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LIVRE VI Pour une société planétaire Introduction Introduction Introduction Introduction Chapitre 1 hapitre 1 hapitre 1 hapitre 1 : Europe Chapitre 2 Chapitre 2 Chapitre 2 Chapitre 2 : Relations internationales Chapitre 3 Chapitre 3 Chapitre 3 Chapitre 3 : Coopération au développement Chapitre 4 Chapitre 4 Chapitre 4 Chapitre 4 : Asile et Migrations P ROGRAMME ÉLECTIONS 2009

Programme 2009 - Livre 6 : Pour une société planétaire

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Programme pour les élections régionales et européennes du 7 juin 2009. Livre 6. Thèmes : Europe, relations internationales, coopération au développement, asile et migrations.

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LIVRE VI

Pour une société planétaire

IntroductionIntroductionIntroductionIntroduction

CCCChapitre 1hapitre 1hapitre 1hapitre 1 :::: Europe

Chapitre 2Chapitre 2Chapitre 2Chapitre 2 :::: Relations internationales

Chapitre 3Chapitre 3Chapitre 3Chapitre 3 :::: Coopération au développement

Chapitre 4Chapitre 4Chapitre 4Chapitre 4 :::: Asile et Migrations

PROGRAMME ÉLECTIONS 2009

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Introduction » - p 3/80

PROGRAMME ECOLO ÉLECTIONS 2009

Livre VI - Pour une société planétaire

Introduction

Pour un monde qui se développe durablement et équitablement

« Si le battement d'aile d'un papillon quelque part au Cambodge Déclenche sur un autre continent le plus violent des orages

Le choix de quelques-uns dans un bureau occidental Bouleverse des millions de destins, surtout si le bureau est ovale

Il n'y a que l'ours blanc qui s'étonne que sa banquise fonde Ca ne surprend plus personne de notre côté du monde

Quand le financier s'enrhume, ce sont les ouvriers qui toussent C'est très loin la couche d'ozone mais c'est d'ici qu'on la perce

C'est l'effet papillon, petites causes, grandes conséquences Pourtant jolie comme expression, petites choses, dégâts immenses. »

(Bénabar)

La mondialisation montre chaque jour davantage ses implications dans notre vie quotidienne. Le monde et ses habitants sont en interdépendance accrue : une décision prise ou une action entreprise à un endroit de la planète se répercute sur la vie de citoyens situés parfois bien loin du lieu de décision. Ce fut particulièrement le cas après la crise des subprimes aux Etats-Unis, facteur déclenchant d’une crise financière mondiale sans précédent et d’une récession économique dont une bonne partie des effets est encore à venir. Mais ce phénomène est à l’œuvre dans de nombreux autres domaines, en particulier pour ce qui concerne toutes les problématiques environnementales. Ainsi, les choix productivistes soutenus par le lobby de l’agrobusiness, à l’opposé du principe essentiel de souveraineté alimentaire, fragilisent les revenus et les conditions de vie des petits producteurs du Nord comme du Sud.

Malgré les premiers signaux plus positifs

envoyés par la nouvelle présidence Obama, le fait que les Etats-Unis (premier émetteur de gaz à effet de serre) n’aient pas encore signé le Protocole de Kyoto influence significativement ce que décident les conférences internationales dans lesquelles, comme ce sera le cas à Copenhague fin 2009, il faudra déterminer l’ampleur des mesures à prendre en suite du protocole de Kyoto.

Face à ces indices des effets néfastes d’une mondialisation non régulée et au moment où le

monde se retrouve au carrefour de toutes les crises – financière bien entendu, mais aussi sociale et environnementale –, la nécessité de développer des politiques selon une approche globale et transversale apparaît plus que jamais vitale. Elle s’inscrit au cœur même de la démarche des Verts, belges, européens (regroupés dans le premier vrai parti européen) ou même mondiaux.

Les problèmes environnementaux,

économiques et sociaux ne naissent ni ne s’arrêtent aux frontières des pays. C’est pourquoi, les Verts fondent leurs projets sur le développement durable et proposent un nouveau Green Deal. Il s’agit, entre autres, d’orienter massivement les investissements publics et privés vers les secteurs verts, ceci afin de contribuer à la diminution des émissions de CO2, à la création d’activité économique durable, d’emplois et de solidarité se déclinant aux différentes échelles, européenne, belge et régionale.

Le nouveau mode de développement auquel

appellent les écologistes nécessite de prendre, collectivement et démocratiquement, ses responsabilités face aux enjeux internationaux et de donner priorité à une meilleure répartition des richesses, à la responsabilité environnementale, au respect des libertés, des droits humains et du droit international, à la solidarité, la justice, le pluralisme et la non-violence.

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Notre modèle de développement est plus que jamais confronté à la fois aux limites de la capacité de régénération de la biosphère et à des exclusions sociales massives au niveau planétaire. Les crises climatique, économique, financière, sociale que nous traversons sont toutes intimement liées et imposent une vision prospective pour anticiper les risques : crise des énergies fossiles, pénurie de sols fertiles et d’eau, pandémies, émeutes de la faim, phénomènes climatiques extrêmes, menace sur la démocratie et les droits liés aux inégalités sociales, économiques, écologiques … L’insécurité internationale trouve là ses racines les plus profondes. Les différentes crises mondiales laissent de côté un nombre croissant de personnes, dont certaines se révoltent ou rentrent dans une logique terroriste.

Par ailleurs, le nombre de conflits armés ayant

pour objet l’accaparement ou le contrôle des ressources naturelles s’intensifie, causant une recrudescence de la course à l’armement et accentuant notamment la menace nucléaire.

Le développement durable ne peut se réaliser

que par le biais d’une coopération européenne et planétaire pour :

surmonter les contradictions économiques entre les pays en voie de développement, les économies émergentes et le monde industrialisé ;

répartir de façon équitable et non conflictuelle les ressources énergétiques, tout en programmant le développement significatif des énergies renouvelables ;

protéger les minorités, objets de tensions et victimes de violence dans le monde ;

donner toutes ses chances à la prévention des conflits et à la paix par rapport à l’option de l’intervention militaire.

Pour concrétiser cette coopération européenne

et mondiale, les Verts identifient deux espaces politiques majeurs à investir et à développer.

L’Union européenne (UE) constitue un vecteur

potentiellement efficace pour un développement mondial plus durable. Alors qu’elle continue à remplir sa mission originelle de pacification entre ses différents Etats-membres, les exigences envers l’UE ont crû au fil de son évolution et du contexte international. Cependant, l’UE ne répond pas à ces nouveaux défis. En effet, c’est toujours la concurrence des systèmes fiscaux et sociaux qui prédomine, impliquant trop souvent un

nivellement social et écologique par le bas. Les Verts plaident notamment pour la mise en place d’une réelle gouvernance économique et budgétaire et la réorientation de l’économie vers des secteurs durables. La Politique Etrangère de Sécurité et de Défense (PESC) doit être axée sur la prévention et être sous le contrôle démocratique du Parlement européen. Enfin, il s’agit d’encourager les processus d’intégration continentale et régionale, non seulement en Europe mais également dans les autres parties du monde, pour peu qu’ils soient basés sur des valeurs démocratiques et le respect des droits de l’Homme.

L’autre institution qu’il convient de valoriser est

l’Organisation des Nations Unies (ONU). En effet, les Verts accordent une importance capitale au multilatéralisme et à l’équilibre des forces au profit des plus faibles dans la gestion des affaires du monde. Les Verts plaident pour une réforme de cette organisation qui irait dans le sens de sa démocratisation et d’une meilleure efficacité en vue de l’application effective du droit international.

Par ailleurs, d’autres institutions internationales

(Organisation Mondiale du Commerce, Banque Mondiale, Fonds Monétaire International …), telles qu’elles fonctionnent actuellement, développent des actions contraires à la réalisation des objectifs de développement durable. Les politiques économiques et commerciales qu’elles mènent provoquent des ravages sociaux et environnementaux extrêmement dommageables. Une réorientation radicale des politiques poursuivies, dans le sens d’une primauté des droits sociaux et environnementaux dans l’organisation économique mondiale, est indispensable. Ce changement de cap doit s’inscrire dans le cadre du droit à l’autodétermination des peuples se concrétisant notamment par le droit à la souveraineté alimentaire. Venant en appui, les politiques de coopération au développement doivent encourager l’émancipation des citoyens et renforcer la société civile.

Bref, pour Ecolo, une réforme profonde de la

gouvernance européenne et mondiale est seule à même de répondre efficacement aux multiples crises qui secouent autant l’économie qu’elles menacent le climat et la biodiversité, entraînant par ailleurs une aggravation de la pauvreté et de l’exclusion sociale.

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PROGRAMME ECOLO ÉLECTIONS 2009

LIVRE VI - Pour une société planétaire

Chapitre 1 « Europe »

Pour un nouveau Green deal européen

L’Europe aujourd’hui : Etat des lieux et analyse d’Ecolo

Depuis 1989, l’environnement géopolitique et

géoéconomique de l’Union Européenne (UE) se modifie rapidement et profondément : sur le plan mondial, les relations de pouvoir se transforment et la position hégémonique des pays occidentaux est mise en cause ; les conflits se multiplient aux frontières de l’Europe ; la globalisation économique révèle la rareté de ressources planétaires et la caractère insoutenable de nos modes de production et de consommation ; la mondialisation met en cause la place de nos économies dans la division internationale du travail et nos modèles socio-économiques de solidarité; enfin, la disparition des régimes communistes a métamorphosé notre continent et transformé l’Union européenne par son élargissement, accroissant son hétérogénéité interne1.

L'ensemble de ces changements et le rythme

très rapide avec lequel ils se produisent contribuent à désorienter les opinions en Europe et alimentent notamment les courants politiques xénophobes dans la plupart des Etats dans des proportions plus qu'inquiétantes. Le projet européen est victime de ces replis identitaires. Il est aussi victime des choix politiques actuels, qui ont davantage privilégié une politique de compétition au sein et à l’extérieur de l’UE plutôt qu'une politique de coopération. On ne peut que comprendre qu'une partie significative de la population européenne soit ainsi déçue par l'Europe.

Pour autant, l’Union est le seul régime politique

et juridique supranational au monde qui a un

1 Une étude récente de l’Institut d'études stratégiques à Paris qui tente de définir d’ici à 2025 les principales caractéristiques de l’environnement global au sein duquel le continent européen aura à se mouvoir, conclut à un monde plus instable et à une augmentation de l’insécurité. Nicole Gnessoto et Giovani Grevi, The new global puzzle, Paris, 2006. Voir aussi Pierre Hassner, Le siècle de la puissance relative, Le Monde, 2 octobre 2007.

mandat intégrant les dimensions environnementale, économique et sociale à la fois dans la formulation de ses objectifs et de ses compétences. C'est une des raisons pour lesquelles les écologistes défendent le développement de l'Union européenne comme puissance civile et normative nécessaire pour transformer nos sociétés, tenant compte des orientations développées au sein du présent chapitre. C’est aussi le choix sans équivoque formulé par le Parti vert européen lors de son dernier Congrès et dans le Manifeste élaboré à l’occasion des élections européennes de 2009.2

Pour Ecolo, le développement durable doit

constituer la base de référence de toutes les initiatives prises par l’Union, ce qui implique la primauté des droits sociaux et environnementaux sur le libre-échange et la prédominance de l’intérêt général sur les règles de concurrence. Le modèle de production et de consommation européen (et plus largement occidental) n’est pas soutenable. Un changement radical des politiques actuelles menées dans les pays de l’UE doit être opéré. L’empreinte écologique des pays industrialisés doit être fortement réduite pour répondre aux défis colossaux d’aujourd’hui et de demain (réchauffement climatique, épuisement des ressources renouvelables et non renouvelables, inégalités économiques au Nord comme au Sud, déséquilibre écologique mondial,…). La croissance ne peut plus constituer le seul critère pour définir et évaluer l’efficacité des politiques à mettre en œuvre.

D'abord, parce que la croissance, quantifiée sous l'angle de la hausse du PIB, fait l'impasse sur d'autres indicateurs pourtant primordiaux à la qualité de vie (réseau relationnel et d'entraide, cadre de vie, qualité de l'environnement, satisfaction au travail, etc.). Ensuite, parce que le lien entre croissance et bien-être est loin d'être automatique, au-delà d'un certain seuil de bien-être matériel. A l'inverse, une diminution du PIB

2 Genève, 2006.

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peut dans ce cas refléter une amélioration du cadre de vie et du bien-être (ex: réduction du temps de travail, préservation d'une forêt pour le loisir, au lieu de son exploitation pour la filière bois, etc.). Pour Ecolo, il faut donc impérativement développer des indicateurs alternatifs de bien-être et de qualité de vie, et appréhender des modes alternatifs de production et de consommation, dans la sphère publique et économique, à l'aune de ceux-ci.

Depuis leur création, les partis verts européens

mettent en évidence l’ampleur du défi et insistent sur les mesures nécessaires à prendre. Pour eux, il est clair que l’UE constitue un cadre politique particulièrement approprié dans lequel les politiques susceptibles d’atteindre l’objectif vital de réduction de notre empreinte écologique pourront se coordonner et se développer efficacement. C’est aussi la condition pour que l’UE puisse jouer un rôle et peser dans l’orientation des décisions internationales en cette matière. Une réponse à la crise globale dans son triple volet environnemental, financier et alimentaire requiert pour nous un nouveau "Green deal" européen. Les écologistes se présenteront unis devant les électeurs avec des engagements clairs qu'ils défendront au sein du Parlement européen comme dans les parlements nationaux et régionaux.

L’Europe demain : Propositions d’Ecolo

PRIORITE N°1 SORTIR DU MODELE DE DEVELOPPEMENT PRODUCTIVISTE3 ET AMORCER UNE

REVOLUTION VERTE EN EUROPE

Proposition : Subordonner les réformes économiques à une Stratégie renforcée de Développement Durable

Face à l’ampleur du défi climatique et dans un contexte de crise sociale et écologique globale, l’UE est confronté à un défi proprement existentiel : sortir de l’impasse d’un modèle de développement qui entraîne, d’une part, une précarisation et une dualisation sociale croissante et, d’autre part, la

3 Le productivisme est une expression qui dénote les modèles de développement qui tout en érigeant la croissance et l’accumulation du capital en finalités en soi font abstraction de la finitude des ressources planétaires.

déperdition irréversible des ressources planétaires. Les scénarios de sortie du modèle de développement prédominant passent nécessairement par la réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, par une amélioration substantielle de l’efficacité énergétique et de la maîtrise des consommations, et par un développement exponentiel des énergies renouvelables. Ce défi exige une transformation radicale de nos modes d’organisation sociale et spatiale et de production économique où le principal moteur de la création d’emplois sera l’économie verte. Les résultats des réformes économiques structurelles impulsées dans le cadre de la Stratégie de Lisbonne qui vise à faire de l’UE « l’économie de la connaissance la plus compétitive au monde à l’horizon de 2010 » ne s’avèrent probants ni en termes de cohésion sociale ni en termes de préservation des ressources planétaires. Cela met bien en évidence les limites d’un modèle de développement qui fait de la croissance et de l’économie de marché des finalités en soi et qui cloisonne les questions relatives à l’emploi et à la croissance de celles du développement durable. C’est pourquoi Ecolo propose de fédérer en un seul texte ambitieux la stratégie de lancement d’un nouveau cycle de réformes économiques structurelles à partir de 2011 et la Stratégie communautaire de Développement Durable4. L’adoption de cette stratégie intégrée doit être l’une des grandes priorités de la Présidence belge du Conseil de l’UE durant la deuxième moitié de 2010. Cette stratégie intégrée doit inclure de manière explicite :

l’ensemble des objectifs contraignants relatifs à la diminution de notre empreinte écologique qui auront été adoptés dans l’intervalle ainsi que les objectifs communautaires et internationaux en matière de préservation des biens publics mondiaux (eau, sols, biodiversité, ressources halieutiques, etc, ...) ;

des indicateurs de bien-être et de qualité de vie mieux à même de refléter les exigences d’un développement durable que l’indicateur classique PIB/habitant

4 La stratégie communautaire de développement durable sera révisée et adaptée dans le courant de l’année 2010.

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(empreinte écologique, indice de développement durable, …) ;

des cibles communautaires contraignantes dans le domaine des marchés publics verts et un ensemble d’instruments fiscaux communs visant à inciter les activités à faible impact sur le réchauffement climatique et à pénaliser progressivement les activités polluantes ; dans cette perspective, Ecolo et les Verts européens veilleront activement à ce que les négociations de deux directives sur les marchés publics verts et sur la fiscalité verte en début de la prochaine législature se soldent par l’harmonisation vers le haut des législations nationales ;

l’adoption de cibles spécifiques en matière de Recherche & Développement et de taux d’emploi dans les secteurs verts dans le cadre d’une méthode de coordination ouverte renforcée5 ; la canalisation des moyens financiers dans le domaine de l’innovation « verte » doit être accompagnée de la mise en place de nouveaux modèles d’affaires visant à concilier accès universel et innovation et à faire de la connaissance la cinquième liberté de circulation de l’UE ; la promotion des modèles open source et des standards ouverts doit dans ce cadre faire également l’objet de cibles spécifiques6.

Proposition : Faire de la lutte communautaire contre le réchauffement climatique le vecteur d’une révolution énergétique

Les décisions énergétiques d'aujourd'hui ne doivent pas seulement contribuer au respect des engagements découlant du Protocole de Kyoto, mais également à nous mettre sur la voie de réductions d'émissions de CO2 beaucoup plus importantes à l’horizon des dix prochaines années et au-delà, afin de limiter le réchauffement du climat à 2 degrés7. Pour atteindre cet objectif, le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution

5 La méthode de coordination ouverte fournit un cadre de coopération entre les États membres en vue de faire converger les politiques relevant essentiellement des compétences des États membres pour réaliser les objectifs inclus dans la stratégie de Lisbonne 6 Une note de position spécifique sur la nécessaire promotion des modèles Open Source à l’échelle de l’UE est disponible sur le site web : www.ecolo.be 7 Pour des informations, des propositions et des actions pour lutter contre le changement climatique, consultez le site du GVPE : http://www.greens-efa.org/cms/default/rubrik/7/[email protected]

du climat (GIEC) recommande des réductions de 25 à 40% des émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés d’ici 2020. C’est un objectif minimum : depuis la publication de ce rapport, de nouvelles études ont montré que les émissions continuaient de croître plus rapidement que prévu. Dans ce contexte, l’objectif européen doit être de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40% en 2020 et de 90% en 2050. Actuellement, le paquet « énergie climat » européen prévoit une réduction de 20% des émissions en 2020, ce qui est insuffisant. La Commission européenne et les chefs d’Etats et de Gouvernements annoncent toutefois vouloir porter cette réduction à 30% en cas d’accord international imposant des mesures équivalentes. Pour les Verts, c’est un objectif de 40% qui doit être fixé, à atteindre au moins pour trois quarts par des mesures prises au sein même de ses frontières. Il pourra être complété par des mesures de réduction vérifiée et additionnelle des émissions de gaz à effet de serre en dehors de son territoire. Ecolo plaide également pour que l’UE joue un rôle moteur dans les futures négociations sur la suite de Kyoto.

Pour respecter ces différents engagements, il convient entre autres8 de :

adopter un Pacte européen de stabilité pour le climat et la sécurité énergétique9 ;

améliorer considérablement l’efficacité énergétique dans les secteurs du transport, de l’électricité et des bâtiments ;

élargir le système européen d'échange de quotas d'émissions aux secteurs du transport aérien et maritime, ainsi qu’aux activités militaires, entraînant aussi une nette et rapide réduction des émissions de CO2 du secteur de l'énergie

10 ; le recours au mécanisme pour un développement propre sera strictement limité dans le cadre des objectifs européens ;

8 Pour plus de détails, consulter http://www.greens-efa.org/cms/topics/dokbin/109/[email protected] et voir également nos propositions du Livre I, Chapitre 1 « Energie – Climat ». 9 Autrement dit, un cadre concret et contraignant, avec des pénalités et des incitants, s’appliquant aux Etats membres de l’UE. Le but est de combiner le respect des engagements pris dans le cadre du Protocole de Kyoto (et sa suite), tout en prenant en compte la dimension de la sécurité énergétique, ceci passant notamment par une réduction de la dépendance au pétrole et par la promotion des énergies renouvelables et de l’amélioration de l’efficacité énergétique. Pour plus de détails, voir document du GPVE. 10 Voir à ce sujet nos propositions du Livre I, Chapitre 1 « Energie – Climat ».

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instaurer un mécanisme d'ajustement aux frontières (par exemple, sous la forme d'une taxe CO2 ou encore sous la forme de droits de douane spécifiques reversés aux pays en développement) à l'égard des pays qui n'ont pas ratifié le Protocole de Kyoto ou à l'égard de pays ne prenant pas les mesures qui s'imposent pour limiter leurs propres émissions (ex: Chine, Inde) ;

établir une forte coordination européenne des régulateurs nationaux pour chaque filière énergétique de l’UE ;

mettre en œuvre le scénario de sortie du nucléaire établi par les Verts européens1112.

Proposition : Créer une communauté européenne de l’énergie renouvelable

Ecolo, en étroite interaction avec le Parti Vert Européen et le groupe des Verts au Parlement Européen, propose l’instauration d’une Communauté européenne de l’énergie renouvelable sous forme d’une coopération renforcée entre les États membres désireux d’y participer. Cette coopération renforcée développerait des projets transfrontaliers dans le secteur de l’énergie renouvelable en utilisant notamment le produit des enchères des quotas d’émissions restitués aux États membres dans le cadre de l’adoption du paquet « énergie et climat ». Le bénéfice de ces enchères doit en effet être investi dans une relance écologique, notamment en matière d’énergie. Cette nouvelle communauté pourrait jouer dans le futur de l’UE le même rôle de ciment que la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier a joué dans le passé.

11 Au niveau mondial, le nucléaire est une source d’énergie marginale. Il ne couvre en effet qu’environ 2 % de la consommation finale d’énergie. Même en faisant abstraction des émissions de CO

2 de la

filière, il est donc évident que celui-ci ne pourrait jouer au mieux qu’un rôle négligeable dans la protection du climat au niveau mondial : même si la capacité nucléaire actuelle se voyait doublée – ce qui nécessiterait la mise en service d’un réacteur de grande taille toutes les deux semaines jusqu’en 2030, les émissions de gaz à effet de serre mondiales seraient réduites de moins de 5 %. Les réserves mondiales d’uranium seraient en outre rapidement épuisées car – certains l’oublient parfois – le nucléaire n’est pas une énergie renouvelable. Par ailleurs, le nucléaire ne résout pas la question de la dépendance énergétique de l’Europe, étant donné que les pays de l’UE ne possèdent que 2 % des réserves mondiales d’uranium. Le nucléaire ne constitue dès lors pas une solution, ni en termes de sécurité des approvisionnements, ni sur le plan des problèmes climatiques. En outre, les risques injustifiables associés à l'énergie nucléaire – accidents, prolifération, terrorisme, déchets et pollution – en font un « non partant »11. une nouvelle approche par le biais de partenariats pour une nouvelle culture de l’énergie et des transports. Une révolution énergétique passe nécessairement par une approche intégrée, cohérente et participative entre les différentes niveaux de pouvoir allant du local au global en passant par le régional. L’Europe constitue à cet égard un levier incontournable. 12 http://www.etopia.be/IMG/pdf/r2AE_Mathes01.pdf.

Proposition : Développer une politique commune du transport durable

La politique énergétique abordée ci-dessus est étroitement liée à celle des transports. Il est en effet impossible de s'attaquer efficacement aux problèmes énergétiques actuels sans aborder la question des transports. La stratégie européenne proposée par Ecolo vise à mettre en place à la fois une réduction du volume du trafic et un passage progressif des carburants fossiles vers les énergies renouvelables. Pour cela, il faut notamment13 :

des mesures visant à moduler la demande de transport ; à cet effet, il convient de favoriser les modes de production susceptibles de minimiser l’externalisation des coûts ;

une meilleure coopération du secteur du transport routier afin d´éviter tous les trajets de camions à vide, tout le trafic inutile ; cela passe notamment par l´approvisionnement des grands centres urbains en produits régionaux14 et par une politique d´aménagement du territoire ayant pour objectif de d’aménager des villes où les biens et les services seraient à portée de la main, parallèlement au renforcement des transports en commun ;

un renforcement des chemins de fer européens pour le transport de personnes comme pour le transport de marchandises15, afin d’améliorer les connexions ferroviaires et d’aboutir à terme à un système ferroviaire unique, tant pour les voyageurs que pour les marchandises ;

la suppression des exonérations fiscales sur le kérosène à l'échelle européenne pour tous les vols intérieurs et intracommunautaires ; cette mesure diminuerait l’actuelle distorsion de concurrence entre les différents modes de transport, qui se fait pour l’instant au détriment du trafic ferroviaire, et refléterait

13 Pour plus de détails et de propositions, consulter : http://www.greens-efa.org/cms/topics/dokbin/147/[email protected]. 14 Comme à Londres avec la « Food campaign » lancée par Ken Livingstone et Jenny Jones. 15 L'exemple des USA démontre de manière convaincante qu'il est possible pour un pays très industrialisé de transporter un fort pourcentage des marchandises par rail. La part du transport ferroviaire y atteint aujourd’hui quelque 40 %, alors qu’elle n’est que de 14 % dans l’UE à 25, avec une tendance à la baisse.

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aussi les coûts réels du trafic ; les revenus tirés de cette mesure pourraient, par exemple, servir à financer les grands axes ferroviaires internationaux est-ouest ;

une augmentation de la redevance européenne sur le trafic poids lourds (directive Eurovignette) en se basant sur l´exemple suisse ; le système de la taxe européenne sur les disques routiers, l'inclusion des coûts sociaux du transport routier et l’extension du droit de péage aux véhicules à partir de 3,5 T. pour l’ensemble du réseau routier, sans dérogation possible, sont également des mesures nécessaires ;

une modification de la répartition modale des transports ; pour ce faire il faut passer de modes de transport fortement générateurs de gaz à effet de serre comme la voiture, le camion et l’avion à des modes de transport qui préservent le climat comme le train, la navigation intérieure ou côtière et le vélo, par exemple.

Proposition : Réorienter la Politique Agricole Commune vers la souveraineté alimentaire16161616

La Politique agricole commune, au travers de ses deux piliers - la compétitivité de l’agriculture par le mécanismes des aides directes et le développement rural – accentue la co-existence d’une agriculture à deux vitesses : d’une part en soutenant des zones de grande production et d’intensification-concentration de l’élevage, et d’autre part en confinant des missions liées au développement rural (entretien de l’espace, protection de la biodiversité, agriculture de qualité, …) à des zones plus défavorisées. Cette politique contribue à la marginalisation et la disparition de l’agriculture paysanne, sans apporter de réponse réellement efficace aux problèmes environnementaux. Elle contribue également à la dérégulation des marchés alimentaires mondiaux et à la crise alimentaire, principalement dans les pays du Sud. Pour Ecolo, la Politique Agricole Commune doit être refondée sur base des préceptes de la souveraineté alimentaire.

16 Voir à ce sujet nos propositions du Livre I, Chapitre 5 « Alimentation et Agriculture ».

Proposition : Revoir la politique des agro-carburants17171717

Le développement des agro-carburants est hautement problématique au vu de l'absence de balises environnementales adaptées aux impacts négatifs de leur production sur l'intensification des cultures, la destruction des forêts et des milieux naturels et sur les populations qui en vivent. Le remplacement des cultures vivrières par des cultures énergétiques contribue également à la hausse du prix des denrées alimentaires et renforce le risque de pénurie. Ecolo propose dès lors de renoncer à l’objectif obligatoire fixé par la Commission européenne de 10 % de carburants d’origine renouvelable à atteindre d'ici 2020; d’imposer dans la nouvelle directive sur les énergies renouvelables l’intégration immédiate et complète de réels critères sociaux et environnementaux de durabilité, tant au niveau de la production que de l’importation des agro-carburants et des matières premières intervenant dans leur production, incluant une réduction effective immédiate des émissions de gaz à effet de serre (calculée sur le cycle de vie) d’au moins 60 %, tenant compte des effets indirects de changement d'affectation des sols.

Proposition : Empêcher toute dissémination d’OGM dans l’environnement18181818

Si à peine 0,1 % de la surface arable de l’UE était cultivée avec des OGM en 2007, plusieurs dizaines d’OGM sont aujourd’hui autorisés à l’importation, la transformation et l’utilisation dans l’alimentation humaine et animale en Europe. L’UE importe ainsi chaque année via ses ports des dizaines de millions de tonnes d’OGM en provenance des Etats-Unis, de l’Argentine, du Brésil et du Canada. Il n’existe pourtant toujours aucune garantie quant à l’absence d’impact environnemental des OGM autorisés dans l’agriculture et l’alimentation. Pour Ecolo, l'appropriation du patrimoine génétique et de l'alimentation par le secteur des biotechnologies doit être évitée. L'Union ne peut rester inactive devant le

17 Voir à ce sujet nos propositions du Livre 1, Chapitre 1 « Energie-climat ». 18 Voir à ce sujet nos propositions du Livre I, Chapitre 5 « Alimentation et Agriculture ».

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développement accéléré des cultures OGM dans certains pays du sud qui ne sont pas toujours outillés pour en mesurer les risques sociaux et environnementaux. De plus, dans l'UE comme ailleurs, leur dissémination dans l'environnement est non seulement néfaste pour la biodiversité, mais aussi pour la poursuite de cultures non OGM, en particulier l'agriculture paysanne et bio. D'où la nécessité de maintenir et d’élargir aux régions la clause de sauvegarde qui permet à des États membres de refuser la commercialisation et la culture des OGM. De même, le libre choix des consommateurs européens doit être renforcé pour qu’ils puissent savoir si le lait, les œufs ou la viande qu’ils achètent proviennent d’animaux nourris aux OGM. Ecolo propose dès lors de renforcer les procédures d’évaluation et d’autorisation et d’abandonner la procédure permettant à la Commission de prendre les décisions d’autorisation des OGM en absence d’une majorité qualifiée au Conseil des Ministres. Il faut également élargir l’étiquetage aux produits issus d’animaux nourris aux OGM.

PRIORITE N°2 : FAIRE DE L’EUROPE UN LEVIER D’EMANCIPATION SOCIALE ET ECONOMIQUE

L’intégration européenne est perçue par une

partie significative des habitants de l’UE comme un processus dans lequel les règles de la concurrence ont une nette prééminence par rapport à des objectifs tels que le relèvement de la qualité de la vie des habitants de l’Union ou celui d’un haut niveau d’emploi, objectifs pourtant inscrits dès les premiers articles des traités. Ce profond décrochage est d’autant plus grave que la précarité ne cesse de gagner du terrain dans l’ensemble de l’UE alors même que l’Europe n’a jamais été aussi riche et que, par ailleurs, les services économiques d’intérêt général sont progressivement soumis aux règles de la concurrence. Comme le mettent en évidence les libéralisations des services postaux ou des transports en communs, l’extension du champ d’application des règles de la concurrence se solde à l’heure actuelle par une hausse du coût des services et par un affaiblissement des capacités de plusieurs États membres à remplir

des missions essentielles pour assurer la cohésion économique et sociale.

Les jugements de la Cour Européenne de

Justice (CEJ) dans les cas Laval, Viking, Rüffert et Luxembourg contribuent à leur tour à renforcer le sentiment que les relations de travail et de sécurité sociale sont davantage façonnées au sein de l’UE par le dumping et les règles de la concurrence que par des choix politiques orientés vers une logique de coopération entre acteurs sociaux.

Alors que l’année 2010 sera l’année

européenne de lutte contre la pauvreté, l’Union Européenne doit impérativement se doter d’instruments pour renforcer les solidarités collectives transeuropéennes et pour devenir un levier d’émancipation sociale et économique. Dans cette optique il est indispensable pour les écologistes de nouer les alliances politiques nécessaires pour sortir à la fois de la tentation du repli national et/ou identitaire et des choix politiques qui privilégient la logique de la concurrence sur les pratiques de coopération au sein et à l’extérieur de l’UE.

Proposition : Orienter les politiques monétaire et budgétaire vers la transition écologique

Il est nécessaire de cadrer l'évolution des dépenses publiques dans le contexte d’une monnaie unique. Cependant, l’actuel cadre (le Pacte de Stabilité et de Croissance, PSC) n’offre pas la souplesse nécessaire pour mener des politiques contra-cycliques, répondant aux nouveaux besoins qui se font sentir, et ce, notamment dans un contexte de crise globale. Cet instrument doit être repensé, assoupli et davantage orienté vers le développement durable, la protection de l'environnement et la création d'emplois. L'existence de la monnaie unique a permis aux économies nationales de la zone Euro de ne pas être attaquées par les mouvements de capitaux spéculatifs. Il reste qu'au moment où l'on évoque le dixième anniversaire de l'Union Monétaire, la coordination des politiques économiques nationales reste dramatiquement insuffisante. Tant sur le plan de la politique budgétaire que sur celui de la fiscalité, les gouvernements nationaux agissent en ordre dispersé dans une logique de concurrence entre eux plutôt que dans une logique de

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coopération. La même situation existe pour la politique salariale où l'Allemagne imprime ses choix sans concertation avec les autres pays de la zone Euro. Face à la politique monétaire menée par la BCE, les Verts en appellent donc au renforcement du volet économique de l'UEM. Ce qui passe notamment par une coopération étroite entre les États Membres au sein de la zone Euro pour mettre fin à une concurrence fiscale destructive et à une austérité salariale qui pèse en particulier sur les bas salaires. Le « nouveau Green deal » proposé par Ecolo et les Verts européens vise, de manière complémentaire à l’objectif de stabilité des dépenses publiques, à faciliter d’une part, la relance pendant les périodes de basse conjoncture, et d’autre part, à offrir des possibilités permanentes de financement à des projets à haute valeur ajoutée sociale et environnementale nécessitant des investissements à longue échéance. Moyennant une concertation préalable, les pays amenés à réorienter et à augmenter une série de dépenses en fonction des objectifs de développement durable pourraient ainsi bénéficier, sous certaines conditions de durée et d’évaluation, d’une marge de manœuvre budgétaire plus importante et d’une interprétation plus souple des règles communautaires en matière d’aides d’État. La Banque Européenne des Investissements serait également amenée dans ce cadre à jouer un rôle de cofinancement pour des projets de relance nationaux et transfrontaliers par le biais d’un emprunt européen. Dans cette même optique, la stabilité des prix (lutte contre l’inflation) ne peut être le seul objectif poursuivi par la Banque Centrale Européenne. Il faut donc modifier ses statuts pour lui donner les moyens d’action lui permettant de dynamiser l’économie19.

Proposition : Mettre la régulation financière au service d’une économie de projets

La crise qui secoue la planète depuis 2007 est incontestablement la plus grave depuis le krach de 1929. Elle est le symptôme de la faillite d’un modèle de développement fondé sur l’autorégulation du marché, le dumping social et l’épuisement des ressources planétaires au profit d’une sphère financière en

19 Voir à ce sujet nos propositions du Livre IV, Chapitre 2 « Régulation ».

quête de rendements sans cesse croissants. Les exigences de retour des marchés financiers ont été supérieures aux taux de croissance de l’économie globale depuis une vingtaine d’années aussi bien en Europe que dans le reste du monde. Cette tendance lourde de régulation par les taux de profit entraîne une modification de la répartition du PIB entre travail et capital à la faveur du capital et exacerbe les risques systémiques associés aux bulles spéculatives. La pleine intégration des économies émergentes aux marchés mondiaux accentue cette tendance par la mise en concurrence de la main d’œuvre à l’échelle globale, le coût du travail étant la variable d’ajustement par excellence des stratégies d’optimisation des sociétés anonymes transnationales. L’éclatement de la bulle immobilière aux USA a mis un terme brutal à une période d’exubérance des marchés pendant laquelle les marges bénéficiaires des institutions financières ont été proprement spectaculaires. La situation était telle qu’une intervention étatique urgente était devenue nécessaire. Mais nous ne pourrons oublier que les plans de sauvetage (que nous avons critiqués dans certaines de leurs traductions opérationnelles) mis en place par les pouvoirs publics pour empêcher ces mêmes institutions financières privées de sombrer entraînera une socialisation des coûts sans précédent qui sera supportée par l’ensemble de la population mondiale pendant des longues années. Cependant, les interventions et prises de participation des pouvoirs publics ne doivent pas être considérées sous l’angle exclusif de la socialisation des coûts. Elles ouvrent également des nouveaux possibles en matière d’orientation des ressources et de socialisation des bénéfices. Ecolo et les Verts européens préconisent dans cette perspective un nouveau cadre réglementaire européen. Ce cadre viserait à renforcer substantiellement la régulation financière ; à moduler les exigences en fonds propres et les coûts des agents financiers en fonction des risques encourus ; et à canaliser le crédit vers des projets de longue terme, à haute valeur ajoutée en termes de durabilité sociale et environnementale. Ce cadre doit notamment20 inclure :

l’instauration d’une agence indépendante de supervision européenne des marchés financiers ;

20 Voir à ce sujet nos propositions du Livre IV, Chapitre 2 « Régulation ».

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la suppression des incitations à la prise de risque excessive à court terme (limiter l'effet de levier, encadrer la rémunération des dirigeants, supprimer les parachutes dorés, ...) ;

la mise en place d’une agence de notation européenne publique et indépendante et à plus court terme la mise en place d’une supervision et d’un code de conduite contraignant pour les agences de notation et la réforme des mécanismes de financement de ces agences ;

un encadrement strict et multilatéral des obligations de transparence et d’enregistrement pour les fonds alternatifs (hedge funds) et les fonds capital-investissement (private equity) ;

la révision des normes comptables internationales en vigueur (normes IFRS) qui obligent actuellement les institutions financières à évaluer leurs actifs – et donc à modifier leurs bilans – en fonction de la valeur de marché, ce qui ne manque pas d’entraîner de forts effets pro-cycliques ;

une révision des accords de Bâle II concernant les processus prudentiels destinés à appréhender les risques bancaires de manière à relever les exigences en matière de capitaux propres et à encadrer strictement la titrisation afin de limiter les prises de risque découlant des innovations financières caractérisées par un haut degré de complexité et opacité ;

un encadrement strict eu niveau européen des marchés de gré à gré et des marchés de produits dérivés de manière à les soumettre à des obligations prudentielles contraignantes et à limiter les effets de levier financiers ;

un cadre réglementaire européen visant à canaliser l’épargne européenne vers des investissements à haute valeur ajoutée social et environnementale et à longue échéance ;

la modulation contrecyclique des coûts du crédit octroyé par les institutions financières internationales ;

la sanction fiscale de toute transaction avec les paradis fiscaux et le renforcement de la lutte contre les places offshore par le biais notamment de l’adoption d’un code de conduite contraignant au niveau européen et international ;

un encadrement strict des investisseurs institutionnels dans les marchés des produits énergétiques et alimentaires.

De manière complémentaire à ces propositions en matière de régulation et de transparence, Ecolo et les Verts européens portent depuis plusieurs années toute une série d’initiatives visant à reconnecter la sphère financière de l’économie avec l’économie réelle, telles que la taxation des transactions financières (notamment des transactions de change et des transactions boursières) et des propositions législatives à l’échelle européenne dans le domaine de l’encadrement des fonds de pension.

Proposition : Mettre au cœur de l’agenda politique la lutte contre le dumping social

Les objectifs généraux des Traités, renforcés par le projet de Traité de Lisbonne, mettent les valeurs et principes de solidarité, de cohésion sociale et territoriale et de niveaux élevés de protection sociale au cœur du dispositif européen. Une nouvelle clause sociale dite "horizontale" oblige à un principe de cohérence entre les différentes politiques européennes sectorielles et les objectifs sociaux généraux. Pour renforcer l'effectivité de ces principes juridiques, les Verts souhaitent la mise en œuvre de procédures de convergence entre pays, sur la base d'indicateurs communs, visant à un alignement "par le haut" des normes sociales. Dans cette optique, pour combattre le dumping social, une série d’instruments de régulation doivent être mis en place :

la révision à la hausse des normes planchers communes dans le domaine des politiques sociales, notamment en matière de temps de travail et de congés maternité-paternité ; l’adoption à terme d’un revenu minimum garanti au-dessus du seuil de pauvreté des États membres fixé à au moins 60 % du revenu médian national dans le but de concrétiser partout la mise en œuvre effective des droits énoncés dans la Charte des Droits Fondamentaux, la Charte Sociale Européenne ou les conventions de l’ONU sur les droits civils, sociaux et économiques ;

dans le cadre de la Méthode Ouverte de Coordination (MOC) sur la protection

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sociale et l'inclusion sociale, l'adoption d'objectifs communs quantifiables en matière de lutte contre la pauvreté, prenant dûment en compte la problématique des travailleurs pauvres21;

tout en gardant l'ambition d'éradiquer la pauvreté à terme, fixer un objectif commun global d'éradication de l'extrême pauvreté afin que plus personne ne vive avec un revenu inférieur à 40% du revenu médian national au sein de l'Union européenne à l'horizon 2014 ;

le renforcement de la lutte contre les discriminations directes et indirectes qui mettent à mal l’égalité du genre au niveau des de l’accès au travail, des conditions du travail et du salaire ;

l’élargissement de la base juridique (politique d’emploi et non pas seulement libre prestation des services) et l’amélioration de la directive sur le détachement des travailleurs de manière à limiter les montages de concurrence déloyaux.

Proposition : Renforcer la lutte contre l’évasion fiscale, les places offhore et le dumping fiscal22

Pour combattre le dumping fiscal, une série d’instruments de régulation doivent être mis en place :

une harmonisation de la fiscalité entre les Etats membres pour mettre fin à une concurrence dommageable, pour atteindre la cohésion économique, sociale et environnementale et pour assurer le bon fonctionnement de l’Union économique et monétaire ; un transfert du poids de la fiscalité, du travail vers le capital et vers les choix dommageables pour l’environnement, doit impérativement être organisé ; la mise en place d’un socle commun en matière de fiscalité européenne est particulièrement nécessaire, ce qui suppose une modification des Traités pour supprimer le vote à l’unanimité en matière fiscale, et à plus court terme la mise en place d’une coopération renforcée ; ce socle commun doit viser à :

21 Il y a 14 millions de travailleurs pauvres au sein de l'Union européenne, soit deux fois plus en chiffres absolus que de chômeurs pauvres (Source: Eurostat, 2006). 22 Voir aussi le programme finances publiques d’Ecolo

augmenter sur une base d’imposition progressive la contribution des revenus du capital ;

harmoniser l’imposition des bénéfices des entreprises (par l’instauration d’un taux européen minimal appliqué à une assiette commune dans l’ensemble de l’UE ou sur base d’une coopération renforcée) ;

mettre en place une fiscalité énergétique.

l’élargissement de la directive européenne sur la fiscalité de l’épargne aux personnes morales et aux produits d’assurance, aux dividendes, et à l’ensemble de fonds de gestion de portefeuille de manière à réduire considérablement les contournements possibles de l’esprit de la directive épargne, parallèlement à la fin des dérogations en matière de secret bancaire ;

la lutte sérieuse et efficace contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux : les estimations officielles évaluent les pertes fiscales totales dans l’UE à un montant compris entre 200 et 250 milliards d’euros par an, soit plus de 2 % du PIB de l’Union ; une partie significative de cette fraude est de nature transfrontalière ; cependant, les instruments communautaires de détection de l’évasion et de recouvrement transfrontalier des taxes restent largement sous-développés ; parallèlement au renforcement de ces instruments, une des mesures à mettre en place pour éviter la fuite des capitaux et la concurrence fiscale entre États membres est le démantèlement des paradis fiscaux ; pour cela il faut notamment que les pays membres de l’UE interdisent les transactions en provenance de et vers ces pays fiscalement attractifs.

Proposition : Adopter un cadre juridique en faveur du déploiement des services d’intérêt général

Une directive-cadre sur les services d'intérêt général23 est un outil de choix pour limiter

23 Cela serait une erreur de se focaliser uniquement, voire même principalement, sur la distinction entre services économiques et non économiques. Certes, certains secteurs (y compris les services sociaux) sont clairement non économiques et doivent échapper complètement aux règles de la concurrence. Mais dans bien des cas il existe une zone grise : les frontières entre activités économiques et non économiques sont difficiles à tracer et sujettes à variations. La question clé est donc de s’assurer que l’intérêt général prévaut sur les règles de la concurrence

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l'impact des règles de la concurrence sur ces services. Il s’agit par là de garantir le droit et la capacité des pouvoirs publics locaux, régionaux et nationaux de financer et de gérer ce type de services, dans un but de cohésion sociale et territoriale comme de protection de l'environnement ou de la diversité culturelle. Pour Ecolo et les Verts européens, cette directive-cadre sur les services d’intérêt général est plus que nécessaire24. Ecolo et les verts européens soutiennent également la demande de la Confédération Européenne de Syndicats qui propose d'ajouter une clause juridiquement contraignante de progrès social au Traité de Lisbonne afin qu'elles puissent orienter les décisions de la Cour de Justice Européenne. Son objectif serait de clarifier les relations existant entre les droits sociaux fondamentaux et les libertés du marché économique.

Proposition : Mettre au centre du débat politique belge sur l’Europe l’enjeu de la définition des missions d’intérêt général

Les longs et intenses débats publics qui ont accompagné le déploiement progressif des politiques de libéralisation du marché interne européen sont indissociables de la question de la définition des missions d’intérêt général dévolue aux différents niveaux de pouvoir. Les traités de l’UE reconnaissent à plusieurs reprises, en conformité avec le principe de subsidiarité, que la définition des missions d’intérêt général est du ressort des autorités européennes, nationales et locales selon les niveaux respectifs de compétence. Une autonomie substantielle est dès lors reconnue aux autorités nationales. Il est indéniable que la portée d’une telle autonomie doit toutefois être relativisée si l’on prend en compte les contraintes imposées par l’évolution de la situation socio-économique, et de manière connexe, par la libéralisation en cours des services économiques d’intérêt général. Il n’en reste pas moins que cette

dans tous les cas de figure, y compris pour les services économiques. En effet, la mise en œuvre d’un développement plus durable exige que l’intérêt public soit pris en compte dans toutes les activités, qu’elles soient économiques ou non économiques. 24 Pour plus de détails sur cette proposition, consulter : http://www.greens-efa.org/cms/topics/dokbin/126/[email protected].

marge d’autonomie est souvent insuffisamment identifiée et utilisée au niveau national. Dans cette optique il est indispensable de prêter toute l’attention qu’elle mérite à la question de l’implication des usagers de ces services. Cet enjeu politique fondamental concerne une série de politiques sectorielles comme les transports, l’énergie, l’eau, le logement social, l’audiovisuel, les télécommunications et les services postaux, parmi bien d’autres. Parallèlement à la déconstruction critique des implications des dispositifs réglementaires européens, il y a lieu de se saisir explicitement de cet enjeu crucial et de construire une stratégie pour mettre au centre du débat politique belge l’enjeu de la définition des obligations de service public et les implications financières et organisationnelles qu’elle entraîne25. C’est dans cette perspective qu’Ecolo propose d’ouvrir un large processus participatif avec les syndicats et organisations de la société visant à évaluer l’impact en Belgique du cadre législatif européen en matière de libéralisation des services à l’aune de la définition donnée par les acteurs nationaux aux missions de service publique et aux obligations de service universel.

Proposition : Renforcer le dialogue social européen

Les partenaires sociaux européens doivent devenir des acteurs de premier plan dans la construction d’une Europe plus sociale. L’élaboration de conventions collectives européennes est plus que nécessaire aujourd’hui. Les acteurs politiques doivent soutenir de telles initiatives, d’autant plus dans un contexte où l’adhésion des nouveaux membres au sein de l’Union accentue l’hétérogénéité des pratiques de négociations collectives et de leur degré d’aboutissement. Afin d’éviter un nivellement par le bas, il convient de soutenir activement les nouveaux pays membres, en visant le renforcement des acteurs sociaux et les possibilités de négociation collective.

25 Voir à ce sujet nos propositions du Livre V, Chapitre 3 « Service public ».

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PRIORITE N°3 : PROTEGER LES DROITS FONDAMENTAUX ET RENFORCER LE CONTROLE

DEMOCRATIQUE DES INSTITUTIONS Depuis la ratification du traité de Maastricht,

l’UE s’est progressivement dotée un ensemble d’instruments juridiques visant à échafauder une politique commune en matière de justice et d’affaires intérieures. Elle visait ainsi à prolonger et compléter l’acquis communautaire sur les libertés de circulation et à faire de l’Union un « Espace commun de liberté, de sécurité et de justice ». Cette politique commune couvre désormais toute une série de domaines essentiels, dont notamment la citoyenneté de l’UE et la libre circulation des personnes ; la politique d’immigration, visas et asile ; la coopération judiciaire et policière dans les affaires civiles et pénales ; la lutte contre les discriminations ; la lutte contre la criminalité et le terrorisme.

Parallèlement au développement de ces

instruments, le Parlement Européen est progressivement devenu co-législateur d’une partie importante de ces politiques.

Face aux dérives sécuritaires et à la

multiplication des dispositifs de contrôle social au sein de l’espace de l’UE, Ecolo et les Verts européens estiment qu’il est urgent de contrecarrer ces dérives, de transformer cet espace pour en faire un instrument de protection efficace des droits fondamentaux et de renforcer le contrôle démocratique des institutions européennes et des Gouvernements.

Proposition : Combattre les dérives sécuritaires au sein de l’UE

Les dérives sécuritaires et répressives qui ont cours en Europe se sont multipliées en l’espace de quelques années seulement. En témoignent :

l’adoption de la directive « retour » ;

l’élaboration de deux nouvelles – et très mauvaises26- décisions-cadre sur la lutte contre le terrorisme et sur le traitement de données personnelles dans le cadre de la coopération judiciaire et policière ;

26 Voir le communiqué de presse du group des verts au Parlement Européen lors de l’adoption des deux directives cadre : http://www.greens-efa.org/cms/pressreleases/dok/250/[email protected].

l’introduction de la biométrie comme outil d’identification et de contrôle des mouvements migratoires des ressortissants des États tiers, et bientôt (2009-2011), de l’ensemble des voyageurs entrants ou sortants de l’UE ;

le transit de vols-prisons de la CIA dans une bonne moitié des États membres entre 2002 et 2006.

Ecolo entend inlassablement dénoncer et combattre ces dérives. Pour ce faire, Ecolo entend agir au sein du groupe des Verts au Parlement Européen et avec les organisations de défense des droits fondamentaux pour mobiliser, lorsque les circonstances l’imposent, les deux outils dont dispose le Parlement européen : la Cour de Justice et l’Agence des Droits Fondamentaux.

Proposition : Politique européenne de migrations d’asile et de contrôle des frontières : Sortir du paradigme utilitariste et répressif

Alors qu'il est admis que l'Europe devra accueillir des dizaines de millions de migrants durant les prochaines décennies, on constate en même temps qu'il existe dans la société européenne un racisme latent qui s'accompagne de politiques gouvernementales discriminatoires, utilitaristes et répressives. D’une part, les politiques migratoires européennes se basent sur des mesures punitives et d’internement visant les immigrés en situation irrégulière, les obligeant à plonger chaque fois un peu plus dans la clandestinité. D’autre part, elles reposent sur un volet utilitariste qui instaure une hiérarchie de droits entre migrants en situation régulière en fonction de leur profil et qualification. Compte tenu des déséquilibres mondiaux, il est évident qu'il n'y aura pas à l'avenir de réduction substantielle de l'immigration irrégulière tant que les dispositifs actuels d'immigration légale ne concerneront que majoritairement voire exclusivement les migrants hautement qualifiés ou jugés "utiles". En l'absence d'une telle ouverture et d'une remise à plat des politiques migratoires, d’asile et de contrôle des frontières communes, celles-ci resteront en contradiction flagrante avec le respect des droits les plus élémentaires et continueront à être au service de l’injustice et de l’impunité.

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Ecolo et les Verts européens sont favorables à l'élaboration d'une politique migratoire et d’asile commune qui harmonise les législations nationales par le haut en prenant comme référence les normes et les pratiques les plus protectrices des droits des migrants et demandeurs d’asile. En ce sens, les Verts dénoncent le Pacte Européen sur les Migrations adopté en 2008 qui entérine le double volet répressif/utilitariste. Les écologistes préconisent une autre vision du fait migratoire, basée sur le respect des droits fondamentaux des migrants et des demandeurs d’asile, et par conséquent, sur la lutte contre les conditions qui créent la clandestinité et l’exploitation. Le travail sous-rémunéré des migrants en situation irrégulière (environ 1% des habitants de l’UE selon les estimation officielles), mais aussi, celui de nombreux migrants précaires en situation régulière originaires des nouveaux États membres ou des pays tiers, répond à une offre de travail des employeurs européens désireux de réduire les coûts de la main d’œuvre dans des secteurs de l’économie qui, par définition, ne sont pas délocalisables (secteur des soins, services de proximité, bâtiment, récoltes, restauration, etc.). Cette « délocalisation sur place » constitue le pendant interne des délocalisations externes et relève de la même logique. La construction d’une autre politique migratoire est donc indissociablement liée à la lutte contre l’exploitation et le dumping social à l’échelle de l’Union et bien au-delà. A plus court terme, les Verts européens travailleront activement à amender les propositions de la Commission avec l’objectif politique d’une harmonisation par le haut sur base des normes les plus protectrices. Dans la même logique, la révision prochaine du système Dublin II, qui établit les responsabilités en matière d’examen des demandes d’asile, doit donner lieu à une réforme en profondeur de manière à l’orienter vers un partage solidaire et équitable des responsabilités entre États membres. De manière complémentaire, les Verts continueront à saisir les outils de contrôle dont dispose le Parlement Européen pour mettre en lumière, contrecarrer et dénoncer inlassablement l’érosion des droits fondamentaux que représentent la banalisation et multiplication des camps de détention administrative ; la détention des demandeurs d’asile et de mineurs migrants ; l’externalisation du contrôle de frontières européennes vers les pays voisins et l’opacité

de l’agence FRONTEX27 ; la généralisation de la biométrie à des fins de contrôle des flux migratoires.

Proposition : Rendre effectifs les instruments de lutte contre les discriminations

La proposition de directive horizontale contre les discriminations fondées sur l’âge, l’handicap, l’orientation sexuelle et la religion compte parmi les textes législatifs européens emblématiques qui feront l’objet d’une adoption lors de la prochaine législature. Alors que la discrimination sur le lieu du travail est formellement interdite dans l’UE, la législation européenne existante contre la discrimination ne s’applique toutefois pas à la fourniture de biens et services, à l’enseignement, ou à la sécurité sociale. En pratique, cela débouche, par exemple, sur des nombreuses discriminations directes et indirectes au niveau de l’accès au crédit ou en matière de couvertures d’assurance. Ecolo entend renforcer la proposition de directive présentée par la Commission fin 2008 et souhaite par ailleurs évaluer l’impact effectif des outils communautaires déjà existants en matière de lutte contre les discriminations.

Proposition : Renforcer la protection des droits des usagers et des consommateurs

Les nombreuses directives sectorielles adoptées chaque année par les institutions européennes soulèvent chacune la question des modes de protection des droits des usagers et des consommateurs. Comme l’affirme le BEUC (association européenne des consommateurs), « la proposition de directive sur les droits des consommateurs aura une influence sur la vie quotidienne des consommateurs de l’UE. Elle représente un tournant décisif dans l’approche de l’UE face à la politique et la législation relative au droit de la consommation, puisqu’elle abandonne le principe d’harmonisation minimale en vigueur depuis 25 ans, qui permet aux États membres d’adopter des mesures plus protectrices pour les consommateurs. Cette approche est aujourd’hui remplacée par l’approche d’harmonisation totale, impliquant que les

27 Agence de coopération pour la gestion des frontières extérieures de l’UE.

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États membres ne pourront pas offrir de protection allant au-delà de l’instrument européen. » Cette directive de l’UE ne peut donc être adoptée que si elle fournit un très haut degré de protection lors de la conclusion de contrats28.

Proposition : Faciliter la transparence et la participation des acteurs sociaux aux processus politiques européens

Les Exécutifs belges sont amenés, en fonction des compétences fédérales, communautaires et régionales, à légiférer en tant que membres du Conseil des ministres, co-législateur de l’Union Européenne (et dans certaines matières législateur unique). Force est de constater que ce travail législatif est souvent plus intense qu’au sein des Parlements nationaux. Les règles belges en la matière prévoient que les positions défendues par les ministres belges sont décidées au sein de la coordination établie à cet effet par la Direction Générale Europe du SPF Affaires Etrangères. Les positions sont adoptées au consensus sur base de notes préparées par les cabinets, l’administration et la représentation permanente de la Belgique auprès de l’UE. Le Parlement fédéral, et a fortiori les autres assemblées, ne sont informés que de manière assez parcellaire et donc partielle des positions négociées par les Gouvernements. Ainsi, de nombreuses positions défendues au Conseil ne font guère l’objet d’un examen parlementaire29. C’est pourquoi Ecolo entend légiférer pour systématiser le contrôle démocratique des positions défendues par l’Exécutif au sein du Conseil, améliorer la consultation et participation des acteurs sociaux au processus législatif et renforcer les capacités d’analyse et d’évaluation dont disposent les assemblées30. Corollairement, Ecolo souhaite que des auditions systématiques avec les partenaires

28 Ecolo veillera par ailleurs à faire avancer dans ce cadre les propositions opérationnelles spécifiques sur la protection des droits des consommateurs et des usagers. Voir à ce sujet nos propositions du Livre IV, Chapitre 2 « Régulation ». 29 Il y a lieu ici de signaler l’exception que constitue l’examen des positions défendues au sein du Conseil en matière environnementale et de santé par la Commission santé et environnement de la Chambre. Toujours est-il que les parlementaires montrent souvent peu d’intérêt à consacrer du temps de travail à l’examen de ces positions. 30 Contrairement au PE le parlement fédéral ne dispose que de peu de ressources en matière d’un véritable service d’études en appui au travail législatif.

sociaux soient organisées deux mois avant le sommet de printemps de l’UE consacré aux politiques socio-économiques et environnementales de l’Union. Dans l’attente de la discussion et de l’adoption d’une telle proposition de loi, Ecolo poursuivra son travail de contrôle par le biais de questions parlementaires ciblées et par un suivi systématique, rigoureux et transparent d’un certain nombre de dossiers européens jugés prioritaires. Par ailleurs, la manière par laquelle les Parlements nationaux, mais également les acteurs sociaux, sont impliqués dans les opérations de transposition et de contrôle du droit européen laisse beaucoup à désirer. Il existe cependant quelques exemples de bonnes pratiques d’appropriation critique des instruments du droit européen dans certaines assemblées des États membres31. Il convient donc d’améliorer le dispositif de suivi.

PRIORITE N°4 : POLITIQUE EXTERIEURE COMMUNE : L’EUROPE COMME ACTEUR D’UNE AUTRE MONDIALISATION

Les citoyens belges souhaitent majoritairement

que l’UE parle d’une seule voix en matière de politique extérieure. Pour Ecolo, on ne peut cependant pas faire l’économie d’une réflexion quant au contenu que l’Europe pourrait donner à cette expression commune : quelles valeurs et quels projets porte l’UE ? Quels moyens met-elle en place pour les promouvoir ? L’Europe ambitionne-t-elle simplement de contrebalancer l’hégémonie américaine, de reproduire le modèle américain (course à l’armement aux dépens des secteurs sociaux et culturels qui font la valeur ajoutée de l’UE, par exemple) ? Vise-t-elle vraiment un meilleur équilibre du monde, prenant en compte les intérêts de l’ensemble de la population mondiale ?

Pour Ecolo, l’objectif premier d’une politique

étrangère de sécurité et de défense doit être la promotion des droits humains de la coopération internationale, le maintien de la paix, le renforcement de la démocratie, tout en intégrant le souci d’un meilleur équilibre (économique, social, culturel et écologique) entre les différentes régions du monde.

31 Voir notamment le rapport réalisé par les services d’étude du Parlement Européen disponible à l’adresse : http://www.europarl.europa.eu/activities/committees/studies/searchPerform.do.

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Proposition : Impulser une autre vision de la sécurité européenne

En 2003, le Conseil européen a doté la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de lignes stratégiques claires qui lui faisaient défaut32, tout en mettant sur pied des outils spécifiques supplémentaires (par exemple, l’Agence européenne de l’armement). Dans l’intervalle, la PESC n’a cessé de se complexifier et de gagner en importance, mais également en opacité. Malgré certains principes positifs figurant dans cet accord, comme l’importance du multilatéralisme et de la prévention, Ecolo et les Verts européens se démarquent clairement de la ligne politique adoptée par les dirigeants européens, qui épouse de façon adoucie les analyses et actions du partenaire américain. Le concept de « sécurité humaine » exige la prise en compte des risques et menaces non conventionnelles telles que la pollution, le changement climatique, la distribution inéquitable des ressources, la pauvreté et la violation des droits fondamentaux. Les Verts proposent une autre vision que la vision adoptée par le Conseil européen33 :

le concept de « sécurité humaine » exige la prise en compte des risques et menaces non conventionnelles telles que la pollution, le changement climatique, la distribution inéquitable des ressources, la pauvreté et la violation des droits fondamentaux ;

le désarmement constitue l’une des clés fondamentales de toute politique de sécurité commune ; les exportations d’armes ont connu une augmentation de 50% entre 2003 et 2007 ; les Verts proposent de mettre en place des normes européennes contraignantes pour bannir les exportations directes et indirectes d’armes lourdes et légères aux régions en crise ;

sur le plan de la sécurité internationale, l’Organisation des Nations Unies34 devrait

32 « Une Europe sûre dans un monde meilleur », Stratégie européenne de sécurité adoptée en décembre 2003. 33 Le groupe des Verts au Parlement européen a adopté un texte de position sur la stratégie des Verts en matière de sécurité pour l’Europe disponible à l’adresse : http://www.greens-efa.org/cms/topics/dokbin/206/[email protected] 34 Voir à ce sujet nos propositions du Livre VI, Chapitre 2 « Relations internationales ».

conserver seule le pouvoir de mandater ses membres, individuellement ou collectivement, pour mener toute opération de maintien et/ou de rétablissement de la paix ; cette garantie permettrait d’empêcher toute intervention militaire mue par les seuls intérêts d’une minorité ou d’une puissance quelconque ;

à terme, l’UE devrait posséder son propre siège permanent au sein du Conseil de Sécurité pour faire valoir au mieux la spécificité de son approche : priorité à la prévention des conflits, au multilatéralisme, à la promotion du droit international et in fine à la paix durable, en dehors de considérations d’ordre purement géostratégique.

Ecolo veut éviter que l’Agence européenne de défense, créée en juillet 2004, ne se transforme en un complexe militaro-industriel européen soumis au lobby très intense de l’industrie de l’armement. Il convient que les mandataires politiques (notamment au travers du Parlement européen) gardent la maîtrise sur cette institution et sur les instruments militaires technologiques qu’elle souhaite voir développer. Si le recours à la force, en dernier recours, tant à l’intérieur des Etats que sur la scène internationale, peut parfois être justifié et légitime, il s’agit d’opérer à chaque fois dans un cadre multilatéral et dans le respect de la Charte des Nations Unies. Pour Ecolo, certains critères stricts doivent être respectés en cas d’utilisation de l’outil militaire, comme :

l’interdiction de certains types d’armes telles que les armes de destruction massive (nucléaire ou non), les armes chimiques, les armes biologiques ou les mines antipersonnel ;

la limitation de l’armement au plus bas niveau possible ;

l’institutionnalisation de l’objection de conscience.

Cependant, pour Ecolo, le Gouvernement belge doit avant tout défendre une Europe envisagée comme une puissance civile. Contrairement à la situation qui prévalait dans le passé, les instruments militaires ne constituent plus l’élément central de la sécurité nationale. Le rôle des outils civils et politiques

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 1 « Europe » - p 19/80

de gestion de crise ne cessent de gagner en importance. Ecolo est favorable à une « politique européenne de sécurité intégrée » qui rassemble tous les instruments de politique étrangère et de sécurité mis à la disposition des États européens. Dans ce sens, Ecolo sera favorable à une politique européenne de défense évoluant vers une mise en commun des économies d'échelle et une rationalisation des ressources. Concrètement, la PESD doit tendre au renforcement de la coopération multilatérale et des institutions internationales telles que les Nations Unies. Son autonomie décisionnelle par rapport à l’OTAN doit être clairement affirmée et mise en pratique35, à l’encontre de ceux qui espèrent voir la PESD évoluer, à long terme, vers une politique européenne de défense dotée avant tout d’une forte composante militaire. Politique énergétique La politique énergétique relève aussi de la politique de sécurité. Pour limiter les tensions croissantes autour des ressources naturelles qui se raréfient, nous avons besoin d’une politique énergétique qui assure la sécurité et la diversité d’approvisionnement de l’Europe grâce à une utilisation plus intensive des sources d’énergies renouvelables, à des technologies plus efficaces et à des systèmes d’approvisionnement décentralisés. La gestion des stocks de pétrole, de gaz ou de biomasse est aussi importante. Au-delà de cette sécurité, l’UE doit prendre en compte également les intérêts des pays les plus faibles et les impacts sur l’environnement de ses choix énergétiques. Contrôle et non-prolifération des armements Le contrôle et la non-prolifération des armements sont des instruments essentiels de la prévention des conflits. Il faut donc rassembler les nombreuses initiatives individuelles de l’UE dans le cadre d’une stratégie globale visant au respect des engagements en matière de désarmement et à la revitalisation des négociations consacrées au contrôle des armements et au désarmement sur la scène mondiale. Le Code européen de bonne conduite doit être transposé dans un texte contraignant applicable à tous les Etats-membres, avec un droit de contrôle du Parlement européen dans son application. Les

35 Voir à ce sujet nos propositions du Livre VI, Chapitre 2 « Relations internationales ».

Verts plaident par ailleurs pour une UE libre d’armes nucléaires. Gestion civile des crises La gestion civile des crises doit demeurer l’une des pierres angulaires de l’UE. Les instruments militaires peuvent compléter ou soutenir les mécanismes civils, mais ils ne pourront jamais les remplacer. Afin de renforcer les capacités d’intervention civile de l’UE, le concept de « corps civil européen de la paix », élaboré par les Verts européens, doit être mis en œuvre en tant qu’espace flexible de mise en commun des ressources de paix civiles. Intervention humanitaire et clause droits fondamentaux La politique européenne de sécurité doit en outre rester le reflet d’une politique des droits humains36, incluant plus particulièrement une action ferme en vue de prévenir les génocides. L’intervention face à la probabilité ou au déroulement d’un génocide ne doit pas être paralysée par la diplomatie. Conformément à la résolution adoptée par le Parlement Européen en septembre 2008, les Verts préconisent une mise en œuvre cohérente, transparente et soumise au contrôle parlementaire des clauses relatives aux droits fondamentaux et des sanctions communautaires en matière de respect des droits fondamentaux, tout en considérant que les dégradations volontaires et irréversibles à l’environnement constituent une violation aux droits fondamentaux et un motif pouvant conduire à l’adoption de sanctions communautaires37. Les verts plaident par ailleurs pour que la sous-commission des droits de l’homme devienne une commission à part entière. Harmonisation de la politique de sécurité Une « politique européenne de sécurité intégrée » doit également se refléter dans les dispositions institutionnelles de l’Europe. Au vu des défis qui s’annoncent en matière de sécurité et de politique étrangère, un lien efficace doit être établi entre les structures de conseil et les structures décisionnelles de l’Europe. Ce constat s’applique tant aux différents ministères nationaux qu’à la coordination entre la Commission européenne et le Conseil. Moyennant un renforcement des

36 Droits de l’homme. 37 Le texte de la résolution est disponible à la page : http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P6-TA-2008-0405+0+DOC+XML+V0//FR&language=FR.

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rôles de contrôle du Parlement Européen et des Parlements nationaux, les Verts sont favorables à une harmonisation de la politique de défense et de sécurité qui permettrait d’ enclencher des économies d’échelle, et par conséquent, une réduction des coûts budgétaires des États membres, et corrélativement un désarmement de ces derniers. Transparence et contrôle parlementaire L’accès de l’Europe aux instruments de la politique de sécurité, le recours à la méthode intergouvernementale et la communautarisation de domaines spécifiques impliquent des formes très variées de contrôle parlementaire. Ici aussi, il convient de renforcer le lien afin de garantir aux députés européens et aux parlementaires nationaux la possibilité d’exercer leurs responsabilités. Le Parlement européen doit avoir le pouvoir de formuler des lignes directrices contraignantes dans les matières relatives à la politique étrangère. Dans le même ordre d’idée, Ecolo a déposé une proposition de révision de la Constitution belge visant à soumettre la participation belge aux missions PESD à l’assentiment parlementaire.

Proposition : Refonder la politique commerciale commune (PCC)

La politique commerciale de l’UE s’est radicalisée ces 15 dernières années dans un sens de plus en plus néo-mercantiliste et orienté par la logique de la compétitivité, où le service rendu aux intérêts particuliers de l’industrie européenne pèse plus lourd que toute autre considération, par exemple d’ordre environnemental ou social. Ainsi en 2007, l’UE a opté pour une nouvelle stratégie en matière de commerce international : elle privilégie dorénavant un bilatéralisme agressif visant à obtenir à tout prix une pénétrabilité mutuelle des économies. Cette stratégie constitue la «dimension externe» de la stratégie communautaire de Lisbonne, qui vise à faire de l’UE «l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde». La conclusion d’accords avec les économies les plus compétitives du monde a pour finalité de créer un marché sans entrave pour les biens, les services et les capitaux, obéissant au principe de libéralisation des échanges. L’enjeu de cette nouvelle stratégie est soulevée dans un contexte de « concurrence » de plus

en plus aigue aux intérêts européens par de nouveaux acteurs, et plus particulièrement la Chine , dans la zone « Afrique Caraïbes Pacifique ». Jusqu’à présent, la Commission européenne, en cela suivie par la grande majorité des États membres, s’est abritée derrière l’idée qu’il n’appartient pas à la politique commerciale européenne de sauvegarder l’environnement ou d’éliminer la pauvreté, et que donc le « core business » de la PCC est d’accroître l’ouverture et l’expansion commerciale et l’accès aux marchés extérieurs pour les entreprises européennes. Aujourd’hui, les négociations commerciales menées par l’UE visent à étendre la marchandisation du monde à des domaines autrefois insoupçonnés comme, par exemple, la biodiversité et la patrimoine génétique, les semences, les services et marchés publics, … Les droits des investisseurs privés et des exportateurs sont renforcés à travers un corpus normatif et régulatoire sans cesse plus étendu (à travers par exemple une « nouvelle génération » d’accords commerciaux bilatéraux) et des mécanismes de mise en œuvre particulièrement contraignants (à travers par exemple l’Organe de Règlement des Différends de l’OMC), mais ces droits ne s’accompagnent guère d’obligations équivalentes pour ces acteurs économiques, ou de régulation multilatérale ou supranationale comparable en matière de protection de l’environnement ou de droits sociaux. Ceci amène à une situation globalement déséquilibrée où, de facto, certains intérêts pèsent plus lourd que d’autres, et certaines priorités en viennent à dominer l’agenda des négociations. Pour Ecolo, il faut se départir de l’idée du libre commerce comme vecteur de paix et de progrès économique dont la gestion serait réservée à des diplomates éclairés. Il faut, au contraire, re-politiser la politique commerciale de l’Union et démocratiser le processus décisionnel, ainsi que les modes d’implication des élus européens. Pour cela, Ecolo plaide, notamment, pour les mesures suivantes :

mettre en place une véritable hiérarchie des normes internationales, selon laquelle les normes en matière de droits sociaux et environnementaux et les accords pour la sauvegarde du climat priment sur les intérêts commerciaux ;

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instaurer des normes contraignantes pour les investisseurs européens dans les pays en développement par le biais des conditions de respect des normes sociales et environementales assorties aux couvertures d’assurance et aux crédits à l’exportation ;

exiger un rôle pour le Parlement européen identique à celui accordé au Conseil en matière de politique commerciale, notamment dans la définition et l’approbation des mandats de négociation de l’UE ; cela aurait pour conséquence d’aboutir à la révision des mandats de négociation existants, à la fois pour les négociations multilatérales/OMC et les négociations bilatérales ;

renforcer le contrôle démocratique du Parlement fédéral et mettre en place un système de collaboration institutionnelle avec les commissions compétentes au sein du Parlement européen afin de favoriser l’échange d’information et de renforcer le contrôle parlementaire sur les pouvoirs exécutifs ; systématiser l’interpellation parlementaire du Gouvernement belge en matière de politique commerciale et l’interpellation du représentant belge au Comité 133 afin de rendre l’administration et la « diplomate commerciale » belge plus transparente et redevable auprès des citoyens ;

ôter aux lobbies industriels, commerciaux et financiers leur influence excessive sur les politiques commerciales européennes en instituant un registre obligatoire des groupes d’intérêts influençant les institutions européennes et rendre plus transparent la prise de décision et les responsabilités respectives des acteurs en jeu (États membres, Commission, négociateurs, diplomates, parlementaires, …).

Par ailleurs, il s’agit également de changer le cours de la PCC en tant que telle, dans un sens où elle deviendrait un moyen (et non plus une fin en soit) pour encourager le développement durable de l’Europe et celui de nos partenaires, en particulier des pays en développement. Pour cela, Ecolo plaide pour les mesures suivantes :

mettre un terme à l’agenda « Europe Globale » de l’UE où l’objectif court-

termiste et idéologiquement biaisé de « compétitivité » à tout prix oblitère et contredit toute autre action efficace en matière de protection de l’environnement ou de renforcement des droits sociaux ;

refuser toute expansion des compétences de la PCC sans un renforcement préalable des institutions et des normes multilatérales en matière de protection de l’environnement et de renforcement des droits sociaux ;

renforcer substantiellement les clauses sociales et environnementales dans des accords de libre-échange, qui restent des accords globalement déséquilibrés et injustes ; pour ce faire, il est indispensable de : 1) rendre ces clauses contraignantes ; 2) mettre en place des mécanismes de règlement de différends et de compensation monétaire en cas d’infraction et 3) mettre en place des mécanismes de participation de la société civile dans leur évaluation ;

inscrire dans les stratégies commerciales la notion de « préférences collectives » et la mettre au centre des objectifs de la PCC ;

mettre à l’agenda politique des institutions européennes et nationales la mise en place de la « qualification du commerce », c’est-à-dire, la possibilité de mettre en œuvre des mesures de restriction commerciale (tarifaires et non tarifaires) sur base du respect de l’environnement et des droits sociaux ; dans le même ordre d’idée, l’UE doit défendre unilatéralement et inclure dans son mandat de négociation au sein de l’OMC le concept de production and processing methods basé sur le droit de distinguer –et donc de discriminer – des produits analogues, voire identiques sur base des méthodes et modes de production respectueux des normes sociales et environnementales ; les éventuels prélèvements résultant de ces mesures devraient être reversés aux pays en développement sous forme d’aide au développement ;

promouvoir à l’échelle de l’ensemble des relations commerciales les « bonnes pratiques » en matière de commerce « alternatif », comme par exemple l’expérience positive du commerce équitable (Fair Trade) ; impulser également une directive européenne contenant des

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normes planchers en matière de commerce équitable et marchés publics ;

assortir la relance du cycle de Doha pour le développement de l’OMC d’un nouveau mandat fondé sur un réel traitement spécial et différencié par le biais duquel les pays en développement soient en mesure de définir la vitesse et l’étendue des processus de libéralisation de leur économies ; ce nouveau mandat doit inclure explicitement le principe de non reciprocité (voir ci-dessous) et doit promouvoir la suppression des subsides à l’exportation agricole pour 2013 au plus tard et des mécanismes de gestion des prix et de l’offre agricole ;

exiger un moratoire sur la conclusion de nouveaux accords de libre échange ; l’UE est confrontée au défi majeur de réduire radicalement ses émissions de gaz à effet de serre durant les années et décennies à venir, ce qui implique une relocalisation de l’économie et le respect de normes environnementales et sociales très contraignantes ; dans ces circonstances, il n’est pas dans l’intérêt de l’UE d’offrir à des partenaires économiques tels que la Chine, la Corée du Sud ou l’Inde des avantages comparatifs en matière d’investissements ou de marchés publics, si ces derniers n’appliquent pas des normes sociales et environnementales reconnues internationalement ; c’est pourquoi Ecolo et les Verts européens préconisent un moratoire à la signature de nouveaux accords de libre échange qui sera levée lorsque des accords multilatéraux et bilatéraux auront intégrée des normes sociales et environnementales contraignantes ;

cesser de forcer les pays ACP à adopter des Accords de partenariat économique injustes et déséquilibrés et fonder ces accords sur base du développement économique et social des pays partenaires ; de nombreux rapports et études ont mis en évidence les répercussions potentiellement désastreuses de la forme actuelle des accords de partenariat économique (APE) que l’UE tente d’imposer depuis plusieurs années aux pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique ; Ecolo et les Verts européens plaident pour que l’UE ne force aucun pays ACP à signer des accords intérimaires s’ils ne l’ont pas fait, ni à aller au delà des APE intérimaires déjà signés

s’ils ne le souhaitent pas ; dans l’intervalle, des conditions comparables aux SPG+38 doivent être accordées aux pays partenaires ; ainsi, face aux défis posés par la crise globale, les écologistes plaident pour qu’une révision des accords intérimaires déjà signés et la conclusion des accords définitifs avec les pays partenaires et régions qui le souhaitent se fassent conformément à deux principes directeurs : 1) maximiser l’espace politique dont disposent les pays partenaires pour orienter leur politique de développement ; 2) mettre en œuvre un principe de « non réciprocité » qui exige moins aux pays partenaires que ce qui leur est proposé en échange39.

Proposition : Remettre à plat la politique de coopération au développement

La politique de l’UE en matière de coopération au développement doit impérativement être repensée. Elle est à ce jour davantage orientée par la promotion des intérêts géostratégiques de l’UE que par l’objectif de lutte contre la pauvreté et d’appropriation démocratique des populations et Gouvernements bénéficiaires. Certaines pratiques impulsées par la Commission, telle que la tranche incitative pour la bonne gouvernance, sont à cet égard particulièrement critiquables et doivent faire l’objet d’une révision approfondie. Ecolo et les Verts européens plaident également pour une communautarisation du budget du Fonds Européen du Développement de manière à le soumettre au droit de regard du Parlement Européen40.

PRIORITE N°5 : POUR UNE EUROPE QUI S’ASSUME ET VA DE L’AVANT

Le Traité de Lisbonne est l'aboutissement de

longues négociations politiques entre les 27 États membres de l'UE. Ecolo, comme les Verts européens, estime que le Traité de Lisbonne

38 Schéma de préférence généralisé proposé par l’UE aux pays partenaires moyennant des conditions d’adoption d’un ensemble d’instruments internationaux 39 Voir à ce sujet nos propositions du Livre VI, Chapitre 2 « Relations internationales » et Chapitre 3 « Coopération au développement ». 40 Voir à ce sujet nos propositions du Livre VI, Chapitre 3 « Coopération au développement ».

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améliore les Traités actuels : il introduit davantage de démocratie parlementaire ; il consolide les droits fondamentaux des citoyens et crée la personnalité juridique de l'Union ; il réaffirme les valeurs et les objectifs généraux des politiques européennes au sein desquels des options politiques différentes peuvent être mises en œuvre selon les volontés politiques qui s'expriment.

Le Traité de Lisbonne confirme aussi qu'il n'y a

pas d'unité de vues politiques sur un équilibre institutionnel définitif entre l'Union et les Etats. Nous sommes loin d'un Etat fédéral européen et d'acteurs supranationaux dotés d'une large autonomie41. La situation actuelle est plutôt caractérisée par la défense d'intérêts nationaux au détriment d'objectifs communs, comme en témoignent les actuelles discussions sur les futures législations en matière de lutte contre les émissions de CO2. Mais l'Union a toujours progressé à l'occasion de crises et des réponses à leur apporter. La crise actuelle des systèmes financiers révèle à nouveau avec une grande évidence la nécessité de davantage de régulations publiques européenne et mondiale et d'institutions politiques pour les mettre en œuvre.

Tout en appuyant l'entrée en vigueur du Traité

de Lisbonne, Ecolo et les Verts européens considèrent qu'il conviendra d'en dépasser les limites. Développer des "coopérations renforcées" sur des sujets précis permettant une plus grande efficacité des politiques en même temps qu'une plus grande équité sont nos combats de demain. L'abolition des paradis fiscaux dans l'Union et la bataille pour leur disparition au niveau mondial est un champ d'action possible et souhaitable. La dénonciation du maintien de la règle de la décision à l'unanimité dans le domaine fiscal fait partie de nos priorités.

Mais ces combats pour davantage de politique

européenne n'ont de sens et de légitimité que si ils sont portés par un approfondissement démocratique sérieux : "l'Europe" doit être l'affaire de tous et les Verts s'emploieront à développer à tous les niveaux des initiatives citoyennes en lien avec les objectifs qu'ils défendent et qui font leur spécificité.

Les Verts défendent l'idée que toute révision

future des Traités devrait se faire sur la base d'un référendum européen et que l'entrée en vigueur des changements aux Traités dépende d'une majorité qualifiée et non de l'unanimité. Complémentairement à la révision des Traités, des

41 A l'exception de la Cour de Justice et de la BCE.

consultations européennes devraient pouvoir être organisées sur des sujets précis tels que les compétences de l'Union; ces consultations contribueraient à l'existence d'un espace public européen et à la transnationalisation de la vie politique dans l'Union.

Proposition : Créer une circonscription électorale européenne

Le maintien des circonscriptions électorales au niveau national ne permet pas l'existence d'un débat démocratique à l'échelle supranationale, ni l'émergence d'une classe politique européenne. Des enjeux nationaux ou régionaux viennent trop souvent occulter les enjeux européens, ce qui contribue à déconnecter le citoyen des prises de décision au niveau de l'Union. Afin d'accentuer la légitimité du Parlement Européen et de faciliter l'émergence de débats sur les enjeux véritablement européens lors des campagnes électorales, Ecolo préconise la mise en place, à côté des autres circonscriptions nationales, d'une circonscription électorale européenne. Celle-ci porterait sur une portion de l'hémicycle, à l'instar de ce que propose le Parti Vert Européen.

Proposition : Assumer les élargissements de l’UE

Ecolo, comme le Parti Vert européen, est favorable à l'admission des pays Balkans et de la Turquie au sein de l'Union européenne. Cette admission est conditionnée par le respect des critères dits de "Copenhague". Nous insistons en particulier sur le respect des droits de l'homme, des droits des minorités, des libertés publiques, de la justice et de l'impartialité de l'état de droit. La situation de Chypre sera réglée préalablement à l'entrée de la Turquie dans l'Union. Les futures adhésions pour qu'elles réussissent et qu'elles renforcent l'Union supposent au minimum la mise en œuvre du Traité de Lisbonne. Eu égard à la possibilité d’élargir le projet européen à d’autres Etats encore, Ecolo estime cependant nécessaire la tenue d’un débat public à l’échelle européenne sur les frontières de l’Union européenne et sur la

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nature de son projet. De manière générale, il faut aussi que les Gouvernements nationaux prennent leurs responsabilités par rapport aux élargissements récents et à venir : un accompagnement financier et solidaire important doit être proposé afin de réussir au mieux l’intégration des nouveaux et futurs membres et d’éviter des déséquilibres au sein même de l’Union. En ce sens, la tendance actuelle de diminuer la contribution des Gouvernements nationaux est insensée. C’est pourquoi nous pensons qu’un budget européen rehaussé et nourri de ressources propres est indispensable au bon fonctionnement de l’UE et à la réalisation de ses objectifs.

Proposition : Amorcer un large débat politique autour du budget de l’UE

La prochaine législature européenne (2009-2014) sera notamment marquée dès 2009 par la négociation d’un nouveau cadre budgétaire. Ces négociations mettront à l’épreuve le degré de volonté politique des États membres de doter l’UE des moyens nécessaires pour assumer ses missions et objectifs. Pour Ecolo et les Verts européens, le cadre budgétaire en vigueur actuellement est clairement insuffisant. Les élargissements successifs accroissent les écarts entre les régions riches et les régions plus défavorisées. Il est donc nécessaire d’augmenter les moyens alloués à la Politique de cohésion. Par ailleurs, il s’avère nécessaire d’élargir les instruments communs de solidarité de la politique extérieure de l’UE qui devra notamment répondre dans les années qui viennent aux urgences provoquées par la crise sociale et écologique globale de manière concertée et rapide. Enfin, Ecolo et les Verts européens estiment qu’une augmentation du budget doit permettre de financer des vastes projets transfrontaliers nécessaires à une révolution énergétique et des transports. Il s’agit à présent d’entamer un large débat politique au sein du Parlement Européen pour identifier les défis qui exigent des réponses et des moyens communautaires supplémentaires et pour chiffrer les montants nécessaires pour ce faire. Ecolo et les Verts européens s’engagent à mettre ce débat à l’ordre du jour de l’agenda politique du Parlement Européen dès le lancement de la nouvelle législature en 2009, et à fournir des propositions spécifiques

pour augmenter le budget de l’UE sans alourdir de manière disproportionnée la charge des contribuables et des budgets des États membres. L’instauration d’une taxe européenne sur les transactions financières reversée partiellement au budget de l’UE constituerait à cet égard un instrument qui pourrait rapporter jusqu’à 40 milliards d’euros par an couplé à des recettes plus importantes dues à une stratégie efficace de lutte contre l’évasion fiscale transfrontalière. Ecolo préconise par ailleurs de procéder à une évaluation externe de la Politique de cohésion afin d’identifier les travers, ainsi que les bonnes pratiques au niveau de l’allocation et la gestion des fonds destinés aux régions. Cette évaluation externe devrait avoir idéalement lieu au niveau européen, mais pourrait avoir lieu également au niveau national. L'attribution et l'utilisation des fonds structurels devraient également faire l'objet d'un suivi efficace, au cas par cas et a posteriori, au niveau européen.

Proposition : Offrir une seule et même implantation au Parlement européen

Suivant en cela les arguments de la pétition www.oneseat.eu qui a réuni plus d'un million de signatures, Ecolo, à l’instar des Verts européens, se prononce résolument pour une implantation unique du Parlement Européen à Bruxelles. Cette décision de bon sens doit mettre fin à une transhumance parlementaire tout aussi néfaste pour l'environnement que pour l'efficacité, l'image et la visibilité de l'institution démocratique européenne.

Proposition : Ouvrir plus largement les institutions européennes aux citoyens et aux touristes

Les bâtiments européens comme le siège du Parlement européen, du Conseil Européen ou de la Commission font figure de véritables forteresses inaccessibles pour les citoyens. Alors que les institutions européennes souffrent d'un manque particulièrement criant de légitimité et de visibilité qui finit par nuire au projet européen lui-même. Cette obsession sécuritaire ajoute à ce sentiment de fermeture, d’un monde européen en vase clos.

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 1 « Europe » - p 25/80

De nombreux citoyens européens aspirent légitimement à découvrir les lieux où se prennent les décisions importantes qui régissent leur vie de tous les jours. Ecolo propose que toutes les Institutions européennes fassent désormais primer l'ouverture de ses espaces aux citoyens par rapport aux impératifs de sécurité parfois surestimés. De véritables circuits touristiques, certes sécurisés, doivent pouvoir voir le jour au sein des différentes implantations européennes, en collaboration avec l'Office du tourisme local. Par ailleurs, dans cette même optique visant à rapprocher les institutions des citoyens, il semble opportun de développer les instruments de communication les plus divers entre les institutions européennes et les citoyens (jury citoyen, conférences de consensus, sondage délibératif, …).

Proposition : Créer un(e) véritable Musée / Maison de l'Europe

Une Maison de l'Europe, conçue comme un espace didactique de tout premier plan sur l'Histoire de l'Europe et le fonctionnement de ses institutions doit voir le jour en plein Quartier Européen. Cet espace doit donner un visage à l'Europe dans sa capitale, Bruxelles. Il ne peut s'envisager qu'au cœur du Quartier Européen car cet espace doit être le lieu de départ d'un cheminement touristique au travers des différentes implantations européennes. Ecolo envisage ce Musée comme enchâssé dans un espace public ouvert, vert et convivial, une véritable « Place de l'Europe ».

Proposition : Systématiser la concertation lors des futures extensions immobilières des Institutions européennes

L'implantation de l'Europe à Bruxelles apporte de nombreux avantages à la Région de Bruxelles-Capitale mais son développement anarchique dans les quartiers a provoqué un véritable traumatisme social et urbanistique. Ecolo veut imposer une concertation obligatoire avec le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et les comités de quartier concernés pour tout agrandissement / aménagements des espaces dévolus aux Institutions européennes à Bruxelles.

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 2 « Relations internationales » - p 27/80

PROGRAMME ECOLO ÉLECTIONS 2009

LIVRE VI - Pour une société planétaire

Chapitre 2 « Relations internationales »

Une politique et des institutions internationales qui contribuent à une paix durable et à un développement équitable pour tous les peuples

Relations internationales aujourd’hui : Etat des lieux et analyse d’Ecolo

« Il convient de rompre le lien entre croissance économique et dégradation environnementale »

Achim Steiner, UNEP, Budapest, novembre 2007

Les effets néfastes sur les plans économique, social, environnemental ou culturel des politiques de libéralisation et de dérégulation menées à l’intérieur des Etats et entre les Etats, conjugués à l’absence de réelles politiques de prévention des conflits et aux carences de la communauté internationale en matière de rétablissement de la paix sont à l’origine de situations désastreuses.

Le nombre de conflits qui visent au contrôle

des ressources naturelles augmente ; des tensions et des déplacements de populations voient le jour en conséquence des changements climatiques ; la crise alimentaire sans précédent contribue à l’instabilité de certaines régions, démontrant au passage les orientations catastrophiques données au commerce par les instances internationales. Autant de symptômes de la crise socio-écologique dans laquelle est plongé le monde actuel ; autant de risques pour la paix et la sécurité, tandis que les sources de conflits s’accroissent et s’interpénètrent.

Depuis septembre 2001 et les guerres qui ont

suivi (Afghanistan, Irak, …), nous assistons à l’exacerbation des tensions internationales. De nombreux conflits inter- et intra-étatiques font rage dans diverses régions du monde : Afrique, Moyen-Orient, Asie,... Le retour en force de la menace nucléaire (militaire mais aussi parfois civile) comme arme de dissuasion et de protection des intérêts géostratégiques (Corée, Inde, Iran, Egypte,…) augure une nouvelle ère d’instabilité et de dangers,

à la fois comme menace directe (attentat ou détournement à des fins terroristes) mais également en termes de sécurité environnementale (intensification du transport de matières radioactives, gestion des déchets,…). A cet égard, le délitement progressif du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) doit être absolument combattu pour éviter cette nouvelle course aux armements.

De plus, la lutte contre le terrorisme sert

souvent de prétexte à une criminalisation sournoise des mouvements sociaux et s’opère aux dépens de la liberté d’expression et des libertés individuelles chèrement acquises, en ce compris en Belgique42. Le centre de détention de Guantanamo et les autres centres du même type et « secrets », n’ont pas leur place dans un système qui se déclare démocratique.

Par ailleurs, au-delà des effets bénéfiques en

termes d’échanges de savoirs, de cultures, de découvertes … la mondialisation creuse les inégalités, mettant notamment à mal la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). Comme le soulignait l’ancien Secrétaire général des Nations unies (ONU), Kofi Annan, à propos de l’identification des menaces pesant sur la sécurité mondiale, il y a des menaces dures (terrorisme et guerres) mais aussi des menaces plus indirectes (faim, épidémies, tensions ethniques, changements climatiques, inégalités économiques, violation des droits des femmes et des enfants, …), moins médiatisées mais qui provoquent beaucoup plus de victimes que les premières. Actuellement, 1 % de la population mondiale détient à lui seul l’équivalent du revenu global des 57 % les plus pauvres. 2,8 milliards de personnes vivent avec moins de 2 $ US par jour et 1,2 milliard avec moins de 1 $ US par jour.

42 Voir à ce sujet nos propositions du Livre II, Chapitre 7 « Justice ».

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En outre, les flux financiers du Sud vers le Nord sont paradoxalement beaucoup plus importants que ceux allant du Nord vers le Sud43. La toute-puissance des multinationales, qui se jouent des législations nationales et délocalisent leur production là où les salaires sont moins élevés, les conditions de travail moins contrôlées - et donc souvent déplorables -, les ressources naturelles plus aisément sujettes au pillage là où les législations environnementales sont moins strictes, participent aussi à la dégradation des conditions de vie d’une partie de la population mondiale.

Après les échecs successifs des négociations

du cycle de Doha à l’OMC, qui freinent de facto les ardeurs des pays industrialisés à libéraliser à tout crin, Ecolo veut œuvrer à la mise en place d’une gouvernance démocratique mondiale qui tienne compte des intérêts des peuples, de la préservation du patrimoine commun de l’humanité et des biens publics mondiaux tels que l’eau ou la santé. Un ordre mondial plus juste et plus équilibré doit laisser la place aux voix du Sud, notamment en les libérant du poids de la dette qui hypothèque leur développement44, et en leur accordant une place à part entière dans les différentes institutions internationales.

Plus globalement, afin que les affaires

mondiales puissent être gérées de façon plus équitable et globale, il convient de donner une place plus importante à la seule clé de voûte capable d’atteindre un tel objectif : l’ONU. La démocratisation (notamment par un rôle accru de la société civile), le renforcement et la primauté de l’ONU dans la politique internationale sont essentiels aux yeux des écologistes. Les Nations Unies ont un rôle fondamental à jouer en matière de pauvreté, de cohésion sociale, d’environnement et de changement climatique, de paix et de sécurité, de désarmement et de non-prolifération, de respect des droits de l’homme ... Elles doivent aussi accueillir en leur sein et contrôler les organisations multilatérales mondiales telles que l’OMC, le FMI, la Banque mondiale ... dans l’optique d’un fonctionnement démocratique et effectif de ces institutions conformément aux principes de l’organisation.

43 Entre 1998 et 2002, le transfert net global (flux financiers vers le Nord moins flux financiers vers le Sud) s'est élevé à 490 milliards $ : en d'autres termes, le Sud transfère massivement des fonds vers les élites financières. D’après les chiffres du CNCD, entre 2002 et 2006, 84 milliards $ d’aide ont en moyenne été versés chaque année aux pays en développement, mais ces derniers ont vu sortir 456 milliards pour le paiement de leur dette extérieure et 619 milliards de flux illicites. 44 Voir à ce sujet nos propositions du Livre VI, Chapitre 3 « Coopération au Développement ».

Dans ce contexte d’instabilité et de tensions croissantes, Ecolo place de l’espoir en la personne du 44e président des Etats-Unis, Barack Obama comme vecteur de changement interne aux Etats-Unis, mais surtout d’amélioration progressive des relations internationales. L’image des Etats-Unis sur la scène internationale s’est fortement dégradée et le changement ne s’opérera certes pas du jour au lendemain. Le nouveau président devra faire face à de nombreux défis tant sur le plan intérieur (crise financière, perte de confiance, etc.), qu’extérieur (crise alimentaire et écologique ; relation avec les grandes puissances comme la Chine, la Russie ; gestion des guerres dans lesquelles les Etats-Unis sont impliqués ; multilatéralisme efficace ; restauration du dialogue, de la diplomatie et de la prévention de conflits plutôt que les interventions armées ; subordination à l’ONU ; financement accru de la coopération au développement et amélioration de son efficacité, etc, ...). Les regards sont à présent tournés vers le nouveau président américain qui devra faire preuve d’ouverture et d’ambition pour impulser une meilleure forme de gouvernance mondiale.

Pour les écologistes belges et européens, la

nécessité d’un nouveau « Green deal » se fait plus que jamais ressentir afin d’apporter une solution durable aux crises environnementale, sociale, financière et alimentaire. Dans cette perspective, il convient de découpler croissance économique et dégradation de notre environnement45, d’éliminer les effets pervers des politiques d’atténuation des changements climatiques au Nord sur les populations du Sud (agrocarburants, etc.), d’anticiper et de prévenir la dégradation environnementale dans le cadre des conflits armés (arme nucléaire, pillage des ressources, contamination de l’eau potable, etc.).

Ecolo entend faire avancer sa vision de la

gouvernance mondiale et de la sécurité internationale qui :

fonde ses principes sur un modèle réformé et démocratique, respectueux des conditions humaines, sociales et environnementales ;

se base sur un système financier international régulé et fondamentalement réformé, met un terme à l’existence de paradis fiscaux et place l’économie au service de l’humain et non l’inverse sans négliger la lutte contre la criminalité financière et l'impunité qui la caractérise ;

45 Voir à ce sujet nos propositions du Livre I, Chapitre 1 « Energie – Climat » et du Livre VI, Chapitre 1 « Europe ».

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 2 « Relations internationales » - p 29/80

est garante de la sécurité et de la souveraineté alimentaires au Nord comme au Sud ;

privilégie la prévention et/ou la résolution pacifique des conflits ;

favorise le rétablissement de la démocratie ;

respecte les droits de l’Homme, en ce compris les droits sociaux et économiques ;

assure l’égalité de genre, notamment par la désignation de plus de femmes au sein des instances décisionnelles (du niveau local au niveau global), et le libre choix de l’orientation sexuelle.

A ces fins, les Gouvernements doivent

impulser et soutenir des projets ambitieux et durables au sein des différentes institutions internationales dans lesquelles la Belgique est représentée ainsi que dans le cadre de leurs politiques étrangères et de coopération au développement.

Relations internationales demain : Propositions d’Ecolo

PRIORITE N°1 : IMPULSER UNE GOUVERNANCE

ECONOMIQUE MONDIALE AU SERVICE DU

DEVELOPPEMENT DURABLE La Banque mondiale, l’Organisation mondiale

du commerce (OMC) et le Fond monétaire international (FMI), qui constituent aujourd’hui une constellation agissant quasi comme un monopole au service des intérêts des pays du Nord, doivent être profondément réformés afin d’impulser une gouvernance mondiale basée sur le multilatéralisme et la coopération internationale. La faillite du système financier international totalement dérégulé et ses conséquences tant sur les épargnants ou l’accès au crédit que sur l’économie en général ne font que confirmer cette nécessité. En vue de faire du commerce international un élément intégré à la sécurité humaine, à la justice sociale et à la paix mondiale, il faut à la fois agir sur le fonctionnement interne de ces institutions, réorienter radicalement les politiques qui leur sont assignées et organiser à terme leur regroupement sous l’autorité de l’ONU.

Proposition : Subordonner les accords économiques à des critères sociaux et environnementaux

Le commerce doit être au service du développement et non le contraire. Cette condition est corollaire tant au respect des normes sociales et environnementales lors de la conclusion et de la mise en œuvre de tout accord commercial (d’ordre bilatéral, multilatéral ou régional), qu’à la garantie d’un traitement spécial et différencié pour les pays en développement. Il convient donc de subordonner les politiques commerciales et d’investissement au strict respect des normes sociales et environnementales, ainsi que, plus généralement, au respect des prescriptions de la Déclaration universelle des droits de l’homme. A cette fin, Ecolo propose notamment :

d’intégrer l’OMC dans l’ONU en tant qu’institution spécialisée, de façon à la subordonner aux traités et conventions conclus dans le cadre onusien ; concrètement, cela signifie, par exemple, la subordination des accords économiques de portée internationale aux conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et aux accords internationaux en matière de santé et de protection de l’environnement ;

d’assurer un contrôle parlementaire du mandat de la Belgique au Conseil des Ministres européen et à l’OMC, ainsi que du mandat du commissaire européen en charge du commerce ;

d’exclure de l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) et du champ d’application de l’OMC et des APE46, les services publics de base et les biens communs (tels que l’eau par exemple) ;

de créer une Organisation Mondiale de l’Environnement qui rassemblerait l’ensemble des accords existants dans ce domaine et veillerait de façon indépendante à leur mise en œuvre ;

de créer une agence de l’énergie dépendant de l’ONU, dont la mission serait d’aider les Etats et les sociétés dans la

46 Accords de partenariat économique.

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 2 « Relations internationales » - p 30/80

transition vers une ère « post énergie fossile et uranium47 » ;

de rendre contraignant le respect de normes sociales et environnementales par les entreprises transnationales et leurs filiales à l’étranger ;

de rendre contraignantes les normes édictées par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) ;

de généraliser la pratique et d’assurer la reconnaissance légale du commerce équitable48;

de lutter contre l’évasion fiscale frauduleuse ou légalisée (du fait des exemptions fiscales dont bénéficient de nombreuses transnationales), évasion fiscale qui coupe les vivres du développement endogène et accentue le dumping fiscal49 ;

en application de la convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique adoptée à New York le 9 mai 1992, de poursuivre intensément les négociations internationales en vue d’un nouvel accord multilatéral en suite du protocole de Kyoto qui vient à échéance fin 2012. Cet accord devra contenir des mesures fortes et contraignantes de diminution des émissions de gaz à effet de serre.

Proposition : Réformer l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC)

L’échec des négociations commerciales du cycle de Doha en juillet 2008 prouvent à quel point le modèle de gouvernance économique mondial actuel exige de profonds changements. L’OMC, telle qu’elle existe actuellement, souffre d’un manque cruel de transparence et de fonctionnement démocratique. C’est pourquoi sa réforme ne peut plus attendre. Pour Ecolo, il est prioritaire de mettre en cause les dispositions inscrites dans les statuts de l’OMC, contraires à l’objectif de développement durable et incompatibles avec les engagements multinationaux relatifs aux droits humains et sociaux ainsi qu’à la

47 Voir à ce sujet nos propositions du Livre I, Chapitre 1 « Energie – Climat ». 48 Voir à ce sujet nos propositions du Livre IV, Chapitre 2 « Régulation ». 49 Voir à ce sujet nos propositions du Livre VI, Chapitre 3 « Coopération au développement ».

préservation de l’environnement. Ecolo estime que la Belgique doit plaider explicitement pour que la relance du cycle de Doha soit assortie d’un nouveau mandat. Celui-ci devra se fonder sur un réel traitement spécial et différencié par lequel les pays en développement seront en mesure de définir la vitesse et l’étendue des processus de libéralisation de leurs économies (policy space). Ce nouveau mandat doit inclure explicitement le principe de « non-réciprocité » qui exige moins des pays partenaires en développement que ce qui leur est proposé en échange. Il est en outre indispensable d’intégrer dans les traités de l’OMC les concepts de «qualification commerciale » et de « production and processing methods », qui permettent des mesures de restriction commerciale (tarifaires et non tarifaires) sur base du respect des normes sociales et environnementales50. Plus globalement, la réforme de l’OMC doit viser à améliorer :

le fonctionnement du mécanisme de règlement des différends au sein de l’OMC ;

le processus de prise de décision interne de l’OMC (entre autres via le rétablissement du principe selon lequel toutes les délégations ont accès à l’ensemble des négociations, par un soutien analytique pour les délégations plus faibles, par l’admission, notamment, des ONG aux réunions du Conseil général … ;

la relation entre l’OMC et les organes de l’ONU.

En outre, Ecolo propose :

de faciliter le développement de blocs régionaux qui fonctionneraient sur le principe de la subordination du commerce au développement et la relocalisation de la production ;

de mettre en place un système de gouvernance économique géré par un ensemble d’institutions (blocs régionaux, accords environnementaux multilatéraux, CNUCED, OIT, OMC réformée, etc.) sous l’égide du conseil économique et social des Nations Unies prévu par la Charte, et dont il convient de renforcer les missions et le pouvoir pour le transformer en véritable Conseil de sécurité économique et social ;

50 Voir à ce sujet nos propositions du Livre VI, Chapitre 1 « Europe ».

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 2 « Relations internationales » - p 31/80

d’assurer un traitement spécifique à la production alimentaire pour assurer la souveraineté alimentaire des Etats ; une régulation adéquate des marchés agricoles et alimentaires (mécanismes de marché et pratiques des acteurs des chaînes agroalimentaires) est nécessaire, bien différente de la « régulation » du libre-échange privilégiée par l’OMC ; cette régulation suppose notamment le recours à la gestion de l’offre, aux échelles nationale et/ou régionale, ainsi qu’à l’échelle internationale lorsque c’est possible (accords par produits)51.

Proposition : Refonder l'architecture financière internationale et réformer les institutions internationales de financement du développement

Créés au lendemain de la seconde guerre mondiale, le FMI (Fonds Monétaire International) et la Banque mondiale ont été créés respectivement pour assurer la stabilité du système monétaire international et la gestion des crises monétaires et financières d’une part, et fournir des fonds pour construire des infrastructures et réformer les systèmes économiques ou sociaux des pays en voie de développement d’autre part. Ils sont aujourd’hui en proie à une profonde crise de légitimité. Contrairement aux orientations prises par le G20, cette situation exige un profond changement de leurs finalités et modes d’organisation ainsi qu’une transparence accrue et un mode de fonctionnement plus démocratique. Tel que mentionné précédemment, le système de gouvernance économique doit être géré par un ensemble d'institutions régionales placées sous l'égide du Conseil économique et social de l'ONU. La démocratisation du FMI et de la Banque mondiale est encore plus lourde à réaliser dès lors que le pouvoir de décision y est actuellement proportionnel à la contribution financière des Etats. C’est pourquoi, pour Ecolo, il est nécessaire que le contrôle politique d’une part, et que la représentation et la participation des Etats du Sud, par le truchement de la représentation des blocs régionaux par exemple, d’autre part, soient renforcés dans la prise de décision

51 Voir à ce sujet nos propositions du Livre I, Chapitre 5 « Alimentation et Agriculture ».

économique et financière internationale. La réforme de ces institutions, en vue d'une gouvernance planétaire et équitable, doit en outre mettre fin à leurs politiques destructrices en matière de droits humains, d’environnement, de valeurs sociales. Enfin, tout en veillant à ce qu’elle ne soit pas instrumentalisée par les institutions financières internationales (IFI) la société civile doit également se voir attribuer une place croissante dans la définition des orientations politiques. La Banque Mondiale devrait se recentrer sur le financement de biens publics essentiels, dont les biens publics mondiaux, en offrant des taux d’intérêts très bas, et ce, tout en s’assurant que les programmes et projets financés sont respectueux des normes sociales, environnementales et des droits humains fondamentaux dans les pays bénéficiaires. Quant au FMI, il devrait viser à la régulation financière : stabilité monétaire, lutte contre la spéculation, contrôle des mouvements de capitaux,…52 Au niveau strictement belge et à court terme, Ecolo demande que les représentants belges au FMI et à la BM fassent rapport de leur activité deux fois par an devant le Parlement et des représentants de la société civile avant les sommets de printemps et d’automne des institutions financières internationales. Plus globalement, une commission devrait être créée au sein du Parlement, chargée, d’une part, de suivre l’ensemble des engagements internationaux pris par la Belgique (traités, négociations commerciales internationales,…) et, d’autre part, d’organiser les débats en amont de l’expression des positions de la Belgique au sein de ces institutions. Par ailleurs, Ecolo demande que le Gouvernement belge conditionne le versement de ses contributions au FMI et à la Banque mondiale à la nécessaire démocratisation de ces institutions internationales et à la suppression des conditionnalités économiques qu’elle impose aujourd’hui aux pays en développement en échange de leur assistance financière.

52 Voir à ce sujet nos propositions du Livre IV, Chapitre 2 « Régulation » et du Livre VI, Chapitre 3 « Coopération au développement ».

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Proposition : Instaurer une taxation des flux financiers internationaux

A l’instar de ce qui a été proposé par le Parlement belge, il convient de soutenir au niveau européen la taxation des flux financiers en devises, telle que proposée par Paul Bernd Spahn selon un système à double taux : un taux bas, d’une part (de manière à ne pas perturber les mouvements de capitaux), et un taux très élevé, d’autre part, appliqué uniquement lorsque la spéculation sur une monnaie se situe en dehors du cours-pivot (afin de réduire au maximum l’extrême volatilité des mouvements de capitaux). Cette taxation à « double taux » servirait à la fois l’objectif d’une réduction de la spéculation et celui de la mobilisation de ressources pour le développement.

PRIORITE N°2 : METTRE LES INSTITUTIONS

INTERNATIONALES AU SERVICE DE LA

PAIX ET DE LA PREVENTION Les principales institutions dont les

compétences ont un impact militaire et/ou de prévention des conflits et de maintien et/ou de rétablissement de la paix (l’ONU et l’OTAN) doivent être réformées, afin que le monde ne soit plus dominé par les seuls intérêts d’une puissance unique (aujourd’hui les USA, demain peut-être l’Europe ou la Chine ou d’autres encore). Les tensions qui découlent d’une telle situation ne sont pas admissibles et empiètent sur les capacités de développement autonome des différentes populations.

Pour Ecolo, c’est l’ONU qui doit jouer, au

niveau mondial, ce rôle de régulateur des différentes forces en présence, et ce, en fonction de lignes directrices définies par l’intérêt général de tous les citoyens de la planète. Bien qu’imparfaite à de nombreux égards pour l’instant, l’ONU (et sa galaxie d’organisations satellites) constitue l’unique institution mondiale communément admise et respectée. L’ONU doit être la seule institution habilitée à mandater une opération de maintien ou de rétablissement de la paix.

C’est le multilatéralisme qui doit fonder la

légitimité d’une décision d’ingérence et du recours à la force, en dernier ressort, car il peut éviter les

interventions « intéressées » de l’un ou de l’autre Etat ou groupe d’Etats. Un des problèmes majeurs est que le rapport de forces continue de dominer les débats au sein du Conseil de Sécurité. Le « deux poids, deux mesures » reste ainsi une réalité dans le fonctionnement de l’organisation et risque de mettre en cause la légitimité du multilatéralisme s’il apparaît comme un simple écran de fumée occultant les politiques de grandes puissances.

Proposition : Réformer l’ONU

Afin de donner toutes les chances à l’ONU de remplir au mieux ses missions telles que définies dans sa Charte, un financement conséquent et garanti (pouvant résister aux pressions politiques conjoncturelles) doit lui être attribué. De même, Ecolo estime qu’une révision de son mode de fonctionnement est indispensable et doit prendre en compte les principes suivants :

le renforcement du rôle de l’ONU en matière de désarmement, de « sécurité humaine » et de prévention civile des conflits afin d’empêcher les interventions militaires et armées, autant que faire se peut ;

la suppression du droit de veto des Etats membres du Conseil de sécurité ; ce droit doit être remplacé par une procédure de vote à la majorité qualifiée ; dans une période intermédiaire, il est envisageable que le droit de veto dont bénéficient la Grande-Bretagne et la France soit exercé par l'Union européenne ;

l’élargissement du Conseil de sécurité à de nouveaux Etats, afin d’assurer une meilleure représentativité à l’échelle de la planète, notamment dans le sens d’une représentation des ensembles régionaux (notamment de l’Union européenne) ;

la contribution de tous les acteurs gouvernementaux et non-gouvernementaux à la réflexion en cours sur la mise en place d’une Assemblée parlementaire des Nations Unies ;

l’accroissement de l’implication et du rôle de la société civile au sein de l’ONU, en fonction de son expertise à la fois en amont (connaissance du terrain, détection des conflits/problèmes, …) et en aval (aide à l’élaboration de solutions) ;

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l’amélioration de la transparence des décisions ; il faut par exemple que les discussions et les débats entre les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité fassent l’objet de comptes rendus écrits et publics ;

la constitution d’un droit de la défense par l’obligation pour le Conseil de Sécurité d’auditionner des Etats susceptibles de faire l’objet de sanctions ;

le renforcement de la présence des femmes aux postes de décision et la prise en compte de l'impact de la guerre sur les femmes et partant, l'importance de la participation de celles-ci dans tous les aspects des opérations de maintien de la paix des Nations Unies ;

l’amélioration de la formation des soldats (pour éviter des phénomènes aussi inacceptables que des viols commis par des Casques Bleus par exemple) et l’augmentation de la participation en troupes des pays occidentaux53.

Proposition : Veiller à ce que l’OTAN reste subordonnée à l’ONU et ne devienne pas un instrument d’intervention militaire

Depuis la fin de la guerre froide et la chute du mur de Berlin en 1989, le rôle de l’OTAN a sensiblement évolué. Conçue au départ comme une alliance politico-militaire de défense du territoire de ses Etats membres dans le respect du droit international (notamment le respect de la Charte de l’ONU), cette organisation tend à évoluer vers un instrument militaire aux mains des intérêts de la superpuissance américaine. L’OTAN s’est attribué de nouvelles missions qui ne figurent pourtant pas dans son Traité fondateur. Ce glissement pernicieux s’est déroulé sans assentiment ni contrôle démocratique puisque ces changements majeurs n’ont par exemple jamais fait l’objet d’une ratification par le Parlement belge. Or, les tendances récentes observées montrent que certains membres de l’OTAN (les Etats-Unis en tête) souhaitent augmenter les capacités militaires de l’organisation, accroître son rôle dans des missions de type

53 Voir plus loin.

humanitaro-politique, tout en lui donnant une dimension mondiale qui engloberait à terme des pays comme l’Australie, la Corée du Sud ou le Japon. L’instrumentalisation de l’OTAN au service des intérêts géostratégiques américains n’est plus à démontrer. La raison d’être, le développement et l’indépendance d’une politique de sécurité et de défense commune en Europe s’en trouvent par ailleurs mis en difficulté54. Une telle évolution fait courir le risque de voir l’ONU et les principes contenus dans sa charte relégués au second plan, et le multilatéralisme envoyé aux oubliettes, sans compter la polarisation accrue du monde (les inclus et les exclus d’une OTAN élargie). Ce passage d’une alliance purement défensive vers une alliance de plus en plus offensive doit être combattue et mise en échec. En tout état de cause, Ecolo estime que le Gouvernement belge doit :

se positionner contre la transformation de l’OTAN en une alliance militaire mondiale non subordonnée à l’ONU, contre la militarisation croissante des relations internationales et contre une nouvelle course à l’armement (nucléaire notamment) ; si toutefois cette tendance devait se renforcer et se concrétiser à l'avenir, une sortie de cette alliance devrait être envisagée ;

faire en sorte que l’OTAN s’en tienne strictement aux missions qui lui ont été assignées dans sa Charte fondatrice (protection de l’intégrité territoriale des Etats- membres dans le respect du droit international ; optique défensive), qui prévoit du reste sa subordination à la Charte de l’ONU, ce qui signifie qu’aucune intervention militaire de l’OTAN ne peut se faire en dehors des Nations Unies ;

veiller à ce qu’un élargissement de l’OTAN ne s’opère pas sans la définition préalable d’une nouvelle stratégie ; le dernier « concept stratégique » datant de 1999, il n’est en effet plus adapté à la réalité internationale actuelle ;

s’assurer qu’en cas de changements dans la nature des missions de l’OTAN, ceux-ci fassent l’objet d’un débat au sein du Parlement belge et aient reçu son assentiment ;

54 Voir à ce sujet nos propositions du Livre VI, Chapitre 1 « Europe ».

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 2 « Relations internationales » - p 34/80

exiger le retrait du sol belge des armes nucléaires américaines servant notamment à équiper des avions de chasse de cinq pays de l'OTAN (dont la Belgique), qui ne sont pas reconnus comme puissances nucléaires selon les termes du Traité sur la Non-Prolifération nucléaire (TNP) ; le Gouvernement belge doit donc prendre l'initiative de la dénucléarisation du territoire et dégager les forces armées belges de toute mission nucléaire ; il faut exiger l’application de la résolution adoptée par le Parlement belge en 2005 demandant que le Gouvernement agisse effectivement en vue du désarmement nucléaire et, plus concrètement, pour le retrait d'Europe des armes nucléaires américaines ;

réviser la Convention de juillet 1971 entre la Belgique et l’OTAN relative au transport de troupes et d'armement sur le territoire belge, ce qui permettrait à la Belgique d’empêcher, le cas échéant, le passage de forces américaines sur son territoire ;

s’opposer à de nouvelles adhésions à l’OTAN de nature à aggraver les tensions au lieu d’assurer la paix et la coexistence entre les nations ; la Belgique et l’Union européenne doivent continuer à promouvoir la recherche de solutions pacifiques et négociées par une diplomatie collective et, de préférence, européenne ;

favoriser une politique de dialogue critique avec la Russie, plutôt qu'une politique de confrontation.

Proposition : Renforcer les pouvoirs de la Cour Pénale Internationale (CPI)

Le Gouvernement belge doit s’engager pour que les pays candidats à l’UE et/ou à l’OTAN qui n’ont pas encore signé ou ratifié le Traité de Rome instituant la CPI le fassent au plus vite, quitte à user de son droit de veto en cas de non-ratification par les pays candidats. De façon générale, la signature et la ratification des statuts de la CPI devraient devenir l’un des critères sur la base desquels la Belgique et l’Union européenne évalueraient et moduleraient les relations économiques et diplomatiques qui les lient à leurs partenaires. Ecolo encourage également tous les Etats à lutter contre l’impunité en poursuivant les présumés auteurs de crimes graves de droit

international. A cet égard, Ecolo insiste néanmoins sur la nécessité de trouver le juste équilibre entre les réalités locales, l’objectif de réconciliation à poursuivre, la responsabilité de la population locale dans la reconstruction du vivre ensemble, le respect des droits de la défense et des victimes, ainsi que la nécessaire indépendance et impartialité de l’organe mis en place.

Proposition : Etablir le contrôle démocratique sur la politique étrangère et de défense

En Belgique, la politique étrangère et de défense est la prérogative exclusive de l’exécutif. A l’instar de ce qui se passe dans d’autres pays de l’UE, Ecolo plaide pour une capacité de contrôle de cette politique par le Parlement. Le contrôle parlementaire des opérations militaires européennes doit également être effectué au niveau des parlements nationaux, et ce, tant que cette garantie n’existera pas directement au niveau européen. Concrètement, il s’agira notamment de modifier la Constitution pour :

confier au Parlement toute décision relative à la mise en œuvre des forces militaires, dans un cadre de maintien ou de rétablissement de la paix, à une majorité spécialement qualifiée, selon des modalités à déterminer ;

permettre au Parlement d’être en mesure de donner son accord préalable à tout engagement des forces armées, à l’exception des rarissimes cas d’extrême urgence, qui nécessitent l’envoi de militaires dans des délais extrêmement courts (de 24 à 48 heures).

Proposition : Réglementer le commerce des armes au niveau mondial

La disparité et les lacunes des législations nationales en matière d’armement ainsi que l’absence de contrôle et de transparence sur le commerce et les flux d’armements à l’échelle internationale donnent lieu à de nombreux transferts illégaux vers des groupes armés, alimentant ainsi les conflits dans de nombreuses régions du globe (Tchad, Birmanie, Somalie, Colombie, etc, ...) et partant, de graves violations des droits humains.

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 2 « Relations internationales » - p 35/80

Malgré les oppositions de certains pays comme les Etats-Unis ou la Chine, l’adoption d’un traité international sur le commerce des armes par tous les Etats membres des Nations Unies ne peut plus attendre. Un tel traité doit notamment empêcher le transfert d’armements lorsque ceux-ci sont susceptibles d’être utilisés en violation des principes du droit international humanitaire ou/et du droit international. Une fois de plus, la Belgique est à la traîne et doit jouer un rôle de pionnier en intégrant le respect du droit humanitaire dans ses critères d’évaluation et en soutenant activement l’adoption d’un tel traité. Tout transfert ou transit en Belgique d’armements destinés à alimenter des conflits (tel que vers le Tchad par exemple) doivent être formellement interdits afin que la Belgique soit en conformité avec le code de conduite européen sur les transferts d’armements ainsi qu’avec la loi sur l’exportation d’armes. Tel que s’y est engagé le Ministre des Affaires étrangères, l’accord de coopération entre les entités fédérées et l’Etat fédéral qui vise une cohérence entre les politiques des différents niveaux de pouvoir, notamment avec la politique étrangère de la Belgique et en conformité avec le code de conduite européen en matière d’exportation d’armes, doit être appliqué concrètement. La Belgique doit en outre poursuivre et intensifier son action pour l’application universelle de l’interdiction des mines anti-personnelles et des armes à sous-munitions.

PRIORITE N°3 : APPUYER LES EFFORTS DE PREVENTION, DE REGLEMENT DES CONFLITS ET DE

RECONSTRUCTION ET ASSURER LE

RESPECT DU DROIT INTERNATIONAL ET DU

DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE La prévention de conflits, le désarmement et la

non-prolifération, la sécurité humaine, sont autant de dimensions qui requièrent une vision globale. En effet, pour assurer la paix, il faut s’attaquer aux causes des conflits et envisager les politiques de sécurité sous un angle qui inclut diverses dimensions : les problèmes environnementaux et le changement climatique, la disponibilité et la distribution des ressources naturelles, les ressources énergétiques, la justice sociale, le respect des droits de l’homme, la démocratie, la

lutte contre la criminalité organisée, des politiques commerciales et agricoles équitables, etc.

Pour les écologistes, les dépenses et

interventions militaires doivent progressivement diminuer au profit d’interventions civiles voire de police si nécessaire, la mise en commun des moyens humains et financiers (au niveau européen par exemple55), ainsi que des programmes humanitaires.

En ce qui concerne l'Afrique, il faut souligner le

rôle croissant de l'Union africaine dans le domaine de la paix et de la sécurité : action de prévention et de médiation; gestion des conflits et négociation des accords de paix; déploiement de forces de maintien de la paix : mise en place de programme de reconstruction et de développement post-conflit. La construction progressive d'une politique commune de défense et de sécurité africaine s'appuie également sur le renforcement du rôle des organisations sous régionales en matière de paix et sécurité.

Pour Ecolo , il s'agit de passer de la

dénonciation des situations intolérables à des actions coordonnées dans le cadre de partenariats avec des acteurs locaux et de financement d'initiatives existantes mises en place aux niveau local, régional et continental. Trop souvent en effet, les actions "bilatérales" des bailleurs de fonds, sont dispersées et leurs effets ne sont pas "durables".

Proposition : Lutter contre les violences sexuelles utilisées comme arme de guerre

Toute forme de violence sexuelle est inadmissible en temps de guerre comme en temps de paix. En situation de guerre ou de conflit, les crimes sexuels sont utilisés comme tactique de guerre ; ils servent à déstabiliser et humilier les communautés, à prendre le contrôle de territoires, à briser la société en s’en prenant aux femmes et aux fillettes, et contribuent largement à la transmission du virus HIV. Les victimes ainsi stigmatisées et souvent tenues pour responsables, sont souvent rejetées par leur famille et leur communauté. Les femmes n’ont d’autre choix que de poursuivre leurs activités quotidiennes pour maintenir leur famille en vie (culture, ramassage du bois, …), ce qui les expose d’avantage au risque d’être abusées et

55 Voir à ce sujet nos propositions du Livre VI, Chapitre 1 « Europe ».

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 2 « Relations internationales » - p 36/80

violentées. Ces exactions détruisent la cohésion sociale et économique de la société. Cette grave violation des droits humains fondamentaux est longtemps restée taboue et négligée, sans que les Etats concernés ne prennent les mesures nécessaires. Ce 19 juin 2008, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1820 qui exige des parties à un conflit de prendre toutes les dispositions nécessaires pour mettre fin aux viols et autres actes de violence sexuelle envers des civils, ainsi qu’à l’impunité dont bénéficient les responsables. Pour Ecolo, le Conseil de sécurité doit maintenant assurer un suivi efficace et contraignant visant à assurer la pleine application des dispositions contenues dans la résolution. L’heure est donc à l’adoption de mesures concrètes pour en finir avec les violences physiques et sexuelles à l’égard des femmes et des jeunes filles. Ces mesures, doivent être couplées à la réhabilitation de l’Etat de droit, des services de santé et de l’enseignement pour atteindre en la matière les Objectifs du millénaire pour le développement :

la présence des femmes dans les instances décisionnelles locales, nationales, régionales et internationales, ainsi qu’à des postes clés (présidence de la Commission européenne, secrétariat-général de l’ONU, etc.) doit être renforcée ;

conformément à la résolution 1325 des Nations Unies, il faut élargir la participation des femmes à la prévention et au règlement des conflits, ainsi qu’à la consolidation de la paix. En effet, l'impact de la guerre sur les femmes n’est plus à démontrer, d’où l’importance de leur participation dans les opérations de maintien de la paix des Nations Unies ;

les acteurs (ONU, ONG, Gouvernements, etc.) présents sur place doivent se voir attribuer des ressources financières et humaines suffisantes afin d’être en mesure d’assurer un suivi (accès à la justice, réintégration dans la communauté, …) et une assistance (aide médicale et psychologique, …) appropriés aux victimes de violences sexuelles. Un travail d’information, de prévention et de suivi de longue haleine doit en outre être poursuivi et amplifié en vue de sensibiliser les communautés et autorités locales ainsi que les groupes armés ;

il convient aussi d’assurer un suivi post-conflit car les violences sexuelles ne s’arrêtent pas avec un accord de cessez-le-feu ou de paix ; cette tendance est du reste renforcée par le mythe que des rapports sexuels avec une femme vierge peuvent prévenir ou guérir le sida ;

la communauté internationale doit faire pression sur les Gouvernements de ces pays afin qu’ils mettent fin à l’impunité dont bénéficient les responsables de tels crimes et mettent en place un système judiciaire efficace ;

enfin, il est nécessaire de soutenir et promouvoir le rôle de la société civile en général et des mouvements de femmes en particulier.

Ces mesures sont indispensables pour préserver les populations civiles, en particulier les femmes et les jeunes filles, qui vivent dans des régions en situation de conflit.

Proposition : Mettre fin recrutement illégal et à l’utilisation des enfants dans les conflits armés à travers le monde

Les enfants-soldats, filles et garçons de 6 à 18 ans, sont utilisés au mépris des règles internationales par des forces ou groupes armés à diverses fins : combats, exploitation sexuelle, espionnage, porteurs, cuisiniers, etc. Unicef estime leur nombre à 250 000, répartis dans plusieurs régions du monde en situation de conflit : Tchad, Soudan, RDC, Birmanie, Népal, Colombie,… Victimes de la cruauté des adultes dans des conflits ou enjeux qui les dépassent, ils souffrent souvent de graves séquelles psychologiques, physiques et sociales. Face à cette situation, il est indispensable, conformément à la Déclaration du millénaire, de poursuivre et de renforcer les programmes de prévention et de sensibilisation, de protection et de démobilisation des enfants-soldats. Si cette problématique fait l’objet d’une prise de conscience internationale croissante (voir notamment les résolutions 1539 et 1612 des Nations unies), la route est encore longue avant de ne plus devoir se battre contre l’utilisation d’enfants dans ce cadre. Seule une prise en compte globale de cette problématique (judiciaire, politique, sociale, psychologique) permettra de venir à

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 2 « Relations internationales » - p 37/80

bout de l’exploitation des enfants et d’assurer leur futur. En ce sens,

des mesures de lutte contre le recrutement de mineurs doivent être prises au niveau de la communauté internationale conformément au Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant de 2002 ;

la communauté internationale et particulièrement l’Union européenne doivent condamner les forces gouvernementales et non-gouvernementales qui recourent à de telles pratiquent, en imposant notamment l’application de la résolution 1539 du Conseil de sécurité des Nations unies tandis que les responsables doivent être poursuivis par des instances judiciaires nationales ou internationales (exemple du cas du congolais Thomas Lubunga devant la Cour pénale internationale) ;

les acteurs (ONU, ONG, Gouvernements, etc.) présents sur place doivent se voir attribuer des ressources financières et humaines suffisantes afin d’être en mesure d’assurer un suivi (accès à la justice, réintégration dans la communauté, …) et une assistance (aide médicale et psychologique, éducation, …) appropriés aux enfants démobilisés et aux communautés dans leur ensemble. Le travail d’information, de prévention et de suivi de longue haleine doit en outre être poursuivi et amplifié en vue de sensibiliser les communautés et autorités locales ainsi que les groupes armés.

Proposition : Protéger l’environnement pour prévenir les conflits armés et protéger également l’environnement en temps de conflit armé

La raréfaction des ressources naturelles est la source de nombreux conflits présents et à venir, situation qui risque de s’amplifier suite au réchauffement climatique. Une des solutions pour éviter des conflits liés à l’accès aux ressources est bien évidemment le développement d’une stratégie d’indépendance par rapport au pétrole et autres ressources limitées. Un approvisionnement en énergie durable, fiable et rentable est donc vital pour le bon fonctionnement de toute économie.

Lorsqu’il n’a pas pu être évité, outre la misère humaine qu’il provoque, le conflit armé entraine également la dévastation de l’environnement (pillage et destruction des ressources naturelles ; déboisement ; déplacements de population ; pertes de biodiversité ; contamination de l’eau, du sol ; etc, …) et met durablement en danger les ressources et le cadre de vie des populations. S’il existe des dispositions légales en matière de protection de l’environnement en temps de conflit (Convention ENMOD 1976 ; Protocole I de Genève 1977 ; Directives de la Croix-Rouge pour la formation des forces armées 1996 ; Convention internationale sur l’interdiction des armes chimiques), la protection de l’environnement dans les conflits armés n’est pas encore effective. Ecolo souhaite donc pointer le lien entre conflits et destruction de l’environnement : insécurité alimentaire accrue, destruction des ressources naturelles et énergétiques, dévastation humanitaire et écologique, autant d’éléments qui constituent donc à leur tour un véritable terreau pour les conflits armés. D’après le World Watch Institute, les ressources naturelles ont motivées, exacerbées ou financées un quart des cinquante derniers conflits armés. Cette problématique renvoie également au statut à accorder aux millions de réfugiés climatiques56, contraints de fuir suite à la destruction de leur environnement. Pour Ecolo, il convient :

d’assurer la prévention et la résolution de conflits afin de faciliter la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement, particulièrement l’objectif de réduction de l’extrême pauvreté et de la faim, ainsi que l’objectif de préservation de l’environnement ;

de mettre en oeuvre une stratégie d’indépendance par rapport aux énergies limitées ;

de promouvoir l’agriculture durable et le développement rural, renforcer le rôle des communautés locales dans la gestion des ressources naturelles, et assurer le droit à l’alimentation, comme autant d’éléments susceptibles de jouer un rôle décisif dans la prévention des conflits armés ;

d’évaluer les impacts environnementaux des conflits sur base d’une « évaluation environnementale » selon un ensemble

56 Voir à ce sujet nos propositions du Livre VI, Chapitre 3 « Coopération au développement ».

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d’indicateurs à définir, afin de pouvoir planifier les actions pré- et post-conflits et d’anticiper les nécessités en matière humanitaire, de reconstruction … mais également les politiques à mener en amont ;

d’instaurer des processus de prévention et d’atténuation des impacts environnementaux des conflits armés, ainsi que de développement postconflits et de maintien de la paix ;

d’introduire la notion d’« écocide » dans les conventions internationales.

Proposition : Soutenir le rétablissement de l’Etat de droit en RDC

Alors que les élections de 2006 avaient apporté une lueur d’espoir pour la région, la reprise des combats en RDC témoignent d’une paix très précaire. Beaucoup reste à faire sur les plans de la lutte contre l’impunité et du respect des droits humains mais également pour la pacification dans l’Est du pays, où les bandes armées sont toujours actives et, surtout, en vue de l’édification d’une armée nationale intégrée digne de ce nom. Le pays est dévasté, ruiné et épuisé par une décennie de guerre et d’affrontements armés. A une guerre, des conflits et des pillages qui durent depuis plus de 10 ans, aux craintes de régionalisation du conflit, à l’impuissance de l’armée nationale viennent s’ajouter des centaines de milliers de réfugiés et de personnes déplacées, le recrutement d’enfants soldats, une crise humanitaire sans précédent et la crise économique. A court terme, pour Ecolo, le Gouvernement belge doit entreprendre plusieurs initiatives :

œuvrer avec ses partenaires européens pour installer les conditions d’une paix durable, en particulier à l’Est et dans le Nord Kivu57. Il s’agit notamment de mettre fin aux violences sexuelles et au recrutement d’enfants-soldats, de permettre un désarmement progressif des rebelles, et de faire en sorte que les populations locales regagnent une certaine

57 L’Union européenne, qui aurait déjà été approchée par l’ONU, dispose depuis 2007 de forces d’intervention rapide auxquelles la Belgique participe au même titre que la France, la Grande-Bretagne, l’Espagne, la Hollande, la Pologne et les pays nordiques. Ces forces peuvent être déployées dans un délai de 15 jours sur des théâtres d’opérations extra-européens à raison de deux par an : elle a donc les moyens d’une intervention dissuasive, si elle en a la volonté politique.

confiance particulièrement envers les travailleurs humanitaires ;

faire respecter les accords de Nairobi de septembre 2007 dans lesquels le Rwanda s’est engagé à ne pas soutenir de bandes armées au Congo : toute nouvelle initiative diplomatique ne peut aboutir à la remise en cause des accords précédents ou légitimer les chefs de guerre ;

soutenir le mécanisme conjoint de vérification RDC/Rwanda qui s'est réuni pour la première fois en octobre 2008 ayant pour but de confirmer ou d’infirmer les interventions et soutiens du Rwanda au Congo ;

aider à la formation d’une armée congolaise digne de ce nom, respectueuse des droits de l’homme et en particulier des femmes encore souvent victimes des exactions des forces armées régulières congolaises, et veiller à la rémunération des militaires pour éviter les pillages ;

inviter le Gouvernement de la RDC à ratifier et appliquer les dispositions du Protocole de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique, afin notamment de mettre fin à toute forme de violence à l’égard des femmes et des enfants en RDC, ainsi qu’à mettre fin à l’impunité pour les crimes de violence sexuelle et le recrutement d’enfants soldats ;

veiller avec ses partenaires européens à un strict contrôle de la circulation des armes ;

être plus proactif dans le domaine du maintien de la paix civile à travers la médiation des conflits locaux et régionaux. La « diplomatie de terrain » doit être renforcée par la création d’antennes dynamiques à l’intérieur du pays, et particulièrement dans les zones de conflit de l’Est du pays, pour stimuler les efforts déployés par des initiatives locales (ONG, Eglises, administrations locales) en matière de rétablissement de la paix civile ;

appuyer avec force la société civile congolaise dans la partie du programme AMANI (commission de pacification et de réconciliation), centrée sur le dialogue entre communautés, particulièrement entre les représentants “non guerriers” des communautés tutsi (et « rwandophones ») et les autres communautés congolaises ;

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réactiver les enquêtes du groupe d’experts des Nations unies sur l’exploitation illégale des ressources congolaises qui, selon les plus récents rapports d’ONG internationales et congolaises (Voir IPIS et Fatal Transaction), continue de plus belle de la part tant des FARDC (en particulier 8ème brigade non brassée à Walikale) que des autres groupes armés ;

relancer les mandats d’arrêt internationaux à l’encontre des chefs de guerre qui ont fait l’objet d’une accusation explicite de la CPI.

Même si tous les ponts diplomatiques n’ont pas été rompus58, l’ensemble des démarches attendues implique en priorité de rétablir, au niveau fédéral, un dialogue franc et nourri avec les autorités congolaises. La reprise de ce dialogue devrait également permettre de débloquer les projets de coopération au développement sur le terrain, bloqués depuis le gel des relations bilatérales. A moyen et long terme, pour Ecolo, le Gouvernement belge doit :

s’associer à ceux qui réclament la fin de l’impunité et de l’arbitraire. Il convient notamment d’appuyer l’Observatoire national des droits de l’Homme qui a vu ces dernières années ses moyens considérablement affaiblis. De manière générale, la diplomatie belge ne doit pas considérer l’Etat uniquement sous l’angle de son fonctionnement « administratif » mais également sous l’angle des exigences du respect des droits humains59 et de la lutte contre l’impunité ;

développer une plus grande ouverture et de réels partenariats avec la diaspora congolaise. La politique migratoire de la Belgique ne se montre guère proactive dans ce domaine (même s’il est vrai que le Congo représente, après la Russie, le second pays en termes de demandeurs d’asile). Dans un pays qui reste sans Etat et qui n’est pas sorti de l’isolement lié à la guerre, il est essentiel de favoriser une politique migratoire circulaire souple, c’est-à-dire de va-et-vient entre le Congo et l’Europe, pour des catégories sociales qui ne peuvent plus trouver dans leur pays des

58 La délégation Wallonie -Bruxelles qui poursuit sa mission sans interruption et pour les très nombreux contacts et partenariats entres des institutions, communes, organisations et associations. 59 Droit de l’Homme.

formules de formation et/ou de recyclage. Par ailleurs, il y a lieu d’encourager les liaisons systématiques avec l’expertise de la diaspora africaine en Belgique et de trouver les voies et moyens permettant d’impliquer ou de ré-impliquer cette diaspora dans la dynamique de reconstruction du pays ;

au travers de sa politique de coopération, poursuivre et amplifier des actions dans les quatre secteurs essentiels que sont l’infrastructure, l’agriculture, la santé et l’éducation ;

soutenir la mise en application d’une politique de développement durable dans le pays (notamment au travers de la politique belge de coopération au développement). En effet, l’exploitation anarchique, et souvent illégale, des nombreuses richesses naturelles du Congo, et l’absence criante de politique environnementale durant les années d’instabilité, ont provoqué des dommages importants. Par exemple, la pollution du fleuve Congo et le déboisement anarchique à l’Est du pays constituent de véritables catastrophes ayant des répercussions sur la biodiversité mais aussi sur la santé des Congolais (hygiène, nourriture...) et sur le climat de façon générale (les forêts congolaises constituant un des puits à carbone les plus importants à l’échelle planétaire).

Proposition : Relancer le processus de paix au Moyen-Orient

La situation politique au Moyen-Orient s’est considérablement dégradée durant ces dernières années, les sources de tensions et de conflits étant de plus en plus nombreuses (crise politique au Liban et guerre de 2006 d’Israël, Accords de paix avortés entre Israël et la Palestine, étranglement économique et crise humanitaire dans les territoires occupés par Israël, composition du Gouvernement israélien, propos provocateurs répétés de la part de l’Iran, guerre civile en Irak, …). L’offensive lancée par l’armée israélienne le 27 décembre 2008 contre la bande de Gaza et qui a fait plus d’un millier de morts et des dizaines de milliers de blessés, marque une nouvelle étape sanglante du conflit. L’objectif poursuivi par les Etats-Unis de protection de leurs intérêts économiques et

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géostratégiques et la sacro-sainte lutte contre le terrorisme a également causé beaucoup de dégâts. Quant à l’UE, sa marge d’action est jusqu’à présent bien timide, comme en témoigne l’extrême faiblesse de la prise de position et l’absence de sanctions suite à l’offensive menée par Israël dans la bande de Gaza en décembre 2008. Son engagement plus actif dans la gestion des crises au Moyen-Orient doit permettre la définition d’une solution durable au conflit israélo-palestinien et le maintien de la paix de manière à protéger les populations civiles. Pour Ecolo, la résolution du conflit israélo-palestinien, la construction de la paix et de la stabilité dans la Région, sont des priorités. Les écologistes considèrent que la libération et la décolonisation des territoires occupés restent des éléments centraux du règlement du conflit. Le conflit israélo-palestinien et la nécessaire fin de l'occupation israélienne en Cisjordanie et à Gaza s'intègrent dans une défense générale des droits à l'autodétermination de tous les peuples de la région et du droit de toutes les sociétés (du Moyen-Orient comme ailleurs) à exercer leurs libertés fondamentales et à élire démocratiquement leurs représentants. Il est en outre temps que les agressions cessent dans chaque camp et que le dialogue entre les représentants politiques reprenne. Pour Ecolo, le Gouvernement israélien doit reconnaître en l’Autorité palestinienne l’interlocuteur du processus devant mener à une négociation et à un accord. La base de négociation pour une solution durable et équitable au conflit existe depuis plusieurs années (accords d’Oslo, feuille de route,…). Ecolo fonde son appréciation du conflit israélo-palestinien sur les résolutions de l'ONU. Ecolo partage la revendication palestinienne, s’appuyant sur la légalité internationale, d'en finir avec l'occupation israélienne et d'établir un Etat palestinien sur l'ensemble des territoires occupés depuis 1967 par Israël. Ecolo soutient la reconnaissance de l'Etat de Palestine par la Belgique. Parallèlement, il convient de soutenir le droit d'Israël à exister en tant qu'Etat souverain. Pour Ecolo, il convient d’apporter son soutien à tous les courants pacifistes tant en Israël qu’en Palestine.

Enfin, Ecolo soutient le droit au retour des réfugiés palestiniens ou leur juste indemnisation, comme prévu par la résolution 194 des Nations Unies. Ecolo estime que le Gouvernement belge doit prendre des initiatives pour exiger60 :

un arrêt immédiat de la violation du droit humanitaire international par Israël à Gaza et en Cisjordanie, condition préalable à tout rehaussement (« upgrading ») du statut d’Israël dans ses relations avec l’Union européenne ;

un arrêt immédiat des tirs de roquette et des actes de terrorisme de la part des groupes armés palestiniens ;

un arrêt total (avant démantèlement) de la colonisation juive de peuplement en Cisjordanie (Jérusalem-Est incluse) et dans la Bande de Gaza, et le retrait de l'armée israélienne hors de toutes les zones autonomes palestiniennes ;

la levée de l’embargo économique imposé à Gaza ;

le démantèlement du mur de séparation, conformément à l’avis du 9 juillet 2004 de la Cour internationale de justice ;

le déploiement d'une force internationale d'observation et d'interposition dans les territoires occupés, et si nécessaire en Israël ;

une évaluation rigoureuse (faisant actuellement défaut) des accords de coopération entre Israël et l’UE et l’adoption des mesures qui s’imposeront suite à cette évaluation ;

l’adhésion d’Israël au Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) afin d’assurer un caractère universel au TNP au Moyen-Orient ;

un retour dans les plus brefs délais à la méthode précédemment utilisée par l'Union européenne et la communauté internationale pour financer l'Autorité palestinienne. En effet, Ecolo constate que

60 Le groupe Ecolo-Groen! a déposé en urgence une résolution au Parlement fédéral suite à l’offensive de l'armée israélienne dans la bande de Gaza, appelant au cessez-le-feu et réitérant ses demandes pour un règlement du conflit. Sans pour autant légitimer l’action du Hamas et ses tirs de roquette sur le Sud d’Israël, il convient en effet de fermement condamner l’action d’Israël qui est en flagrante violation du droit international et du droit humanitaire international. Outre le blocus imposé à la bande de Gaza, il a notamment recours à des armes à uranium appauvri et au phosphore dont l’effet est dévastateur, notamment pour la santé et l’environnement.

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le nouveau mécanisme d'aide indirecte (Mécanisme International Temporaire) adopté par le Quartet a fait la démonstration de son incapacité à faire face à la grave crise humanitaire en cours dans les territoires.

Pour Ecolo, la résolution du conflit israélo-palestinien est une des clés de la stabilisation/pacification du Moyen-Orient. Les enjeux s’entrecoupent dans cette région (développement, autodétermination, litiges frontaliers, course aux armements, prolifération nucléaire, énergie, réfugiés, eau, etc.). C’est pourquoi Ecolo en appelle, sur le modèle de la Conférence de Madrid tenue en 1991, à une conférence internationale abordant des questions bilatérales (territoires divers) et multilatérales, et impliquant tous les Etats et acteurs politiques du Moyen-Orient.

Proposition : Activer le processus de paix pour mettre un terme à la crise du Darfour

La communauté internationale doit tirer les leçons du Rwanda et ne peut accepter, comme au Darfour, que des crimes contre l’humanité se déroulent sous ses yeux. Dans ce cadre, la Belgique a un rôle à jouer à différents niveaux :

appuyer les programmes d'urgence et de reconstruction (aide humanitaire à la population du Darfour et aux personnes déplacées, aide aux pays qui accueillent les réfugiés, aide aux programmes de reconstruction) ; l'appui aux programmes d'aide est également essentiel pour maintenir sur place des acteurs "neutres" (non impliqués dans les enjeux géostratégiques du conflit) qui pourront témoigner ;

plaider pour une gestion plus équitable du pouvoir et des ressources dans la région, afin notamment d’éviter la marginalisation de certains pans de la population ;

soutenir les initiatives de l’Union africaine ainsi que la mission de la MINUAD (opération hybride UA-ONU) afin d’assurer la protection des civils ainsi que le désarmement des milices et encourager les Etats membres à financer la MINUAD, qui faute de moyens financiers ne peut déployer les forces de maintien de la paix nécessaires ;

plaider pour l’extension du mandat de l’EUFOR à la protection des populations civiles du Tchad et de Centrafrique ;

plaider pour une coordination optimale des différentes missions de paix menées dans la région et dépasser les rapports de force entre grandes puissances souvent guidées par des intérêts géostratégiques ;

contribuer à mettre fin à l’impunité pour les crimes perpétrés au Darfour afin d’assurer le fonctionnement efficace de la Cour pénale internationale et du système judiciaire dans son ensemble ;

mettre fin aux violences sexuelles et aux violations des droits des femmes et des enfants ;

assurer la sécurité aux frontières et contribuer au développement du dialogue interrégional ;

poursuivre les efforts en vue de réunir les conditions préalables à un retour à la paix, en vue de l’obtention un accord de paix global signé par toutes les parties au conflit avant de mener des opérations de maintien de la paix.

Proposition : Impulser un changement de stratégie pour les opérations en Afghanistan

Ecolo estime depuis longtemps que la guerre d’Afghanistan ne pourra pas être gagnée sur le plan militaire. Aujourd’hui, de nombreuses voix militaires ou civiles de haut niveau, y compris le commandant en chef américain des forces alliées sur place, arrivent à la même conclusion. Le « momentum » existant au moment de la chute du régime taliban, saluée par une majorité d’Afghans heureux d’être débarrassés du régime islamiste extrémiste, n’a pas su être mis à profit par les Etats-Unis qui, au lieu d’aider massivement à la reconstruction et au développement du pays, se sont engagés dans une guerre illégale en Irak et ont ainsi délaissé le théâtre afghan. La réorganisation des talibans et de leurs alliés, passés à la contre offensive, a entrainé de nombreuses et sanglantes bavures, essentiellement dans le chef des forces aériennes américaines. Le manque de psychologie et de connaissance des coutumes locales de la part des soldats américains de

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cette société traditionnelle ultra conservatrice a fait le reste, et a progressivement fait basculer la majorité de la population afghane dans une position hostile aux forces alliées. Ces dernières, autrefois considérées comme une armée de libération, sont aujourd’hui considérées comme une armée d’occupation. La corruption des autorités centrales et régionales (seigneurs de la guerre) et le manque de représentation dans les organes de décision de la forte minorité pashtoune (40 %) traditionnellement détentrice du pouvoir, ont fait le lit de l’insurrection, en particulier dans les régions peuplées majoritairement de ces dernières, dans l’Est et le Sud du pays. L’existence de ces fortes minorités (voire de majorités) dans les régions pakistanaises frontalières représente en outre un sanctuaire inespéré pour les insurgés. Ecolo veut rééquilibrer les efforts engagés en Afghanistan en faveur du développement. En effet, la sécurité n’étant plus assurée dans la plupart des régions du pays, la coopération civile y devient impossible : résultat, le ratio dépenses en développement/ dépenses militaires est aujourd’hui de 1 à 14. Il n’existe, par exemple, plus qu’une seule ONG belge travaillant en Afghanistan tandis que le Gouvernement français décourage toute mission d’ONG sur place. Comment sortir de cette impasse ? Ecolo estime que les mesures suivantes devraient en tout cas être prises :

en cohérence avec les autres pays et acteurs internationaux présents en Afghanistan, favoriser dans le chef de la Belgique une logique diplomatique et politique visant à prendre langue avec une partie des insurgés qui pourrait rallier le Gouvernement ;

assurer une meilleure représentation, à tous les niveaux de pouvoir, des différentes ethnies et en particulier des Pashtouns, actuellement sous-représentés au profit des Tadjiks ;

accélérer le développement et la reconstruction du pays afin de regagner la confiance des populations locales ;

privilégier une approche globale de la situation coordonnée par l’ONU afin d’assurer autant que faire se peut la sécurité, de rétablir la stabilité, mais

également de lutter contre les trafics de drogue et la corruption ;

mettre sur pied une armée afghane, professionnelle, non corrompue et respectueuse des droits de l’homme, qui prendra progressivement le relais des troupes étrangères sur place, même si la stratégie « d’afghanisation » menée en son temps par l’URSS n’a pas empêché la chute du régime qu’ils avaient mis en place ;

modifier la stratégie peu démocratique poursuivie par l’OTAN, préciser la durée et les règles d’engagement, et définir une stratégie de sortie ;

éviter autant que possible les « bavures » militaires alliées ;

octroyer aux instances de contrôle démocratique, dont le Parlement belge, un pouvoir décisionnel et de contrôle en ce qui concerne l’envoi de troupes et les missions militaires belges à l’étranger, et ce dans un souci de transparence et de légitimité démocratique61 ;

insister sur le rôle du Gouvernement afghan et des responsables politiques locaux dans le règlement de la situation et l’évolution vers un Etat de droit, et sur l’engagement de la communauté internationale et du Gouvernement afghan à améliorer la gouvernance, les droits humains et la sécurité de la population, particulièrement des femmes et des jeunes filles ;

envisager le retrait pur et simple des troupes belges si ces conditions n’étaient à terme pas remplies.

Proposition : Déployer un processus de coopération afin d’assurer une stabilité durable dans le Caucase

Les récents événements dans la région de même que la guerre russo-géorgienne ont montré que les « conflits gelés » et la question des minorités nationales n’ont pas été résolus depuis la fin de la guerre froide. Ce conflit déclenché par la Géorgie a exalté les tensions existantes, démontrant la volonté de la Russie de s’imposer dans la région et ce particulièrement vis-à-vis de ses anciennes

61 Voir plus haut.

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républiques, même si cela implique le recours à des mesures violentes, mais aussi le rôle ambigu de l’Union européenne ou de certains de ses Etats-membres dans les relations avec les ex-républiques soviétiques à tendance pro-occidentale. A cela s’ajoute bien évidemment un ensemble d’enjeux géostratégiques, où les Etats-Unis se servent sans scrupules de la Géorgie pour contourner la main mise russe sur l’exportation des immenses ressources gazières et pétrolières de la région de la mer Caspienne. Par ailleurs, le surarmement de la Géorgie s’est opéré avec la complicité de plusieurs pays, dont certains Etats européens, les Etats-Unis et Israël62. La situation géorgienne a en outre montré qu’il convient, en toutes circonstances, de favoriser la voie du dialogue et de la coopération, de préférence au niveau européen : le recours à des moyens militaires ne favorise pas les solutions durables, mais qui plus est, il entraine de trop nombreuses victimes civiles. La Russie, d’un côté, doit accepter l’actuelle configuration « post-impérialiste » et multipolaire, tandis que la communauté internationale, de l’autre côté, et plus particulièrement l’Union européenne, doit se montrer plus modérée dans son soutien actuellement trop inconditionnel à des pays tels que la Géorgie, et favoriser la coopération avec la Russie plutôt que son isolement. Il y a lieu en effet, tout en dénonçant sans équivoque les violations de droits de l’homme en Russie lorsqu’elles existent, d’éviter la confrontation avec ce pays au profit d’un dialogue ferme, critique mais constructif. Il convient en outre d’imposer des critères stricts en matière de droits de l’homme et de démocratie, notamment avant d’envisager une quelconque possibilité d’élargissement de l’OTAN. En effet, tel que mentionné précédemment (voir supra « Veiller à ce que l’OTAN reste subordonnée à l’ONU et ne devienne pas un instrument d’intervention militaire »), toute nouvelle perspective d’adhésion à l’OTAN ne peut s’envisager si elle est susceptible de constituer un risque pour la coexistence pacifique entre les pays voisins et/ou membres de l’OTAN.

62 Cette situation témoigne de l’urgence de mettre en place un contrôle strict des transferts d’armes afin de mettre fin aux transferts illégaux, de transformer le Code européen en un instrument juridiquement contraignant et d’adopter un traité sur le commerce international des armes, comme développé supra.

Proposition : Rester attentif aux « crises oubliées »

De nombreux conflits et crises ont tendance à être oubliés (Burundi, Côte-d’Ivoire, Éthiopie, Soudan, Birmanie, Libéria, Guatemala, Bolivie, Haïti, Sri Lanka, Mali, Niger, Haut Karabakh, Transnistrie, Tibet, Ouighours, Sahara …) ne faisant pas, ou plus, l’objet d’un tapage médiatique ou de l’attention des décideurs politiques. Absence d’intérêts stratégiques ou coût des interventions sont souvent à la base de ce désintérêt. Or, de nombreuses situations sont alarmantes et risquent à leur tour d’être sources d’instabilité et de conflits à venir, d’où l’importance de ne pas marginaliser ces populations. Il convient en tout cas de reconnaître et soutenir le rôle primordial des ONG63 qui, lorsque l’attention des décideurs et du public est portée ailleurs, sont présentes pour porter assistance aux personnes subissant au quotidien la faim, les maladies et les dizaines de conflits ignorés dont les principales victimes sont des civils.

PRIORITE N°4 : METTRE EN ŒUVRE UNE STRATEGIE

GLOBALE DE RESPECT DES DROITS DE

L’HOMME

Proposition : Assurer le respect et le suivi des engagements internationaux

Qu’il s’agisse de textes relatifs au respect des droits de l’homme (Convention de Copenhague ; Conventions contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, etc.), au droit de l’environnement (Convention de Rio sur la diversité biologique ; etc.), ou d’autres Conventions internationales, il est indispensable que :

les conventions internationales soient ratifiées et respectées par tous les pays ;

les procédures de ratification de ces conventions soient facilitées et accélérées, notamment au sein de pays comme la Belgique, où une longue procédure de

63 Voir à ce sujet nos propositions du Livre VI, Chapitre 3 « Coopération au développement ».

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ratification exige tant l’assentiment de l’autorité fédérale que celui des entités fédérées compétentes ; Ecolo propose ainsi que le Sénat réformé se voit confier l’assentiment des traités mixtes et des accords de coopération multilatéraux, à majorité spécifique et avec un droit d’évocation de chaque entité fédérée64 ;

une coordination optimale soit assurée entre les différents ministères ainsi qu’entre les pouvoirs publics et les acteurs de la société civile actifs dans le même domaine, afin d’améliorer la cohérence des politiques en matière de droit de l’homme en Belgique ;

un suivi et une évaluation de l’application par la Belgique des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme soient assurés, de même que sa mise en conformité avec la jurisprudence internationale et l’évolution des interprétations qui lui sont données ; un Sénat réformé pourrait également être responsable non seulement de la ratification des traités et conventions internationales (pour éviter les retard dus à la ratification par chacune des entités fédérées) mais aussi de ce suivi via la mise en place, par exemple, d’une « commission des droits de l’homme » qui réunirait régulièrement les acteurs gouvernementaux et non-gouvernementaux.

Proposition : Assurer le respect des droits humains fondamentaux

Malgré la prolifération des instruments régionaux et internationaux visant à assurer le respect des droits humains fondamentaux, l’universalité des droits de l’homme est mise en cause en cette 60e année de leur Déclaration universelle. Violences sexuelles à l’égard des femmes, recrutement d’enfants soldats, discriminations raciales, religieuses ou sexuelles, mutilations génitales, pauvreté, travail forcé, impunité et injustices, torture, sont le lot quotidien de millions de personnes à travers le monde. Si des progrès ont été accomplis, la communauté internationale doit poursuivre ses efforts en faveur des droits humains, au Nord

64 Voir à ce sujet nos propositions du Livre V, Chapitre 5 « Institutionnel ».

comme au Sud. En effet, qu’il s’agisse des Etats-Unis (Guantanamo par exemple) ou de l’Union européenne (transferts secrets de détenus soupçonnés de terrorisme, traitement des réfugiés et demandeurs d’asile, …), il est temps que les Gouvernements occidentaux prennent leurs responsabilités et fassent des droits de l’homme un fer de lance de leurs politiques. Cette problématique doit également devenir un élément central et transversal des politiques étatiques afin de donner un écho aux populations birmanes, iraniennes ou pakistanaises qui réclament le respect de leurs droits. Pour Ecolo :

conformément à la résolution déposée par le groupe Ecolo-Groen ! au Parlement fédéral, tous les pays membres des Nations Unies doivent adhérer aux Principes de Yogyakarta, lesquels visent à mettre fin à toute forme de discrimination basée sur l’orientation sexuelle et d’identité de genre, et en respecter les dispositions ;

les textes nationaux, européens et internationaux visant la promotion des droits des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes doivent être appliqués sans plus tarder ;

le Gouvernement belge doit ratifier et inciter l’ensemble de ses partenaires internationaux à ratifier les conventions internationales relatives aux droits humains et les protocoles y afférents ;

le Gouvernement belge et l’Union européenne doivent conditionner leurs relations économiques avec des pays tiers au respect des droits de l’homme ;

il convient de s’opposer à une politique de « fermeture » des frontières et favoriser à l’inverse l’ouverture et la coordination des politiques en matière de droits de l’homme, de commerce et de développement ;

la hiérarchie des normes doit être inversée afin de faire primer le respect des droits de l’homme sur les intérêts économiques et financiers.

Proposition : Protéger les minorités

Qui a réellement conscience de la situation dans laquelle vivent les Roms, les russophones de Lettonie, les Turcs de Bulgarie, les kurdes de Turquie, les chrétiens d’Irak et de Turquie,

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 2 « Relations internationales » - p 45/80

les Gagaouzes, les Meskhètes, … ? Dans une perspective de prévention, il s’agit de s’attaquer en amont aux causes qui provoquent les guerres, les conflits et l’instabilité démocratique. Un facteur souvent sous-estimé est la situation des minorités présentes dans de nombreux endroits du globe. Ces minorités, dont l’existence est parfois totalement méconnue du grand public voire du monde politique, font l’objet de discriminations culturelles, sociales, politiques ou économiques importantes, et se trouvent souvent niées dans leur identité. Cette situation alimente, au sein de ces populations, frustrations et rancœurs à l’égard des sociétés dans lesquelles elles sont marginalisées, ce qui constitue un terreau propice aux conflits et aux tensions sociales. La reconnaissance des minorités dans leur droit à l’existence et à la dignité est primordiale en vue notamment de favoriser un environnement multiculturel. La reconnaissance mutuelle, ainsi que le dialogue et la participation de tous les citoyens permettent de mieux comprendre les besoins de l’autre. Il s’agit donc de renforcer la prise en compte globale et à long terme de la problématique des minorités dans l’élaboration des politiques afin d’assurer la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels et du droit au développement. Ces mesures, combinées à une coopération régionale renforcée, revêtent une importance essentielle dans la prévention des conflits ethniques ou raciaux. La « Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques » reste une référence en la matière.

Proposition : Fermer le centre de détention de Guantanamo Bay et lever le voile sur les autres centres de détention

Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les Etats ont tendance à prendre des mesures contraires aux droits humains. Pour Ecolo, s’il convient de lutter contre le terrorisme qui met en cause le fondement de nos démocraties et des droits de l’homme, cette lutte ne peut à son tour s’opérer au détriment des droits humains fondamentaux, comme c’est par exemple le cas de la « guerre contre le terrorisme » menée par l’administration Bush. Le respect des droits de l’homme doit être un

élément central des politiques de paix et de sécurité. Ecolo :

dénonce les conditions de détention, les traitements inhumains et dégradants infligés notamment aux prisonniers de Guantanamo, la présence de prisonniers retenus sans chef d’inculpation ainsi que la poursuite du programme de « restitutions » et de détentions secrètes de la CIA ;

estime que toute déclaration obtenue sous la torture ou à la suite de traitements cruels, inhumains ou dégradants, doit être formellement interdite et ne peut être utilisée ;

exige que chaque prisonnier, quel que soit le pays de détention, soit traité conformément au droit humanitaire international, et par voie de conséquence, s’il est inculpé, soit jugé sans retard, dans le cadre d’une procédure équitable et publique, par un tribunal compétent, indépendant et impartial.

Par ailleurs, pour Ecolo :

la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants doit être ratifiée sans tarder par les Etats membres des Nations Unies ; tandis que les Etats parties doivent en appliquer les dispositions ;

il en va de même pour le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture65 qui n’a pas encore été ratifié par la Belgique ;

vu la continue violation du droit international humanitaire, les rapports faisant état de pratiques de torture et de traitement inhumain et dégradant, l’absence de chefs d’inculpation et de procès justes et équitables et l’interdiction adressées aux ONG de droits humains d’accéder aux détenus et aux infrastructures du centre, il convient de réclamer, particulièrement auprès du nouveau président des Etats-Unis qui s’y était déclaré favorable lors de la campagne électorale américaine, la fermeture du centre de Guantanamo Bay, et l’ouverture d’enquêtes indépendantes relatives aux autres centres de détention.

65 Ce protocole établit un mécanisme à caractère préventif pour les Etats parties qui permet de recommander des moyens de renforcer, si nécessaire, la protection des personnes détenues contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

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Proposition : Accroître la pression sur les pays qui pratiquent encore la peine de mort, afin d’obtenir son abolition universelle

Certains pays comme le Japon, les Etats-Unis, la Chine, l’Arabie Saoudite, l’Iran, le Pakistan, le Nigéria et l'Indonésie par exemple, n'ont pas encore aboli la peine de mort. Si pour nous c'est une évidence, cela ne l'est pas encore partout dans le monde. Tant que tous les pays ne l'auront pas banni de leurs textes de loi, nous devrons le constater et continuer à le dénoncer.

PRIORITE N°5 : ACCENTUER LES COHERENCES

FRANCOPHONES SUR LA SCENE

INTERNATIONALE Le système fédéral belge présente la

spécificité de confier aux entités fédérées la dimension internationale des compétences qu’elles exercent : Communauté française, Région wallonne, Région bruxelloise et Commission Communautaire française développent donc chacune des politiques internationales dans le cadre de leurs compétences.

Proposition : Améliorer la cohérence des politiques internationales

Pour fédérer les efforts conjoints de la Communauté française, de la Région wallonne et des francophones de Bruxelles, une nouvelle institution a été mise sur pied : Wallonie-Bruxelles-International. Cette administration unique permettra, à terme, de renforcer plus avant la cohérence et l’efficacité des actions des francophones de Belgique à l’étranger. Cette position renforcée des francophones sur la scène internationale doit être prolongée par une meilleure coordination avec les politiques fédérales. La nouvelle politique extérieure des francophones, entraînée par cette recherche de synergies, offre des opportunités de programmes d’intervention plus complémentaires. Les liens internationaux, historiquement centrés sur la francophonie, se sont étendus à des pays émergents et à des pays non francophones. Si cette ouverture offre une souplesse permettant de soutenir les

opérateurs là où se trouvent leurs vrais besoins, il convient, pour Ecolo, de conserver un équilibre entre les échanges à visées économiques et les échanges non-marchands centrés sur l’enseignement, la culture et la solidarité.

Proposition : Soutenir les processus démocratiques et la prévention des confits

Par ses compétences en matière d’éducation et de culture, la Communauté française est en mesure de soutenir les processus de mise en place d’États de droit et de démocraties. Afin de renforcer cette plus value en matière de défense des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Ecolo propose de renforcer les actions de la Communauté française en matière de formation de partenaires locaux et d’acteurs de la vie démocratique (parlementaires, conseillers, etc) ainsi que son soutien au développement d’une presse libre animée par des journalistes indépendants.

Proposition : Renforcer les actions de la francophonie en matière d’éducation et de développement durable

L’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) regroupe aujourd’hui 70 États ayant en commun l’usage du français ainsi que des valeurs universelles telles le respect de la diversité culturelle et linguistique. Outre l’amélioration du fonctionnement de cette institution à travers des évaluations qui fourniraient des indicateurs de performance et une diminution de ses frais de fonctionnement, deux axes de la coopération multilatérale de l’OIF sont, aux yeux des écologistes, prioritaires :

d’une part, les actions visant à étendre l’accessibilité de l’éducation et à défendre le droit pour tous les enfants et jeunes de la Francophonie, particulièrement les filles, à un enseignement gratuit et de qualité ; l’éducation est en effet à la base du développement durable et constitue un facteur essentiel de lutte contre la pauvreté ; elle joue également un rôle majeur de prévention en matière de santé ;

d’autre part, le déploiement des politiques multilatérales en matière de soutien au développement durable ; l’Institut de

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 2 « Relations internationales » - p 47/80

l’énergie et de l’environnement de la Francophonie situé au Québec aura son rôle à jouer dans l’Organisation Mondiale de l’Environnement appelée de ses vœux par Ecolo ; nous proposons par ailleurs qu’une antenne permanente de cet Institut soit mise sur pied en Afrique francophone subsaharienne, afin de renforcer l’accessibilité de l’Institut pour les éco-conseillers et experts des pays d’Afrique qui pourraient venir y suivre des formations ; cette antenne permanente pourrait être adossée à une université d’un pays avec lequel nous avons des accords de coopération.

Proposition : Défendre TV5 Monde comme média phare de la liberté d’expression et des valeurs démocratiques

Financée aujourd’hui par cinq partenaires66, TV5 Monde joue un rôle particulièrement important de lien culturel et défense de valeurs démocratiques. Afin de déployer cette action, Ecolo propose d’élargir l’ancrage de TV5 Monde en accueillant de nouveaux partenaires. Les contacts entrepris en ce sens notamment avec le Maroc ou la Roumanie devraient être finalisés, et la piste d’un consortium de pays d’Afrique francophone explorée. N’oublions pas que le pays le plus peuplé de la Francophonie, hormis la France, est la République démocratique du Congo. Nous connaissons sa situation actuelle, mais à terme, il aura certainement sa place dans cette initiative.

66 Le droit à la scolarité des jeunes filles est par exemple un élément essentiel de la prévention et de la lutte contre le SIDA.

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PROGRAMME ECOLO ÉLECTIONS 2009

LIVRE VI - Pour une société planétaire

Chapitre 3 « Coopération au développement »

Une coopération renforcée et éclairée pour un développement autonome et durable des populations

La coopération au développement aujourd’hui : Etat des lieux et analyse d’Ecolo

L’économie mondiale a connu une croissance

vigoureuse entre 1996 et 2008, sous l’impulsion des économies émergentes, et plus particulièrement de la Chine et de l’Inde. Cette décennie a permis à certains pays d’enclencher des progrès significatifs dans le domaine de la lutte contre la pauvreté. En revanche, de nombreux autres pays, notamment en Afrique subsaharienne, ont connu une stagnation ou régression de leurs indicateurs de développement humain.

L’éclatement d’une crise globale en 2008,

caractérisée par l’effondrement des marchés financiers et une forte volatilité des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, débouchera vraisemblablement sur une aggravation considérable de ces déséquilibres planétaires67. Ainsi, alors que la production mondiale agricole est supérieure aux besoins alimentaires de la planète, et qu’un nombre croissant de personnes sont victimes d’obésité, une personne sur six dans le monde souffre de faim ; une grande majorité de ces personnes sont des agriculteurs … L’augmentation des prix des denrées de base durant l’année 2008 a annihilé en quelques mois les progrès accomplis dans certains pays durant une décennie, si bien que d’après la Banque mondiale, cent millions de personnes ont à nouveau basculé dans la malnutrition.

Au cours de cette même décennie, les

objectifs proclamés par la communauté internationale, dont l’accès paritaire des filles et des garçons à l’enseignement primaire et l’accès universel aux médicaments essentiels, n’ont pas été atteints. Vu la tendance actuelle, il faut craindre

67 A ce sujet, il faut constater que la seule dénomination « Nord/Sud » perd de sa pertinence tans les disparités sont grandes au sein des pays et stratégies « du Nord » qu’au sein du bloc des pays « du Sud ».

qu’il en aille de même avec l’ensemble des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), qui, de l’aveu même des Nations Unies, ne constituent qu’un cadre référentiel minimaliste68.

Les transferts économiques Sud-Nord

équivalent à plusieurs fois les ressources nécessaires à la réalisation de ces objectifs, ou d’autres objectifs plus ambitieux comme ceux établis à l’occasion de la Conférence Mondiale des Femmes à Beijing en 1995 et le Sommet Social Mondial de Copenhague la même année.

En effet, il faut constater que :

la charge de la dette reste considérable, si bien que de nombreux pays dépensent davantage de ressources dans le service de la dette que dans les secteurs de santé et d’éducation ; les flux financiers publics Nord-Sud sont ainsi négatifs depuis le tournant du siècle ; ce qui signifie que les pouvoirs publics des pays en développement transfèrent davantage de ressources vers les pouvoirs publics des pays riches que l’inverse, et ce, malgré l’aide publique au développement ;

les flux privés69 représentent des sommes qui excèdent vraisemblablement les investissements directs étrangers (IDE) dans ces pays ; les IDE Nord-Sud sont, par ailleurs, essentiellement concentrés dans quelques économies émergentes ;

68 Il faut en effet rappeler que les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) constituent un moindre dénominateur commun, qui revoit à la baisse des objectifs plus ambitieux adoptés notamment dans le cadre des grandes conférences internationales organisées par les institutions onusiennes durant la décennies des années ‘90 comme à Beijing, Copenhague et Johannesburg. Pour Ecolo, les OMD constituent des repères et objectifs intermédiaires vers la réalisation d’objectifs plus ambitieux. 69 Notamment les rapatriements de bénéfices et les mouvements de capitaux intra-firmes des sociétés des pays industrialisés, l’évasion fiscale (qui d’après les Nations Unies représente plus de 400 milliards $ par an dans les pays en développement) ou les placements de particuliers originaires des pays en développement à l’étranger et dans les paradis fiscaux.

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l’instabilité chronique des marchés financiers globalisés et l’importance des flux spéculatifs obligent les pays en développement à accumuler des réserves de devises considérables afin de se prémunir des crises financières à répétition et des attaques spéculatives qui fragilisent considérablement les économies les plus vulnérables aux chocs externes. Ces caractéristiques inhérentes à l’architecture

actuelle du système financier font de celui-ci un puissant vecteur d’externalités négatives qui se répercutent surtout sur les populations paupérisées.

L’absence ou l’insuffisance de dispositifs de

régulation à l’échelle multilatérale, régionale et nationale favorisent de facto d’autres comportements économiques générateurs d’externalités négatives : pollution des eaux et déperdition de la biodiversité ; destruction de l’agriculture familiale, essentiellement féminine, et des marchés locaux provoquée par la libéralisation commerciale et les subsides aux exportations agricoles ; commerce illégal de bois et des armes ; pratiques oligopolistiques dans l’agrobusiness et le secteur pharmaceutique ; dumping social des firmes multinationales, ainsi que le piratage du vivant et des connaissances traditionnelles. Ces activités génèrent des bénéfices qui sont essentiellement privatisés entre les mains d’une petite minorité planétaire nantie. Elles engendrent des coûts essentiellement supportés par les populations paupérisées, et les femmes des pays en développement sont souvent encore plus exposées à cette précarité.

Enfin, la publication récente du rapport Stern a

mis en lumière, qu’à défaut d’un plan d’action ambitieux et urgent, le coût global du réchauffement climatique pourrait être supérieur à celui des deux guerres mondiales. Plus récemment, le rapport du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), publié début février 2007, est venu confirmer le fait que le réchauffement climatique entraînera des bouleversements dans l’ensemble de la planète, mais que ses répercussions seront particulièrement dramatiques dans les régions pauvres menacées de désertification et les régions qui, à l’instar du Bangladesh, se trouvent au niveau de la mer. Ce sont ces régions qui subiront les premières les conséquences des émissions de gaz à effet de serre présents et passés, issus pour l’essentiel des pays riches.

Une vision émancipatrice et durable de la coopération au développement L’ampleur de ces déséquilibres et des défis à

venir ne laisse guère de temps aux tergiversations et au statu quo. C’est pourquoi Ecolo préconise rien de moins qu’une refondation de la politique de coopération, indissociable elle-même du nouveau green deal européen et planétaire.

Dans un monde globalisé, les relations

internationales et la coopération au développement sont étroitement liées. Les règles de gouvernance en matière de commerce, de financement du développement, de gestion des ressources naturelles et d'investissements étrangers mises en œuvre par les institutions de Bretton Woods et par l’OMC, sont aujourd'hui une cause essentielle de l'aggravation des inégalités qui affectent particulièrement les pays les plus pauvres. Une politique de coopération réellement émancipatrice, ne peut donc s'envisager sans une réforme radicale du système de gouvernance économique. Dans ce cadre, la réforme profonde des institutions financières internationales est une condition nécessaire mais non pas suffisante. Il est également indispensable de revisiter profondément les pratiques du passé en matière de coopération et de développement.

Ecolo propose particulièrement de renforcer la

prise en compte de l’environnement en tant que pilier du développement durable dans l’ensemble des programmes de coopération au développement. Cette démarche transversale se fonde sur une analyse des multiples interactions entre pauvreté et dégradation de l’environnement. Tout plan d’action national et international en matière de lutte contre le réchauffement climatique doit en effet inclure une composante de solidarité internationale ; il ne suffit pas de fixer des normes en matière de réduction des émissions des gaz à effet de serre, il est également nécessaire d’échafauder des mécanismes de transfert de ressources financières et de technologies sur base d’un partage équitable des charges et des responsabilités.

Par ailleurs, les pays dits développés ont

l’impérieuse obligation de modifier en profondeur leurs modes de production et de consommation afin de découpler le développement économique de la dégradation des écosystèmes. On ne peut demander raisonnablement aux pays en développement (PVD) de respecter les engagements internationaux auxquels ils ont souscrit en matière d’environnement (Conventions sur le changement climatique, sur la biodiversité,

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 3 « Coopération au développement » - p 51/80

sur la lutte contre la désertification, …), si, par ailleurs, les pays industrialisés ne les respectent pas eux-mêmes.

Pour Ecolo, le développement doit être

compris comme l’ensemble d’un processus permettant de répondre à la satisfaction de libertés fondamentales et de l’ensemble des droits économiques, sociaux et culturels. Dans cette optique, la politique de coopération au développement doit placer au centre de sa démarche les droits, la dignité, les intérêts et les besoins des populations. Ce qui implique notamment un appui à la société civile, aux parlements démocratiquement élus, mais aussi à la construction de l’Etat de droit, à la défense des droits humains et à la prévention des conflits.

Bref, la coopération au développement doit

aujourd'hui s'inscrire dans la recherche d'un partenariat solidaire et responsable entre les pays du Nord et les pays du Sud. Dans cette perspective, une politique de coopération au développement renouvelée et renforcée doit se fonder sur les principes d’appropriation démocratique, de partenariat, d’autonomie, de partage équitable des charges et des responsabilités, de cohérence interne et externe, d’efficacité, de transparence et de redevabilité. Elle doit viser les objectifs suivants :

développer et renforcer la démocratie et l'état de droit, ainsi que le respect des libertés fondamentales et des droits économiques, sociaux et culturels ;

promouvoir le développement durable et la justice climatique ;

renforcer la lutte contre la pauvreté et les inégalités.

La coopération au développement demain : Propositions d’Ecolo

PRIORITE N°1 : IMPULSER UNE GOUVERNANCE ECONOMIQUE MONDIALE AU SERVICE DU

DEVELOPPEMENT DURABLE

Proposition : Réformer l’architecture financière internationale

Dans un contexte de crise globale, la refonte de l’architecture financière internationale constitue une priorité et une urgence absolue.

La réforme de ces institutions exige notamment une plus grande représentation et participation des pays du Sud dans les instances multilatérales et les processus de décision. Ecolo plaide pour que la Belgique porte explicitement le cahier des charges suivant70 :

la réforme de la gouvernance et la démocratisation de la Banque Mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) ; il est dès lors indispensable d'engager une réforme en profondeur de la structure de gouvernance de ces deux institutions, afin d'augmenter sensiblement le poids des Etats moins riches dans leurs processus décisionnels ; cette réforme devra au minimum reposer sur les cinq principes suivants :

1. l'augmentation des droits de vote de base et la révision de la formule de calcul des quotas, de sorte que le poids respectif des économies des pays membres soit évalué de façon objective ;

2. la mise en œuvre du système de vote à double majorité, suivant lequel chaque décision du conseil d'administration de la Banque mondiale et du FMI doit être adoptée à la fois par une majorité des états membres et par une majorité des votes exprimés ;

3. l'augmentation du nombre de sièges au conseil d'administration revenant aux pays en développement, en procédant notamment à une rationalisation de la représentation européenne ;

4. l'amélioration de la transparence des institutions financières internationales via la publication systématique des transcriptions et comptes rendus des réunions de leur conseil d'administration respectif ;

5. l'élection ouverte et démocratique des dirigeants de la Banque mondiale et du FMI.

la réforme susbtantielle du système des taux de change, afin de favoriser la stabilité de ces taux et de limiter les transactions spéculatives ;

70 L’ensemble de ces éléments font l’objet d’un document de position disponible sur le site web www.ecolo.be

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 3 « Coopération au développement » - p 52/80

l’instauration d’un cadre régulatoire et de supervision financière au niveau multilatéral, comprenant notamment :

la mise en place d’un système multilatéral de supervision des acteurs financiers transnationaux ;

une révision des accords de Bâle II relatifs aux processus prudentiels destinés à appréhender les risques bancaires ; ceci de manière à relever les exigences en matière de capitaux propres et à encadrer la titrisation ;

l’encadrement strict des marchés de gré à gré et des marchés de produits dérivés, afin de les soumettre à des obligations prudentielles et de limiter les effets de levier financiers ;

la mise en place d’une supervision et d’un code de conduite contraignant pour les agences de notation et la réforme des mécanismes de financement de ces agences ;

l’encadrement multilatéral strict des « hedge funds » et des « private equity » ;

la modulation contrecyclique des coûts du crédit octroyé par les institutions financières internationales ;

la réforme des normes comptables internationales à l’intention des firmes transnationales de manière à assurer un suivi transparent « pays par pays » ;

l’encadrement strict des transactions avec les paradis fiscaux et le renforcement de la lutte contre les places « offshore », par le biais notamment de l’adoption d’un code de conduite contraignant au niveau européen et international ;

un encadrement des investisseurs institutionnels dans les marchés des futurs des produits énergétiques et alimentaires ;

l’introduction d’un ensemble de dispositifs de taxation des flux financiers comme outils de redistribution des richesses globales et de stabilisation des flux spéculatifs.

l’instauration de normes contraignantes pour les investisseurs transnationaux au niveau des Nations Unies ; la déclaration tripartite de l’Organisation internationale du travail (OIT) et les lignes directrices de l’OCDE sur les firmes transnationales constituent la base d’un cadre régulateur

assorti de mécanismes efficaces de règlements des différends et de compensation71 ;

la mise en place de mécanismes mulilatéraux contraignants de rapatriement des biens publics volés ;

la mise en place d’un forum multilatéral de coopération au développement (au lieu de l’OCDE) sous l’égide onusiénne, en tant que lieu de défintion des normes, procédures et standards en matière d’aide au développement ;

la redéfinition du cadre de soutenabilité de la dette (debt sustainability framework) des institutions financières internationales sous l’égide des Nations Unies par le biais d’un vaste processus public transnational impliquant la participation des gouvernements des pays en développement et les organisations de la société civile, et notamment les organisations de défense des femmes ;

la mise en place d’un mécanisme international d’arbitrage de la dette (debt work-out mecanism) et d’un cadre multilatéral de financement responsable (responsable lending framework) accepté par les prêteurs et emprunteurs, pour sortir de la situation actuelle, où les bailleurs jouent un rôle de juge et partie au sein d’instances telles que le Club de Paris ;

l’abandon des conditionalités économiques assorties à l’aide publique au développement et aux prêts concessionnels des institutions financières internationales, tout en veillant à garantir des mécanismes de contrôle de l’affectation des fonds prêtés (lutte contre la corruption) ;

le renforcement de la coopération transfrontalière en matière fiscale et la mise en place d’une organisation intergouvernementale sur la taxation sous l’égide des Nations Unies, en remplacement du groupe d’experts sur la coopération fiscale internationale ; Ecolo souhaite également l’instauration, au sein du Conseil économique et social des Nations Unies, d’un code de conduite contraignant de lutte contre l’évasion fiscale ;

71 Dans ce cadre, les mécanismes de contrôle de la responsabilité sociale des entreprises doivent également comprendre des instruments de lutte contre les discriminations directes et indirectes sur base du sexe en matière d’emploi.

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 3 « Coopération au développement » - p 53/80

l’intégration des standards fondamentaux de l’OIT et de son agenda pour le travail décent dans les missions et rapports de diagnostic des institutions financières internationales ;

la mise en place d’instruments d’incitation multilatéraux pour la promotion des transferts de technologies propres ; à l’instar des orientations récentes impulsées au sein de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière de propriété intellectuelle et de recherche et développement, la Belgique doit favoriser de manière proactive l’exploration des mécanismes novateurs en matière de transferts de technologies nécessaires à la promotion des biens publics mondiaux, notamment des mécanismes découplant les prix des biens tels que les médicaments et les technologies renouvelables avec le financement de l’innovation72 ;

l’adoption d’indicateurs alternatifs et sexués de bien-être durable de manière à avoir un aperçu plus large que celui de l’indicateur classique PIB/habitant.

Ces principes doivent donner lieu à la mise en place de mécanismes, d’instruments de régulation et de contrôle. La discussion sur ces objectifs et les moyens à mettre en œuvre doit trouver sa place au sein du Parlement fédéral, en commençant par des auditions régulières des représentants belges dans ces institutions.

Proposition : Revoir les règles du commerce mondial73

L’Organisation mondiale du commerce (OMC), telle qu’elle fonctionne actuellement, souffre d’un manque cruel de transparence et de contrôle démocratique. C’est pourquoi sa réforme ne peut plus attendre. Elle doit viser à :

améliorer le fonctionnement de l'Organe de règlement des différends (ORD) au sein de l’OMC, en renforçant son indépendance, sa transparence et son accessibilité ;

72 Le modèle des récompenses défendu par les organisations telles que Médecins Sans Frontières ou Knowledge Technology International constituent à cet égard une base de travail pertinente. Pour un aperçu exhaustif du modèle, voir http://www.keionline.org/index.php?option=com_content&task=view&id=4&Itemid=1. 73 Voir à ce sujet nos propositions du Livre VI, Chapitre 1 « Europe » et du Livre VI, Chapitre 2 « Relations internationales ».

démocratiser le processus de prise de décision interne de l’OMC, notamment en remplaçant la méthode du consensus implicite par le recours systématique au vote pour toute décision ; en accordant à toutes les délégations l'accès à l’ensemble des négociations ; en permettant aux plus faibles d'entre elles de bénéficier d'un soutien logistique et analytique ; enfin, en autorisant l'admission de la société civile aux réunions du Conseil général ;

intégrer formellement l'OMC dans le système onusien, de sorte que cette institution soit tenue de respecter les conventions internationales sur l'environnement et les droits de l'homme (y compris les droits économiques, sociaux et culturels) dans l'élaboration des accords multilatéraux, mais également dans le règlement des litiges commerciaux.

Ecolo entend également que la Belgique plaide pour que la relance du cycle de Doha soit assorti d’un nouveau mandat fondé sur le principe de non-réciprocité et de réel traitement spécial et différencié permettant aux pays en développement de définir la vitesse et l’étendue des processus de libéralisation de leur économie. Dans le même esprit, les subsides à l’exportation agricoles doivent être supprimés de manière unilatérale et les mécanimes de gestion des prix et de l’offre agricoles promus. L’Union européenne (UE) doit, par ailleurs, cesser de forcer les pays ACP à adopter des Accords de Partenariat Economiques (APE) injustes et déséquilibrés. Ecolo plaide fermement pour la prise en compte des préoccupations exprimées par les pays ACP : ceux-ci demandent à l’UE que les APE servent en priorité les objectifs de développement et d’integration sous-régionaux et continentaux des Africains, et non pas l’établissement d’un zone de libre-échange avec l’Europe.

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PRIORITE N°2 : ACCELERER L’ANNULATION DES DETTES DES PAYS EN DEVELOPPEMENT ET

PREVENIR L’ENDETTEMENT INSOUTENABLE Entre 1995 et 2008, la dette extérieure des

pays en développement est passée de 35 % à environ 25 % de leur PIB74. Cette évolution agrégée cache cependant des disparités considérables entre, d’une part, les économies émergeantes exportatrices, notamment l’acteur économique global qu’est devenu la Chine, et d’autre part, la cinquantaine de pays parmi les moins avancés et de nombreux pays à revenu intermédiaire dont les niveaux d’endettement restent toujours très importants. Pour tous ceux-là, le remboursement de la dette représente une partie significative des dépenses publiques (jusqu’à 40 % du total) et constitue un poste budgétaire généralement bien supérieur à l’ensemble des dépenses dans les domaines des services sociaux de base. Cela ne peut qu’entraîner un affaiblissement des capacités financières des États, qui, pour répondre aux besoins fondamentaux, accroissent leur dépendance vis-à-vis de l’aide au développement.

Ces difficultés se trouvent exacerbées par la

crise sociale et écologique globale. Dans ce contexte, et malgré l’initiative PPTE « pays pauvres très endettés » impulsée par les institutions financières internationales et les pays de l’OCDE depuis une dizaine d’années, la dette demeure un problème majeur pour une partie significative des pays en développement.

Alors que les pouvoirs publics de ces pays

sont les principaux clients des créditeurs internationaux, environ 40 % de leur dette extérieure est détenue par des agents publics multilatéraux ou par les pouvoirs publics des pays de l’OCDE75. De ces 40 %, une moitié des créances est détenue par les États. Pour cette raison, Ecolo juge indispensable que, parallèlement aux initiatives proposées en matière de dette multilatérale (cf. première priorité), la Belgique mène des initiatives proactives en ce qui concerne les créances bilatérales qu’elle détient vis-à-vis des pays en développement et qu’elle utilise son pouvoir d’influence au sein des institutions financières multilatérales.

74 Données statistiques fournies par le « World Economic Outlook 2008 » du Fonds Monétaire International. 75 Sources : rapports annuels la Banque Mondiale, du CNUCED et de l’OCDE.

Proposition : Annuler les créances belges et encadrer les prêts bilatéraux

Le 29 mars 2007, le Sénat belge a adopté une résolution portant sur l’annulation de la dette des pays pauvres. La résolution demande au gouvernement « de décider, dès à présent, d'un moratoire avec gel des intérêts sur le remboursement du service de la dette bilatérale, et de prendre les autres mesures nécessaires afin de donner un effet immédiat aux décisions d'annulation qui interviendront en conclusion des procédures et négociations ouvertes avec les pays les moins avancés et les pays pauvres très endettés, en s'engageant à annuler leur dette rétroactivement à dater de l'entrée en vigueur du moratoire ». Deux ans après l’adoption de cette résolution, la Banque mondiale et la CNUCED constatent que, malgré les initiatives internationales d’allègement de la dette, de très nombreux pays pauvres ont vu leur situation d’endettement s’aggraver. En outre, depuis 2008, l’instabilité des marchés des produits alimentaires et énergétiques porte non seulement un coup très sévère aux Objectifs du millénaire, mais a également entraîné une détérioration significative des balances de paiement, et donc des capacités de remboursement de nombreux pays en développement, non seulement au niveau des pays les moins avancés, mais également parmi les pays à revenu intermédiaire. C’est pourquoi il est indispensable de passer des paroles aux actes et de modifier la législation belge afin de compléter les initiatives déjà développées en matière d’allègement des créances détenues par la Belgique vis-à-vis des pays en voie de développement. Ecolo a déposé une proposition de loi à cet effet en février 2009, qui vise en outre à instaurer un comité chargé de procéder à l’audit des créances belges sur base du principe de soutenabilité sociale et environnementale et des concepts de dette illégitime et odieuse.

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 3 « Coopération au développement » - p 55/80

Proposition : Orienter les couvertures publiques des risques des exportateurs et investisseurs au service du développement durable

Selon les estimations des institutions financières internationales, environ un tiers de la dette extérieure officielle des pays en développement est contractée auprès des agences de crédit à l'exportation. Ces agences accordent des assurances de couverture aux exportateurs et investisseurs. Parmi ces agences, les entreprises publiques de crédits à l’exportation – dont le Ducroire pour la Belgique – jouent un rôle particulièrement important. En pratique, le Ducroire détient plus de la moitié de créances publiques belges vis-à-vis de ces pays, constituant de la sorte un mécanisme de transfert des créances détenues par des entreprises privées vers l’État fédéral. Il est dès lors indispensable que les activités commerciales de cette entreprise publique soient guidées par des impératifs d’intérêt général et de soutenabilité sociale et environnementale. C’est pourquoi Ecolo propose :

de conditionner par voie légale l’octroi des couvertures d’assurance du Ducroire au respect de normes renforcées en matière de transparence et de responsabilité sociale des entreprises76 ;

de moduler les primes de risque exigées par le Ducroire aux exportateurs et investisseurs, de manière à inciter des initiatives à haute valeur ajoutée sociale et environnementale, notamment dans le domaine des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique, du microcrédit, du soutien aux producteurs locaux et à la petite paysannerie ;

d’inscrire dans la loi les lignes directrices adoptées par l’OCDE en janvier 2008 en matière de prêts viables pour les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien

76 Ecolo a déposé à cet effet une proposition de loi dès 2004 qui a été complétée en février 2009 par des dispositions complémentaires. A la lumière des dérives récentes des marchés financiers et des pratiques scandaleuses récentes des « fonds vautours » qui achètent des créances des pays très endettés à vil prix pour les réclamer ensuite aux prix nominaux, il est également indispensable d’encadrer fortement les pratiques des agences de crédit à l’exportation en matière de cession de créances et de titrisation. Ecolo a également déposé à cet effet une autre proposition de loi visant à prévenir les cessions de créances détenues par le Ducroire sur les pays en développement sans l’accord de ces derniers.

public, et de compléter ces lignes directrices sur base du concept de soutenabilité sociale et environnementale de l’endettement ;

de renforcer la transparence et les prérogatives du point de contact de l'OCDE.

Cet ensemble de conditions minimales est nécessaire pour contribuer à la correction des mécanismes qui ont mené à l’endettement insoutenable de nombreux pays en développement et pour empêcher que les soutiens publics accordés par l’État belge aggravent les conditions d’endettement de ces pays.

Proposition : Reconnaître les concepts de dette illégitime et odieuse, de justice climatique et de dette écologique

Une partie considérable des dettes réclamées aux pays en développement n’a en réalité jamais bénéficié à leurs populations. De nombreuses études publiques et indépendantes ont, en effet, mis en évidence que des régimes tyranniques et corrompus – Mobutu, Marcos, juntes militaires d’Amérique latine parmi des dizaines d’autres exemples- ont pu bénéficier en toute impunité pendant des longues années des crédits extérieurs publics et privés. Ceux-ci ont servi à enrichir les élites locales, à accroître les capacités militaires et à renforcer les appareils de répression de l’État. De nombreux prêts contractés par les pays en développement ont par ailleurs financé des projets coûteux et mal conçus qui n’ont jamais vu le jour, sans que la coresponsabilité fiduciaire des prêteurs ne soit à aucun moment mise en cause. Ces dettes illégitimes et odieuses continuent à peser lourdement sur les populations et à étrangler les capacités financières de nombreux états et gouvernements qui en ont hérité. Après des décennies d’impunité, un certain nombre de progrès timides ont été apportés ces dernières années. Ces avancées doivent être impérativement complétées et élargies ; Ecolo estime que la Belgique doit jouer un rôle important en la matière. Parallèlement à la proposition d’institution d’un comité d’audit des créances qui permettrait notamment d’identifier les créances illégitimes et odieuses octroyées par la Belgique, il s’avère nécessaire de légiférer en faveur de la coresponsabilité

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fiduciaire des créanciers publics et privés belges des États et sociétés privées dans les pays en développement. Par analogie avec les normes en vigueur dans le domaine de la protection des droits des consommateurs, cette coresponsabilité engage les créanciers à veiller de manière proactive et responsable à l’usage légitimité et viable des financements accordés. La Belgique peut et doit également utiliser son droit d’influence au sein des institutions européennes et multilatérales pour impulser la reconnaissance internationale de ces concepts de coresponsabilité fiduciaire et de dette illégitime. A l’instar de la Norvège qui mène en la matière des politiques exemplaires depuis de nombreuses années, la Belgique doit plaider explicitement pour que ces concepts deviennent, d’une part, des principes directeurs des financements futurs octroyés par les institutions financières internationales et, d’autre part, des critères d’annulation inconditionnelle des créances passées. Dans l’optique du respect du principe de partage équitable des charges et responsabilités, Ecolo entend en outre que la Belgique reconnaisse par la loi le concept de justice climatique et veille à son intégration au niveau européen et international. Il convient en effet de reconnaître la dette écologique que les pays industrialisés ont vis-à-vis des pays en développement. A cet égard, la première étude globale systématique menée par des économistes de l’Université de Californie a estimé que les coûts environnementaux nets77 provoqués dans les pays en développement par les émissions de gaz à effet de serre passées et présentes des pays industrialisés représentent en 2008 une somme d’au moins 1,8 trillion de dollars (environ 2/3 de la dette extérieure nette des pays en développement). Compte tenu des autres dommages qui n’ont pas été pris en compte par l’étude (eau, biodiversité), cette somme ne représente qu’une fraction de la dette écologique totale due par les pays industrialisés aux pays en développement. La reconnaissance des concepts de justice et de dette écologique constitue donc un pas crucial vers une transformation équitable des droits et des obligations internationales en matière de financement du développement.

77 Cela veut dire que l’étude intègre également les coûts estimés provoqués par les émissions à effet de serre dans les pays en développement.

PRIORITE N°3 : ANCRER LE DEVELOPPEMENT DURABLE AU CŒUR DE LA POLITIQUE DE

COOPERATION C’est l’objectif de développement durable qui

sous-tend la volonté d’Ecolo de refonder la politique de coopération. Ecolo entend en effet restaurer la souveraineté alimentaire des pays en développement et promouvoir une alimentation durable, rendre aux peuples le contrôle de la gestion et de la préservation de leurs ressources naturelles, permettre le choix d’investissements soutenables (énergies alternatives, création d’emplois décents, …), protéger et développer les industries locales et régionales et l’agriculture vivrière locale. Il s’agit également de prendre en compte le critère « biodiversité » dans le cadre de l’aide au développement : les principaux réservoirs de biodiversité mondiale se trouvent en effet dans les pays en développement. Les objectifs de la Convention sur la diversité biologique doivent être intégrés dans la politique d’aide au développement avec une attention prioritaire aux écosystèmes forestiers et aux zones humides.

Concrètement, ceci implique une révision

radicale et la mise en cohérence des politiques internationales, européennes et nationales.

Proposition : Conclure un pacte Europe/Afrique pour l’environnement et le climat

Aujourd’hui, le lien entre la dégradation de l’environnement et l’aggravation de la pauvreté et la responsabilité des pays occidentalisés ne sont plus à démontrer (changement climatique, réduction de la biodiversité, pressions des multinationales pour l’utilisation des OGM, …). Cette situation appelle de toute urgence le développement d’un partenariat entre le Nord et le Sud pour apporter des réponses à ces défis et enjeux communs. Plus particulièrment, Ecolo propose un pacte Europe-Afrique pour le développement durable. La mise en place de l’Union africaine offre aujourd’hui une réelle opportunité pour ce faire. Ce pacte devra, entre autres, porter sur :

les questions de droits de propriété intellectuelle et de protection du vivant (cf. le droit des paysans à produire leurs semences) ;

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la mise en place de mécanismes de protection et de législations adaptées (déchets toxiques, …) ;

la diffusion et la mise en vigueur de la loi modèle sur les OGM de l’Union africaine ;

l’appui à la recherche et à l’innovation citoyenne, à la recherche publique écologique, indépendante des multinationales et à la coopération Nord-Sud dans les domaines scientifique et technologique ;

la promotion des énergies renouvelables ;

la gestion et l’accès aux ressources naturelles ;

la mise en place de mécanismes de surveillance et de suivi des engagements internationaux, tant de la part des pays du Nord que du Sud.

Par ailleurs, Ecolo entend assurer une veille stratégique des initiatives de la Commission européenne en réponse aux lobbies des multinationales de l’agroalimentaire qui encouragent le recours aux OGM et à la privatisation du vivant, mettant ainsi en péril la capacité de la nature à se reproduire. Ecolo dénonce en particulier le mensonge tendant à faire croire que les OGM pourraient nourrir l’Afrique.

Proposition : Mobiliser des moyens additionnels pour l’adaptation et l’atténuation du changement climatique

Le rapport Sachs commandité par le Secrétaire général des Nations Unies en 2005 met en évidence que l’objectif de 0,7 % du Revenu National Brut (RNB) consacré à la coopération au développement est nécessaire pour atteindre les Objectifs du Millénaire. Dans l’intervalle, la communauté internationale a pris conscience de l’enjeu du dérèglement climatique et des coûts considérables que cette lutte entraîne en termes d’adaptation et d’atténuation pour les pays en développement, alors que ces pays n’ont pourtant guère contribué aux émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit donc d’une véritable dette écologique que les pays riches ont vis-à-vis des pays en développement. Cette dette écologique exige des transferts de ressources additionnelles par rapport aux ressources consacrées à l’objectif de 0,7 % nécessaires pour les Objectifs du Millénaire.

C’est pourquoi il importe d’inscrire dans la loi ce principe d’additionnalité stricte par rapport à l’objectif de 0,7 % qui concernera entre autres les ressources transférées aux pays en développement dans le cadre du « clean development mecanism ». Dans cette optique il s’avère opportun de créer un fonds d’adaptation et d’atténuation du changement climatique dans les pays en développement.

PRIORITE N°4 : DEVELOPPER UNE POLITIQUE DE

COOPERATION BELGE AMBITIEUSE ET

COHERENTE

La dernière décennie a été caractérisée par la mise en place d’un nouveau paradigme de l’aide au développement, centré sur l’objectif de la réduction de la pauvreté et caractérisé par une gestion axée sur des résultats. Parallèlement à l’adoption des Objectifs du millénaire pour le Ddéveloppement au tournant du siècle, de nouveaux cadres référentiels de mise en oeuvre ont vu le jour, comme les papiers stratégiques de réduction de la pauvreté, le Consensus de Monterrey sur le financement du développement ou la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide.

Par ailleurs, en 2005 les gouvernements de l’UE se sont formellement engagés à porter l’aide au développement à 0,7 % du RNB de l’UE en 2015. Après une augmentation importante entre 2000 et 2005, les montants agrégés de l’aide totale ont depuis lors connu deux années consécutives de recul pour se situer en 2007 à 103 milliard de dollars, et ce, malgré une période de croissance économique importante. Autrement dit, la plupart des pays bailleurs européens, dont la Belgique, se trouvent hors trajectoire pour honorer leurs obligations légales et leur contribution à l’objectif commun de 0,7 % du RNB. Dans un contexte où les perspectives économiques globales se sont fortement assombries, les montants de l’aide au développement risquent, par ailleurs, de continuer à décliner durant les années à venir.

Malgré l’impulsion de ce nouveau paradigme qui vise explicitement à tirer les leçons de quatre décennies de pratiques aux résultats pour le moins mitigés, une bonne partie de l’aide officielle n’atteint jamais les populations cibles : l’aide est peu prévisible et reste liée dans une proportion importante à l’achat de biens et services des bailleurs ; beaucoup d’argent est mis à la disposition de pays uniquement à des fins géopolitiques et sécuritaires ; une partie

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significative de l'aide est dépensée pour des services de consultance des pays bailleurs ; enfin, une autre part non négligeable provient d’opérations d’annulation de dette. Par ailleurs, la prolifération de donateurs opérant sans coordination constitue souvent un poids bureaucratique de taille pour les pays en développement : leurs autorités locales doivent répondre à des exigences procédurales souvent contradictoires78.

Enfin, l’affectation de l’aide et le financement

des politiques publiques restent largement sous la tutelle des agences de coopération bilatérales et des bailleurs multilatéraux. L’espace politique dont disposent les parlements nationaux et les organisations de la société civile pour contrôler les politiques financées par l’aide publique et participer à leur définition et mise en œuvre est toujours très étroit. Les conditions intrusives et irréalistes auxquelles l’aide accordée est subordonnée continuent d'être définies verticalement et contraignent les pays en développement à mener des politiques qui ne sont pas adaptées à leur situation. De surcroît, les politiques d’aide donnent souvent d’une main ce que les autres volets des politiques internationales des pays bailleurs (dont notamment la politique commerciale) reprennent de l’autre.

Malgré tous ces obstacles et lorsqu’elle est de

qualité, l’aide fonctionne et constitue un véritable levier pour renforcer les capacités nécessaires pour répondre aux besoins sociaux et aux aspirations émancipatrices. Ecolo estime dès lors qu’il est indispensable de mettre en œuvre une politique belge de coopération volontariste et ambitieuse. Cette politique doit notamment :

se donner les moyens de respecter les engagements internationaux de la Belgique ;

répondre aux défis globaux de la lutte contre la pauvreté et les inégalités, et assurer le financement des biens publics mondiaux ;

veiller à sa cohérence avec l’ensemble des volets de l’action des gouvernements, notamment avec les politiques commerciales et environnementales.

78 Certains pays d’Afrique subsaharienne doivent notamment accueillir plus de mille missions par an des différents bailleurs.

Proposition : Établir un nouveau chemin de croissance annuel contraignant

Le respect de l’obligation légale visant à porter l’aide à 0,7 % du RNB dès 2010 exigerait un effort budgétaire d’autant plus important (800 millions d’euros supplémentaires entre 2009 et 2010) que le Gouvernement fédéral n’a pas fait preuve d’une véritable volonté politique pour dégager les moyens nécessaires à la réalisation de cet objectif. Dans ces conditions, il est pratiquement exclu qu’à la fin de l’année 2010, la Belgique respecte ses obligations légales en la matière, portant ainsi un coup très sévère à la crédibilité des engagements internationaux du pays. Pour remettre ce mécanisme en route, Ecolo propose d’adopter un chemin de croissance annuel contraignant et réellement crédible pour porter l’aide à 0,7 % au plus tard en 2015. Ce chemin de croissance devra, par ailleurs, détailler l’évolution escomptée des différents postes budgétaires pertinents pour l’aide. A ce sujet, Ecolo propose de concentrer l’ensemble des postes budgétaires comptabilisés dans l’aide au développement sous l’autorité du ministre de la coopération, de manière à mettre un terme à l’éparpillement actuel et à la dilution des responsabilités politiques. Ecolo souhaite porter ensuite l’effort budgétaire de 0,7 % à 1 %, à l’horizon de 2025. Ecolo suit ainsi l’opinion des Nations Unies qui considèrent que 0,7 % constitue un objectif minimal pour financer les Objectifs du Millénaire. Enfin, Ecolo entend que la Belgique plaide auprès de ses partenaires européens et dans les instances multilatérales pour l’effectivité de ces 0,7 %, puis pour leur évolution à la hausse dès que cet objectif minimal aura été atteint. Cette approche quantitative n’est toutefois en tant que telle pas une condition suffisante pour garantir la qualité et l’efficacité de l’aide. Une multitude de petits projets, faiblement financés mais bien ancrés, largement portés, démocratiquement contrôlés, ont parfois bien plus d’impact que des projets soutenus par de gros budgets.

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Proposition : Mettre un terme aux gonflements artificiels des chiffres de l’aide

A l’instar de la grande majorité des pays de l’OCDE, et à l’exception notable de la Norvège, la Belgique comptabilise dans son aide publique au développement des éléments qui ne correspondent à aucun nouveau transfert de ressources vers les pays en développement. Cette pratique donne une image tronquée de l’aide : elle a ainsi permis à la Belgique de gonfler son aide de 30 % en moyenne depuis 2003, en mettant notamment sur pied d’égalité des transferts financiers réels avec des montants nominaux comme les allègements des créances vis-à-vis des pays en développement. Parmi les gonflements artificiels de l’aide, on trouve également les frais d’accueil et de rapatriement « volontaire » des demandeurs d’asile pendant leur première année de procédure, alors même que ces ressources restent non seulement sur place, mais relèvent, par ailleurs, des obligations juridiques internes de tout Etat signataire de la Convention de Genève. Afin de donner une image juste de l’aide à l’opinion publique et au contribuable, Ecolo propose de ne plus comptabiliser ces montants dans l’aide publique au développement.

Proposition : Elargir les objectifs légaux de la coopération belge

Ecolo propose d’élargir les objectifs contenus dans la loi de 1999 sur la coopération au développement de manière à inclure explicitement d’autres objectifs politiques qui traduisent mieux les défis auxquels la coopération internationale devra faire face durant les années à venir. Ces objectifs doivent être assortis de mécanismes de reddition de compte intégrés dans la déclaration de politique annuelle du ministre responsable de la politique de coopération. Ecolo propose d’ajouter nommément les objectifs suivants :

le droit de toute personne à un revenu minimal décent et l’accès à des ressources nécessaires pour garantir le déploiement de capacité à une vie digne79 ;

la lutte contre les inégalités ;

79 Et à terme d’un minimum absolu de 2 € par jour.

la souveraineté alimentaire ;

la protection de l’environnement et la lutte contre le changement climatique ;

le droit au travail décent. Après débat parlementaire, Ecolo souhaite une évaluation de la liste fermée des 18 pays « privilégiés » par la coopération au développement et le cas échéant modifier cette sélection. Au regard de l'urgence climatique, une série de projets développés dans le cadre de la politique climatique proactive pourraient être soutenus par la coopération au développement.

Proposition : Renforcer l’intégration transversale de l’égalité du genre

En dépit des nombreuses déclarations d’intention faisant de l’égalité du genre une dimension incontournable de toute politique de développement humain, on constate une tendance marquée à la dilution du principe de l’égalité du genre dans les politiques de coopération au développement. Comme l’affirme la contribution « Women’s Consultation on Financing for Development », les femmes dans les pays en développement travaillent en règle générale pour des salaires très faibles – lorsqu’elles sont rémunérées – et surtout dans le secteur informel, et portent pourtant une charge disproportionnée des risques financiers ; et ce, notamment par leur rôle de gestionnaires des finances des ménages, dans un contexte où les dispositifs de sécurité sociale et de protection des plus pauvres sont inexistants ou inadéquats. Dans ce contexte, Ecolo entend renforcer l’intégration transversale de l’égalité du genre dans la politique de coopération belge. Une première étape pour ce faire serait de veiller à ce qu’au moins une moitié des ressources additionnelles consacrées à l’aide au développement dans les années à venir ait une réelle pertinence et impact en matière d’égalité du genre. Dans la même optique, il s’agit d’adopter légalement des cibles assorties d’indicateurs d’impact sexo-spécifiques et d’indicateurs qualitatifs80 des programmes et projets financés par la coopération. D’autres indicateurs et mécanismes incitants portant sur l’utilisation du gender budgeting et l’utilisation

80 En s’inspirant notamment des indicateurs qualitatifs développés par la Commission fédérale Femmes et Développement.

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des données sexo-désagrégées constitueraient également des moyens de vérification appropriés pour mieux mesurer l’intégration effective et transversale de l’égalité du genre dans les politiques de coopération. D’autre part, face aux nombreux courants conservateurs qui mettent en péril les droits des femmes à décider de leur vie sexuelle et reproductive, il convient de porter une attention particulière au financement des programmes visant à renforcer dans les pays partenaires l’éducation sexuelle, l’accès à l’information et à des moyens contraceptifs efficaces pour toutes et tous. La Belgique doit en outre accorder un soutien spécifique et renforcé à la ratification et à la mise en œuvre du protocole des droits de la femme, adopté par l’Union africaine, qui marque un progrès remarquable dans la reconnaissance des droits des femmes et leur alignement sur les objectifs internationaux.

Proposition : Encadrer l’affectation de l’aide pour en améliorer son efficacité

Ecolo propose de définir, en association avec l’ensemble des acteurs de la coopération belge, un ensemble d’objectifs, assortis d’échéanciers contraignants en vue d’améliorer la cohérence, la qualité et l’efficacité de l’aide au développement. Ces objectifs devront tenir compte des demandes et priorités des pays partenaires. Il est notamment opportun de définir des objectifs spécifiques concernant :

la proportion de l’aide allouée à la santé publique et lutte contre le VIH/Sida et aux services sociaux de base ;

la proportion de l’aide allouée au soutien à la petite paysannerie et à l’agriculture familiale ;

le soutien aux organisations de la société civile des pays du Sud ;

la prévisibilité pluriannuelle de l’aide ;

le déliement progressif de l’aide, y compris de l’aide technique, pour aboutir à un déliement total à l’horizon 2012 ;

le soutien budgétaire des pays partenaires, assorti de mécanismes d’appropriation démocratique et de « gender budgeting » ;

l’abandon des conditionnalités liées au décaissement de l’aide budgétaire81 ;

le renforcement des institutions des pays partenaires via la réduction substantielle des organismes parallèles d’exécution des projets et l’alignement de l’assistance technique belge sur les priorités définies par les pays partenaires.

Il est également pertinent de préciser et de renforcer les mécanismes d’évaluation de la politique de coopération, ainsi que les obligations horizontales en matière de transparence, de bonne gouvernance et de divulgation des informations de la Direction Générale de Coopération au Développement (DGCD), la Coopération Technique Belge (CTB) et le Ducroire. Ecolo propose enfin d’adosser à la note annuelle de politique de coopération au développement une section consacrée à la cohérence de l’aide au développement avec le reste des politiques publiques et au suivi des engagements pris dans le cadre de la révision du Consensus de Monterrey sur le financement du développement.

Proposition : Assurer l’autonomie de la coopération bilatérale indirecte

La coopération indirecte belge se caractérise par une diversité d’acteurs : aux côtés des ONG, les universités, les pouvoirs locaux, les syndicats, des institutions scientifiques et des associations spécialisées bénéficient de subsides publics pour mener des programmes de coopération au développement. Chaque acteur doit pouvoir agir en fonction de sa spécificité et de sa vocation propre. Autonomie et diversité sont en effet des atouts de l’aide indirecte, dans la complémentarité des programmes. Des efforts doivent néanmoins être réalisés pour renforcer encore la pertinence, la qualité, l’efficience et la complémentarité de ces programmes, afin qu’ils s’inscrivent résolument dans une perspective commune et cohérente

81 La Belgique requiert en effet comme condition pour le décaissement de son aide budgétaire que le pays récipiendaire atteigne un certain seuil de performance dans le cadre de l'Évaluation de la politique et des institutions nationales (EPIN) élaboré par la Banque Mondiale. Cet indicateur est clairement idéologiquement orienté dans la mesure où il comporte des critères de bonnes politiques structurelles telles que la dérégulation des marchés, des prix et des salaires, de même que l'ouverture de tous les secteurs à la concurrence.

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de développement durable. Au lieu de forcer les acteurs indirects à s’aligner sur les secteurs et pays de concentration de la coopération bilatérale directe, il y a lieu de mettre en place des pratiques qui améliorent la coordination et l’échange d’informations entre acteurs de la coopération directe et indirecte (des points de contact et mécanismes de concertation, par exemple). Par ailleurs, dans un monde globalisé, le niveau local et le territoire deviennent un niveau essentiel de gouvernance ; ils constituent un des leviers de changement essentiel pour répondre aux vraies questions que pose la gouvernance. En effet, la décentralisation crée les conditions d’une relégitimation de l’Etat et d’un renforcement de la démocratie. D’une part, la décentralisation permet une participation plus effective de la population à la gestion des affaires publiques et, d’autre part, elle oblige l’Etat à redéfinir son rôle, prenant en compte l’existence des pouvoirs locaux et s’articulant avec eux. Si les élus, les partis politiques, les assemblées locales ou régionales doivent pouvoir avoir accès à une formation à l’exercice du pouvoir et du contrôle démocratique, autant la société civile doit elle aussi se former à demander des comptes, à contrôler ses élus. Le caractère plus concret et plus visible des réalisations et projets à l’échelle locale ou régionale facilite le contrôle citoyen. Dans cette optique, Ecolo estime que la coopération au développement doit apporter davantage d’attention au rôle essentiel des autorités locales et les reconnaître comme des partenaires à part entière. Cela notamment en renforçant les instruments de coopération directe avec celles-ci et en leur donnant les moyens de jouer leur rôle dans la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement qui relèvent avant tout du niveau local (agriculture, éducation, santé, accès à l’eau, …). Ecolo souhaite que le Gouvernement belge mette en application la résolution adoptée par le Parlement européen sur le rôle des collectivités locales. La Belgique doit également faire pression au niveau européen pour que cette nouvelle approche soit considérée comme un des enjeux de la réforme et de l’efficacité de l’aide et que le niveau local devienne un secteur prioritaire de la coopération. Par ailleurs, Ecolo entend promouvoir, au niveau communal belge, de nouvelles formes de coopération décentralisée,

dans le cadre de partenariats concrets et pratiques avec des collectivités locales du Sud.

Proposition : Développer la souveraineté alimentaire des peuples

Ecolo souhaite que la Belgique développe une politique visant à favoriser la souveraineté alimentaire des populations des pays en voie de développement82. Les pays les plus pauvres sont, en effet, confrontés à une concurrence inéquitable, qui se traduit par l’impossibilité de se protéger d’exportations de produits à bas prix (poulets surgelés, stocks européens de viande bovine …) qui menacent le développement local. Les politiques libéralisées menées au niveau mondial (OMC, UE, USA …) sont responsables de cette situation, tout comme les sociétés multinationales qui tirent parti du laxisme, de l’inexistence de législation efficace et de la faiblesse des pouvoirs publics. Ceci conduit, en outre, à des dérives en matière de diffusion des OGM, de privatisation des ressources génétiques (semences traditionnelles) ainsi que la diffusion de produits phytosanitaires désormais interdits dans les pays du Nord. Pour Ecolo, la Belgique doit, dans le cadre des négociations internationales :

s’opposer aux accords, conventions et autres mécanismes qui privent les autorités d’un pays de la possibilité de défendre des politiques agricoles assurant sa sécurité alimentaire (y compris via des barrières douanières aux exportations, pour protéger les producteurs locaux) ;

apporter son soutien au groupe des pays d’Afrique qui défendent à l’OMC le droit de constituer des regroupements de producteurs, dans le but de fixer des prix agricoles rémunérateurs pour les produits tropicaux (thé, café, cacao, coton …) et mettre en place des mécanismes régionaux de gestion de l’offre ; de tels regroupements permettraient d’apporter stabilité et amélioration des conditions de vie. Il convient donc d’appuyer l’émergence, la consolidation et le développement de marchés locaux et régionaux ;

82 Voir à ce sujet nos propositions du Livre I, Chapitre 5 « Alimentation et Agriculture ».

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appuyer les revendications des femmes du Sud, en tant que gardiennes de la biodiversité, à protéger les semences, base de la nourriture et de la vie elle-même, ce qui suppose le refus des brevets sur le vivant et l’adoption d’un moratoire sur les cultures génétiquement modifiées.

Parallèlement, la coopération belge au développement doit :

soutenir le développement de l’agriculture familiale vivrière ; de nouvelles expériences développées dans le Sud, comme l’agriculture urbaine, contribuent à une meilleure autonomie sur le plan de la sécurité alimentaire tout en favorisant la cohésion socioéconomique des communautés ; il convient de les valoriser ;

soutenir les initiaitives en matière de constitution des stocks internationaux pour faire face à la volatilité des prix agricoles ;

développer un soutien structurel aux organisations paysannes des pays en développement afin qu’elles puissent mieux faire entendre leur voix ;

appuyer les politiques de réforme de la propriété qui garantissent aux femmes et aux hommes les mêmes droits d’accès et de contrôle de la terre, de manière à leur donner les moyens de produire et de vendre une production de qualité ;

faciliter les transferts de technologies agricoles durables et renouvelables ;

appuyer les programmes de renforcement des capacités des gouvernements et de la société civile des pays en développement pour faciliter la participation active de ces derniers dans les négociations commerciales multilatérales et bilatérales.

Proposition : Contribuer à la réalisation du droit à la santé pour tous

Ecolo préconise une politique de coopération dans le domaine de la santé publique qui aborde à la fois le développement de systèmes de soins de qualité et de politiques de prévention accessibles à toute la population, et plus particulièrement aux femmes. Face à l’état d’urgence sanitaire imposé par la progression des grandes pandémies, la réponse internationale, et plus particulièrement la politique belge en la matière, n’a pas été à la

hauteur du défi. La communauté internationale n’a pourtant cessé de multiplier les engagements en la matière. Des Objectifs du Millénaire à la promesse du G8 de 2005 visant à fournir un accès universel aux thérapies anti VIH/Sida pour 2010, en passant par la Déclaration de Doha sur la santé publique et la propriété intellectuelle de 2001, chaque année se solde par l’ajournement des promesses. Afin d'avancer concrètement dans ce dossier, Ecolo propose que la Belgique organise une conférence internationale sur les flexibilités de l'ADPIC83 en matière d'accès aux médicaments. Elle aboutirait à une évaluation sérieuse des obstacles entourant l'accès aux médicaments et traitements et aurait pour but de lever les tabous qui entourent la problématique des licences obligatoires pour faciliter la production et l’exportation de médicaments génériques. Elle devrait également contribuer concrètement à transformer les flexibilités obtenues à l'OMC en réelles opportunités d'action. Ecolo a déposé dans cet esprit une proposition de loi qui vise, par le biais d’une mesure applicable au niveau belge, à faciliter l’exportation des médicaments génériques vers les pays en développement. Il est également indispensable d’accroître de manière substantielle la proportion de l’aide belge consacrée à la santé publique et à lutte contre les grandes pandémies ; celle-ci reste à l’heure actuelle très faible en comparaison avec nos voisins. Concrètement, Ecolo plaide pour porter la proportion de l’aide consacrée à la santé publique à au moins 20 % du total de l’aide au développement et à une multiplication par six des montants consacrés à la lutte contre les grandes pandémies. Ecolo se déclare également favorable à l’adoption d’un traité international visant à mettre en œuvre de nouveaux mécanismes d’incitation à l’innovation dans le domaine de la santé, découplant les prix des médicaments du financement de la recherche et développement des nouveaux médicaments et technologies médicales. Une attention particulière doit être également accordée aux maladies orphelines et aux maladies chroniques non contagieuses comme le diabète, qui ont un impact de plus en plus important dans les pays en développement ainsi qu’à des enjeux structurels tels que celui d’un salaire décent pour les prestataires de soins.

83

L'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce de l’OMC.

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 3 « Coopération au développement » - p 63/80

Proposition : Protéger l’appellation de commerce équitable

Avec la multiplication des labels autoproclamés « commerce équitable », les dangers de dénaturation du concept sont réels et l’impact sur les producteurs (actuels et futurs) dépendant de ce commerce est dommageable. Pour Ecolo, il convient de protéger l’appellation de commerce équitable, de reconnaître sa spécificité et d'affirmer les critères de développement social et durable et définir des cibles « équitables » spécifiques en matière de marchés publics. Une proposition de loi a été déposée par Ecolo en 2006 en ce sens.

Proposition : Maintenir fédérale la politique de coopération au développement

Dans la même volonté d’optimalisation de l’aide publique au développement, Ecolo réaffirme avec fermeté que la compétence de coopération au développement doit être maintenue au niveau fédéral. Le morcellement des moyens de la coopération au développement serait en contradiction avec tous les efforts entrepris au niveau international en vue de renforcer l’efficacité, l’harmonisation et la réduction des coûts de transaction de l’aide. Pour Ecolo, cette réaffirmation du caractère fédéral de la coopération au développement n’est pas incompatible avec un effort complémentaire en la matière, à développer par les Régions, les Communautés ou les pouvoirs locaux dans le cadre de leurs compétences. Tout au contraire, la coopération décentralisée au niveau communal, initiée par les écologistes lors de la législature 1999-2003 a permis des échanges durables entre communes du Nord et du Sud (Anderlecht, Evere, …).

Proposition : Instaurer une contribution de solidarité sur les billets d’avion

Ecolo propose, comme d’autres acteurs politiques ou de la société civile, de prélever une taxe sur les billets d’avion pour le transport de passagers et de marchandises et d’en utiliser le bénéfice en vue du financement de l’aide au développement.

Proposition : Renforcer la politique d’éducation au développement

La politique d’éducation au développement et d’information doit être renforcée en vue d’accroître l’adhésion du public belge à la solidarité internationale avec les populations du Sud. Les acteurs de la coopération indirecte, en particulier les ONG et les universités jouent un rôle essentiel dans le domaine, via notamment leur rôle en matière de plaidoyer, d’éducation et de mobilisation pour le développement. Il est nécessaire que la collaboration et la coordination des activités dans ce domaine soient poursuivies et intensifiées.

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 4 « Asile & Migrations » - p 65/80

PROGRAMME ECOLO ÉLECTIONS 2009

LIVRE VI - Pour une société planétaire

Chapitre 4 « Asile et Migrations »

Pour une politique d’accueil et d’asile qui met les droits humains en avant et vise à construire une société

planétaire démocratique

« Des gens émigrent aujourd'hui pour des raisons identiques à celles qui ont incité des dizaines de millions d'Européens à quitter autrefois vos rivages. Ils fuient la guerre ou l'oppression, ou bien partent à la recherche d'une vie meilleure sur une terre nouvelle. Ceux qui sont contraints d'abandonner leur foyer - les réfugiés qui fuient pour trouver la sécurité - relèvent de notre responsabilité collective sur le plan juridique et sur le plan

moral. (…) Les immigrants sont une partie de la solution et non une partie du problème. Ils ne doivent pas devenir les

boucs émissaires des divers malaises de notre société (…). »1 Koffi ANNAN, ancien Secrétaire général de l’ONU.

Asile et Migrations en Belgique : Etat des lieux et analyse d’Ecolo

A la différence de la majorité arc-en-ciel qui avait rendu possible, grâce à la participation d’Ecolo, une opération de régularisation de plus de 50 000 sans-papiers, hommes, femmes et enfants, ainsi qu’une simplification des procédures d’accès à la nationalité belge, les Gouvernements fédéraux qui l’ont suivie depuis lors se sont distingués par une attitude extrêmement sécuritaire en matière de politique migratoire. En attestent notamment :

la priorité accordée à l’expulsion des étrangers : augmentation de la capacité des centres fermés, augmentation du nombre de personnes reconduites à la frontière dans le cadre du système Dublin II84, poursuite des négociations en vue de la conclusion d’accords de réadmission avec les pays d’origine ou de passage des étrangers et plus récemment, la Ministre en charge de l'asile et de la politique migratoire continue à procéder

84

Discours du 29 janvier 2004, lors de la remise du Prix Sakharov à Koffi ANNAN par le Parlement européen. 84 Le règlement Dublin II (CE 343/2003) a pour but d’identifier dans les

plus brefs délais l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile et d’établir des délais pour chacun des stades de la procédure de détermination de l'État responsable. (disponible sur http://europa.eu/scadplus/leg/fr/lvb/l33153.htm).

avec zèle à des expulsions de personnes qui ont un ancrage local fort (qui s’apprécie sur la base de différents critères comme une présence sur le territoire depuis plusieurs années, le fait de posséder un emploi ou de faire des études, d’avoir développé un réseau social ...) dans la société belge85 ;

les traitements inhumains et dégradants lors de procédures d’expulsion dénoncés par différentes ONG, dont Amnesty International8687 ;

85 Cf. cas de Rothman Salazar, jeune équatorien arrivé avec ses parents

en Belgique en 2002 et expulsé vers l’Equateur en 2008 alors qu’il entamait des études d’informatique. Rothman a heureusement pu obtenir un visa étudiant dans son pays, ce qui lui a permis de revenir en Belgique le 20 octobre 2008 pour poursuivre ses études. 86

Dans son rapport 2007, Amnesty International dénonce une fois de plus les violences et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés par des policiers aux détenus étrangers et les atteintes aux droits humains au cours d’opérations d’éloignement. 87 Le 26 avril 2008, Serge Fosso, Français d'origine camerounaise, monte à Bruxelles National à bord d'un avion de la compagnie Brussels Airlines à destination de Kinshasa, via Douala. Il retourne au Cameroun en vacances. Il rejoint son siège dans le fond de l'avion et voit, à quelques rangées de la sienne "des hommes en tenue grise essayant de maîtriser un homme de couleur noire qui se débat et crie au secours". C'est Ebenizer Folefack Sontsa, qui fait l’objet d’une expulsion forcée, et dont le nom restera gravé dans les mémoires en raison de son suicide quelques jours plus tard. Selon M. Fosso, "les hommes en gris essaient d'empêcher le passager de parler en l'étouffant". Il pense alors à Semira Adamu, cette jeune Nigériane morte étouffée en '98. Monsieur Fosso se lève et dit à une hôtesse qu’il est dans l'impossibilité de voyager dans de telles conditions. D'autres passagers protestent également. Il filme la scène avec son appareil photo. Des policiers débarquent le Camerounais en voie d'expulsion. Tout semble rentrer dans l'ordre jusqu'à ce que des policiers montent à bord de l'avion et emmènent trois personnes parmi lesquelles M. Fosso. Ce dernier, menotté, dit avoir été traîné sans ménagements dans les couloirs de l'aéroport et jeté dans un

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 4 « Asile & Migrations » - p 66/80

les avis arbitraires88 rendus par la police des frontières lors des contrôles à Zaventem, suivis de décisions de refus d’accès au territoire de l’Office des étrangers ;

la pratique de privation de liberté dans la zone de transit de l’aéroport de Zaventem ;

la détention des familles avec enfants qui persiste dans les faits, malgré les nouvelles modalités d’« accueil » mises en place par le Gouvernement fédéral en octobre 2008 ; en effet, certains enfants et MENA89 sont toujours détenus ; il s’agit de ceux que l’Office des Etrangers appelle les « cas frontière », c'est-à-dire qui n’ont pas encore passé la frontière et pour lesquels l’Office examine si la Belgique est bien responsable du traitement de leur demande d’asile ; par ailleurs, les témoignages concernant les premières expériences de logement dans les nouvelles structures pour les familles semblent montrer que le régime appliqué ressemble très fort à une détention ;

la privation de liberté, fréquente et banalisée, des étrangers majeurs au seul motif de leur situation administrative ; très peu d’égard est accordé au suivi social et médical ainsi qu’à l’accès à l’information des étrangers détenus en centres fermés90 ;

l’absence de solution concrète apportée aux sans-papiers malgré l’accord du Gouvernement pentapartite en mars 2008 quant à la nécessité de critères clairs de régularisation dans une circulaire ;

la réalité de dizaines de milliers de sans-papiers, devenus illégaux, laissés sans aucune ressource (sauf l’aide médicale urgente) et obligés de se faire exploiter pour assurer nourriture et toit à leur famille ;

la réforme en 2006 de la loi de 1980 dans le sens d’une restriction des droits des étrangers et des réfugiés, qui implique notamment :

pour les demandeurs d’asile :

fourgon de police. Il sera placé dans un cachot de 11h à 22h, avec un court intermède vers 13h30, le temps pour M. Fosso d'apprendre par la responsable de la sécurité de Brussels Airlines qu'il a été suspendu de tout vol à bord d'un avion de la compagnie pour six mois. 88 La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), mise en place par le Conseil de l’Europe a déjà attiré l’attention sur ce problème, et recommandait le renforcement des mesures de sensibilisation afin de corriger les idées fausses et de lutter contre les préjugés de la police des frontières concernant les immigrés. 89 Mineurs étrangers non accompagnés.

90 Il y a actuellement 6 centres fermés en Belgique : les centres fermés

de Zaventem (le centre « Inad » situé dans l’aéroport, le centre de transit 127 et le centre 127 bis), et les centres fermés de Merksplas, Bruges et Vottem. Y sont enfermés, en principe pour une durée maximale de 5 mois, des personnes en séjour « illégal », des demandeurs d’asile (à Zaventem) ou des demandeurs d’asile déboutés.

une augmentation des motifs d’enfermement durant la procédure ;

une augmentation des motifs d’irrecevabilité d’une demande d’asile ;

la création d’une nouvelle juridiction de recours sans pouvoir d’instruction et régie par une procédure essentiellement écrite ;

pour les autres : le durcissement des conditions du regroupement familial ; le Gouvernement pentapartite entend aller encore plus loin, puisqu’il a annoncé une condition additionnelle en termes de moyens de subsistance suffisants pour faire venir les membres de sa famille ; et l’actuel Ministre de la justice estime que beaucoup de demandes de mariage sont frappées de suspicion de fraude et reconnaît que des parquets, comme à Bruxelles, mettent un délai de 1 à 3 ans pour enquêter avant de donner leur avis sur le projet de mariage ;

la création d’une nouvelle juridiction d’appel, le Conseil du Contentieux des Etrangers (CCE), dont la procédure est calquée sur celle du Conseil d’Etat et dont le fonctionnement fait l’objet de nombreuses critiques, d’autant que les recours contre les décisions de l’Office des étrangers ne sont toujours pas suspensifs ;

la marginalisation des recours au Conseil d’Etat en cassation administrative dès lors qu’ils font l’objet d’un filtrage dans la nouvelle procédure ;

la restriction des possibilités d’acquisition de la nationalité belge ; le Gouvernement pentapartite envisage également un durcissement des conditions d’obtention de la naturalisation belge (connaissance d’une langue nationale et 5 ans de séjour en Belgique au lieu de 3) ;

l’application très restrictive de la protection subsidiaire91 transposée en droit belge ; l’Autriche ou la Norvège, par exemple, accordent la protection subsidiaire à 80 % des demandeurs

91 La loi du 15 septembre 2006 modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers transpose notamment la directive 2004/83/CE du Conseil du 29/04/2004 portant sur les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale.

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 4 « Asile & Migrations » - p 67/80

afghans alors que la Belgique est en-dessous des 20 %.

Asile & Migrations en Europe : Etat des lieux et analyse d’Ecolo

Durant les années ‘60, l’immigration, d’abord

gérée par l’Etat, puis recrutée directement par les employeurs dans les pays d’origine, et souvent entrée clandestinement puis régularisée au cas par cas, a constitué le remède aux pénuries de main d’œuvre dans une Europe alors en pleine croissance économique, notamment dans les régions les plus industrialisées, comme le Benelux. Ce système a pris fin avec le stop à l’immigration en 1974. On pensait à l’époque que les immigrés allaient rentrer chez eux et seraient remplacés par des Européens ; on pensait que c’était la fin des grandes migrations. Il n’en a rien été. Les politiques qui ont suivi dans les années 80 ont omis de considérer que les pays de l’Europe du Sud, ancienne terre de départ, sont devenues à leur tour des terres d’accueil. Dans ces pays, la contradiction s’est le plus souvent résolue par des régularisations massives.

Les années ‘90 ont ensuite été marquées, à

l’échelon européen, par un durcissement des politiques d’accès au territoire. Durant cette période, les Gouvernements européens, ont tenté de réagir par des mesures restrictives et répressives, centrées sur la dissuasion des candidats à l’immigration, les restrictions à la politique d’asile et le rapatriement forcé des déboutés et des clandestins. Le droit d’asile a été instrumentalisé pour concourir au contrôle des flux migratoires. Les réponses européennes à la nouvelle donne démographique sont lentes et frileuses ; l’Europe ne s’est jamais pensée auparavant comme un continent d’immigration, aussi peine-t-elle à penser son identité comme évolutive.

C’est ainsi que l’on a assisté à la création et à

l’extension des centres fermés pour personnes en situation irrégulière, à l’augmentation des mesures d’expulsion, aux restrictions dans l’octroi du droit d’asile, à la mise en place d’une coopération policière accrue au niveau européen : accords de Schengen, systèmes SIS (Schengen Information System),VIS, (Information sur les visas), Eurodac (1er système automatisé d’identification d’empreintes digitales), FRONTEX (Agence de coopération pour la gestion des frontières extérieures de l’union) et à terme généralisation de la biométrie à des fins de contrôle des flux migratoires et adoption, dans le

cadre du Pacte européen sur les migrations d’une directive « retour » (plus connue sous le nom de « directive de la honte »), d’une directive « carte bleue »92 qui matérialise l’approche utilitariste d’immigration « choisie » pour les personnes qualifiées.

Même du seul point de vue de ses objectifs,

cette politique de l’UE est un échec :

elle n’aboutit pas à la diminution des flux migratoires, mais au contraire, elle renforce l’immigration clandestine et l’emprise des réseaux de la traite des êtres humains ;

elle entretient la fiction d’un lien direct entre l’augmentation de la coopération au développement et la diminution des flux migratoires ; elle continue de (faire) croire à la fin des flux migratoires, alors que la coopération au développement doit poursuivre comme seul objectif celui de l’amélioration de la qualité de vie pour les populations concernées ; elle conditionne les aides au développement à une coopération renforcée en matière de frontière, ou pire, elle finance certains pays frontaliers de l'UE pour qu'ils renvoient vers leurs pays d'origines les migrants potentiels ;

elle véhicule une image extrêmement négative de l’immigré et du demandeur d’asile, rendant difficile tout autre réflexion, débat, perception sur la question des migrations ;

elle fragilise la situation des étrangers maintenus dans une situation administrative précaire en l’absence de politique d’immigration et de régularisation saines. Plus largement, d’un point de vue humain,

cette politique est une honte pour l’Europe et ses Etats membres :

elle est absolument incapable d’envisager les phénomènes de migration comme un apport positif qui fait partie de l’histoire naturelle de l’humanité ;

elle renferme une grande part d’hypocrisie : tolérer la présence sur le territoire européen des personnes sans-papiers et donc sans droits sociaux et dont le travail en noir apporte une contribution économique non négligeable, alors que régularisées, ces personnes

92 La directive « carte bleue » visa les travailleurs hautement qualifiés. Le

but est de faciliter l’arrivée dans l’UE des cerveaux….au détriment des pays d’origine qui vont perdre ces travailleurs qu’ils ont formés La directive n’explique aucunement les efforts faits ou à faire, ou les dialogues engagés pour les compensations prévues pour les pays d’origine qui perdent leurs travailleurs qualifiés.

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 4 « Asile & Migrations » - p 68/80

contribueraient à notre système social et fiscal ;

elle est meurtrière en ce qu’elle aboutit, chaque année, à la mort de milliers de personnes qui prennent des risques énormes pour gagner l’Europe par la mer, par voie terrestre ou par voie aérienne et échouent dans leur voyage ;

elle est effrayante en ce qu’elle pousse la logique des camps de détention pour étrangers, que sont les centres fermés, à un système réfléchi et perfectionné : ceux-ci sont délocalisés aux confins des frontières de l’Union européenne voire externalisés dans des pays tiers, dans le cadre d’accords bilatéraux dans lesquels l’aide et les bonnes relations avec ces pays sont conditionnées à leur niveau d’acceptation de ressortissants expulsés. A l’inverse de ces tendances lourdes, mises en

place par l’UE et par la plupart des Gouvernements européens, Ecolo considère avec les Verts européens que l’approche des questions migratoires doit être celle d’une Europe :

qui soit capable d’assurer une solidarité active entre Nord et Sud et entre Ouest et Est, ainsi qu’une consolidation des droits fondamentaux et sociaux des individus ;

qui sorte de cette logique où presque tout circule dans ce monde globalisé – capitaux, information, services, cadres internationaux, travailleurs qualifiés - sauf les êtres humains qui cherchent une vie meilleure, qui forment la seule exception au principe ;

qui comprenne qu’une immigration choisie en fonction de ses besoins économiques est une autre forme de pillage des pays en voie de développement ;

qui reconnaisse enfin que la migration est un phénomène naturel, qui fait partie de l’histoire de l’humanité, qui a toujours eu lieu et qui continuera d’avoir lieu, et qui dès lors accepte de sortir du paradigme utilitariste et sécuritaire.

Asile & Migrations demain : Propositions d’Ecolo

Ecolo s’engage, en synergie avec les Verts des

autres Etats membres de l’UE, ainsi que ceux du Parlement européen, à mener une autre politique migratoire européenne et nationale. Alors qu'il est admis que l'Europe devra accueillir des dizaines de millions de migrants durant les prochaines

décennies, on constate qu'il existe dans la société européenne un racisme latent qui s'accompagne de politiques gouvernementales discriminatoires, utilitaristes et répressives.

D’une part, les politiques migratoires

européennes se basent sur des mesures punitives et de sanction et d’internement visant les immigrés en situation irrégulière, les obligeant à plonger chaque fois un peu plus dans la clandestinité.

D’autre part, elles reposent sur un volet

utilitariste qui instaure une hiérarchie de droits entre migrants en situation régulière en fonction de leur profil et qualification. Compte tenu des déséquilibres mondiaux, il est cependant évident qu'il n'y aura pas de réduction substantielle de l’immigration irrégulière en l’absence de dispositifs d’immigration légale ni exclusivement ni majoritairement adressés aux migrants hautement qualifiés ou jugés « utiles ».

En l’absence d’une telle ouverture et d’une

remise à plat des politiques d’asile – qui restent à l’heure actuelle en contradiction flagrante avec le respect des droits les plus élémentaires des demandeurs d’asile –, les politiques migratoires, d’asile et de contrôle des frontières européennes continueront à servir l'injustice et l’impunité.

Ecolo et les Verts européens sont favorables à

l'élaboration d'une politique migratoire et d’asile commune qui harmonise les législations nationales par le haut en prenant comme référence les normes et les pratiques les plus protectrices des droits des migrants et demandeurs d’asile.

PRIORITE N°1 : ENVISAGER TRANSVERSALEMENT LA

POLITIQUE MIGRATOIRE ET LA

DECRIMINALISER « Les mouvements migratoires actuels, qu’ils

soient économiques ou politiques, sont d’abord la conséquence des désordres du monde, des inégalités, de l’absence de justice et de démocratie sur la planète ».93 L’UE doit reconnaître sa part de responsabilité dans ces déséquilibres. Pour cela, elle doit réellement combattre les inégalités, et adapter en conséquence ses politiques commerciale, internationale et de coopération94,

93 Ni subie, ni choisie, 75 propositions pour une politique d’immigration lucide et réfléchie, Causes Communes 51/janvier-février 2007, p. 5. 94 Voir à ce sujet nos propositions des Chapitres 2 « Relations

Internationales » et 3 « Coopération au développement » du présent Livre.

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 4 « Asile & Migrations » - p 69/80

afin de promouvoir véritablement le développement des pays d’origine des migrants. L’UE doit par ailleurs se reconnaître comme terre d’asile et d’accueil de ces migrants95, c'est-à-dire s’attaquer aux causes des déséquilibres plutôt qu’aux conséquences, au détriment des êtres humains concernés ; l’UE doit enfin arrêter de faire de la coopération un chantage : elle doit cesser d'imposer des conditions de réadmission des ressortissants des pays du Sud dans le cadre des accords de partenariat économique. A l’intérieur de l’UE, la Belgique doit œuvrer en ce sens.

Proposition : Mettre sur pied un Service public fédéral Migrations

Au niveau belge, Ecolo propose la création d’un Ministère des migrations qui reprendrait les compétences en matière de politique des étrangers mais qui travaillerait sous le prisme des droits humains avec une prise en considération des questions internationales, sociales, éducatives, économiques ainsi que des questions de développement. Cette idée trouve son point d’ancrage dans le postulat qu’il faut sortir d’une gestion de l’immigration et de l’asile basée sur des impératifs sécuritaires en cessant d’attacher ce département au Ministère de l’Intérieur. Par ailleurs, les normes en matière d’asile ne sont aujourd’hui pas appliquées avec suffisamment d’objectivité. En matière de séjour, cette culture sécuritaire se traduit actuellement par l’arbitraire et la sévérité dans l’octroi des visas, les refus abusifs d’accès au territoire alors même qu’un visa a été accordé, l’absence de critères clairs de régularisation et le traitement arbitraire des demandes, les dysfonctionnements de l’Office des étrangers pointés chaque année par le Collège des médiateurs fédéraux …

Proposition : Créer un Comité M

Dans le même ordre d’idée, Écolo propose la création, au sein du Parlement fédéral et à l’instar de ce qui existe en matière de renseignements ou de contrôle des services de police, d’un Comité permanent migrations (Comité M), chargé du contrôle des instances

95

Le HCR estime que seul 1 % des réfugiés sont accueillis par les pays occidentaux. 99 % des personnes fuyant la guerre ou la famine trouvent refuge dans le Sud !

et institutions compétentes en matière d'asile et de politique des étrangers. Il veillerait à la manière dont ces instances respectent les droits que les réglementations belges et internationales confèrent à l'étranger.

Proposition : Supprimer les centres fermés

Les centres fermés n’ont pas leur place dans une démocratie digne de ce nom. Comme le souligne Causes Communes, c’est bien une logique concentrationnaire qui préside désormais à la «politique de retour» en Europe, avec des centaines de camps, de centres de rétention ou d’autres lieux de privation de liberté, avec des dispositifs juridiques et policiers en contradiction chaque jour un peu plus flagrante avec l’élémentaire respect des libertés individuelles, avec des projets – notamment dans le cadre de l’adoption d’une future directive européenne96 – qui instaurent comme règle l’enfermement des personnes, et ce pour des durées inconsidérées97. Ecolo plaide pour la suppression totale des centres fermés et appuie toute démarche allant dans le sens d’une interdiction des mesures d’enfermement :

l’inscription dans une loi du principe absolu de non-détention des mineurs ; actuellement, un projet permet aux familles d’être « maintenues » dans des maisons individuelles avec coach, mais la Ministre fédérale n’exclut toujours pas l’enfermement et les enfants n’ayant pas encore franchi la frontière sont toujours détenus dans les centres 127 et 127bis ;

la non-détention des personnes malades ;

la non-détention de demandeurs d’asile en centres fermés pendant la procédure d’examen de leur demande ; une telle détention est en contradiction avec la présomption selon laquelle tout demandeur d’asile doit être considéré comme réfugié tant que sa demande n’a pas été rejetée.

Dans l’attente de cette suppression, Ecolo revendique un contrôle du fonctionnement des

96 La directive dite "retour" (relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier) a été adoptée par le Parlement européen le 18 juin 2008. 97

Ni subie, ni choisie, 75 propositions pour une politique d’immigration lucide et réfléchie, Causes Communes 51/janvier-février 2007.

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centres fermés par le Collège des médiateurs fédéraux. De manière générale, la logique des centres fermés va de pair avec celle des expulsions collectives, ainsi qu’avec le processus d’externalisation et les accords de réadmission98, qu’Ecolo juge inacceptable et s’engage à combattre. La possibilité de détenir des ressortissants des États tiers en séjour irrégulier jusqu’à 18 mois est non seulement en contradiction avec les droits les plus élémentaires, mais constitue également une mesure disproportionnée et inefficace. En cause, le fait que les autorités nationales ne respectent guère l’esprit des lois nationales qui exigent que la détention ne soit qu’une mesure de dernier ressort et placent en détention des personnes qui n’ont pas pu bénéficier des mesures moins coercitives telles que l’obligation de se présenter devant les autorités avec une certaine fréquence. Des études officielles et indépendantes mettent par ailleurs en évidence le coût d’une telle politique, et surtout le fait que la prolongation de la détention n’a guère d’incidence sur les taux de retour qui restent sensiblement du même ordre, que la détention ait lieu pendant dix jours ou pendant des longs mois. Il faut savoir qu’en Belgique, après plusieurs jours ou plusieurs mois, la moitié des « détenus » est relâchée dans la nature sans argent ni toit. Cette tendance lourde présente dans l’ensemble des pays membres à prolonger la durée de détention dans les camps de détention administrative traduit le fait que les autorités obéissent moins à des considérations d’efficacité qu’à des impératifs visant à rendre moins visibles les migrants jugés indésirables et à donner des signaux à l’opinion publique. Ainsi, on en arrive à une situation paradoxale où des mesures censées assurer le retour des migrants jugés indésirables se soldent au contraire par des mesures d’internement de

98

Le principe qui sous-tend les accords de réadmission est d’obliger les pays d’origine des personnes que les pays de destination souhaitent expulser de « réadmettre » leurs ressortissants. Sans de tels accords, ces personnes sont de fait inexpulsables. Depuis quelques années, les pays de destination des migrants irréguliers – et parmi eux les demandeurs d'asile - font reposer la responsabilité du contrôle des frontières sur des pays tiers, les pays de transit, qu'ils soient membres de l'Union européenne ou à la périphérie. Un étranger ayant traversé un pays de transit pourra y être renvoyé. En application de ce principe, l'Europe tente de contraindre les Etats frontières - à l'Est de l'Europe ou au Maghreb - à "reprendre" les personnes qui seraient passées à travers les mailles. Elle vise désormais à "externaliser" l'accueil mais le plus souvent le refoulement des migrants et des demandeurs d'asile.

plusieurs dizaines de milliers de personnes par an aux confins de l’espace du droit européen. Même si en Belgique, la durée maximale de détention en centre fermé est théoriquement de 5 mois et malgré les engagements pris de ne pas s’aligner sur la nouvelle « directive retour » qui fixe un délai maximum sensiblement plus long, Ecolo considère que cette directive constitue une menace susceptible d’aggraver les conditions de détention en Belgique. En effet, lorsque les directives européennes sont plus répressives que les législations nationales, celles-ci ont tendance à s’aligner sur la norme européenne, comme le prouve le durcissement des conditions du regroupement familial en Belgique.

Proposition : Abolir la double peine

Un étranger qui a encouru une condamnation pénale reste aujourd’hui encore menacé par la législation belge d’expulsion et de bannissement même si cette législation a déjà été partiellement modifiée il y a quelques années. Cette mesure constitue une forme de xénophobie institutionnelle. Ecolo entend y mettre fin.

PRIORITE N°2 : FAVORISER LA MOBILITE DES MIGRANTS ET AMELIORER LES PROCEDURES DE SEJOUR

Proposition : Faciliter l’accès des étudiants étrangers non européens

L’accès des étudiants étrangers non européens aux études dans notre pays constitue depuis longtemps une forme importante d’aide au développement. C’est aussi une politique d’ouverture et d’échange culturel pour les étudiants belges qui fréquentent les mêmes auditoires. Ecolo s’oppose donc aux intentions de la Ministre fédérale de la politique d’immigration et d’asile, qui vise à limiter l’accès aux études en installant des mécanismes de discrimination inacceptables : l’exigence d’une preuve de capacité financière suffisante à la fois pour s’inscrire mais aussi pour payer le billet de retour ; ce qui revient à n’accueillir que les

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étudiants issus de milieux favorisés de ces pays, supprimant par là le rôle de levier d’ascension sociale joué par la formation. Tout à l’opposé de ces visées discriminantes, Ecolo veut soutenir la présence de ces étudiants, notamment en organisant une politique de frais d’études adaptée aux situations qui sont les leurs. A l’heure actuelle, une balise légale implique que les universités ne peuvent faire payer que la moitié des frais réels de scolarité aux étudiants étrangers issus de pays non européens, ce qui est déjà positif par rapport à d’autres pays voisins. Mais il reste que payer 9 000 € pour une formation en médecine, par exemple, ce n’est pas la même chose selon que le salaire mensuel moyen brut du pays d’où l’on vient soit de 3 000€ ou 20 €. De plus, ce système autorise les universités à décider de la manière dont elles organisent les droits d’inscription, ce qui donne lieu à des pratiques non harmonisées susceptibles d’encourager une certaine concurrence entre établissements et un « shopping » du choix d’études pour des raisons bien éloignées de l’offre de formation. Une harmonisation de ces pratiques dans une perspective de solidarité internationale est donc souhaitable. Considérant qu’il serait administrativement trop lourd, voire impossible, d’établir les montants des frais d’études en fonction des revenus des étudiants, Ecolo souhaite réaliser une étude visant à une pondération des droits d’inscriptions en fonction du revenu moyen ou du PIB par habitant du pays d’origine. Au-delà d’une homogénéisation des modalités d’exercice des droits d’inscription pour les étudiants étrangers non-européens et des questions financières, Ecolo veut soutenir l’amélioration des dispositifs d’information (par exemple via la traduction des sites web des universités et hautes écoles), d’accueil et d’accompagnement de l’ensemble des étudiants étrangers (européens et non européens) afin de faciliter le déroulement de leurs études en Communauté française. Il est en outre urgent d’améliorer les dispositifs d’équivalence des diplômes d’étudiants étrangers, visant notamment une meilleure information et une plus grande efficacité du service administratif chargé de ces équivalences. Enfin, Ecolo veut réfléchir aux stratégies pouvant encourager les étudiants étrangers à mettre leurs connaissances et expériences au profit d’un développement de leur pays

d’origine, tout en prévoyant un statut légal permettant aux étrangers ayant étudié en Belgique d’y revenir régulièrement afin de maintenir un lien solide entre le pays d’études et le pays d’origine et de permettre un réel échange de savoirs, d’informations et d’expériences99.

Proposition : Refonder une politique des visas sur la liberté de circulation des êtres humains

Le droit à la liberté de circulation est généralement reconnu lorsqu’il s’agit, pour une personne, de quitter son pays100, mais encore faut-il que le droit d’accès au territoire soit simplifié et rendu effectif pour tous. Cela nécessite notamment une politique de délivrance automatique des visas de court séjour, lorsque le visa est requis. Concrètement cela signifie que la délivrance du visa devrait être conditionnée uniquement à la vérification de la non-dangerosité du demandeur pour l’ordre public ou la sécurité nationale. Une telle souplesse en matière de délivrance de visas peut en outre contribuer à mettre un terme à un effet paradoxal d’une politique trop rigide : l’incitation à la clandestinité, la dissuasion au retour dans le pays d’origine, le renforcement des filières. Il suffit de connaître les difficultés101 d’obtention d’un visa d’accès à un pays européen pour comprendre que nombre de ceux qui l’ont obtenu restent après l’expiration du visa102.

99 L’expérience montre qu’un grand nombre d’étudiants étrangers ne

retournent plus dans leur pays d’origine une fois leurs études terminées en raison de la perte de leur droit de séjour en Belgique tellement difficile à recouvrer. 100

Selon la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien. 101

Les demandeurs de visa court séjour sont confrontés aux files d'attente, aux refus incompréhensibles, à l’arbitraire le plus complet, et à l’absence de voie de recours efficace. 102

Mehdi Lahlou, professeur d'économie à l'Institut national de statistique et d'économie appliquée (Insea) de l’Université de Rabat, et spécialiste des questions liées aux migrations et développement, explique que « la généralisation des visas dans les pays d’accueil a ajouté à l’attrait qu’exerce l’Europe le sentiment qu’elle serait devenue « interdite », (…) a grandement contribué à l’accroissement des mouvements effectués dans la clandestinité, et a pu transformer des mouvements humains qui se produisaient dans les deux sens, en fixation définitive dans certains pays européens par crainte de ne plus pouvoir y revenir » (Mehdi Lahlou, Migration irrégulières entre le Maghreb et l’Union européenne : évolutions récentes, Projet de coopération sur les questions liées à l’intégration sociale des immigrés, à la migration et à la circulation des personnes, financé par la Commission européenne).

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Proposition : Permettre un accès immédiat au marché du travail à tous les citoyens des nouveaux Etats membres de l’UE

Ecolo estime discriminatoire de maintenir pour les ressortissants des nouveaux Etats membres des restrictions à l’accès au marché de l’emploi des 15 anciens Etats membres. L’expérience des mesures transitoires (jusqu’en 2009) est négative puisque, dans les faits, la déferlante des « plombiers polonais » qui auraient travaillé en clair ne s’est pas produite alors qu’à défaut de permis de travail, les ressortissants des nouveaux Etats membres travaillent en noir, le plus souvent dans des conditions d’exploitation.

Proposition : Accorder un droit au travail pour les titulaires d’un droit de séjour

Aussi illogique que cela puisse paraître, le droit au travail n’est pas systématiquement garanti à un étranger disposant d’un droit de séjour autre que touristique (c’est le cas par exemple des personnes qui sont dans le cadre d’un regroupement familial avec un étranger autorisé au séjour). Si le droit au travail existe en théorie, il est très souvent soumis à des conditions difficilement rencontrables : exigence de la vérification des conditions du marché de l’emploi, démarches administratives lourdes décourageant des employeurs potentiels. L'accès des étrangers au marché de l'emploi est pourtant d'une importance centrale pour l'intégration. En cohérence avec la directive établissant une procédure unique pour l’obtention d’un permis de séjour et de travail qui devrait entrer en vigueur avant les élections européennes, Ecolo propose d’inscrire dans la loi les dispositions nécessaires à la mise en en place de cette procédure unique en veillant à garantir légalement aux bénéficiaires une égalité de traitement avec les travailleurs nationaux103.

103

La proposition de directive de la Commission permet aux États membres qui le souhaitent de ne pas accorder une égalité de traitement pour des domaines aussi fondamentaux que celui de l’accès au logement social, à la formation ou encore au droit d’association

Proposition : Améliorer les canaux existants d’immigration

Ecolo propose d’abolir toutes les mesures qui font obstacle aux possibilités de regroupement familial. Toute personne, quelle que soit sa nationalité, a le droit de mener pleinement sa vie privée et familiale. Ecolo s’est ainsi opposé aux mesures qui rendent plus difficile l’exercice du droit au regroupement familial (exemple : allongement du stage d’attente à 3 ans avant d’obtenir un titre de séjour autonome). Ecolo est également opposé à la différence de traitement selon que le regroupement familial a lieu à l’égard d’un ressortissant d’un Etat tiers séjournant légalement dans l’UE ou qu’il a lieu à l’égard d’un ressortissant UE104. En particulier, les ressortissants d’un Etat tiers devraient bénéficier du droit au regroupement familial avec leurs ascendants et leurs enfants majeurs à charge, au même titre que les ressortissants européens. Ecolo pense enfin que le regroupement familial collatéral (entre frères et sœurs, oncles, tantes, neveux et nièces) devrait être autorisé moyennant prise en charge par la famille en Belgique. Actuellement, la législation belge ne le permet pas. Or, l’économie familiale est une réalité sociologique de l’immigration. Enfin, Ecolo veut simplifier la procédure d’octroi de permis de travail pour les travailleurs migrants. Concrètement, Ecolo propose de ramener en début de procédure l’examen de la disponibilité d’emploi. Quand il a trouvé un emploi, l’étranger est autorisé à travailler dès lors que son employeur, qui doit évidemment respecter les standards sociaux en vigueur, a introduit une demande de permis de travail et a obtenu, auprès des services compétents et sous le contrôle syndical, l’assurance qu’il n’y a pas de main d’œuvre disponible pour cet emploi. Pour éviter le dumping social, il paraît indispensable que les syndicats soient associés à cet examen. Un examen plus approfondi de la régularité du paiement du salaire, de l’affiliation à l’ONSS de l’employeur, du paiement du précompte par celui-ci … sera aussi effectué. Au-delà de trois ans, le permis est accordé pour une durée illimitée.

104

Par exemple, le regroupement familial des ascendants et des descendants de plus de 18 ans à charge ne peut se faire qu’à l’égard d’un ressortissant UE.

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Proposition : Protéger les droits des migrants, les intérêts des pays d’origine, ainsi que ceux de la société d’accueil

Les modèles migratoires existants105 sont généralement utilitaristes et pragmatiques, au profit presque exclusif du pays qui ouvre ses portes : les « cerveaux » ou les immigrés ayant telle ou telle qualification professionnelle spécifique sont les bienvenus dans le pays d’accueil. L’Union Européenne et la Belgique n’échappent malheureusement pas à la règle. Après avoir promu une politique d’ « immigration zéro », beaucoup d’Etats membres de l’UE ont tacitement adopté une politique de « frontières ouvertes » pour les ressortissants des pays tiers hautement qualifiés ou ayant une compétence professionnelle en pénurie chez eux. La question de l’immigration resurgit sur la base d’arguments économiques, de vieillissement de la population, et pour une raison moins avouée qui est le souhait de gestion plus « souple » de la force de travail. Les Français ont ainsi opté depuis 2006 pour une immigration « choisie et non plus subie ». Un Pacte européen sur les migrations a été adopté par le Conseil européen en octobre 2008. Son but est d’améliorer la protection de l’Europe contre les « indésirables » et organiser l’arrivée des étrangers économiquement intéressants. Si l’idée même d’un pacte harmonisant la politique des Etats membres en la matière est largement souhaitable, Ecolo et les Verts dénoncent le contenu de ce pacte qui entérine un double volet répressif et utilitariste.

105

Aux USA, le visa de travail le plus fréquent (“H1-B-Visa”) est délivré aux personnes en possession d’un diplôme universitaire ou de qualifications comparables. Il existe aussi des visas spéciaux pour les travailleurs moins qualifiés ou certaines professions (ouvriers agricoles, enseignants …). Au Canada, à côté de l’immigration temporaire liée à un permis de travail temporaire qui concerne 90 000 personnes qui entrent chaque année dans le pays, il existe une possibilité d’immigration permanente dont la sélection se fait par un système de points. Concrètement, ont plus de chances les étrangers qui ont un profil économiquement intéressant : l’immigrant commercial (investisseur, chef d’entreprise, ou indépendant, qui doit dans tous les cas fournir la preuve de connaissances et d’une expérience approfondies dans le domaine des affaires et investir une certaine somme d’argent au Canada) et le "travailleur qualifié" (qui combine des compétences fondées sur la formation, l’expérience, la connaissance du français ou de l’anglais, des facultés d’adaptation et d’autres facteurs). En Australie, alors que la législation prévoit trois courants principaux d’immigration - l’arrivée de personnes qualifiées et/ou expérimentées professionnellement, le regroupement familial, l’immigration humanitaire -, l’arrivée de personnes qualifiées est prioritaire depuis 1997. En 2006, sur 130 000 visas disponibles, 97 500 visas étaient prévus pour l’immigration qualifiée.

Les écologistes préconisent une autre vision du fait migratoire, basée sur le respect des droits fondamentaux des migrants et des demandeurs d’asile, et par conséquent, sur la lutte contre les conditions qui créent l’exploitation et forcent des gens à rentrer dans la clandestinité. Le travail sous-rémunéré des migrants en situation irrégulière (environ 1 % des habitants de l’UE selon les estimation officielles), mais aussi, celui de nombreux migrants précaires en situation régulière originaires des nouveaux États membres ou des pays tiers, répond à une offre de travail des employeurs européens désireux de réduire les coûts de la main d’œuvre dans des secteurs de l’économie qui, par définition, ne sont pas délocalisables (secteurs des soins, des services de proximité, du bâtiment, des récoltes, de la restauration …). Cette « délocalisation sur place » constitue le pendant interne des délocalisations externes et relève de la même logique. La construction d’une autre politique migratoire est donc indissociablement liée à la lutte contre l’exploitation et le dumping social à l’échelle de l’Union et bien au-delà. A plus court terme, les Verts européens poursuivront leur travail actif d’amendement des propositions de la Commission dans le domaine des politiques migratoires, d’asile et de contrôle des frontières avec l’objectif politique d’une harmonisation par le haut sur base des normes les plus protectrices. Dans la même logique, la révision prochaine du système Dublin II, qui établit les responsabilités en matière d’examen des demandes d’asile, doit donner lieu à une réforme en profondeur de manière à l’orienter vers un partage solidaire et équitable des responsabilités entre États membres. Il est devenu impératif de redonner la prééminence et la priorité au renforcement des règles internationales pour harmoniser vers le haut les normes juridiques et définir les conditions permettant de ménager les différents intérêts en présence :

l’intérêt de l’Etat, de la société d’origine dont sont issus les migrants, particulièrement dans les pays les moins avancés ; des conventions entre l’UE et les pays d’origine ainsi que des réglementations européennes pourraient fixer des normes pour déterminer des conditions, des critères, des limitations et établir un système éventuel de

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compensation équitable au pays d’origine ; une limitation des "fuites de cerveaux" est légitime et même souhaitable d'autant que, pour chaque citoyen qualifié qui part, il peut y avoir un effet de dévalorisation matérielle mais surtout psychologique désastreux pour ceux qui restent ; de plus, les retours financiers des migrants peuvent être bénéfiques à certaines régions mais généralement, ils vont accentuer la dévalorisation de ceux qui restent, augmenter les différences sociales et régionales et même être perçus comme un "néocolonialisme" ;

l'intérêt des migrants qui, d'une part, peuvent souhaiter une vie meilleure mais qui d'autre part, sont souvent exploités ; l’appel à la main-d’œuvre étrangère ne concerne pas uniquement les "cerveaux" ou les migrants qualifiés mais également des emplois peu ou pas qualifiés, saisonniers ou non ; cependant, on observe moins souvent une réelle pénurie de travailleurs qu’une incapacité des employeurs à traiter ces derniers dignement et en accord avec la loi : pour les emplois difficiles, dangereux et sales, les employeurs préfèrent généralement engager des travailleurs étrangers moins exigeants que les nationaux ; dans certains secteurs d’activité (l’Horeca, la récolte de fruits, la sous-traitance dans le bâtiment, la confection …) le droit du travail est trop souvent ignoré et la préoccupation essentielle est d’ajuster la disponibilité des travailleurs à la quantité très fluctuante de travail106 ;

l'intérêt économique, social et culturel de la société de destination des migrants ; avant de crier trop vite à la pénurie de travailleurs, il est nécessaire de prévoir une obligation et une procédure de concertation syndicale pour vérifier si des efforts suffisants ont été engagés pour lutter contre les discriminations à l’embauche, pour améliorer les conditions salariales de ces emplois, et vérifier le cas échéant si des formations ont été proposées aux demandeurs d’emploi déjà disponibles sur le marché du travail dans le pays d’accueil107 ; Ecolo refuse une approche des flux migratoires

106

Au sujet de l’accueil et des politiques d’intégration des migrants, voir aussi nos propositions du Livre III chapitre 8 « Questions de société ». 107

Voir nos propositions relatives aux pénuries de main d’œuvre dans le chapitre II.2 « Emploi, activités, temps ».

exclusivement fondée sur les intérêts économiques privés des employeurs ; tant les candidats à l’immigration que le monde patronal sont demandeurs d’une reprise de l’immigration, mais celle-ci ne peut se faire au détriment des demandeurs d’emploi, belges ou étrangers (et en particulier les sans-papiers) résidant déjà en Belgique et qui pourraient, moyennant une formation adéquate, occuper un emploi pour lequel les employeurs croient trouver une solution à l’étranger ; la perspective proposée ici vise à permettre une meilleure régulation par l’autorité publique des flux migratoires, tant au profit des personnes concernées que de la société d’accueil.

Une réglementation européenne devrait être élaborée en concertation avec le monde syndical et associatif pour préserver les droits des travailleurs et empêcher la tendance à précariser leur statut de séjour en fonction des besoins économiques du pays d’accueil. Les conventions internationales devraient par ailleurs être ratifiées, comme la Convention internationale des Nations unies sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille108, et intégrées dans les lois nationales, de même que les conventions de l’Organisation Internationale du Travail, et notamment les conventions 143 et 97.

Proposition : Ouvrir un nouveau canal d’immigration pour raisons sociales, économiques, humanitaires ou environnementales

Une Europe qui reconnaît sa part de responsabilité dans les déséquilibres du monde, et œuvre réellement pour combattre les causes de ces déséquilibres permet plus aisément aux mouvements migratoires de s’équilibrer entre eux. Mais parallèlement au développement d’une telle ambition, il est indispensable d’envisager à plus court terme d’autres dimensions des migrations. Ecolo préconise ainsi la mise en place d’un nouveau cadre légal européen permettant l’immigration dans l’UE de personnes qui se

108

Adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies en 1990, cette Convention consacre un certain nombre de droits fondamentaux afin que soit respectée la dignité des migrants, avec ou sans papiers, reconnaissant « la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent fréquemment les travailleurs migrants et les membres de leur famille ». Alors qu'elle est enfin entrée en vigueur en 2003, aucun des Etats membres de l'Union européenne ne l'a encore ratifiée.

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retrouvent dans la « zone grise » : ni suffisamment « qualifiées » pour trouver directement par elles-mêmes une insertion sur le marché de l’emploi, ni dans les conditions pour bénéficier d’un droit au regroupement familial, ni suffisamment « persécutées » pour rentrer dans l’une des catégories du droit d’asile. Il s’agit d’une immigration générale pour raisons sociales, économiques, humanitaires ou environnementales. Ce cadre légal permettrait une immigration sur base de critères liés à la situation de l’individu dans son pays d’origine. À cette fin, il sera nécessaire de développer un éventail de critères économiques, sociaux et humanitaires (en tenant compte d'éléments structurels et individuels, de la situation de vulnérabilité du demandeur d’immigration et de la situation du pays d’origine). Une réglementation européenne de cette immigration générale (sociale, économique, humanitaire, environnementale) permettra une répartition des migrants concernés entre les États membres en fonction de la capacité de chacun d’eux. Un futur accord général européen pourra être complété d'un nombre de corrections sur la base de facteurs historiques et culturels. La demande d’autorisation de séjour serait en principe introduite à partir du pays d’origine de l’intéressé. Le séjour serait à durée illimitée et ne serait donc pas conditionné à l’obtention d’un contrat de travail, au risque, sinon, de provoquer une « rotation » et de laisser en fin de compte au marché de l’emploi la sélection de ceux qui peuvent rester.

Proposition : Reconnaître un statut spécifique pour les réfugiés climatiques109109109109 au niveau national et international

Les impacts du changement climatique sur les sociétés humaines se font déjà sentir dans de nombreux endroits, comme au Sahel fortement touché par le phénomène de désertification, au Bangladesh sujet à des inondations répétées,

109

Les termes de « réfugiés environnementaux » sont communément utilisés pour désigner des populations obligées de quitter le lieu de résidence dont leur survie dépend, en raison de la destruction de ce milieu de vie ou de sa dégradation. On parle de « réfugiés climatiques » lorsque ces personnes ont été obligées de quitter leur pays en raison d'une catastrophe directement liée aux modifications de notre climat ou à la détérioration de notre environnement.

dans certaines régions européennes mais aussi dans plusieurs îles du Pacifique, vouées à disparaître sous les eaux, entraînant la disparition future d’Etats-Nations. De telles situations s’observeront de plus en plus fréquemment aux quatre coins de la planète – principalement dans les régions les plus pauvres –. Pensons à la désertification au Darfour ou dans le Sahel ou à l’ouragan Katrina en Nouvelle-Orléans en passant, plus récemment, par la Chine ou la Birmanie. Selon les estimations des experts110, le nombre de personnes déplacées en 2050 suite au changement climatique devrait varier entre 150 et 200 millions ! La reconnaissance des réfugiés climatiques est indispensable, non seulement pour l’aide d’urgence en cas de catastrophes naturelles, mais aussi pour l’accueil de ces personnes par un pays tiers. C’est pourquoi les réfugiés climatiques, au même titre que les réfugiés au sens de la Convention de Genève (notamment pour motif politique, mais aussi ethnique, religieuse …), doivent se voir reconnaître un statut juridique propre. De plus, les stratégies d’adaptation au changement climatique ne sont à l’heure actuelle ni suffisamment encouragées, ni suffisantes à terme. Elles ne pourront éviter des déplacements de population importants. Ces déplacements sont également des sources importantes de conflits potentiels (à titre d'exemple, le conflit actuel sévissant au Darfour). Il est donc nécessaire et urgent de pouvoir disposer d’un outil de protection des populations qui seront forcées de quitter leur territoire suite à des bouleversements du climat. D’une part, Ecolo plaide donc pour que des politiques d’adaptation et de lutte contre le changement climatique soient mises en place dans le cadre de la politique extérieure de la Belgique et que partant, des moyens supplémentaires soient dégagés à cet effet. Une Task Force étant en cours de création au sein de la Direction générale de la coopération au développement (DGCD), Ecolo exige que la

110

STERN, N., Stern Review on the Economics of Climate Change, HM Treasury, London, 2006; MYERS, N. Environmental refugees in a globally warmed world, BioScience, Vol. 43, n°11, December 1993; OCDE, Ranking port cities with high exposure and vulnerability to climate extremes, 2007, disponible sur: http://www.oecd.org/document/4/0,3343,fr_2649_201185_39729732_1_1_1_1,00&&en-USS_01DBC.html

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problématique des réfugiés climatiques soit intégrée à la réflexion. La Belgique devra plaider pour la création d’un fonds international. La contribution à ce fonds serait déterminée sur base du principe de responsabilité des pays dans le phénomène du dérèglement climatique. Les moyens ainsi dégagés devront entre autres permettre la réinsertion et la réinstallation des personnes déplacées ainsi que des moyens de subsistance suffisants. D’autre part, une reconnaissance nationale, voire régionale n’étant pas suffisante, Ecolo plaide pour :

la création d’une Agence spécialisée des Nations Unies relative aux réfugiés climatiques, qui collaborerait activement avec le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (le UNHCR) ; le Programme des Nations Unies pour le développement (le PNUD), le Programme des Nations Unies pour l'environnement (le PNUE) et le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (le GIEC);

la désignation au sein des Nations-Unies, d’un représentant spécial pour les questions des réfugiés climatiques ;

une définition commune et internationalement reconnue du statut de réfugié climatique, ainsi que d’un statut juridique y afférent.

Proposition : Définir des critères clairs et permanents de régularisation

L’actualité des trois dernières années - manifestations, occupations d’églises et de lieux symboliques, grèves de la faim et autres actions désespérées - ont démontré l’urgence d’apporter une solution à la situation des sans-papiers, ces milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui vivent en situation de détresse dans notre pays parce qu’ils n’ont pas accès aux droits les plus élémentaires. Soucieux de porter les revendications des sans-papiers, Ecolo a rencontré à de multiples reprises des membres de l’Union pour la défense des sans-papiers (l’UDEP) et a déposé avec ce mouvement une proposition de loi contenant cinq critères souples de

régularisation et proposant la création d’une commission de régularisation. Ecolo considère que la régularisation est un enjeu prioritaire pour la législature en cours et continuera à se battre pour des critères clairs et permanents de régularisation, inscrits dans la loi. Procéder de la sorte permettrait par ailleurs de sortir de l’arbitraire en cours au sein de l’Office des étrangers. Comme le souligne le médiateur fédéral dans son rapport de novembre 2008 : « Actuellement, l’Office des étrangers, s’il dit toujours appliquer les critères tels qu’ils avaient été précisés par le Ministre de l’Intérieur en 2006, ajoute adopter une attitude prudente concernant certains dossiers qui pourraient entrer dans les conditions de l’accord gouvernemental (…). Le Médiateur fédéral constate dès lors que contrairement à ce que soutient l’administration, les directives prévalant actuellement sont loin d’être claires. ». Et malgré les nombreuses promesses du Gouvernement et de la Ministre en charge du dossier, rien n’a encore été fait. Ecolo soutient l’idée qu’il est nécessaire de mettre en place une commission des régularisations indépendante pour traiter ces demandes et prendre les décisions. Les chambres seraient composées chacune d'un magistrat, d'un avocat et d'un représentant d'une organisation non gouvernementale reconnue exerçant ses activités dans le domaine des droits humains.

Proposition : Créer une juridiction administrative de recours de plein contentieux

Dans le cadre de la réforme de la loi du 15 décembre 1980 et du Conseil d’Etat, une nouvelle juridiction administrative a été créée : le Conseil du contentieux des étrangers (CCE), pour connaître des recours contre les décisions rendues par l’Office des étrangers et des recours contre les décisions rendues par le Commissariat général aux réfugiés et apatrides (CGRA) en matière d’asile. Cette juridiction passe cependant tout à fait à côté des attentes que l’on pouvait nourrir à son égard. Elle fonctionne de manière hybride : alors qu’elle a une compétence de pleine juridiction en matière d’asile, elle n’a qu’une simple compétence d’annulation et de suspension dans les autres domaines du droit des étrangers : en matière d’accès au territoire, de séjour, d’établissement et d’éloignement des

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étrangers, le CCE, saisi d’un recours, n’est pas compétent pour refaire un examen complet de la demande et prendre une décision qui se substituerait à celle de l’Office des étrangers. Cette procédure, qui ne cache pas la crainte du Gouvernement de laisser à une juridiction indépendante une possibilité d’intervenir dans le contrôle des flux migratoires, est très décevante. Non seulement elle semble s’orienter vers une jurisprudence plus restrictive encore que celle du Conseil d’Etat ; mais en outre, elle n’évite pas le jeu de ping-pong entre l’Office des étrangers et la juridiction de recours, le premier prenant une décision négative, annulée par la juridiction de recours, suivie d’une nouvelle décision négative, à son tour annulée et ainsi de suite. Face à ces constats, Ecolo estime nécessaire de créer une juridiction administrative d’appel compétente pour traiter des recours contre les décisions prises en application de la loi du 15 décembre 1980 :

dont le recours est effectif car suspensif de l’ordre de quitter le territoire ;

composée collégialement pour une garantie contre l’arbitraire ;

dont la procédure est orale ;

qui rende des décisions motivées dans tous les cas (permettant de constituer une jurisprudence) ;

et dont les décisions peuvent se substituer à celles rendues par l’Office des étrangers.

Proposition : Favoriser l’intégration des migrants111111111111

C’est la cohérence et la complémentarité de politiques et de mesures en amont et en aval de l’immigration elle-même qui permettent que l’immigration soit une réalité positive, tant pour les pays d’accueil que pour les pays d’origine. Dans cette logique, l’accompagnement intensif des primo-arrivants et des personnes actuellement précarisées ou exclues du marché de l’emploi doit être une priorité absolue. D’autres mesures plus ponctuelles doivent être mises en place :

111

Voir à ce sujet nos propositions du Livre III, Chapitre 7 « Questions de société ».

faciliter la reconnaissance des acquis professionnels et des diplômes ;

former les services publics médicaux, sociaux, et administratifs à la lutte contre les exclusions et les discriminations ;

mettre en place une politique volontariste de formation professionnelle et pour la maîtrise d’une des trois langues nationales en direction des femmes étrangères ; celles-ci sont plus vulnérables à certaines violations de leurs droits, dans la mesure où elles sont confrontées à la fois au racisme et au sexisme et qu’elles occupent bien souvent des emplois peu valorisés et dénués de perspectives d’évolution.

Proposition : Œuvrer pour l’application au niveau européen de la directive relative aux normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées112112112112

Une directive européenne prévoit une protection temporaire en cas de situations d’afflux massifs de personnes déplacées en provenance d’un pays ou d’une zone géographique déterminée, Mais la mise en œuvre de cette directive nécessite une décision des 27 pays européens pour être appliquée. Or, un manque de courage politique n'a pas encore permis aujourd'hui que celle-ci soit appliquée, alors que différentes situations auraient justifié son application. Ecolo souhaite que cette directive européenne soit réellement appliquée au niveau européen, que l’arrivée de ces personnes dans l’espace communautaire soit spontanée ou organisée dans le cadre d’un programme d’évacuation.

PRIORITE N°3 : LUTTER POUR LA SAUVEGARDE ET LA CORRECTE APPLICATION DU DROIT

D’ASILE Il est important de distinguer les questions

relatives aux réfugiés de celles relatives aux

112

Directive 2001/55/CE du Conseil, du 20 juillet 2001, relative a` des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les Etats membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil, JOCE L 212, 7 août 2001, p. 12-23.

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migrations. En ce qui concerne les réfugiés et les personnes devant bénéficier de la protection subsidiaire, il est moralement et juridiquement indispensable de les accueillir avec solidarité et dans le respect des conventions internationales et des principes de notre Etat de droit.

Ce droit fondamental fait pourtant l’objet

d’attaques diverses, qui multiplient les barrières à son exercice : délais très courts pour l’introduction de recours, liste de pays considérés comme « sûrs », demandes trop rapidement rejetées car prétendues «non fondées », renvoi vers des pays considérés comme responsables du traitement de la demande d’asile selon les critères du Règlement Dublin II mais qui ne respectent pas le droit d’asile (la Grèce par exemple) ...

Ecolo se bat contre le durcissement des droits

des demandeurs d’asile dans les textes légaux et pour une application correcte des textes existants.

Proposition : Œuvrer pour la refondation financière et juridique du HCR

Ce renforcement doit permettre de protéger effectivement les demandeurs d’asile et réfugiés, plutôt que les intérêts des gouvernements qui le financent.

Proposition : Réformer en profondeur le système Dublin II

Les accords européens dit « Dublin II » imposent des critères de détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande d’asile sans tenir compte du souhait du demandeur. Ce système entraîne la séparation de familles, des situations d'exclusion renforcées et des résultats très aléatoires pour l’obtention d’une protection. Il devrait être remplacé par une liberté de choix du pays d’accueil par le demandeur d’asile et l’instauration d’une solidarité financière entre les Etats Européens. Ecolo souhaite une révision en profondeur du règlement Dublin II dans un sens plus équitable et, en attendant une telle révision, Ecolo compte mettre tout en œuvre pour que le règlement soit appliqué par la Belgique d’une façon qui respecte les besoins de protection en appliquant les clauses de souveraineté et humanitaire.

Proposition : Accorder une admission au séjour et un recours suspensif à tous les demandeurs d'asile

Actuellement, tous les demandeurs d’asile ne bénéficient pas de ce droit : ceux qui sont l’objet d’une décision de refus de prise en considération d’une nouvelle demande d’asile (annexe 13 quater), ceux qui reçoivent une décision au motif que la Belgique n’est pas responsable de leur demande d’asile (annexe 26 quater), et les demandeurs d’asile ressortissants de l’UE (les Roms de Roumanie par exemple) bénéficient d’un droit de recours qui ne suspend pas l’ordre de quitter le territoire qui leur a été remis. Ecolo entend en finir avec ce traitement discriminatoire et accorder les mêmes droits à l’ensemble des demandeurs d’asile.

Proposition : Créer de nouveaux outils internationaux de protection spécifique et veiller à la correcte application des outils existants

Une directive européenne prévoit la mise en place d’une procédure et de critères d’octroi d’une protection subsidiaire. En vigueur depuis octobre 2006, son application en Belgique fait l’objet de nombreuses critiques : l’application des dispositions est très restrictive, voire même en violation des dispositions légales. En outre, certaines situations ne sont pas explicitement couvertes par les instruments internationaux de protection existants. Il s'agit par exemple des demandeurs d’asile environnementaux, comme les réfugiés climatiques. Ecolo entend développer les outils juridiques adéquats pour rencontrer cette situation.

Proposition : Permettre aux demandeurs d’asile de choisir leur mode d’hébergement

La vie en structure d’accueil communautaire (dans les centres d’accueil pour réfugiés – centres gérés par la Croix-Rouge et centres fédéraux) présente de nombreux avantages pour les demandeurs d’asile fraîchement arrivés en Belgique, en ce qu’elle leur permet de bénéficier d’un entourage et d’une

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 4 « Asile & Migrations » - p 79/80

assistance sociale, d’être informés sur la procédure d’asile, les démarches administratives, médicales, scolaires, etc qu’ils devront entreprendre, bref toutes les informations nécessaires pour trouver ses marques dans un pays que l’on ne connait pas et dont on ne maîtrise pas toujours la langue. Cependant cette vie en structure n’est pas adaptée pour des séjours trop longs. Actuellement, de nombreux demandeurs d’asile y séjournent depuis plusieurs années, ce qui a des conséquences psychologiques graves car, outre le fait qu’ils doivent attendre durant des années angoissantes l’issue de leur procédure, la vie en centre d’accueil ne permet pas le respect de l’intimité nécessaire à l’équilibre psychologique et au développement de la personnalité de tout individu. Ecolo considère qu’après quelques mois de séjour en centre d’accueil (évalué à 3 ou 6 mois maximum), les demandeurs d’asile doivent avoir le droit de demander à être logés en structure individuelle (cf. initiatives locales d’accueil) ou de voir l’aide matérielle qui leur était jusque là accordée être convertie en aide financière du CPAS. Par ailleurs, Ecolo souhaite que le nombre de places dans les différentes structures d'accueil soit augmentée afin d'anticiper les risques de hausse du nombre de demandes d'asile et de permettre à tout demandeur d'asile d’accéder à un logement décent.

Proposition : Accorder un droit au travail effectif pour tous les demandeurs d'asile dès leur arrivée sur le territoire

Ecolo préconise l’octroi d’une autonomie plus grande aux demandeurs d’asile par la possibilité d’accéder au marché belge de l’emploi dès l’introduction de leur demande d’asile et pour ce faire d’être mis en possession d’un permis de travail C dès le début de leur procédure d’asile113.

113

Cf. amendement déposé par Ecolo dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à l’accueil des demandeurs d’asile et la conférence de presse d’Ecolo du 15.09.2005 sur les arrestations dans les centres d’accueil durant l’été 2005.

Proposition : Évaluer les procédures d’octroi du statut de réfugié

Au cours des dernières années, plusieurs nouvelles procédures ont été mise en place dans le cadre de l'octroi du statut de réfugié ; à savoir la mise en place de la tutelle pour les MENA, l'octroi de la protection subsidiaire et une réforme de la procédure en elle-même (inscription à l'Office des étrangers, audition au CGRA, création du CCE ...). Ecolo plaide dès lors pour une évaluation, indépendante, de ces différentes procédures.

PRIORITE N°4 : AMELIORER LA PROTECTION DES

CATEGORIES VULNERABLES Ecolo souhaite une protection particulière pour

les catégories les plus vulnérables de migrants, que sont les femmes, les mineurs étrangers non accompagnés, les personnes malades et les victimes de la traite des êtres humains.

Les femmes Ecolo préconise la création, au sein de l’Office

des étrangers d’un « bureau du genre » composé d’agents spécialisés dans les problématiques liées au genre, formés régulièrement sur les divers aspects psychologiques et culturels de la problématique des persécutions liées au genre, chargés de développer un réseau de relations avec les associations de terrain spécialisées dans la prévention et l’accompagnement de personnes victimes de telles persécutions. Ces associations pourront leur transmettre un savoir-faire dans la manière d’aborder de telles problématiques et des informations pointues sur les pratiques culturelles (légales et coutumières) dans un pays, une région, un groupe ethnique donné.

En matière de régularisation également, les

femmes constituent une catégorie vulnérable, surtout lorsqu’elles ont des enfants dont elles assument seules la charge. Une attention particulière devrait également leur être accordée lors du traitement de leur demande.

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Programme Ecolo 2009 - Livre VI « Pour une société planétaire » - Chapitre 4 « Asile & Migrations » - p 80/80

Les mineurs étrangers non accompagnés (MENA) Ecolo entend améliorer l’accueil des Mena par

une réglementation qui tienne compte de leurs besoins. En ce sens, Ecolo plaide pour l’augmentation du nombre de places en structures d’hébergement adaptées aux MENA, la mise en place de modes d’accueil spécialisés pour les MENA aux besoins spécifiques (troubles psychologiques, jeunes enfants, victimes de traite d’êtres humains), la conversion de l’aide sociale matérielle en aide financière du CPAS dès qu’ils sont titulaires d’un droit de séjour et s’ils sont capables de vivre en autonomie, ainsi que l’adoption d’une réglementation claire, fondée sur les besoins des MENA, en matière d’octroi de l’aide matérielle via l’hébergement en centre d’accueil et de l’aide financière par le CPAS.

Par ailleurs, il convient de permettre à tous les

MENA d’obtenir, au terme d’un passage en classe passerelle, une évaluation de leur niveau scolaire valant équivalence de diplôme. Ecolo souhaite également mettre un terme dans la différence de traitement selon que le Mena est demandeur d’asile ou non (ce dernier étant soumis à la procédure lourde d’homologation de diplôme de la Communauté française).

Ecolo veillera également, afin que le MENA

dispose également d'un soutien entre 18 et 20 ans, à ce que les tuteurs mettent en contact le MENA qui atteint sa majorité avec un Accueil en milieu ouvert (AMO) ou tout autre service d'aide aux jeunes proche de son lieu de résidence.

Enfin, Ecolo veut accorder un droit de séjour

de plus de trois mois aux MENA dès leur signalement et confier la détermination de la solution durable au tribunal de la jeunesse.

Les migrants malades Il convient de faciliter l’accès aux soins des

personnes malades (demandeurs d’asile et personnes en situation illégale) par une clarification des réglementations applicables.

Ecolo entend en particulier modifier l’arrêté

royal du 12 décembre 1996 en y remplaçant la limitation des soins d’urgence par la notion de soins nécessaires à la protection de l’état de santé de la personne. Cette notion doit être précisée et tenue régulièrement à jour en fonction de l’évolution de la médecine.

Les victimes de la traite des êtres humains Ecolo demande que le Gouvernement évalue

et adapte, au regard de la situation actuelle, l’efficacité des mesures « traite des êtres humains » en matière de démantèlement des réseaux de traite.

Par ailleurs, Ecolo juge nécessaire d’octroyer

un droit de séjour illimité aux victimes de traite des êtres humains, qui ont coopéré de bonne foi avec les autorités judiciaires dans le cadre des poursuites pénales lancées contre les auteurs, et ceci quelle que soit l’issue des poursuites pénales.

Enfin, il y aurait lieu d’élaborer un statut

européen de victime de la traite, permettant d’accorder un statut de séjour à une victime même si l’État qui accorde cette reconnaissance est différent de celui du lieu de son exploitation.