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Le Praticien en anesthésie réanimation (2008) 12, 440—447 RUBRIQUE PRATIQUE Prise en charge de l’embolie pulmonaire en urgence Management of pulmonary embolism in emergency Pierre-Marie Roy ,1 , Anne-Sophie Bordot, Anis Bichri, Nadia Sivova, Nicolas Delvau, Karine Pattier Service d’accueil et traitement des urgences, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49033 Angers cedex 01, France Disponible sur Internet le 26 novembre 2008 MOTS CLÉS Embolie pulmonaire ; Probabilité clinique ; D-dimère ; Angioscanner pulmonaire ; Analyse de gravité Résumé L’embolie pulmonaire est une cause fréquente de décès. Ce diagnostic doit être évoqué chez les patients présentant une dyspnée inhabituelle, une douleur thoracique ou un malaise sans explication probante. Grâce à l’estimation de la probabilité clinique, au dosage des D-dimères et à l’angioscanner thoracique spiralé, la démarche diagnostique semble nota- blement simplifiée. La première étape est de déterminer si le patient appartient à un groupe de prévalence forte, faible ou intermédiaire. En cas de faible probabilité clinique, un test D- dimère négatif écarte le diagnostic. De même en cas de probabilité intermédiaire avec un test D-dimère ELISA. Si la probabilité clinique est forte, le dosage des D-dimères n’est pas indiqué et un traitement anticoagulant doit être initié immédiatement sans attendre le résultat des tests diagnostiques. Un angioscanner permet alors d’affirmer ou d’infirmer le diagnostic dans la majorité des situations. Si le résultat est indécis ou qu’un angioscanner est contre-indiqué, le recours à d’autres examens comme l’échographie veineuse ou la scintigraphie pulmonaire peuvent permettre de prendre une décision fiable. La décision thérapeutique repose sur une analyse de la gravité aidée par l’utilisation d’un score clinique spécifique (Pulmonary Embo- lism Severity Index) et, si besoin, de marqueurs biologiques ou morphologiques de souffrance cardiaque. Chez les patients en état de choc, il existe un consensus pour initier une fibrino- lyse suivie d’une héparinothérapie par voie intraveineuse. Chez les patients normotendus mais présentant des critères cliniques ou paracliniques de gravité, la fibrinolyse est controversée mais le traitement initial est préférentiellement l’héparine par voie intraveineuse. Chez les patients sans signe de gravité, le traitement repose sur une héparine de bas poids moléculaire ou le fondaparinux avec un début dès le premier jour d’un antivitamine K et d’une contention veineuse. Une mobilisation précoce est souhaitable. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P.-M. Roy). 1 Photo. 1279-7960/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.pratan.2008.10.006

Prise en charge de l’embolie pulmonaire en urgence

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Page 1: Prise en charge de l’embolie pulmonaire en urgence

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e Praticien en anesthésie réanimation (2008) 12, 440—447

UBRIQUE PRATIQUE

rise en charge de l’embolie pulmonaire en urgence

anagement of pulmonary embolism in emergency

Pierre-Marie Roy ∗,1, Anne-Sophie Bordot, Anis Bichri,Nadia Sivova, Nicolas Delvau, Karine Pattier

Service d’accueil et traitement des urgences, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49033 Angerscedex 01, France

Disponible sur Internet le 26 novembre 2008

MOTS CLÉSEmbolie pulmonaire ;Probabilité clinique ;D-dimère ;Angioscannerpulmonaire ;Analyse de gravité

Résumé L’embolie pulmonaire est une cause fréquente de décès. Ce diagnostic doit êtreévoqué chez les patients présentant une dyspnée inhabituelle, une douleur thoracique ou unmalaise sans explication probante. Grâce à l’estimation de la probabilité clinique, au dosagedes D-dimères et à l’angioscanner thoracique spiralé, la démarche diagnostique semble nota-blement simplifiée. La première étape est de déterminer si le patient appartient à un groupede prévalence forte, faible ou intermédiaire. En cas de faible probabilité clinique, un test D-dimère négatif écarte le diagnostic. De même en cas de probabilité intermédiaire avec un testD-dimère ELISA. Si la probabilité clinique est forte, le dosage des D-dimères n’est pas indiquéet un traitement anticoagulant doit être initié immédiatement sans attendre le résultat destests diagnostiques. Un angioscanner permet alors d’affirmer ou d’infirmer le diagnostic dansla majorité des situations. Si le résultat est indécis ou qu’un angioscanner est contre-indiqué,le recours à d’autres examens comme l’échographie veineuse ou la scintigraphie pulmonairepeuvent permettre de prendre une décision fiable. La décision thérapeutique repose sur uneanalyse de la gravité aidée par l’utilisation d’un score clinique spécifique (Pulmonary Embo-lism Severity Index) et, si besoin, de marqueurs biologiques ou morphologiques de souffrancecardiaque. Chez les patients en état de choc, il existe un consensus pour initier une fibrino-lyse suivie d’une héparinothérapie par voie intraveineuse. Chez les patients normotendus maisprésentant des critères cliniques ou paracliniques de gravité, la fibrinolyse est controversée

mais le traitement initial est préférentiellement l’héparine par voie intraveineuse. Chez lespatients sans signe de gravité, le traitement repose sur une héparine de bas poids moléculaireou le fondaparinux avec un début dès le premier jour d’un antivitamine K et d’une contentionveineuse. Une mobilisation précoce est souhaitable.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (P.-M. Roy).

1 Photo.

279-7960/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.pratan.2008.10.006

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Prise en charge de l’embolie pulmonaire en urgence 441

KEYWORDSPulmonary embolism;Clinical probability;D-dimer test;Computedtomography;Risk stratification

Summary Pulmonary embolism is a leading cause of death in the general population. Thediagnosis must be suspected in patients with unusual dyspnea, chest pain or fainting withoutexplanation. Using clinical probability assessment, D-dimer test and helicoidal computed tomo-graphy, a reliable diagnostic conclusion is usually easy to obtain. When the clinical probabilityis low, a negative D-dimer test allows to rule out pulmonary embolism. When the clinical pro-bability is high, D-dimer test is not indicated and an anticoagulation must be initiated whileawaiting the outcome of diagnostic tests. In such cases or when D-dimer test are positive, multi-detector computed tomography can confirm or exclude the diagnosis in most of the cases.If there is a remaining suspicion or when computed tomography is contraindicated, leg veinultrasonography and/or lung scintigraphy should be performed. The treatment is based on arisk stratification using clinical parameters (Pulmonary Embolism Severity Index) and, if neces-sary, biomarkers and right ventricular evaluation. For patients with hemodynamic compromise,short-course thrombolytic therapy is indicated followed by unfractionated heparin. In patientswith normal systemic arterial pressure but poor prognostic indicators, fibrinolysis is contro-versial but unfractionated heparin is preferable. In others patients without severity indicator,low weight molecular heparin or fondaparinux is recommend for at least 5 days with initiationof vitamine K antagonists and elastic compression stocking on the first treatment day. Earlyambulation is desirable.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Introduction

L’embolie pulmonaire (EP) est aujourd’hui une des pre-mières causes de décès dans la population générale. Cetteincidence n’aurait pas diminué au cours des trois dernièresdécennies. La première raison de cette situation sembleêtre une insuffisance diagnostique puisque les études autop-siques longitudinales montrent que dans 70 % des décès parEP, le diagnostic n’a pas été posé du vivant du patient [1].Pourtant, depuis 20 ans, les connaissances scientifiques surl’EP ont fait des progrès considérables. Répondre en sebasant sur des preuves, aux principales questions que sepose le clinicien confronté à une suspicion d’EP en urgence,est donc possible. Cela nécessite cependant de remettreen cause certains aphorismes comme la valeur décisionnelledes examens paracliniques et de redonner une place impor-tante à l’analyse clinique. Il faut aussi accepter le conceptd’incertitude. Prendre une décision médicale, diagnostiqueou thérapeutique lors d’une suspicion d’EP comme lors detoute démarche médicale, c’est prendre un risque mais unrisque que l’on peut estimer et analyser en regard des béné-fices éventuels.

Quand suspecter une EP ?

Symptômes et signes cliniques et paracliniquescourantsLes symptômes les plus fréquents lors d’une EP sontune dyspnée classiquement brutale et une douleur thora-cique de type pariétopleural. Cependant, ces symptômesainsi que les autres signes cliniques (tachycardie, malaise,hémoptysie. . .) ne sont ni sensibles ni spécifiques. Leur

fréquence varie en fonction des études et leur valeur diag-nostique reste individuellement très faible y compris chezles patients sans antécédent cardiopulmonaire. De même,les examens paracliniques courants sont rarement décisifssauf s’ils apportent des arguments forts en faveur d’un diag-

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ostic différentiel. Un effet shunt gazométrique peut êtreonstaté dans la plupart des affections pulmonaires aiguëst inversement, chez les patients ayant une EP, l’hypoxémieanque dans 26 % des cas et le gradient alvéolo-artériel

n oxygène est normal dans 16 % des cas [2]. L’utilité dea gazométrie est ainsi pratiquement nulle. La radiogra-hie thoracique est anormale dans près de 80 % des EPépanchement pleural, ascension d’une coupole diaphrag-atique, atélectasies en bande, condensation triangulairebase pleurale témoin d’un infarctus pulmonaire. . .) mais

ous ces signes peuvent aussi être constatés lors d’autresathologies en particulier d’origine infectieuse. De même,’électrocardiogramme peut mettre en évidence des signesn faveur d’un cœur pulmonaire aigu (tachycardie sinu-ale, aspect S1Q3, onde T négative en V1-V2 ou D3, bloce branche droit). Cependant, un cœur pulmonaire aigu’est constaté que lors des EP importantes ou survenantur une pathologie respiratoire chronique et les anomalieslectriques ne sont nullement spécifiques de cette affec-ion (syndrome coronarien, autre pathologie pulmonaire. . .).our finir, la valeur de ces signes est fluctuante en fonctione l’âge des patients [3].

u symptôme à la suspicion cliniquee clinicien devra donc éviter deux pièges. Le premierst de méconnaître une EP devant une symptomatologierompeuse. Le second est d’évoquer trop souvent cetteypothèse et de soumettre les patients à des investigationsnutiles et parfois dangereuses. Pour les patients se pré-entant aux urgences, l’équipe de Jeffrey Kline a mis auoint la règle PERC. L’objectif est de préciser parmi lesatients présentant une gêne respiratoire, ceux chez qui

’hypothèse thromboembolique peut être exclue sans réali-er d’investigations complémentaires. Pour cela, l’absencee tous les critères suivants doit être vérifiée : âge supé-ieur à 50 ans, fréquence cardiaque supérieure à 100 bpm,aO2 inférieur à 94 %, œdème d’un membre inférieur, hémo-
Page 3: Prise en charge de l’embolie pulmonaire en urgence

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42

tysie, chirurgie récente, antécédent personnel de maladiehromboembolique veineuse, traitement hormonal en cours4]. L’intérêt de cette règle est limité car elle n’est appli-able qu’à très peu de patients.

La conduite pratique est donc d’évoquer une EP dès lorsu’un patient présente ou a présenté récemment une dys-née inhabituelle, une douleur thoracique ou un malaiseans explication probante. Cette démarche pragmatiqueustifie que la démarche diagnostique et thérapeutique neoit initiée qu’après une analyse clinique détaillée et aprèsa réalisation des examens paracliniques simples comme’électrocardiogramme et la radiographie thoracique afin’exclure une autre étiologie et de préciser le niveau derobabilité clinique.

omment conduire la démarche diagnostique ?

e la suspicion à la probabilité cliniquerâce au dosage des D-dimères et à l’angioscanner spiralé,

a démarche diagnostique lors d’une suspicion d’EP sembleotablement simplifiée, le premier étant sensé permettrene sélection des patients et le second un diagnostic défini-

if. Cependant, une analyse plus approfondie montre que cesrincipes sont le plus souvent erronés [5]. Aucun examen, yompris les plus récents, n’a une sensibilité de 100 % ou unepécificité de 100 % et n’est exempt de faux-négatif ou deaux-positif. Le point le plus important à prendre en compte

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Tableau 1 Probabilité clinique selon le score révisé de Genèv

Variables prédictives

Données démographiquesÂge > 65 ans

AntécédentsThrombose veineuse ou embolie pulmonaireChirurgie ou immobilisation pour fracture dans le moisCancer évolutif ou en rémission depuis moins d’un an

SymptômesDouleur unilatérale d’un membre inférieurHémoptysie

Signes cliniquesFréquence cardiaque entre 75 et 94 battements par minuteFréquence cardiaque > 94 battements par minuteDouleur à la palpation profonde et œdème d’un mollet

Pour un patient donné, le score permettant l’estimation dela probabilité clinique est obtenu en additionnant lespoints correspondants à chaque variable

Prévalence de l’e

Classe de probabilité Dérivation(n = 956)

Faible : 1 à 3 9,0 (6,6—12,5)

Intermédiaire : 4 à 10 27,5 (23,9—31,4)

Forte : 11 ou plus 71,7 (58,4—82,0)

P.-M. Roy et al.

st que le risque d’erreur dans l’interprétation du résultat’un test est clairement lié au contexte clinique. Ainsi, leisque d’erreur par défaut (celui de méconnaitre une EP)st beaucoup plus important dans un groupe de patientsvec une forte prévalence et celui d’erreur par excès’autant plus important que la prévalence est faible [5].

La première étape lors d’une suspicion d’EP sera donc deavoir dans quel groupe de prévalence se situe le patient.ela nous permettra de choisir le test approprié et ensuitee l’interpréter. Cette prévalence correspond à la probabi-ité d’avoir a priori la maladie dans un groupe relativementomogène de malades autrement dénommée probabilité cli-ique ou probabilité prétest. Elle peut être estimée soit deacon empirique, soit à l’aide d’un score. Les plus utilisésont les scores de Wells et de Genève qui ont été, tous leseux, revus récemment [6,7]. Le score révisé de GenèveTableau 1) a l’avantage de s’appuyer uniquement sur desléments cliniques objectifs faciles à recueillir y compris enréhospitalier mais contrairement au score de Wells, il n’aas été évalué chez les patients hospitalisés [6,7]. En pra-ique, la supériorité d’un score par rapport à un autre ouar rapport à l’évaluation empirique n’est pas démontrée,

n faible niveau de suspicion clinique correspondant à unerévalence de 6 à 10 %, une probabilité intermédiaire à envi-on 30 % et une forte probabilité clinique à une prévalencee 70 % environ.

e.

Points

+1

+2+3+2

+3+2

+3+5+4

mbolie pulmonaire en % (IC à 95 %)

Validation(n = 749)

7,9 (5,0—12,1)

28,5 (24,6—32,8)

73,7 (61,0—83,4)

Page 4: Prise en charge de l’embolie pulmonaire en urgence

Prise en charge de l’embolie pulmonaire en urgence 443

Tableau 2 Critères diagnostiques permettant, en fonction de la probabilité clinique, d’exclure ou de confirmerl’hypothèse d’une embolie pulmonaire de facon fiable.

Critères diagnostiques Rapport de vraisemblance Probabilité clinique

(IC à 95 %) PC Faible PC Moyenne PC ForteDiagnostic d’exclusion RV négatif

Scintigraphie normale ou quasi-normale 0,05 (0,03—0,10) V VScintigraphie de faible probabilité 0,36 (0,25—0,50) V − −D-dimères Elisa quantitatifs négatifs 0,08 (0,04—0,18) V V −D-dimères Latex quantitatifs 2e génération

négatifsa0,20 (0,10—0,39) V − −

D-dimères semiquantitatifs 2e générationnégatifsa

0,29 (0,03—2,46) V − −

D-dimères hémagglutination qualitatifsnégatifsa

0,31 (0,18—0,56) V − −

Angioscanner spiralé négatif et échographieveineuse proximale négative

0,04 (0,03—0,06) V V −

Angioscanner spiralé négatif 0,11 (0,06—0,19) V − −Angioscanner spiralé multibarrette négatif ND V

Diagnostic de confirmation RV positif

Scintigraphie forte probabilité 18,3 (10,3—32,5) − V VAngioscanner positif 24,1 (12,4—46,7) − V VÉchographie veineuse proximale positive 16,2 (5,6—46,7) − V VÉchographie cardiaque positive 5,0 (2,3—10,6) − − V

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a En l’absence d’anticoagulation efficace.

De la probabilité clinique à la décision diagnostiquePlusieurs stratégies associant la prise en compte du niveaude probabilité clinique et un ou plusieurs tests permettentd’exclure ou de confirmer le diagnostic d’EP de facon fiable.En effet, en considérant la probabilité prétest et le ratiode vraisemblance (RV) d’un test diagnostique (Tableau 2),il est possible de calculer la probabilité d’EP post-test àl’aide du diagramme de Fagan ou de la formule suivante :Ppost = Ppré × RV/(1−Ppré × (1−RV)) [8]. Calculer la proba-bilité post-test permet une estimation réelle du risque prislors d’une décision diagnostique. Le risque d’erreur est jugéacceptable pour exclure l’hypothèse d’une EP s’il est infé-rieur à 5 % (probabilité post-test < 5 %) et acceptable pourretenir le diagnostic s’il est inférieur à 15 % (probabilitépost-test > 85 %) [9]. Une analyse systématique de la lit-térature selon les règles de méta-analyse définies par legroupe Cochrane, permet de définir les stratégies dont lapertinence est démontrée (Tableau 2) [5]. D’une facon géné-rale, lorsque la probabilité clinique est faible, la négativitéd’un test (à l’exception des examens ultrasonores) permet-tra d’exclure l’hypothèse thromboembolique de facon fiablemais un test positif ne permettra pas de retenir le diagnosticsans réserve. Ainsi, dans un contexte clinique peu évoca-teur d’EP, une image scanographique d’embol segmentaireisolé ou un aspect scintigraphique de haute probabilité selon

les critères Pioped devra être étayé par un autre examencomme une échographie Doppler des membres inférieurs ouà défaut par un suivi évolutif sous traitement. Lorsque laprobabilité clinique est forte, tous les tests diagnostiquesà l’exclusion des D-dimères ont une valeur de confirmation

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uffisante pour retenir le diagnostic en cas de positivité.nversement, aucun examen ne permet à lui seul d’exclureormellement l’hypothèse d’une EP et un résultat négatifevra être conforté par la négativité d’un autre test.

Lorsque la probabilité clinique est intermédiaire, laaleur d’exclusion ou de confirmation varie en fonction duype d’examen et pour un examen donné, en fonction de laechnique utilisée. Ainsi, un test D-dimère Elisa rapide per-et une exclusion diagnostique en cas de négativité mais pas

n autre test D-dimère. De même, un angioscanner multi-arette thoracique négatif permet un diagnostic d’exclusionans recourir à un examen échographique des membres infé-ieurs alors que l’association des deux examens négatifs estécessaire avec les scanners monobarettes [10—12].

La prise en compte de tous ces éléments peut paraîtreomplexe et conduire les cliniciens à des démarches et desonclusions inappropriées. Ainsi, moins de la moitié destratégies décisionnelles réalisées pour exclure une EP auxrgences sont conformes aux recommandations internatio-ales et les patients ayant une démarche inappropriée ontix fois plus de risque que les autres de présenter un accidenthromboembolique ou une mort subite inexpliquée dans lesrois mois suivant leur passage aux urgences [13].

L’application d’un algorithme décisionnel précis commeelui mentionné dans la Fig. 1 est un gage de qualité maisela n’est pas toujours possible car dépendant de la dispo-

ibilité des tests, de contre-indications éventuelles comme’insuffisance rénale ou de situations cliniques particulièresomme la présence d’un état de choc justifiant alors leecours préférentiel à des tests non invasifs réalisables au
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444 P.-M. Roy et al.

Figure 1. Estimation de la probabilité clinique et algorithme décisionnel lors d’une suspicion d’EP aux urgences chez un patient sans signede choc. 1. Un test D-dimère Elisa rapide est réalisé lorsque la probabilité clinique est faible ou intermédiaire chez un patient ne prenant pasde traitement anticoagulant et il permet d’exclure l’hypothèse d’une EP en cas de négativité (< 500 �g/l). Si une autre technique de dosagedes D-dimères est utilisée, un test négatif ne permettra d’exclure une EP de facon fiable que lorsque la probabilité clinique est faible. 2. Lescanner est considéré comme non conclusif s’il ne montre pas d’embole proximal (lobaire ou supra-) : quelle que soit la probabilité cliniques ur de -) ett

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i l’analyse du réseau vasculaire n’est pas possible intégralement post forte ; s’il montre une seule image distale (segmentaire ou infratt : traitement anticoagulant ; − : test négatif ; + : test positif.

it du patient comme l’échocardiographie ou l’échographieeineuse des membres inférieurs. Nous avons récemmentémontré que l’utilisation d’une aide informatisée à la déci-ion sur ordinateur de poche réalisant un calcul individualisét dynamique de la probabilité d’EP avait un impact plusmportant que la diffusion d’un algorithme sur la qualitées décisions diagnostiques prises (publication en cours).et outil devrait être bientôt disponible dans le commerce.

Une stratégie diagnostique est considérée comme validéeV) si par rapport au test de référence, l’angiographie oue suivi à trois mois sans traitement, elle permet d’obtenirne probabilité résiduelle d’EP de moins de 5 % (diagnos-ic d’exclusion), ou une probabilité d’EP supérieure à 85 %diagnostic de confirmation). Les calculs sont réalisés poures valeurs prétest de 8 % (PC faible), 35 % (PC moyenne) et0 % (PC forte) [5].

rise en charge thérapeutique

rincipes thérapeutiques et analyse de gravitéeux éléments principaux vont guider la prise en chargehérapeutique. Le premier est l’analyse diagnostique. Enffet, considérant que de la précocité du traitement dépende risque immédiat, une anticoagulation doit être débutée

vant même que le diagnostic ne soit confirmé dès lors que lauspicion clinique est importante et qu’il n’y a pas de contre-ndication [14]. Inversement, quand la probabilité cliniquest faible, il n’est pas souhaitable de mettre un traitement’attente avant confirmation diagnostique, ce traitement

dm2ls

es raisons techniques ; s’il est négatif et que la probabilité cliniqueque la probabilité clinique est faible.

tant probablement inutile et comportant toujours un risqueémorragique.

Le second est l’analyse de gravité. La présence d’uneypotension artérielle (pression artérielle systolique infé-ieure à 90 mmHg) est associée à une mortalité hospitalièree 15 à 60 % et justifie pleinement le recours à des mesureshérapeutiques lourdes [15]. La baisse de la pression arté-ielle est cependant le stade ultime de la défaillance hémo-ynamique lors d’une EP conduisant les auteurs à rechercheres critères de défaillance cardiaque droite préclinique. Lesarqueurs biologiques de souffrance ventriculaire comme

es troponines T et I, le brain natriuretic peptide (BNP)u son précurseur (pro-BNP), semblent très prometteursn particulier par la bonne valeur prédictive négative d’unésultat normal. Ils permettraient de cibler la réalisation’une analyse morphologique du VD aux patients ayant unésultat anormal, une dilatation du VD pouvant être pré-ictive d’une évolution défavorable [16,17]. Cependant, enaison de variations dans la définition des différents critèrest dans les populations où ils ont été étudiés, l’importanceleur accorder reste imprécise. Ainsi, les critères échogra-hiques de défaillance cardiaque droite vont d’un rapportentricule droit / ventricule gauche (VD/VC) > 0,5 à un rap-ort > 1, de la notion de septum paradoxal, de dysfonctionu VD, d’insuffisance tricuspidienne à l’association de ces

ifférents critères expliquant, au moins en partie, que laortalité en présence de signes échographiques varie de 0 à

0 % en fonction des études. Surtout, les signes cliniques sonte plus souvent très peu détaillés si bien qu’il s’avère impos-ible de savoir si les signes échographiques, scanographiques

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Prise en charge de l’embolie pulmonaire en urgence 445

Tableau 3 Pulmonary embolism severity index.

Variables prédictives Points

Données démographiquesÂge, par année Âge, en annéesSexe masculin +10

ComorbiditésCancer +30Insuffisance cardiaque +10Pathologie respiratoire chronique +10

Données cliniquesFréquence cardiaque > 100/min +20Pression artérielle systolique < 100 mmHg +30Fréquence respiratoire > 20/min +20Température < 36 ◦C +20Confusion, désorientation +60Saturation artérielle en oxygène < 90 % +20

Pour un patient donné, le score permettant l’estimation durisque est obtenu en additionnant l’âge en année et lespoints correspondants à chaque variable

Mortalité à 30 jours en pourcentage (IC à 95 %)

Classe de risque Dérivation(n = 10 354)

Validation interne(n = 5177)

Validation externe(n = 221)

Classe I : £ 65 1,1 (0,7—1,7) 1,6 (0,9—2,6) 0 (0—8,4)

Classe II : 66—85 3,1 (2,5—4,0) 3,5 (2,5—4,7) 0 (0—7,0)

Classe III : 86—105 6,5 (5,5—7,6) 7,1 (5,7—8,7) 0 (0—7,3)

Classe IV : 106—125 10,3 (8,9—11,9) 11,3 (9,2—13,7) 6,8 (1,4—18,7)

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Classe V : > 125 24,5 (22,7—26,4)

ou biologiques sont indépendants les uns des autres et indé-pendants des anomalies cliniques ou anamnestiques.

En pratique, l’analyse clinique et anamnestique restela pierre d’angle de l’étude de gravité. En plus des signeshémodynamiques, des antécédents cardiovasculaires, respi-ratoires, neurologiques et une pathologie néoplasique sontdes facteurs de risque indépendants de décès [18]. Cesconstatations ont été à l’origine de plusieurs scores cliniquesde gravité comme celui d’Aujesky ou pulmonary embolismseverity index (Tableau 3) [19]. Ce score a deux intérêtsmajeurs : définir un groupe de patients sans signe de chocmais ayant un risque important de décès et pouvant béné-ficier d’une prise en charge intensive (classes IV et V) et,inversement, définir un groupe de patients sans critère degravité pour lesquels une prise en charge ambulatoire pour-rait être envisagée (classes I et II).

Prise en charge thérapeutique en présence de

signes de gravitéL’anticoagulation est la base du traitement de l’EP. Il acomme objectif d’éviter l’aggravation et la récidive duprocessus thromboembolique conditionnant le risque vital

csddd

23,8 (21,4—26,5) 8,6 (1,8—23,1)

t le risque fonctionnel (cœur pulmonaire chronique, syn-rome post-phlébitique). Chez les patients en état de choc,a possibilité d’un recours à une fibrinolyse et/ou à desestes invasifs contre-indiquent l’utilisation d’un traitementnticoagulant d’action prolongée et/ou non rapidementntagonisable. L’héparine non fractionnée (HNF) par voientraveineuse est ainsi préconisée avec une dose de chargee 80 UI/kg puis une administration continue à raison de8 UI/kg par heure [14]. Le débit doit être adapté pourbtenir un TCA entre deux et trois fois le témoin sureux prélèvements successifs, TCA mesuré toutes les quatreeures jusqu’à équilibre.

Les traitements fibrinolytiques, vis-à-vis de l’héparine,nt pour intérêt de désobstruer plus rapidement le réseaurtériel pulmonaire. Malgré un faible niveau de preuve, ilxiste un consensus pour initier un traitement fibrinolytiquehez les patients en état de choc considérant leur risque deécès [14]. Débuter une fibrinolyse chez un patient en arrêt

ardiaque non transportable sans risque et ayant une forteuspicion d’EP est aussi accepté. En raison de sa rapidité’action, le rt-PA (Actilyse®) à la posologie de 100 mg sureux heures en perfusion continue fait référence. L’héparineoit alors être interrompue et reprise uniquement lorsque
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e TCA est inférieur à deux fois le témoin (contrôle touteses deux heures). La ténectéplace (Métalyse®) a l’avantage’être administrable en bolus et sans interruption de l’HNFais est encore en cours d’évaluation dans l’EP. L’intérête la fibrinolyse chez les patients non choqués mais ayant’autres critères de gravité comme une dilatation desavités droites reste très débattu [20,21]. Dans l’attenteu résultat d’une étude multicentrique internationale, ilemble raisonnable de ne pas fibrinolyser ces patients enrgence mais de les admettre dans une structure permettante le faire sans délai si leur état clinique se dégrade.

Le traitement symptomatique de l’EP grave repose sur’oxygénothérapie à haut débit, un remplissage vasculaireodéré et l’administration de dobutamine à raison de 5 à

0 �g/kg par minute. Si une hypotension artérielle persistealgré ce traitement, l’administration de noradrénaline

0,1 à 1 �g/kg par minute) est habituellement préconisée22].

rise en charge thérapeutique en l’absence deigne de gravitélusieurs études ont démontré que l’utilisation première’une héparine de bas poids moléculaire (HBPM) ou du fon-aparinux sans monitorage biologique était au minimumussi efficace et aussi sûre que l’HNF [23]. L’HNF par voientraveineuse ou sous-cutanée est cependant la seule hépa-ine possible chez les patients ayant une insuffisance rénaleévère.

Un traitement par antagoniste de la vitamine K peuttre initié dès le premier jour, l’héparine étant poursuivieusqu’à ce que l’INR soit en zone thérapeutique (entre deuxt trois) sur deux prélèvements consécutifs et au minimuminq jours. Le maintien d’un repos au lit n’aurait aucun inté-êt dans la prévention d’une nouvelle migration emboliquet l’utilité d’une contention élastique est démontrée essen-iellement pour la prévention du syndrome post-phlébitique14].

Le recours aux HBPM ou au fondaparinux permet’envisager une prise en charge ambulatoire ou après uneospitalisation de très courte durée des patients ayant uneP non grave. Une étude internationale s’appuyant sur lecore de gravité Pesi est en cours afin de démontrer sine telle prise en charge est sure et intéressante pour leatient comme pour la société en termes médicoécono-iques.

onclusion

a suspicion d’EP est une situation fréquente et complexe eta qualité de sa prise en charge représente un enjeu médi-al et économique important. Que ce soit par défaut ouar excès, sur le plan diagnostique ou sur le plan théra-eutique, une erreur peut mettre en jeu le pronostic vital

u patient. Afin d’avoir une pratique quotidienne conformeux recommandations internationales, l’utilisation de scores’évaluation de la probabilité clinique ou de la gravité et’algorithmes décisionnels sont des aides dont l’importanceété démontrée.

[

P.-M. Roy et al.

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