cytomètre sont : - Fluidique : Introduction et positionnement des cellules à analyser - Optique : Production et recueil des signaux lumineux - Électronique : Conversion des signaux optiques en signaux électroniques et

numérisation de ces signaux pour analyse informatique Le marquage cellulaire Les cellules en suspension sont mises en présence d’un anticorps conjugué à fluorochrome, les plus utilisées étant l’isotiocanate de fluorescéine ou FITC et la phycoérythrine ou PE. Suivant le niveau de perfectionnement de l’appareil, plusieurs fluorochromes peuvent être utilisés simultanément permettant l’analyse multiparamétrée d’une même cellule (Fig.3). La plupart des cytomètres qui sont utilisés actuellement dans les services d’Hématologie Biologique permettent l’utilisation de 4 ou 6 couleurs simultanées. La détection d’antigènes intra-cellulaire peut être effectuée dans le cytoplasme en utilisant des agents perméabilisants de la membrane qui permettent à l’anticorps de pénétrer à l’intérieur de la cellule. Les anticorps monoclonaux Un très grand nombre d’anticorps monoclonaux servant à détecter des molécules ou des épitopes présents sur les cellules hématopoïétiques normales et pathologiques sont regroupés en classes ou clusters de différenciation (CD). Certains marqueurs utilisés en hématologie n’appartiennent pas à des classes de différenciation et sont utilisés fréquemment pour le diagnostic des hémopathies malignes : les molécules du système HLA classe II ou HLA DR, les chaînes lourdes et chaînes légères des immunoglobulines, les différents types de récepteur pour l’antigène des cellules T (TCR αβ et γδ), le FMC 7 (molécule exprimée sur une sous population de cellules lymphoïdes B matures).

Page 166: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

166/192

5.2.2.3. Application à l'hématologie

L’analyse immunophénotypique en cytométrie de flux est indispensable pour le diagnostic de la plupart des leucémies aiguës et pour le diagnostic des syndromes lymphoprolifératifs chroniques B ou T à envahissement sanguin, en particulier les leucémies lymphoïdes chroniques (LLC). L’immunophénotypage permet de distinguer les grandes catégories de leucémies aiguës (tableaux annexes : 2 à 4) : les leucémies lymphoblastiques B (LAL-B), lymphoblastiques T (LAL-T), les leucémies aiguës myéloïdes (LAM) avec un panel comportant une vingtaine d’anticorps au minimum. Le plus souvent d’autres anticorps sont utilisés pour compléter le diagnostic afin de définir des sous-classes de différenciation à l’intérieur des grands groupes de leucémies aiguës, de rechercher certains marqueurs qui ont une valeur pronostique et de définir des hémopathies biphénotypiques juxtaposant des molécules appartenant à des lignées différentes au sein d’une même cellule ou au sein de plusieurs populations cellulaires. De plus, le phénotypage peut être utilisé pour le suivi thérapeutique, l’étude de la maladie résiduelle et la détermination de la rechute. Les syndromes lymphoprolifératifs chroniques B (tableau : annexe 5) : la LLC peut être difficile à différencier des autres syndromes lymphoprolifératifs qui ont des localisations sanguines très fréquentes en particulier le lymphome du manteau, le lymphome de la zone marginale, ainsi que d’autres types de leucémies chroniques (la leucémie à tricholeucocytes et leucémie prolymphocytaire). La cytométrie de flux est une technique de choix qui permet de différencier ces différentes hémopathies. Bien que moins fréquentes, les hémopathies lymphoïdes chroniques T (tableau : annexe 6) et les proliférations à cellules NK (Natural Killer) sont identifiées par un panel d’anticorps monoclonaux qui sont indispensables au diagnostic par l’analyse morphologique qui reste souvent très délicate dans ce type d’hémopathie. L’hémoglobinurie nocturne paroxystique (HPN) est caractérisée par un défaut d’expression sur les cellules hématopoïétiques des protéines de surface ancrées par un glycosyl-phosphatidyl-inositol (GPI) et du diagnostic clinique souvent difficile et limité par la cytométrie qui retrouve un déficit en CD55, CD59 et CD16 (tableau : annexe 7).

Page 167: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

167/192

• Forward Scatter—lumière diffractée aux petits anglesproportionnelle à la taille de la cellule et à d’autres facteursDétectée dans l’axe de la lumière incidente

• Side Scatter—lumière diffractée aux grands anglesproportionnelle à la granularité de la cellule, à sa complexitéDétectée à 90° par rapport à l’axe de la lumière incidente

Right Angle Light Detectorα Complexité Cellulaire

Forward Light Detectorα Taille de la cellule

LumièreIncidente

Mesure de la taille et de la structure Sang Total Lysé

Polynucléaires Neutrophiles

Monocytes

Lymphocytes

Side

Scat

ter

Forward Light Scatter

0 200 400 600 800 1000

020

040

060

080

010

00

Débris cellulairesplaquettes

Analyse 3 couleursAnalyse 3 couleurs

CD3 APC

CD3 APC

CD

4 FI

TC

CD

8 PE

CD4 FITC

CD

8 PE

10 0 10 1 10 2 10 3 10 4

10 0

101

102

103

104

10 0

101

102

103

104

10 0

101

102

103

104

10 0 10 1 10 2 10 3 10 4

10 0 10 1 10 2 10 3 10 4

Page 168: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

168/192

5.2.3. Analyse Cytogénétique

5.2.3.1. Introduction Les anomalies cytogénétiques acquises des hémopathies malignes ont un intérêt en clinique et l’analyse du caryotype fait partie de nombreux protocoles thérapeutiques. Ces anomalies chromosomiques sont clonales ; elles peuvent être primaires (présentes au début de la maladie), ou secondaires (ou additionnelles), apparaissant au cours de l'évolution de la maladie. On distingue les anomalies chromosomiques (exemple : trisomie : présence de trois copies d'un chromosome) et les anomalies de structure (exemples : translocation entre deux chromosomes avec échange de matériel chromosomique, inversion d'un segment de chromosome, délétion d'un segment de chromosome).

5.2.3.2. Techniques d'analyse

5.2.3.2.1. Prélèvements Les anomalies chromosomiques des cellules leucémiques peuvent être analysées à partir de différents tissus selon la pathologie en cause : sang (prise de sang), moelle osseuse (ponction sternale ou iliaque), ganglion (ponction ou biopsie ganglionnaire), rate (biopsie).

5.2.3.2.2. Techniques d'analyse

5.2.3.2.2.1. Le caryotype en bandes (dit conventionnel) Le caryotype humain normal comprend 23 paires de chromosomes, dont 44 autosomes (numérotés de 1 à 22 selon une nomenclature internationale) et 2 chromosomes sexuels (XX ou XY). Les chromosomes sont analysés après mise en culture de cellules pour obtenir des mitoses et blocage de celles-ci au stade de métaphase.

5.2.3.2.2.2. Hybridation in situ fluorescente (FISH). L'hybridation in situ fluorescente est réalisée avec des sondes moléculaires fluorescentes qui s'hybrident de façon spécifique avec des régions des chromosomes. Elle peut être réalisée sur métaphases et/ou noyaux interphasiques.

5.2.3.2.2.3. Analyses multiparamétriques (multi-FISH et CGH)

De nouvelles techniques de cytogénétique moléculaire sont apparues ces dernières années, dont certaines peuvent être utilisées en routine : la multi-FISH, ou FISH 24 couleurs, qui permet une analyse simultanée de tous les chromosomes en utilisant des combinaisons variées de 5 fluorochromes ; l'hybridation comparative génomique (CGH) qui repose sur l'hybridation compétitive d'un ADN témoin et d'un ADN tumoral marqués avec 2 fluorochromes différents, l'hybridation pouvant être réalisée sur chromosomes métaphasiques (CGH classique), ou sur des puces d'ADN (CGH-array).

Mis en forme : Police :Comic Sans MS,Gras, Couleur de police : Bleu

Mis en forme : Police :Comic Sans MS,Gras, Italique, Couleur de police : Bleu

Mis en forme : Police :Comic Sans MS,Gras, Couleur de police : Bleu

Mis en forme : Police :Comic Sans MS,Gras, Italique, Couleur de police : Bleu

Mis en forme : Police :Comic Sans MS,Gras, Couleur de police : Bleu

Page 169: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

169/192

5.2.3.3. Application à l'hématologie

L'étude cytogénétique des hémopathies a plusieurs intérêts : 2.1.3.1: Indications

5.2.3.3.1- Ddiagnostiqueque : par exemple, la recherche de la translocation chromosomique t(9;22) entre les chromosomes 9 et 22 entraînant la formation du chromosome Philadelphie et la fusion des gènes BCR et ABL, dans la leucémie myéloïde chronique (Fig.4). Il est intéressant de noter que le chromosome Philadelphie a été décrit pour la première fois en 1960 par Nowell et Hungerford, et que ce n'est qu'en 1973 que Rowley a montré que le chromosome Philadelphie était en fait un chromosome 22 transloqué avec un chromosome 9.

5.2.3.3.2. Ppronostiqueque : cCertaines anomalies peuvent être liées à un mauvais pronostic, d'autres à un bon pronostic.

5.2.3.3.3. Tthérapeutique : eExemple : la translocation t(15;17) entre les chromosomes 15 et 17 présente dans les leucémies aiguës promyélocytaires (LAM3). Ces LAM peuvent bénéficier d'un traitement ciblé particulier.

5.2.3.3.4. Ssuivi de la maladie : rRémission (disparition de l'anomalie chromosomique) ; rechute (réapparition de l'anomalie) ; évolution (apparition d'anomalies additionnelles).

Mis en forme : Police :Comic Sans MS,Gras, Couleur de police : Bleu

Mis en forme : Police :Comic Sans MS,Gras, Italique, Couleur de police : Bleu

Mis en forme : Police :Comic Sans MS,Gras, Couleur de police : Bleu

Page 170: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

170/192

Fig.4 : exemple de caryotype conventionnel avec t(9;22).

1 2 3 4 5

6 7 8 9 10 11 12

13 14 15 16 17 18

19 20 21 22 X Y

t(9;22)(q34;q11)

Chromosome

Page 171: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

171/192

5.2.4. Biopsie moléculaire

5.2.4.1. Introduction Les analyses de biologie moléculaire appliquées à l'hématologie permettent d'étudier des altérations acquises ou constitutionnelles des gènes ou de leur expression. En onco-hématologie, ces analyses permettent de caractériser des anomalies de structure des gènes (remaniement, translocation, délétion ou mutations ponctuelles) ou d'étudier le polymorphisme des populations lymphoïdes (analyse de la clonalité) dans un but diagnostique, pronostique ou de surveillance évolutive. L'analyse des anomalies constitutionnelles recherche des facteurs génétiques de prédisposition (polymorphismes) aux hémopathies malignes ou non malignes (exemple de facteur prédisposant aux thromboses). Ces analyses permettent alors un conseil thérapeutique ou génétique.

5.2.4.2. Techniques d'analyse

5.2.4.2.1. Prélèvements 5.2.4.2.1.1. Traitement rapide des prélèvements Le transport rapide du prélèvement au laboratoire est indispensable pour éviter la dégradation des acides nucléiques et en particulier de l'ARN. Dans certains cas, les fragments tissulaires sont congelés dès leur réception pour conservation et analyse ultérieure. 5.2.4.2.1.2. ADN / ARN La décision de préparer de l'ADN et/ou de l'ARN dépend de l'analyse à effectuer. L’ADN génomique contient l’information génétique. L’ARNm est l’expression d’un gène et est traduit en protéine, support du phénotype cellulaire. L'ADN permet donc de rechercher des anomalies de structure des gènes (remaniement, translocation, délétion ou mutations ponctuelles) ou d’étudier le polymorphisme des populations cellulaires (analyse de la clonalité). Dans certains cas, l'étude de ces anomalies de structure de gènes est difficile au niveau de l'ADN car les points de cassure sont répartis ou éparpillés sur les introns du gène. Après l’épissage des ARN, les exons restants génèrent des ARNm de fusion uniforme plus faciles à étudier. La recherche de translocation ou d'inversion se fait donc généralement par l’étude de l’ARNm. Enfin, l'ARNm permet d'étudier les anomalies d'expression de certains oncogènes. 5.2.4.2.1.3. Préparation des acides nucléiques Les cellules nucléées en suspension dans le sang, la moelle ou tout autre milieu liquide sont tout d’abord isolées par centrifugation. Les cellules sont ensuite lysées et les acides nucléiques sont extraits du milieu de lyse selon des méthodes chimiques. Les cellules nucléées contenues dans les ganglions et les tissus ne peuvent être isolées facilement, les fragments tissulaires (biopsies) sont donc lysés dans leur globalité et les acides nucléiques sont extraits directement de ce milieu de lyse.

Page 172: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

172/192

5.2.4.2.2. Techniques d'analyse 5.2.4.2.2.1. Transcription inverse (RT) : préparation spécifique de l'ARN. Les molécules d'ARNm simple brin sont copiées en molécules d'ADN complémentaires (ADNc) de la séquence d'ARN initiale grâce à l'enzyme transcriptase inverse. Ceci permet ensuite de traiter l'ADNc obtenu par les différentes techniques d'analyse de l'ADN détaillées ci-dessous.

5.2.4.2.2.2. Réaction de polymérisation en chaîne : PCR Le but de cette technique est d'amplifier une cible génomique afin de pouvoir détecter sa présence. Pour cela, on utilise deux courts fragments d’ADN simples brins complémentaires des régions encadrants le gène (amorces) et une enzyme (Taq-polymérase) copiant les fragments d’ADN à partir des amorces. La réaction s'effectue dans un thermocycleur générant des cycles de température permettant successivement la dénaturation et l'ouverture des 2 brins d'ADN, l'hybridation des amorces et l'élongation du brin d'ADN à copier. Après une trentaine de cycles des millions de copies du gène initial sont ainsi obtenues et peuvent être visualisées sur un gel d’acrylamide 5.2.4.2.2.3. PCR quantitative en temps réel : RQ- PCR. Cette technique dérivée de la PCR permet de quantifier le nombre de copies d’ADN initialement présents dans un échantillon donné. Lors de la réaction de PCR, le nombre de copies d’ADN formé augmente de façon exponentielle au cours des différents cycles. Il est alors possible d’ajouter au milieu réactionnel un fluorochrome qui se fixe sur chaque nouvelle copie d’ADN et de mesurer l’augmentation de la fluorescence en temps réel après chaque cycle de PCR. Le nombre de cycles nécessaire pour que la fluorescence atteigne un seuil fixé permet de calculer le nombre de copies d’ADN présent initialement dans cet échantillon.

5.2.4.2.2.4. Séquençage Cette technique permet de déterminer la séquence nucléotidique d'un gène ou de son produit d'expression. Ceci permet de rechercher des mutations ponctuelles dans la séquence d'un gène ou de déterminer avec précision le polymorphisme d'une population lymphocytaire.

5.2.4.2.2.5. Analyses multiparamétriques : microarray, SNP array

Ces analyses permettent l'étude de l'expression de multiples gènes (ARNm) ou de multiples polymorphismes (ADN) en parallèle. Les acides nucléiques sont fragmentés et couplés à un fluorochrome. Ces fragments sont ensuite hybridés sur un support contenant des sondes complémentaires spécifiques de milliers d'ARN ou de polymorphismes différents. La position de chaque sonde étant connue, la révélation du résultat d'hybridation permet de déterminer la composition des ARN initiaux ou des polymorphismes à l'échelle du génome.

Page 173: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

173/192

5.2.4.3. Application à l'hématologie 5.2.4.3.1. Détection d’altérations géniques (anomalie chromosomique) 5.2.4.3.1.1. Principe d'analyse La majorité des hémopathies malignes résulte de l’accumulation d’altérations géniques acquises qui confèrent un caractère prolifératif plus important au clone tumoral. Ces altérations géniques peuvent être de deux types : qualitative ou quantitative. Les anomalies qualitatives résultent de translocations ou inversions chromosomiques qui aboutissent à la recombinaison de la partie codante de deux gènes. Cette fusion génique conduit à l’expression d’un ARNm de fusion qui est traduit en protéine conservant certaines fonctions des deux gènes initiaux. Cette fusion implique le plus souvent des gènes codant des facteurs transcriptionnels ou des enzymes comme les kinases qui régulent le cycle cellulaire et que la recombinaison rend constitutivement active (exemple : BCR-ABL). Les anomalies quantitatives résultent de translocations qui aboutissent à la modification d’expression d’un gène dont la structure n’est pas altérée en elle-même. En général, la translocation place l’expression d'un gène sous contrôle d’une séquence régulant positivement l’expression des gènes IGH ou du TCR (exemple : IGH-BCL2). Ceci aboutit à l’augmentation d’expression d’un gène et d’une protéine correspondante à un stade aberrant de la différenciation cellulaire ou dans un tissu où il n’est physiologiquement pas exprimé. 5.2.4.3.1.2. Indications 5.2.4.3.1.2.1. Diagnostic - Expression du transcrit de fusion M BCR-ABL dans la LMC, m BCR-ABL dans le cas des LAL, rarement des LMC, résultat de la t(9;22) (q34;q11). Expression du transcrit de fusion PML-RARA dans les LAM3. - Surexpression du gène CCND1 (codant la cycline D1) dans les t(11;14) (q13;q32) affectant les lymphomes du manteau, ou du gène BCL2 dans les t(14;18) (q32;q21) affectant les lymphomes folliculaires. - mutation V617F du gène JAK2 dans les syndromes myéloprolifératifs chroniques (polyglobulie, TE..) 5.2.4.3.1.2.2. Pronostic - Expression du transcrit de fusion PML-RARA dans les LAM3, CBFβ - MYH11 (inv16) dans les LAM4 éosinophile. Expression du transcrit de fusion E2A-PBX1 t(1;19) ou m BCR-ABL dans les LAL. 5.2.4.3.1.2.3. Surveillance évolutive Surveillance évolutive de la quantification de différents transcrits de fusion (M BCR-ABL, m BCR-ABL, PML-RARA) dans la surveillance de la maladie résiduelle après traitement.

Page 174: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

174/192

5.2.4.3.1.2.4. Méthodes - RT-PCR détectant les transcrits de fusion lors du diagnostic. Une hybridation des produits de PCR avec une sonde fluorescente spécifique permet de surveiller la maladie résiduelle avec une sensibilité de l'ordre de 10-5. - RQ-PCR permet d'atteindre une sensibilité de 10-6.

5.2.4.3.2. Détection de population clonale à lymphocytaire B ou T

5.2.4.3.2.1. Principe d'analyse Une population lymphocytaire physiologique présente une diversité de récepteur de membrane pour la reconnaissance et la liaison spécifique à chaque antigène (BCR ou B-cell receptor et TCR ou T-cell receptor). Cette diversité de récepteurs (108 à 1011) est acquise lors du remaniement génique aboutissant au polymorphisme de taille et de séquence de la région de contact intime avec l'Ag (complementary determining region 3 ou CDR3). Un récepteur caractérise donc chaque lymphocyte ainsi que sa descendance et définit un clone lymphocytaire. La restriction de la diversité du répertoire et l'émergence d'une population lymphocytaire monoclonale peuvent être un argument en faveur du caractère malin d'une prolifération lymphocytaire. 5.2.4.3.2.2. Indications 5.2.4.3.2.2.1. Diagnostic Recherche du caractère monoclonal d'une prolifération lymphocytaire T ou B (en complément de l'étude de la monotypie des chaînes légères en cytométrie de flux ou en histologie). 5.2.4.3.2.2.2. Pronostic 5.2.4.3.2.2.3. Surveillance évolutive La surveillance du polymorphisme des populations lymphocytaires permet de surveiller la disparition d’une population clonale sous traitement et la réapparition des populations polyclonales. Une rechute peut être détectée précocement dans la réapparition du même clone lymphocytaire ou parfois d’un clone différent en cas de sélection clonale par le traitement. 5.2.4.3.2.2.4. Méthodes - PCR amplifiant la région CDR3. Le produit d’amplification est alors analysé sur gel d’Acrylamide (Fig.5a). - Analyseur de fragments ou GenScan : amplification de la région CDR3 avec des amorces couplées à des fluorochromes permettant l'analyse de la taille exacte du CDR3 de chaque lymphocyte. Une population polyclonale représente une gaussienne alors qu’une population clonale apparaît comme un pic sur un graphe (Fig.5b).

Page 175: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

175/192

- Séquençage de la région CDR3.

MW P M MW

P

M

Fig.5 : recherche de population clonale lymphocytaire par PCR amplifiant la région CDR3 suivie d’un dépôt des produits de PCR sur gel d’acrylamide à gauche ou par analyse plus résolutive par Genscan à droite. MW = marqueur de taille, P = population lymphocytaire B polyclonale, M = population lymphocytaire monoclonale.

Page 176: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

176/192

5.2.5. Anatomie pathologique

5.2.5.1. Techniques d'analyse 5.2.5.1.1. Prélèvements : - Prélèvements congelés : Pour la congélation, il faut distinguer les “ collections ” (utilisées seulement par l’équipe qui conserve des tissus destinés au diagnostic) et les “banques de tissus” (qui peuvent mettre les prélèvements à la disposition de multiples équipes). La réglementation concernant les “ Centres de ressource biologique ” insiste sur les conditions et les procédures de conservation qui doivent répondre à des critères stricts. - Prélèvements fixés : Le liquide fixateur le plus utilisé pour l'examen en microscopie optique est une solution de formaldéhyde (formol) à 4%, pH 7.4 (formol tamponné). La fixation (durée de 24h) est suivie d'une extraction de l’eau (par l’alcool) et des graisses (par le xylène), puis de l’inclusion de la pièce dans de la paraffine liquide (50-60°C) qui se solidifie ensuite permettant ainsi au spécimen d’être coupé en sections transparentes de 2-4 microns d'épaisseur. Les sections sont étalées sur des lames de verre. L’observation des tissus se fait après colorations des coupes : l'hématéine-éosine-safran, le Giemsa lent pour l’analyse fine des noyaux, une imprégnation argentique du réseau de réticuline pour évaluer l’architecture nodulaire ou diffuse d’une prolifération lymphoïde. 5.2.5.1.2. Techniques d'analyse

5.2.5.1.2.1. Immunohistochimie Le principe de la méthode immunohistochimique est de détecter dans une coupe de tissu la présence d’un antigène à l’aide d’un anticorps spécifique révélé par un marqueur coloré appelé chromogène (révélation immuno-enzymatique). Sur matériel inclus en paraffine, cette technique comporte plusieurs étapes :

• Démasquage des sites antigéniques par action de la chaleur • Incubation avec l’anticorps primaire • Incubation avec l’anticorps 2aire couplé à un système enzymatique amplifié • Application du révélateur constitué par le substrat de l’enzyme (e.g. H2O2) et le

chromogène (e.g. diaminobenzidine en marron). Contre coloration à l’hématéine. • Les protéines d’intérêt sont ainsi révélées en marron sur fond bleu

Page 177: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

177/192

5.2.5.1.2.2. Hybridation in situ sur prélèvement tissulaire fixé :

Le principe de cette technique est d'identifier un acide nucléique, ARN ou ADN, présent dans des cellules d'une préparation histologique ou cytologique. Comme le sont les anticorps utilisés pour l'immunohistochimie, les sondes nucléiques sont couplées à des traceurs, fluorochrome ou enzyme. La visualisation au microscope de l'acide nucléique recherché, auquel s'est fixée la sonde, utilise donc des méthodes identiques à celles utilisées pour l'immuno-histochimie. En pratique, l'hybridation in situ est réalisée pour mettre en évidence les ARN messagers de certains gènes (e.g. EBV détecté par les sondes EBER) ou détecter des points de cassure chromosomique (technique FISH).

5.2.5.2. Application à l'hématologie L’étude immunohistochimique sur matériel inclus en paraffine permet de déterminer :

• le phénotype B ou T ou NK d’un syndrome lymphoprolifératif, • l’expression d’une protéine oncogénique (BCL2, cycline D1, ALK1, etc…), • le caractère monotypique d’une prolifération lymphoplasmocytaire ou

plasmocytaire par l’étude des chaînes légères d’immunoglobuline intra cytoplasmiques qui résistent à la dénaturation antigénique liée à la préparation de l’échantillon pour l’inclusion en paraffine.

• Pour les lymphomes T, l’absence d’expression d’un ou plusieurs antigènes de différenciation T (CD2, CD3 CD5ou CD7) à la surface des cellules lymphoïdes étant un critère de malignité.

• La présence de protéines virales impliquées dans la lymphomagenèse : protéine de latence membranaire (LMP) pour l’EBV dans la maladie de Hodgkin et les lymphoproliférations de l’immunodéprimé, HHV8 dans les lymphomes des séreuses.

Page 178: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

178/192

Annexe 1 TABLEAU 1 : VALEURS MOYENNES DE

L’HEMOGRAMME SELON L’AGE ET LE SEXE

nouveaux- nés 1 mois 1-12 ans Hommes Femmes Grossesse

Hématies (1012/l) 5 - 5,4 4 4 – 5,5 4,5 – 5,9 4,1 – 5,1 3,5 – 4,5 Hématocrite (%) 55 - 68 38 – 48 38 - 52 42 - 55 38 - 48 32 - 42 Hémoglobine (g/dl) 17 - 21 12 – 16 11 – 17 13,5 - 18 12 - 16 10 – 13 VGM (µ3) 110 – 130 100 – 110 80 – 100 80 – 100 80 – 100 80 – 100 Leucocytes (109/l) 9 – 30 5 - 20 4 – 15 4,5 - 11 4,5 - 11 4,5 - 11 Neutrophiles (109/l) 6 – 25 1 – 10 1,5 – 8 1,8 - 7 1,8 - 7 1,8 - 7 Eosinophiles (109/l) 0,02 – 0,8 0,1 – 1 0 – 0,6 0 – 0,4 0 – 0,4 0 – 0,4 Basophiles (109/l) 0 – 0,6 0 – 0,2 0 – 0,2 0 – 0,01 0 – 0,01 0 – 0,01 Lymphocytes (109/l) 2 – 11 2 – 17 1,5 –10 1 - 4 1 - 4 1 - 4 Monocytes (109/l) 0,4 – 3,1 0,2 – 2,4 0 – 1 0 – 0,8 0 – 0,8 0 – 0,8 Plaquettes (109/l) 150 - 400 150 - 400 150 - 400 150 - 400 150 - 400 150 - 400

Page 179: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

179/192

Annexe 2 TABLEAU 2 : LES LEUCEMIES AIGUES LYMPHOBLASTIQUES T (LAL – T)

CD pro thymocytes thymocytes immatures thymocytes communs thymocytes matures

CD34 +/- - - -

CD7 + + + +

CD2 + + + +

CD5 + + + +

CD1a - - + -

CD3 + (cytoplasme) + (cytoplasme) + (cytoplasme) +

TCRαβ - - + (cytoplasme) +

CD4 - - + soit +/-

CD8 - - + soit -/+

CD38 + + +/- -

HLA DR + +

LAL – pro T LAL pré T LAL T corticale LAL T mature

LAL I LAL II LAL III LAL IV

LALT immatures LAL T commune LAL T mature

Page 180: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

180/192

Annexe 3 TABLEAU 3 : LES LEUCEMIES AIGUES LYMPHOBLASTIQUES B (LAL – B)

CD Pro B Pre-pre B Pre B B mature B "immature"

CD19 + + + + +

CD34 + + - - -

HLA DR + + + + +

CD22 + (cytoplasme) + + + +

CD10 - + + - +

CD20 - +/- +/- + +

μcy/ Ig M - - μcy + IgM + IgM +++

CD79a cy + + + + +

CD79b +/- + + + +

FMC7 - - - -/+ -/+

B I B II B III B IV

LAL pro B LAL pré-pré B LAL pré B LAL B mature LAL3

de type BURKITT

Page 181: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

181/192

Annexe 4 TABLEAU 4 : LES LEUCEMIES AIGUES MYELOÏDES (LAM)

CD M0 M1 M2 M3 M4 M5 M6 M7 cellules

souches myéloblastes Myéloblastes

avec maturation

Promyélo-cytes

Myélo-blastes

Mono-cytes

Mono-blastes

Erythro-blastes

Mégacaryo-blastes

CD34 +++ +++ ++ +/- + - -/+ -/+ +/- CD117 +++ +++ ++ +/- + -/+ -/+ -/+ +/- CD13 +++ +++ +++ +++ ++ ++ ++ +/- +/- CD33 +++ +++ +++ ++ ++ ++ ++ +/- +/- HLA DR +++ +++ +++ - ++ ++ +++ +/- +/- CD14 - - - - - + + - - CD36 - - - - - + + + + CD42 et CD61 - - - - - +/- +/- - + CD11a,b,c - - - - - ++ ++ - - CD15 - - +/- + - + + - - CD71 - - - - - - - ++ - Glycophorine A (CD235a)

- - - - - - - + -

CD7 + + +/- - +/- - - - -

Page 182: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

182/192

5

Tableau : Immunophénotypage des hémopathies lymphoïdes chroniques B

+++++++-CD79B

----++--CD103

+/-+/--+++-+/-CD11c

+/-+/----+-+/-CD25

-+/-----+/--CD10

--++/---+/-+CD5

+++++++-FMC7

-+/--+/----+CD23

+++++++-CD22

++++++++CD19

moyenne/forte

moyenne/forte

fortemoyennefortefortefortefaibleIntensité des Ig de surface

MZLFLMCLSLVLHCL-VHCLLPLLLCMarqueurs

+ = positif dans la majorité des cas ; +/- = positif dans la minorité des cas ; - = négatif dans la majorité des cas

LLC : Leucémie lymphoïde chronique LPL : Leucémie prolymphocytaire

HCL : Leucémie à tricholeucocytes HCL-V : Forme variante de HCL

SLVL : Lymphome splénique à lymphocytes villeux MCL : Lymphome du manteau

FL : Lymphome folliculaire MZL : Lymphome de la zone marginale

Annexe 5 TABLEAU 5 : IMMUNOPHENOTYPAGE DES HEMOPATHIES LYMPHOÏDES

CHRONIQUES B

Page 183: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

183/192

Annexe 6 TABLEAU 6 : PROLIFERATIONS T CHRONIQUES

CD LNH T αβ ou γδ

LPL T Leucémies

prolymphocy-taires

Leucémies à virus HTLV1

Syndrome de

Sézary

Leucémies à LGL* Type CD8+

Leucémies à LGL* Type NK

CD7 + + +/- - - (80%) +/- -/+ CD2 + + + + + + + CD5 + + + + + +/- - CD3 + + + + + + - TCR αβ + - +/- + + + (80%) - TCR γδ - + -/+ - - -/+ - CD4 +/- - +/- + + - - CD8 +/- - -/+ - - + +/- CD25 +/- - -/+ + - - - HLA DR +/- - - + - - +/- CD56 - +/- - - - -/+ + CD16 - +/- - - - +/- + CD57 - - - +/- + +/- * LGL : Large Granular Lymphocytes ou lymphocytes à gros grains

Page 184: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

184/192

Annexe 7 TABLEAU 7 : L’HEMOGLOBINURIE PAROXYSTIQUE NOCTURNE OU HPN

CD Hématies Polynucleaires normaux patho normaux patho CD55 ++ -/+ faible ++ -/+ faible CD59 ++ -/+ faible ++ -/+ faible CD58 ++ ++ ++ ++ CD16 +++ +/- faible

Page 185: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

185/192

AA –– SSYYNNDDRROOMMEESS MMYYEELLOO PPRROOLLIIFFEERRAATTIIFFSS

A.1. Définition Les syndromes myéloprolifératifs regroupent : - la leucémie myéloïde chronique - myélofibrose primitive (anciennement splénomégalie myéloïde) - la polyglobulie primitive ou maladie de Vaquez - la thrombocytémie essentielle. Ce sont des hémopathies malignes : - développées à partir du tissu myéloïde - réalisant une prolifération sans blocage de maturation, par opposition aux leucémies aiguës, caractérisées par une prolifération avec blocage de maturation. - d’évolution chronique, mais pouvant se transformer secondairement en leucémie aiguë, avec une fréquence variable selon la maladie. Bien qu’il s’agisse d’entités différentes, il existe des points communs : - ressemblance dans leur présentation clinique avec notamment une splénomégalie - hyperplasie des 3 lignées myéloïdes (granulocytaire, érythrocytaire, mégacaryocytaire) bien qu’il existe souvent la prédominance de l’une d’entre elles - existence de formes de transition - phase chronique suivie éventuellement d’une phase de transformation aiguë. A.2. Physiopathologie A.2.1. Prolifération monoclonale Evénement clef : anomalie (génétique) acquise survenant au niveau d’une cellule multipotente et lui conférant un avantage prolifératif sur les cellules normales. Cette monoclonalité peut être mise en évidence de plusieurs manières. A.2.1.1. Anomalies chromosomiques et géniques Dans la leucémie myéloïde chronique, il existe une anomalie chromosomique caractéristique, le chromosome Philadelphie (Ph), présente dans les 3 lignées myéloïdes ainsi que dans les lymphocytes B; par contre elle n’est pas retrouvée dans les autres types cellulaires.

Page 186: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

186/192

Le chromosome Ph est la résultante d’une translocation réciproque entre les chromosomes 9 et 22, qui aboutit à la fusion des gènes BCR et ABL (voir chapitre leucémie myéloïde chronique). Une 2ème anomalies génique a été découverte très récemment (2005) : il s’agit d’une mutation ponctuelle dans le gène JAK2 qui code pour une protéine impliquée dans la signalisation en aval de divers récepteurs de facteurs de croissance. Cette mutation (V617F) qui entraîne une activation « constitutive » des cellules, est rencontrée dans la très grande majorité des polyglobulies primitive (>90%) et environ la moitié des cas de thrombocytémie essentielle et de myélofibrose primitive. A.2.1.2. Marqueurs polymorphiques localisés sur le chromosome X chez les femmes hétérozygotes • isoenzymes de la glucose-6- phosphate deshydrogénase (G6PD) Il existe 2 isoenzymes, A et B, de la G6PD. Chez les femmes hétérozygotes (A/B), chaque cellule exprime soit la forme A, soit la forme B (phénomène de lyonisation: inactivation aléatoire d’un des 2 chromosomes X au cours du développement embryonnaire):la population cellulaire est donc une mosaïque (50% A, 50% B). Au cours des syndromes myéloprolifératifs, chez les femmes hétérozygotes��les cellules hématopoïétiques pathologiques n’expriment plus qu’un seul isoenzyme, A ou B, dans la mesure où elles sont issues d’une seule et même cellule souche. Par contre les populations cellulaires non tumorales continuent à être des mosaïques. • autres marqueurs Des résultats similaires ont pu être obtenus avec des marqueurs polymorphiques plus informatifs: - méthylation différentielle des allèles des gènes de la phosphoglycérate kinase (PGK) et de l’hypoxantine phosphoribosyl transférase (HPRT) - nombre variable de copies des VNTR (Variable Number of Tandem Repeats) A.2.2. Fibrose médullaire : Elle ne provient pas du clone tumoral, mais est de nature réactionnelle. Elle est liée à la prolifération de cellules non hématopoïétiques du micro-environnement médullaire, les fibroblastes en particulier (cette prolifération est polyclonale). Ces cellules synthétisent les protéines constituant la matrice médullaire normale : collagène, fibronectine, etc… Au cours des syndromes myéloprolifératifs, sous l’effet de diverses subtances produites par les cellules tumorales (et surtout les mégacaryocytes), cette production est exagérée et aboutit à la constitution d’une myélofibrose. Celle-ci est d’intensité variable selon l’affection en cause.

Page 187: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

187/192

A.2.3. Evolution possible vers une leucémie aiguë Caractère commun à tous les syndromes myéloprolifératifs. Propension variable: - évolution naturelle de la LMC - relativement fréquente dans la myélofibrose primitive, la maladie de Vaquez - plus rare dans la thrombocytémie essentielle Liée à la survenue de lésions génétiques supplémentaires (il existe souvent des anomalies chromosomiques additionnelles) dans une sous-population tumorale, aboutissant à la prolifération de cellules immatures d’une lignée particulière. Rôle favorisant des traitements : - chimiothérapies - irradiation (Phosphore 32) A.3. Principales caractéristiques des syndromes myéloprolifératifs Voir tableau comparatif.

Page 188: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

188/192

Principales caractéristiques des syndromes myéloprolifératifs chroniques

LMC MFP PV TE Clinique

- Splénomégalie ++ +++ + +

Hémogramme

- Hématies

N

à (aniso- poïkilocytose)

(microcytose, hypochromie)

N

- Polynucléaires ou (évolution)

- Myélémie +++ ++ (érythroblastose) - -

- Plaquettes N ou N ou ou l (évolution) plaquettes anormales

(plaquettes anormales)

Moëlle

- Hyperplasie médullaire

+++ (granuleuse)

++ ou - (évolution)

++ (globale)

++ (mégacaryocytaire)

- Myélofibrose - + dans l’évolution

+ à +++ - + à ++ dans l’évolution

- + dans l’évolution

Anomalies

Chromosomiques

Ph+

Ph-

anomalies non spécifiques (30%)

Ph-

anomalies non spécifiques (20%)

Ph-

anomalies non spécifiques (5%)

Anomalies Géniques

Autres anom. biologiques

BCR-ABL +

JAK2 muté –

BCR-ABL –

JAK2 muté + (50%)

BCR-ABL –

JAK2 muté + (>90%)

BCR-ABL –

JAK2 muté + (50%)

- PAL

- Vitamine B12 N ou N ou

Page 189: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

189/192

A.4. Myélofibrose primitive A.4.1. Généralités Syndrome myéloprolifératif associant une prolifération clonale de cellules primitives hémato-poïétiques, à une prolifération polyclonale de fibroblastes produisant une myélofibrose. Dans environ 50% des cas la mutation V617F du gène JAK2 est présente. Cette prolifération fibroblastique est secondaire à leur stimulation par des facteurs de croissance relargués par les mégacayocytes pathologiques, en particulier le TGF� (Transforming Growth Factor �) et le PDGF (Platelet Derived Growth factor). Elle est 5 fois moins fréquente que la leucémie myéloïde chronique. Elle touche l’adulte après 50 ans. A.4.2. Signes cliniques A.4.2.1. Circonstances de découverte - systématique (splénomégalie, hémogramme) - pesanteur de l’hypocondre gauche - syndrome anémique - plus rarement une complication A.4.2.2. A l’examen • splénomégalie : - signe majeur : 100 % des cas - de taille variable, parfois considérable (mesurer) - augmentant au cours de l’évolution • Hépatomégalie: - 50% des cas

- parfois très volumineuse

• Rarement adénopathies (sièges d’une métaplasie myéloïde) A.4.3. Signes biologiques A.4.3.1. Hémogramme • Anémie - variable, normocytaire, normochrome - avec surtout anisocytose, poïkilocytose, hématies en larmes, en poire �� Hyperleucocytose (50 – 70 % des cas)

Page 190: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

190/192

- à polynucléaires neutrophiles, mais aussi excès d’éosinophiles, de basophiles • Myélémie - avec surtout érythroblastose �� Plaquettes - en nombre normal ou augmenté au début, puis thrombopénie - surtout anomalies morphologiques plaquettaires: macroplaquettes, micro- mégacaryocytes ou fragments de mégacaryocytes circulants - anomalies fonctionnelles plaquettaires A.4.3.2. Myélogramme - Os dur, aspiration difficile - Ponction souvent pauvre ou non productive A.4.3.3. Biopsie médullaire Elle permet le diagnostic en mettant en évidence la myélofibrose. 3 stades évolutifs : a) Fibrose réticulinique Hyperplasie médullaire Nombreux mégacaryocytes b) Fibrose collagène mutilante Diminution du tissu hématopoïétique Nombreux mégacaryocytes c) Ostéosclérose Disparition du tissu hématopoïétique A.4.3.4. Caryotype - difficultés techniques (fibrose) - absence de chromosome Ph - anomalies cytogénétiques dans 30% des cas (chromosomes 13, 20, 5,7, 8, 1, 17) valeur pronostique A.4.3.5. Biologie Moléculaire Dans environ 50% des cas la mutation V617F du gène JAK2 peut être détectée par les techniques de biologie moléculaire, affirmant le caractère clonal de la myélofibrose.

Page 191: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

191/192

A.4.4. Evolution A.4.4.1. Complications - Insuffisance médullaire avec pancytopénie (importante cause de mortalité) - Hépatopathie et hypertension portale - Insuffisance cardiaque - Leucémie aiguë : 10 % des cas, tous types cytologiques A.4.4.2. Survie Très variable : médiane de survie = 5 ans A.4.5. Diagnostic différentiel A.4.5.1. Autres syndromes myéloprolifératifs avec myélofibrose - polyglobulie - LMC en phase accélérée A.4.5.2. Autres hémopathies avec myélofibrose - syndromes myélodysplasiques, leucémie myélo-monocytaire chronique - leucémie à tricholeucocytes - atteinte médullaire au cours de la maladie de Hodgkin, de certains lymphomes A.4.5.3. Autres pathologies avec myélofibrose - mastocytose systémique - métastase médullaire de carcinomes - lupus A.4.6. Traitements A.4.6.1. Traitement symptomatique surtout amélioration de l’anémie : transfusions, androgènes, corticoïdes A.4.6.2. Chimiothérapie (hydroxyurée) si organomégalie, hyperleucocytose ou thrombocytose importantes A.4.6.3. Splénectomie discutée, dangereuse (thrombose, TA, hépatomégalie) A.4.6.4. Irradiation splénique (à faible dose) en cas de cytopénie, ou pour diminuer les douleurs secondaires aux infarctus spléniques

Page 192: POLYCOPIÉ D’HÉMATOLOGIE DCEM3s1.e-monsite.com/2008/10/07/48509814polydcem3-i-2007-2008-pdf.pdf ·  ...  ... Aplastic Anemia …

Hématologie – DCEM 3 – Examens complémentaires en Hématologie

192/192

A.4.6.5. Interféron alpha A.4.6.6. Allogreffe de moelle si moins de 50 ans A.4.6.7. Nouvelles thérapeutiques ciblées

Des inhibiteurs de la protéine JAK2 (mutée) sont en cours d’évaluation et représentent un grand espoir thérapeutique (par analogie avec les inhibiteurs des tyrosine kinases ; cf .cours sur la leucémie myéloïde chronique).