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    Nicolas Sarkozy ou la masculinit mascarade du Prsident

    par Catherine ACHIN et Elsa DORLIN

    | Presses de Sciences Po | Raisons politiques

    2008/03 - n 31

    ISSN en cours | ISBN 9782724631227 | pages 19 45

    Pour citer cet article :

    Achin C. et Dorlin E., Nicolas Sarkozy ou la masculinit mascarade du Prsident, Raisons politiques 2008/03, n 31,p. 19-45.

    Distribution lectronique Cairn pour les Presses de Sciences Po.

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    CATHERINE ACHIN ET ELSADORLIN

    Nicolas Sarkozy ou la masculinitmascarade du Prsident

    Introduction

    Llection de Nicolas Sarkozy la Prsidence de la Rpublique

    franaise en 2007 apparat comme un objet privilgi pour testerlhypothse gnrale de ce dossier, relative aux transformations ducorps prsidentiable 1. Une des spcificits franaises rside en effetdans un double impens analytique et politique. Plus quailleurs, ladfinition universaliste du rpublicanisme et de lindividu abstraitdtenteur de droits a longtemps vacu les dterminations socio-historiques dun citoyen peru comme neutre 2 . La prgnancedu discours universaliste rpublicain a vraisemblablement eu deseffets sur la recherche en science politique elle-mme. Tout se passecomme si en France, jusquici, la classe politique navait ni genre,ni sexualit, ni couleur, etc. Si ltude du recrutement du personnelpolitique est plus que documente, rarement la question des pro-cessus de reproduction sociale de cette lite a t articule leursidentits sexuelle (de genre et de sexualit) et raciale 3.

    Linstitution prsidentielle savre par ailleurs particulirementintressante de ce point de vue, ayant t construite comme la clef

    1. Nous remercions Juliette Rennes pour sa relecture attentive et prcieuse de cet articleainsi que Frdrique Matonti et Olivier Roueff pour leurs conseils.

    2. Voir lentretien avec Joan W. Scott dans ce numro.3. Lidentit raciale fait rfrence la catgorie politique de race , laquelle renvoie

    non pas une catgorie naturelle, mais bien aux rapports sociaux qui prsident la

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    de vote 4 du rgime de la Ve Rpublique. Cette prminence duPrsident dans la vie politique (ou le dsquilibre prsidentia-liste 5 ), qui tranche avec sa relative impuissance sous la IIIe et la

    IVe Rpubliques 6, sexplique dabord par des innovations institu-tionnelles 7. La Constitution de 1958 renforce ses prrogatives, enintroduisant notamment des pouvoirs sans contreseing comme lanomination du Premier ministre, le droit de dissolution, la mise enuvre des pouvoirs exceptionnels de larticle 16 et la possibilit derecourir au rfrendum. Il est ensuite admis que llection au suf-frage universel direct et la mdiatisation des campagnes prsiden-tielles 8 confrent au Prsident la lgitimit et lautorit ncessaires

    lexercice de ces pouvoirs. La dimension extraordinaire accorde sa dsignation et la croyance en son influence conduisent valuerlensemble des stratgies de lespace politique laune de sa paroleet de son action, une imputation charismatique qui en fait unvritable pontife 9 selon Bastien Franois. Enfin, le leadershipprsidentiel se trouve favoris par lmergence dune majorit

    racialisationdes individus et, partant, au racisme. Dans cette perspective, les Blancs apparaissent tout autant racialissque les Noirs , bien quils jouissent des bnficessociaux et symboliques dune position dominante qui fonctionne comme un en-dehors de la race . Lorsque cela nous semblera ncessaire, nous spcifierons le fonc-tionnement mme de ce processus de racialisation, en parlant de couleur .

    4. Jacques Lagroye et Bernard Lacroix (dir.), Le Prsident de la Rpublique. Usages etgenses dune institution, Paris, Presses de la FNSP, 1992, p. 7.

    5. Selon lexpression de Bastien Franois, Le rgime politique de la VeRpublique, Paris,La Dcouverte, 1998, p. 61.

    6. Sous la IIIe Rpublique, se succdent 14 Prsidents (de Adolphe Thiers AlbertLebrun). Tous les ouvrages de droit constitutionnel lattestent, les pouvoirs accordsau Prsident de la Rpublique par les lois constitutionnelles de 1875 sont trs impor-tants, mais cest davantage la pratique politique des dtenteurs du rle, notamment partir du mandat de Jules Grvy lu en 1879, qui conduira leffacement de la figureprsidentielle dans le jeu institutionnel. Sous la IVe Rpublique, le Prsident disposede pouvoirs nominaux lgrement diminus, mais la lgitimit politique des deux lus,Vincent Auriol et Ren Coty, conduit un lger renforcement de lautoritprsidentielle.

    7. Les diffrents spcialistes de la Cinquime Rpublique saccordent tous sur la prmi-nence prsidentielle, mais avancent diffrentes explications pour rendre compte decette primaut. On se permet de renvoyer deux analyses synthtiques du leadershipprsidentiel : Daniel Gaxie, Les fondements de lautorit prsidentielle. Transforma-tions structurelles et consolidation de linstitution ; et Bastien Franois, Le Prsidentpontife constitutionnel. Charisme dinstitution et construction juridique du poli-tique , inJ. Lagroye et B. Lacroix (dir.), Le Prsident de la Rpublique, op. cit.

    8. Pierre Brchon, Les lections prsidentielles en France. Quarante ans dhistoire politique,Paris, La Documentation franaise, 2008.

    9. B. Franois, Le Prsident pontife constitutionnel , art. cit, p. 304, 306.

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    parlementaire stable, conforte par le scrutin majoritaire et une nou-velle discipline partisane 10.

    Linterprtation de la lettre et lesprit de la Constitution de

    la Ve Rpublique est surtout profondment marque par les condi-tions de sa naissance : la dlgation du pouvoir au gnral de Gaulleseffectue dans un climat de guerre civile articul la crise alg-rienne, de menace de coup dtat, tandis que la classe politiquesavre incapable de proposer une alternative crdible. Le retour aupouvoir du gnral se lit alors comme un vnement enchssdans un rcit mythique qui sorganise autour dune prophtie his-torique ralise 11 . Brigitte Gati a bien montr comment le rcit

    du retour gaulliste au pouvoir sest impos sous la forme du mythe,transformant de Gaulle en sauveur et en grand ordonnateur de laVe Rpublique 12. lu la prsidence de la Rpublique en 1958, ilinflchit profondment la pratique politique en imposant la figuredun Prsident tout-puissant , vritable chef de lexcutif , entretenant une relation directe avec le peuple 13, qui seraconfirme par la rforme constitutionnelle de 1962 organisantllection du Prsident au suffrage universel direct. Le rle prsi-dentiel devient la figure centrale du rgime. Se trouve affirme

    lautorit du chef, du pre de la nation, qui simpose comme arbitre au-dessus des contingences politiques , contre les drivesdun Parlement dsordonn, bavard, effervescent , en un moteffmin, rsonnant des caquetages striles des reprsentants despartis politiques 14.

    10. D. Gaxie, Les fondements de lautorit prsidentielle... , art. cit.11. Brigitte Gati, De Gaulle prophte de la Cinquime Rpublique (1946-1962), Paris,

    Presses de Science Po, 1998, p. 13.12. Ibid. p. 349. Le discours de Bayeux du 16 juin 1946 est par exemple construit a

    posterioricomme une constitution pr-dite , consacre juridiquement en 1958.La prophtie ralise inscrit alors la Constitution de 1958 dans une filiation univoque(celle de Charles de Gaulle) et renforce dans le mme mouvement le discrdit de laIVe Rpublique. Le rcit prophtique acquiert valeur de vrit parce quil est unehistoire des vainqueurs, produit et oprateur de ce quil enregistre.

    13. B. Franois, Le rgime de la VeRpublique, op. cit., p. 5.14. La critique du parlementarisme est justement pose ds le discours de Bayeux du

    16 juin 1946 : Il suffit dvoquer cela pour comprendre quel point il est ncessaireque nos institutions dmocratiques nouvelles compensent, par elles-mmes, les effetsde notre perptuelle effervescence politique. (...) Il est clair et il est entendu que levote dfinitif des lois et des budgets revient une Assemble lue au suffrage universelet direct. Mais le premier mouvement dune telle Assemble ne comporte pas nces-sairement une clairvoyance et une srnit entires (...) En vrit, lunit, la cohsion,la discipline intrieure du gouvernement de la France doivent tre des choses sacres,sous peine de voir rapidement la direction mme du pays impuissante et disqualifie.

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    Cette empreinte de la pratique gaullienne sur linstitution pr-sidentielle a fortement dtermin et encadr les stratgies de sessuccesseurs comme la dfinition des critres lgitimes des figures

    prsidentiables. Lhritage sest avr le plus souvent complexe, voireimpossible. Annie Collovald a ainsi analys quel point cette robetait beaucoup trop lourde porter pour quiconque ici-bas , etcomment Jacques Chirac, lu pour le parti gaulliste en 1995, a d inventer son entreprise de succession 15 . Sur les portraits officielsdes Prsidents de la Ve Rpublique, la robe est en ralit lhabitdes grands matres de la Lgion dhonneur port par Charles deGaulle et Georges Pompidou, tandis qu partir de llection de

    Valry Giscard dEstaing en 1974, les Prsidents posent en costumeet cravate, devant un drapeau, une bibliothque ou le jardin dellyse 16. La consolidation continue de linstitution partir du moule gaullien a conduit oblitrer la masculinit 17 du rleprsidentiel. Celle-ci semblait aller de soi, et il ne paraissait pasopportun den faire la dmonstration ou mme de lobjectiver. Or,cest cet effacement qui nous semble remis en cause par le Prsidentde la Rpublique Nicolas Sarkozy.

    De manire rcurrente lors de la prise de rle dun Prsident,

    les observateurs de la vie politique valuent en effet le degr derupture dans la pratique prsidentielle inaugure par le nouvel lu.Mais avec larrive de Nicolas Sarkozy llyse, on assiste dvi-dence une inflation quantitative et qualitative de ce type de

    (...) Cest donc du chef de ltat, plac au-dessus des partis, lu par un collge quienglobe le Parlement mais beaucoup plus large et compos de manire faire de luile Prsident de lUnion franaise en mme temps que celui de la Rpublique, quedoit procder le pouvoir excutif.

    15. Annie Collovald, Jacques Chirac et le gaullisme. Biographie dun hritier histoires,Paris, Belin, 1999, p.10.

    16. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/photographie/portraits-officiels-presi-dents.shtml

    17. Communment, la masculinit apparat comme une identit naturelle , dpen-dante du sexe biologique des individus (mle/femelle), alors que la virilit est davan-tage perue comme une performance sociale, une identit historicisable. Or, cettedistinction ne nous semble pas fondamentalement pertinente : non seulement ellerifie une distinction entre ce qui serait naturel et ce qui serait construit enmatire de rapport de genre, mais elle masque galement la multiplicit des normesde genre telles quelles sarticulent aux autres rapports de pouvoir (de classe, de couleuret/ou de race). Ainsi, la virilit comporterait une dimension stigmatisante dans lamesure o elle renvoie implicitement des normes de masculinit troitement liesaux classes populaires et aux groupes racialiss. Or notre objet porte prcisment icisur la virilit des dominants, comme performance de sexualit, de classe et de couleur,en tant quelle constitue une ressource politique.

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    commentaires : le candidat de la rupture tranquille 18 est dcritcomme mtamorphosant linstitution, comme affirmant un nouveau style et incarnant un nouveau prsidentialisme , un

    nouveau corps, une nouvelle me 19. Notre objectif ici nest pas detrancher sur la ralit et les effets sur la politique nationale de cette rupture de la pratique prsidentielle. On sintresse la construc-tion de lidentit stratgique 20 de Nicolas Sarkozy, en avanant lideque ce qui produit justement cet effet de rupture radicale, repose, enparticulier, sur un usage indit des capitaux corporels identitairesdans la manire dhabiter le rle prsidentiel. Il sagit de faire sensdun paradoxe qui veut que les identits sexuelle et raciale ont t au

    cur des stratgies prsidentielles comme de leurs commentaires,alors que ces capitaux sont systmatiquement luds comme tels delanalyse, et ne sont jamais abords que depuis les normes qui lesconstituent comme capitaux, en tant que ressort dvaluations nor-matives. Au-del des processus de privatisation et dinformalisationde la politique 21, linvestissement exacerb et explicite de NicolasSarkozy, dune identit htrosexuelle, blanche et virile, se comprendainsi dans un contexte international de visibilisation des figuresdoutsidersen politique (multiplication des candidats issus des mino-rits), dans le contexte paritaire franais et celui de son duel avecSgolne Royal, mais aussi par une logique compensatoire lie lastructure de ses capitaux et sa trajectoire.

    18. Slogan officiel du candidat de lUMP lors de llection prsidentielle de 2007.19. Par exemple : Nicolas Lecaussin, Labsolutisme efficace : enqute sur la prsidence de

    Nicolas Sarkozy, Paris, Plon, 2008 ; Olivier Mongin et George Vigarello, Sarkozy :corps et me dun Prsident, Paris, Perrin, 2008 ; Christian Gambotti, Sarkozy, lamtamorphose, 1999-2000, Paris, Privat, 2007 ; Bruno Jeudy et Ludovic Vigogne,Nicolas Sarkozy : de Neuilly llyse, Paris, LArchipel, 2007.

    20. Annie Collovald, Identit(s) stratgique(s) , Actes de la Recherche en sciences sociales,no 73, 1988, p. 29-40.

    21. Erik Neveu, Privatisation et informalisation de la vie politique , inYves Bonny(dir.), Norbert Elias et la thorie de la civilisation. Lectures et critiques, Rennes, PUR,2003, p. 185-207. Le processus de privatisation des modes de mdiatisation du per-sonnel politique a connu une acclration depuis les annes 1980, comme en tmoignele dveloppement spectaculaire des registres de la biographie politique et les inter-ventions tlvises dans des missions politiques ou non politiques et la mise en scnedes professionnels dans leur cadre priv. Cette privatisation se caractrise pour lesprofessionnels de la politique par la possibilit (voire la ncessit) de faire tat danslespace public de dimensions prives (familiales, affectives, etc.) de leur tre et deleurs comportements. Linformalisation de la vie politique manifeste quant elle lacapacit rflexive des professionnels de la politique relcher de manire contrleles autocontrles propres leur mise en scne, et au dvoilement de leurs gots, leurintimit, leurs styles de vie, leurs motions.

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    De la virilit privilge la virilit ressource

    Historiquement, la virilit privilge correspond la norme

    dominante de la masculinit : on parlera alors de virilit police .Les valeurs, le systme de sens, lethosdes hommes politiques se sonten effet construits autour dune certaine acception socio-historiquede la masculinit, telle quelle sincarne dans la classe bourgeoise aux19e et 20e sicles : temprance, justice, courage, autorit..., mais aussistyle corporel, o le physique nest ni trop investi (ce qui est lapa-nage strotyp des classes populaires comme des peuples colo-niss 22), ni trop peu investi (ce qui a t la marque infamante des

    homosexuels, des invertis , des intellectuels bohmes ou desJuifs, troitement lie au discours nationaliste de la fin du19e sicle 23). Dans le contexte politique de la fin du 19e sicle et dudbut du 20e sicle, cette virilit sapparente donc un privilge de la bourgeoisie. Dans une certaine mesure, elle continue dtreadquatement incarne par les hommes politiques de la secondemoiti du 20e sicle qui en sont les hritiers directs. Parce que domi-nante (en termes de classe, mais aussi de nationalit, de couleur, dereligion et de race ), cette norme de la masculinit na pas besoin

    dtre activement et ostensiblement travaille, exploite ou mobi-lise. Or, depuis le tournant des annes 2000, cette virilit napparatplus tant comme un privilge , dont il est inutile de se prvaloirpuisquelle produit delle-mme ses effets de domination, quecomme une ressource mi-convoite, mi-pige, mi-ringardise, voireclairement dlgitime, et quil est en mme temps ncessaire deperformer ostensiblement pour sen assurer les bnfices.

    La transformation de la virilit privilge en virilit res-

    source est en grande partie due deux lments majeurs. Au coursdes annes 1960 et 1970, cette virilit politique est dabord lapanagetraditionnel dun certain courant politique minoris : le populisme.

    22. La bestialisation des hommes coloniss renvoie une virilit exacerbe, animale,figure repoussoir dune virilit blanche , civilise . Toutefois, dans les idologiesracistes et colonialistes, les hommes coloniss ont galement t ffmins : leurdfaut de puissance sexuelle figurant leur prtendue infriorit naturelle. Sur cettedialectique du racisme, hritier des discours mdicaux coloniaux : Elsa Dorlin, LaMatrice de la race. Gnalogie sexuelle et coloniale de la Nation franaise, Paris, LaDcouverte, 2006.

    23. Voir Robert A. Nye, Masculinity and Male Codes of Honor in Modern France, NewYork, Oxford University Press, 1993 ; George Mosse, Limage de lhomme : Linven-tion de la virilit moderne, Paris, Pocket, 1999.

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    Elle fonctionne bien ici comme une ressource ostensible qui soutientun discours autoritariste (qui peut notamment sexprimer dans unanti-parlementarisme) tendance eschatologique, illustr par les

    idologies du dclin de la France . Depuis la Seconde Guerre mon-diale, elle a ainsi t traditionnellement mobilise en tant que tellepar des outsidersinscrits majoritairement dans une tradition natio-naliste allant du poujadisme au Front national 24. Dcrdibilise etdlgitime en France aprs la Libration, la figure classique du popu-liste ou du nationaliste fascisant contraste avec une classe politiquedont la formation et les capitaux sociaux levs suniformisent pro-gressivement, et ce dautant plus que les lus du parti communiste

    disparaissent au niveau national. Pourtant, au cours des trente der-nires annes, cest bien cette virilit ressource qui va progressi-vement devenir un objet de convoitise pour la classe politique. Onassiste alors des tentatives de captation de cette ressource, qui,dpouille de ses stigmates historiques ( commencer par le racisme),reprsente un atout de poids au moment o la classe politiqueconnat une crise de lgitimit accuse, par exemple, dtre coupede la ralit 25 . tre proche des gens devient, dans ces conditions,tre authentiquement un homme : en tmoigne par exemple le

    fameux dbat tlvis, lors de la campagne pour les lections euro-pennes, entre Jean-Marie Le Pen et Bernard Tapie, introduit parles gants de boxe proposs aux deux hommes par Paul Amar sur leplateau du JT de France 2le 1er juin 1994. Il nest pas anodinque ce soit prcisment un homme politique se prsentant comme issu de la socit civile qui ait le premier vol au leader his-torique de lextrme droite franaise, cette virilit exhibe, signedauthenticit et dancrage populaire 26, tout en la rinscrivant dans

    24. Cette filiation populiste est trs largement fabrique la fin des annes 1980 (pardes chercheurs, essayistes, et par les leaders du FN eux-mmes), afin de distinguer leFN de toute tradition fasciste. Voir Annie Collovald, Le populisme du FN , undangereux contresens, Paris, Le Croquant, 2005.

    25. Cest le syndrome VGE : Valry Giscard dEstaing qui, lors du dbat tlvis quiloppose Franois Mitterrand en 1981, ne sait pas rpondre la question : Combien cote un ticket de mtro ? , lance par le candidat socialiste.

    26. Ainsi, Jean-Marie Le Pen acceptant les gants qui lui taient proposs, dclare : Jaiune origine populaire et jai toujours dfendu le peuple [...]. M. Tapie est le symboleemblmatique de la gauche. M. Tapie, cest la non-France et moi, je suis la France. Et aprs avoir voqu les dangers qui menacent la France (le chmage, limmigrationet linscurit, le sida et la drogue), et attaqu Bernard Tapie sur la gestion de sonentreprise, ce dernier rtorque : Commencez pas comme a ! J.-M. Le Pendemande : Et pourquoi ? B. Tapie : Sinon on va partir trop tt , J.-M. Le Pen : Que veut dire votre menace ? Je suis prt aller o vous voulez.

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    une tradition de gauche 27. En 2003, Nicolas Sarkozy semble avoirparfaitement retenu les leons de cette confrontation. Le traumatismedu second tour de llection prsidentielle de 2002 aidant, acm de

    la crise de lgitimit qui touche la classe politique, Nicolas Sarkozyapparat sur le plateau de lmission 100 minutes pour convaincre (20 novembre 2003, France 2), comme le rare homme politiquecapable daffronter Jean-Marie Le Pen (le refus quasi unanime desprofessionnels de la politique et notamment de Jacques Chirac en2002 de dbattre avec le chef de file de lextrme droite passant ainsipour un manque de courage). Au cours de lmission, Nicolas Sar-kozy joue couple double : il parvient non seulement capter les

    bnfices symboliques et lectoraux du positionnement de genrede Jean-Marie Le Pen et donc son capital viriliste, mais aussi seprmunir des critiques lencontre de sa politique dimmigration (ilest alors ministre de lIntrieur et annonce sur le plateau lobjectifannuel des 20 000 reconductions la frontire dtrangers en situa-tion irrgulire ). Pour ce faire, il fait une rfrence biographiqueappuye son pre : immigr hongrois, fuyant le communisme,ancien de la lgion trangre, mobilis en Algrie... (mais omet derappeler les origines nobles de la famille Sarkzy de Nagy-Bocsa).

    En incarnant et exploitant une certaine virilit politique, le futurcandidat la prsidentielle parvient ainsi se positionner comme un homme du peuple , mais non comme un populiste dextrmedroite : la virilit ressource fonctionne alors de faon optimale.

    Le deuxime lment pouvant expliquer le passage de la viri-lit privilge la virilit ressource est li laccession desfemmes politiques aux positions dligibles en gnral, et celle deprsidentiable en particulier. Or, relativement cet lment histo-

    rique, la virilit ressource se rvle comme une ressource pige.Trente ans aprs lobtention de lentire citoyennet politique pourles femmes, la premire candidate au poste suprme est ArletteLaguiller en 1974 (candidature renouvele depuis chaquechance), suivie en 1981 par Huguette Bouchardeau et Marie-France Garaud, en 1995 par Dominique Voynet et en 2002 parCorinne Lepage, Christine Taubira et Christine Boutin, toutes aunom de partis minoritaires. En 2007, Sgolne Royal est ainsi lapremire femme engage dans la comptition pour un parti

    27. On notera que lors de ce mme dbat, Bernard Tapie fait rfrence aux Spahis quiont particip la Libration de la France, valorise lapport conomique de limmi-gration et dfend le droit de vote des immigrs.

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    susceptible de lemporter, tandis que les femmes reprsentent untiers des candidats 28. On connat le dnouement : la candidatesocialiste est battue au second tour par Nicolas Sarkozy qui obtient

    53 % des suffrages exprims. Pourtant, lun des enseignements decette campagne est prcisment le fait que la prsence dune femmeen position prsidentiable a perturb la stratgie de Nicolas Sarkozyqui est apparu tout au long du dernier semestre 2007, comme viriliste , face une femme qui ntait pas encore renvoye sa fminit handicap . Plus gnralement, la candidature de Sgo-lne Royal et la mise en scne de son identit sexuelle ont contraintses adversaires se positionner en termes de genre, mais aussi de

    sexualit. Pour la premire fois, la virilit nest donc plus un privi-lge implicite, mais apparat comme une dtermination sociale manipuler avec prcaution. Cest en partie cette configuration in-dite que nous tudierons ici partir du cas Sarkozy .

    La Fabrique de soi 29 : du tratre l homme nouveau

    Si Nicolas Sarkozy constitue un cas dcole, cest que son iti-

    nraire politique permet dtudier la loupe non seulement la faondont lidentit sexuelle travaille linstitution prsidentielle, maisaussi comment elle peut tre dfinie comme un capital corporelidentitaire qui fonctionne plein danset pourle corps politique.

    Du fils prodige Iago

    lev dans une famille catholique de droite, Nicolas Sarkozy

    entre lUDR de Neuilly 19 ans et soutient la campagne de Jac-ques Chaban-Delmas en 1974, contre Valry Giscard dEstaing(soutenu par Jacques Chirac). En 1976, il adhre au RPR, fondpar Jacques Chirac, et en 1977 entre au comit central, au momentmme o il devient conseiller municipal de Neuilly (il a alors22 ans). Son ascension au sein du parti est largement le fait dusoutien de Charles Pasqua, dont il sest rapproch par lintermdiaire

    28. Les autres candidates sont Arlette Laguiller, Marie-George Buffet, et DominiqueVoynet.

    29. Cette partie et la suivante reprennent et prolongent nos analyses dveloppes dansCatherine Achin et Elsa Dorlin, Jai chang, toi non plus. La fabrique dun-eprsidentiable : Sarkozy/Royal au prisme du genre , Mouvements, 16 mars 2007,http://www.mouvements.asso.fr/spip.php?article42

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    de son mentor en politique, Achille Peretti, personnalit corse,maire de Neuilly depuis 1947. Nicolas Sarkozy pousera dailleurssa nice, Marie-Dominique Culioli en 1982 (Charles Pasqua sera

    son tmoin). Poulain de Charles Pasqua, Nicolas Sarkozy connatauprs de lui une socialisation politique marque par la carrireatypique du petit-fils dun berger corse, rsistant, reprsentant chezRicard, quon a dit proche de la mafia, dont le profil dtonne surplus dun point de celui des autres cadres gaullistes. Charles Pasquaincarne ainsi une forme de virilit en politique bien moins lisse quecelle de ses pairs. la mort dAchille Peretti, en 1983, NicolasSarkozy devient maire de Neuilly : il a 28 ans. Sige plus ou moins

    rserv Charles Pasqua. Cette trahison relative lloigne alors du camp corse et le rapproche de l curie chiraquienne .Devenu fils prodige de la chiraquie, litinraire sans faute de

    Nicolas Sarkozy est pourtant marqu par un vnement trauma-tique : llection prsidentielle de 1995 et son ralliement, contre lecamp Chirac auquel il appartenait, la candidature ddouard Bal-ladur, dissident du RPR. La dfaite de son candidat annonce, selonlexpression consacre par ses biographes, une longue traverse dudsert . Ostracis par le RPR, lancien porte-parole de campagne

    de Balladur est publiquement considr comme le tratre , le flon , et prend place aux cts des plus clbres dentre eux :Judas, Rastignac, Iago... Sarko 30. Nicolas Sarkozy subit la pire desoffenses, celle dtre rejet par le groupe des pairs, le groupe des vrais hommes . Lpithte est dautant plus dvastateur en poli-tique que la figure du tratre est particulirement structure par lerapport de genre : il sagit dune figure ngative, repoussoir parcequeffmine. Nicolas Sarkozy incarne dsormais lanti-homme

    dtat. Mme son relatif jeune ge ne peut le sauver : les erreurs neforment pas la jeunesse quand on est, comme lui, un enfant prcocede la politique. Son soutien Balladur, quil continuera frquenterpendant plusieurs annes pour tmoigner ostensiblement de saloyaut, a totalement neutralis son ct jeune mle chiraquienambitieux qui avait contribu le rendre clbre en 1993 aveclaffaire du preneur dotage (Human Bomber) dans une cole mater-nelle de Neuilly, par exemple.

    30. Voir Pierre Georges, Le Mondedat du 4 juillet 1995 : tratre au chiraquisme , fourbe de Neuilly , Rastignac en balladurie . Et, du mme auteur, larticle duMondedat du 11 juillet 1997 : Nicolas Sarkozy, son corps dfendant, fait unassez joli Iago .

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    Certes, les trahisons en politique nont rien dexceptionnel, ceque Nicolas Sarkozy ne manquera pas de faire remarquer JacquesChirac en personne, lui qui a choisi de trahir le camp gaulliste pour

    soutenir, un temps, Valry Giscard dEstaing 31. En avril 1999, enpleine campagne pour les lections europennes, Nicolas Sarkozydevient prsident par intrim du parti au pouvoir et remplace Phi-lippe Sguin la tte de la liste de coalition RPR/DL, dont leconcurrent direct est lUDF de Franois Bayrou. Dsormais la figuredu tratre se double de celle du porte-poisse , comme le chro-nique Pierre Georges dans un article du Mondeparu le 16 juin1999 : Socitaire perptuel de la compagnie des tratres et, de

    surcrot, des porte-poisse. Suppos semmler les pieds dans ses tra-hisons et son urgence exister, comme dautres dans le tapis,Nicolas Sarkozy partit la bataille avec un srieux handicap.

    Se refaire une virginit de genre

    Suite lchec subi par sa formation aux lections europennes(12,82 % des suffrages, le plus mauvais rsultat jamais enregistrpar les gaullistes dans une lection europenne ou nationale), lt

    1999 est pourtant le dbut dun changement radical de stratgiepour Nicolas Sarkozy. Lautorit de Jacques Chirac, mise mal parla catastrophique dissolution de 1997, les haines et les dissensionsqui divisent la droite sont loccasion de se refaire une virginit degenre . Ce qui a t peru comme un nime chec est en vritune rsurrection : Nicolas Sarkozy joue la carte de lhomme cou-tur de partout , selon lexpression de son ami Brice Hortefeux :bourgeois baroudeur de la politique, il rappelle avec dlectation

    quil en a bav pour en arriver l, quil nest pas un hritier quil nest pas un narque. De fait, Nicolas Sarkozy ne se dpouil-lera de cette image calamiteuse de tratre, qu la condition dappa-ratre comme l homme nouveau . Or, pour ce faire, il semploie

    31. Durant lt 1995, Nicolas Sarkozy crit une srie de vingt-quatre lettres pour Leschos. Les Lettres de mon Chteau rendues publiques par un certain Mazarin sont signes Chirac, Mitterrand, Bill Clinton, Philippe Sguin, Line Renaud ou...Nicolas Sarkozy. Dans ces changes fictifs que Sarkozy met en scne, entre lui et lePrsident Chirac notamment, cest cette figure du tratre qui le hante : [ J. Chirac]Il y a quelque injustice me reprocher de vous avoir trahi. Vous tiez membre de lafamille gaulliste quand vous avez trahi Jacques Chaban-Delmas pour Valry GiscarddEstaing. Et quand il a fallu trahir Giscard, avez-vous hsit le faire ? [...] Vousavez eu la faiblesse de reprendre Bayrou, et vous avez eu grand tort [...]. Cest untratre professionnel. Il est pire que Sarkozy.

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    re-construire son propre itinraire, narrer son ambition, fabri-quer une densit prosaque, authentique sa biographie, mmede donner sens ses erreurs de carrire comme ses capitaux han-

    dicapants : pour se distinguer de ses pairs, de la prtendue neutralitdune classe politique dsincarne et comme dtache de tout vcu,il doit apparatre comme un homme ordinaire , cest--direcomme un individu marqu par ses dterminations de genre, desexualit, de classe, de couleur. En publiant Libre32, il critique ainsila logique impersonnelle de son parti et entame sa propre promo-tion. Il personnalise son discours et se pose ainsi comme lincarna-tion singulire dune droite moderne : Sarkozy devient une

    marque dpose. partir de cette date, les crits de ou sur NicolasSarkozy autoriss ou non ne cesseront dalimenter les rayon-nages des librairies. Christian Salmon 33, qui travaille sur le storytel-ling, a parfaitement montr comment cette stratgie de marketingsest rpandue dans le monde politique, principalement sous la pr-sidence de George W. Bush, saturant la ralit dengrenages narra-tifs ensorceleurs, contribuant luniformisation des motions, desaspirations et des visions du monde , transformant ladhsionpolitique en identification biographique entre un candidat et son

    lectorat.

    Les capitaux dun prsidentiable

    Au dbut des annes 2000, le portefeuille de ressources deNicolas Sarkozy se renforce, se diversifie et contribue crdibiliserson profil de prsidentiable, mme sil se distingue et scarte, par

    certains aspects, des chemins baliss par ses prdcesseurs. Force estde constater laccumulation de capitaux politiques aussi bien per-sonnels que collectifs : il ajoute en effet son ancrage local solidela possession dun tremplin ultra mdiatis au ministre de lInt-rieur et la prise du parti gaulliste.

    32. Nicolas Sarkozy, Libre, Paris, Robert Laffont, 2001. Mme sil a dj publi un 1995un ouvrage dentretiens avec Michel Denizot, Au bout de la passion, lquilibre, Paris,Albin Michel, 1995. Son entreprise biographique sera encore ajuste en 2006 et2007, dans le cadre de campagne prsidentielle. Voir : Tmoignage, Paris, XO di-tions, 2006 ; Ensemble, Paris, XO ditions, 2007.

    33. Christian Salmon, Storytelling, Paris, La Dcouverte, 2007.

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    Suzerain, apparatchiket ministre mdiatique

    Semblable aux professionnels de la politique empruntant la

    filire locale, Nicolas Sarkozy a dabord construit un vritable fief partir de la mairie de Neuilly. Successivement ou cumulativement,il a exerc les mandats de conseiller rgional, a sig sans interrup-tion au conseil gnral des Hauts de Seine de 1985 2007, assurantla vice-prsidence puis la prsidence de 2004 2007, a galementt systmatiquement lu lAssemble nationale depuis 1988. Larussite politique de Nicolas Sarkozy dans ces lections localisestmoigne de la qualit du fief souffl Charles Pasqua, caractris

    par une trs confortable majorit politique conservatrice et par unerare homognit sociale 34 : cest aussi l quil rencontre ses amispuissants 35 .

    Soutien actif du candidat Chirac durant la campagne prsi-dentielle, il accde ensuite en 2002 au ministre de lIntrieur dupremier gouvernement Raffarin. Le chef des flics de France ,comme il le rappelle lenvie, fait de la lutte contre linscurit ,enjeu cardinal de la campagne prsidentielle de 2002, son domainerserv. La prparation de la Loi sur la scurit intrieure est de fait

    fortement mdiatise, et toute entire tourne vers laffirmationdune autorit politique, dmagogique et naturelle . En tmoignesa prsentation du projet de loi le 16 juillet 2002 devant lAssemblenationale : Il est aussi inutile quabsurde dessayer dopposer larpression et la prvention. Les deux sont naturellement ncessaires,indissociables. Je souhaite que lon veuille bien comprendre que lesentiment dimpunit est un puissant facteur dencouragement ladlinquance (...) et qu linverse la crainte de lapplication juste et

    34. Dans une des Lettres de mon Chteau , Nicolas Sarkozy ironise sur llitisme deNeuilly o il a bien failli croupir . Dans une lettre adresse son grand Jacques par Line Renaud, il lui fait dire : Maintenant que tu es Prsident, je veux te fairehonneur. Je veux tout connatre des usages et des manires. Tu ctoies le grandmonde, je le ctoierai aussi. Il faut bien que je my fasse ! Jai donc dcid demabonner Point de vue. Images du monde. Il ny a aucune raison, moi qui suis dumtier, que je ne russisse pas faire comme elles, toutes ces princesses. (...) Lepompon cest Balladur ! Je suis certaine quil na jamais mis les pieds dans un cabaret.Tu te rends compte ! Dans ces conditions, quest-ce quils peuvent bien comprendre la vie ? Quant lignoble Sarkozy, laisse le croupir l o il se trouve. Tu devraismme augmenter une deuxime fois lISF, rien que pour punir ces crtins de Neuillydavoir vot pour lui , Lettre 3, de Line Renaud au Prsident de la Rpublique,par Mazarin , Les chos, 26 juillet 1995, p. 31.

    35. Victor Noir, Nicolas Sarkozy ou le destin de Brutus, Paris, Denol, 2005.

    Nicolas Sarkozy ou la masculinit mascarade du Prsident 31

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    ferme de la loi est la plus utile des prventions 36. La loi du 18 mars2003 cre de nouveaux dlits et sanctions concernant notammentle racolage passif, la mendicit, les squatteurs, les gens du voyage,

    les rassemblements dans les halls dimmeubles, etc. Lhomme seprpare et le fait savoir : le 20 novembre 2003 sur France 2, lorsquele journaliste Alain Duhamel lui demande sil pense la prsidence,il rtorque pas seulement en me rasant .

    Aprs un passage au ministre de lconomie des finances etde lindustrie en 2004, o il adjoint son personnage rpressiflimage plus consensuelle du bon pre de famille qui gre lesfinances publiques de la France, il retrouve son ministre de pr-

    dilection en juin 2005. Son retour sopre sous le signe dune virilitscuritaire exacerbe. Alors que sa politique sinscrit dans une tra-dition bien ancre de gestion des affaires policires, en filiationdirecte avec les ministres Pasqua notamment, et que les rsultatsen terme de baisse de la criminalit et de la dlinquance sontrelatifs et contests, une bataille communicationnelle efficace 37 faitde lui un ministre qui tient ses troupes et mne une politiquerpressive active 38, autrement dit qui en a . En 2006, il investitun autre thme pris en charge par lextrme droite, et qui cette fois

    cible le groupe des immigrs : la loi immigration et intgration vote en mai 2006 dfend le principe dune immigration choisie ,en facilitant la venue et le travail des tudiants trangers les plusdiplms avec la carte comptences et talents , et en durcissantles conditions dentre de tous les autres.

    Solidement appuy sur ses capitaux politiques locaux et sur sanotorit de ministre hyperactif, il ne manque enfin au prsiden-tiable Sarkozy qu prendre le parti . Si la recherche de lgitimit

    partisane est un rflexe rcent pour les prsidentiables droite, cettestratgie nest pas sans rappeler celle de Franois Mitterrand avecle nouveau parti socialiste la fin des annes 1960 39 ou de

    36. Extrait du Journal Officieldu mercredi 17 juillet 2002, cit dans : David dEquainville(dir.), 1978-2006 : Nicolas a dit, Paris, Anabet, 2006.

    37. Cf. Une autre Lettre de mon Chteau , signe Patrick Bruel et adresse PhilippeDouste-Blazy : Notre socit est celle de limage et de la communication. Moi jecommunique sur moi. Cest encore le sujet que je connais le mieux. Je te conseilleden faire autant , Les chos, 16 aot 1995, p. 27.

    38. Christian Mouhanna, Le Miracle de la scurit, vu de lIntrieur , Mouvements,no 52, nov-dc 2007, p. 35.

    39. Franois Mitterrand fonde la Fdration de la gauche dmocrate et socialiste (FGDS)en septembre 1965. La crise au sein de la SFIO culmine en 1969 avec la fondationdu Nouveau Parti Socialiste. Au congrs suivant en juin 1971 pinay-sur-Seine,

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    Jacques Chirac crant le RPR en 1976 40 : au-del de la captationdes capitaux symboliques attachs ltiquette, il sagit de contrlerles ressources organisationnelles du parti, dsormais essentielles la

    conqute du pouvoir prsidentiel. Nicolas Sarkozy bnficie dunimportant capital militant, valoris dans ses entreprises biographi-ques, qui en fait un vritable apparatchik de droite et lui pro-digue les savoir-faire et les savoir-tre pour mener bien sa matrisedu parti. Suite la dmission dAlain Jupp en juillet 2004, NicolasSarkozy se prsente ainsi comme le challenger capable de mobiliser son profit une base partisane branle. lu en novembre avec85 % des suffrages des militants 41, il affirme alors son leadership

    partisan en transformant le fonctionnement du parti. Comme lamontr Anne-Sophie Petitfils, cest au moyen dune politique derecrutement volontariste et de dispositifs dencadrement inspirs detechniques managriales quil parvient sassurer du soutien delUMP, tout en mettant en minorit les derniers chiraquiens 42.

    Proximit et virilit dcomplexe

    On saisit bien ici comment des stigmates apparents du profes-

    sionnel de la politique Sarkozy sont retourns en ressources dans laconstruction de son identit de prsidentiable. Il en est de mme avecla relative faiblesse de ses capitaux scolaires. Ses prdcesseurs la

    Mitterrand est port par un puissant courant de rnovation la tte dun mouvementpolitique dont il ntait pas adhrent la veille. Lors du Congrs dEpinay, Mitterrandrevendique la rupture : Violente ou pacifique, la rvolution cest dabord unerupture ; celui qui accepte la rupture avec lordre tabli, avec le capitalisme, celui-lpeut tre membre du Parti socialiste .

    40. Annie Collovald, Le fabuleux destin de Jacques Chirac ou les msaventures de ladmagogie politique , Mouvements, no 23, sept-oct 2002, p. 123-130. Le coup deforce de Jacques Chirac en 1976 conduit ses adversaires le caricaturer, en insistantsur son ct vulgaire, provincial et looser, lui offrant alors paradoxalement une nou-velle identit politique plus puissante politiquement que celle de lnarque technicienet stratge quil incarnait jusqualors. Dans un registre diffrent mais avec les mmesrsultats, la traverse du dsert du tratre Sarkozy et sa stigmatisation par lesgaullistes chiraquiens lui permettent de modifier son profil de carririste et de seprsenter comme faillible et humain .

    41. Ds son lection la Prsidence de la Rpublique, il impose un projet de rformedu fonctionnement de lUMP, o dsormais, une direction collgiale dsigne sesubstitue llection du prsident du mouvement par ses adhrents : on y dcle unmoyen de dsamorcer toute opposition interne, et la preuve que son attachement aufonctionnement dmocratique du parti tait conjoncturel.

    42. Anne-Sophie Petitfils, La seconde fondation de lUMP : techniques de recrutementet sociologie des nouveaux adhrents , Mouvements, no 52, p. 57-63.

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    Prsidence de la Rpublique possdaient tous dimportants capitauxculturels (que lon pense aux narques Giscard dEstaing et Chiracou aux littraires de Gaulle diplm de lcole militaire de Saint

    Cyr , le normalien Pompidou et le critique littraire Mitterrand 43),et ont contribu consolider cette figure dun Prsident bourgeois etcultiv, la masculinit lisse et police. Nicolas Sarkozy, qui nedtient quune matrise de droit priv, un DEA de science poli-tique (il na jamais obtenu le diplme de science po o il taitpourtant entr) et un certificat daptitude la fonction davocat,transforme ce dficit en atout. Dans le contexte dune critiqueravive de la coupure gouvernants/gouverns, il revendique sa dis-

    tance au srail et aux experts, en mettant notamment en avantune masculinit populaire et dcomplexe. Dans son ouvrage auto-biographique Tmoignage, paru en 2006, il carte ainsi toute ambi-tion littraire pour affirmer en dcalage : je veux juste raconter unevie o lambition de faire joue un grand rle 44 . Il procde exacte-ment de la mme manire pour compenser ce qui pourrait apparatrecomme des handicaps physiques : sa petite taille le conduit dsa-craliser le corps prsidentiel et, comme Valry Giscard dEstaingavant lui, tenter de se rapprocher des gens normaux , en invitant

    par exemple les journalistes voir ce corps suant lors dun footing...On se souvient aussi de la concurrence ouverte entre Nicolas Sarkozyet Dominique de Villepin en septembre 2005, lors dun petitdjeuner La Baule o le Premier ministre sest ostensiblementrendu la table o lattendait Sarkozy aprs un bain de mer : lanta-gonisme entre les deux hommes sest jou sur une concurrence descorps, sur une lutte pour le monopole de qualits hautement valori-ses, telles que la sant ou lactivit sportive. Ici, Dominique de

    Villepin a pleinement exploit son capital corporel, sous les objectifsdes photographes, et aux dpens de Nicolas Sarkozy, parvenant allier esthtisme et virilisme alliance rarissime en politique, tant labeaut constitue un stigmate deffmination 45 : belle stature, corpsathltique, visage de gendre idal. Par contraste, la stratgie sarko-zienne de la proximit saffirme dans une logique cohrente par lamise en scne et en lumire de ses belles femmes qui attestentde sa sexualit conqurante , et la revendication dun style de vie

    43. galement diplm de lcole libre des sciences politiques en 1937.44. N. Sarkozy, Tmoignage, Paris, XO ditions, 2006, p. 11.45. Cf. Frdrique Matonti, Une Beaut capitale. Hrault de Schelles : un corps aris-

    tocratique en rvolution , Socits et reprsentations, no 6, juin 1998, p. 309-332.

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    la fois ordinaire (mariages, adultres, divorces, coups de foudre, etc.)et clinquant ( largent nest que la rcompense lgitime dun sur-crot de travail ou dune prise de risques 46 ). En se jouant de la

    mdiatisation dun style communment appel nouveau riche ,Nicolas Sarkozy se rapproche encore et toujours dun lectoratpopulaire.

    Lhtrosexisme en politique

    Ce travail indit du corps prsidentiel est particulirement

    intriguant lorsque lon sait que le corps lgitime en politique ade fait toujours t celui des hommes qui lont historiquementincarn et dfini. Au contraire, le corps fminin, de par sa fonctiontraditionnelle de personnification symbolique de la Nation, de laPatrie, de la Rpublique, etc., est toujours apparu comme un signi-fiant du politique et de ses valeurs, un corps allgorique . Ainsi,la fminit renvoyait toujours autre chose qu elle-mme.

    Les trois figures de la fminit politique ou limpossible Prsidente

    Le corps des femmes politiques du 20e sicle a donc t leurmeilleur ennemi 47. Trois strotypes de la Femme politique onthistoriquement jou le rle de puissant repoussoir des hautes sphresdu pouvoir, en scartant la fois de la norme dominante de lafminit et de la fminit mutique des figures allgoriques. La pre-mire figure est celle de la favorite intrigante , de la courtisane, laquelle ont par exemple constamment t renvoyes dith

    Cresson bien sr, mais aussi, et dans une moindre mesure, lisabethGuigou 48. Cette figure sur-rotise renvoie paradoxalement une fminit virile car elle incarne une femme la sexualit prten-dument provocante, active et dominante. La deuxime figure estcelle de la King , femme-homme lidentit sexuelle douteuse,qui a permis dattaquer sous la ceinture Margaret Thatcher, ou

    46. N. Sarkozy, Tmoignage, op. cit., p. 136.47. Delphine Dulong et Frdrique Matonti, Lindpassable fminit. La mise en rcit

    des femmes en campagne , inJacques Lagroye, Patrick Lehingue, Frdric Sawicki(dir.), Mobilisations lectorales, Paris, CURAPP/CRAPS, PUF, 2005, p. 281-303.

    48. lisabeth Guigou, dans tre femme en politique, Plon, Paris, 1997, raconte les graffitis Guigou Salope , qui grenaient son trajet lors de meetings ou de rendez-vous danssa circonscription.

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    encore et toute proportion garde, Martine Aubry ou MichleAlliot-Marie. La King est un instrument de stigmatisation quivise les femmes politiques qui portent culotte et qui nont pas

    denfants ou ont refus de mettre en avant leur maternit. Enfin,la troisime figure est celle de la Rgente . On a toujours tentde ramener les femmes politiques leur statut de mre , mais demre toute puissante et rgente avant tout : autrement dit, ce sontdes femmes qui ne sont acceptes dans le cnacle du gouvernementque parce quelles ne reprsentent quune phase transitoire du pou-voir. Face ce dispositif, lors de la campagne prsidentielle de 2007,la marge de manuvre de Sgolne Royal tait mince. Mais sa

    popularit dans les sondages partir de 2004 et son investiture parles militants du PS en 2006 49, nont t possibles que parce quellea alors russi redfinir le contenu symbolique et idologique dela figure de la Femme politique . Et, parmi bien dautres causespolitiques, institutionnelles et sociales, loccasion de cette redfini-tion a t la concurrence avec Nicolas Sarkozy : cest la constructionidentitaire du candidat Sarkozy, mettant au cur de son identitpolitique la virilit, qui a permis de dsamorcer conjoncturellementlaporie laquelle se heurtaient les femmes en politique.

    La fminit gouvernante

    Dans le contexte de la pr-campagne llection prsidentiellede 2007, Royal a ainsi russi inventer ce que lon pourrait appelerune fminit gouvernante . Elle a pu faire preuve dune fminitrevendicatrice, assume, voire sexy, sans tre en contradiction avecle pouvoir politique. Plus Sarkozy senferrait dans sa virilit, plus

    Royal devenait un vritable homme politique . Pour autant, dsson investiture, Royal a oscill entre la parfaite incarnation de cenouveau corps politique et sa rechute vers une fminit stigmati-sante. Dun ct, elle parvenait incarner et construire ce change-ment quelle thorisait, usant de son sexe en se revendiquant une femme debout . De lautre, elle vacillait face lentreprise dinti-midation du sexisme ordinaire 50 et senfermait dans un fminisme

    49. Pour comprendre les conditions de linvestiture de Sgolne Royal, on se reportera lanalyse des transformations rcentes du PS par Rmi Lefebvre et Frdric Sawicki :La socit des socialistes. Le PS aujourdhui, Bellecombe en Bauges, d. du Croquant,2006.

    50. ric Fassin, Le sexisme en campagne , Libration, 13 fvrier 2007.

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    maternel trs victimaire. Effet dun positionnement politique flot-tant critiqu au sein mme de son parti et de son lectorat, et duncadrage mdiatique dfavorable 51, la chute de Royal est aussi la

    consquence dun changement tactique majeur de la part du can-didat Nicolas Sarkozy. En janvier 2007, lors de son investiture offi-cielle, Sarkozy dit quil a chang : il est devenu plus ambivalent,plus profond, plus sensible, il sest dvirilis. Par ce rajustementtactique, Sarkozy a renvoy Royal sa fminit et lui a ferm lespaceinterstitiel dans lequel elle avait russi bricoler une identit inditedhomme dtat. Le 8 mars 2007, lors dune mission tlvise,alors quArlette Chabot montrait au candidat Nicolas Sarkozy les

    images darchives dune mission o Royal, sans se dmonter, rap-pelait lordre lagressif jeune Sarkozy, ce dernier a comment lesimages en rappelant que luia chang sous-entendantquaujourdhui les choses ne pourraient plus se passer comme cela,car elle naurait plus de prise : et il la montr loisir lors du dbattlvis qui lopposa la candidate entre les deux tours de llection.

    Les beaux jours du sexisme

    Je ne perds pas mes nerfs, je suis en colre proteste SgolneRoyal lors de ce dbat. Impuissante face un processus ultra clas-sique de pathologisation du conflit, dhystrisationde sa colre ,Sgolne Royal fait les frais dune rhtorique sexiste cule 52. Cequi est apparu comme une juste et calme dfense du candidatNicolas Sarkozy, face aux attaques indignes de son adversaire,sapparente de fait une stratgie citationnelle : en employant cesmots et ce ton, Sarkozy tablissait non seulement un rapport de

    connivence, damiti et dempathie virile avec les hommes( regardez cette hystrique qui magresse ! ), mais aussi un rapportde culpabilisation avec les femmes, enjointes daffirmer quelles,elles ntaient pas comme la Royal . Nicolas Sarkozy et son staffde campagne savaient parfaitement ce quils mettaient alors enplace. Ds 1995, toujours dans ses fameuses Lettres de mon Chteau,

    51. Voir Frdrique Matonti, Madame, Marianne, Maman. La reprsentation de SgolneRoyal dans les mdias, Paris, LHarmattan, paratre en 2008.

    52. Au moment o nous finissons de rdiger cet article, en raction la gaffe deSgolne Royal qui sinterroge publiquement sur le lien entre la main mise du Pr-sident sur le pays et le cambriolage de son appartement, Frdric Lefebvre, porte-parole de lUMP, dclare : La gravit des accusations profres par Sgolne Royalest le signe quelle perd ses nerfs , cit dans Librationdu 10 juillet 2008.

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    Nicolas Sarkozy crivait sous la plume de Michel Rocard une lettreau Prsident Chirac et ciblait directement Sgolne Royal : Si unjour le sort des urnes devait tre cruel (...) il te faudra choisir un

    autre Premier ministre. Cela ne sera pas difficile car, mis partmoi, tu ne connais personne au Parti socialiste. Crois-moi, tu neperds rien. Les pires, tu les trouveras dans la nouvelle gnration.Jai une mention particulire pour Sgolne Royal, la plus hyst-rique, absolument hors concours. Cest Cresson en plus jeune. Jete laisse imaginer ! Quant Martine Aubry, sa duret me fait peur.Cest bien simple, on dirait Franois Mitterrand en femme 53. Sansdvelopper davantage dexemples, on retiendra ici le fait que cette

    campagne prsidentielle de 2007 nest pas parvenue rendre illicitele sexisme en politique. Plus encore, le sexisme de la campagne afonctionn comme un oprateur de neutralisation des dnoncia-tions mmes du sexisme : Sgolne Royal, ou dautres, ont bientent de prvenir, enrayer ou dnoncer, parfois maladroitement, ledispositif sexiste plus ou moins luvre de part et dautre delchiquier politique, la figure ou la personnalit Royal a fini parcristalliser une certaine violence perverse : celle exerce sur une vic-time qui lon reproche duser et dabuser de sa position mino-

    ritaire. Cest l le signe de la prgnance dun rapport de pouvoir,en loccurrence de la domination de genre qui redouble son efficacedans et par le fait de dlgitimer tout ce qui pourrait en minerlancrage. Ce processus de minorisation, classique, est renforc parla performance de la masculinit ralise par Nicolas Sarkozy.

    La masculinit mascarade

    Nous reprenons ici la thse dveloppe par la psychanalysteJoan Rivire en 1929 sur la fminit mascarade 54 : par l, elleentendait montrer les stratgies sexuelles (de genre et de sexualit),plus ou moins incorpores, dployes par des femmes accdant des professions typiquement masculines. La fminit est alorsune ressource, psychique et corporelle, qui permet de donner desgages, comme pour compenser des transgressions de genre (iciexercer un travail duniversitaire par exemple ou tre une bricoleuse

    53. Lettre no 22, Les chos, 23 aot 1995.54. Joan Rivire, La Fminit en tant que mascarade , Marie-Christine Hamon (dir.),

    Fminit mascarade. tudes psychanalytiques, Paris, Seuil, 1994.

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    experte) : luniversitaire, analyse par Rivire, shabille de faon ultrafminine, sadresse ses pairs sur un ton mivre ou badin... Si lafminit se prte tout particulirement bien ce type danalyse, qui

    plus est au regard des apports fondamentaux des problmatiquesfministes et queer, la masculinit a plus rarement t compriseselon la mme problmatique. quelles conditions pouvons-nousparler de masculinit mascarade ? Il nest pas question dappli-quer la lettre et lesprit de la thse de Rivire au cas Sarkozy :ce qui nous intresse ici cest la faon dont la masculinit fonctionnetoujours comme une mascarade . La norme de masculinitinvestie par Sarkozy qui sincarne dans une performance de la viri-

    lit dominante particulirement patente des moments critiquesde son itinraire, peut ainsi tre dfinie comme une mascarade, uneperformance sexuelle, qui valide le dispositif normatif dominant degenre, de sexualit, de couleur et de classe. Dfinie ainsi, la virilitpolitique, incarne par Nicolas Sarkozy, peut passer pour un capitaltoujours dj l : comme une identit corporelle naturalise, essen-tialise. Elle est en fait un capital socialement acquis, historique-ment construit, mobilis : en lincorporant ostensiblement, NicolasSarkozy ne cesse de donner des gages, et partant de valider et de

    prenniser, le dispositif normatif qui rgit les rapports sociaux.

    Le cocu

    En mai 2005, alors que la campagne sur le rfrendum relatifau projet de Constitution europenne bat son plein, Nicolas Sar-kozy est renvoy son histoire : le dpart de Ccilia pour RichardAttias constitue non pas tant une humiliation quune relle contra-

    diction avec sa fabrique dun profil de prsidentiable. La figure ducocu, comme celle du tratre, est un stigmate qui sied mal au futurcandidat. La raction de Sarkozy est explosive (pression sur la direc-tion de Paris Matchaprs la une du 25 aot 2005 qui rvlait cetteliaison, censure de la biographie de Ccilia, etc.). Les rvoltes desquartiers populaires lautomne 2005 constituent loccasion pourNicolas Sarkozy de dployer sa virilit mascarade , sur-jouant,incarnant son identit sexuelle dans un face face avec ce qui appa-rat alors comme la figure repoussoir de la virilit police des

    hommes dominants : les petits frappes des banlieues 55 . Dela figure du cocu celle du couillu , il sagit de contrecarrer

    55. En 2005, Nicolas Sarkozy, en pleine affaire dadultre, lance alors coup sur coup le

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    ce qui apparat comme une atteinte au peaufinage de candidat.Peaufinage quil a prcisment travaill en apparaissant sous les traitsdun JFK la franaise, reprenant la pose, dans les pages du maga-

    zine Paris Match, de Kennedy et de son fils dans le bureau ovale.La politique de communication lamricaine de lhomme poli-tique est sans prcdent en France. Dsormais, Nicolas Sarkozy cestavant tout un couple : Ccilia Sarkozy apparat comme son brasdroit, en pouse modle 56. La campagne prsidentielle de 2007 etles dbuts de la Prsidence de Nicolas Sarkozy ont de fait acclrle processus amorc avec les dbats sur le Pacs et la parit quiconsiste faire de la sexualit un nouvel enjeu politique. Jusque l,

    la sexualit des professionnels de la politique relevait de la sphreprive (sous la forme du silence, de ladultre ou de la rumeur),tandis que leur conjugalit tait publique. Comme la montr ricFassin 57, ce partage tait fortement genr : ladultre prsum deshommes politiques garantissait leur virilit, tandis que ladultre dela femme politique la faisait basculer du ct de la Pompadourfrappe dillgitim politique 58 .

    Louting htrosexuel

    Ce partage public/priv et genr de la sexualit tait redoublpar un autre : lhtrosexualit tait publique, tandis que lhomo-sexualit tait consigne dans la sphre prive. Ce double partageest dsormais bouscul. Bertrand Delano a dclar son homosexua-lit pendant le dbat sur le Pacs au moment o lhomosexualit,devenue pensable en termes conjugaux, entrait dans la sphrepublique. Cela ne signifie pas que lhomophobie a dsert le champ

    politique, mais que lhomosexualit nest plus forcment un han-dicap cach 59, et ne peut donc a prioritre attaque ouvertementsur le mode de la dnonciation ou du mensonge, comme en

    krcher (en juin 2005 la cit des 4 000 de la Courneuve sous des hues de Sarko cocu ! ) et les racailles le 25 octobre 2005.

    56. Sur le rle des pouses de prsidentiables, on se reportera aux travaux de ChristianeRestier-Melleray, et notamment : Femmes de... Jouer en couple en politique : desmises en rcit sans importance ? , Questions de Communication, no 7, 2005.

    57. ric Fassin, Poignes damour. Entretien , Vacarme, no 41, automne 2007,p. 30-33.

    58. Ibid., p. 33.59. Une telle dclaration d homosexualit reste nanmoins trs rare chez les profes-

    sionnels de la politique : le changement rside dans le fait que la publicisation duneconjugalit homosexuelle est dsormais possible.

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    tmoigne dailleurs le positionnement actuel de Delano parmi lesprsidentiables au sein du PS. Mais pour Nicolas Sarkozy, la sexua-lit reste naturalise, un vritable destin gntique quil ne cesse

    pourtant de performer sans relche. Dans son autobiographie en2006, il rappelle que pour lui la sexualit nest pas un choix maisune identit, jen suis convaincu . Et puis le 5 fvrier 2007, lorsde lmission Jai une question vous poser sur TF1, en rponse un invit qui critique son refus du mariage homosexuel, il ralisele premier coming outhtrosexuel de lhistoire politique, commeun aveu dimpuissance face la force de la nature : Je nai pasfait le choix de lhtrosexualit, je suis n htrosexuel. Vous faites

    le choix de rvler votre homosexualit, mais je ne pense pas quevous layez dcide 60. La mise en scne publique de lhtrosexua-lit a galement volu : pendant et la suite de llection prsi-dentielle de 2007, on a assist une construction indite des deuxcandidats finalistes en couple htrosexuel et adultre. Si ladultreest celui du/de la conjoint-e, ses effets restent bien genrs : il signifiela faiblesse de Sgolne Royal (humilie), et la force de NicolasSarkozy (dans sa tentative de reconqute). La virilit, analyse ricFassin, ce nest donc plus de pouvoir contrler son pouse, selon

    le modle traditionnel, mais davoir la force de la regagner, soit ungenre (post-)modernis 61. Mais le divorce prononc fin 2007 vient nouveau modifier la stratgie du Prsident. Si sa tentative dereconqute a chou, il lui importe de rapidement (re)donner desgages de virilit, dans un registre beaucoup plus traditionnel. CarlaBruni apparat comme un nouveau trophe une vritable perfor-mance au double sens du terme, rtablissant lordre des genres,rapidement lgitim et solennis par un (nouveau) mariage 62. La

    nouvelle premire dame de France cohabite (et rivalise) dans lesmdias avec les autres femmes de lentourage proche du Prsident.

    60. Loutinghtrosexuel de Sarkozy, par lui-mme, sest encore rvl le jour de sa venueau Salon de lagriculture. Si tout le monde se rappelle le Casse toi ! Sale con dece 23 fvrier 2008, rares sont ceux qui ont not que quelques heures auparavant,dfendant la Loi Daty sur la rtention de sret, il commet ce lapsus entre pdo-philes et pdphiles .

    61. . Fassin, Poignes damour. Entretien , art. cit, p. 33.62. Un seul Prsident stait jusquici mari lors de son exercice : il sagit de Gaston

    Doumergue, radical, protestant, Prsident de 1924 1931, ayant pous Jeanne-Marie Gaussal, agrge de luniversit le 1er juin 1931, devant le maire du 7e arron-dissement venu spcialement llyse (exemple reproduit par Sarkozy et Bruni).

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    Les femmes du Prsident

    Ses ministres

    La prsence de femmes ministres au gouvernement en Franceest lie aux principes de recrutement principalement luvre enfonction des conjonctures politiques et des normes de slection despartis politiques au pouvoir. Alors que le recrutement ministrielsous la IVe Rpublique tait orchestr par des logiques parlemen-taires, depuis 1958 il est aussi frquent de faire appel des pro-fanes , plus exactement des acteur-rices ne disposant pas de man-

    dats lectifs

    63

    . Le profil des femmes nommes au gouvernementfranais sous la Ve Rpublique (par ailleurs toujours sous-reprsen-tes) reflte ces critres classiques. On trouve celles qui bnficientdune lgitim lective (dputes, snatrices), celles qui sont choisiespour leur appartenance la direction dun parti de la coalitiongouvernementale ou un courant interne au parti majoritaire, etles femmes du Prsident , recrutes par le fait du Prince soit aunom de leur expertise professionnelle (narquesses, mdecins,juristes) soit au nom de leur visibilit mdiatique.

    Le gouvernement Fillon se veut en rupture avec les prati-ques de recrutement prcdentes, en saffirmant paritaire, resserret ouvert . Il comporte de fait des personnalits de gauche et desfemmes, parfois des postes-cls, et notamment de jeunes femmessans grande exprience politique, issues pour certaines de limmi-gration (Rachida Dati, Rama Yade, Fadela Amara). Le choix duPrsident introduit donc effectivement un certain trouble dans lesfilires habituelles. Le coup consiste avec ce gouvernement

    paritaire (en ralit fminis 35 %) donner des gages aux Franaises , tandis que la dsignation de femmes issues de limmi-gration permet dincarner conjointement le renouvellement (ellessont jeunes et sans grande exprience politique), la loyaut (ellesdoivent tout leur mentor) et la diversit. Surtout, la promotionde ces femmes la trajectoire ascendante, conduit mettre enlumire une certaine intgration , que lon suggre exemplaire.Elle est celle de jeunes filles diplmes, laques, jeunes et jolies,bonnes lves de la Rpublique et bonnes clientes des mdias.

    63. Voir D. Gaxie, Immuables et changeants : les ministres de la Ve Rpublique , Pou-voirs, no 36, 1986, p. 61-78. Les modes de recrutement des gouvernements de droiteet de gauche se sont par ailleurs rapprochs.

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    Nicolas Sarkozy apparat comme le premier promouvoir et pro-tger des personnes issues de limmigration des postes aussi impor-tants, et en mme temps instrumentalise le fminisme des fins

    nationalistes 64, comme en tmoignait, dj, sa dclaration devantla commission STASI en novembre 2003 : Je crois au contrairequil existe un islam de France quil faut reconnatre pour mieuxsopposer lislam en France. Je crois un islam dbarrass desinfluences trangres, respectueux de la femme et parfaitementcompatible avec nos pratiques rpublicaines , et son discours ri-tr lors de la campagne de 2007 : Ceux qui veulent soumettreleur femme, ceux qui veulent pratiquer la polygamie, lexcision ou

    le mariage forc, ceux qui veulent imposer leurs surs la loi desgrands frres, ceux qui ne veulent pas que leur femme shabillecomme elle le souhaite [nont rien faire en France] 65.

    Sauver leurs femmes

    Cette posture paternaliste et viriliste lencontre des femmesdescendantes de limmigration post-coloniale se redouble locca-sion du voyage de Nicolas Sarkozy au Sngal, et de son discours

    du 26 juillet 2007 Dakar. Le Prsident franais est alors venudire aux jeunes dAfrique (sic) : (...) que lhomme modernequi prouve le besoin de se rconcilier avec la nature a beaucoup apprendre de lhomme africain qui vit en symbiose avec la naturedepuis des millnaires [...]. Le drame de lAfrique, cest que lhommeafricain nest pas assez entr dans lhistoire. Le paysan africain, quidepuis des millnaires, vit avec les saisons, dont lidal de vie estdtre en harmonie avec la nature, ne connat que lternel recom-

    mencement du temps rythm par la rptition sans fin des mmesgestes et des mmes paroles 66. Cet loge ethnocentrique, condes-cendant et no-colonialiste 67 quil adresse lhomme africain de l-bas et alors mme quil prcise que par homme il entend

    64. Pierre Tevanian, United Colors of Travail Famille Patrie. Quelques remarques surune rvolution conservatrice , Mouvements, no 52, nov-dc 2007, p. 74-81.

    65. Dclaration de Nicolas Sarkozy lors du meeting de lUMP Toulon le 7 fvrier 2007(cite dans Plein droit, no 75, dcembre 2007.

    66. http://www.elysee.fr/elysee/elysee.fr/francais/interventions/2007/juillet/allocution_a_l_universite_de_dakar.79184.html

    67. Cf. Achille Mbembe, Le Prsident franais, lme africaine et le continent immo-bile , aot 2007, Mouvements, http://www.mouvements.info/spip.php?article144 etMakhily Gassama et al., LAfrique rpond Sarkozy : contre le discours de Dakar, Paris,Philippe Rey, 2008.

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    ici les hommes et les femmes africains est le pendant de sondiscours sur les femmes racialises dici . Se prsentant comme lesauveur, champion rpublicain de lintgration, des femmes des-

    cendantes de limmigration post-coloniale, il parle lhomme afri-cain rest dans le temps cyclique de la nature laquelle il ne sauraitsarracher et le somme de prendre ses responsabilits, dassurer lui-mme son dveloppement. La venue de lancienne dpute hollan-daise dorigine somalienne, Ayaan Hirsi Ali, accueillie en fvrier2008 par Rama Yade, est ainsi particulirement reprsentative delusage politique qui est fait du genre, du sexuel, de lintime, dansla rhtorique de Sarkozy sur la question du Nous (Europens,

    Occidentaux) et des Autres / Eux / Vous (Africains, Musul-mans...) : chaque femme martyrise dans le monde, je veux quela France offre sa protection en lui donnant la possibilit de devenirfranaise (a-t-il dclar le 29 avril 2007 Bercy). La couleur delidentit sexuelle de Sarkozy na jamais t aussi blanche . Soncapital corporel identitaire est construit autour de cette virilit occidentale , civilisatrice , prdatrice qui alimente les fan-tasmes racistes dune socit enjoignant les femmes racialises de se laisser sauver par l homme blanc et les hommes barbariss

    de se sauver eux-mmes... chez eux .

    En guise de conclusion : Carla lamoureuse, Walt Disney et le mprisde classe

    15 dcembre 2007, Eurodisney. Les photos du couple Bruni/Sarkozy, au moment o la popularit du Prsident est en chute

    libre et en proportion inverse de celle de son discret et policPremier ministre Franois Fillon dchanent la chronique. Cellequi deviendra premire dame de France le 2 fvrier 2008, reprsentedsormais la femme franaise . Fille dune trs grande famille dela bourgeoisie argente italienne, elle est pourtant identifie lex-top model, la chanteuse populaire, la croqueusedhommes ... la fois utile ressource symbolique, politique etculturelle, comme la tout particulirement fait remarquer la pressebritannique lors du voyage du couple prsidentiel en mars 2008 enGrande-Bretagne, pour un Prsident critiqu pour sa vulgarit, elleest aussi lincarnation dun fantasme sexuel. Du candidat bling-bling au Prsident Walt Disney, larrive de Carla Bruni vient cris-talliser les reproches de peopolisation , d amricanisation de

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    la vie politique franaise et, partant, de dsacralisation de la fonctionprsidentielle. Ces critiques sont le fait dintellectuels ou de politi-ques nostalgiques, aussi, dune certaine virilit privilge , sensuel-

    lement vanescente, dsincarne, lettre, autrefois dominante enpolitique. Critique de classe sil en est. La dsacralisation de la fonc-tion prsidentielle serait leffet dune dmocratisation du corps,du sexe mme du Prsident : palpable, ostensible, familier, vul-gaire... Au fond, le corps du Prsident, pour la premire fois peuttre dans lhistoire de la Ve Rpublique, incarne concrtement, par-faitement ce peuple franais suppos, tant convoit, dans uneforme de reprsentativit ngative : le Prsident, cest juste un mec,

    blanc, htro, moyennement sexiste et homophobe et tendanciel-lement raciste.

    Catherine Achin est matresse de confrences en science politique luniversit Paris 8 et chercheuse au CSU (Cultures et Socits Urbaines).Ses recherches portent sur la profession politique et la sociologie du genre.Elle a notamment publi : (avec Lucie Bargel, Delphine Dulong et al.),

    Sexes, genre et politique, Paris, Economica, 2007 ; avec Sandrine Lvque,Femmes en politique, Paris, La Dcouverte, 2006 ; Le mystre de la chambrebasse. Comparaison des processus dentre des femmes au Parlement, France-Allemagne, 1945-2000, Paris, Dalloz, 2005.

    Elsa Dorlin est matresse de confrences en philosophie luniversitParis 1 Panthon-Sorbonne et chercheuse lquipe dAccueil Philoso-phies Contemporaines et co-responsable du programme ANR jeuneschercheuses/cheurs BIOSEX. Ses recherches portent sur la philosophie

    fministe, lhistoire du racisme et les tudes post-coloniales. Elle a notam-ment publi : Sexe, genre et sexualits, Paris, PUF, philosophies , 2008,La Matrice de la race. Gnalogie sexuelle et coloniale de la Nation franaise,Paris, La Dcouverte, 2006 et a dirig, Black Feminism. Anthologie dufminisme africain-amricain (1974-2000), Paris, LHarmattan, 2008.

    RSUMNicolas Sarkozy ou la masculinit mascarade du Prsident

    Lanalyse de la construction de lidentit stratgique du Prsident de la Rpu-blique Nicolas Sarkozy dvoile la faon dont lidentit sexuelle travaille le rle

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    prsidentiel, mais aussi comment elle peut tre dfinie comme un capital cor-porel identitaire qui fonctionne plein dans et pour le corps politique. Linves-tissement exacerb, explicite et indit du Prsident dans une virilit ressource se comprend en effet dans le contexte paritaire franais et son duel avec SgolneRoyal, mais aussi par une logique compensatoire lie la structure de ses capitauxet sa trajectoire. Nicolas Sarkozy retourne en ressources des stigmates apparents,par la revendication dune rupture dans le style prsidentiel, qui passe notam-ment par la mise en avant dune masculinit populaire et dcomplexe. Pour lapremire fois au sein de la Rpublique universaliste, la virilit nest donc plusun privilge implicite, mais apparat comme un capital comme un autre.

    Nicolas Sarkozy or The Presidential Masculinity Masquerade

    An analysis of the construction of President Sarkozys strategic identity reveals howsexual identity informs the role of the French president, though also how it can bedefined as an identity-building bodily asset that plays on the concept of the bodypolitic. The presidents excessive, explicit and unprecedented investment in virilityensues from the context of gender parity in French politics and Sarkozys electoralduel with Sgolne Royal, but also from a compensatory strategy owing to the structureof his political capital and to his career trajectory. Nicolas Sarkozy transforms appa-rent liabilities into assets by claiming to effect a sea change in presidential style,which in particular involves stressing his relaxed and highly popular manliness. Forthe first time in the universalist Republic, virility no longer appears an implicitprivilege, but a political asset like any other.

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