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Vue de Provins au début du XIX e siècle. Publié dans le recueil d’Alexandre du Sommerard, Vues de Provins, dessins et lithographies, Paris, 1822. DOSSIER Histoire et Images Médiévales 28 C omment imaginer qu’avant d’avoir été la petite ville tranquille de ce début du XXI e siècle, Provins fut, avec Troyes, l’une des deux capitales des comtes de Champagne et a, à ce titre, accueilli des foires célèbres des Flandres jusqu’à la Lombardie ? Il y a certes la Provins de carte postale, celle meant en avant sa tour et ses longs remparts du XIII e siècle récemment restaurés. Il y a aussi la Provins des « Médiévales », grande fête médiévaliste printa- nière où l’on invite le spectateur « à forger [sa] propre histoire en dehors du temps » (1) . Nous avons décidé de prendre à contre-pied cet appel un rien contradictoire, en vous invitant non seulement au dépaysement, mais aussi à la compréhen- sion. Comme souvent, le plus intéressant, le plus étrange n’est pas ce qui saute aux yeux, mais réside dans le banal. PROVINS Patrimoine secret

PROVINS - Histoire & Images Médiévales · 28 Histoire et Images Médiévales C omment imaginer qu’avant d’avoir été la petite ville tranquille de ce début du XXIe siècle,

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Vue de Provins au début du XIXe siècle. Publié dans le recueil d’Alexandre du Sommerard, Vues de Provins, dessins et lithographies, Paris, 1822.

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Histoire et Images Médiévales28

C omment imaginer qu’avant d’avoir été la petite ville tranquille de ce début du XXIe siècle, Provins fut, avec Troyes, l’une des deux capitales des comtes de Champagne et a, à ce titre, accueilli des foires célèbres

des Flandres jusqu’à la Lombardie ? Il y a certes la Provins de carte postale, celle mettant en avant sa tour et ses longs remparts du XIIIe siècle récemment restaurés. Il y a aussi la

Provins des « Médiévales », grande fête médiévaliste printa-nière où l’on invite le spectateur « à forger [sa] propre histoire en dehors du temps » (1). Nous avons décidé de prendre à contre-pied cet appel un rien contradictoire, en vous invitant non seulement au dépaysement, mais aussi à la compréhen-sion. Comme souvent, le plus intéressant, le plus étrange n’est pas ce qui saute aux yeux, mais réside dans le banal.

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Emma Duclaire

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(1) Clip publicitaire pour les Médiévales de Provins de 2012.

Pour cela, nous avons choisi de vous proposer non une grande fresque panoramique, mais d’éclairer quelques points précis et parfois insolites de cette cité briarde : les maisons civiles, l’enclos canonial et la collégiale, les portes de la ville, en lais-sant la parole à des spécialistes, sans pour autant nous livrer à un exercice d’érudition fermé. Ces sujets permettent avant tout d’entrevoir comment se structurait une ville entre les XIIe

et XIVe siècles, au moment où, dans le nord du royaume de la France, les cités s’affirment difficilement face à des pouvoirs féodaux et royaux envahissants. Chaque carré de patrimoine préservé à Provins reste comme autant de témoignages rares et précieux de l’évolution des communautés urbaines au moment de la grande croissance de l’Occident latin. n

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William BlancDossier coordonné par William Blanc

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PORTE DE PIERREPhilippe le Bel et la porte Saint-Jean de Provins

ET ROI DE FER

Vue de la Porte Saint-Jean (côté de champs), dans A. du Sommerard (auteur) et C. Motte (gravure), Vues de Provins, 1822.

Le bossage sur la porte est nettement visible sur la tourelle à gauche.

Fig. 1

Rien de plus banal que de simples pierres d’une enceinte médiévale. Et pourtant, celles de Provins portent la marque d’un monarque capétien.

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William Blanc

L a porte Saint-Jean (fig. 1 et 2, voir également la carte p.45, emplacement 1) est sans doute le premier élé-ment bâti médiéval que le visiteur voit en arrivant dans la ville. Rien que de très banal en apparence,

c’est du moins la réflexion que l’on se fait avant de passer sous ses arches pour flâner sur la place du Châtel (carte, empla-cement 13) ou rejoindre la tour César (carte, emplacement 2). Et pourtant, il est des curieux dont le regard est attiré par un détail sur la porte. Alors que l’ensemble de la muraille est construite en pierre de parement lisse, la porte Saint-Jean se distingue par un appareil en bossage rustique (fig. 3). Eugène Viollet-le-Duc, dans son classique dictionnaire, voyait dans ce type de structure un signe d’économie. Il fallait construire les châteaux rapidement au point de laisser la face de pare-

ment des blocs (soit la face visible) à moitié taillée(1). Mais, à bien y réfléchir, ces pierres en relief, ressemblant

La porte Saint-Jean de Provins aujourd’hui.

En «A», les zones en bossage rustique. En «B», l’avant porte en appareil lisse.

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à des rocs naturels (d’où le nom de rustique) ne sont visibles que sur une par-tie infime des remparts de Provins, et, plus générale-ment, sont très peu utilisés dans l’architecture militaire médiévale. Il convient donc de se demander pourquoi un tel choix à été fait, et pourquoi ici, spécifiquement, à la porte Saint-Jean de Provins ?

MARQUER LA VILLEL’hypothèse longtemps avancée faisait du bossage rustique un élément défensif important qui permettait de dévier d’éven-tuels projectiles. Mais cela ne tient pas. Comme l’a remar-qué l’archéologue Jean Mesqui, le bossage offre trop de prise à la différence des parements lisses. Aussi lui attribue-t-il pour une fonction esthétique(2). Mais celle-ci a peu de sens hors du contexte social et politique qui préside à la construc-tion de la porte. Pour le comprendre, il nous faut revenir en

arrière. L’érection des murailles dans la ville haute (le Châtel) de Provins (qui constitue en fait la troi-sième ligne de rempart depuis le Haut Moyen âge) a été ordonnée sous le règne du comte de Cham-pagne Thibaut IV (1201-1253) et à été réalisée en plusieurs étapes, à la fois pour se protéger de la révolte de ses vassaux, mais aussi pour affirmer son autorité face au roi de France(3). Provins, ville importante située à la lisière du domaine royal, constituait une gêne importante pour les Capétiens. Comme souvent, ceux-ci jouèrent de chance et, à la fin du XIIIe siècle, Philippe le Bel épousait Jeanne de Navarre et recevait en dot le compté de Champagne. Durant son règne, il ordonne de faire reconstruire les deux portes de la ville haute, la porte de Jouy (carte, emplacement 12) et la porte Saint-Jean, et dote la seconde d’un appareil en bossage rustique. Il n’est pas le premier roi de France à employer cette méthode de construction. Son père, Philippe III le Hardi, a été le premier souverain à utiliser le bossage à Aigues-Mortes dans les années 1270, en s’inspirant certainement de châteaux en Provence. Philippe le Bel multipliera les ouvrages similaires, à Carcassonne, à Puylaurens (une des forteresses défendant l’accès à la cité carcassonnaise), à Beaucaire et enfin, en Cham-pagne, à Château-Thierry et à Provins(4). Ces lieux ont en commun de se situer soit à des zones frontalières sensibles, comme Beaucaire, située sur la rive occi-dentale du Rhône, en face de Tarascon et du comté de Provence, soit sur des terres fraîchement acquises et sur lesquelles il faut affermir la présence et l’auto-

rité royale, par exemple dans la zone champenoise. Il est en effet important de comprendre qu’une ville médiévale était, à l’image des campagnes, constituée d’un ensemble de fiefs superposés et interpénétrés. S’imposer dans la ville et dans son finage proche (le contado des villes italiennes) et moins l’af-faire d’épées et de trébuchets que de constructions imposantes marquant l’espace et de signalisation souvent discrète, mais efficace, comme les blasons placés à des endroits de passages stratégiques. Dans cette « guerre des signes », comme l’a nom-mée l’historien Jean-Philippe Genet, nul doute que le bossage a dû faire office de marque de fabrique des Capétiens à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe siècle(5).

A l’image des processions ecclésiastiques, le rite des entrées royales doit fixer un

cérémonial et un trajet pour être opérant

Le bossage de la Porte Saint-Jean (détails).

© Photo W. Blanc.

Fig. 3

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SAINT JEAN ET LES PORTES Néanmoins, à la différence d’Aigues-Mortes, en Champagne seules les portes sont concernées par le bossage rustique. Mar-quer un pareil endroit n’a rien d’anodin. La porte doit tout d’abord être pensée comme un élément de l’enceinte. Or, celle-ci joue un rôle essentiel dans la bataille des symboles et les luttes de pouvoir au sein des villes. Qui l’a construit s’affirme comme le maître de la cité. Pour une communauté urbaine, elle peut être un signe fort d’indépendance, en la représen-tant sur son sceau par exemple, et peut-être détruite pour, au contraire, affirmer sa soumission comme ce sera le cas à Milan dont les murailles seront rasées par l’empe-reur Frédéric Barberousse en 1162. À Provins, reconstruire la porte Saint-Jean en bossage est donc un moyen de rappeler aux habitants que c’est le roi qui, en dépensant son trésor, protège les habitants. En ce sens, le discours symbo-lique que renvoie l’enceinte vise autant d’éven-tuels agresseurs extérieurs en leur signifiant que la ville est sous protection capétienne, que les habitants à l’intérieur. Dans ce dispositif, la porte est d’autant plus importante. Elle est à la fois le lieu le plus vul-nérable de l’enceinte, mais aussi l’endroit du passage où se s’exerce le pouvoir, que ce soit en levant des taxes (l’octroi), en acceptant ou en bannissant des individus, ou en y développant un discours iconographique et politique impor-tant, comme c’est le cas à la porta Romana de Milan récemment étudiée par Jean-Claude Sch-mitt(6). Reconstruite en 1171 à l’instigation des dix consuls de la ville après leur retour victo-rieux face aux partisans de l’empereur Barbe-rousse, des bas-reliefs y représentaient d’un côté des soldats victorieux entrants et de l’autre, saint Ambroise, le patron de la ville, chassant les Aryens à coup de fouet. Manière certaine-ment d’assimiler les partisans du monarque germanique à des hérétiques (ce d’autant plus facilement que Frédéric Ier s’opposait au pape).Mais toutes les portes ne méritent pas d’être marquées symboliquement. Jean Mesqui remarque, à juste titre que si les deux portes de la ville haute de Provins ont bien été recons-truites sous le règne de Philippe le Bel, seule la porte Saint-Jean est dotée de bossage. Pareil-lement, à Château-Thierry, c’est une autre porte Saint-Jean qui est construite de la même manière. Cette caractéristique ne semble pas être une spécificité capétienne, car, en Anjou, dans la ville de Montreuil-Bellay, une troi-sième poterne en bossage est désignée le nom de l’évangéliste. Même chose à Trets, dans les Bouches-du-Rhône. Doit-on y voir un lien ? Même si l’épisode est absent de la Bible, depuis Tertullien (v. 160 – v. 220 de notre ère), différents textes racontent comment l’apôtre en séjournant à Rome subit les foudres de l’empereur Domitien qui ordonna qu’on le supplicie devant la porte latine de la ville éternelle.

L’épisode sera, au XIIIe siècle, repris et développé par le domi-nicain Jacques de Voragine qui lui consacre tout un chapitre et une fête dans La légende dorée (fig. 4)(7). L’importance du martyr et de l’épisode – on a construit à Rome une église et un oratoire en souvenir de l’événement – explique certainement pour-quoi nombre de structures similaires de l’Occident médiéval ont été désignées de la sorte. On trouve des portes Saint-Jean à Londres, dans le quartier de Clerkenwell, ou à Bâle, mais qui ne sont pas pour autant constituées d’appareil en bos-sage rustique. Cet élément architectural n’est donc pas en lien

Martyre de saint Jean, dans J. de Voragine et J. de Vignay (trad.), Légende Dorée. XIVe siècle Parchemin. 167 feuillets à 2 colonnes. 220 × 155 mm. Reliure peau jaune. Manuscrit en français - Paris, BnF, Français 244, fol. 150.)

L’hagiographie place souvent les martyres de l’époque romaine en dehors des cités païennes, à l’image du Christ supplicié en dehors de Jérusalem. Ici l’apôtre Jean est martyrisé à la porte de Rome.

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direct avec l’évangéliste. En fait, c’est sans doute pour imiter le style royal que les seigneurs de Montreuil-Bellay, proches des Capétiens, ont fait construire une porte en bossage. Jean Mesqui montre que la chose était courante, que ce soit dans le Languedoc, où l’un des sénéchaux de Carcassonne, Guillaume de Pian, venu du nord, fit construire en bossage son château de Viviourès, ou en Auvergne, voir dans le Bourbonnais et le Charolais. Rien de tel à Trets, trop éloigné de la sphère d’in-fluence royale, où l’on a sans doute pris exemple sur d’autres structures du même genre qui existe en nombre dans le comté de Provence dès le XIIe siècle(8).

LA VOIE ROYALE La ville, comme l’ensemble de l’espace féodal, est un champ de bataille symbolique. L’affirmation de la prééminence d’un seigneur passe par des bâtiments, mais aussi par des rites qui nécessitent sa présence. Philippe-le-Bel s’est rendu plusieurs

fois à Provins, en 1289, puis en 1298. En 1300, c’est le tour de son épouse, accompagnée de l’archevêque de Sens, de venir(9), très certainement pour recevoir l’hommage de ses vassaux et exercer son droit de gîte. Or, c’est certainement sous le règne du roi de fer que commence à se dessiner une cérémonie monarchique qui prendra, au fil des siècles, une importance considérable : l’entrée royale. Généralement célébrée après le couronnement du souverain, elle peut se décliner à chaque visite royale et est l’occasion, pour lui, d’affirmer sa suzerai-neté sur la ville. Elle peut donc s’avérer être un outil politique de choix dans des cités nouvellement acquises et situées dans les marges du domaine royal. En 1304, Philippe le Bel entre dans Carcassonne et l’on tend, sur les façades des maisons, des étoffes et des tapisseries(10). À l’image des processions ecclésiastiques, le rite des entrées royales doit fixer un cérémonial et un trajet pour être opérant. Un rite n’est rite que dans la répétition, ce qui implique pour

l’entrée le choix d’une porte bien précise, qui reste le point de fixation du cérémonial. L’entrée peut en effet être per-çue comme la reddition de la ville après un siège symbo-lique qui se matérialise par le fait de laisser le souverain entrer et franchir sans danger le seuil de la ville. Ce n’est pas un hasard si, dans les manuscrits, elles sont généra-lement illustrées par le franchissement d’une porte d’en-ceinte (fig. 5). À Paris, le choix va se porter logiquement sur la porte Saint-Denis, qui relie la nécropole et l’abbaye royale placées sous le patronage du saint céphalophore au palais de l’île de la Cité. À Provins, la porte Saint-Jean est l’aboutissement de la route provenant de Paris, via Nangis (à la différence de la porte de Jouy qui, elle rejoint Lagny, autre ville champenoise). C’est donc logi-quement qu’elle fut choisie par la Philippe le Bel et ces successeurs comme lieu d’entrée, comme pour signaler aux habitants que le pouvoir ne provenait plus de l’est et du comté de Champagne, mais de l’ouest. Charles IV, l’un des fils de Philippe le Bel et de la dernière comtesse de Champagne, organisera d’ailleurs son second mariage à Provins en 1322. Sans doute lui et son épouse, Marie de Luxembourg ont-ils pénétré, par la porte Saint-Jean (fig. 6) et ont-ils marqué l’ancienne capitale des comtes de Champagne des fastes de la cour capétienne.La porte Saint-Jean ne sera pas pendant longtemps le décor du théâtre du pouvoir. Au milieu du XIVe siècle, alors que le conflit en Valois et Plantagenêt met le feu au royaume, la ville de Provins doit se prémunir des attaques. Assiégées par Édouard III, menacées par Charles le Mauvais, les autorités urbaines font construire entre 1367 et 1369 deux avant-portes encore visibles aujourd’hui soutenant un pont-levis (fig. 2b). Ces struc-tures sont constituées d’un appareil lisse. L’heure n’était plus à l’ostentation, mais à la défense, et la mode du bos-sage capétien avait vécu. Elle avait été un moyen de tra-cer et de marquer la voie qu’empruntent le souverain, ses

proches ou ses envoyés. Élément distinguant la porte royale des autres accès percés dans l’enceinte, il constituait aussi un rappel permanent de la soumission de la ville au pouvoir de Philippe le Bel et de ses héritiers, nouveaux maîtres du comté de Champagne. n

Entrée de Charles V à Paris après le sacre de Reims, Grandes chroniques de France, illustrées par Jean Fouquet, XVe siècle - Paris, BnF, Français ms. 6465, fol. 417.

L’arrivée à la porte de la ville est la scène la plus représentée lorsqu’il s’agit d’illustrer une entrée royale. Ici, la porte Saint-Denis est reconnaissable au relief placé entre les deux échauguettes montrant le saint portant sa propre tête (saint céphalophore).

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Entrée de Marie de Luxembourg à Provins dans Grandes chroniques de France, XIVe-XVe s. Paris, Bibl. Sainte-Geneviève, ms. 783, fol. 342.

Une des rares images montrant une entrée royale à Provins, avec la reine – qui pourtant ne l’était pas encore – au premier plan de la composition.

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POUR EN SAVOIR PLUS

  P. Boucheron, D. Menjot, Le ville médiévale, Seuil, 2011.  A. Chédeville et D. Pichot (dir.), Villes à l’ombre des châteaux :

Naissance et essor des agglomérations castrales en France au Moyen Âge, PUR, 2010.  G. Kipling, Enter the King : Theatre, Liturgy, and Ritual in the Medieval

Civic Triumph, Clarendon Press, 1998.

(1) E. Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, article « bossage ».

(2) J. Mesqui, Provins et la fortification d’une ville au Moyen Âge, Droz, 1979. Voir notamment les p. 62-63, 75-76 et 123-127.

(3) Ibid., p. 18-21.(4) Voir J. Mesqui, « Architectures du pouvoir sous Philippe le Bel. Châteaux

et enceintes urbaines », dans 1300… L’art au temps de Philippe le Bel, École du Louvre, 2001, p.163-184.

(5) Voir J-P. Genet, « Londres est-elle une capitale ? », dans Les villes capitales au Moyen âge. Actes du XXVIe congrès de la SHMESP, Publications de la Sorbonne, 2006, p. 155-185.

(6) Voir J-C. Schmitt, « Le seuil et la porte. À propos de la Porta Romana de Milan », dans Marquer la ville. Signes, traces, empreintes du pouvoir (XIIIe-XVIe siècle), Publications de la Sorbonne, 2014, p. 163-179.

(7) J. de Voragine, A. Bourreau (dir.), La Légende Dorée, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2004, p. 68-71, 373-374, 1089-1091 et 1231.

(8) Voir J. Mesqui, « Architectures du pouvoir... », art. cit.(9) Voir F. Bourquelot, Histoire de Provins, Tome 2, 1840, p. 3, note 1.(10) Voir F. Autrand, « L’allée du roi dans les pays de Languedoc. 1272-1390 »,

dans La circulation des nouvelles au Moyen âge, Publications de la Sorbonne, 1994, p. 85-97. Sur les entrées, voir, B. Guenée, F. Ledoux, Les entrées royales françaises de 1328 à 1515, CNRS, 1968.

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Vue des remparts de Provins, édifiés entre les XIe et XIIe siècles. Aujourd’hui, 1 200 mètres de fortifications sont encore conservés (en restauration depuis les années 1970). Les murs sont pourvus de 22 tours.

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SAINT-QUIRIACEFierté des comtes de ChampagneVu de loin, Provins, c’est un donjon, la Tour César, et une imposante église surmontée d’un dôme, la collégiale Saint-Quiriace. Le volume du bâtiment en dit long sur l’importance de l’institution médiévale qu’elle abritait, mais ne peut faire oublier à l’historien les modestes débuts de la collégiale provinoise.

© Photo Myrabella-Wikimedia Commons

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François VerdierPrésident de la Société d’histoire et d’archéologie de l’arrondissement de Provins

E udes II (983-1037), le troisième Thibaudien, avec l’accord de l’archevêque de Sens Liétry, soutint le projet d’Athoen, un chanoine de Sens originaire de Provins, de convertir l’église paroissiale de la place

forte (castrum) provinoise en un collège de quelques chanoines (trois ou quatre probablement). Les barons (proceres) issus des familles provinoises les plus notables, qui en garantirent une trentaine d’années plus tard la légitimité devant l’évêque de Sens Richer, n’étaient, eux aussi, qu’une poignée. Provins ne fut jusqu’au XIe siècle qu’une petite place forte de quelques hectares, avec en son centre une tour en bois sur une motte fossoyée, haute d’une dizaine de mètres. Quant à l’église de ce castrum, dont on ne sait pas à qui elle était dédiée (peut-être à l’obscure sainte Lucence), elle était sans doute bien modeste.

THIBAUT II ET LA TENTATIVE DE RÉFORMELe début véritable de l’histoire et du prestige de la collégiale provinoise commença un siècle plus tard, dans les années 1130, quand le comte Thibaut II (1102-1152) intervint dans l’urbanisation de la petite forteresse, bouleversée par le déve-loppement et le succès des foires Saint-Martin et des foires

de Mai nouvellement instituées. Le castrum du XIe siècle était maintenant ceinturé de petits bourgs et de places sur les-quelles avaient lieu ces foires en expansion. Thibaut II, dans les mêmes années, choisit de résider de manière privilégiée à Troyes et à Provins, ce que continua son fils Henri le Libé-ral (1152-1181). Il entreprit donc la construction d’un palais à l’extrémité est du castrum, et voulut faire de la petite collégiale castrale une collégiale comtale. À l’occasion, il voulut lui appli-quer la réforme qu’il avait introduite dans quelques autres collégiales de son comté (Épernay, Troyes), et par laquelle, les chanoines jusque-là séculiers devenaient réguliers.Quelle différence entre les deux ? Les chanoines séculiers sont des clercs, qui vivent ensemble dans un cloître, dans un lieu clos. Dans ce cloître, se trouve tout ce qui est nécessaire à leur vie commune : réfectoire, dortoir, cellier, infirmerie, et leurs maisons particulières. La différence entre les deux sortes de chanoines n’est pas de fonction. Tous voient leur vie rythmée par la prière et la lecture quotidienne de la règle canoniale dans le chapitre. Tous ont charge d’hospitalité, d’accueil des étrangers, aucun d’eux n’a, en revanche, charge d’âmes. Où est alors la différence entre eux ? De ce que les séculiers peuvent posséder des biens en propre et en particulier une maison per-

sonnelle. La réforme grégorienne (XIe-XIIe siècles) ten-tait de ramener les clercs à la règle de saint Augus-

tin et à l’esprit du début du christianisme : pleine vie commune, pauvreté évangélique, exercice

du ministère pastoral. C’est en bon disciple de saint Bernard que le comte Thibaut II

tenta de l’appliquer aux collégiales de son comté.

Pour les chanoines provinois, cela signifiait donc la fin de leurs res-sources personnelles, la fin de

leur résidence privée.

La collégiale Saint-Quiriace vue de la ville basse de Provins.

Fig. 1

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Le chevet de la collégiale.

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Ils refusèrent ces sacrifices et n’eurent de cesse de combattre l’intrusion forcée des chanoines réguliers et leur disparition programmée.

LA VÉRITABLE FONDATION DE LA COLLÉGIALE SAINT-QUIRIACELa mort du comte Thibaut II et l’accession au pouvoir de son fils Henri le Libéral fit cesser le bras de fer entre les clercs et le comte. En 1157, après environ une vingtaine d’années de coha-bitation des deux communautés aux règles différentes dans l’enceinte du cloître et d’une église trop petite et peu com-mode, le jeune comte Henri décida que les chanoines de la col-légiale Saint-Quiriace resteraient séculiers, c’est-à-dire conser-veraient leurs possessions personnelles et vivraient dans des maisons particulières. Les chanoines réguliers que son père avait introduits furent déménagés dans la nouvelle abbaye Saint-Jacques. On peut donc dire que la collégiale Saint-Quiriace, ne naquit véritablement qu’en 1161, et que les traces qu’elle a laissées d’elle, l’église et le cloître, sont, pour leur plus grand part, pos-térieures. C’est à cette date aussi que les chanoines acquirent de la main du comte Henri le Libéral les droits et les biens nécessaires à l’épanouissement de leur institution. Grâce lui, ils profitèrent largement du prodigieux essor des foires de Champagne.

© Photo O. Deforge.

© Photo Laifen-Wikipedia Commons.

Fig. 2

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Le chœur de la collégiale.

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LE CLOÎTREAux XIIe et XIIIe siècles, la partie la plus orien-tale de la ville haute provinoise se divisait en sec-teurs bien délimités : à l’est, le palais des comtes, au nord, le secteur des grands officiers proches du comte, à l’ouest, la Juiverie, au sud, le quartier canonial qu’il est difficile de délimiter avec rigueur tel qu’il était et qu’il resta semblable à lui-même jusqu’à la Révolution (voir carte p. , emplacement 14). Mais on peut globalement l’enfermer dans les limites suivantes : à l’est, le palais des comtes de Champagne, aujourd’hui occupé par le lycée Thi-baut de Champagne (dont l’enceinte conserve cependant une partie de l’ancien quartier canonial et quelques belles maisons canoniales), au nord, une ligne est-ouest, à peu près équidis-tante de la rue du Palais et de la place Saint-Quiriace, au sud, la ligne de fortifications, à l’ouest, la motte du donjon. Fermé la nuit, le cloître était ouvert la journée, l’église étant à la fois canoniale et paroissiale.Les vicissitudes de l’histoire ont depuis longtemps complè-tement modifié l’aspect général de ce cloître. Les transforma-tions les plus lourdes datent de l’occupation anglaise après 1432 quand, pour renforcer la défense du Châtel et du donjon, on démolit les maisons canoniales de la partie occidentale. Dis-parurent aussi au fil des ans une chapelle dite Sainte-Made-

leine, les cimetières des chanoines et des vicaires, une tour-clocher, qui se dressait au lieu de la croix de fer actuelle, limite occidentale de la collégiale telle qu’elle avait été projetée. La masse imposante du donjon fait aujourd’hui oublier combien le quartier canonial avait été pensé comme un endroit fermé et serré autour de son église. Le côté nord du cloître, qui se trouve dans le lycée Thibaut de Champagne, en donne encore un bon aperçu : une simple rue, étroite et sombre, sépare le déambulatoire et le transept des belles maisons canoniales qui y font face.

L’ÉGLISELe cloître enfermait donc l’église sur tous ses côtés, aussi bien l’église ancienne, dont nous n’avons aucune trace, vu l’absence de recherches archéo-logiques, que l’église qui lui succéda et que nous admirons aujourd’hui (voir carte, emplacement 10).À quelle date fut-elle entreprise ? L’histoire véri-table de la collégiale, rappelons-le, commence avec la volonté du comte Thibaut II d’installer à Saint-Quiriace des chanoines réguliers à la place des cha-noines séculiers. Une telle réforme s’accompagna d’un projet architectural, où la collégiale fut conçue, semble-t-il, comme une collégiale comtale articulée au palais qui se trouvait au nord du chevet (fig. 2). La présence d’une tribune sur le côté nord du déam-bulatoire, à laquelle les comtes pouvaient avoir accès de leur palais, le confirmerait.

Le départ des chanoines réguliers en 1157 et le plein retour des séculiers orientèrent le projet différemment et aboutirent à la difficile synthèse entre le déambulatoire carré et un chœur arrondi en hémicycle, ce qui paraît une formule architecturale unique. Henri le Libéral engagea en effet la construction de sa collégiale dans un autre esprit que son père. Les différences stylistiques entre le déambulatoire et le chœur en témoignent : le premier, sous l’impulsion de Thibaut II et inspiré par saint Bernard, avait suivi le parti-pris du dépouillement, privilé-giant la ligne et l’angle droit ; le chœur, lui, fut construit selon le goût d’Henri le Libéral pour l’ornementation et les réfé-rences à l’art antique, que traduisent les chapiteaux à feuilles d’acanthe. Le chœur est déjà dans le style gothique.

Henri le Libéral voulut faire de Saint-Quiriace une des plus belles

églises de son comté, sinon du nord de la France, et de la dimension

d’une cathédrale

© Photo O. Deforge.

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Histoire et Images Médiévales42

Si Thibaut II voulait sans doute une collégiale de chanoines avant tout comtale et articulée au palais des comtes, Henri le Libéral voulut faire de Saint-Quiriace une des plus belles églises de son comté, sinon du nord de la France, et de la dimension d’une cathédrale. Il conçut en tout cas son destin indépendamment de celui du palais, à l’intérieur duquel il construisit une chapelle strictement comtale et desservie par un autre collège de chanoines.Le projet de Saint-Quiriace avait évolué, il s’agissait pour cette église de devenir la grande église de Provins, qui témoigne, comme le palais et le donjon, de la puissance et magnificence comtales. On vit grand en effet. En 1161, on prévoyait jusqu’à une centaine de chanoines, alors qu’à la même époque, on n’en comptait que cinquante à Notre-Dame de Paris et soixante-douze à Saint-Etienne de Troyes. On revint en 1176 au chiffre plus raisonnable de quarante, ce qui est loin d’être insigni-fiant. Le comte y mit les moyens financiers, combla la collé-giale de bienfaits en 1161 pour « l’œuvre de l’église » (ad opus) ; il les augmenta encore et pour la même raison dans sa grande charte de 1176.

LES ÉTAPES DE LA CONSTRUCTION DE L’ÉGLISEÀ partir de 1157, date de la séparation des deux ordres de cha-noines, les travaux progressèrent vite. Le 1er mai 1166, fête de

saint Quiriace, déambulatoire et chœur étaient suffisamment avancés pour qu’une charte comtale soit rédigée dans l’église en présence de l’évêque de Meaux. L’édifice jusqu’au transept se trouvait à peu de choses près dans l’état où nous le voyons aujourd’hui. Mais à la mort du comte en 1181, les travaux semblent s’arrêter.Le chantier ne reprit qu’environ un demi-siècle plus tard, la tradition disant en 1238, pour y ériger le transept et la nef. On s’accorde à penser que la reprise des travaux coïncida avec l’acmé économique des foires de Champagne, quand les reve-nus de Saint-Quiriace furent les plus élevés, quand la popu-lation provinoise et le nombre des paroissiens augmentaient si vite qu’on crut nécessaire en 1247 de créer quatre paroisses dans le Châtel. Mais peu de temps après, les travaux de la nef s’interrompirent, à peine la deuxième travée érigée, et laissa l’église dans la dimension où nous la voyons aujourd’hui. On peut penser que l’interdit jeté en 1257 sur les églises de la ville (pour des raisons que nous ignorons) et l’excommunication de Saint-Quiriace qui ne respecta pas l’interdit ne furent pas sans conséquence sur les revenus de la collégiale. On entra ensuite dans une période de moindre croissance et bientôt de crise. La belle période provinoise était achevée. On ne mena jamais à terme le projet initial.On prend la mesure du projet d’Henri le Libéral, dont les conti-nuateurs ont suivi le plan, quand on réalise que l’église qui est sous nos yeux n’est que le chœur de l’église projetée, aug-

Une maison canoniale du cloître inscrite au Monuments Historiques en 1942.

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Histoire et Images Médiévales 43

menté seulement du transept et de deux travées. La nef finale devait s’étendre jusqu’à la croix qui se dresse aujourd’hui sur la place Saint-Quiriace. Le chœur est donc aujourd’hui dispro-portionné : il occupe quarante mètres environ d’un bâtiment qui en compte soixante-cinq, mais qui aurait dû en faire plus de cent (fig. 3). Pour comparaison, seul le chevet de la cathé-drale de Sens est, pour la même période, plus long et plus large.

MAISONS CANONIALES ET CHANOINESPrévue pour cent chanoines, la collégiale compta du XIIe au XIVe siècle une quarantaine de prébendes. Ce qui ne voulait pas dire quarante chanoines résidant dans le cloître et pré-sents quotidiennement à la récitation des prières canoniales. Une fois déduites les prébendes qui revenaient à l’archevêque de Sens, à l’archidiacre de Provins, à l’Hôtel-Dieu pour les pauvres et malades, les chanoines résidents se distribuaient

entre eux les revenus issus des biens mobiliers et immobiliers de leur communauté. La lecture des quelques documents médiévaux qui nous restent permet de com-prendre que seuls une vingtaine d’entre eux habitaient régulière-ment dans les maisons (voir carte, emplacement 7) qui ceinturaient l’église, maisons qu’ils n’achetaient pas et dont ils ne pouvaient aliéner que l’usufruit, la propriété nue res-tant à l’église. Quelques uns rési-daient hors du cloître. D’autres étaient « forains », habitaient dans une autre ville. Certaines de ces belles demeures étaient louées à des laïcs, sans doute des mêmes familles que les chanoines.Les quelques maisons qui subsistent au nord du cloître permettent de se faire une idée de l’ensemble claus-tral aux XIIe-XIIIe siècles. Trois sont conservées presque intactes (fig. 4). Construites en pierre, hautes d’un seul étage, leurs ouvertures sont toutes orientées vers le cloître. Leur rez-de-chaussée, lieu des tâches domestiques, est peu percé. La mai-son canoniale, à la différence des constructions médiévales, n’est pas grande ouverte sur la rue et traduit

la volonté cléricale d’un certain retrait du monde.Le premier étage, celui de la véritable résidence du chanoine, est ouvert de deux, trois ou quatre fenêtres géminées. À l’inté-rieur, on se trouvait dans une vaste salle non plafonnée, très éclairée, confortable, couverte d’un décor peint. Il ne s’agit pas ici d’entrer dans tous les détails de confort, coussièges près des fenêtres, cheminées, latrines, etc., mais de retenir qu’il s’agit de belles maisons qu’habitaient des fils de l’aristocratie.La qualité des maisons canoniales permet d’appréhender le niveau social des chanoines qui sont issus de l’aristocratie locale. Les clercs qui composaient la collégiale étaient des fils de famille, et le refus de la règle trop rigoureuse que voulait introduire le comte Thibaut II se comprend ainsi : les conces-sions faites à l’individualisme et la possibilité de vivre dans sa propre maison étaient des arguments de poids pour rete-nir ces nobles dans la vie religieuse. Même assidus à la règle canoniale, les chanoines n’en menaient pas moins la vie de

Un folio du Livre pelu (BM Provins, ms. 220), registre capitulaire de Saint-Quiriace au XIVe siècle.

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leur milieu d’origine. La plupart avaient reçu une bonne for-mation intellectuelle, étaient pour quelques uns des maîtres de grammaire et de théologie. Le chantre de Saint-Quiriace était le recteur de toutes les écoles de la châtellenie de Pro-vins. Quelques chanoines assuraient aussi l’administration du comté, rédigeaient, copiaient les actes comtaux, avaient la charge de la diplomatie comtale. La collégiale Saint-Quiriace, serrée entre le palais comtal et le donjon appelé aujourd’hui Tour César, faisait partie de l’espace démonstratif du comte de Champagne. Certes, il ne faut pas oublier la dimension religieuse de la vie médiévale, la fonction essentielle de ces religieux qui soutenaient l’ordre du monde par la prière. Mais il ne s’agissait pas pour les cha-noines provinois d’imiter la vie recluse de l’ermite ou du moine. Ils participaient de la vie prestigieuse des comtes et de la ville. C’est à la collégiale qu’étaient reçus les hôtes les plus notables, rois, archevêques ou autres, à qui étaient offerts les meilleurs vins. C’est ici qu’étaient fêtés solennellement

les moments forts de la vie provinoise. Nous ne conservons malheureusement qu’un seul témoignage de la vie canoniale, dans le registre capitulaire traditionnellement nommé Le Livre pelu (BM Provins, ms 220), dans lequel, de 1350 à la fin du XIVe siècle, les notaires de la collégiale ont enregistré tout ce qui

pouvait venir devant le chapitre, et dans les blancs duquel d’autres chanoines, dès le siècle suivant, ont laissé des notes historiques qui aident aujourd’hui à reconstituer l’histoire de la collégiale (fig. 5). Ces vestiges de la grande acti-vité canoniale provinoise laissent deviner une vie à la fois profon-dément religieuse, d’une grande aisance matérielle et d’un niveau intellectuel élevé.

MALGRÉ L’HISTOIRE et ses bouleversements, malgré la des-truction de la majeure partie des maisons canoniales, malgré l’ad-jonction au XVIIe siècle de l’écra-sant dôme, devenu par ailleurs un des symboles de Provins, mal-gré le saccage au XVIIIe siècle de la disposition et du mobilier inté-rieurs de l’église, qui fit disparaître son jubé et ses stalles médiévales, ses tombes et la polychromie de ses murs, les restes de la collégiale Saint-Quiriace conservent leur majesté et font signe vers l’éphé-mère et incroyable prospérité de Provins du XIe au XIIIe siècle. n

POUR EN SAVOIR PLUS

  Bulletin monumental, tome 162-3, 2004 ; tome 164-3, 2006.  Bulletin de la Société d’histoire et d’archéologie de l’arrondissement de Provins (SHAAP), n° 145, 1991 ; n° 147, 1993 ; n° 159, 2005 ; n° 161, 2007 ; n° 166, 2012  Maillé (marquise de), Provins. Les monuments religieux, tome premier, Chartres, 1979.  M. Vessière (abbé), Une communauté canoniale au Moyen Âge. Saint-Quiriace de Provins (XIe siècle-XIIIe siècles), SHAAP, Documents et travaux n° I, Provins, 1961.  F. Verdier (texte édité et introduit par), Le Livre pelu (BM Provins, ms. 220). Registre capitulaire de la collégiale Saint-Quiriace de Provins (1350-1398) enrichi de notes historiques (1020-1787), SHAAP, Documentset travaux n° XVII, Provins, 2012.

Vue du portail méridional de l’église Saint-Quiriace. Publié dans le recueil d’Alexandre du Sommerard, Vues de Provins, dessins et lithographies, Paris, 1822.

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LES MAISONS MÉDIÉVALES DE PROVINS

Comment décrire la ville médiévale sans analyser sa composante principale, la maison ? Au-delà des remparts, des églises, des établissements religieux, des places, la ville médiévale est avant tout un lieu de vie, de travail, d’activité économique, de stockage qui se matérialise par la maison.

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Élévation nord d’une des maisons canoniales avec une proposition de restitution de sa galerie.

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Exemple de fenêtres disposées en hauteur réduisant la possibilité d’intrusion.

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P rovins conserve environ une cinquantaine de mai-sons anciennes archéologiquement complètes, pour la période comprise entre le XIIe et le premier quart du XIVe siècle. La plupart étaient la propriété de

membre de l’élite urbaine : chanoines, aristocrates, marchands participants aux grandes foires. On compte aussi de nom-breuses salles voûtées qui font incontestablement la spécificité de la ville. Des sources historiques, souvent difficiles à locali-ser sur les bâtiments conservés, apportent également leur part d’information sur la construction civile au Moyen Âge à Pro-vins.

MAISON EN BOIS, MAISON EN PIERRELes bâtisseurs à Provins ont eu recours aux techniques employant des structures en bois ou en pierre. Cependant, les maisons en bois antérieures à la guerre de Cent ans n’ont pas été conservées. Des indices attestent que le matériau ligneux entre dans la construction, soit exclusivement, soit associé à

des maçonneries de pierre ; mais celles-ci sont sans doute relé-guées aux pourtours du centre urbain. En effet, certaines rues, comme celle de la Table Ronde (voir carte p. , emplacement 5), présentent encore, une série de bâtiments qui semble être faits uniquement en pierre.Dans son état naturel, la pierre se trouve sur place, à peine à quelques décimètres sous terre dans la zone du Châtel ou au pourtour du Val. Son extraction à ciel ouvert, limité à la par-celle à bâtir, a été mise à profit. En y dressant des parements et en les voûtant, ils ont été réaménagés en magnifiques caves ou salles basse dont une grande partie des maisons anciennes sont pourvues. Cependant, la nature hétérogène et la dureté du calcaire de Brie, se prête difficilement à la sculpture. Le calcaire calciné permettait également d’obtenir de la chaux qui entrait dans la composition du mortier.Autre ressource locale, mêlée au calcaire, le sable obtenue par dissolution de roches siliceuses se trouve dans de nombreuses cavités géologiques.

LES MAISONS MÉDIÉVALES DE PROVINS

Olivier DeforgeArchéologue

Élévation nord d’une des maisons canoniales avec une proposition de restitution de sa galerie.

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En somme, toutes les ressources nécessaires à la construc-tion se trouvent sur place, réduisant l’impact financier de la construction en pierre et créant même des espaces en cavage et souterrain, réutilisés dans l’activité économique de la ville.

LA COHABITATION DE MATÉRIAUX MINÉRAL ET LIGNEUXLes maisons apparaissant aujourd’hui construite uniquement en pierre. Or, les bâtisseurs ont eut largement recours au charpentes en bois pour la toiture et pour d’autres différents organes à des structures charpentées autres que celle des toi-tures. L’archéologie des élévations met en évidence de nom-breux trous et empochements, témoins de fixation de pièces de bois dans la maçonnerie, ou encore, la présence de corbeaux à surface plane ou à crochet, retenant ces pièces de bois le long des façades. Aussi, les portes situées à des niveaux aberrants, ouvrant aujourd’hui, à l’extérieur sur le vide permettent de comprendre et même de restituer graphiquement les dispo-sitifs originels, telle que des galeries en bois accrochées aux façades (fig. 1). Mais on rencontre aussi comme ouvrages char-pentés des escaliers extérieurs, des auvents destinés à protéger des étales devant les maisons, ou peut-être même des latrines édifiés en encorbellement.

LA TOITURE ET COUVERTUREAu faîte de la maison, la toiture prends la forme la plus élémen-taire : deux versants portés par les pignons aux extrémités. La pente avoisine 45 à 50° et semble indiquer l’emploie généralisé de la tuile plate en centre bourg, pour les maisons conservées. Les sources textuelles confirment la prééminence de la tuile

sur les lattes de bois fendue, le bardeau, ou le chaume pour les XIIIe et XIVe siècles. L’ardoise et le plomb employé parcimo-nieusement a été réservés pour les édifices religieux. Certaines tuiles peuvent recevoir les glaçures de couleur verte ou jaune permettant d’animer les toitures en décors colorés. Ce type de décoration est un moyen pour le propriétaire de se distinguer dans le paysage urbain.

COMPOSITION DE LA FAÇADEL’étude de la composition de l’élévation sur rue est sans conteste le meilleur moyen de comprendre l’organisation du bâtiment et son programme. Pour la plupart des maisons à caves, il revient au grand portail, desservant le niveau infé-rieur, de structurer la composition. Cette grande baie, large en général de 1,20 à 2,00 mètre, s’ouvre directement depuis l’espace public vers la cave. Elle affirme ainsi la prééminence de ce niveau. Au ras du sol les soupiraux captent la lumière sur la rue, selon une distribution rythmée par la distribution interne des voûtes.L’accès au « rez-de-chaussée » se trouve généralement de 0,80 à 1,50 mètre au dessus du niveau de la rue. Un ou plusieurs escaliers droits empiètent sur le domaine public. Cet espace de proximité est en partie approprié par la servitude de la maison comme le prouve la présence de d’anciens auvents en appentis qui protégeaient les éventaires des commerces sur la rue. Ce niveau médian se trouvé éclairé à l’intérieur par de simples fenêtres parfois barreaudées ou perchées en hauteur dans un souci de se prémunir des effractions (fig. 2).Enfin, le dernier niveau, étage de résidence, est animé par une série de larges fenêtres rectangulaires recoupé par une colonnette

Fenêtres à l’étage de la maison Villegagnon, rue Saint-Thibault.

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où décoré d’une base mou-lurée et d’un chapiteau : le meneau. Ces fenêtres instal-lées en série forment quasi-ment une claire-voie (fig. 3).

DES CHEMINÉES, POUR SE CHAUFFER OU CUISINER ?Nombreux sont les intéri-eurs équipés de cheminées. Lorsque cet équipement fait défaut, il arrive, que le contrat mentionne la condition d’en construire une à la charge du preneur, pendant la durée du bail. Si leur présence est motivé par des besoins culi-naire, il n’en reste pas moins que leur multiplication, comme dans l’une des maisons canoniales, avec une cheminée pour chacune des quatre pièces, ne peut se justifier par le seul besoin alimentaire ou en apport calorifique. Ces âtres ne

produisaient en effet qu’une faible chaleur rayonnante.Les cheminées sont adossées ou intégrées dans le mur, avec une faible profondeur, mais d’une lar-geur importante comprise entre 1,50 à 2,20 m (fig. 4). Le manteau est élevé à hauteur d’homme, pro-portions invariables selon l’impor-tance de la pièce. On préfère multi-plier les cheminées que de les pro-portionner à l’échelle de la pièce. L’exemple de la grande salle du palais des comtes mesurant 250 m², avec deux cheminées guère plus grande de celle que l’on trouvera dans une petite pièce d’une mai-son, le montre bien.

À l’extérieur le conduit prend une signification forte. On trouve à la maison de la Buffette (voir carte, emplacement 4), de la fin du XIIe s, un coffre débordant à l’extérieur, moyen ostentatoire de signaler cet équipement de confort. Vers 1220, les mêmes coffres animent les murs de la nouvelle aula des Comtes (carte,

emplacement 9). Mais, ce sont d’avantage ces souches couronnées de guirlandes fleuries (maison

du Vauluisant (carte, emplacement 3) ; palais des Comtes) ou ces fûts jumelés (rue du Palais) qui signalent à l’extérieur la présence de cheminée.

LES AUTRES ÉLÉMENTS DE CONFORTParmi les aménagements domestiques, les éviers sont rarement conservés. Une niche au droit de la cheminée à la mai-

son-tour de la Buffette avec son évacuation en goulotte, sorte de petite gargouille, atteste indé-

niablement de sa présence, et bien d’autres sites pourraient correspondre à ces dispositifs. De nombreux indices attestent de la maîtrise de la gestion de l’eau. Des gouttières récupéraient l’eau des toits dont des corbeaux à crochet

encore conservés sur plusieurs bâtiments assu-raient le maintient (fig. 5).De simples niches ou des placards muraux per-mettent le rangement de divers accessoires. Par-fois fermés par des vantaux en bois, ils renferment probablement des objets précieux, des archives, éventuellement un livre … On les trouve souvent de part et d’autre des cheminées. Certains placards sont équipés de différents niveaux d’étagères, avec

parfois des niches latérales secrètes.Enfin, l’incontournable retrait d’ai-sance, les latrines équipent assez géné-ralement les maisons. Or, si ces réduits ont souvent disparus aujourd’hui, la présence de fosses et de conduits dans les murs, attestent leur présence.

Porte Saint-JeanLa tour de César ou Grosse TourLa maison de VauluisantL’hôtel de la BuffetteRue de la Table RondeMaison de Renier AccoreMaison canonialeMaison de Nicolas de VillegagnonPalais des Comtes de Champagne et de BrieCollégiale Saint-QuiriaceRue du PalaisPorte de JouyPlace du Châtel (ancienne place des Changes)Enclos canonial

SITES MENTIONNÉS SUR LE PLAN DE PROVINS (P. 45)

Exemple de cheminée provinoise.

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LES DÉCORS PEINTS SUR LES MURSDes traces parfois lacunaires attestent de l’emploi généralisé d’enduit peint sur les parois intérieures. Ils donnent une fini-tion aux murs et permettent une bonne diffusion de la lumière dans la pièce. On en retrouve de la cave au grenier(1), parfois sur le bois des charpentes (maison Accore rue de la Table Ronde) ou même en extérieur sur les façades (maison cano-niale D, maison Villegagnon, corniche de la nouvelle aula du palais comtal). Ces derniers cas montre, s’il en était encore nécessaire, le souci du décor, le besoin d’ostentation et toute la portées symbolique de l’architecture civile dans la ville médiévale lorsque, cette pierre d’extraction locale par sa nature, ne permet pas de développer un décor sculpté. Mais à l’intérieur que les peintures sont le mieux conser-vés. Toutefois les motifs se limitent dans la plupart des cas à une simulation de fausses pierres d’appareil, par le des-sin de traits linéaires représentant les joints horizontaux et verticaux des maçonneries. Ce motif de faux appareil connaît toute une série de déclinaison par les couleurs employées ou des manières de dessiner les traits, par des joints simples, de doubles traits ou encore de joint large soutenu par un ou plusieurs filets (fig. 6).Il est fréquent de trouver une multitude des couches pic-turales superposées, jusqu’à quatre ou cinq stratigraphies dans certains cas, tels le mille feuille de papiers peints des maisons anciennes, ils montrent un entretient constant et la personnalisation que l’habitant voulait donner à son intérieur.L’emploie des gammes chromatiques se différencies selon l’importance des surfaces à couvrir. Les grands pan-neaux de fond, sont de préférence de couleurs clairs, dans des tons ocre jaune ou, moins fréquemment, saumon. Cependant le blanc domine, étant facile à obtenir par le

passage d’un simple lait de chaux. Les tons plus soutenus et plus denses sont employés dans les traits ou les motifs. Ils sont représentés par le jaune d’or, le ver-millon, le rouge carmin, le noir violine. On utilisera plus exceptionnellement le bleu et le vert.

CAVES, VOÛTES ET SALLES BASSES EXCAVÉESLes caves, en partie enterrées ou à moitié, parfois, avec la déclivité du terrain, excavé d’un côté et de plain pied de l’autre sont l’une des caractéristiques des maisons de Provins (fig. 7). Mais l’acception de cave rend difficilement compte de la réalité de ces salles, tant, la qualité de l’architecture

incline à y voir autre chose qu’un simple espace secondaire. Aussi, le terme de cave se trouve rarement employé dans les sources contemporainesL’architecture des caves présente une grande diversité. Condi-tionnés par la surface des bâtiments, la largeur de la parcelle, les exigences topographiques, imposent des contraintes tech-niques à la construction des voûtes. On trouvera ainsi des ber-ceaux en plein cintre dans des salles étroites, quelquefois raf-fermies d’arc doubleaux, ou de magnifiques voûtes d’arêtes, renforcés de puissants arcs doubleaux, posées sur piliers à

Corbeaux destinés à maintenir un chéneau en bois sous l’égout de la toiture.

Décor peint autour d’une fenêtre. XIIe siècle.

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Vue d’une cave proche de la place du Châtel.

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bases et chapiteaux sculptées pour les plus grandes. Rares sont celle dont le plafond est planchéiés. Le grand escalier donne directement vers la rue, mais dans plus de la moitié des salles et généralement pour les plus grandes, un second escalier des-sert l’arrière de la maison, dans une cour privée.La lumière naturelle y est dispensée par quelques soupiraux, mais tous les efforts sont faits pour la capter au mieux. On le remarque par la création de fenêtres de seconds jours percés dans les murs d’es-calier ; éclairage auquel il faut rajouter la capacité aux enduits peint de diffuser dans la pièce la lumière.Les locations fréquente de maisons aux marchands venus d’Ypres, de Toulouse, et surtout aux nombreux Italiens venus à Pro-vins pour les grandes foires donnent à pen-ser que le négoce y est pratiqué. Le grand escalier directement ouvert sur la rue per-met le stockage des produits. Le décor ostentatoire, chapiteaux et décor peint, semble indiquer quant à lui que ces salles accueillaient du public et étaient des lieux privilégiés de la vente. Quelques échan-tillons représentatifs, en produit d’appel, étaient présentés à l’extérieur sur les étaux au pied de la maison, sous les auvents, et les négociations plus délicates (délais de livraison, modalités de paiement) se pour-suivaient dans les salles basses. Parallèle-ment, des descriptions contemporaines des caves, donnant des capacités de volume confirment l’emploie de celle-ci en stoc-kage. De plus, en dehors des périodes de foires (le « suran »), ces salles ont pu abriter des utilisations privées.

LES MAISONS MÉDIÉVALES conser-vées à Provins, montre une grande faculté à répondre aux problématiques spécifiques d’une ville abritant des foires et une cour comtale importante. De grandes salles formants des espaces libres, avec de multiples accès depuis la voie publique, per-mettent le stockage et le négoce. Les niveaux de résidence se trouvent à l’étage, pourvue de tous les éléments de confort, tant en chauffage, en rangement, qu’en capacité d’éclairage, ou le soin apporté au décor peint. D’autres catégories de bâtiments sont exclusivement réservées à l’habitat. On y trouvera un décor somptueux parfois s’exprimant en façade extérieur. Cependant il nous manque toute une catégorie de logement, plus modeste, qui faute de souille systématique nous est complètement incon-nue pour Provins. n

(1) Les caves et les greniers sont les espaces généralement les moins réaménagés et parfois ont donc conservés leurs dispositifs anciens.

POUR EN SAVOIR PLUS

  O. Deforge, Provins, Ouest-France, 2006.  O. Deforge, P. Garrigou Grandchamp, J. Mesqui, «La Buffette, une résidence patricienne des XIIe et XIIIe siècles à Provins», Bulletin monumental, 160-I, 2002, p. 27-46.  P. Garrigou Grandchamp, «L’architecture civile de Provins», in Provins, patrimoine mondial, Connaissance des arts, n° 180 HS, 2002, p. 22-31.  P. Garrigou Grandchamp, «Trois maisons du XIIIe siècle dans la ville haute de Provins», Provins et sa Région, Bulletin de la Société d’Histoire et d’Archéologie de l’Arrondissement de Provins, n° 150, 1996, p.139-162.

© Dessin O. Deforge.

© Photo O. Deforge.

Fig. 7

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DOSSIER

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La Tour César, qui domine la ville haute de Provins. Ce donjon avait une fonction militaire, mais a servi également de prison.

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