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Médecine palliative Soins de support Accompagnement Éthique (2012) 11, 133—141 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com SYNTHÈSE Pratique de la sédation aux Pays-Bas : preuve du développement des soins palliatifs ou dérive euthanasique ? Sedation in the Netherlands: A consequence of the growth in palliative care or akin to euthanasia? Xavier Mattelaer a,1,, Régis Aubry b a Groupe hospitalier Saint-Vincent, clinique Saint-Luc, 67130 Schirmeck, France b Hôpital Jean-Minjoz, CHU de Besanc ¸on, 25030 Besanc ¸on, France Rec ¸u le 17 octobre 2011 ; accepté le 18 janvier 2012 Disponible sur Internet le 24 mars 2012 MOTS CLÉS Sédation en phase terminale ; Soins palliatifs ; Euthanasie ; Décisions en fin de vie ; Pays-Bas Résumé Objectifs. À travers l’exemple particulier des Pays-Bas, cet article pose la question de l’influence du développement des soins palliatifs sur la pratique de la sédation en phase terminale. Méthode. Nous avons analysé les données des articles consacrés au développement des soins palliatifs aux Pays-Bas et les résultats des études nationales néerlandaises sur les décisions médicales en fin de vie parues en 2001 et 2005. Résultats et discussion. Aux Pays-Bas, entre 2001 et 2005, on observe à la fois un dévelop- pement significatif des soins palliatifs et une augmentation du recours à la sédation en phase terminale. Cela nous amène à formuler et analyser deux hypothèses : l’augmentation du nombre de cas de sédations en phase terminale pourrait être la conséquence du développement des soins palliatifs aux Pays-Bas. Il pourrait exister dans ce pays un glissement de la pratique de la sédation en phase terminale vers une forme d’euthanasie lente. Conclusion. L’augmentation du nombre de sédations en phase terminale aux Pays-Bas ne peut être considérée comme un bon marqueur du développement des soins palliatifs dans ce pays. En effet, l’objectif des soins palliatifs est de diminuer le nombre de situations de fin Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected] (X. Mattelaer), [email protected] (R. Aubry). 1 Photo. 1636-6522/$ see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.medpal.2012.01.002

Pratique de la sédation aux Pays-Bas : preuve du développement des soins palliatifs ou dérive euthanasique ?

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Page 1: Pratique de la sédation aux Pays-Bas : preuve du développement des soins palliatifs ou dérive euthanasique ?

Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2012) 11, 133—141

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

SYNTHÈSE

Pratique de la sédation aux Pays-Bas : preuve dudéveloppement des soins palliatifs ou dériveeuthanasique ?

Sedation in the Netherlands: A consequence of the growth in palliative care orakin to euthanasia?

Xavier Mattelaera,1,∗, Régis Aubryb

a Groupe hospitalier Saint-Vincent, clinique Saint-Luc, 67130 Schirmeck, Franceb Hôpital Jean-Minjoz, CHU de Besancon, 25030 Besancon, France

Recu le 17 octobre 2011 ; accepté le 18 janvier 2012Disponible sur Internet le 24 mars 2012

MOTS CLÉSSédation en phaseterminale ;Soins palliatifs ;Euthanasie ;Décisions en fin devie ;Pays-Bas

RésuméObjectifs. — À travers l’exemple particulier des Pays-Bas, cet article pose la question del’influence du développement des soins palliatifs sur la pratique de la sédation en phaseterminale.Méthode. — Nous avons analysé les données des articles consacrés au développement des soinspalliatifs aux Pays-Bas et les résultats des études nationales néerlandaises sur les décisionsmédicales en fin de vie parues en 2001 et 2005.Résultats et discussion. — Aux Pays-Bas, entre 2001 et 2005, on observe à la fois un dévelop-pement significatif des soins palliatifs et une augmentation du recours à la sédation en phaseterminale. Cela nous amène à formuler et analyser deux hypothèses : l’augmentation du nombrede cas de sédations en phase terminale pourrait être la conséquence du développement des

soins palliatifs aux Pays-Bas. Il pourrait exister dans ce pays un glissement de la pratique de la sédation en phase terminale vers une forme d’euthanasie lente.Conclusion. — L’augmentation du nombre de sédations en phase terminale aux Pays-Bas nepeut être considérée comme un bon marqueur du développement des soins palliatifs dans cepays. En effet, l’objectif des soins palliatifs est de diminuer le nombre de situations de fin

∗ Auteur correspondant.Adresses e-mail : [email protected] (X. Mattelaer), [email protected] (R. Aubry).

1 Photo.

1636-6522/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.medpal.2012.01.002

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134 X. Mattelaer, R. Aubry

de vie où cette pratique est indiquée. Il est important d’insister sur le caractère exceptionneldu recours à la sédation en phase terminale. En l’absence d’un symptôme réfractaire vécucomme insupportable par le patient, cette pratique doit être considérée en général commenon judicieuse.© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSSedation in terminalphase;Palliative care;Euthanasia;End-of-life decision;Netherlands

SummaryObjectives. — Through the particular example of the Netherlands, this article discusses theinfluence of the rise of palliative care on the practice of sedation in terminal phase.Method. — We researched the data from articles relating to the development of palliative carein the Netherlands and the results of the Dutch national end-of-life studies published in 2001and 2005.Results and discussion. — In the Netherlands, between 2001 and 2005, palliative care growssignificantly, all the while sedation is used more frequently in terminal phase. This leads to thefollowing two questions: is the increase in sedation use in terminal phase a consequence of thegrowth in palliative care? Is the increasing extent to which sedation is used in terminal phaseleaning towards slow euthanasia?Conclusion. — The increase in use of sedation in terminal phase in the Netherlands cannot besaid to be positively correlated with the development of palliative care in the country. Palliativecare’s aim towards the end-of-life is indeed rather to try and avoid situations where sedationis needed. It is important to insist on its use on a strictly exceptional basis in terminal phase.Unless the patient experiences severe refractory symptoms that he/she considers unbearable,sedation should be considered as injudicious.

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Rappel historique

© 2012 Elsevier Masson SAS

ntroduction

’est en 1990 que sont publiés les premiers articles médi-aux consacrés à la sédation en fin de vie [1,2]. Celle-ci estéfinie par la Société francaise d’accompagnement et deoins palliatifs (SFAP) comme la recherche, par des moyensédicamenteux, d’une diminution de la vigilance pouvant

ller jusqu’à la perte de conscience. Son but est de dimi-uer ou de faire disparaître la perception d’une situationécue comme insupportable par le patient, alors que touses moyens disponibles et adaptés à cette situation ont pu luitre proposés et/ou mis en oeuvre sans permettre d’obtenire soulagement escompté [3,4].

Depuis cette époque et jusqu’à aujourd’hui, cette pra-ique fait l’objet d’un important débat. Un des aspects de ceuestionnement est la peur d’une confusion avec la pratiquee l’euthanasie. En 1996, l’article intitulé Slow Euthana-ia (Euthanasie lente en francais) paru dans le Journal ofalliative Care renforce le malaise autour de la sédation5]. L’auteur suggère en effet qu’une sédation profonde etontinue jusqu’à la mort, sans hydratation et sans nutritionrtificielle (que nous appellerons dans cet article sédationn phase terminale), est une forme socialement acceptable’euthanasie.

En 2009, la SFAP et l’Association européenne de soins pal-iatifs (en anglais, European Association for Palliative Careu EAPC) publient des recommandations de bonne pratique3,4,6]. Celles-ci cherchent à clarifier ce qu’est une sédationans le cadre des soins palliatifs, quelles en sont les indica-ions, comment s’élabore la réflexion qui conduit à poser’indication d’une sédation, mais aussi de quelle facon elle

oit être pratiquée et comment son action doit être éva-uée. Leur but est également de différencier la sédation de’euthanasie.

Em

rights reserved.

Dans le cadre de ce débat, la situation desPays-Bas est tout à fait originale. L’euthanasie aété dépénalisée dans ce pays en 2001[7]. Or, on

observe au cours des années qui suivent unediminution de cette pratique alors que lerecours à la sédation en phase terminale

augmente [8,9].

Ces constatations sont interprétées de manières dif-érentes selon les auteurs. Pour les uns, il s’agit d’unereuve du développement des soins palliatifs dans ce pays10]. La sédation en phase terminale aux Pays-Bas pren-rait une place grandissante comme alternative pertinente

l’euthanasie [9,11]. Pour les autres, il faudrait plutôtraindre un recours à la sédation comme forme d’euthanasieente. L’intérêt des médecins serait notamment d’échapperux critères de minutie et aux contraintes administrativesmposées par la loi sur l’euthanasie [12,13].

L’objectif de cet article est d’analyser ces deux hypo-hèses et d’évaluer dans quelle mesure elles se vérifient sure terrain. En clarifiant le débat néerlandais, nous espéronslus largement comprendre les enjeux du développemente la pratique de la sédation en phase terminale au sein deoute société démocratique.

ecisions médicales en fin de vie auxays-Bas

n 1990, le ministère de la Justice des Pays-Bas oblige lesédecins à notifier tout cas d’euthanasie et de suicide

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Sédation, développement des soins palliatifs ou dérive euth

médicalement assisté. Cette décision fait suite à l’évolutionde la jurisprudence de ce pays au cours des années 1970 et1980. La justice néerlandaise estime qu’un médecin ne doitpas être jugé coupable d’un tel acte, s’il y a été contraintpour cause de force majeure. Se basant sur plusieurs ver-dicts juridiques, six critères sont retenus pour s’assurer dela réalité de cet argument. Ils seront appelés critères deminutie [7,11].

La première étude nationale consacrée aux décisionsmédicales prises en fin de vie est publiée aux Pays-Bas enseptembre 1991. Elle porte sur l’année 1990. Elle permet,notamment de comparer le nombre de cas d’euthanasienotifiés au nombre de cas d’euthanasies effectifs dans cepays. Trois autres études de ce type seront également réa-lisées pour les années 1995, 2001 et 2005 [11,14].

Le développement officiel des soins palliatifsaux Pays-Bas est tardif. Il date de la fin des

années 1990.

Alors qu’une loi permettant d’inclure la procédure denotification dans le Code pénal semble imminente, lemonde politique néerlandais est confronté à un question-nement éthique. Est-il possible de développer une loi surl’euthanasie sans proposer, par ailleurs, un programme offi-ciel de soins palliatifs ? C’est ainsi que, le 18 avril 1996, leministre de la Santé Elsa Borst-Eilers lance, à travers unelettre au parlement, le premier programme officiel de déve-loppement des soins palliatifs dans ce pays [7].

La loi relative au contrôle de l’interruption de vie prati-quée sur demande et au contrôle de l’assistance au suicideest votée le 12 avril 2001. Elle entre en vigueur le 1er avril2002 [11].

L’étude nationale de 2001 sur les décisions médicalesprises en fin de vie est la première à s’intéresser à la pra-tique de la sédation aux Pays-Bas [9]. Suite à la publicationdes résultats de cette étude, l’avocat général Monsieur deWijkerslooth suggère que la sédation profonde et continuejusqu’à la mort soit soumise aux mêmes règles de contrôleque celles appliquées à l’euthanasie [15]. Cette déclara-tion est à l’origine d’une grande controverse qui aboutità la publication en 2005 de recommandations nationalessur la pratique de la sédation en fin de vie [16]. Celles-ci s’attachent à différencier cette pratique de celle del’euthanasie. Elles constituent une référence profession-nelle que tout médecin néerlandais a l’obligation légale derespecter.

L’étude nationale sur les décisions médicales prises enfin de vie aux Pays-Bas de 2005 a ainsi permis d’analyserl’évolution de la pratique de l’euthanasie dans ce pays maisaussi celle de la sédation profonde et continue jusqu’à lamort.

Définitions

Toute réflexion au sujet des soins palliatifs, de l’euthanasie

ou de la sédation en fin de vie nécessite au préalable de défi-nir précisément chaque concept. Afin de mieux analyser lesrésultats des études menées sur les décisions de fin de vieaux Pays-Bas, il nous est apparu judicieux de nous référer

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ique ? 135

référentiellement aux définitions proposées dans ceays :

Les recommandations nationalesnéerlandaises de 2005 et 2009 [16] définissent lasédation comme la baisse volontaire de l’état deconscience d’un patient dans la dernière phase

de sa vie.

L’indication d’une sédation est la présence d’un oue plusieurs symptômes réfractaires qui conduit à uneouffrance insupportable pour le patient. Un symptômeéfractaire est un symptôme pour lequel tous les traitementsossibles ont échoué ou pour lequel on estime qu’aucuneéthode permettant son contrôle n’est accessible dans unélai raisonnable ou selon un rapport bénéfice/risque accep-able pour le patient.

Nous nous intéressons plus particulièrement à la sédationrofonde et continue jusqu’à la mort, sans hydratation ouutrition artificielle. Dans cet article, nous appellerons arbi-rairement cette pratique sédation en phase terminale. En985, une commission gouvernementale néerlandaise défi-it l’euthanasie comme le fait de mettre intentionnellementn à la vie d’un patient à la demande explicite de celui-i, par quelqu’un d’autre que le patient [11]. On parle’euthanasie lente lorsque le décès, ainsi provoqué, ne sur-ient pas immédiatement mais suite à un processus lent etrogressif [5].

À la fin des années 1990, dans son programmeofficiel de développement des soins palliatifs, le

gouvernement néerlandais se réfèrespécifiquement à la définition de l’OMS [17].

Celle-ci définit, en 2002, les soins palliatifs comme lesoins qui cherchent à améliorer la qualité de vie des patientst de leur famille, face aux conséquences d’une maladieotentiellement mortelle, par la prévention et le soulage-ent de la souffrance, identifiée précocement et évaluée

vec précision, ainsi que le traitement de la douleur et desutres problèmes physiques, psychologiques et spirituels quiui sont liés.

Les soins palliatifs procurent le soulagement de la dou-eur et des autres symptômes gênants, soutiennent laie et considèrent la mort comme un processus normal,’entendent ni accélérer ni repousser la mort, intègrent lesspects psychologiques et spirituels des soins aux patients,roposent un système de soutien pour aider les patients àivre aussi activement que possible jusqu’à la mort, offrentn système de soutien qui aide la famille à tenir pendanta maladie du patient et leur propre deuil, utilisent unepproche d’équipe pour répondre aux besoins des patientst de leurs familles en y incluant si nécessaire une assistanceu deuil, peuvent améliorer la qualité de vie et influencereut-être aussi de manière positive l’évolution de la mala-

ie, sont applicables tôt dans le décours de la maladie,n association avec d’autres traitements pouvant prolon-er la vie, comme la chimiothérapie et la radiothérapie etncluent les investigations qui sont requises afin de mieux
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ipnlntudPpiKanker Centrum ou IKC) [7,17,22]. On observe enfin, durant

36

omprendre les complications cliniques gênantes et deanière à pouvoir les prendre en charge [18].

es études nationales sur les décisions de fine vie aux Pays-Bas

omme nous l’avons déjà précisé, la première de ces étudesate de 1990. Les suivantes ont eu lieu en 1995, 2001 et005 [11,14]. La publication d’une étude similaire portantur l’année 2010 est attendue prochainement [19].

éthodologie [11,14]l s’agit d’études rétrospectives. Les auteurs analysent’ensemble des certificats de décès rédigés entre le 1er aoûtt le 1er décembre de l’année concernée.

Ceux-ci sont fournis par le registre central des décès.orsqu’il apparaît qu’aucune décision médicale n’a pu êtrerise au moment de la mort du patient, cette situation estxclue de l’étude (décès soudains survenus sans interventionédicale, un accident de la route par exemple).Chaque médecin concerné recoit un questionnaire de

uatre pages portant sur l’analyse des décisions médicalesyant précédé le décès étudié. Trois types de décisions sontlus particulièrement recherchées :l’arrêt ou la non initiation d’un traitement en fin de vie ;le contrôle des symptômes avec un éventuel double effet ;la pratique d’une euthanasie.

Les études de 2001 et 2005 ont la particularité d’analysergalement un quatrième type de décision médicale en fin deie, la sédation en phase terminale.

L’anonymat des médecins participant à l’étude estaranti par l’Inspection de la santé et par la Société royaleéerlandaise pour l’avancement de la médecine (en néerlan-ais, Koninklijke Nederlandse Maatschappij tot bevorderinger Geneeskunst ou KNMG). Le taux de participation à cestudes est particulièrement remarquable (76 % en 1990, 77 %n 1995, 74 % en 2001 et 78 % en 2005).

De 1990 à 2001, chaque étude est complétée par uneeconde étude consistant à interviewer un échantillon ran-omisé et stratifié de médecins néerlandais. Cet échantilloneprésentatif comprend des médecins généralistes, desédecins spécialistes et des médecins de maison de soins de

ongue durée. Ces trois catégories professionnelles prennentn effet en charge 95 % de tous les décès survenant auxays-Bas. Chaque professionnel est choisi dans le registreational professionnel des spécialités médicales. Il doit êtren activité au moment de l’interview et ne pas avoir changée poste ou de spécialité dans les deux années précédant’étude. Chaque médecin est interrogé par une personneormée dans le cadre d’un questionnaire structuré. Leséponses sont ensuite extrapolées à l’ensemble des décèsurvenus aux Pays-Bas en tenant compte des 5 % de décèson explorés par ce type d’étude. L’étude ainsi réalisée en

001 par Rietjens et al. [20,21] est particulièrement inté-essante. Elle cherche, notamment à préciser les conditionsans lesquelles les médecins néerlandais pratiquent la séda-ion en phase terminale.

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X. Mattelaer, R. Aubry

ésultatsn 2005, on observe pour la première fois depuis 1990, uneiminution du nombre de cas estimés d’euthanasie.

Le nombre d’euthanasies aux Pays-Bas passe en effet de700 cas en 1990 à 3600 cas en 1995, 3800 cas en 2001 et450 cas en 2005. Les euthanasies correspondent ainsi à,6 % de tous les décès survenus aux Pays-Bas en 2001 et à,7 % en 2005 [11].

Dans le même temps, on constate une augmentation duombre de cas probables de sédation en phase terminale parapport à 2001. Les décès survenant dans ce cadre corres-ondent en effet à 5,6 % de tous les décès en 2001 et à 7,1 %n 2005 [9,11].

nalyse

Sur base des résultats observés dans cesétudes néerlandaises, nous formulons deux

hypothèses :l’augmentation du nombre de cas de

sédations en phase terminale pourrait être laconséquence ou la preuve du développement des

soins palliatifs aux Pays-Bas ;il pourrait exister dans ce pays un glissement

de la pratique de la sédation en phase terminalevers une forme d’euthanasie lente.

Nous cherchons dans la suite de cet article à vérifier dansuelle mesure chacune de ces deux hypothèses correspondu non à une réalité aux Pays-Bas. Notre analyse porte sura période qui s’étend de 2001 à 2005.

reuve du développement des soins palliatifs ?

réalableour pouvoir établir un lien entre l’augmentation du nombree cas de sédations en phase terminale et le développe-ent des soins palliatifs aux Pays-Bas, il faut tout d’abord

’assurer que ce dernier a été significatif durant la périodetudiée (2001—2005).

La progression de l’offre de soins quantitative estndéniable. Ainsi, à partir de 1996, dans le cadre du dévelop-ement officiel des soins palliatifs néerlandais, deux réseauxationaux sont mis en place : l’AGORA et la Fédération néer-andaise de soins palliatifs pour les patients en fin de vie (enéerlandais, Netwerk palliative zorg voor Terminale Patiën-en Nederland ou NTPN). On note également, au niveauniversitaire, la création de six centres de développementes soins palliatifs (en néerlandais, Centrum Ontwikkelingalliative Zorg ou COPZ) et, au niveau régional, la mise enlace de départements de soins palliatifs au sein des centresntégrés de lutte contre le cancer (en néerlandais, Integrale

a période qui nous occupe, une augmentation significativeu nombre d’établissements spécialisés en soins palliatifsux Pays-Bas. Leur nombre passe de 38 en 1999 à 156 en 200523].

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[ernésédations plus profondes que ce qui serait nécessaire. Maissurtout, ils indiquent qu’un médecin sur trois considère quela durée de vie de son patient sédaté a été raccourcie

Sédation, développement des soins palliatifs ou dérive euth

On peut ainsi déclarer comme Gordijn et Janssens dansleur article paru en 2004 que si l’on analyse la situation desdix dernières années, on peut sans difficultés conclure quele développement des soins palliatifs aux Pays-Bas a étéconsidérable [7].

Cependant, le développement quantitatif de l’offre ensoins palliatifs ne présume pas de l’amélioration qualitativede la prise en charge en fin de vie aux Pays-Bas. Malheu-reusement, nous ne disposons pas de réelles études dansce domaine. Nous pouvons alors nous demander si le déve-loppement de la sédation en phase terminale pourrait êtreconsidéré comme un bon marqueur du développement qua-litatif des soins palliatifs aux Pays-Bas.

Objectifs des soins palliatifs et indications de lasédation en fin de vieLa définition des soins palliatifs de l’OMS de 2002 [18] pré-cise que ceux-ci cherchent à aider les patients à vivre aussiactivement que possible jusqu’à la mort. Il s’agit d’un objec-tif qui reste important et pertinent, même aux derniersinstants de la vie du patient. De ce fait, la sédation en phaseterminale n’est — par principe — pas totalement conforme auprojet des soins palliatifs.

La SFAP évoque ainsi, dans ses recommandations debonne pratique, un paradoxe majeur entre la sédation etle souci de maintenir une relation, condition essentielle del’accompagnement [4].

La sédation en fin de vie a pour but de répondre à lasituation particulière d’un symptôme réfractaire en fin devie à l’origine d’une souffrance jugée insupportable par lepatient. La sédation d’un patient en fin de vie n’est pasune fin en soi mais un traitement de dernier recours enl’absence d’une autre alternative permettant un contrôle dusymptôme sans altération de l’état de conscience du patient[4,6].

On peut déduire de cette réflexion quel’ambition des soins palliatifs n’est pas d’abordd’augmenter le nombre de sédations en phaseterminale mais d’avantage de tout faire pouréviter les situations où elles sont indiquées.

Données épidémiologiques aux Pays-BasL’analyse des motifs de recours à la sédation en phase ter-minale tels que mis en évidence dans les études nationalesnéerlandaises apporte des éléments intéressants dans notrequestionnement.

Les études de 2001 et 2005 concluent que la douleur, ladyspnée et la confusion sont les motifs les plus fréquemmentinvoqués pour débuter une sédation en phase terminale[8,9]. Or, il s’agit justement de symptômes entrant dans lechamp de compétence des soins palliatifs.

ConclusionOn peut affirmer que le développement qualitatif des soinspalliatifs aux Pays-Bas entre 2001 et 2005 semble être encoreinsuffisant.

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ique ? 137

Les soins palliatifs devraient en effet, par une organi-ation efficace, une meilleure diffusion de leur culture ete leur expertise, permettre une diminution du recours à laédation en phase terminale dans ce pays.

En ce sens, la poursuite d’une politique volontariste deéveloppement des soins palliatifs aux Pays-Bas est un signalositif. On note ainsi l’achèvement récent d’un plan spécialour les années 2008—2010 [17].

érive euthanasique ?

i l’augmentation du nombre de cas de sédations en phaseerminale ne peut pas être simplement mise en lien avece développement des soins palliatifs, on peut s’inquiétere l’existence éventuelle, aux Pays-Bas, d’une pratiqueéviante de la sédation.

Elle correspondrait donc au développement d’une pra-ique abusive de la sédation en phase terminale [6].

rincipel s’agit d’une sédation en phase terminale dont l’intentionst de précipiter le décès du patient soit en augmentantrogressivement les doses de la molécule utilisée jusqu’àne dose létale ; soit par un phénomène de déshydratationnduite par le fait que le patient, étant inconscient, ne peutlus s’hydrater. Cette forme d’euthanasie n’aboutit pas àne mort directe et immédiate mais à une mort lente etrogressive. Il s’agit d’une euthanasie lente qui peut simulerne mort naturelle et douce [6].

onnées épidémiologiques’analyse des études néerlandaises consacrées à la pra-ique de la sédation en phase terminale doit nous permettre’évaluer l’existence ou non d’une telle pratique dans ceays.

L’étude par interview réalisée par Rietjens et al. en 200120,21] indique que, pour 27 % des médecins, la vie de leuratient a été raccourcie de plus d’une semaine. Si on ajouteue 17 % d’entre eux déclarent avoir eu l’intention de préci-iter le décès de leur patient, on peut estimer qu’un certainombre de cas de cette étude correspond probablement àes euthanasies lentes. Ce sentiment est renforcé par leait que 14 % des médecins interrogés, dans cette étude,éclarent que leur choix de ne pas hydrater leur patientvait pour but de précipiter son décès.

Une autre étude publiée par Hasselaar et al. en 200924] compare l’évolution de la pratique de la sédationntre 2003 et 2007. Il s’agit plus particulièrement de mesu-er l’impact éventuel de la parution des recommandationsationales de bonne pratique de 2005. Les auteurs de cettetude estiment que de nombreux médecins réalisent des

ar l’effet de la déshydratation associée. Néanmoins, lesuteurs relativisent ces déclarations dans la mesure où laurée moyenne de survie des patients de l’étude, après laise en place de la sédation, est de seulement deux jours.

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onclusion’analyse de l’augmentation du nombre de cas de sédationsn phase terminale aux Pays-Bas entre 2001 et 2005 montreue le recours à ce traitement comme euthanasie lentexiste probablement mais reste minoritaire.

iscussion

otre analyse de la pratique de la sédation en phase ter-inale aux Pays-Bas se base sur les résultats des études

ationales consacrées aux décisions médicales en fin de vie.es études sont un outil de travail très intéressant. Ellesont en effet construites selon la même méthodologie ceui facilite leur comparaison. Par ailleurs, le taux de parti-ipation particulièrement élevé renforce la pertinence desonnées recueillies.

Cependant, la fiabilité des étudesrétrospectives questionnant l’intention des

médecins dans leurs prescriptions pose toujoursproblème.

Cela est à prendre en compte tout en sachant que,ans ce domaine, une étude prospective comporterait,lle aussi, de véritables biais. Elle risquerait, en effet,’induire certaines attitudes non spontanées chez les méde-ins concernés.

Nous souhaitons développer ici trois limites des étudeséerlandaises :

le classement de chaque décision médicaledans l’une autre l’autre catégorie se base sur

l’analyse du seul médecin prescripteur.

celui-ci doit se remémorer l’intention qui était la sienneau moment de prendre sa décision. Or cet exercice estmarqué par une forme d’ambiguïté et de subjectivité quipeut fausser les réponses données, en particulier lorsqu’ilfaut différencier un acte d’euthanasie d’une sédation enphase terminale. Ainsi, Van Delden dans un article duJournal of Medical Ethics paru en 2007, considère qu’ilfaut tenir compte d’autres critères que de la seule inten-tion du médecin dans l’analyse du statut moral d’unesédation en phase terminale [25]. Il s’agit de rendrecompte de la proportionnalité de l’acte posé. Il pro-pose ainsi d’étudier, pour chaque situation, les désirs dupatient, la nature de sa maladie, son état au moment dela prise de la décision, les caractéristiques très précisesdu traitement instauré et les conséquences de ce der-nier sur le malade. Les études réalisées aux Pays-Bas nepermettent pas de rendre compte de l’ensemble de cescritères ;

la réponse donnée par le praticien peut, en

outre, être influencée par son degré de

formation dans le domaine de la prise en chargedes symptômes en fin de vie.

X. Mattelaer, R. Aubry

cette problématique est abordée par K. Forbes et R. Hux-table [26] au sujet de la prescription des opioïdes en fin devie, dans leur analyse de l’enquête menée au Royaume-Uni par C. Seale [27]. Leurs remarques s’appliquentégalement à la sédation en phase terminale. En ini-tiant ce traitement, certains médecins peuvent en effetcroire ou espérer, à tord, qu’ils précipiteront le décèsde leur patient. Les études récentes ne montrent eneffet aucune différence de survie entre les groupes depatients sédatés et non sédatés [28]. De plus, l’absenced’hydratation ou de nutrition artificielle chez un patientsédaté n’aura un réel effet sur le moment de surve-nue du décès qu’en cas d’espérance de vie supérieure àune ou deux semaines. Un médecin peut donc avoir unepratique conforme aux recommandations professionnelles(ne pas prescrire d’overdose de sédatifs et s’adresser à unpatient réellement en fin de vie) tout en croyant -voire ensouhaitant- que sa prescription accélère la survenue dudécès. Dans ce cas, sa réponse introduit un biais dans lesrésultats. Cela conforte l’idée que la pratique de la séda-tion en phase terminale comme euthanasie lente resteminoritaire aux Pays-Bas. Et ce, malgré le fait que 27 %à 33 % des médecins affirment, dans les études, que ledécès de leur patient a été précipité par la réalisationd’une sédation en phase terminale.

Une troisième critique porte sur l’analyse del’indication de chaque sédation en phase

terminale. Les études néerlandaises recherchentles symptômes à l’origine de ces situations mais

n’évaluent pas si ceux-ci sont réellementréfractaires ou si la souffrance induite est

effectivement jugée comme insupportable par lepatient.

plus largement ces études analysent le nombre de cas desédations en phase terminale et la manière dont ellesont été réalisées mais en aucune facon la pertinencedu choix d’une telle procédure. Or, il s’agit d’un élé-ment essentiel pour répondre aux questions soulevéespar cet article. Sur cette base nous pouvons nous inter-roger plus largement sur l’opportunité effective de lamise en place de ce traitement. Nous formulons ainsiune troisième hypothèse à l’augmentation du nombrede cas de sédations en phase terminale aux Pays-Bas.Il s’agirait du développement d’une pratique non judi-cieuse de la sédation en phase terminale. L’analyse desétudes nationales néerlandaises ne permet pas, ni deconfirmer, ni d’infirmer cette hypothèse puisque la per-tinence de la prescription n’a pas été évaluée. Il paraîtcependant opportun d’envisager l’existence d’une tellepratique. Dans ce cadre, l’intention du médecin est biende soulager un symptôme difficile mais la situation cli-nique choisie est inappropriée. En effet, l’indication dela sédation terminale n’est dans ce cas pas un symptômeréfractaire ou ce symptôme n’est pas à l’origine d’une

souffrance jugée insupportable par le patient [6]. À cepropos, une équipe spécialisée en soins palliatifs dansun IKC du centre des Pays-Bas a réalisé une étude trèsinstructive en 2005 et 2006 [29]. Cette équipe observe,
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Sédation, développement des soins palliatifs ou dérive euth

dans ce cadre, qu’elle a donné un avis négatif sur lamise en place éventuelle d’une sédation en phase termi-nale dans 42 % des situations qu’elle a étudiées. Dans 96 %des cas, le motif était l’absence d’un symptôme réfrac-taire. De ce fait, les résultats de l’étude nationale de2005, précisant qu’un médecin spécialiste en soins pal-liatifs n’a été consulté dans le mois qui précède le décèsdu patient que dans 9 % des situations, sont interpellants[9].

Sur base des résultats des étudesnéerlandaises de 2001 et 2005 on pourrait

craindre que l’augmentation du nombre desituations de sédations en phase terminale dans

ce pays ne corresponde à l’émergence d’unepratique non judicieuse de ce traitement parce

que réalisée en dehors d’un symptômeréellement réfractaire ou d’une souffrance

jugée insupportable par le patient.

Les Pays-Bas constituent, de par leur histoire et leur légis-lation, un cadre d’étude tout à fait original concernant lafin de vie. On peut se demander néanmoins si la pratique dela sédation en phase terminale y est réellement différentede celles des autres pays européens. Malheureusement, peud’études comparent les pratiques de différents pays. Uneétude parue en 2006 analyse l’usage de la sédation en finde vie dans six pays européens (la Belgique, le Danemark,l’Italie, Les Pays-Bas, la Suède et la Suisse) [30]. Elle se basesur les résultats de l’enquête European End-of-life Decisions(EURELD) qui étudie simultanément, dans ces six pays, lafréquence de différentes décisions médicales prises en finde vie au cours de l’année 2002. Aux Pays-Bas, le pourcen-tage de décès concernés par le recours à une sédation n’estpas plus élevé que dans les autres pays étudiés. On constatecependant une proportion plus importante de sédations sanshydratation artificielle. Pour les auteurs, cela suggère quela sédation aux Pays-Bas est davantage pratiquée en toutefin de vie. Une autre étude parue en 2008 s’intéresse àl’expérience des médecins dans le domaine des décisionsmédicales prises en fin de vie [31]. Elle a été réalisée dansles six même pays européens et en Australie. Elle montreque 46 % des médecins néerlandais interrogés ont déjà pra-tiqué une sédation en phase terminale. Les Pays-Bas sontainsi loin devant les autres pays, la Belgique venant ensuiteavec 32 % et le Danemark avec 31 %. Cette étude suggèreégalement que les médecins néerlandais sont plus familia-risés que dans les autres pays avec les décisions médicalesen fin de vie.

En France, nous ne disposions pas d’étude compara-tive. Une étude sur les décisions médicales en fin de vieest actuellement menée par l’institut national des étudesdémographiques et l’observatoire national de la fin devie. Cette étude s’est appuyée sur la méthodologie de

l’enquête EURELD - le questionnaire ayant toutefois étéadapté au contexte législatif francais - afin que les résultatspuissent être comparés. Ceux-ci devraient être publiés en2012.

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Plus largement, il paraît important d’analyser quellenfluence peuvent avoir les particularités néerlandaises sura pratique de la sédation en phase terminale.

e développement tardif des soins palliatifs

ous avons expliqué pourquoi, d’un point de vue théorique,e développement des soins palliatifs devait favoriser uneiminution de la pratique de la sédation en phase terminale.

On peut cependant supposer que, lors de lapremière phase de ce développement, le nombre

de cas de sédations en phase terminaleaugmente.

En effet, le travail des premières équipes de soins pal-iatifs doit favoriser une meilleure connaissance de cetteratique en particulier comme alternative pertinente à uneuthanasie dans des situations cliniques où existe une souf-rance jugée insupportable par le patient en lien avec unymptôme réfractaire. La diminution du nombre de cas deédations en phase terminale ne devrait alors interveniru’au cours d’une seconde phase de développement desoins palliatifs. Ceux-ci ne s’étant développés aux Pays-Basu’à partir de la fin des années 1990, on peut supposer quees chiffres de 2005 entrent encore dans ce premier cas degure. Si, au cours de l’étude qui portera sur l’année 2010,n devait observer une stabilisation, voire une régression duombre de sédations en phase terminale, cela pourrait sug-érer que le développement des soins palliatifs se poursuitavorablement aux Pays-Bas. Cette interprétation ne seraitossible qu’à la condition que le nombre de cas d’euthanasie’augmente pas dans la même période.

’existence de recommandations de bonneratique

’analyse du contenu des recommandations nationales deonne pratique sur la sédation en fin de vie parue auxays-Bas en 2005 et revues en 2009 [16] confirme que, danse pays, la sédation en phase terminale est bien une pra-ique de dernier recours. Ces recommandations sont ainsionformes à celles élaborées par la SFAP et l’EAPC [2,3,6].lles précisent en particulier que l’indication d’une séda-ion en fin de vie est un symptôme réfractaire à l’origine’une souffrance jugée insupportable par le patient. Ellesjoutent également que cette pratique doit avoir lieu enoute fin de vie chez des patients dont l’espérance de viest de maximum une à deux semaines.

Ainsi, l’obligation légale pour tout médecin néerlandais’appliquer ces recommandations favorise incontestable-ent le développement d’une pratique judicieuse de la

édation en phase terminale dans ce pays.

’existence d’une loi autorisant la pratique de

’euthanasie dans un cadre strict

l existe incontestablement aux Pays-Bas une crainte quea sédation en phase terminale ne constitue une manière

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’échapper aux contraintes administratives de la loi sur’euthanasie.

Cette crainte a certainement influencé la rédaction desecommandations de bonne pratique de 2005 et 2009. Celaxplique en particulier pourquoi elles insistent sur le faitu’une sédation en phase terminale n’est indiquée que chezes patients en toute fin de vie. Cette crainte peut égale-ent expliquer pourquoi les auteurs qualifient la sédation

n fin de vie de pratique médicale normale. Ils souhaitentn effet l’opposer à l’euthanasie qui est, pour sa part, consi-érée comme une pratique médicale extraordinaire. Parette catégorisation, les auteurs souhaitent insister, danse pays où l’euthanasie est autorisée dans un cadre pré-is, sur le fait qu’il s’agit de deux pratiques différentes. Leerme normal est choisi parce que, selon eux, la pratiquee la sédation en fin de vie ne nécessite pas le recours àne procédure de notification et au respect des six critèrese minutie en particulier la nécessité de l’avis d’un autreédecin indépendant. Mais, le choix du qualificatif nor-al crée une contradiction : le traitement est normal mais

niquement pratiqué de facon exceptionnelle. En effet,omme le précise la SFAP, les situations dans lesquelles lauestion de la sédation se pose sont exceptionnelles, singu-ières et complexes [3,4]. Les auteurs des recommandationséerlandaises précisent qu’étant normale, cette pratiquee nécessite pas systématiquement un avis spécialisé préa-able. Tout médecin est en effet considéré comme a prioriompétent dans la pratique d’un tel traitement. Cependant,e texte précise plus loin qu’un avis spécialisé est fortementonseillé au vue de la complexité des situations concernéest de la procédure médicale.

Est-il possible de considérer que tout médecin est apte définir le caractère réfractaire d’un symptôme ? Ou, auontraire, la possibilité d’affirmer qu’aucun autre traite-ent efficace n’est possible pour un symptôme en fin de vie

’appartient-elle pas plutôt à des médecins spécifiquementormés dans ce domaine ?

On peut ainsi s’interroger sur la pertinence du terme deratique médicale normale choisi aux Pays-Bas pour qua-ifier la sédation en fin de vie. Ce terme a bien entenduté retenu pour insister sur le statut juridique de cetteratique aux Pays-Bas et sa différence légitime avec celuie l’euthanasie. Mais, ne peut-on pas craindre qu’une telleéfinition ne favorise une forme de banalisation de la séda-ion en fin de vie ? Cette dérive pourrait survenir alors mêmeue les situations où elle doit être prescrite et la manièreont celle-ci doit être réalisée sont correctement préciséesans les recommandations nationales.

onclusion

otre analyse de la pratique de la sédation en phase termi-ale aux Pays-Bas apporte deux éclaircissements au débatui l’entoure.

Tout d’abord, il semble important de

rappeler que le développement de la sédation en

phase terminale dans un pays ne peut êtreconsidéré comme un marqueur du bon

développement des soins palliatifs dans celui-ci.

X. Mattelaer, R. Aubry

Au contraire, l’ambition d’une politique de soins pallia-ifs doit être une diminution des situations pour lesquellesa mise en place de ce traitement est nécessaire.

L’enjeu est en effet de permettre au patientde vivre aussi activement que possible jusqu’à sa

mort.

Ensuite, il existe le risque d’une banalisationdu recours à la sédation en phase terminalelorsque son caractère exceptionnel n’est pas

suffisamment mis en avant.

Il s’agit toujours de privilégier l’alternative médicalefficace n’entravant pas l’état de conscience du patient.ela pose la question des compétences de l’équipe soignante

définir le caractère réfractaire d’un symptôme.La question de la sédation en phase terminale rejoint

insi celle de l’expertise en soins palliatifs.L’enjeu pour un pays n’est pas uniquement de développer

n grand nombre de structures spécialisées en soins pal-iatifs mais de s’assurer d’une large diffusion de la culturealliative dans l’ensemble du système de santé.

Nous ne pouvons pas garantir que chaque profession-el de santé soit expert en soins palliatifs. Nous devons enevanche nous assurer qu’il ait, pour le bien de son patient,ccès à cette expertise. Mais comment être sûr qu’il y fasseppel au moment où il en a besoin ?

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

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