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dossier thématique Hémopathies malignes chez les sujets immunodéprimés Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 3 - Mai-juin 2013 138 Prise en charge des lymphoproliférations du VIH Management of HIV-associated lymphoma J. Reure*, N. Mounier* * Service d’hémato- logie clinique, hôpital de l’Archet, Nice. RÉSUMÉ Summary » Le risque de développer un lymphome non hodgkinien (LNH) pour une personne infectée par le VIH est 200 fois supérieur à celui observé dans la population générale. Ce risque est multiplié par 20 en cas de lymphome de Hodgkin (LH). Si l’incidence des LNH a beaucoup diminué à l’ère des thérapies antirétrovirales, ils restent la première cause de cancer chez les patients infectés par le VIH. Ils doivent donc bénéficier d’une prise en charge thérapeutique adaptée à leurs caractéristiques anatomopathologiques, physiopathologiques et pronostiques. Mots-clés : Lymphomes non hodgkiniens − Lymphomes de Hodgkin − VIH − Chimiothérapie. The risk of developing Non-Hodgkin Lymphoma (NHL) for HIV-infected patients is 200 times higher than that observed in the general population. This risk is increased 20-fold in case of Hodgkin Lymphoma (HL). While the incidence of NHL has declined significantly in the era of antiretroviral therapy, they remain the first cause of cancer for HIV-infected patients. They should receive therapeutic care appropriate to their pathological features, pathophysiology and prognosis. Keywords: Non Hodgkin Lymphoma − Hodgkin Lymphoma − HIV − Chemotherapy. L’ infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est associée à une augmenta- tion importante du risque de diverses affec- tions malignes. Les résultats de l’enquête nationale “Mortalité 2005” ont montré que les cancers étaient responsables d’un tiers des décès observés chez les patients infectés par le VIH, dont 42 % de cancers clas- sant sida (lymphome non hodgkinien [LNH], sarcome de Kaposi et cancer du col utérin) et 58 % de cancers non classant sida (1). Parmi les 150 000 personnes infectées par le VIH en 2012 (7 000 nouvelles contaminations par an), les LNH et les lymphomes de Hodgkin (LH) sont respectivement, selon les données OncoVIH 2006, la première et la cinquième tumeur chez ces patients (figure) [2]. Le risque de développer un LNH pour une personne infectée par le VIH est 200 fois supérieur à celui observé dans la population générale (3, 4). Le risque est multiplié par 20 dans le cas du LH. Il est d’autant plus élevé que le taux de CD4 est bas. L’amélioration du statut immuno- virologique des porteurs du VIH, grâce aux antirétro- viraux, est associée à une diminution des cas de LNH mais, paradoxalement, l’incidence des LH est en aug- mentation. Compte tenu de ces éléments, les patients infectés par le VIH et atteints d’un lymphome doivent bénéficier d’une prise en charge thérapeutique adaptée. Lymphomes non hodgkiniens Pathologie Si l’incidence des LNH a beaucoup diminué à l’ère des thérapies antirétrovirales, leur risque de survenue reste toujours largement augmenté par rapport à celui de la population générale. Les LNH associés au VIH sont de façon prédomi- nante des lymphomes B (de sous-type centroblas- tique, immunoblastique ou anaplasique ou de type Burkitt) ; ils sont plus volontiers de haut grade histo- logique que dans la population non infectée par le VIH. Les entités clinicobiologiques plus rares (< 10 %) sont représentées par les lymphomes des séreuses, les LNH plasmoblastiques et les LNH des sujets immunodéprimés après une transplantation (5) . Les 2 facteurs principaux impliqués dans la lympho- magenèse sont : le virus Epstein-Barr (EBV), qui est présent dans 30 à 70 % des cas contre seulement 10 à 20 % des cas chez les patients séronégatifs pour le VIH, infecte les lymphocytes B et les transforme en lignées lympho- blastoïdes immortelles. Il exprime des protéines onco- gènes comme LMP1 (récepteur de type CD40 activé) et induit l’expression de NF-κB, qui stimule la prolifération et inhibe l’apoptose ;

Prise en charge des lymphoproliférations du VIH · des LNH-VIH justifie d’appliquer des chimiothérapies à hautes doses. L’essai LNH-HIV-93, mené par le GELA, a randomisé

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d o s s i e r t h é m a t i q u e

Hémopathies malignes chez les sujets

immunodéprimés

Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 3 - Mai-juin 2013138

Prise en charge des lymphoproliférations du VIHManagement of HIV-associated lymphomaJ. Reure*, N. Mounier*

* Service d’hémato­logie clinique, hôpital de

l’Archet, Nice.

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Su

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y

» Le risque de développer un lymphome non hodgkinien (LNH) pour une personne infectée par le VIH est 200 fois supérieur à celui observé dans la population générale. Ce risque est multiplié par 20 en cas de lymphome de Hodgkin (LH). Si l’incidence des LNH a beaucoup diminué à l’ère des thérapies antirétrovirales, ils restent la première cause de cancer chez les patients infectés par le VIH. Ils doivent donc bénéficier d’une prise en charge thérapeutique adaptée à leurs caractéristiques anatomopathologiques, physiopathologiques et pronostiques.

Mots-clés : Lymphomes non hodgkiniens − Lymphomes de Hodgkin − VIH − Chimiothérapie.

The risk of developing Non-Hodgkin Lymphoma (NHL) for HIV-infected patients is 200 times higher than that observed in the general population. This risk is increased 20-fold in case of Hodgkin Lymphoma (HL). While the incidence of NHL has declined significantly in the era of antiretroviral therapy, they remain the first cause of cancer for HIV-infected patients. They should receive therapeutic care appropriate to their pathological features, pathophysiology and prognosis.

Keywords: Non Hodgkin Lymphoma − Hodgkin Lymphoma − HIV − Chemotherapy.

L’ infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est associée à une augmenta-tion importante du risque de diverses affec-

tions malignes. Les résultats de l’enquête nationale “Mortalité 2005” ont montré que les cancers étaient responsables d’un tiers des décès observés chez les patients infectés par le VIH, dont 42 % de cancers clas-sant sida (lymphome non hodgkinien [LNH], sarcome de Kaposi et cancer du col utérin) et 58 % de cancers non classant sida (1). Parmi les 150 000 personnes infectées par le VIH en 2012 (7 000 nouvelles contaminations par an), les LNH et les lymphomes de Hodgkin (LH) sont respectivement, selon les données OncoVIH 2006, la première et la cinquième tumeur chez ces patients (figure) [2].Le risque de développer un LNH pour une personne infectée par le VIH est 200 fois supérieur à celui observé dans la population générale (3, 4). Le risque est multiplié par 20 dans le cas du LH. Il est d’autant plus élevé que le taux de CD4 est bas. L’amélioration du statut immuno-virologique des porteurs du VIH, grâce aux antirétro-viraux, est associée à une diminution des cas de LNH mais, paradoxalement, l’incidence des LH est en aug-mentation. Compte tenu de ces éléments, les patients infectés par le VIH et atteints d’un lymphome doivent bénéficier d’une prise en charge thérapeutique adaptée.

Lymphomes non hodgkiniens

PathologieSi l’incidence des LNH a beaucoup diminué à l’ère des thérapies antirétrovirales, leur risque de survenue reste toujours largement augmenté par rapport à celui de la population générale. Les LNH associés au VIH sont de façon prédomi-nante des lymphomes B (de sous-type centroblas-tique, immuno blastique ou anaplasique ou de type Burkitt) ; ils sont plus volontiers de haut grade histo-logique que dans la population non infectée par le VIH. Les entités clinicobiologiques plus rares (< 10 %) sont représentées par les lymphomes des séreuses, les LNH plasmoblastiques et les LNH des sujets immunodéprimés après une transplantation (5). Les 2 facteurs principaux impliqués dans la lympho-magenèse sont :

✓ le virus Epstein-Barr (EBV), qui est présent dans 30 à 70 % des cas contre seulement 10 à 20 % des cas chez les patients séronégatifs pour le VIH, infecte les lymphocytes B et les transforme en lignées lympho-blastoïdes immortelles. Il exprime des protéines onco-gènes comme LMP1 (récepteur de type CD40 activé) et induit l’expression de NF-κB, qui stimule la prolifération et inhibe l’apoptose ;

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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 3 - Mai-juin 2013 139

Prise en charge des lymphoproliférations du VIH

✓ l’activation des lymphocytes B au cours de la mala-die, par le VIH lui-même ou directement par activation du système immunitaire.

Facteurs pronostiquesActuellement, grâce aux traitements antirétroviraux actifs, la survie s’est améliorée avec des survies médianes (3-4 ans) proches de celles obtenues chez les patients VIH-négatifs (VIH–). Dans la plupart des publications, les facteurs liés au LNH (index pronostique international [IPI], type histologique) gardent leur valeur. Le taux de CD4 a également un impact sur la survie, un faible taux de CD4 étant un facteur de mauvais pronostic (tableau I) [6].

Principes du traitementChimiothérapies à fortes dosesLa chimiothérapie de référence reste le protocole CHOP (adriamycine [50 mg/m2 J1] + vincristine [1,2 mg/m2 J1] + cyclophosphamide [750 mg/m2 J1] + prednisone [40 mg/m2 J1 à J4 tous les 14 ou 21 jours]). Mais 2 atti-tudes s’opposent : soit un traitement allégé du fait du risque infectieux lié à l’immunosuppression, soit un traitement intensif pour mieux contrôler ces maladies agressives.Plusieurs équipes estiment que le mauvais pronostic des LNH-VIH justifie d’appliquer des chimiothérapies à hautes doses. L’essai LNH-HIV-93, mené par le GELA, a randomisé 109 patients entre une polychimiothérapie

Figure. Répartition des tumeurs chez les sujets VIH+ selon le sexe (enquête OncoVIH 2006).

Lymphomes

538 tumeurs décrites chez 534 hommes

Maladie de Kaposi

Anus

Poumon

Cutané non mélanome

0 50

Maladie de Hodgkin

Foie

ORLCancers urothéliaux

(vessie, uretère, urètre)Prostate

Côlon/rectum

Cutané mélanome

120

92

49

47

44

41

31

25

10

10

8

8

100 150

Lymphomes

136 tumeurs décrites chez 136 hommes

Sein

Maladie de Kaposi

Poumon

Maladie de Hodgkin

0 10

Col utérin

Anus

Foie

Cutané non mélanome

ORL

Cutané mélanome

Côlon/rectum

25

19

15

15

11

10

6

6

5

5

3

3

20 30

Tableau �I. Facteurs pronostiques (6).

Odds-ratio (IC95 ; valeur de p)

Hazard-ratio (IC95 ; valeur de p)

Réponse complète (RC)

Survie sans progression (SSP)

Survie globale (SG)

Liés au lymphomeHistologie

DLBCL (n = 761) Référence Référence Référence

BL/BLL (n = 324)

0,76 (0,50-1,18 ; 0,22)

1,46 (1,10-1,95 ; 0,009)

1,18 (0,90-1,54 ; 0,231)

Autres (n = 59)

0,65 (0,25-1,75 ; 0,39)

1,34 (0,71-2,55 ; 0,37)

1,55 (0,90-2,67 ; 0,113)

IPI 0,49 (0,40-0,59 ; < 0,001)

1,57 (1,37-1,80 ; < 0,001)

1,65 (1,46-1,86 ; <0,001)

Liés au VIH Taux de CD4 1,00 (0,99-1,01 ; 0,399)

1,00 (0,99-1,01 ; 0,791)

0,99 (0,98-1,00 ; 0,003)

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Hémopathies malignes chez les sujets

immunodéprimésd o s s i e r t h é m a t i q u e

Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 3 - Mai-juin 2013140

par ACVBP (cyclophosphamide, adriamycine, vendésine, bléomycine, et prednisone) et un traitement par CHOP conventionnel (7). Les toxicités hématologiques de grade 3-4 étaient plus fréquentes avec le protocole ACVBP (leucopénie : 75 % versus 36 % ; thrombopénie : 46 % versus 12 %). Les taux de réponse complète (RC) et de survie globale à 5 ans sont plus élevés après ACVBP, mais aucune des différences observées n’est statistiquement significative. Parallèlement et en suivant cette même idée, R.T. Costello et al. ont testé le régime CHOP à haute dose et ont rapporté un taux de survie à 3 ans de 43 % (8).Ces résultats encourageants pourraient être améliorés par des schémas d’administration en perfusion continue de type EPOCH. D’autre part, les résultats rapportés par les équipes américaines sont intéressants avec un taux de RC de 74 % et une survie à 5 ans estimée à 60 %.

Lymphome de BurkittLa plupart des équipes traitent les patients ayant un lymphome de Burkitt, d’emblée de mauvais pronos-tic, de manière identique à ce qui est proposé aux patients VIH–, par des chimiothérapies spécifiques de type COPADM (cyclophosphamide + vincristine + dexaméthasone + doxorubicine + méthotrexate) ou CODOX-M/IVAC (cyclophosphamide + vincristine + doxorubicine hydrochloride et haute dose de métho-trexate/ifosfamide + étoposide et haute dose de cyta-rabine), du fait d’une moindre immunodépression. Les résultats ne sont pas statistiquement différents chez les patients VIH– ou VIH+ (9) et les taux de survie à 2 ans sont encourageants (10).

GreffesDe petites séries d’autogreffes ont été rapportées par des équipes américaines et européennes, réalisées en consolidation après rechute avec un taux de survie aux alentours de 50 % à 3 ans. L’allogreffe, quant à elle, reste encore au stade expérimental.

Chimiothérapies combinées au rituximabL’association d’un anticorps monoclonal anti-CD20, le rituximab, à la chimiothérapie par CHOP (R-CHOP) a

démontré sa supériorité chez les patients non atteints du VIH. Du fait de la grande majorité de LNH CD20+ dans la population VIH+, cette association a été testée dans de nombreuses études de phase II (tableau II).La question majeure était d’estimer la toxicité, principa-lement infectieuse, due à la déplétion en lymphocytes B induite par le rituximab dans cette population déjà immunodéprimée par le VIH. Ces différentes études rapportent toutes des résultats très satisfaisants de l’uti-lisation du rituximab, particulièrement dans les sous-groupes de bon pronostic (IPI : 0-1 ou CD4 > 100/mm3). Les toxicités sont acceptables, comparables à celles observées chez les patients VIH–. Une analyse poolée comparant les études AMC010 et AMC034 retrouve, en analyse multivariée ajustée selon l’IPI et le taux de CD4, des survies globale (SG) et sans événement (SSE) augmentées dans le bras R-EPOCH versus R-CHOP. Dans les 2 essais, le taux de mortalité secondaire au traite-ment est plus élevé dans le sous-groupe ayant un taux de CD4 inférieur à 50/mm3.

Lymphomes hodgkiniens

PathologieL’incidence de la maladie de Hodgkin est de 5 à 10 fois plus élevée au cours de l’infection par le VIH et elle est estimée à environ 50 cas par an en France. Les formes histologiques de type “cellularité mixte” ou “déplétion lymphocytaire” sont observées plus fréquemment que dans la population générale, avec une présentation souvent plus péjorative (12). Sur le plan physiopatholo-gique, le LH peut survenir en l’absence de déficit immu-nitaire majeur (250 CD4/mm3) et semble constamment associé à l’EBV (80-100 % de détection in situ d’EBV). Les cellules de Reed-Sternberg infectées par l’EBV expri-ment EBER (ARN codé par le virus EBV), et les antigènes EBNA-1, LMP-1 et LMP-2. LMP-1 est un oncogène viral qui entraîne la production d’une protéine transmembra-naire activant des voies de signalisation intracellulaire qui confèrent à la cellule une activité proliférative et antiapoptotique. L’immunodépression contribue à la

Tableau �II. Chimiothérapies associées au rituximab dans le traitement des LNH associés au VIH.

Auteurs Protocole n Rémission complète (%) Survie à 2 ans (%)

M. Spina et al. (7) R-CDE 74 70 64

L.D. Kaplan et al. (11) R-CHOP 99 58 55

F. Boué et al. (3) R-CHOP 61 77 75

J.M. Ribera et al. (9) R-CHOP 81 69 56

AMC034 R-EPOCH 106 73 70

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Prise en charge des lymphoproliférations du VIH

survenue des LH en inhibant le contrôle des cellules infectées par l’EBV. Le pronostic de ces patients est en général plus péjoratif que dans la population générale car il s’agit souvent d’hommes, avec un stade avancé et une lymphopénie inférieure à 600/mm3. Les autres facteurs pronostiques retrouvés sont la réponse aux antirétroviraux et l’obtention d’une rémission complète à la fin de la chimiothérapie (13).Cependant, en dépit de l’agressivité de la maladie chez le patient infecté par le VIH, le pronostic a été amélioré ces dernières années, grâce à l’optimisation des com-binaisons antirétrovirales et antitumorales.

ChimiothérapiesABVD : le standardLe schéma ABVD (doxorubicine + bléomycine + vin-blastine + dacarbazine), avant l’ère des thérapies anti-rétrovirales, montrait un taux de RC de 43 % et une SG moyenne de 1,5 an avec un risque d’infections oppor-tunistes de 29 %. En association avec les tri thérapies et le G-CSF, l’ABVD apporte une amélioration spectaculaire du taux de RC (87 %) avec un taux de rechute de 11 % après 6 à 8 cycles (14). La SSE est de 71 % et la survie globale de 76 %, le taux de mortalité étant de 10 % seulement. Une analyse rétrospective a étudié le suivi à long terme des patients atteints de LH-VIH de stade avancé et traités par ABVD (15). Des taux importants d’infections opportunistes et de seconds cancers sont retrouvés, spécialement dans le groupe de patients avec un taux de CD4 bas et une charge virale élevée. Ces données soulignent encore l’importance cruciale du maintien de la réponse virale et immunologique par les thérapies antirétrovirales pour améliorer la survie à long terme des patients atteints de LH associé au VIH. Récemment, le groupe allemand d’étude des lym-phomes associés au VIH a présenté les résultats d’une grande étude prospective qui a testé une stratégie thérapeutique adaptée au risque et au stade (16). Les patients de stade favorable ont reçu 2 à 4 cycles d’ABVD suivis de 30 Gy sur les champs d’irradiation. Les patients de pronostic défavorable ont reçu 4 cycles de BEACOPP ou 4 cycles d’ABVD + 30 Gy d’irradiation. Six à 8 cycles de BEACOPP ont été proposés aux patients avec un LH

de stade avancé. Enfin, chez les sujets pour lesquels le LNH était associé à une infection avancée par le VIH, le BEACOPP a été remplacé par l’ABVD. Les taux de RC sont respectivement de 96 %, 100 % et 86 % pour ces 3 groupes. La survie sans progression à 2 ans est de 91,7 % avec un suivi médian de 26 mois. La SG à 2 ans est de 90,7 %. Ni le score pronostique international (IPS), ni le compte de CD4 n’ont de valeur pronostique et les patients présentent des résultats semblables, indépendamment du stade de la maladie. De plus, ces résultats sont comparables à ceux des patients VIH–. Une deuxième étude, publiée par S. Montoto et al. (17), a comparé des patients, tant VIH+ que VIH–, traités avec ABVD pendant l’ère des traitements antirétroviraux hautement actifs. Malgré le biais (étude rétrospective, 44 % des patients VIH– n’ont pas reçu d’ABVD et n’ont pas été inclus dans l’étude comparativement à 12 % des patients VIH+) en faveur de la population non infec-tée par le VIH, il n’y a aucune différence en termes de résultat clinique entre les 2 groupes. De même, le taux de CD4 n’a pas d’influence sur la survie, contrairement au score IPI.

Autres polychimiothérapies (tableau III)B. Xicoy et al. ont montré que la chimiothérapie par ABVD dans les formes agressives de LH permettait d’obtenir des résultats comparables chez ces patients à ceux obtenus avec des schémas de type BEACOPP, Stanford V ou VEBEP en termes de RC. Le traitement par ABVD doit donc être considéré comme le traitement de référence (14,18-20).

Conclusion

En dépit de leur relative rareté, les lymphomes associés au VIH doivent être considérés comme des entités à part entière. Le traitement des patients atteints d’un lymphome associé au VIH rejoint progressivement celui des patients VIH–, avec un pronostic qui s’en rapproche pour certains. Les facteurs pronostiques sont principalement le score IPI et le taux de CD4, d’où l’importance capitale de la copres-cription de traitements antirétroviraux adaptés. ■

Tableau �III. Comparaison ABVD versus autres polychimiothérapies utilisées dans le traitement des LH associés au VIH.

Auteurs Protocole Rémission complète (%) Survie à 2 ans (%)

B. Xicoy et al. (14) ABVD 87 76

P. Hartmann et al. (18) BEACOPP 100 83

M. Spina et al. (19) Stanford V 81 76

M. Spina et al. (20) VEBEP 76 80

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R é f ér en c es

L’auteur n’a pas précisé ses éventuels liens d’intérêts.

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Prise en charge des lymphoproliférations du VIH

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R é f é r e n c e s