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PRÉSENTATION Christian Biet et Sylvie Roques Le Seuil | Communications 2013/1 - n° 92 pages 5 à 8 ISSN 0588-8018 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-communications-2013-1-page-5.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Biet Christian et Roques Sylvie, « Présentation », Communications, 2013/1 n° 92, p. 5-8. DOI : 10.3917/commu.092.0005 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Le Seuil. © Le Seuil. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 194.27.34.118 - 01/05/2014 23h22. © Le Seuil Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 194.27.34.118 - 01/05/2014 23h22. © Le Seuil

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PRÉSENTATION Christian Biet et Sylvie Roques Le Seuil | Communications 2013/1 - n° 92pages 5 à 8

ISSN 0588-8018

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-communications-2013-1-page-5.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Biet Christian et Roques Sylvie, « Présentation »,

Communications, 2013/1 n° 92, p. 5-8. DOI : 10.3917/commu.092.0005

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Distribution électronique Cairn.info pour Le Seuil.

© Le Seuil. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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Il est un premier sens du mot « performance ». C'est celui que tout lemonde connaît et que le Robert définit de manière immédiatement saisis-sable : « réalisation d'un record ou d'un exploit ». Ce qu'Alain Ehrenbergdéveloppe clairement aussi en auscultant l'« âge de la performance » : cetteexigence toute actuelle, selon lui, d'être « constamment » au meilleur de soi.L'enjeu, dans ce cas, ne serait rien d'autre que l'atteinte d'une issue maxi-male, en fonction même d'un résultat projeté. D'où cette présence toujoursplus fréquente dans notre univers économique, social, culturel, des compa-raisons entre les « niveaux de performance », ou ces tentatives d'établir des« indices de performance », d'établir des « records » et d'en dresser lestableaux : le «meilleur », autrement dit, comme principe d'existence et dereconnaissance.Il est un autre sens, moins connu sans doute, moins diffusé aussi, dont

l'impact conquiert une place toujours plus marquante dans nombre de noshorizons quotidiens. Ce sens en « ascendance » est défini, bien sûr aussi, parle Robert : il s'agit de l'acte d'« accomplir », de celui de « faire », d'« exécu-ter ». C'est le versant strictement matériel d'une action. Rien d'autre, dansce cas, que le thème concret et unique de l'« accomplissement » : aucuneprise en compte de gradation ou d'échelle, aucune distribution du meilleurou du mauvais, seul existe le fait de réaliser, seule existe l'épaisseur quasiphysique d'une mise en acte. Le mot anglais performance le dit plus spéci-fiquement encore : «The act of performing, execution, accomplishment »(Webster's Dictionary). Ce sens ne saurait être négligé dans l'absolu, révé-lant l'intérêt possible porté aux préoccupations opérationnelles, rappelantl'attention plus particulièrement anglo-saxonne centrée sur le pragma-tisme, l'efficacité, l'engagement dans les choses et le concret.Mais ce dernier sens, depuis quelques décennies, s'est encore « affiné »,

spécialisé, orienté délibérément vers la « réalisation » artistique. Il retient,en tout premier lieu, le versant le plus « brut » de l'acte de création, sa

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singularité la plus aiguë, son immédiateté la plus étroite. Des expressionsou des mots nouveaux se sont ainsi installés dans le monde du « show » etcelui de l'art : la « réalisation d'une performance », le « spectacle d'une per-formance », un « lieu de performance », l'artiste « performeur » ou « perfor-meuse ». Ce qui, dans l'acte artistique, privilégie le faire le plus « nu », leplus « matériel », le plus « spontané », indépendamment quelquefois dudrame, de la fiction, ou de la continuité narrative dans laquelle un spec-tacle peut traditionnellement s'affirmer. Cet aspect éminemment concret,corporel même, représente une perspective importante dans ce numéro.Nous avons voulu l'approcher avec des spécialistes de l'art en général et duthéâtre en particulier (où, peut-être plus qu'ailleurs, le secteur de la perfor-mance a considérablement grandi en importance), mais aussi avec des« entrées » scientifiquement différentes, psychologiques, sociales, anthropo-logiques, historiques. Cette perspective nous apparaissait nouvelle. Nonque l'univers de la performance ne soit pas déjà travaillé, depuis quelquetemps, par les critiques et historiens de l'art. Réalité indéniable : des ren-contres existent, des travaux sont faits et publiés. Mais peut-être faut-ilinsister toujours davantage sur la dimension pluridisciplinaire desrecherches possibles, comme sur la nécessité d'interpréter de façon globaleces phénomènes, en interrogeant leur signification dans la société d'aujour-d'hui, au-delà même de leurs appartenances de terrain. C'est bien le sensde notre initiative. D'autant que s'impose avec force ce constat nouveau etcroissant : l'art mis au service d'actes énonçant leur stricte dimension sin-gulière, voire personnelle, actes en principe non répétables, actes privilé-giant la dimension du présent dans son sens le plus évanescent. Ce quisemblerait au passage signer jusqu'au symbole quelques dynamiquesmajeures de la culture contemporaine. Étudier la performance serait ainsiétudier d'abord la transformation des arts expressifs, ce serait plus encoreles étudier en authentiques témoins des transformations de notre culture.Un des articles majeurs, celui de Bruno Péquignot, envisage précisément

la question dans son aspect le plus large, faisant le point sur la diversitédes pratiques, leurs contenus, leurs visions, leurs sens par rapport à laculture d'aujourd'hui.Brève histoire ensuite. Selon Roselee Goldberg, bien que le terme « per-

formance » soit perçu, dès les années 1970, comme désignant une tech-nique d'expression singulière, avec ses repères nouveaux et ses mots1, ilexiste une longue tradition d'artistes qui déjà, bien avant, avaient adoptécette forme d'expression artistique2. Nous avons à cet égard confrontécette tradition à des pratiques plus anciennes, soulignant combien lethéâtre « ancien », ou nombre de pratiques spécifiques, celles de la main etdu corps par exemple, avec leur expression publique, peuvent être penséssous cet angle, gagnant ainsi une densité négligée ou ignorée.

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Il faut insister en revanche sur l'expression singularisée importante etsur ses significations possibles. La présence singulière du sujet limité à sonespace le plus éminemment physique de même que la présence de corpsnus sont devenues prépondérantes sur les scènes contemporaines3. Unautre constat encore : ces « présentations » s'accompagnent d'un recul del'impact critique envers la société. Une magnification « performative » dusujet s'y exprime, une insistance sur ce qu'il éprouve le plus charnelle-ment, sur la singularité extrême et la singulière présence de chacune deses manifestations. D'où cette dominance de longues phases scéniquesconsacrées aux apparences et « accidents » de la peau, aux contacts etfrôlements des corps, à leur malaxage, à leurs manifestations organiques.D'où ces tentatives de traduire leur « absolue présence » au plus près dusensible : mouvements, pressions, ingurgitations, excrétions. Les chorégra-phies de Jan Fabre en sont l'exemple. Les références aux larmes, à lasueur et à l'urine y abondent ; ainsi dans The Crying Body, présenté auThéâtre de la Ville à Paris en novembre 2004. L'intérieur du corps vien-drait affleurer à la surface, comme si la peau, contenant fragile, devenaittransparente. Jan Fabre prétend y explorer la vulnérabilité de la beautéhumaine, ses imperfections, autant que sa liberté4. L'effet pourtant risquede se perdre dans une agitation de corps émiettant leurs actions sansdistance. Rodrigo García, dont le théâtre de performance est l'un desrares à revendiquer une « contestation du système capitaliste5 », présentelui aussi sans doute des scènes pouvant évoquer ce triomphe des chairssans distance : la « bacchanale finale des corps nus6 », par exemple, dansApproche de l'idée de méfiance, la pièce jouée à Avignon en juillet 2007.Il reste que, rattachée prioritairement au domaine des arts, la notion de

performance s'est aujourd'hui largement étendue. Une réflexion très spéci-fique sur le « faire », la « pratique », le « concret » des actes et du gestuel, leurspécificité d'immédiateté et de densité physiques, a ouvert à l'espace, large-ment plus vaste, des rituels, des occupations récréatives, des pratiques quo-tidiennes. Les études anglo-saxonnes en particulier, avec l'émergence desPerformance Studies, ont ainsi renouvelé le champ. Une relative in-distinction du terme et de son contenu a pu être redoutée. Un resserrementen revanche est clairement dessiné par les initiateurs de ce même renouvel-lement lorsqu'ils soulignent combien il s'agit d'abord de la pratique «mon-trée », celle qui est prioritairement objet de spectacle. La performance ainsicomprise permet alors de reconnaître « le processus par lequel les processussociaux dans leurs diverses formes deviennent théâtre7 ». La performance,malgré ses formes variées, ici même recensées et discutées, suppose bien un« faire » et un « public », même si les rôles des regardants et des regardéspeuvent s'échanger, se partager, voire s'inverser. Ce qui laisse une placeaux décisions esthétiques des spectateurs.

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Autant dire, quoi qu'il en soit, qu'un contexte porte ces extensions etces renouvellements. Il est lié davantage au « repositionnement » de l'indi-vidu dans nos propres sociétés qu'à celui de l'industrie. « Performance »,mot qui vient de la « productivité », promeut ici une affirmation person-nalisée. Reste bien évidemment que ce changement fait problème. Et c'estaussi ce que nous avons voulu étudier. Privilégier exclusivement la chair,son instantanéité, sa fragilité provoque un risque, pour le théâtre commepour l'art : se couper du champ symbolique, celui qui a fait toute l'origi-nalité de ses « personnages » et de leur univers.

Christian [email protected]

Professeur d'études théâtrales, Institut universitaire de FranceUniversité Paris X – Nanterre

Sylvie [email protected]

Chercheure associée Centre Edgar Morin-IIAC (CNRS/EHESS)

NOTES

1. L'expression « performance artistique » est absente, par exemple, de la première édition del'Encyclopædia Universalis en 1969, alors qu'elle est présente dans les éditions plus récentes.

2. Roselee Goldberg, La Performance du futurisme à nos jours (trad. par Christian-MartinDiebold), Londres, Thames & Hudson, 1988, p. 7.

3. On peut lire en ce sens l'article de Brigitte Salino, «L'obsession du réel entre en scène surles planches d'Europe », Le Monde, 1er janvier 2003 : « Le théâtre en ce début de millénaireredécouvre la force du réel. Cela a commencé au milieu des années 1990, par le plus petitdénominateur commun : l'intrusion du corps nu sur les planches. »

4. Gwénola David et Jan Fabre, « L'artiste est un chevalier du désespoir », Danser, no 245,2005, p. 20.

5. Voir le texte de présentation au Théâtre du Rond-Point, le 8 novembre 2006, de la pièceEt balancez mes cendres sur Mickey.

6. « Les meurtrissures de Rodrigo García », Libération, 24 juillet 2007.7. Richard Schechner, Performance Studies : An Introduction, Londres-New York, Routledge,

2002, p. 29 : «To become conscious of restored behavior is to recognize the process by whichsocial processes in all their multiple forms are transformed into theatre. »

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