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privés de liberté privés de LIBERTÉ

Privés de liberté · Le CICR visite des personnes privées de liberté lors des conflits depuis 1915. Dès les premiers mois de la Première Guerre mondiale, lorsqu’il a

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privés de libertéprivés de LIBERTÉ

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Comité international de la Croix-RougeDivision de l’Agence centrale de recherches et des activités de protection19, avenue de la Paix1202 Genève, SuisseT + 41 22 734 60 01 F + 41 22 733 20 57E-mail: [email protected] www.cicr.org

Photos: CICRFévrier 2003

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Même dans les sociétés fon-dées sur l’état de droit, si lesautorités se sentent mena-cées, elles peuvent être ten-tées de recourir à la force demanière excessive pour attein-dre leurs objectifs politiquesou militaires.

Il en va de même pour les factionsd’opposition. Les personnes pri-vées de liberté dans ces contextessont particulièrement vulnérables.Elles risquent de disparaître ou d’ê-tre les victimes d’actes de tortureou de mauvais traitements.

Sur la base du droit internationalhumanitaire et du mandat reçu dela communauté internationale, leComité international de la Croix-Rouge (CICR) a la responsabilitéd’agir en faveur des victimes des

conflits armés internes ou interna-tionaux et d’autres situations de vio-lence. Depuis 1915, le CICR adéveloppé des modalités de travailpour assurer la visite et le suivi despersonnes privées de liberté. En sefondant sur les Conventions deGenève ou après avoir obtenu l’accord des autorités détentrices, ilvisite régulièrement les prisonniers,les détenus et les internés et suitleur cas jusqu’à leur libération. Cesvisites répétées lui permettent d’é-valuer les conditions psychiques etmatérielles de détention.

Le CICR rend compte de sesobservations aux autorités et, sinécessaire, il leur demande deprendre des mesures pour fairecesser les abus constatés ou pourremédier aux carences du systèmecarcéral.

Bien que le risque d’arrestationarbitraire constitue un problèmemajeur, notamment dans les situa-tions de violence interne, le CICRrespecte une stricte neutralité: il nese prononce pas sur le bien-fondédes incarcérations et limite ses ob-servations et ses demandes au trai-tement des détenus – notammentpendant leur interrogatoire –, etaux conditions de détention. Il s’as-sure néanmoins que les personnesfaisant l’objet de poursuites judi-ciaires bénéficient des garantiesminimales consacrées par le droitinternational.

Par son action, le CICR contribue auxefforts déployés par la communautéinternationale en faveur du respectdes normes du droit internationalhumanitaire et des principes géné-raux des droits de l’homme.

Protection des prisonniers: une nécessité

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Le CICR visite des personnesprivées de liberté lors desconflits depuis 1915. Dès lespremiers mois de la PremièreGuerre mondiale, lorsqu’il aété établi que la guerre seraitlongue, le sort des prisonniersde guerre et des internés civilsa préoccupé l’institution: desa propre initiative, et avecl’accord des belligérants, leCICR a commencé à visiter cespersonnes.

Son but était d’encourager lesparties à apporter les améliora-tions nécessaires aux conditionsde détention des prisonniers et depouvoir renseigner les gouverne-ments et les familles sur leur sort.Cette pratique a ensuite été co-difiée dans le droit internationalhumanitaire, notamment dans la

Convention de Genève de 1929sur les prisonniers de guerre. En1918 et en 1919, les délégués duCICR ont en outre entrepris lespremières visites de détenus desécurité, à Petrograd (Russie) et enHongrie. Pendant la SecondeGuerre mondiale, ils ont effectuéplus de 11 170 visites dans descamps de prisonniers de guerreou d’internés civils aux mains desÉtats parties à la Convention deGenève de 1929.

Après 1945, le CICR a adaptéson action aux besoins créés parles nouvelles formes de conflits. Ila ainsi offert ses services aux bel-ligérants et visité des captifs lorsdes guerres du Viet Nam et del’Afghanistan, dans les conflitsinternes au Mozambique, en ElSalvador, au Nicaragua, ou encore

dans les situations de tensioninterne comme celle qu’a connuel’Afrique du Sud. Parallèlement, leCICR a continué de protéger etd’assister les prisonniers de guer-re pendant et après des conflitsarmés internationaux (Falklands/Malouines, Iran/Irak, Panama/États-Unis, guerre du Golfe, Équa-teur /Pérou, Érythrée/Éthiopie).

Visite aux prisonniers: une pratique néeau début du XXe siècle 2

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Le droit international humanitaire: une protectionpour les personnes privées de liberté

Le droit international humani-taire contient de nombreusesdispositions portant sur la si-tuation des personnes privéesde liberté.

En cas de conflit armé internatio-nal, les personnes suivantes sontprotégées par les Conventions deGenève de 1949 et par le Pro-tocole additionnel I:

les prisonniers de guerre, par laIlle Convention de Genève, quileur est entièrement consacrée(exemple: lors de la guerre duGolfe, les prisonniers irakiens dé-tenus par la coalition et les prison-niers des pays de la coalition auxmains des autorités irakiennes);

les internés civils, à savoir lescivils privés de liberté pour des

raisons de sécurité, par laIVe Convention de Genève relati-ve à la protection des personnesciviles en temps de guerre (exem-ple: les ressortissants irakiensvivant en Angleterre, en Italie eten France internés dans ces pays,dès le début de la guerre duGolfe);

en cas d’occupation de territoi-re, les personnes suspectées ouaccusées d’avoir commis desactes hostiles à la puissance occu-pante, les personnes jugées pourde tels actes et les détenus dedroit commun, par des disposi-tions de la IVe Convention (exem-ple: les Palestiniens détenus ouinternés par Israël).

Les États parties aux Conven-tions de Genève se sont engagés,

en cas de conflit armé internatio-nal, à autoriser les délégués duCICR à visiter les personnes men-tionnées ci-dessus.

Dans une situation de conflit arménon international, l’article 3 com-mun aux Conventions de Genèveet le Protocole additionnel II pro-tègent les personnes qui ne parti-cipent pas ou plus aux hostilités,en particulier les personnes pri-vées de liberté.

Le CICR agit en faveur de cesdernières sur la base de son droitd’initiative conventionnel. Dans lapratique, il s’inspire des conceptsapplicables aux conflits armésinternationaux pour définir lesdétenus auxquels il veut avoiraccès: membres des forces ar-mées gouvernementales, rebelles

armés capturés par l’ennemi, civilsarrêtés par le gouvernement oupar l’opposition armée en raisonde leur soutien, réel ou supposé,aux forces adverses. Le CICR vi-site également les personnes qui,par leur appartenance ethnique,leur religion, leurs croyances, etc.,sont prédisposées à être victimesde persécutions.

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Dans les situations de tensions oude troubles internes, Le CICRpeut également offrir ses servicesaux autorités. Il agit alors sur labase de son droit d’initiativehumanitaire (consacré par lesStatuts du Mouvement internatio-nal de la Croix-Rouge et duCroissant-Rouge et accepté parles États), selon la gravité et l’ur-gence des besoins humanitairesconstatés. Dans le domaine de ladétention, ces deux notionsdépendent de critères tels que lenombre des arrestations, le fonc-tionnement des mécanismes decontrôle à l’intérieur du pays, lecomportement des forces de l’ordre, les allégations de mauvaistraitements et de disparitions.

De même, dans d’autres situations(profonde perturbation de l’ordrepublic, carence de garanties mini-males pour les individus, etc.), leCICR peut proposer ses servicesaux autorités; ce sera le cas si lenombre de personnes affectéespar la situation est élevé, ou s’il

est convaincu que son interven-tion peut calmer la tension.

Au fil des années, le CICR a pro-gressivement étendu le champ deson action: les détenus de droitcommun sont inclus dans sesdémarches et ses visites, s’ils par-tagent les mêmes locaux que despersonnes arrêtées en raisond’une situation de tensions ou detroubles internes ou s’ils souffrentdes conséquences directes de lasituation. Lorsque, par exemple,l’approvisionnement alimentairedes prisons est déficient (ce quiaffecte tous les détenus, quel quesoit leur statut ou la raison de leurarrestation), le CICR demande auxautorités de prendre les mesuresnécessaires pour y remédier. Et sile CICR apporte une assistancecomplémentaire, celle-ci sera dis-tribuée à tous les détenus.

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Seconde Guerre mondiale. L’objectifdu CICR était d’obtenir l’accès àtoutes les personnes capturéesaux mains de toutes les parties auconflit. Cependant, l’institutionn’a pas toujours obtenu cet accès.Dans d’autres situations, les visi-tes du CICR aux personnes arrê-tées, détenues non seulement parles autorités gouvernementales,mais aussi par des mouvementsde libération ou d’opposition, ontcontribué à leur protection.

C’est à l’occasion de la guerrecivile russe, de 1917 à 1921,que le CICR a visité pour Iapremière fois des personnescapturées pendant un conflitarmé interne. Ses délégués sesont alors inspirés de la pra-tique développée pour lesprisonniers de guerre.

Cette action a pris une ampleurparticulière avec la multiplicationdes conflits internes après la

Visites des prisonniers capturés à l’occasion d’un confit armé interne

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Pour mener ses visites enfaveur des personnes privéesde liberté, le CICR constituedes équipes comprenant auminimum un délégué et unmédecin (parfois un infir-mier).

En fait, l’effectif des équipes et ladurée de la visite dépendent del’ampleur des problèmes attenduset de l’importance des lieux à voir:deux personnes sont suffisantespour visiter un poste de police àSri Lanka; il faudra en revancheune ou plusieurs équipes, tra-vaillant ensemble pendant denombreuses semaines, pour fairele même travail dans une grandeprison comptant de nombreusessections et plusieurs milliers deprisonniers, comme celle deShibergan, en Afghanistan.

Toutes les visites effectuées parle CICR se déroulent selon uneprocédure et des modalités spé-cifiques standardisées. Elles débu-tent par un premier échange devues avec les responsables du lieude détention, afin d’expliquer l’or-ganisation et le déroulement desvisites. Avec ces responsables, lesdélégués procèdent ensuite à uneévaluation technique de l’ensem-ble des installations (cellules, dor-toirs, latrines, douches, cours depromenade, parloirs, cuisines, ate-liers, salle de sport, lieux de culte,infirmerie, cellules disciplinaires,etc.).

Le «cœur» de la visite est cons-titué par les entretiens sanstémoin, c’est-à-dire en l’absencedes responsables du lieu et desgardiens, que les délégués ont

avec chaque détenu qui le sou-haite, ainsi qu’avec ceux que lesdélégués veulent entendre enprivé. De cette façon, l’équipe du CICR cherche notamment àidentifier ce qui, pour les détenus, constitue les problèmesprincipaux.

Sur la base des informations récol-tées et de leurs propres observa-tions et après analyse, les dé-légués présentent leurs constata-tions, conclusions et recomman-dations aux responsables du lieude détention et prennent note deleurs commentaires. Dans biendes cas, il est possible de résou-dre des problèmes en établissantune relation de travail suivie avecles autorités carcérales locales.

Visites du CICR: du constat aux démarches 6

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L’étape suivante consiste àentreprendre des démarchesauprès des autorités supérieures:très souvent, les problèmes desurpopulation ou d’approvision-nement en eau ou en nourritureou encore le manque de soinsmédicaux ne dépendent pas seu-lement du responsable du lieu dedétention mais d’autres instances(département des Affaires péni-tentiaires, ministère de la Santé,etc.). Ces démarches peuventprendre la forme d’entretiensoraux à différents échelons, ou dedocuments écrits, selon l’impor-tance et l’urgence des problèmes.

Régulièrement, le CICR remet auxplus hautes autorités du pays unesynthèse de ses constatationscouvrant une période ou unecatégorie de lieux de détention;elle porte non seulement sur lesproblèmes constatés, mais aussisur les améliorations enregistréesou les mesures prises.

Des conditions préalablesSur la base de l’expérience acqui-se au cours des années, le CICR aainsi défini des lignes directricesqui lui permettent d’évaluer unsystème carcéral avec un maxi-mum d’objectivité et de faire despropositions concrètes et réalisa-bles, tenant compte des coutu-mes et des standards locaux.

Quel que soit le contexte, le CICRn’entreprend de visiter des per-sonnes privées de liberté que siles autorités lui permettent de:

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voir toutes les personnes déte-nues qui entrent dans son champd’intérêt, et avoir accès à tous leslieux où elles se trouvent;

s’entretenir en privé et sanstémoin avec les détenus;

établir, lors de la visite, la listedes personnes détenues qu’il con-sidère relever de son mandat, ourecevoir des autorités une telleliste; être autorisé à la vérifier et,le cas échéant, à la compléter;

répéter ses visites à toutes lespersonnes détenues de son choix,selon une périodicité qu’il déter-mine seul, s’il estime que la situa-tion l’exige.

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Rapports confidentielsJusqu’à la fin des années 40, leCICR publiait les rapports qu’ilrédigeait suite à ses visites de per-sonnes détenues. Leur utilisation àdes fins polémiques d’ordre poli-tique a nui à la poursuite du dia-logue avec les autorités et con-traint le CICR à renoncer à leurpublication.

Depuis lors, seules les autoritésconcernées reçoivent les rapportsdu CICR. Celui-ci se réserve néan-moins le droit de publier l’inté-gralité du/des rapports impliquéssi ces autorités détentrices procè-dent à une divulgation tronquée.

Le lieu de détention: une réalité,trois perceptionsLes interventions des délégués duCICR en faveur des personnes privées de liberté reposent sur l’analyse et la synthèse d’infor-mations provenant principalementde trois sources:

les autorités, qui font part deleur conception du système car-céral et des conditions de déten-tion, ainsi que des problèmesqu’elles rencontrent;

les détenus, qui relatent leursexpériences et leurs difficultés;

les délégués, qui s’appuient surles informations données par cesdeux sources et sur leurs propres

observations pour procéder àleurs constatations.

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L’entretien entre délégué etdétenu, hors de la présencedes autorités, est la pierreangulaire de l’action que leCICR déploie en faveur despersonnes privées de liberté.

Cet «entretien sans témoin» adeux fonctions. D’une part, il offreau détenu une parenthèse dans savie de prisonnier, en lui permet-tant de s’exprimer librement etd’être écouté sur ce qui, pour lui,constitue l’essentiel. D’autre part,il permet au CICR de réunir tousles éléments relatifs aux condi-tions de détention et au traite-ment des personnes incarcérées.Le délégué qui mène l’entretiense renseigne aussi sur les circons-tances de l’arrestation, celles del’interrogatoire, sur les conditionsde détention dans les différents

lieux où le détenu a transité avantson arrivée dans le lieu visité.

Il peut également obtenir desinformations sur le sort d’éven-tuels codétenus dont l’arrestationn’a pas encore été notifiée auCICR ou avec lesquels il n’a pasété en mesure d’entrer en contact.Le délégué veillera également àce que cet entretien se déroulesans interférence des autres déte-nus, susceptibles d’exercer despressions.

Mener de tels entretiens estd’autant plus délicat que les récitsdes détenus ravivent souvent lesouvenir d’une expérience trau-matisante et qu’il ne peut aucu-nement être question de leur fairesubir un nouvel interrogatoire. Iln’existe pas de règles précises

pour cette tâche: c’est au déléguéd’évaluer la situation, cas par cas,et de s’adapter pour établir un cli-mat de confiance. Parfois, le faitde pouvoir parler à quelqu’unvenu de l’extérieur suffit au déte-nu pour se confier. Parfois, il fau-dra plusieurs visites pour qu’ilcommence à raconter son histoire.Parfois, enfin, il ne se livrera qu’aumédecin du CICR. Sur la base desinformations ainsi recueillies etrecoupées, le CICR définira lesdémarches à entreprendre.

Pour communiquer avec les déte-nus, le CICR recourt, si nécessaire,à des interprètes recrutés par lui,mais non ressortissants du paysdans lequel ont lieu les visites, afind’éviter toute pression. S’il n’endispose pas, le CICR peut deman-der aux détenus de désigner

parmi eux un ou plusieurs traduc-teurs: cependant, afin d’éviter d’éventuelles distorsions ou de mettre en danger le détenutraduisant les propos de sescamarades, le CICR ne recourtque rarement à cette pratique.

S’entretenir avec les détenus sans la présence desautorités: pierre angulaire de l’action du CICR

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Pour le CICR, l’intérêt directdu détenu visité prime surtoute autre considération. Lasituation de ce dernier peutsusciter des démarches ou uneintervention, mais nécessitetoujours une grande prudence.

En effet, en cas d’allégation demauvais traitement, le risque desreprésailles envers les détenus, dufait d’une intervention auprès desresponsables pénitentiaires, peutinciter le CICR à différer sademande d’enquête. Les délé-gués s’adresseront néanmoins àd’autres interlocuteurs, souvent auniveau supérieur, pour prévenirune telle situation. En tout cas,jamais le CICR ne citera le témoi-gnage d’un détenu sans son auto-risation expresse. Le CICR estsoucieux de l’impact de ses inter-

ventions sur le quotidien desdétenus, et il adapte ses démar-ches en conséquence. Répéter sesvisites de manière régulière dansle même lieu de détention luipermet d’assurer le suivi de cetimpact.

Le CICR veille aussi à ne pasperturber l’organisation internedes prisonniers. En effet, toutgroupe de captifs s’organise demanière à s’adapter au mieux à lapression de la vie carcérale: la hié-rarchie sociale extérieure ou lesmouvements politiques y sontparfois reconstitués; demander letransfert de détenus d’un blocvers un autre peut perturber cetteorganisation interne et avoir desrépercussions parfois graves:bagarres, rivalités entre groupesou privation de l’accès à certains

biens dont l’approvisionnementétait lié à leur présence dans unbloc particulier. Inversement, leCICR peut demander à ce quedes détenus soient transférésparce qu’ils subissent des brima-des et des mauvais traitementsinfligés par les compagnons decellule pour divers motifs (poli-tiques ou autres).

Une éthique de travail fondée sur l’intérêtdirect du détenu

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Toute situation de conflit oude violence à l’intérieur d’unpays comporte le risqued’exécutions extrajudiciairesou de disparitions forcées.

Pour prévenir les disparitions, l’identification aussi rapide quepossible des personnes arrêtées etle suivi de leur cas sont essentiels.C’est pour cette raison que le CICRdemande à être informé sans délaide l’arrestation et de la détentionde tout individu et à voir ces per-sonnes au plus vite. À l’occasionde la visite, le CICR relève l’identi-té complète de ces détenus et l’adresse de leur famille. Il peutainsi les «suivre» tout au long deleur incarcération: à chaque visitedans un lieu de détention, le CICRdemande à revoir les détenus dontil a pris l’identité. Si ce n’est pas

possible, il s’enquiert de la raisonde ce refus et de l’endroit où setrouve le détenu manquant. Si undétenu est transféré, le CICR cher-chera à le visiter dans son nouveaulieu de détention.

Ces visites seront poursuivies jus-qu’à ce que le danger ait considé-rablement diminué ou jusqu’à lalibération de la personne, et lesuivi individuel continuera parfoismême au-delà de celle-ci. En effet,il est parfois nécessaire de prendrecontact avec la famille pour s’as-surer que le détenu a effective-ment été libéré. Lorsque la si-tuation l’exige, en particulier s’iln’est pas en mesure de revoir unepersonne visitée, le CICR entre-prend des démarches orales etécrites auprès des plus hautesautorités jusqu’à ce qu’il obtienne

des informations satisfaisantes surson sort.

Le CICR intervient égalementauprès des autorités sur la base detémoignages d’arrestations queses délégués récoltent, ou à lademande de familles dont un pro-che n’a plus donné signe de vie.

Le suivi individuel des personnes arrêtées pour prévenirles exécutions extrajudiciaires et les disparitions

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Pour s’assurer qu’il voit effec-tivement tous les détenus, leCICR analyse chaque informa-tion que ses délégués rassem-blent sur le terrain.

S’il estime qu’il n’a pas accès à latotalité des détenus qu’il souhaitevoir, le CICR intervient auprès desautorités pour s’enquérir de leur sort.Son action ne se limite donc pas auxdétenus qu’il visite: elle se fondeaussi sur les témoignages que sesdélégués recueillent directementauprès de personnes ayant assisté àune arrestation, auprès de famillesdont un proche a disparu, ou auprèsde prisonniers qui signalent l’ab-sence d’un de leurs camarades.

Il arrive que des prisonniersapprennent aux délégués qu’ilsont été détenus dans des lieux

que les autorités n’ont pas annon-cés au CICR. Dans ces cas, le CICRnégociera l’accès à ces lieux etdemandera à être systématique-ment informé de leur existence.Cependant, s’il a la conviction queson intervention serait de natureà favoriser ou à amplifier unedétention non officielle et doncpotentiellement des disparitions,le CICR peut choisir de différer sesdémarches. Il s’efforcera néan-moins de suivre le sort des per-sonnes détenues dans ces lieux,sur la base de toutes les informa-tions qu’il peut récolter, notam-ment les témoignages de co-détenus jugés crédibles.

Registres et notifications: desmoyens de contrôleSouvent, le risque d’exécutionsextrajudiciaires et de disparitions

est accru lorsque les autorités nedisposent pas d’un système fiablede contrôle des présences, destransferts et des libérations dansles lieux de détention.

Pour pallier cette carence, le CICRmet l’accent sur la nécessité d’é-tablir une procédure: il recom-mande notamment la tenue deregistres ou la notification systé-matique aux autorités de la capi-tale de chaque arrestation,transfert ou libération. Il en souli-gne les avantages pour les déten-teurs dans la mesure où cetteprocédure permet de mieux orga-niser la vie quotidienne dans lelieu de détention, qu’il s’agisse de l’approvisionnement en nour-riture ou de l’organisation de lasécurité.

Parfois, les délégués du CICR ontparticipé à l’établissement du sys-tème à l’échelon national, parexemple, en formant les respon-sables locaux ou en apportant uneassistance matérielle.

Le CICR vérifie systématiquementles données fournies par les auto-rités sur la base des listes qu’il établit lui-même à l’occasion de ses visites ou d’après lestémoignages qu’il récolte auprèsde la population.

Une approche progressive 12

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Le CICR a choisi de fonder sonaction sur le dialogue avec lesparties au conflit et les autori-tés. Il s’agit d’influencer leurcomportement pour qu’ellesse conforment au droit et auxprincipes humanitaires.

Dans ce but, un climat de confian-ce, qui ne peut s’établir que dansla durée et par un travail continusur le terrain, doit être instauréavec les interlocuteurs. C’est unedes raisons qui ont poussé le CICRà mener ses démarches dans ladiscrétion. En contrepartie, l’insti-tution attend de ses interlocuteursqu’ils fassent preuve de la volon-té politique nécessaire pour amé-liorer la situation.

Dialogue et présence dans la durée: un choix stratégique

Les limites de la confidentialitéDialoguer avec les autorités et non pas dénoncer systématiquement des violations du droit international etdes principes humanitaires, telle est la base d’action du CICR. L’institution ne se laisse pas influencer parles médias ou toute autre forme de pression. Mais elle peut sortir de sa réserve, en cas de violations gra-ves et répétées, si elle constate que ses interventions confidentielles sont inefficaces ou que les autoritésn’ont manifestement pas l’intention de respecter le droit international humanitaire.

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Les Parties au conflit devront enregistrer, dans le

plus bref délai possible, tous les éléments propres

à identifier les blessés, les malades et les morts

de la partie adverse tombés en leur pouvoir. (...)

Les Parties au conflit établiront et se communique-

ront, par la voie indiquée à l’alinéa précédent*,

les actes de décès ou les listes de décès dûment

authentifiées...

Ire

Convention de Genève de 1949, article 16.

* à savoir l’Agence centrale de recherches.

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Toute l’action du CICR enfaveur des personnes privéesde liberté est fondée sur ledialogue avec les détenus,mais aussi avec les autorités.

Pour se faire l’idée la plus objectivepossible d’un lieu de détention oud’un système carcéral, il convientd’écouter ce que toutes les per-sonnes concernées ont à en dire.

Le dialogue avec les responsablesdes lieux de détention aide leCICR à déterminer si les problè-mes constatés découlent d’unecarence du système, d’un dys-fonctionnement occasionnel oud’une volonté manifeste. Un teldialogue permet également dedéterminer à quel niveau de lachaîne de commandement sesitue la source du problème

et auprès de quelles autoritésintervenir.

Selon les circonstances, il peut s’agir de débloquer un budget, defaciliter l’autosuffisance alimentai-re, de responsabiliser les autoritésciviles ou médicales locales, derétablir le dialogue entre gardienset autorités, voire, dans certainscas, de faire appel à des États tierspour une assistance spécifique.

La malnutrition des détenus peut,par exemple, découler de problè-mes très différents, allant d’unevolonté délibérée des détenteursà des difficultés d’ordre purementlogistique. Dans un pays d’Afrique,le CICR est ainsi intervenu auprèsdes ministères de l’Intérieur et desTransports pour obtenir d’urgencede la nourriture pour une prison et

la réparation du camion assurantson approvisionnement: rapide-ment, les détenus n’ont plus pré-senté de signes de malnutrition.

Les problèmes que connaissentles détenus peuvent aussi êtreimputés à l’attitude d’un gardienou d’un responsable. Dans un pre-mier temps, le CICR cherchera àconvaincre les instances responsa-bles de modifier leur comporte-ment. Si ses démarches n’a-boutissent pas, il s’adressera auxéchelons hiérarchiques supérieurs.

Dialoguer ne signifie pas tran-siger: tant qu’une solution n’estpas trouvée aux problèmeshumanitaires constatés, le CICRrépétera inlassablement ses inter-ventions. Pour ce faire, il utiliseratous les canaux à sa disposition:

du directeur de la prison au chefde l’État, il cherchera à atteindretoutes les personnes appartenantaux systèmes administratif, judi-ciaire, militaire, politique pouvantavoir une influence sur la situation.Si le CICR constate que ses effortsrestent vains et qu’il arrive à laconclusion qu’une initiative diffé-rente est dans l’intérêt des per-sonnes qu’il visite, il peut déciderde suspendre ou d’interrompreson action, voire de faire publi-quement appel aux États partiesaux Conventions de Genève pourqu’ils fassent respecter le droitinternational humanitaire.

Dialoguer sans transiger

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Préserver le contact entre leprisonnier et sa famille peutconstituer un élément in-dispensable au maintien deconditions de détention cor-rectes. Un tel contact estessentiel au bien-être psycho-logique du détenu. En outre,la famille peut lui apporter unsoutien matériel, souventvital.

Il arrive très souvent que le lienfamilial soit rompu à cause d’unesituation de conflit ou de troubles.Le CICR interviendra pour le fairerétablir. Sa demande vise à ce queles détenus soient autorisés àcommuniquer avec leurs prochespar l’intermédiaire de messagesCroix-Rouge (dont le contenu selimite à des nouvelles d’ordre per-sonnel et familial), et à recevoir des

visites de membres de leur familletout au long de leur détention.

Si la situation l’exige, et en coopé-ration avec les Sociétés nationalesde la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge, le CICR peut apporter unappui logistique ou financier aux

familles pour qu’elles puissent fairele voyage jusqu’aux lieux de déten-tion. En effet, il est relativementfréquent que les détenus soientincarcérés à des milliers de kilo-mètres de leur lieu d’origine et setrouvent ainsi totalement coupésde leurs proches.

Un élément essentiel: le rétablissementdu lien familial 16

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L’un des objectifs du CICR,lors de ses visites dans deslieux de détention, est de s’as-surer que les prisonniers sontdétenus dans des conditionsrespectueuses de la dignitéhumaine.

Ces conditions dépendent en pre-mier lieu des autorités détentrices.Mais, alors que celles-ci ont peut-être cette volonté, les moyensmanquent parfois pour satisfairecomplètement aux normes inter-nationales en la matière. Promou-voir des conditions matérielles etde traitement en accord avec ladignité implique fermeté sur lesprincipes et imagination pour lessolutions: il faut avant tout être àl’écoute des besoins exprimés parles détenus, en tenant compte ducontexte socioculturel local.

Certains détenus, par exemple, nedésirent pas vivre en cellule indivi-duelle comme le prévoient lesinstruments internationaux. La con-ception de l’espace vital peut doncvarier grandement d’une culture àl’autre, et le CICR doit moduler sesdémarches en conséquence.

L’une des priorités du CICR estde se familiariser avec l’environne-ment quotidien des détenus.Après un entretien avec le respon-sable du lieu de détention, la visi-te commence par une évaluationde l’ensemble des infrastructuresutilisées par les détenus. En pré-sence des autorités, les déléguésse font expliquer l’organisation etles tâches quotidiennes, du fonc-tionnement des cuisines au net-toyage des installations sanitaires,de l’aération des dortoirs au stoc-

kage des aliments; ils s’enquièrentaussi des facilités de visite pour lesfamilles, de l’accès à la cour de pro-menade, etc. Ces sujets sont reprislors des entretiens que les délé-gués ont en privé avec les détenus.Tous ces éléments seront complé-tés par leurs propres constatations.

La vie carcérale au quotidien

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Une assistance matérielle ponc-tuelle en cas d’urgenceLe but du CICR est de convaincre lesautorités détentrices d’adopter lesmesures nécessaires à des con-ditions de détention correctes, etnon de se substituer à elles enendossant leurs responsabilités à cetégard. Toutefois, si la situation l’exi-ge, et notamment si la survie desdétenus est en jeu, le CICR appor-tera une assistance matérielle. Ellepeut prendre la forme d’un complé-ment alimentaire, de médicamentspour le dispensaire de la prison, detravaux d’assainissement, de répa-rations. Parallèlement, le CICR rap-pellera aux autorités que la res-ponsabilité d’assurer des conditionsmatérielles et psychologiques dedétention correctes leur incombe, etleur demandera d’assumer leursobligations en tant que détenteur.

Un cas extrême: le RwandaLa situation carcérale résultant deseffets du génocide survenu auRwanda en 1994 a motivé uneaction peu courante du CICR. Eneffet, le gouvernement en place n’avait pas les moyens d’assumer saresponsabilité de détenteur, alorsque les prisons connaissaient unesurpopulation sans précédent etque la population exigeait desarrestations massives. Pour assurerla survie de dizaines de milliers dedétenus, le CICR a pris la décisiond’équiper de nouveaux lieux dedétention. Il a également pris encharge l’approvisionnement ali-mentaire des détenus dans les pri-sons, tout en demandant auxautorités d’assumer progressive-ment leurs responsabilités dans cedomaine.

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Le délégué du CICR est cons-cient que sa visite peut avoirété préparée par les autorités,voire savamment orchestrée.

Les murs peuvent avoir été re-peints, les sanitaires réparés, lanourriture être distribuée en quan-tité plus abondante ce jour-là, dessoins médicaux dispensés aux

malades. Si les améliorationsapportées sont durables et béné-ficient aux détenus, le CICR nepeut que s’en réjouir. Seules desvisites régulières peuvent confir-mer ou infirmer la permanence deces mesures.

L’expérience du délégué lui per-met de déceler ces manœuvres,

de même que les problèmes detraitement ou de conditions maté-rielles qui n’apparaissent pas aupremier abord. Pour cela, il doitconfronter les différentes versionsdes détenus et celle des autoritésaux observations qu’il aura pufaire lui-même. Ce n’est qu’enpoussant l’analyse au-delà desapparences, grâce à sa connais-

sance de l’environnement carcé-ral, qu’il lui sera possible de sefaire une idée précise des condi-tions de détention réelles, et d’intervenir de manière adéquateen accord avec les responsables.

Aller au-delà des apparences

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Évaluer des conditions de dé-tention, c’est tenir compte deparamètres spécifiques.

Ces paramètres sont les suivants:

les infrastructures du lieu dedétention (bâtiments, dortoirs,literie, sanitaires, évacuation deseaux usées, aération des locaux,cours de promenade);

l’accès des détenus à ces infras-tructures (organisation et fonction-nement, officiels ou coutumiers, dulieu de détention; par exemple,

fréquence de l’accès aux doucheset durée de la promenade. Eneffet, l’existence d’une infrastruc-ture ne signifie pas que les déte-nus y sont admis);

le règlement interne (horaires,visites familiales, correspondan-ce, loisirs, etc.);

le traitement et la discipline(relations détenus/autorités, pos-sibilité de s’adresser aux respon-sables pénitentiaires, durée etconditions des punitions au ca-chot, etc.);

la formation et les conditions detravail du personnel pénitentiaire;

les contacts avec l’extérieur;

l’organisation interne des déte-nus (querelles politiques, gangs,représailles internes, collabora-tion avec les autorités, etc. Ledélégué doit connaître cet aspectde la vie carcérale, sans quoi l’uneou l’autre de ses propositions risquerait de mettre en dangerceux-là mêmes qu’il vient aider).

Rôle du personnel médical Médecins et infirmiers participent aux visites au sein des équipes du CICR. Leur rôle n’est pas de soigner lesdétenus, mais de s’assurer que les autorités détentrices leur garantissent un état de santé conforme aux standards locaux. Ils évalueront l’é-tat nutritionnel des détenus, les conditions d’hygiène et l’environnement dans lequel ils vivent (eau potable, aération des locaux, latrines, sur-peuplement, promiscuité, etc.), ainsi que le personnel et les infrastructures dédiées aux soins médicaux; ils s’assureront aussi de la possibilitéréelle pour la population carcérale d’y accéder. Le rôle de l’entretien sans témoin est ici aussi primordial.

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Dans les situations de conflitou de violence, toute person-ne privée de liberté risque desubir torture et mauvais trai-tements à chaque stade de sadétention.

L’un des soucis majeurs du CICR estde prévenir ou de faire cesser cespratiques. Il est exceptionnel queles délégués du CICR puissent visi-ter des détenus dans les lieux oùces actes sont perpétrés, mêmelorsqu’ils sont autorisés à visiter lesdétenus pendant la période de leurinterrogatoire, souvent considéréecomme la plus dangereuse à cetégard.

Pour lutter contre la torture et lesmauvais traitements, le CICR sebase essentiellement sur les récitsconcordants des détenus, portant

sur l’ensemble de leur parcoursdepuis leur arrestation. Les consta-tations du médecin du CICR, relati-ves à d’éventuelles séquellesphysiques et psychiques, sont éga-lement prises en considération.Elles serviront parfois à confirmerou à infirmer les témoignagesrecueillis. Ces informations sontrécoltées lors des entretiens que lesdélégués ont, en privé, avec lesdétenus. Elles sont ensuite analy-sées, comparées et évaluées à lalumière d’autres récits et d’autressources, afin d’en déterminer lacohérence intrinsèque et l’authen-ticité. Le CICR est en effet conscientque la force de ses démarchesrepose sur leur crédibilité. Les allé-gations de torture ou de mauvaistraitements sont transmises par leCICR aux autorités, avec l’autorisa-tion du détenu. Dans certains cas,

le CICR demandera qu’une en-quête soit ouverte pour établir lesfaits, afin de prévenir la répétitionde tels actes. Dans d’autres, ils’adresse directement aux plushautes instances de l’État pour lesfaire cesser. Si le détenu ne veutpas que son cas soit transmisnominalement, ou si les déléguéscraignent que leur interventionsuscite des représailles, le CICRpourra modifier la nature de sesdémarches. Cela pour autant quela vie des détenus ne soit pasdirectement menacée, car alorsses démarches prendront uneforme différente: elles toucherontl’échelon hiérarchique supérieurpour que celui-ci rappelle que dessanctions seront prises contre lesauteurs d’actes de torture et pouraméliorer la formation des gar-diens de prison.

Torture et mauvais traitements peu-vent être la manifestation d’unevolonté délibérée de punir, de dis-suader, d’interroger, voire de terro-riser. Dans ces situations, seule lacapacité de conviction et d’in-fluence des délégués – qui exigeténacité et patience – permet d’ob-tenir des résultats. Toutefois, sansla volonté politique des plus hau-tes autorités, l’efficacité du CICRreste limitée. Son action et celle desorganisations de droits de l’hom-me, qui est basée sur des campa-gnes auprès de l’opinion, secomplètent dans les faits.

Une mauvaise organisation dusystème carcéral peut aussi indui-re la torture et les mauvais traite-ments. Dans un tel cas, le CICRcherchera à identifier les causes dudysfonctionnement pour agir.

Lutter contre la torture et les mauvais traitements

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Le CICR n’a pas défini le terme«torture» afin de se ménagerune marge d’action et d’inter-vention, mais peut se référer à l’une des définitions des traités internationaux si unetelle référence est utile. Latorture a toujours deux com-posantes, physique et psycho-logique, qui sont entremêléeset indissociables l’une de l’autre.

L’aspect psychologique est sou-vent beaucoup plus traumatisantque la composante physique. Voirtorturer ses proches, ses enfants,ou une tierce personne, peut êtrebien pire que subir soi-même destortures physiques.

La torture a aussi une forte conno-tation culturelle. Sa signification

dans un ordre social donné et l’intention qui la motive varientconsidérablement selon le con-texte. Certains comportements,considérés comme «bénins» dansune culture, peuvent transgresserun interdit religieux dans uneautre.

Le rôle du médecin dans les visites de victimes de la tortureToute équipe du CICR qui visitedes détenus susceptibles d’avoirété torturés comprend en principeun médecin. Son rôle sera d’examiner ces personnes afind’évaluer leur état physique etpsychologique. Cette rencontreavec un médecin «de l’extérieur»sera souvent précieuse pour despersonnes ayant été brutalisées et humiliées par la torture. Ellespourront être réconfortées sur leur

état de santé et l’entretien avec lemédecin est particulièrementimportant s’il y a eu torture detype sexuel: les victimes seconfiant plus facilement à unmédecin. Les constatations dumédecin et l’évaluation desséquelles de la torture seront utiles dans les démarches pouressayer de faire cesser la torture.Le médecin du CICR rappellera

aussi l’éthique médicale auxmédecins de prison en attirantleur attention sur la «Déclarationde Tokyo de l’Association Médi-cale Mondiale», qui interdit auxmédecins toute participation à latorture, quelle qu’elle soit.

Torture: quelle définition? 22

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Les femmes et les enfants in-carcérés ont besoin d’une pro-tection spécifique, car ils sontparticulièrement vulnérables.

Certes, les femmes sont généra-lement moins susceptibles que leshommes d’être privées de libertéen raison d’un conflit, maislorsque c’est le cas, leurs condi-tions de détention sont parfoispires que celles des autres pri-sonniers. Pendant un conflit armé,des femmes peuvent être privéesde liberté pour divers motifs. Lesquatre Conventions de Genèvede 1949 et leurs deux Protocolesadditionnels de 1977 contiennentdes dispositions détaillées concer-nant le traitement des personnesprivées de liberté en raison d’une situation de conflit armé.Certaines de ces dispositions ont

trait spécifiquement au traitementdes femmes incarcérées.

Le but de ces dispositions est degarantir aux femmes une protec-tion supplémentaire, répondantaux besoins médicaux et physio-logiques qui leur sont propres etqui sont souvent – mais pas exclu-sivement – liés à leur rôle demère. Il est aussi d’assurer lerespect de leur intimité.

Les quartiers prévus pour lesfemmes peuvent être trop exiguslorsqu’un seul centre de détentionleur est destiné. Souvent, les pri-sons manquent de fonctionnairesde sexe féminin, ce qui peutentraîner des conséquences gra-ves, notamment certaines formesde harcèlement de la part des gar-diens. Le CICR accorde, dans ses

visites, une attention particulièreà la situation des femmes incarcé-rées. Le plus souvent, celles-ciseront visitées par des déléguées.Les Conventions de Genève com-prennent des dispositions parti-culières concernant la situationdes femmes ainsi que des femmesenceintes et des mères allaitantes.En outre, d’autres instrumentsinternationaux contiennent desnormes visant à s’assurer que lesfemmes privées de liberté sontdétenues dans un environnementcarcéral sûr et décent: personnelmixte, installations séparées,accès équitable aux activités,soins anténatals et postnatals,hygiène et soins de santé, pro-tection contre les mauvais traite-ments, visites familiales, etc.

Femmes et enfants incarcérés:une protection particulière

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Les mères en détention et leurs enfants

Un autre élément importantest l’interdiction d’infliger lapeine de mort aux femmesenceintes et aux mères d’en-fants en bas âge.

Les femmes jouent souvent unrôle central au sein de la famille.Les mères en détention vivent trèsdouloureusement le fait d’êtreséparées de leurs enfants (en par-ticulier lorsque ceux-ci sont trèsjeunes) et de ne pas pouvoir s’as-surer de leur bien-être. Les fem-mes ont donc besoin d’être aucontact de leurs enfants, y com-pris physiquement. Une aide leursera parfois nécessaire pour main-tenir ce lien, par exemple si ellessont incarcérées loin de chez elles,si les contacts avec l’extérieur sontrestreints, ou encore si elles igno-rent où se trouvent leurs enfants.

Il arrive que des femmes soientincarcérées alors qu’elles sontenceintes, ou qu’elles tombentenceintes pendant la détention. Ilpeut aussi arriver que des mèresse voient retirer leur enfant aussi-tôt après l’accouchement ou leursortie de l’hôpital. De nombreu-ses femmes (et en particulier lesmères allaitantes) vivent le fait d’ê-tre séparées de leurs enfantscomme un traumatisme et consi-dèrent cette séparation forcéecomme l’un des aspects les plusdifficiles de leur détention. Cettesituation peut aussi avoir desconséquences psychologiquespour l’enfant. Lorsque ceci estdans son intérêt, les mères allai-tantes devraient pouvoir garderleur bébé auprès d’elles en déten-tion. En cas de séparation, ellesdoivent être informées du lieu où

se trouvent leurs enfants et êtreautorisées à maintenir un contactphysique fréquent avec eux.

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Lors de ses visites, le CICRaccorde une attention particu-lière à la situation des mineursen détention. Des enfants aussisont emprisonnés, soit pour descrimes de droit commun, soitparce qu’ils ont été pris dans latourmente des événements,soit encore parce qu’ils ont étéenrôlés comme combattants.

Cette privation de liberté peut êtretrès mal supportée et avoir deseffets durables sur leur développe-ment. Les enfants devraient aussiêtre protégés contre tout attentat àla pudeur. Le CICR insiste pour que,dans toute la mesure possible, l’é-quilibre psychologique et affectif, ledéveloppement et l’éducation desjeunes prisonniers soient garantis.Il demande aux autorités détentri-ces de veiller aux éléments suivants:

l’enfant emprisonné devrait, enprincipe, être séparé des détenusadultes, sauf si enfant et parentssont incarcérés au même endroit;

le jeune détenu devrait se voirproposer autant d’activités quepossible, telles que le sport, uneformation professionnelle, desjeux, une éducation physique;

s’il n’est pas libéré et si sa déten-tion est prolongée, l’enfant doitêtre transféré dès que possibledans un établissement spécialisépour mineurs;

l’enfant doit recevoir une nourri-ture, une hygiène et des soinsmédicaux adaptés à son âge et àson état général;

l’enfant doit pouvoir poursuivresa scolarité;

l’enfant doit pouvoir maintenirdes relations régulières avec safamille et rester en contact avec lemonde extérieur;

les procédures et sanctions dis-ciplinaires doivent être adaptées;

s’agissant de la peine de mort,les États parties à la IVe Con-vention de Genève (article 68,paragraphe 4) et aux Protocolesadditionnels (article 77, paragra-phe 5, du Protocole I, et article 6,paragraphe 4, du Protocole II)devraient prendre des mesureslégislatives en droit pénal et endroit militaire pour interdire leprononcé et l’exécution de lapeine de mort contre toute per-sonne âgée de moins de 18 ansau moment de l’infraction.

Une protection spéciale pour les enfants

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Le CICR intervient pour quecertains principes universelle-ment reconnus, consacrésdans les Conventions de Ge-nève et leurs Protocoles addi-tionnels, soient respectés partoutes les parties à un conflitarmé.

Nul ne peut être privé de sa liber-té, si ce n’est pour des motifs juri-diques et selon des procéduresprévues par la loi. Des démarchesont ainsi été faites par le CICRdans des situations de conflit pourque les garanties judiciaires soientrespectées. Ces garanties judi-ciaires, qui représentent le droit àun procès équitable, font partieintégrante du droit internationalhumanitaire et sont inscrites dansles Conventions de Genève etleurs deux Protocoles addition-

nels. Elles constituent un élémentclé de la notion de traitementhumain et ont pour objet de pro-téger la vie, la santé et la dignitédes personnes soumises à dessanctions pénales. Ces garantiesjudiciaires avaient une telle impor-tance aux yeux des rédacteurs desConventions de Genève et deleurs Protocoles additionnels queceux-ci décidèrent que leur non-respect serait considéré commeune violation grave ou un crimede guerre en vertu des Con-ventions et du droit internationalcoutumier.

Le CICR a ainsi, par exemple,demandé que des prisonniers deguerre accusés d’avoir commisune infraction pénale soient infor-més de l’acte d’accusation et desmotifs reconnus contre eux, ou

encore que le droit de tels pri-sonniers à ne pas témoigner con-tre eux-mêmes soit respecté. À unÉtat détenant des prisonniers deguerre sous investigation pour lemeurtre d’un autre captif, le CICRa rappelé l’interdiction d’extor-quer des aveux, le droit des incul-pés d’être défendus par un avocatqualifié pouvant préparer leur

défense, leur droit de bénéficierdes services d’un interprète, etc.

Un aspect important de la protectiondes détenus: la promotion desgaranties judiciaires

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La principale disposition con-cernant ces garanties judiciai-res est contenue dans l’article3 commun aux quatre Con-ventions de Genève, qui pré-voit que sont prohibées«… les condamnations pro-noncées et les exécutionseffectuées sans un jugementpréalable, rendu par un tribu-nal régulièrement constitué,assorti des garanties judiciai-res reconnues comme indis-pensables par les peuplescivilisés…».

La IIIe Convention de Genèvecontient des garanties détailléesqui doivent être appliquées dansles poursuites pénales contre desprisonniers de guerre, tandis quela IVe Convention de Genève pré-voit des garanties destinées aux

civils dans les conflits armés inter-nationaux. Les garanties judiciai-res applicables à toute personnetouchée par un conflit armé inter-national qui ne bénéficie pas d’untraitement plus favorable en vertudes Conventions sont contenuesdans le Protocole additionnel I, tandis que les garanties qui

doivent être appliquées dans lespoursuites pénales engagéesdans le cadre d’un conflit arméinterne sont prévues au Protocoleadditionnel II (voir ci-après).

Ces dernières années, le CICR aétendu, dans ce domaine, sesinterventions à d’autres situations

de violence, en s’inspirant desrègles et principes du droit inter-national humanitaire ou d’autresdispositions pertinentes du droitinternational.

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”“ 28

a) la procédure disposera que le pré-

venu doit être informé sans délai des

détails de l’infraction qui lui est imputée

et assurera au prévenu avant et pendant

son procès tous les droits et moyens

nécessaires à sa défense;

b) nul ne peut être condamné pour

une infraction si ce n’est sur la base

d’une responsabilité pénale indivi-

duelle;

c) nul ne peut être condamné pour des

actions ou omissions qui ne constituaient

pas un acte délictueux d’après le droit

national ou international au moment où

elles ont été commises. De même, il ne

peut être infligé aucune peine plus forte

que celle qui était applicable au moment

où l’infraction a été commise. Si pos-

térieurement à cette infraction la loi pré-

voit l’application d’une peine plus légère,

le délinquant doit en bénéficier;

d) toute personne accusée d’une infrac-

tion est présumée innocente jusqu’à ce que

sa culpabilité ait été légalement établie;

e) toute personne accusée d’une in-

fraction a le droit d’être jugée en sa

présence;

f) nul ne peut être forcé de témoi-

gner contre lui-même ou de s’avouer

coupable.

Poursuites pénales

Article 6 du Protocole II additionnel aux Conventions de Genève

1. Le présent article s’ap-plique à la poursuite et à la répres-sion d’infractions pénales enrelation avec le conflit armé.

2. Aucune condamnation nesera prononcée ni aucune peineexécutée à l’encontre d’une per-sonne reconnue coupable d’uneinfraction sans un jugement pré-alable rendu par un tribunaloffrant les garanties essentiellesd’indépendance et d’impartialité.En particulier:

3. Toute personne condam-

née sera informée, au moment desa condamnation, de ses droits derecours judiciaires et autres, ainsique des délais dans lesquels ilsdoivent être exercés.

4. La peine de mort ne serapas prononcée contre les person-nes âgées de moins de dix-huitans au moment de l’infraction etelle ne sera pas exécutée contreles femmes enceintes et les mèresd’enfants en bas âge.

5. A la cessation des

hostilités, les autorités aupouvoir s’efforceront d’accorderla plus large amnistie possible auxpersonnes qui auront pris part auconflit armé ou qui auront été pri-vées de liberté pour des motifs en relation avec le conflit armé,qu’elles soient internées ou détenues.

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Depuis plusieurs dizaines d’an-nées, la communauté interna-tionale a intensifié son actionen faveur de la protection despersonnes privées de liberté,tant sur le plan normatif quesur le terrain.

L’intervention du CICR en milieucarcéral constitue un moyen depromouvoir le respect de la digni-té humaine. Menée en situationde crise aiguë, son action doit êtreprogressivement complétée pard’autres organismes en faveur desdroits de l’homme.

Le CICR, tout en poursuivant sonapproche fondée sur le dialogueavec les autorités et sur la confi-dentialité, a renforcé sa coopéra-tion opérationnelle dans cedomaine avec des organisations

nationales, internationales et nongouvernementales, telles que leHaut Commissariat des NationsUnies pour les droits de l’homme,l’UNICEF, Médecins sans frontiè-res, etc. La concertation vise à éviter les duplications et les con-tradictions dans les actions entre-prises. D’autres composantes du

Mouvement international de laCroix-Rouge et du Croissant-Rouge interviennent parfois enmilieu carcéral, en temps de paix:certaines Sociétés nationales dela Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge apportent, par exemple,un soutien matériel et psycho-social aux détenus de leur pays.

L’action du CICR: un moyen à la dispositionde la communauté internationale

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“Ce qui compte, ce n’est

pas simplement le bien

que fait le CICR, c’est

bien plus encore le mal

qu’il permet d’éviter.”

Nelson Mandela

(Matricule 220/82, Robben Island,

1962-1990)

Il est difficile pour le CICR d’éva-luer l’impact réel de ses visites auxpersonnes privées de liberté; dif-ficile aussi de savoir quelle auraitété la situation si le CICR n’avaitpas été en mesure de travaillerdans une situation donnée.Nelson Mandela qualifiait en cestermes l’action du CICR: «Ce quicompte, ce n’est pas simplementle bien que fait le CICR, c’est bienplus encore le mal qu’il permetd’éviter.» De tous les récits récol-tés en prison ressort le fait qu’une visite du CICR a au moinsun effet: celui d’offrir au détenuun recours, un espace d’écoute etde dialogue, une possibilité d’ex-primer tensions et frustrations(parfois sous forme agressived’ailleurs), de parler de leursangoisses et de leurs peurs à uninterlocuteur bienveillant. L’effet

psychologique d’un contact avecle monde extérieur ne saurait êtresous-estimé.

Par ailleurs, la présence régulièredu CICR et ses contacts perma-nents à tous les échelons du pou-voir ont un effet dissuasif: ilscontribuent à prévenir et à conte-nir des phénomènes tels quedisparitions forcées, torture etmauvais traitements. Travaillant encas de conflit armé, de troubles,de tensions ou d’autres situationsde violence à l’intérieur d’un pays,le CICR est conscient que sonaction s’inscrit dans la durée: desaméliorations peuvent, certes,être rapidement apportées, maissa seule présence dans des lieuxde détention ne signifie pas l’éra-dication des abus.

Pour que ces phénomènes ces-sent complètement, il est essen-tiel que la situation se normaliseet que les organisations non gou-vernementales et d’autres com-posantes de la société civilepuissent reprendre leur actionrégulatrice, et notamment cellesqui permettent un fonctionne-ment adéquat du système judi-ciaire et l’arrêt des pratiquesarbitraires.

«Ce qui compte…» 30

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Mission

Organisation impartiale, neutre et indépendan-

te, le Comité international de la Croix-Rouge

(CICR) a la mission exclusivement humanitaire

de protéger la vie et la dignité des victimes

de la guerre et de la violence interne, et de

leur porter assistance. Il dirige et coordonne

les activités internationales de secours du

Mouvement dans les situations de conflit. Il

s’efforce également de prévenir la souffrance

par la promotion et le renforcement du droit

et des principes humanitaires universels.

Créé en 1863, le CICR est à l’origine du

Mouvement international de la Croix-Rouge et du

Croissant-Rouge.

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