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1 PRISE EN CHARGE PÉRI-OPÉRATOIRE EN ENDOCRINOLOGIE L Simon, P Chanson I- DIABÈTE DE TYPE 2 ET CHIRURGIE Le risque chirurgical chez le diabétique Une intervention chirurgicale quelconque chez un diabétique s'accompagne d'un risque non négligeable notamment sur le plan cardiovasculaire. En effet, le patient diabétique est particulièrement exposé aux complications coronaires et cardiaques, qui peuvent être découvertes ou s'aggraver à l'occasion d'une intervention chirurgicale. Par ailleurs, le diabète, surtout s'il est mal équilibré, peut aussi être responsable de complications opératoires ou postopératoires. Ainsi, les infections sont plus fréquentes, la cicatrisation plus longue et l'intervention quelle qu'elle soit risque de déséquilibrer le diabète et de prolonger l'hospita- lisation. Enfin, des facteurs comme le fait de rester à jeun, certains médicaments utilisés pendant l'anesthésie ou pour régulariser la tension artérielle, ou enfin l'utilisation de dérivés de la cortisone, peuvent majorer les risques de déséquilibre du diabète. Le bilan pré-anesthésique doit être minutieux Lorsque le bilan pré-anesthésique, maintenant obligatoire, est réalisé correctement, les risques liés au diabète diminuent. L'anesthésiste vérifie qu'il n'y a pas de maladie coronaire sous-jacente. En effet, les problèmes

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PRISE EN CHARGE PÉRI-OPÉRATOIRE EN ENDOCRINOLOGIE

L Simon, P Chanson

I- DIABÈTE DE TYPE 2 ET CHIRURGIE

Le risque chirurgical chez le diabétiqueUne intervention chirurgicale quelconque chez un diabétique s'accompagne d'un risque non négligeable notamment sur le plan cardiovasculaire. En effet, le patient diabétique est particulièrement exposé aux complications coronaires et cardiaques, qui peuvent être découvertes ou s'aggraver à l'occasion d'une intervention chirurgicale. Par ailleurs, le diabète, surtout s'il est mal équilibré, peut aussi être responsable de complications opératoires ou postopératoires. Ainsi, les infections sont plus fréquentes, la cicatrisation plus longue et l'intervention quelle qu'elle soit risque de déséquilibrer le diabète et de prolonger l'hospitalisation.Enfin, des facteurs comme le fait de rester à jeun, certains médicaments utilisés pendant l'anesthésie ou pour régulariser la tension artérielle, ou enfin l'utilisation de dérivés de la cortisone, peuvent majorer les risques de déséquilibre du diabète.

Le bilan pré-anesthésique doit être minutieuxLorsque le bilan pré-anesthésique, maintenant obligatoire, est réalisé correctement, les risques liés au diabète diminuent. L'anesthésiste vérifie qu'il n'y a pas de maladie coronaire sous-jacente. En effet, les problèmes coronaires peuvent se développer à bas-bruit chez les diabétiques et passer inaperçus : l'électrocardiogramme doit donc être systématique, complété d'une épreuve d'effort au moindre doute, voire d'explorations complémentaires avant d'envisager une intervention chirurgicale, si cette dernière n'est pas urgente.Le deuxième impératif auquel doit s'attacher l'anesthésiste est d'obtenir un équilibre, le meilleur possible, du diabète avant l'intervention. Ceci permet d'éviter toutes les complications per et postopératoires liées au déséquilibre du diabète.

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La prise en charge du diabète dans les jours qui précèdentet qui suivent l'intervention

– Avant l'intervention, si l'équilibre du diabète est médiocre (glycémie à jeun supérieure à 2 gr/l), il est souvent préférable de mettre en route pendant quelques jours un traitement par l'insuline, de façon transitoire. Ainsi, on proposera un traitement par une injection matin et soir d'insuline intermédiaire de type NPH. Dans d'autres cas, on préférera trois injections d'insuline de type rapide associées à de l'insuline intermédiaire le soir. Ceci permettra de ramener la glycémie à des valeurs acceptables. Même pour de petites interventions, la mise en route de cette insulinothérapie est souvent indispensable et justifie parfois d'hospitaliser le patient quelques jours supplémentaires, avant l'intervention. Ces précautions permettent de diminuer les problèmes postopératoires et de raccourcir par là même la durée d'hospitalisation postopératoire.

– Au moment de l'intervention, les médicaments antidiabétiques seront arrêtés le jour de l'intervention pour les sulfamides hypoglycémiants, 48 heures avant l'intervention pour les biguanides. Les glycémies capillaires seront surveillées, particulièrement si la chirurgie est importante. Si la glycémie monte de façon trop importante le jour ou le lendemain de l'intervention (glycémie supérieure à 2 gr/l), un traitement par l'insuline sera mis en route, là encore de façon provisoire, par deux ou trois injections par jour d'insuline. Pendant la période opératoire, une insulinothérapie par voie intraveineuse à la seringue auto-pousseuse peut être nécessaire sous contrôle de la glycémie capillaire.

– Après l'intervention, la reprise du traitement médicamenteux habituel du diabète non insulinodépendant sera possible lorsque le patient aura repris son alimentation normale.

Il faut rappeler au patient de ne pas oublier de « prévenir » l'anesthésisteou le chirurgien qu’il est « diabétique » !Rappelons encore qu'il est indispensable que l'anesthésiste et le chirurgien soient prévenus de l'existence d'un diabète chez un patient. Lorsque l'intervention n'est pas urgente, il est souvent beaucoup plus « rentable » d'équilibrer très correctement le diabète, au besoin au moyen d'insuline si le régime et les médicaments n'y

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suffisent pas, pour opérer le patient dans les meilleures conditions de glycémie. Ceci évitera les complications postopératoires et les hospitalisations prolongées du fait d'un retard de cicatrisation, d'une infection persistante ou d'un déséquilibre grave et traînant du diabète.

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II- DIABÈTE DE TYPE 1 ET SITUATION DE JEÛNE.

En cas d’intolérance gastrique,

Ne jamais arrêter l’insuline. Essayer des collations liquides fractionnées Sinon hospitalisation pour administration de soluté glucosé IV. Toujours penser à vérifier la cétonurie ou la cétonémie car les troubles

digestifs peuvent être révélateurs d’une cétose débutante .

Examen nécessitant d’être à jeun plus d’une heure :

Hospitaliser pour perfusion glucosée, maintenir l’insuline sous-cutanée (pour certains réduite de 25 %). Encore que ceci ne soit plus vraiment nécessaire pour les patients sous analogue lent qu’il suffit de laisser agir.

Chirurgie avec réalimentation dans les 24 h

Apports glucosés habituels sous forme de perfusion IV.Maintenir l’insulinothérapie basale. Prévoir des suppléments d’insuline Ultrarapide sous-cutanée à la demande en

fonction des chiffres des glycémies capillaires.

Chirurgie plus lourde et jeûne plus long :

Préférer l’infusion continue par voie veineuse à la seringue électrique en association avec l’administration IV de solutés glucosés.

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III- TRAITEMENT PRÉVENTIF DE L’INSUFFISANCE SURRÉNALE AIGUË (ISA).

Des mesures simples permettent d’éviter la plupart des insuffisances surrénales aiguës.

L’éducation du patient est indispensable. Il faut enseigner au patient la nécessité d’augmenter lui-même les doses (au minimum 2 ou 3 fois) de son traitement substitutif en cas de stress infectieux, traumatique ou même psychologique (passage d’un examen). L’importance d’un régime normalement salé, la prévention de la déshydratation en cas de forte chaleur doivent être expliquées. Une carte d’Addisonien portant mention des traitements (gluco- et minéralocorticoïdes) prescrits est confiée au patient.

L’éducation du médecin traitant est indispensable.Il doit vérifier les augmentations de doses réalisées par son patient en cas de problème intercurrent. Il doit également, en cas de vomissements, interdisant la prise du traitement oral habituel, pouvoir assurer un traitement parentéral pendant quelques jours (par exemple 50 mg d’hémisuccinate d’hydrocortisone injectés par voie intramusculaire). Toutefois si cette situation se prolonge au-delà de 48 heures, la crainte d’une décompensation doit faire hospitaliser le patient. La prescription de diurétiques est déconseillée.

Le médecin urgentiste recevant un insuffisant surrénalien souffrant d’un sepsis, d’un traumatisme, d’une nécrose myocardique, ou encore une femme enceinte en début de travail,  l’anesthésiste préparant l’intervention d’un Addisonien, doivent également être avertis des risques d’ISA. Les doses classiquement recommandées sont de 50-100 mg d’hémisuccinate d’hydrocortisone pour la dose initiale (à l’arrivée aux urgences ou avant le départ au bloc) puis de 50 mg toutes les 6 à 8 heures, par voie veineuse ou intramusculaire. Les doses sont ensuite diminuées progressivement (de moitié chaque jour environ) jusqu’aux doses substitutives antérieures prises per os.Des auteurs de plus en plus nombreux pensent que les doses proposées habituellement (200 à 300 mg d’hémisuccinate d’hydrocortisone le 1er

jour) sont surestimées, des études chez l’animal ayant montré que la couverture substitutive habituelle est suffisante en cas d’intervention chirurgicale. Des schémas adaptés aux types d’intervention sont maintenant proposés évitant ces doses majeures (Tableau 1).

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Tableau 1. Adaptation de doses de la substitution surrénalienne en cas de pathologie intercurrente aiguë.

Type de stress médical ou chirurgical Dose d’hydrocortisoneMINIME

Cure de hernie inguinaleColoscopieMaladie avec fièvre modéréeNausées/Vomissements modérésGastroentérite

Pas de changement de la dose (25-30 mg d’hydrocortisone) mais donné IV le jour de la procédure

MODÉRÉCholécystectomieHémicolectomieMaladie avec forte fièvrePneumopathieGastroentérite sévère

50-75 mg d’hydrocortisone IV le jour de la procédure ou le temps de la maladie puis retour à la dose habituelle en 1 à 2 jours

SÉVÈREChirurgie cardiothoracique majeureChirurgie abdominale majeureHépatectomiePancréatiteTraumatisme

50 mg d’hydrocortisone IV toutes les 6 heures le jour de la procédure ou le temps de la maladie puis retour à la dose habituelle en diminuant de moitié la dose chaque jour

ÉTATS CRITIQUES EN GÉNÉRALHypotension liée au sepsis ICA

50-100 mg d’hydrocortisone IV toutes les 6-8 heures jusqu’à disparition de l’ICA (peut durer plusieurs jours voire plus d’une semaine) puis retour progressif à la dose habituelle en fonction des signes vitaux et de la natrémie

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IV- BILAN HYPOPHYSAIRE FONCTIONNEL AVANT ET APRÈS UNE

INTERVENTION SUR L’HYPOPHYSE

Ce bilan permet de vérifier la présence ou l’absence d’insuffisance ante-

hypophysaire et de donner un traitement adapté.

1. Déficit corticotrope

Les tests de référence pour la mise en évidence d’un déficit corticotrope sont

l’hypoglycémie insulinique et le test à la métopirone.

a. Test à la métopirone

En cas de déficit corticotrope, le test à la métopirone est négatif (absence d’élé-

vation du composé S au-dessus de 10 µg/dL).

b. Hypoglycémie insulinique

En cas d’insuffisance corticotrope, le cortisol ne s’élève pas au-delà de 20 µg/dL

(550 nmol/L), à condition que la glycémie au cours de l’hypoglycémie insulini-

que se soit abaissée à moins de 2,2 mmol/L (0,40 g/L), mais une hypoglycé-

mie est parfois difficile à obtenir chez l’obèse. Elle est contre-indiquée en cas

d’insuffisance coronarienne et de comitialité.

c. Autres tests

Compte tenu des inconvénients du test à la métopirone et de l’hypoglycémie

insulinique, d’autres tests plus simples sont parfois utilisés.

- Simple dosage de la cortisolémie

Une cortisolémie à 8 h, > 20 µg/dL (550 nmol/L), élimine le diagnostic d’insuf-

fisance surrénale. Une cortisolémie < 3 µg/dL (83 nmol/L) affirme de façon

certaine l’insuffisance surrénalienne.

Entre ces deux valeurs, la sensibilité et la spécificité de ce dosage sont médiocres,

ce qui explique qu’un test dynamique soit indispensable dans la majorité des cas.

- Test au Synacthène immédiat 250 µg

Ce test est considéré comme positif (affirmant l’intégrité corticotrope) si la cortiso-

lémie > 20 µg/dL (550 nmol/L). En fait, la validité de ce test est remise en ques-

tion en particulier dans la période postopératoire immédiate, ou chez les patients

porteurs d’insuffisance corticotrope partielle, car il peut être faussement positif.

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- Test à la CRH

Le test à la CRH (100 µg IV) avec des prélèvements pour dosages du cortisol est

un test simple, réalisable en dehors de toute hospitalisation. Une valeur de corti-

solémie > 20 µg/dL (550 nmol/L) indique une fonction cortisolique normale.

Souvent, sans attendre les résultats du bilan, on préfère d’emblée considérer que le

patient est potentiellement en insuffisance surrénale secondaire (insuffisance

corticotrope) et on met en route un traitement par hydrocortisone à doses

substitutives (20 à 30 mg par jour)

2. Déficit thyréotrope

Le déficit en TSH ne peut pas être mis en évidence par un dosage de TSH

(concentrations de TSH le plus souvent normales chez les patients présentant

une authentique hypothyroïdie secondaire ou un déficit thyréotrope).

Le test à la TRH n’offre également pas d’intérêt diagnostique pour préciser l’exis-

tence d’une insuffisance thyréotrope. En effet, même en cas d’authentique défi-

cit thyréotrope, des réponses de TSH à la TRH de tous les types sont observées :

absence de réponse, réponse normale ou réponse ample.

Le seul dosage permettant réellement de faire le diagnostic d’hypothyroïdie

d’origine hypothalamo-hypophysaire est donc la mise en évidence d’une dimi-

nution de la concentration plasmatique de T4 libre, sans élévation de celle de

TSH. La mesure de la T3 libre est moins utile car elle est fréquemment normale.

3. Déficit gonadotrope

a. Chez la femme

- Avant la ménopause

Le diagnostic d’une insuffisance gonadotrope est essentiellement clinique : il est

établi sur l’existence d’une aménorrhée ou d’une oligoménorrhée, associées à

des signes de déprivation œstrogénique (baisse de la libido, sécheresse vaginale,

dyspareunie, etc.). Typiquement, l’estradiol plasmatique est bas, alors que les

gonadotrophines, en particulier la FSH, ne sont pas élevées (parfois basses ou

dans les valeurs « normales »). Les tests dynamiques (test à la LHRH) ont peu

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d’intérêt : la réponse peut être faible, normale ou exagérée, en fonction de la

profondeur du déficit.

- Après la ménopause

Le diagnostic est établi sur le dosage basal des gonadotrophines : elles sont

basses ou dans les valeurs correspondant aux femmes en période d’activité

génitale, alors qu’on les attend élevées chez la femme ménopausée.

b. Chez l’homme

Le diagnostic d’hypogonadisme hypogonadotrophique est établi sur la présence

de troubles sexuels (baisse de la libido) associés à une concentration basse de

testostérone, sans élévation des gonadotrophines (en particulier de FSH) qui

sont basses ou dans les valeurs « normales ». Le test à la LHRH n’offre pas

d’intérêt diagnostique.

Il faut aussi savoir que l’hyperprolactinémie peut, en soi, être responsable d’un

déficit gonadotrope fonctionnel par effet direct de l’hyperprolactinémie sur les

neurones à GnRH. Dans ce cas, la correction de l’hyperprolactinémie permet de

restaurer une fonction gonadotrope et donc gonadique normale.

4. Déficit somatotrope

a. Déficit en hormone de croissance chez l’enfant

Le diagnostic est établi devant un retard de croissance et une absence de réponse

adéquate à la stimulation de la GH par différents tests, en particulier celui de

l’hypoglycémie insulinique.

b. Chez l’adulte

Le déficit en GH est le plus fréquent de tous les déficits hypophysaires puisqu’il

est présent dès qu’une, au moins, des autres hormones antéhypophysaires est

déficiente. Faire le diagnostic de déficit en hormone de croissance n’a réelle-

ment d’intérêt que dans l’hypothèse de la mise en route d’un traitement par

GH chez l’adulte. Si un traitement par GH est envisagé, il faut pouvoir disposer

des résultats d’au moins deux tests de stimulation de la GH. Les tests généra-

lement recommandés chez l’adulte sont l’hypoglycémie insulinique ou le test

associant la GHRH (growth hormone releasing hormone) (1 µg/kg intravei-

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neux) avec l’arginine (0,5 g/kg intraveineux), ou encore le test à la clonidine. Si

la réponse de la GH est < 3 µg/L après hypoglycémie insulinique, le déficit en

GH peut justifier un traitement par GH.

5. Fonction lactotrope

On vérifie si la PRL est normale ou élevée (en cas de compression de la tige

ptuitaire) ou de lesion hypothalamique.