11
1. Chapitre 6 2. LES MAUVAISES HERBES I. I - NATURE ET NOCIVITÉ DES MAUVAISES HERBES Encore plus que dans les régions tempérées ou méditerranéennes, la lutte contre les mauvaises herbes est un souci quotidien pour le maraîcher tropical. Il a affaire à des concurrentes parfaitement adaptées au climat, et douées de moyens de reproduction très efficaces : graines très nombreuses, à germination immédiate ou échelonnée, suivant les espèces et les conditions climatiques, ou fragmentation illimitée de l'appareil végétatif. Contre elles, les plantes cultivées se défendent plus ou moins bien. Des expériences réalisées en Jamaïque et à Trinidad ont montré que, pour ne pas souffrir de la concurrence, les cultures de Haricots, Tomates et Patates douces doivent être tenues propres pendant 1 mois après semis ou plantation, celles de Pois d'Angole 10 semaines, celles d'Ignames palissées ou d'Allium pendant toute la durée de végétation. Ce serait cependant un mauvais calcul de se conformer strictement à ces indications, et de laisser pousser et grainer les mauvaises herbes à partir du moment où elles ne sont plus nuisibles à la culture en cours, car on augmenterait l'infestation de la culture suivante. Un jardin maraîcher permanent doit être désherbé sans interruption. Dans le cas où sont associés culture maraîchère et élevage — donc jachères pâturées — l'agriculteur peut être tenté d'arrêter le désherbage avant la fin d'une culture (Tomates, par exemple en Grande Terre de Guadeloupe) et d'utiliser la végétation spontanée à dominante d'Amarantes qui s'y développe pour nourrir de jeunes bovins. On risque cependant ainsi d'augmenter dans le sol le stock de graines de mauvaises herbes. Bien entendu le semis d'un sorgho fourrager désherbé à l'atrazine, suivi d'une plantation de Pangola, serait une solution plus moderne et plus intensive. On perçoit cependant à travers cet exemple à quel point la relation de l'agriculteur avec la «mauvaise herbe» peut être complexe : concurrente des cultures, bien sûr, mais aussi productrice de fourrage, et restauratrice de la fertilité dans les jachères herbacées, source en particulier de matière organique pour les buttes destinées aux plantes à tubercules. Nous décrirons ci-dessous trois sortes de mauvaises herbes qu'on peut considérer comme de diffusion mondiale (sévissant aussi bien en climat méditerranéen que tropical), puis essaierons de donner une idée de la variété botanique des mauvaises herbes susceptibles d'envahir les jardins tropicaux. Amarantes, Pourpier et Cyperus doivent peut-être leurs vertus envahissantes à une photosynthèse de type C4 particulièrement efficace (v. chapitre 2). Certains types végétaux de ces plantes sont d'ailleurs cultivés : Amarantes-épinards, Pourpier à larges feuilles, et en Espagne la Chufa, variété de Cyperus esculentus, dont les tubercules sont utilisés pour fabriquer une boisson rafraîchissante et nutritive.

Potager Tropical Chapitre 6 Les Mauvaises Herbes

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Potager Tropical Chapitre 6 Les Mauvaises Herbes

1. Chapitre 6

2. LES MAUVAISES HERBES

I. I - NATURE ET NOCIVITÉ DES MAUVAISES HERBES

Encore plus que dans les régions tempérées ou méditerranéennes, la lutte contre les

mauvaises herbes est un souci quotidien pour le maraîcher tropical. Il a affaire à des

concurrentes parfaitement adaptées au climat, et douées de moyens de reproduction très

efficaces : graines très nombreuses, à germination immédiate ou échelonnée, suivant les

espèces et les conditions climatiques, ou fragmentation illimitée de l'appareil végétatif.

Contre elles, les plantes cultivées se défendent plus ou moins bien. Des expériences

réalisées en Jamaïque et à Trinidad ont montré que, pour ne pas souffrir de la concurrence,

les cultures de Haricots, Tomates et Patates douces doivent être tenues propres pendant 1

mois après semis ou plantation, celles de Pois d'Angole 10 semaines, celles d'Ignames

palissées ou d'Allium pendant toute la durée de végétation. Ce serait cependant un

mauvais calcul de se conformer strictement à ces indications, et de laisser pousser et

grainer les mauvaises herbes à partir du moment où elles ne sont plus nuisibles à la culture

en cours, car on augmenterait l'infestation de la culture suivante. Un jardin maraîcher

permanent doit être désherbé sans interruption. Dans le cas où sont associés culture

maraîchère et élevage — donc jachères pâturées — l'agriculteur peut être tenté d'arrêter le

désherbage avant la fin d'une culture (Tomates, par exemple en Grande Terre de

Guadeloupe) et d'utiliser la végétation spontanée à dominante d'Amarantes qui s'y

développe pour nourrir de jeunes bovins. On risque cependant ainsi d'augmenter dans le

sol le stock de graines de mauvaises herbes. Bien entendu le semis d'un sorgho fourrager

désherbé à l'atrazine, suivi d'une plantation de Pangola, serait une solution plus moderne

et plus intensive.

On perçoit cependant à travers cet exemple à quel point la relation de l'agriculteur avec la

«mauvaise herbe» peut être complexe : concurrente des cultures, bien sûr, mais aussi

productrice de fourrage, et restauratrice de la fertilité dans les jachères herbacées, source

en particulier de matière organique pour les buttes destinées aux plantes à tubercules.

Nous décrirons ci-dessous trois sortes de mauvaises herbes qu'on peut considérer comme

de diffusion mondiale (sévissant aussi bien en climat méditerranéen que tropical), puis

essaierons de donner une idée de la variété botanique des mauvaises herbes susceptibles

d'envahir les jardins tropicaux.

Amarantes, Pourpier et Cyperus doivent peut-être leurs vertus envahissantes à une

photosynthèse de type C4 particulièrement efficace (v. chapitre 2). Certains types

végétaux de ces plantes sont d'ailleurs cultivés : Amarantes-épinards, Pourpier à larges

feuilles, et en Espagne la Chufa, variété de Cyperus esculentus, dont les tubercules sont

utilisés pour fabriquer une boisson rafraîchissante et nutritive.

Page 2: Potager Tropical Chapitre 6 Les Mauvaises Herbes

1. Les Amarantes (Amaranthus spp. fig. 23 A)

De plus petite taille que les Amarantes-épinards, les Amaranthus spontanés, souvent

épineux, ont une faculté de reproduction considérable grâce à leurs graines très petites et

très nombreuses. Leur cycle peut se dérouler en 40 jours environ, chaque plante pouvant

produire mille graines. Peu nombreuses après défrichage, elles envahissent

progressivement les terrains mis en culture maraîchère sans que leurs ennemis (Rouille

blanche Albugo bliti, chenilles diverses) suffisent à les tenir en respect. Coupées au collet

les Amarantes repoussent rapidement ; laissées sur le sol après arrachage, elles peuvent

reprendre par temps humide. Les Alternanthera, plus ramifiés, appartenant à la même

famille, se comportent de même.

Page 3: Potager Tropical Chapitre 6 Les Mauvaises Herbes

Figure 1Fig. 23 - A : Amarante. B : Pourpier. C : Cyperus.

Page 4: Potager Tropical Chapitre 6 Les Mauvaises Herbes

2. Le Pourpier (Portulaca oleracea fig. 23 B)

Pourvu de tiges et feuilles grasses et luisantes, gorgées d'eau, formant sur le sol des

rosettes envahissantes fortement racinées le Pourpier se multiplie très facilement à la fois

par graines et par bouturage de fragments de tiges. Il résiste à des sécheresses

momentanées et peut être transporté par les eaux d'irrigation.

Il ne sert à rien de le couper sur place, étant données ses facultés de reproduction

végétative : on doit l'arracher et le porter hors du jardin. Il résiste au paraquat.

3. Les Cyperus (fig. 23 C) Les espèces les plus fréquentes sont Cyperus esculentus et C. rotondus qui ne diffèrent

que par des détails morphologiques. Les graines ne jouent pas un rôle majeur dans leur

multiplication. C'est par bourgeonnement des tubercules souterrains qu'ils se propagent.

Un tubercule peut en produire 4 en un mois, mille en 5 mois. Ces organes forment de

courtes chaînes, réparties dans les 30 cm supérieurs du sol. Il y a dominance du tubercule

initial, jusqu'à ce que la chaîne soit brisée. Les travaux profonds du sol sont donc aussi

nuisibles qu'utiles, car, s'ils détruisent les feuilles, ils permettent de nouvelles

germinations. Bien que le feuillage des Cyperus soit beaucoup moins envahissant en

apparence que celui des Amarantes, leur pouvoir compétitif vis-à-vis des plantes cultivées

est très important, ils provoquent d'importantes pertes de rendement dès qu'il y en a plus

d'une centaine au mètre carré.

4. Les Graminées Les espèces tropicales de cette famille appartiennent à la tribu des Panicoïdées, et

présentent elles aussi la photosynthèse C4. Produisant de très nombreuses graines à

germination échelonnée, des rhizomes ou des tiges rampantes qui se marcottent à chaque

nœud, elles peuvent se montrer très envahissantes. On peut citer par exemple, aux

Antilles, Rotboellia exaltata, introduit d'Afrique, mais sans le charbon des inflorescences

qui le parasite dans son pays d'origine. Cette graminée résistante à de nombreux

herbicides a pris un développement considérable dans toutes les cultures.

5. Autres mauvaises herbes tropicales (fig. 24) Si certaines familles de mauvaises herbes tempérées sont absentes des plaines tropicales

(Chénopodes, par exemple), on observe par contre un foisonnement de plantes, souvent

considérées en Europe comme ornementales : Commélinacées, Euphorbiacées, etc. Toute

l'expérimentation sur laquelle repose la mise au point des herbicides est souvent à refaire.

A partir de 800-1000 m d'altitude on voit à nouveau prospérer, à côté d'espèces indigènes,

des mauvaises herbes tempérées introduites : Mercuriale, Ravenelle, etc.

6. Plantes parasites (fig. 25) Bien que des plantes parasites originales et parfois monstrueuses (Rafflesiacées) se

rencontrent dans les forêts tropicales, dans les jardins ce sont les Orobanches et (à un

moindre degré) les Cuscutes qui sont le plus à craindre.

Les Orobanches sont reliées aux racines de leurs hôtes par des filaments souterrains se

terminant en suçoirs. On les reconnaît à leurs hampes florales, roses, mauves puis brunâ-

tres apparaissant au pied des hôtes parasités (Solanées, Légumineuses).

Les Cuscutes se présentent sous forme de filaments incolores, jaunâtres ou roses, qui

s'enroulent autour des tiges, rameaux et feuilles de leurs hôtes, en se renflant pour émettre

des suçoirs.

Page 5: Potager Tropical Chapitre 6 Les Mauvaises Herbes

Parmi les Scrophulariacées, à côté des Striga dont les hôtes principaux sont les céréales

(Maïs, Sorgho, Pennisetum), il faut citer en Afrique les Alectra, parasites des

Légumineuses, qui peuvent anéantir des cultures de Vigna ungurculata. Des lignées de

Vigna résistantes ont été repérées en Afrique australe.

Figure 2Fig. 24 - Mauvaises herbes tropicales diverses. A : Phyllanthus, ou Graine en bas feuille. B :

Commélinacée, ou «Curage». C : Euphorbe (Poinsettia heterophylla).

Page 6: Potager Tropical Chapitre 6 Les Mauvaises Herbes

II. DÉSHERBAGE MANUEL ET MÉCANIQUE

Nous ne prétendrons pas ici apprendre au praticien comment on désherbe. Il nous suffira

de souligner à quel point un désherbage hebdomadaire, réalisé à la main ou avec des outils

légers, avec un panier avec lequel on enlève du champ les mauvaises herbes les plus

coriaces (ex. le Pourpier) est plus efficace que si l'on attend quinze jours ou trois

semaines. Les Graminées ont eu alors le temps d'envoyer leurs stolons, les Amarantes et

Pourpiers, bien enracinés ne peuvent être que coupés au collet et repartent aussitôt, et de

nombreuses graines viril disséminées dans le terrain.

Dans de nombreuses régions existe une tradition de non désherbage sélectif,' : on

respecte toute plantule ou repousse de plante. utile.

Certaines espèces (comme les Amarantes-épinards des Antilles) se propagent

principalement par ce moyen dans les jardins maraîchers.

Autant cette pratique se justifie dans les jardins tradition_ bels, autant elle devient

d'application difficile dès qu'on fait usage d'insecticides (à cause des délais de récolte) et

d'herbicides chimiques.

L'acquisition d'un motoculteur permettant de biner et de butter mécaniquement les

interlignes fera aussi disparaître cette pratique.

Un binage mécanique trop intense et trop fréquent des interlignes peut nuire à des cultures

à enracinement superficiel (Cucurbitacées) ou sensibles à des maladies vasculaires

auxquelles les racines blessées servent de porte d'entrée (maladies vasculaires des

Solanées). L'enfouissement à la fraise des déchets de récolte, des collets et des racines

favorise les Pythium, les Rhizoctones et Scierotium rolfsii.

III. MOYENS PHYSIQUES DE LUTTE

Les graines et rhizomes de mauvaises herbes peuvent être détruits par la chaleur : brûlis

de bois et brindilles à la surface du sol, ou traitement du sol à la vapeur par la méthode des

cloches (v. chapitre 4).

Il est cependant difficile de dépasser 5 à 10 cm de profondeur par l'une ou l'autre méthode,

et l'on n'obtient qu'un répit momentané, suffisant pour établir une couche à semis, ou faire

démarrer une culture dont le feuillage est ensuite assez dense pour tenir les mauvaises

herbes en respect. On ne travaillera le sol que très superficiellement après l'opération.

L'usage du lance-flammes est d'efficacité encore plus éphémère. Il peut être appliqué à

certaines cultures hautes en évitant de brûler la base des tiges, pour rattraper un désher-

bage en retard (Pois de bois, Ignames, par exemple).

Le paillage du sol au moyen de déchets végétaux, ou, beaucoup plus efficacement, à l'aide

de films plastiques plus ou moins opaques (noir, gris fumé, vert) est un autre moyen de

lutter contre les mauvaises herbes. Renouvelons ici le conseil donné au chapitre 3 :

recouvrir les planches préparées que l'on ne plante pas aussitôt de plastique noir pour

éviter à la fois la dégradation par les pluies et la croissance des mauvaises herbes. Si le

plastique utilisé est transparent, on peut obtenir un effet de solarisation (v. chapitre 4).

L'ombre produite par le feuillage dense de certaines cultures peut exercer un effet de

même ordre : la Patate douce est ainsi nocive pour les Cyperus.

Page 7: Potager Tropical Chapitre 6 Les Mauvaises Herbes

IV. MOYENS CHIMIQUES DE LUTTE

Nous distinguerons, parmi les produits que propose l'industrie, les fumigants, les

herbicides de contact non spécifiques utilisés en binage chimique, et les désherbants

sélectifs, parmi lesquels les antigraminées méritent une mention spéciale.

1. Les fumigants On se reportera au chapitre 4 pour leur usage. Utilisés pour détruire champignons et

nématodes, ils peuvent aussi atteindre le stock de graines et rhizomes de mauvaises herbes

dans le sol, sur l'épaisseur traitée. Cependant, dans les conditions où, par exemple, le

Métham-sodium élimine efficacement 100% des mauvaises herbes communes pendant 2 à

3 mois, l'élimination des Cyperus n'est pas complète, et l'on devra veiller à ce qu'ils ne

reprennent pas le dessus.

2. Le binage chimique On utilise pour cette opération deux produits appartenant à la famille des ammoniums

quaternaires, le diquat et le paraquat, commercialisés soit à l'état pur, soit en mélange. Ils

sont absorbés rapidement par les organes végétaux verts, la chlorophylle est détruite, les

tissus blanchissent et se dessèchent. Le diquat est spécialement actif sur les

Dicotylédones, le paraquat détruit aussi les Graminées. Tous deux sont rapidement

inactivés dans les sols au contact de l'argile. On les emploiera soit sur toute la surface du

sol, avant la plantation, ou avant l'émergence des plantules de l'espèce cultivée, soit à

l'aide de pulvérisateurs munis d'écrans de protection, pour «biner chimiquement» les

interlignes de cultures en place (on peut aussi recouvrir avec des récipients divers les

plantes cultivées). Le Pourpier et les Cyperus sont assez résistants au paraquat.

Les deux produits sont assez toxiques (DL 50 voisines de 200 mg/kg), et peuvent

provoquer par inhalation des accidents pulmonaires aigus. Le port du masque est

indispensable pendant les traitements.

Le dimexan, dérivé des acides xanthiques, peut être utilisé de la même façon.

Les herbicides de contact n'agissent que sur les parties vertes des plantes qu'ils ont

touchées. Les tiges de Pourpier, les rhizomes de Graminées et les tubercules de Cyperus

sont épargnés et repartent aussitôt.

Dans les mêmes conditions de pulvérisation générale avant semis ou émergence, ou

localisée en cours de culture, on peut utiliser le glyphosate, herbicide systémique, absorbé

par les parties vertes des plantes et véhiculé vers les organes souterrains. C'est un des rares

moyens de faire régresser les Cyperus, que l'on peut faire germer par un arrosage entre

deux cultures après un travail du sol, et détruire de cette façon.

Le glyphosate ne fera cependant pas régresser le stock souterrain de graines dormantes ou

«dures».

3. Les antigraminées Ces produits sont d'apparition récente. On peut citer les «oxydines» (allo- et sethoxydine)

et les «fops» (dérivés de l'acide phénoxypropionique). Le plus utilisé sur toutes cultures

maraîchères (Allium compris), jusqu'à 6 semaines avant récolte est le fluazifop-butyl qui

pourra redresser des situations compromises par la prolifération des mauvaises herbes

graminées, dont il arrête la croissance.

4. Les désherbants sélectifs En ce qui concerne les cultures maraîchères, les principales

Page 8: Potager Tropical Chapitre 6 Les Mauvaises Herbes

acquisitions des années 70 et 80 ont été le glyphosate et les antigraminées.

La plupart des matières actives nouvelles concernent des plantes de grande culture des

pays tempérés (céréales de

printemps et d'hiver, Maïs, Sorgho, Colza, Tournesol, Betterave), la Canne à sucre, le

Bananier. Pour les plantes maraîchères, on trouve des nouveautés intéressantes pour des

productions qui sont devenues industrielles en Europe, et que la main n'y touche plus :

racines pour production d'Endives, Carottes, Pommes de terre, Petit pois, Haricots, ainsi

que pour les Choux. La liste 88 sera donc peu différente de la liste 74 de la précédente

édition.

Les ACIDES PHÉNOXY-ORGANIQUES, ou «hormones de synthèse»,

de type 2.4.D ou MCPA, sont hautement toxiques pour la majorité des plantes

maraîchères. Non seulement on évitera de les employer sur celles-ci, mais on

évitera qu'elles ne reçoivent des projections accidentelles déviées par le vent, ou

que des appareils ayant servi à les pulvériser n'y soient employés. Des traces

infimes peuvent provoquer de graves déformations sur les plantes les plus

sensibles (Tomates, Salades, par exemple).

Les CARBAMATES (qui comprennent aussi des fongicides et des

insecticides) sont des produits qui, du fait de leur volatilité doivent être incorporés

au sol (par fraisage ou ratissage soigneux) aussitôt après leur application. Inhibant

la germination des graines de certaines mauvaises herbes, ils seront utilisés très

tôt, quelquefois avant la mise en place de la culture. Beaucoup d'entre eux ont une

action antigraminée.

L'EPTC est un des herbicides les plus actifs contre les Cyperus. Son usage quelques

semaines avant plantation ou semis permettra de nettoyer les terrains particulièrement

envahis.

Le diallate (1), antigraminée spécifique, peut être employé avant semis de betteraves. Il

doit être incorporé au sol par une légère façon culturale.

Le cycloate (2), antigraminée, est associé au pyrazone ou PCA, toujours pour désherber

les cultures de Betterave. Il en est de même pour le phenmédiphame (3), efficace surtout

sur dicotylédones.

Le chlorprophame (4) ou CIPC peut être utilisé en désherbage des cultures d'Allium,

semés, repiqués, ou issus de plantation de bulbes ou caïeux. Il faut attendre pour pulvé-

riser la culture la reprise des plants repiqués, le stade 2 feuilles pour les semis. Son

efficacité et variable, parfois faible en conditions tropicales. Dans ce cas on peut l'associer

au (huron (1,5 kg de CIPC + 0,3 g de diuron/ha) mais avec grande prudence, et en aucun

cas sur plantules. Le chlorpropharne doit être appliqué sur sol humide et incorporé par

binage entre lignes.

Les AMIDES sont également des inhibiteurs de germination, devant le plus souvent

être incorporés au sol.

La diphénamide (5) peut être utilisée sur cultures de Tomate, en particulier dans le cas de

semis direct. Le traitement est effectué, éventuellement en localisation, avant semis ou

repiquage et suivi d'incorporation. On la conseille aussi sur Aubergine, Poivron et Patate

douce, c'est un produit assez rémanent. C'est un bon herbicide, auquel résistent les

Solanées sauvages (Solanum nigrum, Datura) et sans doute aussi les Convalvulacées

tropicales.

Le propachlor (6) peut être pulvérisé sur les mauvaises herbes en cours de germination, de

préférence après une pluie ou un arrosage. On peut l'appliquer dans les 5 jours qui suivent

Page 9: Potager Tropical Chapitre 6 Les Mauvaises Herbes

un semis d'oignons, de poireaux ou de sorgho. Peu rémanent, il est peu efficace sur les

plantes vivaces.

La carbétamide (7) est surtout efficace sur graminées. On peut l'employer sur chicorées et

petits pois, en préemergence de la plante cultivée.

La monalide (8) peut être utilisée pour désherber Carotte, Céleri et Persil. On doit

l'appliquer sur les mauvaises herbes au stade plantule. La Carotte est résistante à tous les

stades, le Céleri après le stade 2 feuilles. Les Graminées et les plantes vivaces sont peu

sensibles à cet herbicide.

La propyzamide (9) est employée pour désherber laitues et chicorées. Efficace sur un

grand nombre de graminées annuelles et parfois vivaces, sur de nombreuses dicoty-

lédones, sa rémanence nécessite une certaine prudence pour les cultures suivantes (les

tomates y sont sensibles).

Les dérivés de la TOLUIDINE, à spectre d'action très vaste (mauvaises herbes

dicotylédones, graminées annuelles l'état de graines ou de jeunes plantules) ont une action

assez durable (3 ou 4 mois en conditions tempérées).

La pendiméthaline (10) est conseillée sur tomate repiquée, oignons et poireaux repiqués,

ail, incorporée au sol avant plantation.

La butraline (1) sera utilisée dans les mêmes conditions sur Allium, et avant semis de

haricots ou Vigna. Dans ce dernier cas elle peut être associée au monolinuron.

Parmi les dérivés de l'ANILINE on peut citer :

La benfluraline (12) conseillée sur Haricot et Petit pois, incorporée au sol avant le semis.

Sa rémanence de 4 à 8 mois en conditions tempérées peut faire redouter des arrière-effets.

La trifluraline (13) est conseillée sur Choux, appliquée et incorporée avant semis ou

plantation.

Les TRIAZINES agissent surtout par absorption racinaire, et du fait de leur rémanence

pourront poser des problèmes d'arrière-effet.

La simazine (14) n'épargne que le Maïs, et sa persistance peut être longue. Après un maïs

traité on pourra tenter la culture du Malanga (Xanthosoma sagittaefolium) qui a été

signalé comme résistant.

L'atrazine (15), beaucoup moins persistante est employée sur Maïs, Sorgho et Canne à

sucre. Elle épargne en fait beaucoup de membres de la tribu des Panicoïdés (ex.

Rotboellia exaltata). Elle pourra être utilisée pour installer un engrais vert Sorgho suivi de

cultures maraîchères. On la conseille parfois sur Ignames et Aroïdées (2 kg/ha).

La Prométryne (16) est la triazine la plus utilisée en culture légumière, en pré- ou post-

levée (pas en cours de germination) sur semis de petits pois et de carottes, après repiquage

sur poireaux et céleris. Elle est d'une bonne efficacité, sauf sur plantes vivaces. Elle a été

expérimentée avec succès aux Antilles et à Samoa sur Madère (Colocasia antiquorum).

La desmétryne (17) est utilisée sur choux pommés (elle est phytotoxique sur choux-

fleurs). On l'applique soit avant l'émergence des plantules de choux, soit après le stade 4

feuilles, ou sur choux repiqués. Les mauvaises herbes sont sensibles au stade plantule. La

Desmétryne est peu efficace sur les graminées vivaces.

La terbutryne (18) est utilisée en pré-levée des pores de terre, ainsi que sur petits pois.

C'est un herbicide efficace, sauf sur Solanum nigrum.

La méribuzine (19) est utilisée en prélevée des pommes de terre, en préplantation des

cultures de Tomate. Elle agit sur la plupart des dicotylédones et graminées. On peut aussi

sur Tomate l'employer après plantation. Elle est phytotoxique sur Aubergine. Elle a été

préconisée sur Ignames.

Page 10: Potager Tropical Chapitre 6 Les Mauvaises Herbes

Les URÉES SUBSTITUÉES, dont les noms se terminent en -uron sont d'emplois très

variés, d'un usage plus souple que les triazines. Absorbées par les racines, quelquefois par

les feuilles (linuron) elles ont une grande efficacité.

Le diuron (20), utilisé dans les bananeraies, est un des rares produits tolérés par les semis

d'Asperge. On peut aussi à dose plus forte, l'utiliser sur billons d'asperges bien implantées,

ou associé au CIPC sur Ail ou Oignons issus de bulbilles, sur billons préparés d'Ignames.

Il est inefficace sur certaines plantes vivaces.

Le linuron (21) est une des urées les plus utilisées : sur Carotte, sur Céleri repiqué, sur

Poireau après reprise, sur Pomme de terre en pré-levée.

Le monolinuron (22) s'emploie sur cultures d'Asperge, sur Pomme de terre avant la levée.

Sur Haricot on l'associe à faible dose au Dinosèbe ou à la Butraline. Les Digitaria, les

Panicum lui résistent.

Le métobromuron (23) est employé sur Pomme de terre en pré-levée.

Le chloroxuron (24) est utilisé en pré-levée sur Carotte et Petit pois, après repiquage et

reprise sur Céleri et Poireau. On l'utilise aussi sur Fraisier. Sa rémanence est assez courte.

Le néburon (23) est employé pour le désherbage de l'Ail.

Les dérivés de l'URACILE

Le lénacile (26) est le plus employé sur betteraves et épinards proprement dits (Spinacia

oleracea), ainsi qu'à dose plus forte sur Fraisier. Il doit être utilisé sur sol propre et

incorporé. Inefficace sur plantes vivaces, il sensibilise les plantes aux fontes de semis.

Les dérivés PHTALIQUES comprennent deux produits

intéressants :

Le naptalame (27) est utilisé pour désherber les Cucurbitacées. son action radiculaire est

lente et sa rémanence brève. Il agit en prélevée des mauvaises herbes.

Le chlorthal (28), peu actif sur plantes vivaces, contrôle bien les Digitaria, Panicum,

Setaria et de nombreuses dicotylédones, en particulier les graines de cuscute dans le sol.

On peut l'utiliser sur Oignon avant levée ou après plantation, de préférence sur sol

humide. On peut aussi l'utiliser à demi-dose sur choux, salades, 3 semaines après le

repiquage.

Parmi les COLORANTS NITRÉS, on peut citer :

Le dinosèbe (29) ou DNPB qui peut être employé pour tuer par action de contact les

plantules de mauvaises herbes avant levée des haricots ou petits pois, ou en tout début

d'émergence du Haricot (stade crosse). On l'associe au monolinuron.

Le dinoterbe (30), associé au nitrophène est lui aussi utilisable en pré-levée des haricots.

Appartenant à des FAMILLES CHIMIQUES DIVERSES, nous citerons encore :

L'ioxynil (31) utilisable en pulvérisation sur les mauvaises herbes dans les Allium, le

pyridate (32) conseillé sur Chou, la fluororochloridone (33) sur Pomme de terre.

Le pétrole, ou kérosène (34) vendu pour l'éclairage (ou sous forme de spécialités sous

étiquette) peut être appliqué sur plantations de Carotte, pour griller les mauvaises herbes,

en pulvérisation très fine à 80 l/ha.

Nous aurions pu, au lieu de décrire les herbicides en les classant par familles chimiques,

procéder par familles végétales. Le tableau suivant pourra en tenir lieu :

Tomate : 5,10,19 Betterave : 1, 2, 3, 26

Cucurbitacées : 27 Céleri : 8, 21, 24

Légumineuses en général : 11 Carotte : 8, 16, 21, 24, 34

Petit pois : 7, 12, 16, 18, 24, 29 Allium en général : 4, 6, 10, I1, 20,

Haricot : 1 1, 12, 22, 29, 30 25, 28, 31

Page 11: Potager Tropical Chapitre 6 Les Mauvaises Herbes

Ignames : 15, 19 Poireaux repiqués : 21, 24

Patate douce : 5 Pomme de terre : 18, 19, 22, 23, 33

Aroïdées : 14, 15, 16 Fraisier : 24, 26

Laitues : 9, 28 Asperge : 20, 22

Chicorées : 7, 9, 28 Sorgho engrais vert : 6

Choux : 13, 17, 28, 32

V. CONCLUSION

En Europe le désherbage chimique est devenu une pratique courante en culture

maraîchère de pleine terre. Ce résultat n'a été obtenu que grâce à un très grand effort

d'expérimentation réalisé parallèlement par les firmes privées et les techniciens officiels.

Les résultats ne sont cependant pas toujours parfaits : on observe parfois des accidents

imprévus sur les plantes cultivées, et des modifications de la flore nuisible par sélection de

mauvaises herbes résistantes.

En conditions tropicales ce n'est que par un effort analogue que les techniques de

désherbage chimique pourront être mises au point dans une région. La flore adventice

tropicale peut se montrer coriace et se modifier rapidement : les maraîchers d'Hawaii en

ont déjà fait l'expérience.

Si les techniciens agricoles sont peu nombreux ils auront la sagesse de concentrer leurs

efforts sur le désherbage chimique de certaines cultures particulièrement difficiles à tenir

propres, et de concevoir pour l'ensemble de la rotation une combinaison harmonieuse de

méthodes manuelles, physiques et chimiques. Les impératifs économiques, ou la présence

d'une main-d'oeuvre abondante dont le désherbage chimique augmenterait le chômage

feront pencher la balance d'un cote ou de l'autre.

Nous n'avons pas indiqué ci-dessus la dose d'emploi à l'hectare des désherbants

chimiques, celle-ci devant être mûrement réfléchie après lecture de la notice, et, si

possible discussion avec le technicien des services officiels ou technico-commerciaux.

La plupart des désherbants chimiques sont peu toxiques pour l'homme. Nous avons

signalé plus haut le danger que présente l'inhalation du diquat et du paraquat. Les seuls

autres produits cités dont la DL 50 soit inférieure à 1000 mg/kg sont le dimexan (340),

l'ioxynil (110) et le dinosèbe (58).