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Prise en charge des cellulites maxillofaciales

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Page 1: Prise en charge des cellulites maxillofaciales

Le Praticien en anesthésie réanimation (2008) 12, 309—315

MISE AU POINT

Prise en charge des cellulites maxillofaciales

Management of facial and cervical celullitis

Julien La Rosaa, Stéphanie Bouvierb,Olivier Langerona,∗,1

a Département d’anesthésie-réanimation, CHU de la Pitié-Salpêtrière,47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, Franceb Service de chirurgie maxillofaciale, CHU de la Pitié-Salpêtrière,47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France

Disponible sur Internet le 31 octobre 2008

MOT CLÉCellulitemaxillofaciale

Résumé Les cellulites cervicofaciales compliquent une infection dentaire ou oropharyngéeà germes aéro- et anaérobies. Elles se propagent par contiguïté vers le cou et le médiastin. Ils’agit d’une véritable urgence qui concerne souvent des adultes jeunes et peut se compliquerde médiastinite, d’une obstruction des voies aériennes, d’une thrombose jugulaire ou d’unepneumonie. La tomodensitométrie cervicale permet de faire le bilan de l’extension de la cellu-lite. Le traitement repose sur une antibiothérapie adaptée et sur un drainage chirurgical parfoisextensif. L’anesthésie doit prendre en compte le risque de ventilation et d’intubation difficile.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDFacial cellulitis

Summary Cervical and facial cellulitis that more commonly occurs in young adults, originatesfrom an odontogenic or an oropharyngeal infection. Diffusion occurs through cervical fascias.The diagnosis must be established rapidly with the help of clinical and computed tomographyof the neck and chest data because of the risk of mediastinitis, airway obstruction, jugularvein thrombosis and pneumonia. Extension of the process is evaluated on a CT-scan of the neckand the thorax. Treatment is based on broad-spectrum antibiotics, and surgery that consists incervical and occasional thoracic drainage. Difficult ventilation and airway management mustbe anticipated before anaesthesia.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Introduction

Les cellulites cervicofaciales sont des infections développées dans le tissu celluloadi-peux de la face. Elles représentent une complication locorégionale d’un foyer infectieux

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (O. Langeron).

1 Photo.

1279-7960/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.pratan.2008.09.001

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e plus souvent d’origine dentaire, mais aussi de’oropharynx (angine ou phlegmon périamygdalien).ette infection se propage par contiguïté et non par voieématogène ou lymphatique. Dans la majorité des cas,l s’agit d’une infection polymicrobienne associant desermes aérobies et anaérobies [1—3]. Cette pathologieréquente de l’adulte jeune à prédominance masculine,’apparence banale au départ est une réelle urgence. Enffet, les cellulites peuvent mettre en jeu rapidement leronostic vital du patient, en particulier dans sa formeiffuse ou gangréneuse, et leur prise en charge nécessitee plus souvent un traitement médicochirurgical avec uneospitalisation dans un service spécialisé.

La fréquence des cellulites graves est difficile à éva-uer. En effet, elle dépend de la définition retenue de laravité de cette pathologie. Ce caractère de gravité estrésent dans près de 20 % des cas, avec comme complica-ions possibles mettant en jeu le pronostic vital la survenue :’une obstruction des voies aériennes, d’une médiastinite,’une thrombose de la veine jugulaire ou d’une pneumonie1]. Les facteurs prédictifs des formes graves de cellulitesont mal définis. Les anti-inflammatoires non stéroïdiensAINS) sont souvent cités comme un facteur favorisant lesormes sévères de cellulites aiguës diffuses cervicofaciales3]. D’autres facteurs de risque comme l’existence d’un dia-ète ou d’une hémopathie ou d’une maladie de système ontté rapportés [1,3].

hysiopathologie

e tissu celluloadipeux de la face est organisé en différentesoges anatomiques séparées par les plans musculaires, apo-évrotiques et osseux. Ces loges assurent des espaces delissement entre les différents plans musculaires. La dif-usion de l’infection d’origine oropharyngée s’effectue leong des fascias, mais aussi des différents plans osseux etusculaires [1]. Les principales localisations des abcès se

rouvent dans l’espace pharyngé latéral et dans l’espaceous-mandibulaire [1—3]. L’extension au médiastin d’uneellulite cervicofaciale est une complication grave. Elle’explique par la diffusion de l’infection de haut en basia les fascias cervicaux selon trois voies de propagationorrespondant à trois régions anatomiques du cou :

l’espace rétropharyngé entre la loge viscérale en anté-rieur et le plan vertébral en postérieur, communiquantavec le médiastin postérieur ;la gouttière vasculonerveuse de chaque côté, limitée parsa gaine, communiquant avec les gros vaisseaux et lemédiastin antérieur ;l’espace prétrachéal situé entre la trachée et la thyroïdecommuniquant avec le médiastin antérieur.

Ces données anatomiques expliquent parfaitement laécessité d’un abord thoracique en cas d’extensionédiastinale d’une cellulite cervicofaciale. De même,

ne propagation de l’infection est possible à partir des

aisseaux, en particulier des veines à l’origine de throm-ophlébites (veine faciale essentiellement) ou de rarissimesétastases septiques secondaires.C’est une infection d’origine dentaire qui est le point

e départ de la plupart des cellulites aiguës cervicofa-

J. La Rosa et al.

iales. Les causes péridentaires comme la parodontolyseont, elles, plutôt à l’origine de simples abcès sous-périostést peuvent exceptionnellement être responsables d’une cel-ulite. La cause principale est donc l’infection du périapexprès mortification pulpaire dont l’origine est une carie oulus rarement un traumatisme dentaire. L’infection gagnensuite l’espace périapical de facon aiguë ou chronique.’est le stade du granulome apical, souvent latent mais quieut à tout moment peut se « réactiver » et aboutir au pire àne cellulite. La péricoronarite de la troisième molaire infé-ieure possède un caractère topographique particulier, carans ce cas, c’est l’infection de la muqueuse péridentairet du sac péricoronaire qui est le point de départ de la cellu-ite. Dans les autres cas, c’est par voie trans-ostéopériostée,partir d’un granulome apical ou d’un kyste apicodentaire,ue l’infection se propage vers les loges de la face consti-uant la cellulite cervicofaciale.

La flore commensale buccale est constituée de nom-reuses bactéries, dont Fusobacterium, Prevotella, Veillo-ella, Eubacterium, Actinomyces et des cocci à Gramositif, représentant le « réservoir bactérien » à l’origine desellulites. Ainsi, Streptocoque viridans, Prevotella et lestaphylocoques coagulase négative ou positive sont parmies bactéries retrouvées le plus souvent au cours des cellu-ites cervicofaciales [1—3].

linique

a présentation clinique des cellulites dépend à la foise leur localisation, et du stade de l’infection : séreuse,ollectée, diffuse ou gangréneuse. Il existe deux grandesocalisations topographiques de cellulites cervicofaciales :érimaxillaires et périmandibulaires. Les cellulites péri-axillaires engagent rarement le pronostic vital.

En revanche, les cellulites à point de départmandibulaire de part leurs caractéristiques

anatomiques ont un fort potentiel d’extensionlocorégionale, en particulier sur les voies

aériennes et le médiastin, et sont donc plusgraves que les cellulites périmaxillaires.

Parmi les cellulites périmaxillaires, on distingue plusieursormes cliniques possibles :

la cellulite labiale ou labionarinaire ;la cellulite nasogéniennne qui est caractérisée parl’apparition rapide d’un œdème palpébral inférieur, avecun risque de thrombophlébite de la veine faciale ;la cellulite génienne qui comporte un risque par extensionde phlegmon périorbitaire ;la cellulite infratemporale qui se caractérise par un tris-mus important mais reste exceptionnelle.

Parmi les cellulites périmandibulaires, on distingue :les cellulites labiomentonnières ;les cellulites géniennes qui sont responsables d’un trismus

relativement important ;les cellulites sous-mandibulaires, en particulier du plan-cher buccal qui se caractérisent par un œdème important,pouvant entraîner une obstruction des voies aériennessupérieures par bascule postérieure de la base de la
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Prise en charge des cellulites maxillofaciales

langue ; il peut exister dans ce cas une dyspnée associéeà une hypersialorrhée avec un risque d’asphyxie ;

• les cellulites péripharyngées dont l’incidence est rare,mais dont le pronostic est péjoratif, car pouvant êtrele point de départ d’une atteinte médiastinale et dontl’extension sera appréciée au mieux par un examen tomo-densitométrique, la clinique étant souvent pauvre ou enretard par rapport à la tomodensitométrie.

L’évolution clinique des cellulites maxillofaciales se faiten trois phases : séreuse, collectée et diffuse.

La cellulite séreuse correspond à la forme débutante detoute cellulite. Les signes cliniques sont avant tout locauxavec un œdème et une peau en regard qui est tendue etrouge. Cette tuméfaction faciale est douloureuse à la palpa-tion mais n’est pas mobile par rapport à un plan profond. Ellefait suite à une douleur dentaire ou peut être contemporainede celle-ci, les signes généraux étant absents. En l’absencede tout traitement approprié, son évolution se fera vers lasuppuration et rarement vers la rétrocession. Avec un trai-tement étiologique précoce, les symptômes s’amendent enl’espace de 48 à 72 heures.

La cellulite collectée apparaît le plus souvent dans lessuites d’une cellulite séreuse. Les douleurs sont plus impor-tantes, pulsatiles. Il peut exister un trismus en fonctionde la localisation de la dent causale. Des signes générauxapparaissent : une fièvre modérée, l’asthénie. Surtout cli-niquement, la peau est rouge, tendue, luisante et chaude.La palpation retrouve une tuméfaction limitée fluctuante etbien percue au palper bidigital, adhérente au plan osseux.L’examen endobuccal est indispensable pour retrouver ladent causale et rechercher une tuméfaction vestibulaireet un œdème du plancher buccal associé. Spontanément,l’abcès peut se fistuliser à la peau, mais en l’absence detraitement, le risque est la migration de cette collectionvers les espaces voisins, responsable alors d’une cellulitediffuse. La guérison de ces cellulites ne se fera qu’après undrainage chirurgical de la collection, un traitement de ladent causale et une antibiothérapie.

La cellulite aiguë diffuse ou gangréneuse est caractériséepar une extension rapide de l’infection avec des nécrosestissulaires importantes. Les symptômes sont intenses asso-ciés à des signes généraux importants, réalisant parfois unvéritable tableau de choc septique. Localement il existeune tuméfaction extrêmement douloureuse avec une peauindurée en regard et parfois nécrotique. Une crépitationsous-cutanée peut être retrouvée. Ce type de celluliteest par définition très rapidement extensif, atteignant lesrégions anatomiques voisines, avec un risque importantde médiastinite. Un trismus serré est souvent présent. Leparage et le drainage chirurgical de ces lésions met enévidence des tissus nécrotiques sans collection purulenteproprement dite.

Examens complémentaires

Ils sont deux ordres : bactériologiques et radiologiques.Outre, la réalisation d’hémocultures aéro/anaérobies,des prélèvements bactériologiques de toute suppurationdoivent être réalisés. Des précautions assurant la qua-lité des prélèvements, mais aussi de leur transport et

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e leur ensemencement sur milieux aéro- et anaérobiesevront être prises afin de ne pas ignorer une infec-ion à germes anaérobies. Un antibiogramme permettant’adapter l’antibiothérapie initiale sera aussi effectué.a tomodensitométrie cervicothoracique, avec injectione produit de contraste, permet de préciser au mieux’extension de la cellulite avec la possibilité de throm-ophlébite ou de médiastinite associées. Le diagnostic deédiastinite repose sur la présence d’un ou plusieurs élé-ents suivants : l’élargissement du médiastin, la présence’adénopathies, l’hypodensité de la graisse médiastinale,e bulles de gaz, de zones liquidiennes (abcès collec-és), d’épanchement pleural et/ou péricardique. De plus,a tomodensitométrie peut guider la voie d’abord chirur-icale. En effet, en cas d’infection se propageant sousa bifurcation trachéale, une thoracotomie associée à laervicotomie est indiquée permettant éventuellement lerainage d’une pleurésie ou d’une péricardite purulente,ans le cas contraire la cervicotomie seule peut suffire [4].

raitement

e traitement est d’abord celui de la cause de l’infection,’est à dire de la porte d’entrée d’origine dentaire lelus souvent, une antibiothérapie probabiliste puis adap-ée aux prélèvements microbiologiques avec un traitementymptomatique en particulier antalgique. Le traitement dea cellulite comporte aussi un drainage chirurgical dont’importance et la voie d’abord dépendent de l’extension dea cellulite en particulier au niveau médiastinal. L’intérêt de’oxygénothérapie hyperbare est discuté, il serait éventuel-ement indiqué en cas d’infection documentée à Clostridium3].

’antibiothérapie

’antibiothérapie [5] est initialement probabiliste, ellest adaptée par la suite en fonction des résultats desifférents prélèvements effectués (hémocultures, prélève-ents peropératoires). En première intention, l’association’antibiotiques recommandée regroupe les pénicillines

(amoxicilline) et les 5-nitro-imidazolés. En deuxièmentention, on peut utiliser l’association amoxicilline—acidelavulanique. Les glycopeptides ou les lincosamides sontrescrits en cas d’allergie aux �-lactamines. L’utilisation deséphalosporines est possible en deuxième intention pour ceype d’infection, après documentation microbiologique etn fonction de l’antibiogramme. Ces produits sont admi-istrés par voie intraveineuse, les posologies doivent êtredaptées à la gravité clinique et à la profondeur du foyernfectieux.

e traitement du foyer dentaire

n fonction du stade clinique de la cellulite et du degré’atteinte de la dent causale, ce traitement va de la simple

répanation à l’avulsion de la dent. La trépanation den-aire permet l’ouverture large de la cavité pulpaire et lerainage du foyer apical, préservant la dent ; en effet unebturation canalaire pourra être réalisée à distance de cetpisode infectieux. Ce traitement est réservé aux cellulites
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u stade séreux sans délabrement dentaire trop important,inon l’avulsion de la dent causale est pratiquée sous anes-hésie locale. Une cellulite au stade collecté justifie d’unerise en charge chirurgicale et l’avulsion de la dent causaleuel que soit son degré d’atteinte. Le geste est pratiquéu bloc opératoire sous anesthésie générale au décours durainage de la cellulite. Un traitement complémentaire dea cavité buccale s’avère parfois nécessaire afin de prévenirout autre épisode infectieux similaire.

e traitement chirurgical

a prise en charge des cellulites graves (collectées ou aiguëiffuse) repose sur le traitement chirurgical et une antibio-hérapie adaptée. Le traitement chirurgical consiste en unrainage large de la collection sous anesthésie générale.es lames de drainage endobuccales, parfois transcer-icales, sont mises en place en position déclive. Ellesermettent ensuite la réalisation de lavages antiseptiquesluriquotidiens. La prise en charge chirurgicale des cellulitesangréneuses justifie l’association de drainages multiplesn particulier cervicaux et endobuccaux, d’incisions de

écharge cervicales larges et de l’excision de tous les tis-us nécrotiques. Plusieurs reprises chirurgicales peuvent’avérer nécessaires et les premiers lavages sont réalisésu mieux sous anesthésie générale. En cas de médiastinitessociée avec une extension en dessous de la bifurcation

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igure 1. Algorithmes de l’ID prévue (un général « chapeautant » l’algoaryngé pour l’intubation ; DSG : dispositif supraglottique.

J. La Rosa et al.

rachéale, une prise en charge en double équipe avec unehoracotomie est justifiée [3,4].

rise en charge anesthésique

’anesthésie des cellulites maxillofaciales comporte uneifficulté potentielle de contrôle des voies aériennesupérieures. En effet, les patients ayant une cellulite maxil-ofaciale ont un risque d’intubation difficile (ID), en raisonotamment d’un trismus et sont exposés au risque de ven-ilation au masque facial difficile (VMD) en raison d’undème ou même d’un possible obstacle (abcès) au niveau

es voies aériennes supérieures [6—8]. L’usage des algo-ithmes élaborés dans le cadre de la réactualisation de laonférence d’experts de la Sfar en cas de difficulté duontrôle des voies aériennes est recommandé dans cetteirconstance [9]. Ces algorithmes s’articulent autour de’oxygénation du patient et des moyens mis en œuvre pour

parvenir, avec en premier lieu la possibilité d’obteniru non, une ventilation au masque facial efficace et enecond lieu la difficulté prévue (ou non) d’intubation tra-

héale (Fig. 1 et 2). Les différents facteurs du contrôle desoies aériennes sont pris en compte : le patient (difficulté’oxygénation et/ou d’intubation trachéale), l’opérateurexpertise pour un panel de techniques et raisonnement partapes) ainsi que les différentes techniques d’oxygénation

rithme de l’intubation et celui de l’oxygénation) [9]. MLI : masque

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Tableau 1 Risque de ventilation au maque difficile(VMD) et intubation difficile (ID) selon la localisation dela cellulite, indépendamment de la présence de critèresprédictifs de VMD et/ou d’ID retenus par la conférenced’experts qui peuvent à eux seuls exposer aussi à un telrisque [6].

Localisation VMD ID

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Figure 2. Algorithme de l’ID imprévue [9]. MLI : masque laryngépour l’intubation.

et d’intubation trachéale. Le dernier élément, qui doit êtredéterminée est l’anesthésie qui détermine la possibilité demaintien ou non de la ventilation spontanée. La localisa-tion de la cellulite détermine la difficulté d’intubation et deventilation, et intervient donc dans le choix de la techniqued’anesthésie. En effet, selon la localisation anatomique dela cellulite et la présence ou non de critères prédictifs d’IDcomme le trismus ou une classe de Mallampati supérieur à 2,certains auteurs ont pu stratifier le risque d’ID [7,8]. Ainsi,les cellulites mandibulaires sont très souvent associées à untrismus qui est constant lors des cellulites du plancher buc-cal, de plus l’incidence de classe Mallampati supérieur à 2est plus élevée dans ces deux cas et par conséquent il existeun risque accru d’ID évalué par une plus grande fréquencedes grades de Cormack supérieur à 2 [8]. En revanche, lescellulites du maxillaire supérieur n’entraînent pas de dif-ficulté particulière d’intubation même en présence d’untrismus. En effet, le trismus ne revêt pas la même signi-fication dans les localisations maxillaires et mandibulaires.Réactionnel dans le premier cas, il témoigne d’une véritableinfiltration des parties molles dans le deuxième cas et d’uneprobabilité plus importante d’ID. Enfin, la difficulté maxi-male pour le contrôle des voies aériennes est représentéepar les cellulites avec une infiltration du plancher buccal[7,8]. En effet, on observe non seulement un risque trèsimportant d’ID avec un trismus non réductible sous anesthé-sie (dû à l’infiltration des tissus), mais aussi un risque derupture d’abcès lors de la laryngoscopie. De surcroît, il yexiste aussi une probabilité importante de VMD en raisonde l’œdème du plancher buccal qui entraîne un refoule-ment en arrière de la base de langue avec comme risqueultime l’obstruction des voies aériennes lors de la pertede conscience. Le risque de difficulté de contrôle des voiesaériennes selon la localisation de la cellulite est résumé dansle Tableau 1.

Ainsi, le choix de la technique d’anesthésie est for-

tement guidé par le risque de VMD et la nécessité dumaintien de la ventilation spontanée pour limiter le risqued’hypoxémie lors des manœuvres d’intubation trachéale.La technique de choix pour le contrôle des voies aériennesest la fibroscopie bronchique [10]. Quel que soit le pro-

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Plancher buccal + +Mandibule ± +Maxillaire − −

ocole de sédation utilisé, la possibilité d’une dépressionespiratoire ou d’une apnée doit être considérée. Le mode’administration des agents intraveineux doit être continuour permettre une titration par paliers en fonction deséponses individuelles, afin de limiter le risque d’apnée et’adapter le niveau de sédation ou d’analgésie au gesten cours. L’administration de propofol selon un programmeobjectif de concentration est parfaitement adaptée aux

irconstances [10]. Le rémifentanil administré égalementvec un objectif de concentration offre une solution alter-ative [10]. Enfin, l’administration conjointe de propofol ete rémifentanil est déconseillée, comme les autres associa-ions hypnotiques—morphiniques, en raison de la majorationu risque d’apnée. Les techniques de bloc des nerfs laryngése sont pas conseillées en cas de repères anatomiques dif-ciles comme cela peut être souvent le cas au cours d’uneellulite. La nébulisation associée à une instillation à tra-ers le canal opérateur d’un fibroscope reste la techniquea plus simple à réaliser. Il faut tenir compte de la dose totaledministrée de lidocaïne (un spray de lidocaïne 5 % égale àmg de lidocaïne) et ne pas dépasser une dose maximalee 4 à 6 mg/kg chez l’adulte. L’existence d’une obstruc-ion clinique des voies aériennes supérieures ou d’un stridoroivent faire considérer la réalisation d’emblée d’une tra-héotomie sous anesthésie locale sans sédation.

En cas de suspicion d’ID sans risque de VMD, la pertee la ventilation spontanée peut être envisagée. Danse cas, la profondeur de l’anesthésie doit être suffisanteais rapidement réversible pour optimiser les conditionse laryngoscopie et d’intubation, en levant notammentn trismus, et prévenir les réponses réflexes des voiesériennes supérieures. Le propofol est, comme précédem-ent, l’hypnotique de choix compte tenu du relâchementusculaire et de la diminution de la réactivité pharyngola-

yngé [10]. Les conditions d’intubation sont meilleures etes doses réduites quand le propofol est associé à un opiacéalfentanil, rémifentanil). Si la curarisation s’avère néces-aire (persistance d’une réactivité laryngée par exemple),eule la succinylcholine peut dans ce cas être recommandéen raison de sa courte durée d’action. Cependant, la varia-ilité interindividuelle concernant la durée d’action de lauccinylcholine est importante et des durées d’action supé-ieures à dix minutes ont été observées [11].

Si l’intubation trachéale fait l’objet d’une attention

rès importante, l’extubation trachéale est souvent négli-ée à tort. Il s’agit pourtant d’une période à risque,n particulier en cas de cellulite maxillofaciale lorsque’intubation a été difficile avec une intervention pouvantussi se compliquer d’œdème au niveau des voies aériennes
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upérieures. Dans un travail s’intéressant spécifiquementux complications respiratoires lors de l’intubation ou de’extubation trachéale, Asai et al. [12] ont montré que’incidence des complications était plus fréquente lorse l’extubation que de l’intubation (12,6 % versus 4,6 %),vec par ordre décroissant: épisodes de toux, désatura-ion (SpO2

< 90 %), pause respiratoire, obstruction des voiesériennes, laryngospasme, apnée—hypoventilation, réveilncomplet, vomissement et trismus. Comme pour l’ID, unetratégie doit être établie avant l’extubation des cellulites.es principaux objectifs sont : l’assurance d’une perméa-ilité des voies aériennes, la possibilité à tout momente réintuber la trachée et le maintien d’une oxygénationatisfaisante. Les deux principaux éléments qui régissent latratégie d’une extubation difficile prévue sont le test deuite et la mise en place d’un guide-échangeur creux (GEC).e principe du test de fuite est simple, il repose sur la pos-ibilité d’avoir un flux respiratoire lorsque le ballonnet dea sonde trachéale est dégonflé, celle-ci étant obturée avecn patient en ventilation spontanée. Ce test témoigne de’existence d’un espace suffisant entre la sonde d’intubationt la muqueuse des voies aériennes, ainsi l’obstruction desoies aériennes par l’œdème de la région glottique peut êtreépistée de facon très sensible par cette méthode et per-et de prédire la réussite de l’extubation en cas de fuite’air autour de la sonde trachéale, la spécificité du testst moins bonne et oblige une évaluation itérative [13].’évaluation de la filière laryngée et des voies aériennesupérieures grâce à une laryngoscopie ou à une fibrosco-ie permet en cas de doute d’authentifier un œdème et/oun obstacle. La deuxième étape repose sur l’utilisation d’unEC de sonde d’intubation trachéale. Le GEC permet uneécurisation des voies aériennes lors du retrait de la sonde’intubation oro- ou nasotrachéale ; grâce à son caractèreemi-rigide, il facilite la réintubation trachéale à l’insu enaisant coulisser la sonde le long de ce guide en cas deécessité. Plusieurs diamètres et longueurs sont de GECont disponibles, l’oxygénation à travers le GEC est possiblear débit continu (2 à 3 l par minute), un système de rac-ord mobile de type Luer Lock permet même, en cas deécessité, une connexion aisée avec un système d’injecteuranuel de ventilation. Le risque principal du GEC est celuiu pneumothorax occasionné par traumatisme direct ouarotraumatisme, notamment en cas de position trop dis-ale, ou d’un débit d’oxygène trop élevé par rapport à sonalibre [14]. Sa tolérance clinique est bonne, et la duréeu maintien du GEC en place n’a pas de réponse univoqueais son maintien au-delà d’un certain temps (supérieur à

ne heure) doit être discuté : soit le retrait est possible et’extubation trachéale a réussi, soit il est nécessaire de réin-uber la trachée du patient avant aggravation de son étatespiratoire. Parfois, le premier temps opératoire est unerachéotomie, si l’impossibilité d’une extubation trachéalest suspectée d’emblée ou si la prise en charge du patient leécessite, avec notamment l’existence d’une médiastiniteu le recours à des interventions chirurgicales itératives.

onclusion

es cellulites maxillofaciales sont des affections gravesécessitant un traitement urgent et une prise en charge

J. La Rosa et al.

édicochirurgicale pluridisciplinaire. Le traitement des cel-ulites maxillofaciales obéit à un principe intangible, celuie traiter une infection en la documentant par des pré-èvements bactériologiques et simultanément d’éradiquera porte d’entrée, ici très souvent d’origine dentaire. Larésentation clinique peut parfois sous-estimer l’étenduee l’infection, avec notamment une diffusion au médias-in. Pour préciser au mieux l’extension de l’infection uneomodensitométrie cervicomédiastinale est nécessaire. Elleermet de guider au mieux la stratégie chirurgicale et’indication d’une thoracotomie associée à la cervicoto-ie. Le traitement antibiotique repose sur une association’antibiotiques, avec en première intention l’administrationar voie parentérale de pénicillines A (amoxicilline) aveces 5-nitro-imidazolés. L’anesthésie de ces patients repré-ente une situation où les difficultés de ventilation (donc’oxygénation) et/ou d’intubation trachéale sont à envisa-er de principe, et où une stratégie devra être élaborée.elon la localisation anatomique de la cellulite et la pré-ence ou non de critères prédictifs d’ID et/ou de VMD, ilst possible de stratifier ce risque. Le risque maximal esteprésenté par les cellulites avec une infiltration du plan-her buccal. Les cellulites mandibulaires représentent unisque accru pour l’ID. Les cellulites du maxillaire supérieur’entraînent pas de difficulté spécifique plus importante’intubation même en présence d’un trismus. Dans tous lesas, il faut tenir compte des risques propres au patient poura ventilation au masque et l’intubation trachéale. Le choixe la technique d’anesthésie est guidé par le risque de VMDt la nécessité du maintien de la ventilation spontanée pourimiter le risque d’hypoxémie, source encore trop impor-ante de morbidité et de mortalité dans cette pathologie.

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