IL POURRAIT ÊTRE LE FERRÁN ADRÍA

DE SHANGAI. PAUL PAIRET S’EST FORGÉ

UNE BELLE RÉPUTATION DE L’AUTRE CÔTÉ

DU MONDE, AVEC SON ULTRAVIOLET, UN RESTAURANT OÙ LA TABLE EST VÉCUE

COMME UNE EXPÉRIENCE INÉDITE.RENCONTRE AVEC L’ENFANT

DE CORNEILLA-LA-RIVIÈRE.

TEXTE DIDIER THOMAS-RADUXPHOTOS SCOTT WRIGHT

SAUF MENTION CONTRAIRE

Coup

d’œil

PAU L PA I RE T

“made in China”le Catalan

102-105 COUP D'OEIL_86 25/11/16 16:28 Page102

Une porte sombre,qui semble colmatéede plaques métal-liques, près d’un

parking à voitures superposéesdans l’arrière-cour d’unimmeuble quelconque. Est-cebien l’entrée du restaurant leplus couru d’Asie, là où l’onvoit le monde en marche ?C’est la question que se posentchaque fois les clients de cetétrange établissement, arrivésen groupe après un rendez-vous sur la principale artèrede Shanghai où un minibusles a pris en charge pour lesamener, après bien des détours,devant cet ancien entrepôt àl’adresse secrète. Se rendre à l’Ultraviolet, l’undes restaurants de Paul Pairet àShanghai, capitale économiquede la Chine, n’est pourtant pasdonné à tout le monde,puisque le prix du menu yoscille entre 500 et 700 €, ce qui n’empêche par le restaurant de faire le pleintrois mois à l’avance. Il faut direque la salle ne contient que...10 places. Et cet établissement,ouvert en mai 2012, est régulièrement cité parmi lesmeilleurs restaurants dumonde. Dans son dernier clas-sement, effectué par les cuisi-niers eux-mêmes, le magazineLe Chef l’a placé au 22ème rangmondial, aux côtés desDucasse, Bocuse, Robuchon

et autres stars internationalesdes fourneaux : diner àl’Ultraviolet, c’est vivre uneexpérience rare, gustative,olfactive, auditive.

TABLE RECOUVERTEDE GAZON

Ce qui est expérimenté, c’estun repas onirique où tous lescodes habituels sont renverséspour vivre comme jamais et defaçon intense, dans une piècetransformée en laboratoiresonore et visuel, la dégusta-tion d’une vingtaine de plats.Jouant avec les techniques dela cuisine moléculaire, PaulPairet crée des ovnis culinairesde haute volée, à l’instar deson poulet cuisiné avec unsarment de vigne et du foiegras dans un bocal ou encoreson pain de truffe. De la grandecuisine. Il invente des recettesqui font le tour du mondecomme le citron reconstituéque certains chefs reprennentmême, en oubliant de mention-ner sa paternité. « La convocation de tous lessens augmente la mémoire duplat » a l’habitude d’expliquerle chef, qui joue avec ses souvenirs gustatifs d’enfant.Ainsi, après une pause,quand les clients reviennentdans la salle, la table est-ellerecouverte de gazon afin de restituer l’atmosphère des

pique-niques de son enfance,pour déguster un plat à basede poisson agrémenté defenouil, de riz et de mayon-naise. Un plat qu’il dégustaitle dimanche en famille, dansla plaine du Têt non loin deCorneilla-la-Rivière dont il estoriginaire.

LA PUISSANCE DU GOÛT

Paul Pairet, formé à l’écolehôtelière de Toulouse avantde partir à Paris et de prendrele large vers l’Australie puisl’Asie, est un enfant du paysfier de ses racines, que l’onretrouve dans la cuisine qu’ilpropose aux riches Chinois etaux clients venus des quatrecoins du globe. « Ma plusgrosse référence catalane, c’estla puissance du goût. C’est unedes caractéristiques catalanesque j’aime beaucoup. Et puisdans mes menus, il y a deuxmoments où je rends hommageà mon père, qui faisait bien sûrdes grillades aux sarments devigne - un grand souvenir ! Monentrecôte aux sarments est unrappel de ces souvenirs, toutcomme le poulet grillé, égale-ment avec des sarments. En fait,il y a trop de références à mesracines ! » plaisante le quin-quagénaire, physique altier etcasquette vissée sur la têtefaçon Che Guevara.

Même s’il revient régulière-ment dans les Pyrénées-Orientales voir sa famille (sa mère vit à Canet-en-Roussillon), Paul Pairet resteplus connu en Asie ou auxEtats-Unis que dans sonpropre pays. Paradoxe d’unevie de l’autre côté de la planète,entamée voilà plus de vingtans. Mais au travers de sa cuisine et des vins duRoussillon qu’il fait découvrirau tout Shanghai, le cuisiniervirtuose reste un éternelambassadeur de son paysnatal. Il n’y a qu’à l’entendreparler pour savoir rapidementd’où il vient ! ❐

Terres Cata lanes • 103

Dix places, pas une de plus, à la table secrète de l’Ultraviolet,

le restaurant ultra select de Paul Pairet à Shangai.

Une pièce transformée en laboratoire où tous les sens

sont convoqués, y compris l’émotion,

avec ce gazon censé restituerl’atmosphère des pique-niques

de l’enfance.

Parmi les “ovnis culinaires”proposés,

le poulet dans un bocal,ou la tomato pomodamore

destructurée.

© D

idie

r Th

omas

-Rad

ux

102-105 COUP D'OEIL_86 25/11/16 16:28 Page103