Rapport Attali

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XO ditions, La Documentation franaise, 2010. ISBN : 978-2-84563-509-8

Commission pour la libration de la croissance franaisePrside par

Jacques Attali

Une ambition pour dix ansUne mobilisation gnrale pour librer la croissance et donner un avenir aux gnrations futuresRapport

SommairePrface de Jacques Attali...................................................................7 SYNTHSE DU RAPPORT : POUR LES GNRATIONS FUTURES.............................................11 PREMIRE PARTIE : QUELLE FRANCE EN 2020 ? .........................25 DEUXIME PARTIE : UNE STRATGIE POUR DIX ANS ................71 I. Deux urgences : le dsendettement et lemploi........................75 II. Prparer la croissance de demain : assurer nos enfants une ducation et un environnement de qualit......................135 CONCLUSION : CONDUIRE ET RUSSIR LE CHANGEMENT ....163 Annexes ..........................................................................................165 Les 42 membres de la Commission..............................................211 For future generations (synthse du rapport en anglais) ..................................................239 Fr die Knftigen Generationen (synthse du rapport en allemand) ..............................................252 Table ................................................................................................2685

PrfaceJacques AttaliQuon ne sy trompe pas : la situation de la France est grave. Notre pays est encore trs riche, dot dimmenses atouts. Il doit cependant comprendre quil est menac de dclin, par son endettement, son chmage et son insuffisante prparation lconomie du savoir. Il conserve, pour quelque temps encore, les moyens de retrouver les chemins de la croissance, de lquit et du bien-tre de tous ses habitants. Telle est la principale conclusion du deuxime rapport de cette Commission, prpar la demande du prsident de la Rpublique. Comme la premire fois, nous avons travaill avec une seule obsession : penser et parler au nom des gnrations venir, celles qui nont pas encore la parole. Pour dire aux gnrations aujourdhui au pouvoir, dans ltat, les entreprises et la socit civile, ce que nous pensons quelles doivent accomplir pour laisser leurs successeurs une France harmonieuse, libre et riche. Laccueil de notre premier rapport il y a deux ans et demi nous a encourags continuer rflchir ; non seulement parce que lopinion publique sy est beaucoup intresse, mais aussi parce quil a t la source dune trs grande partie des rformes entreprises depuis sa parution : un tiers de nos propositions a t entirement mis en uvre. Nous le constatons avec plaisir. Mme si nous regrettons quun tiers de nos propositions nait t quincompltement appliqu, et quun dernier tiers ne lait pas t du tout.7

Une ambition pour dix ans

Ce deuxime rapport se situe videmment dans un contexte radicalement nouveau, celui dune France prise dans le tourbillon dune crise qui bouleverse le monde occidental. Elle rend dautant plus ncessaire lapplication de lensemble de ce que nous avions propos, mais aussi de mesures plus audacieuses encore. Au cours de nos mois de travail, nous avons entendu des centaines de points de vue, auditionn des centaines dlus, de syndicalistes, dexperts, de reprsentants des milieux les plus divers. Nous avons t fascins par la France et ses contradictions. Ce grand pays dispose dimmenses atouts : sa classe ouvrire, ses entrepreneurs, ses ingnieurs, ses cadres, ses paysans, ses professeurs, ses hauts fonctionnaires, ses mdecins, ses crateurs sont des gens passionns, comptents et dune beaucoup plus grande lucidit que ne le croient les hommes politiques, euxmmes souvent trs conscients des enjeux. Femmes et hommes venus de tous les milieux, anims des convictions les plus diverses, nous avons pu nous mettre daccord sur un programme trs ambitieux. Pour nous, ce programme doit tre appliqu pendant dix ans, quelles que soient les majorits politiques qui se succderont. Chaque majorit, naturellement, le compltera en fonction de ses prfrences propres. Nous avons ainsi montr, en arrivant un accord entre nous, quil est possible, sans cder aux intrts catgoriels, de dgager un compromis autour dun projet srieux, ambitieux, raliste, dans lintrt du pays. Un projet quitable librant les formidables potentiels dune croissance roriente. Nous pensons que sa mise en uvre durable, entte, constitue une des dernires chances pour ce pays de conserver son rang. Saisissons-la. Ensemble.

Les membres de cette Commission ont bnfici du travail et de la comptence de dizaines de rapporteurs et de la contribution dinnombrables experts, franais et trangers. On en trouvera la liste en annexe. En particulier, ladministration franaise a ouvert tous ses dossiers et a partag sans rserve ses rflexions avec la Commission. Quils en soient tous remercis. Ce rapport nengage naturellement que les membres de cette Commission.

Synthse du rapport1

Pour les gnrations futuresUne crise majeure se droule dans les pays dvelopps. Elle a frapp la France alors mme que notre pays tait loin davoir mis en uvre lensemble des transformations ncessaires pour retrouver le chemin dune croissance durable. Dautres mouvements profonds conomiques, financiers, sociaux et politiques sont engags travers le monde. Ils ont des rpercussions en France dans chaque foyer, dans chaque entreprise, dans chaque institution. Des mutations technologiques et culturelles sont en cours et bouleversent chaque jour nos modes de vie et la hirarchie des puissances. Notre pays doit prserver son rang dans ces formidables changements. Nos enfants et les gnrations suivantes doivent pouvoir voluer dans une conomie prospre leur permettant de prserver la cohsion de notre socit, et de peser sur les volutions du monde auxquelles ils seront confronts. Pour cela, notre pays devra notamment mettre en uvre lensemble des rformes proposes dans notre premier rapport, dont prs des deux tiers ont t totalement ou partiellement mis en uvre.

1. Le lecteur trouvera p. 239 la traduction de cette synthse en langue anglaise et p. 252 la traduction en langue allemande. Nd.

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Une ambition pour dix ans

En particulier, les bouleversements des deux dernires annes imposent dsormais une action prioritaire sur un nombre limit durgences. Les recommandations de ce second rapport viennent donc prciser et hirarchiser les prconisations de notre premier rapport, en fonction durgences nouvelles. Ces recommandations forment la trame dune stratgie de transformation que nous proposons pour les dix prochaines annes, socle commun de rformes que tout gouvernement, quelle que soit son orientation politique, devra mettre en uvre, indpendamment dautres rformes que chaque majorit pourrait souhaiter appliquer selon ses choix politiques, pour laisser demain, nos enfants, la possibilit de faire, eux aussi, librement des choix collectifs. Ce socle commun repose sur le respect de trois exigences fondamentales : une exigence de vrit : la France se trouve dans une situation trs difficile : comptitivit en baisse ; difficult retenir jeunes, chercheurs et entrepreneurs ; dette, chmage et prcarit. Le pays doit connatre lampleur de ces ralits et en reconnatre les implications. Le pays doit aussi mesurer ses atouts, qui sont considrables : sa dmographie se distingue de celle de ses partenaires europens par sa vitalit. Il reste dynamique avec ses grands groupes industriels internationaux et ses PME innovantes ; il reste un pays cratif avec ses chercheurs, ses mathmaticiens, ses ingnieurs, ses cadres, ses artistes, ses artisans, ses ouvriers ; un pays socialement dynamique grce la capacit dadaptation de sa population ; un pays attractif pour les investissements ; un pays dont la croissance a t suprieure la croissance en Allemagne de prs dun point par an en moyenne au cours des dix dernires annes ; une exigence dquit : compte tenu de leffort dune ampleur ingale en temps de paix qui sera demand au pays, laction dtermine et ncessaire que doivent conduire les gnrations aujourdhui au pouvoir ne pourra tre mene bien que si elle est ressentie comme lgitime par tous. Chacun doit donc avoir le sentiment que les efforts sont quitablement rpartis et quexistent de vritables opportunits de mobilit sociale. L encore, le pays a beaucoup datouts. Avec un systme de protection sociale unique au monde, et en dpit des difficults inhrentes la crise que nous traversons, nous sommes lun des pays dvelopps les12

Une ambition pour dix ans. Synthse : pour les gnrations futures

moins ingalitaires tant en termes dcarts de revenus que de distribution du patrimoine1 ; un pays o le taux de pauvret des seniors ne cesse de se rduire ; une exigence de lgitimit : laction ncessaire pour rformer le pays suppose une gouvernance publique efficace, des responsabilits claires des acteurs publics, un suivi en temps rel des rformes et une valuation de leur mise en uvre. L encore, en dpit des doutes quinspirent parfois beaucoup de nos compatriotes les faiblesses dans le fonctionnement de nos institutions, la France a beaucoup datouts, avec une dmocratie trs vivante et une vie associative extrmement active.

Retrouver la croissance conomique est ncessaire et possibleSans nouvelles politiques pour stimuler lemploi et quilibrer les finances publiques, la croissance restera trs faible. Et notre socit se trouvera bientt dans une impasse conomique, financire, cologique et sociale, et donc politique. La conjonction du vieillissement dmographique en cours et du dsquilibre de nos finances publiques place en effet la France sur une pente trs dangereuse dendettement croissant et de perte de comptitivit. Sans un redressement trs rapide des finances publiques, la dette publique du pays dpassera largement 100 % du PIB en 2020, sans mme compter limpact des retraites. Bien avant datteindre un tel niveau, elle entranera un dclin du niveau de vie de chaque Franais, concentrera une part croissante des recettes fiscales sur le financement de la dette au dtriment des services publics et rendra impossible toute reprise. La croissance potentielle franaise, aujourdhui proche de 1,5 % se rduirait encore, engageant un cercle vicieux : plus de dette, moins de croissance, moins demploi, plus dinjustices, plus de dficit et plus de dette

1. Les 10 % les plus riches dtiennent 38 % du patrimoine en France, contre 54 % en Allemagne, 58 % en Sude et 71 % aux tats-Unis (Source : OCDE Croissance et ingalits : distribution des revenus et pauvret dans les pays de lOCDE, 2008).

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Une ambition pour dix ans

Une nouvelle stratgie de croissance est donc indispensable. Une croissance roriente, socialement et cologiquement plus durable. Pour crotre plus. Pour crotre autrement. Pour crotre pour tous. Cette nouvelle stratgie est possible. La France est capable datteindre une croissance conomique moyenne dau moins 2,5 % du PIB chaque anne lhorizon 2020. Cela suppose des gains de productivit de 2 % par an et se traduira par une rduction du chmage structurel 4,5 % de la population active. Lexprience engage par plusieurs de nos voisins montre que cela est possible. La situation actuelle de la France, la volont de tous les Franais de faire les efforts ncessaires pour vivre mieux montrent que les transformations ncessaires pour y parvenir sont notre porte.

La France que nous voulons pour 2020Notre Commission veut parler au nom des gnrations futures et dfendre leurs intrts. La France que nous voulons doit donc donner sa jeunesse la priorit dans toute action publique. Notre ambition pour la France nest donc pas seulement de voir notre pays survivre cette crise, mais que chaque Franais puisse donner toute sa mesure et accder aux meilleures opportunits pour lui-mme et pour ses enfants. Notre ambition est que notre conomie soit plus comptitive, la socit plus libre, plus confiante et plus sre et que le pays tire le meilleur parti de la croissance mondiale. La France peut et doit btir une socit ouverte aux innovateurs, aux entrepreneurs, aux animateurs de la vie sociale, aux crateurs, aux investisseurs. Nous ne voulons pas dune France de privilges, crispe sur des rentes. Notre pays doit favoriser la mobilit interne et externe. Notre pays doit favoriser la vie sociale et associative, condition de la dmocratie, de la qualit de la vie et de la rorientation de la croissance. La France doit tre accueillante ceux qui veulent concourir sa croissance par leur travail. La France peut et doit btir une socit plus juste et plus mobile notamment vis--vis des jeunes gnrations, en jugulant le dcrochage scolaire, en facilitant la mobilit sociale et en rcompensant le travail par le succs.14

Une ambition pour dix ans. Synthse : pour les gnrations futures

Pour y parvenir, une nouvelle stratgie de croissance, financirement et socialement durable, est ncessairePour y parvenir, nous avons identifi les points cls des rformes ncessaires, conditions principales de la croissance, priorits des priorits, au regard des autres rformes, encore dactualit, de notre prcdent rapport. Nous proposons donc une stratgie dix ans organise autour de : deux urgences : le dsendettement, pour prvenir le drame de la perte de souverainet, et lemploi, pour mettre fin au scandale du chmage de masse et, en particulier, celui des jeunes ; deux priorits de long terme : lducation et la gestion des grands secteurs de croissance, dont lenvironnement, les ressources naturelles et les grandes infrastructures. En effet, nous ne voulons pas transmettre aux gnrations suivantes une France croulant sous une montagne de dettes et de retraites non finances. Nous voulons au contraire leur laisser une France souveraine, indpendante de ses cranciers internationaux, libre de conduire ses politiques, disposant de ressources fiscales suffisantes pour engager des programmes publics. Pour y parvenir, nous considrons donc quil est absolument ncessaire, et possible, de ramener la dette publique vers 60 % du PIB ds la fin de cette dcennie. Cest notre premire urgence. Pas de croissance sans dsendettement, pas de dsendettement sans croissance. Nous refusons le fatalisme du chmage de masse, avec un taux de chmage des jeunes qui dpasse les 20 %. Cest la fois un frein la croissance, une injustice et un gchis. Nous voulons une socit de plein-emploi. Cest notre seconde urgence. Nous ne voulons pas dune France o le niveau dducation recule, comme cest le cas aujourdhui, en particulier dans lenseignement primaire. Ce recul constitue un obstacle la croissance, dans lconomie de la connaissance et la mondialisation. Lcole primaire doit tre largement rforme. Cest notre premier grand chantier de long terme. Nous ne voulons pas lguer aux gnrations suivantes un environnement dgrad, des infrastructures insuffisantes et une15

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socit imprpare la rarfaction du ptrole et de nombreuses autres ressources environnementales. Cest notre second grand chantier de long terme.

PREMIRE URGENCE Regagner la matrise de nos finances publiques, socle de la croissance et de la solidaritCest dabord au nom de lquit entre les gnrations et de la prservation de lavenir des gnrations futures que la France doit viser un retour lquilibre des comptes publics lhorizon 2020 et un reflux de la dette publique vers 60 % du PIB.

Lurgence est de ramener au plus vite, cest--dire en 2013, le dficit public sous le seuil de 3 % du PIB.Le programme de stabilit franais, qui vise ramener le dficit 3 % en fin de priode, doit tre respect. Pour y parvenir, si la croissance du PIB est de 2 % par an, leffort accomplir par rapport lvolution spontane des finances publiques est de 25 milliards deuros chaque anne, soit au total 75 milliards deuros dici 2013. Cet ajustement, considrable, pourra tre obtenu par des conomies de dpenses pour 50 milliards deuros et par un largissement des assiettes fiscales et sociales, cest--dire une hausse des impts pour 25 milliards deuros. Une priorit claire doit tre donne aux conomies de dpenses (50 milliards deuros en trois ans). Il est possible de les rduire sans dgrader la qualit de service rendu. Le poids de la dpense publique reflte en effet, pour une part, lempilement des chelons administratifs, la prolifration des organismes parapublics, un recours insuffisant ladministration lectronique, des modes de gestion encore archaques des tablissements publics comme les universits et les hpitaux. De plus, certaines dpenses budgtaires ou fiscales ne correspondent qu des rentes captes par certains groupes sociaux ou certaines professions. Et lexprience internationale montre que les redressements des comptes publics portant en priorit sur la dpense sont gnralement les plus prennes. Les conomies de dpenses ne suffiront pas et il faut aussi largir lassiette des prlvements fiscaux et sociaux (25 milliards16

Une ambition pour dix ans. Synthse : pour les gnrations futures

deuros en trois ans). De fait, les programmes de redressement des comptes publics engags dans les pays dvelopps ont tous agi la fois sur une rduction des dpenses et un accroissement des prlvements. En particulier, il convient de rduire ou de supprimer des niches fiscales et sociales ayant des effets antiredistributifs ou favorisant les plus privilgis, par exemple lpargne et les plus-values du capital bnficiant dun rgime fiscal drogatoire. Ce qui revient augmenter les impts. Par ailleurs, il convient, pour des raisons dquit, de rexaminer la fiscalit sur les successions. Lensemble de ces augmentations dimpts sera hors bouclier fiscal. Le plan de redressement des finances publiques que nous proposons ici est : raliste : il ne conduit pas une rduction du niveau des dpenses publiques totales, mais seulement sa moindre progression ; quitable : ce plan protge le pouvoir dachat des plus dmunis et protge les gnrations futures ; quilibr : il conserve totalement luniversalit de ltat-providence et partage le poids des efforts accomplir entre ltat, les collectivits locales et la Scurit sociale. Si la croissance prvue et ncessaire nest pas au rendez-vous, la mi-2011, le retour un dficit public de 3 % du PIB en 2013 passera par lacclration des rformes nonces dans la suite de ce rapport, et par des mesures complmentaires. Ces mesures devront tre discutes en France avec les reprsentants des excutifs locaux et les partenaires sociaux, dont ladhsion la stratgie de dsendettement est indispensable. Elles devront aussi faire lobjet dune coordination avec celles de nos partenaires europens, en particulier allemands. Sans ces actions nouvelles, le retour du dficit 3 % du PIB devra tre report.

Au-del de 2013, la poursuite du dsendettement passe par la poursuite dun trs profond effort de modernisation des institutions, dans un sens juste et durable, et dune rforme des rgles budgtaires.Pour atteindre un niveau dendettement voisin de 60 %, afin de prserver les fondements de notre tat-providence, il faudra continuer tout au long de la dcennie leffort pour renforcer lefficacit des services publics et la matrise budgtaire ; en particulier grce linformatisation des services publics. Ceci suppose aussi la dfi17

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nition dun nouveau cadre institutionnel de prparation et de contrle budgtaire. Tout doit tre mis en uvre pour moderniser la protection sociale, tout en conservant son universalit. Un systme plus efficace dans sa gestion, plus attentif ceux qui en ont besoin et favorisant les mobilits professionnelles par le rapprochement des statuts. Cela passe en particulier par un rle plus grand confi aux complmentaires sant et lassurance dpendance complmentaire obligatoire ; et par une profonde rforme de la politique du logement, consistant remettre son bnficiaire, le rsident, au cur du dispositif. Tout doit tre aussi mis en uvre pour que le systme fiscal devienne plus efficace et plus juste. Cela passe par une fiscalit plus progressive, fonde sur une meilleure rmunration finale du travail et de la cration, avec, en contrepartie, de nouvelles ressources fondes sur trois assiettes : les dgradations de lenvironnement, la consommation et les patrimoines. Ce redressement des finances publiques au service de la croissance doit pouvoir sappuyer sur une Europe forte qui aidera au dsendettement des tats tout en renforant leur capacit collective investir dans les dpenses davenir. La France doit donc semployer renforcer le Pacte de stabilit et de croissance, dvelopper les financements publics europens en matire de recherche et dinnovation, notamment par la mise en place de fonds europens de capital-risque pour les PME et de fonds de brevets et favoriser les investissements privs de long terme par la mise en place dun cadre rglementaire, comptable et prudentiel appropri.

SECONDE URGENCE Crer des emplois et redonner un avenir aux jeunesLa seconde urgence porte sur lemploi, notamment lemploi des jeunes. Lemploi est un facteur de croissance. Il est aussi une consquence de la croissance. Dabord, tout ce qui amliore la comptitivit des entreprises est favorable lemploi. cette fin, notre Commission recommande de prserver lessentiel des allgements de charges, et de transfrer une partie des charges sociales sur la TVA. Le dveloppement de la concurrence, notamment dans le secteur des services (tl18

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communications, banques et assurance, nergie) constitue galement un aiguillon utile pour favoriser linnovation et pour crer des emplois rpondant des besoins non satisfaits. Par ailleurs, nous proposons dagir dans trois directions. Crer un cadre efficace, cohrent et valorisant pour la recherche demploi travers la mise en place dun contrat dvolution. Cette rforme est majeure. Elle part dun constat : la phase de recherche demploi est utile la fois au chmeur et la collectivit. Elle mrite donc dtre rmunre ; et dtre organise, sous forme dun contrat dactivit dure indtermine, rmunrant lactivit de recherche demploi et de formation. Les bnficiaires auront accs un accompagnement. Ce contrat a vocation devenir terme l offre de rfrence du service public de lemploi en France et il sera propos tous les chercheurs demploi. Ses modalits seront diffrencies selon la distance lemploi du bnficiaire. Il permettra de rduire significativement la dure du chmage et dallonger la dure demploi. Son financement sera assur par un redploiement des dpenses de la politique de lemploi et de la politique de la formation. Utiliser la formation professionnelle pour scuriser les transitions professionnelles. Ceci suppose den modifier profondment le fonctionnement afin den amliorer lefficacit. En plus du fonds paritaire de scurisation des parcours professionnels national, rcemment mis en place, il faudra renforcer lefficacit du systme de formation en crant des fonds rgionaux pour mieux mutualiser les moyens au profit des demandeurs demploi au plus prs des territoires. Rduire la prcarit sur le march du travail, qui inhibe la prise de risque de la part des employeurs et des salaris et qui entrane un gaspillage de talents. Pour inciter lallongement de la dure moyenne des contrats, nous proposons de moduler les cotisations dassurance chmage selon la dure du contrat de travail et de confier aux partenaires sociaux le soin de dfinir un contrat de travail droits progressifs. De plus, pour mettre fin l exception franaise dun chmage des jeunes trs lev, il faut dvelopper deux actions : renforcer les formations initiales en alternance en priorit pour les moins qualifis : lapprentissage, qui a t un succs pour les niveaux denseignement suprieur, doit tre tendu aux formations dun niveau infrieur ou gal au baccalaurat. Une solution serait de donner aux entreprises la possibilit de prrecruter des jeunes et de financer leur formation en change dun engage19

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ment de ces derniers doccuper un emploi pendant une dure minimum (3 5 ans) ; renforcer les formations aprs une premire exprience professionnelle : les allers-retours entre parcours professionnels et formation de type initial devraient tre encourags en dveloppant des cursus universitaires adapts et en assurant aux jeunes un niveau de ressources suffisant.

PREMIRE PRIORIT DE LONG TERME Garantir lducation de nos enfants, de la maternelle luniversitLe systme dducation a longtemps t un atout de la France. Il ne lest plus. Des progrs ont t accomplis par la mise en uvre de notre premier rapport dans lenseignement suprieur. Il nen va pas de mme pour lcole primaire, o saggrave lchec scolaire, et o recule la mobilit sociale. En particulier, les lves en difficult avant leur entre au CP le restent, dans leur quasi-totalit, par la suite. Ce gaspillage de talents finit par se retrouver dans la population active o un trs grand nombre de gens arrivent sous-qualifis : une mauvaise cole primaire est un obstacle la croissance. Pour y remdier, il faut : renforcer lgalit des chances ds la crche et la maternelle. De nouvelles mthodes pdagogiques doivent tre intgres dans la formation des ducateurs de crches et des enseignants de lcole maternelle afin de permettre lacquisition des comptences ncessaires lapprentissage de la lecture. La formation des diffrents intervenants auprs des enfants de moins de trois ans doit tre progressivement harmonise pour faire merger un nouveau type dencadrant ducatif, aux comptences pdagogiques accrues ; renforcer lautonomie et le rle du directeur dcole. Celui-ci devra pouvoir recruter ses quipes pdagogiques et conduire un projet dtablissement. Il devra pouvoir mettre en place des exprimentations pdagogiques innovantes pour amliorer lapprentissage de la lecture et du calcul pour tous les lves. Ainsi, par exemple, une exprimentation pourra tre mene ds 2011 par petits groupes, sous formes dateliers, plusieurs fois par semaine, dans20

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vingt coles primaires par acadmie, puis value de faon indpendante pour tre adapte et tendue, en cas de russite ; mettre en place une vritable gestion des ressources humaines de lducation. Une valuation rigoureuse de lengagement des enseignants doit tre mise en place et influer sur leur carrire. Des obligations accrues de service doivent permettre une plus grande individualisation de laccompagnement des lves. La formation continue des enseignants doit tre substantiellement amliore et des possibilits de deuxime carrire, hors de lducation nationale, doivent leur tre ouvertes. Enfin, lamlioration de la qualit du systme denseignement suprieur passe, conformment aux recommandations de notre premier rapport, par un approfondissement de lautonomie des tablissements et le renforcement des collaborations avec la socit et les entreprises pour favoriser linnovation. Ceci suppose de renforcer la gouvernance des universits, daccrotre la libert de recrutement des enseignants et de slection des tudiants, de dvelopper lvaluation externe, de renforcer la pluridisciplinarit et louverture internationale des universits.

SECONDE PRIORIT DE LONG TERME La prservation de lenvironnement et la gestion des ressources raresPour crotre, la France doit investir bien plus quelle ne le fait dans le dveloppement durable, prserver son environnement et mettre en uvre une stratgie complte de gestion des ressources rares. Dans cette perspective, notre pays doit agir dans trois directions : tablir la vrit des prix cologiques par linstauration dune taxe carbone, si possible au niveau europen. Cette vrit des prix est indispensable pour guider les choix des consommateurs et amliorer la rentabilit des investissements de long terme dans le domaine de lenvironnement ; prparer le pays au renchrissement des matires premires. Et pour cela, en particulier, scuriser laccs de lEurope lnergie en approfondissant le march intrieur de lnergie, en dveloppant les nergies renouvelables et les infrastructures transfrontalires, en adaptant la tarification de lnergie aux exigences du21

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maintien de la capacit produire la quantit dnergie ncessaire et en impliquant davantage lUnion europenne dans les ngociations internationales sur la rgulation des matires premires. En particulier, la France doit scuriser les conditions de financement du renouvellement de ses capacits nuclaires et se doter des moyens dune rflexion stratgique sur le contrle des matires premires vitales. mieux valoriser nos atouts dans la gestion des ressources rares : au-del de nos positions acquises dans le domaine de leau, de lnergie, des dchets, la France doit remettre lagriculture au cur de la stratgie de croissance, en faisant le pari de linnovation et de la recherche. Elle doit aussi lancer une vritable politique de la mer en dveloppant nos ports et en intensifiant lexploration des fonds marins. Par ailleurs, les propositions de notre premier rapport non encore mises en uvre, en particulier sur linnovation et la comptitivit, restent pleinement dactualit. Tous les responsables et les dcideurs de ce pays doivent tre convaincus de lampleur des bouleversements ncessaires pour prserver et moderniser notre modle social, imagin dans la Rsistance, mis en uvre la Libration, dploy durant les Trente glorieuses et abondamment sollicit depuis le premier choc ptrolier. Lensemble de nos propositions forme une ambition pour dix ans. Celle-ci appelle, pour russir, des changements radicaux dans lorganisation de ltat et le rapport au risque et la dmocratie. Elle ne peut tre mise en uvre que si elle runit un consensus social. Pour y parvenir, nous souhaitons, par ce rapport, ouvrir un vaste dbat dans le pays conduisant une mobilisation gnrale. Ce dbat suppose limplication du maximum dacteurs politiques, conomiques, sociaux et culturels. Nous sommes pleinement conscients des difficults inhrentes ces transformations : ltat manque dinstruments daction, car il sest progressivement dessaisi de comptences au profit de lEurope, du secteur priv, des collectivits locales et du dialogue social ; mme si ce sont l des volutions en gnral bienvenues dans leurs principes, celles-ci posent laction publique de vritables problmes de cohrence ;22

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les partenaires sociaux nont pas vritablement dbattu de stratgies communes lgard du long terme. Ils nont en particulier pas dbattu de dsendettement, denvironnement, de lutte contre lillettrisme ; des intrts catgoriels peuvent sopposer telle ou telle rforme, qui ne trouve une raison dtre que pour servir lintrt gnral. Pour rendre possible la mise en uvre des propositions dont il est question plus haut, la Commission propose dagir dans quatre directions. Rformer les institutions politiques, pour quelles permettent mieux ltat dagir : il faut pour cela clarifier les responsabilits institutionnelles actuellement trop enchevtres entre ltat, les collectivits territoriales et les institutions de protection sociale. Il faut tablir une rgle budgtaire de retour lquilibre et sassurer dun vote par le Parlement du programme de stabilit budgtaire. Il faut galement que les politiques publiques fassent systmatiquement lobjet dvaluations indpendantes et que des consquences en soient tires en termes de dpenses publiques. Promouvoir le got du risque. Crotre, cest prendre des risques. La recherche du risque zro mne la russite zro. Linnovation doit tre favorise et assume ; le principe de prcaution doit tre strictement circonscrit. Cela passe notamment par une incitation la recherche, lesprit dentreprise, une juste tarification des ressources rares, un intressement des agents publics la rduction des dficits publics et un financement de la protection sociale plus incitatif, avec des mcanismes de bonus-malus. Organiser une mobilisation gnrale de toute la socit franaise en faveur de sa jeunesse. Les gnrations actuellement au pouvoir doivent rorienter massivement les choix publics pour construire une socit o les suivantes trouveront plus facilement de quoi spanouir et en particulier un travail intressant et un logement de qualit. Cela exige dapprcier systmatiquement chaque projet de dcision publique travers un critre simple : Ce projet est-il utile aux gnrations suivantes ou au contraire compromet-il leur avenir ? . Penser une ambition commune europenne, et notamment franco-allemande. La France et lAllemagne ont dsormais un23

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destin commun. Aucun des deux pays ne peut sen sortir sans lautre. Toutes les rformes qui prcdent devraient donc pouvoir, terme, tre menes en commun avec notre partenaire allemand. La mise en uvre de ces principes devrait permettre dengager lensemble des rformes ici proposes de manire efficace. Notre rapport est termin. Sa vie commence. Nous allons nous employer lexpliquer, le faire connatre, interpeller les acteurs de vie politique et sociale pour demander quil soit mis en uvre. Vite. Durablement. Parce que nous sommes convaincus que, sil ne lest pas, notre pays dclinera. Parce que nous sommes convaincus quil peut ltre, dmocratiquement, sereinement, durablement. Parce que nous navons pas travaill pour nous donner bonne conscience mais pour ouvrir un chemin. Puisse le pays sy engager.

Premire partie

Quelle France en 2020 ?La crise financire apparue en 2007 dcoule pour lessentiel dun endettement priv trs excessif, largement provoqu par les drglements du systme financier amricain. Elle a entran en 2009, en France comme dans lensemble des pays dvelopps, le recul de lactivit le plus violent depuis la crise de 1929 et laggravation des endettements publics dj trs levs. En France, pays riche, puissant et plein de promesses, le retard de croissance qui saccumule avec la crise risque dtre difficile et long rattraper. L aggravation de ltat des finances publiques, dj fragilises par vingt-cinq ans de croissance de la dette publique, psera, si rien nest fait, sur le niveau de vie.

Les problmes de la France en 2010La France bnficie de trs nombreux atouts, dont il sera question plus loin. Nanmoins, elle souffre depuis longtemps de lourds handicaps structurels qui brident sa capacit gnrer de la croissance, augmenter le pouvoir dachat et rduire le chmage et les ingalits. Certains de ces handicaps structurels ne lui sont pas spcifiques et constituent autant de faiblesses europennes.

Le drame du chmage, la rgression de lducation, les difficults daccs au logementDes performances trs mdiocres en termes demploi et de formation professionnelleLa France a abord la crise avec un taux de chmage trs lev (7,8 % en 2008 contre 6,1 % pour la moyenne OCDE). Cette situation dgrade nest malheureusement pas nouvelle et perdure depuis prs de trente ans. Elle reflte de nombreux dsquilibres. La mobilit reste faible, en particulier les perspectives de reclassement aprs un pisode de chmage. Ceci se traduit par un risque lev de chmage de longue dure, puisque 40 % des chmeurs nont pas retrouv de travail depuis plus dun an. La flexibilit des entreprises pse principalement sur les travailleurs prcaires, sous la forme de CDD, de contrats intrimaires et de stages. Elle porte de faon disproportionne sur un nombre limit de personnes en contrats prcaires, et principalement les jeunes travailleurs. La mobilit est trop souvent un choc ngatif27

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subi par les travailleurs, qui entrane de longues priodes o le chmage alterne avec des emplois prcaires. L accs un nouvel emploi stable peut prendre plusieurs annes. Les contrats en intrim et les CDD concentrent deux tiers des embauches (tout en ne reprsentant que 12 % des individus en emploi). Si cette volution a permis de prserver la majorit des employs, cela sest fait au prix dune forte augmentation de la prcarit, particulirement discriminante pour laccs au logement ou au crdit, qui empche les travailleurs prcaires de participer pleinement lconomie du pays et de se projeter dans lavenir avec confiance. La France de 2010 a le pire des deux mondes : un march du travail rigide et un sentiment dinscurit lev. Par ailleurs, elle se distingue par un trs faible niveau dactivit aux ges extrmes : parmi les principaux pays industrialiss, la France a, en 2008, un taux dactivit record pour les actifs de 25 54 ans (88,8 %) mais lun des taux dactivit les plus faibles pour les jeunes (37,5 %) et pour les plus de 55 ans (40 %). Ds 2008, le taux de chmage des jeunes de 15 24 ans tait en France de 18,1 %, contre 10,4 % en Allemagne, 7,2 % au Danemark ou 12,8 % aux tats-Unis. La crise a aggrav cette situation. Les difficults dinsertion professionnelle touchent la fois des jeunes sans diplme et une part non ngligeable de jeunes diplms qui alternent pendant plusieurs annes des priodes de chmage et des priodes demploi prcaire avant daccder une certaine stabilit de lemploi. Le taux demploi des seniors (55-64 ans) en 2009 est de 38,4 % en France contre 45,9 % en moyenne dans lUnion europenne, 54,7 % en Allemagne, 58 % au Royaume-Uni et 70 % en Sude. Cette situation tient la fois au fonctionnement du march du travail qui privilgie les salaris en place ( insiders ) par rapport aux exclus de lemploi, au cot excessif du travail, notamment pour les bas salaires, et aux inefficacits du systme de formation professionnelle. Les inefficacits de lorganisation de la formation professionnelle en France sont connues : la formation bnficie encore prioritairement aux salaris les plus forms et aux salaris des grandes entreprises. La mutualisation entre petites et grandes entreprises conduit parfois paradoxalement une redistribution lenvers (des petites entreprises vers les grandes). Les formations courtes dadaptation au poste prdominent. Le systme de formation profession28

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nelle est trs complexe, et sa gouvernance mal dfinie entre de nombreux acteurs. Cette caractristique est en soi une faiblesse qui renforce les imperfections que nous venons de mentionner : le dispositif former ou payer 1 est peu adapt dans son principe : un tel systme sanctuarise leffort accompli, nest pas incitatif pour les grandes entreprises qui dpensent spontanment plus que lobligation et est manifestement inefficace pour les PME qui paient et ne forment pas ; la formation professionnelle des salaris est principalement construite autour dune logique de branche, obstacle potentiel aux mobilits intersectorielles, et qui pose problme lorsque les branches nont pas la taille suffisante pour laborer une politique de formation professionnelle efficace ; lintermdiation par les organismes de collecte est trop atomise et ceux-ci nont pas la masse critique pour peser sur loffre, dvelopper une offre de services, conseiller les PME

Un niveau dducation primaire en rgressionSelon des tudes rcentes2, en France prs de la moiti des lves en fin de CM2 nont pas acquis les capacits en lecture et calcul permettant daccder lautonomie. Parmi ces lves, 15 % souffrent de difficults particulirement importantes : lexique trs limit, difficults de comprhension, repres mthodologiques trs insuffisants. Malgr des moyens financiers suprieurs ceux engags par ses voisins de lOCDE, les rsultats de la France sont mdiocres. Le plus proccupant est la rgression du niveau de lecture, dcriture et de calcul, la France enregistrant en particulier en mathmatiques la plus forte baisse de score des pays de lOCDE entre 2003 et 2006. Ces lacunes du primaire ne peuvent tre rattrapes dans la suite du cursus scolaire. La distribution des niveaux entre lves, cristallise lissue du CP se retrouve en fin de CM2 (60 % capables, ,

1. Pour une analyse thorique plus approfondie, se reporter utilement La formation professionnelle des adultes : un systme la drive, Pierre Cahuc et Andr Zylberberg, document de travail du Centre dobservation conomique (COE). 2. OCDE avec les tests PISA (Programme for International Student Assessment), IEA avec les tests PIRLS (Progress in International Reading Literacy), enqutes DEPP du ministre de lducation nationale et de lINSERM sur la dyslexie Le rapport du Haut Conseil de lducation avait ds 2007 attir lattention sur ces rsultats (Bilan des rsultats de lcole 2007. Lcole primaire).

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25 % fragiles et 15 % en grande difficult) puis en fin de secondaire suprieur (64 % bacheliers, 20 % BEP/CAP seulement et 16 % sans diplme)1. En particulier, le recul des connaissances mathmatiques en fin de primaire risque daggraver terme le dficit dingnieurs constat depuis plusieurs annes. Cette faible performance du systme ducatif franais est socialement ingalement rpartie2. La France est le pays dvelopp o la part des rsultats explique par lorigine socio-conomique de llve est la plus forte (21 % contre 14,4 % en moyenne pour les pays de lOCDE). 30 % des lves de terminale S ont des parents cadres ou issus de professions intellectuelles, et seulement 15 % des parents ouvriers3. 75,7 % des enfants de cadres et de professions intellectuelles suprieures ont un bac gnral et 8,1 % ont un bac professionnel, alors que seuls 34,6 % des enfants douvriers ont un bac professionnel et 34 % un bac gnral. Enfin, seuls 5,7 % des lves de classes prparatoires ont des parents ouvriers, alors quils sont 49,3 % avoir des parents cadres et professions intellectuelles suprieures. Le dernier rapport de lobservatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS) montre que les carts se creusent encore entre lves en ZUS et hors ZUS. Deux fois plus denfants de ZUS que dans les autres quartiers y accusent en sixime un retard de deux ans, par exemple. Par ailleurs, on constate une forte ingalit devant lcole entre les enfants issus de limmigration et les autres. Cette situation inquitante sexplique essentiellement par trois facteurs : un systme qui ne mise pas sur le matre dcole et lindividualisation pdagogique : en effet, comme le rvlent de nombreuses tudes en France et ltranger4, l effet matre est le premier1. Source : ministre de lducation nationale (2009). 2. Cf. notamment les tudes du ministre de lducation nationale (enqutes de la DEPP sur le CM2) et de lOCDE, reprises dans le rcent rapport de la Cour des comptes sur lducation nationale (Lducation nationale face lobjectif de la russite de tous les lves, Cour des comptes, 11 mai 2010). 3. Sachant quil y a environ deux fois plus douvriers que de cadres-professions intellectuelles suprieures dans la population masculine de plus de 15 ans (INSEE 2008). 4. Cf. IREDU, Suchaut, La lecture au CP, 2002 : cette tude sur les classes de CP en France montre que les rsultats en CE1 sexpliquent pour 20 % (22 % dans les coles en zones dfavorises) par l effet matre , 7 % par lorigine socio-conomique des lves ; synthse de 134 mta-analyses publie en 1992 par Hattie aux tats-Unis qui tablit que les facteurs relis lenseignant et lcole sont essentiels (Crahay, 2000). Dautres synthses de recherches (Brophy et Good, 1986 ; Rosenshine et Stevens, 1986 ; ONeill, 1988 ; Gauthier, 1997) sont galement venues confirmer que lenseignant, par le biais de la gestion de la classe et de lenseignement, affecte directement lapprentissage des lves.

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facteur explicatif de lchec scolaire. Les diffrences de performances sexpliquent principalement par la structuration des enseignements, la valorisation de lambition par les matres1, le nombre dheures hebdomadaires consacres au franais et aux maths2 et limplication des lves en classe3. Les lves les plus faibles dcrochent avec des professeurs moins performants et ils russissent presque aussi bien que les meilleurs lves avec des enseignants performants4 ; les dfaillances de la gestion des ressources humaines et notamment : linsuffisance de la formation initiale des ducateurs en crche et des enseignants en maternelle et en primaire (trop gnraliste, peu tourne vers lveil et lexpression orale et dlaisse par rapport la formation des enseignants du cycle 3 CE2, CM1 et CM2) ; linadaptation du systme de formation permanente des enseignants : la formation continue des enseignants reste limite. Outre les prparations aux concours, qui conduisent marginalement une amlioration des comptences professionnelles, les autres formations se font sur catalogue, lenseignant postulant individuellement en fonction de ses desiderata sans aucun regard de ladministration, le plus souvent ; un systme dvaluation dficient : le Haut Conseil de lducation, beaucoup trop mesur dans ses termes, relve quil nest pas trs juste , peu efficace et engendre malaise et parfois souffrance . En effet, on a des critres dvaluation insuffisants, des conditions dinspection diffrentes, des conditions de prise en compte des tches autres que denseignement individuel non homognes ;

1. Une attitude ambitieuse des matres est trs favorable la russite et constitue souvent une prophtie auto-ralisatrice ; les sondages raliss auprs des enseignants montrent toutefois que la difficult scolaire est considre par beaucoup denseignants comme exogne (famille dfavorise) et quils peuvent donc avoir peu dattente pour les lves dfavoriss. 2. Trs variable (du simple au triple suivant les enseignants) malgr les fourchettes indiques dans les programmes. 3. Plus faible chez les mauvais lves et variant beaucoup suivant les enseignants (entre deux enseignants, jusqu 20 % de temps dimplication en moins, soit lquivalent de 2 mois de classe en moins la fin de lanne). Cf. Bressoux (Universit de Toulouse), Modlisation et valuation des environnements et des pratiques denseignement. 4. UNESCO, Qualit de lenseignement et qualit de lducation, 2005.

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un systme daffectation des enseignants injuste et inefficace, notamment pour les jeunes professeurs envoys en zones difficiles ; une insuffisance de pilotage des tablissements qui tient largement leur trop faible autonomie et labsence de pouvoir des directeurs dcole. Les directeurs dtablissement ne peuvent adapter leur fonctionnement, leur quipe, leur temps scolaire aux besoins des lves alors mme que ceux-ci diffrent fortement. Les professeurs ne peuvent moduler, thoriquement, leurs mthodes denseignement et leur prise en charge des lves en fonction des demandes, alors que des pratiques innovantes peuvent se rvler ncessaires1 ; un retard dans lutilisation des technologies numriques : la France est classe 24e sur 27 par la Commission europenne pour lutilisation des technologies numriques dans le systme scolaire. Seules 2 % des classes sont quipes de tableaux numriques, contre 98 % en Grande Bretagne. La France compte 8,5 ordinateurs pour 100 lves dcoles primaires contre 25 au Danemark. Ces problmes, handicaps lourds pour linsertion professionnelle et sociale des jeunes, ont un impact direct sur la croissance franaise2.

Des problmes rcurrents daccs au logementLaccs un logement dcent reste un enjeu crucial de croissance. La qualit du logement joue sur la socialisation des mnages et sur les performances scolaires des enfants3. Le logement est en effet un facteur dterminant de linsertion sociale. La mobilit rsidentielle conditionne lefficacit du march du travail et la facult pour tout actif de saisir les opportunits professionnelles qui se prsentent. Avec 36 milliards deuros daide publique au logement, soit prs de 2 % du PIB, la politique franaise du logement est lune des plus

1. Institut Montaigne, Vaincre lchec lcole primaire, avril 2010. 2. Daprs une tude de lOCDE (Hanushek et Woessmann, 2008), si la France avait les mmes rsultats ducatifs que la Finlande dici 2030, elle bnficierait dun surcrot de croissance de 0,7 point par an horizon 2090. 3. Dominique Goux et ric Maurin, 2005. The effect of overcrowded housing on childrens performance at school, Journal of Public Economics, Elsevier, vol. 89 (5-6), pages 797-819, June.

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coteuses des pays membres de lOCDE. Elle est pourtant inefficace, injuste et nfaste pour lenvironnement. Cette politique est inefficace. Face la hausse des prix immobiliers alimente par la raret du foncier en zones urbaines, la puissance publique solvabilise la demande des mnages accdants1 et celle des investisseurs2 (prt locatif aid dintgration, prt locatif usage social, notamment). Cela accrot la demande de foncier constructible sans assurer paralllement une hausse de loffre, entranant une hausse des prix. Les aides publiques sont donc en grande partie captes par les logeurs (bailleurs et vendeurs3) et non par les gens loger. Cette politique est injuste. La part, parmi les propritaires, des mnages accdant la proprit a dclin (32 % en 2008) en particulier pour les mnages dont les revenus sont infrieurs deux SMIC (22 %). La hausse des prix et des loyers a essentiellement frapp les jeunes et les mnages contraints de dmnager pour des raisons professionnelles ou familiales. Elle a en revanche pargn les propritaires et certains locataires peu mobiles, dont les augmentations de loyers sont contenues par les rgles dindexation des loyers. Cette inflation complique en outre lquation budgtaire de la construction de logements sociaux et nuit la mixit sociale, en confinant leur implantation dans des zones peu attractives o le cot du foncier est, de fait, plus faible. Enfin, cest une politique nfaste pour lenvironnement. Elle entretient la tendance construire de plus en plus loin en priphrie des villes, favorisant un talement urbain, gnrateur deffets ngatifs (besoins croissants en transport, cot de viabilisation et dentretien des rseaux, distension du lien social).

1. Aides la personne, dont lAide personnelle au logement, dispositifs de soutien laccession la proprit sous forme de prts aids (Prt daccession sociale 1993 , Prt taux zro 1995 , Passfoncier 2008, etc.) ou davantages fiscaux (crdit dimpt sur les intrts demprunt depuis 2007) 2. Besson de 1999 2002, Robien de 2003 2009, Scellier depuis 2009. 3. Daprs des estimations ralises en France suite la rforme des aides directes la personne ( bouclage ), entre 50 % et 80 % des allocations logement perues par les mnages auraient t absorbes par les augmentations de loyers (Fack, G., 2005, Pourquoi les mnages bas revenus paient-ils des loyers de plus en plus levs ? Lincidence des aides au logement en France [1973-2002], conomie et statistique, 381-382). Une autre tude en panel montre quen cas de changement de locataire, laugmentation des loyers des logements nouvellement aids est suprieure celle des logements bnficiant dj dune aide. Au bout de quelques annes, les loyers des logements non aids tendent par ailleurs rejoindre ceux des logements aids par un effet de contagion des aides au logement. (A. Laferrre et D. Le Blanc, 2002, Comment les aides au logement affectent-elles les loyers ?, conomie et statistique, 351).

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Une comptitivit insuffisanteLinsuffisance des gains de productivit ne permet pas de contenir la hausse des cots de production dcoulant de lvolution des salaires, et handicape par consquent la comptitivit des pays europens. Cette situation sest globalement dgrade depuis le dbut des annes 2000 sauf pour lAllemagne qui est parvenue maintenir une comptitivit meilleure que ses partenaires par une limitation de la hausse des salaires. Le dficit de productivit trouve notamment sa source dans la faiblesse relative de la recherche et de linnovation. Plusieurs causes cette situation :

Une forte aversion au risqueLa peur du risque se traduit par une demande de forte protection la fois sociale et conomique adresse la collectivit. Celle-ci prend la forme de dispositifs de soutien et daides toujours plus coteux aux entreprises du pass au dtriment de la projection dans lavenir. Dautres symptmes ne trompent pas : le nombre dentrepreneurs qui choisissent de ne pas faire grandir leurs entreprises ; la prfrence des pargnants et des rgulateurs pour les actifs sans risque, qui ne financent pas la croissance ; la forte pargne de prcaution des mnages ; la prfrence pour le maintien dans lemploi prsent, qui bloque la rallocation de lemploi vers les entreprises plus productives et plus innovantes. Ces traits sont aggravs par une application extensive du principe de prcaution, contraire au texte constitutionnel, qui couvre, dans lesprit de tous, des domaines toujours plus nombreux et strilise la crativit et le got du risque, indispensables la croissance.

Linsuffisance de linnovation et de la valorisation de la cration intellectuelleAlors que la production se dplace dans les pays bas cots de main-duvre, la comptitivit des entreprises dans les pays dvelopps repose de plus en plus sur linnovation. En France, leffort de recherche priv est suprieur celui de la Chine et la moyenne34

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europenne, mais infrieur la moyenne des pays de lOCDE, et en particulier celui des tats-Unis et de lAllemagne. De plus, la part de la Recherche et dveloppement (R&D) sur le PIB progresse moins rapidement que dans les autres pays de lOCDE.

Graphique 1 : Dpenses publiques et prives de R&D en France Dpenses de R&D des entreprises rapportes au PIB (2008)

Source : OCDE (2010)

volution des dpenses totales de R&D (publiques et prives) entre 2002 et 2008 (indice 2002 = 1)

Source : OCDE (2010)

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La France souffre de deux problmes spcifiques : la recherche publique, source normale des perces technologiques, apparat encore trop peu ouverte aux demandes de lconomie. Laccs au soutien public reste encore trop largement contrl par les grands groupes ; linnovation semble moins provenir de jeunes entreprises que dans les pays scandinaves et anglo-saxons. La situation de linnovation dans les PME franaises est encore plus proccupante : la France se situe parmi les pays les moins performants de lUnion europenne1 avec seulement 15 % dentre elles innovatrices en produits. Le nombre de brevets dpos en France reste trs infrieur ceux de la plupart de nos partenaires commencer par lAllemagne (trois fois plus de brevets). Le cot des brevets, en France comme en Europe2, reste un obstacle au dveloppement des petites entreprises, ce qui freine les dynamiques dchanges entre grandes et petites entreprises et le processus de destruction cratrice entre secteurs dactivits matures et secteurs davenir. Les conditions gnrales de lentrepreneuriat ne sont pas suffisamment favorables (accs aux financements, aux marchs).

Les faiblesses de notre systme universitaireLe classement de Shanghai des meilleures universits dans le monde confirme anne aprs anne les rsultats mitigs des universits europennes, en particulier franaises. Malgr certains biais connus3, ce classement constitue un lment incontournable de mesure dattractivit des systmes universitaires : sur les dix meilleures universits au monde, huit sont amricaines et deux europennes (Cambridge et Oxford) ; sur les 100 meilleures mondiales, 58 sont nord-amricaines, 32 sont europennes (dont 3 franaises) et 9 sont situes dans la zone Pacifique.1. Source : Observatoire des PMI innovantes, avril 2010. 2. Le cot denregistrement et de maintenance dun brevet est estim 29 000 dollars en Europe, contre 4 000 dollars au Japon et aux tats-Unis et moins de 2 000 dollars en Chine (source : Bruegel Policy Brief, mars 2010). 3. En faveur des universits de grande taille intgrant en leur sein des organismes de recherche. Ces biais ont justifi une initiative lance en 2008 sous la prsidence franaise du Conseil de lUnion europenne qui visait tablir un classement europen des universits, initiative dont le lancement avait dailleurs t propos par la Commission dans son premier rapport.

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La France, (comme les autres pays europens lexception des pays nordiques) investit moins dans lducation suprieure que les tats-Unis. Ainsi, la dpense par tudiant en France, comme dans le reste de lEurope, slve environ 10 000 dollars par an par tudiant, alors quaux tats-Unis, celle-ci slve 22 500 dollars en 20081. La proportion des actifs qui dtiennent un diplme de lenseignement suprieur y est galement infrieure : 24 % en Europe, 39 % aux tats-Unis. De nombreuses conomies mergentes ont engag des efforts massifs pour dvelopper une conomie de la connaissance : en Core, plus de la moiti des 25-34 ans sont diplms de lenseignement suprieur ; lInde produit , proportionnellement sa population, trois fois plus dingnieurs que la France ; Singapour ou la Chine consentent de trs importants investissements pour disposer rapidement duniversits dexcellence au niveau mondial. Enfin les universits europennes attirent moins dtudiants trangers et de chercheurs que les universits amricaines. Les conditions financires, matrielles et de travail et les conditions dobtention de visas et de titres de sjour pour les tudiants et les enseignants et les chercheurs sont peu favorables au dveloppement de la mobilit.

Linsuffisance de la concurrenceLa comptitivit ptit galement de linsuffisance de concurrence dans certains secteurs qui concentrent des rentes leves2. Celleci freine linnovation. Elle constitue ce titre un facteur de dgradation du pouvoir dachat de lensemble des Franais. Il sagit dabord des professions et secteurs rglements sans que ces rglementations se justifient par la protection du consommateur ou la cohsion sociale : professions juridiques et professions de sant, taxis, urbanisme commercial Au-del, linsuffisance de la concurrence tient la perception trs diffuse des avantages que celle-ci peut apporter, des craintes lies une dgradation potentielle du service et de relations construites1. Source : OCDE, 2010 ; en quivalents dollars sur la base des parits de pouvoir dachat. 2. La concurrence favorise-t-elle les gains de productivit ? Une analyse sectorielle dans les pays de lOCDE, conomie et Statistique, 2008.

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par des fournisseurs rpondant des besoins vcus comme incontournables par les mnages : tlphonie, internet, nergie, banque, assurances Ainsi, malgr certaines volutions1, les tudes disponibles montrent bien que, dans lvaluation que les clients font des cots lis un fournisseur ou au changement de fournisseur, les facteurs subjectifs restent trs importants, tels que lestimation a priori du temps que lon va passer rechercher des offres comptitives et du temps et des dmarches ncessaires pour raliser effectivement cette modification2. La difficult faire jouer la concurrence pour les consommateurs individuels a un impact dautant plus fort pour lconomie quelle se retrouve galement auprs des PME.

Lvolution du cot du travail, en particulier du cot du travail peu qualifiLe cot du travail, en particulier le cot fiscal et social est un facteur tabli de perte de comptitivit du pays. La France se distingue en Europe par un niveau lev de taxation du travail sexpliquant principalement par le poids des cotisations sociales. Les cotisations sociales ouvrent droit des prestations qui constituent un salaire diffr. Le degr de socialisation de ces dpenses relve dun choix politique (qui nexonre pas par ailleurs damliorer lefficacit de la dpense sociale) et les exemples des pays scandinaves comme ceux de pays anglo-saxons dmontrent quune croissance forte est compatible la fois avec un degr de socialisation lev et un degr de socialisation faible. Il nen reste pas moins que la diffrence entre le cot du travail pour lemployeur et le revenu du travail pour le salari joue contre lemploi, en particulier pour les travailleurs les moins qualifis.1. Dans la tlphonie par exemple, la portabilit du numro a permis de lever lun des cots non montaires principaux que constituait lobligation dinformer tous ses correspondants du changement de numro. Dans le secteur bancaire, en 2009, les pouvoirs publics ont mis en place certaines mesures destines favoriser la connaissance des tarifs bancaires par le public et la profession a dfini un dispositif daccompagnement du changement dtablissement bancaire comprenant la gratuit de la clture des comptes et un guide de la mobilit. 2. Cf. sur la diminution des cots de changement de fournisseurs, les analyses de lOCDE pour les secteurs bancaire et financier ( Competition and Financial Markets , Working Papers No 92, 2009, et Competition and Regulation in Retail Banking , Working Papers No 69, 2006, OECD Roundtables Series on Competition policy), rapports de M. Philippe Nasse sur les cots de sortie (septembre 2005) et de MM. Georges Pauget et Emmanuel Constans sur la tarification des services bancaires (juillet 2010).

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Graphique 2 : Taux implicite dimposition du travail dans les pays de UE (2007)

I Impt sur le revenu I Charges sociales employs I Charges sociales employeurs et impts sur masse salariale

Source : Eurostat, 2009.

Malgr les allgements de cotisations sociales sur les bas salaires ces vingt dernires annes, ainsi que la baisse plus gnrale des prlvements obligatoires depuis 1999, le systme franais de prlvements sociaux et fiscaux pse encore excessivement sur lemploi et la comptitivit. En particulier, le cot du travail au niveau du salaire minimum reste en France lun des plus levs au monde.

Le choc dune crise dune rare violenceTrouvant sa gense dans les drglements de la finance, la crise actuelle frappe fortement lconomie mondiale. Pour la premire fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, lactivit mondiale sest contracte violemment et simultanment dans toutes les rgions du monde. En 2009, le PIB mondial aura recul de 0,8 %. Plus fondamentalement, cette crise a acclr une mutation en profondeur de lconomie mondiale et le dplacement de la puissance conomique des pays dvelopps vers les pays mergents. Ce dplacement aura des consquences sur les circuits conomiques et financiers ainsi que sur les questions gopolitiques.39

Une ambition pour dix ans

Un retard de croissance et de cration demploisLa croissance franaise sur la priode 2008-2010 a t trs en retrait par rapport aux prvisions disponibles lors de la rdaction du premier rapport de la Commission pour la libration de la croissance : de plus de deux points en 2008, de prs de cinq points en 20091. Certes, dans certaines dimensions, lconomie franaise a mieux rsist que celle de ses partenaires europens. Lconomie franaise a bnfici de limportance de ses stabilisateurs sociaux : lorsque lactivit baisse, les dpenses de ltat et de la Scurit sociale permettent de compenser les baisses de revenus, par exemple via le reversement dallocations chmage et lexistence de minima sociaux, et dabsorber ainsi une partie de la baisse dactivit via un accroissement de lendettement public. En outre, la France a une conomie bien diversifie, alors que dautres pays ont violemment souffert de leur surexposition un nombre limit de secteurs (finance au Royaume-Uni, BTP en Espagne). Enfin, la France est commercialement moins expose aux pays mergents, avec une croissance davantage tire par la demande intrieure que par les exportations, elle a donc moins souffert de la contraction violente du commerce mondial. Pour cette raison, la baisse de lactivit a t moins violente en France quau Japon ou en Allemagne. Mais le parcours de la reprise reste sem dembches et les prvisions de croissance des diffrents instituts sont particulirement prudentes, proches de 1,5 % pour 2010 comme pour 2011. En matire demploi, la crise a un impact fort : le taux de chmage en France mtropolitaine slevait 9,5 % des actifs au premier trimestre 2010, soit 2,7 millions de personnes. La crise de lemploi est dabord une crise industrielle. De nombreuses destructions demploi se sont concentres dans lintrim, premire variable dajustement des entreprises. Si lon raffecte lintrim aux secteurs demplois correspondants, il apparat que les destructions demplois en France ont principalement concern lindustrie, bien que la crise trouve son origine dans le secteur financier. Elles demeurent en revanche trs limites dans1. Le programme de stabilit du gouvernement franais prvoyait une croissance du PIB de 2,25 % pour 2008 et 2009. La croissance ralise a t de 0,2 % en 2008 et 2,6 % en 2009.

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la finance, le commerce et les services aux particuliers (o lvolution est mme positive). La crise accentue les ingalits devant le chmage et frappe de plein fouet : les jeunes, particulirement exposs au retournement du march de lemploi, ce qui aggrave un des traits distinguant la France de la plupart de ses partenaires de lOCDE. Ainsi, fin 2009, le taux de chmage des 15-24 ans a atteint 25 %. Les plus de 25 ans ont mieux rsist la crise. Le taux de chmage des 25-49 ans et des 50-64 ans stablit respectivement 8,7 % et 6,7 % au dernier trimestre 2009. les moins qualifis : la probabilit de se retrouver au chmage lorsque lon avait un emploi un an avant est 4,8 fois plus leve pour les ouvriers non qualifis que pour les cadres. linverse, la probabilit davoir un emploi lorsque lon tait au chmage un an auparavant est plus leve de 14,1 points pour les cadres que pour les ouvriers non qualifis.

La monte sans prcdent de la dette publiqueLa crise financire a conduit une forte hausse de la dette publique qui peut sanalyser comme un transfert de dette du priv vers le public. Plus prcisment, laugmentation de la dette publique est la contrepartie : de la prise en charge par ltat de sa fonction dassureur contre le risque de catastrophe ; du soutien de la demande dans un contexte de rcession et de dsendettement du secteur priv. En consquence, cest la premire fois que la dette publique augmente autant et simultanment dans un si grand nombre de pays en temps de paix. En France, le dficit public est pass de 3,3 % en 2008 7,5 % en 2009. La dette publique a progress de plus de 10 points, passant 78,1 % du PIB en 2009, ce qui correspond environ 54 000 euros par mnage franais. ces niveaux, la dette pse sur la confiance et la consommation. Cette monte sans prcdent de la dette publique est dautant plus grave que le niveau des dpenses publiques et des prlvements obligatoires en France est dores et dj parmi les plus levs de la zone euro. Elle risque donc dasphyxier le pays et de41

Une ambition pour dix ans

limiter la libert de choix collectif de nos enfants au remboursement de ce fardeau.

Un manque de confiance dans la communaut de destinLa socit franaise se distingue par un manque de confiance des Franais entre eux et lgard de leurs institutions. Cette situation constitue un grave handicap au moment o des ajustements lourds vont simposer et o les efforts devront tre partags par tous.

Un manque de confiance des Franais les uns envers les autresLa socit franaise marque de nombreux signes dinquitude face aux grandes mutations du monde et une dfiance nouvelle lgard des autres : 78 % des Franais estiment que lon nest jamais assez prudent quand on a affaire aux autres et 81 % comptent avant tout sur eux-mmes pour dfendre leurs intrts1. Cette dfiance lgard dautrui contribue segmenter la socit, opacifier les relations sociales et favoriser la recherche de rentes. Selon certains auteurs2, ce dficit de confiance serait li au modle social franais construit sur des bases corporatistes, au sein duquel les droits sociaux ne sont pas universels, mais sont associs au statut ou la profession, eux-mmes largement dtermins par le diplme de dpart. Il sensuit un climat de suspicion lgard de ceux qui sont extrieurs au systme. Cela conduit aussi les Franais consolider leur situation en plaant les autres distance et en reportant sur eux la responsabilit de leurs difficults. Se dveloppe ainsi un sentiment de resquille gnralise favorisant la mfiance et lincivisme, la dbrouillardise, le fatalisme et la rancur. Pour la premire fois dans notre histoire, grce lallongement de la dure de vie, quatre gnrations de Franais coexistent. Celle des 30-45 ans qui aspire au confort matriel et aux loisirs dans1. Source : Baromtre de la confiance politique, enqute TNS Sofres-IEP Cevipof-Edeman, janvier 2010. 2. Cf. La socit de la dfiance, Yann Algan et Pierre Cahuc, 2007.

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lespace familial sinquite en mme temps de la viabilit de notre modle social et nourrit souvent du ressentiment lgard de la gnration de ses ans qui profite dun modle dont elle ne pourra bnficier. Celle des jeunes seniors , souvent exclue prmaturment du travail qui veut encore jouer un rle dans la socit. Celle des seniors dont les besoins et aspirations sont mal pris en compte et les capacits sous-employes. Enfin, celle des 14-26 ans qui a dvelopp sa propre vision du monde et est organise par internet en rseaux daffinits sans frontires ; tourne vers la crativit et la russite sociale, cest pourtant elle qui se retrouve aujourdhui aux portes du march du travail.

Une dfiance vis--vis des institutions : le problme de la gouvernanceCe manque de confiance entre Franais est aujourdhui intimement li la dfiance envers les institutions (pouvoir excutif, Parlement, partis politiques), les corps intermdiaires (syndicats1 et associations), les lites (quelles soient conomiques, politiques, administratives ou culturelles) et les relais dinfluence (presse, mdias), comme le rvlent notamment les enqutes dopinion.

Tableau 1 : Dfiance des Franais envers leurs institutions 76 % des Franais nont pas confiance dans les partis politiques 72 % des Franais nont pas confiance dans les mdias 52 % des Franais nont pas confiance dans les organisations syndicales 55 % des Franais nont pas confiance dans les grandes entreprises prives 63 % des Franais nont pas confiance dans les banquesSource : Baromtre de la confiance politique, enqute TNS Sofres-IEP Cevipof-Edeman, janvier 2010.

Dans un pays o ltat, les partis politiques, les syndicats et les grandes entreprises ont historiquement jou un rle essentiel dans la structuration du destin national, cette dfiance conduit aujourdhui une crise structurelle de la gouvernance qui vide de son

1. Le taux de syndicalisation est en France le plus faible de lOCDE : 7,8 % contre 20 % en Allemagne, 30 % en Italie et au Royaume-Uni, 71 % en Sude (source : OCDE).

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contenu le dialogue social, interdit le dveloppement dune culture de lvaluation et de lexprimentation et freine le changement, si urgent.

La peur du dclassement : laggravation des ingalitsCela entrane une crispation gnrale. Les mutations du monde sont vues dabord comme des menaces alors que bien dautres pays y voient des opportunits. Cela entrane la perception dune dgradation des perspectives davenir pour les nouvelles gnrations (73 % des Franais estiment que les jeunes auront moins de chances que leurs parents dans la socit franaise de demain1) et dune aggravation des ingalits. Le taux de pauvret est rest stable au cours de la dernire dcennie. Les dernires donnes disponibles qui portent sur 2007, et par consquent avant la crise, montrent que le taux de pauvret montaire, 60 % du revenu mdian, est rest stable autour de 13 %, ces dix dernires annes. 8 millions de personnes vivent ainsi avec moins de 908 euros par mois pour une personne seule et parmi les personnes pauvres, la situation des plus pauvres (ceux qui vivent avec moins de 40 % du revenu mdian) sest dgrade. Cette pauvret touche particulirement les jeunes (17 % contre une moyenne de 13 %)2. Le logement constitue aujourdhui lun des points les plus sensibles de lexclusion. Comme le rappelle chaque anne la Fondation Abb Pierre, 100 000 personnes nont pas de domicile fixe en France. De fait, la tendance la rduction des ingalits observe durant les Trente Glorieuses sest arrte depuis la fin des annes 1990 : le rapport entre le revenu moyen des 10 % les plus riches et celui des 10 % les plus pauvres a augment, passant de 5,58 en 2002 5,69 en 20073, cette volution sexpliquant notamment par la croissance de la valeur du patrimoine et des pratiques de rmunration de plus en plus individualises et disperses. L ascenseur social est en panne. En septembre 2010, ni lcole ni le monde professionnel ne permettent dassurer la fonction quils ont russi jouer par le pass : daprs lINSEE, les enfants douvriers ne sont pas plus nombreux quitter aujourdhui la1. Source : Baromtre de la confiance politique, enqute TNS Sofres-IEP Cevipof-Edeman, janvier 2010. 2. Source : INSEE, tude sur la pauvret, 2009. 3. Source : INSEE, Enqute sur le patrimoine des mnages, 2009.

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classe ouvrire que dans la France des annes 19701. La dfense des positions acquises par certains se fait aux dpens de la russite des autres et de la reconnaissance du mrite. Les deux tiers des Franais pensent que leurs enfants vivront moins bien queux-mmes2. Loin dtre une source de mobilisation, cette peur du dclassement, ces ingalits croissantes gnrent de langoisse et conduisent lexpression dun besoin de scurit professionnelle. Face au chmage et linscurit des parcours professionnels, les trois quarts des jeunes Franais souhaiteraient devenir fonctionnaires. En dfinitive, la socit franaise est marque par une atomisation des perceptions de lavenir qui rend dautant plus difficile la construction dun projet collectif, fond sur une comprhension commune des dfis et des espoirs partags.

1. Source : Le dclassement, Camille Peugny, Hachette, janvier 2009. 2. Source : La Peur du dclassement, ric Maurin, La Rpublique des Ides, octobre 2009.

La France en 2020 : le scnario tendancielLes risques lis la criseOutre les risques lis laugmentation trs rapide de la dette qui peut conduire une perte de contrle des finances publiques aux lourdes consquences politiques et sociales, trois types de risques spcifiquement lis la crise peuvent tre identifis, notamment sur la base des enseignements tirs des crises financires passes : le risque de transformation du chmage conjoncturel en chmage permanent. La forte hausse du chmage en priode de crise peut devenir permanente (structurelle). En effet, laffaiblissement durable de linvestissement et un mauvais fonctionnement du march de lemploi peuvent conduire carter dfinitivement certains salaris du march du travail. Toute hausse du taux de chmage structurel (permanent) affecte directement la croissance de lconomie ; le risque sur linvestissement. La crise a conduit une perte de capital en quantit et en qualit suivant deux canaux : dune part, les faillites conduisant une dprciation acclre du capital ; dautre part, de mauvaises perspectives conomiques et les difficults daccs au crdit et aux financements dprimant linvestissement. Elle sest galement traduite par un dplacement de capitaux hors dEurope1 et une volatilit accrue sur les marchs2.1. Accentu par le dveloppement des fonds souverains, souvent aliments par lexploitation de la rente des matires premires dans les pays mergents. 2. Volatilit des prix des actifs financiers mais galement des matires premires. Cette volatilit accrue justifie la stratgie volontariste de certains pays comme la Chine visant sassurer leur scurit dapprovisionnement par appropriation des gisements de matires premires, notamment en Afrique.

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La restauration du capital ncessite que les besoins de financement en crdit et en fonds propres puissent tre satisfaits alors mme quil faut veiller la limitation des risques systmiques par une rgulation efficace du secteur financier. La hausse du cot du risque est prjudiciable linvestissement des entreprises, notamment linvestissement de long terme ; le risque sur les gains de productivit. La crise, en pnalisant les dpenses dinvestissement en R&D, pourrait contribuer affaiblir la tendance des gains de productivit. En effet, contrairement une ide reue selon laquelle les crises provoqueraient des destructions cratrices , elles peuvent au contraire provoquer une baisse durable de la productivit. L accs au crdit tant plus difficile en priode de crise (et particulirement la crise actuelle), les dpenses lies la R&D peuvent tre temporairement dlaisses. La France a mieux rsist la crise que ses partenaires europens grce notamment des stabilisateurs automatiques puissants. Cependant, ces mmes stabilisateurs sociaux et les freins la rallocation sectorielle peuvent aussi retarder la matrialisation des gains de productivit vers des entreprises nouvelles.

Lquation dmographiqueL ge moyen dun habitant de lUnion europenne tait de 32 ans en 1960, il pourrait atteindre 50 ans en 2050. Cette tendance gnrale au vieillissement sobserve dans un contexte de baisse sensible de la population lhorizon 2050 pour trois de nos partenaires principaux : -10 % en Italie, -9 % en Allemagne et -3 % en Espagne, alors que la population franaise pourrait crotre dans le mme temps de 9 % pour atteindre 70 millions dhabitants. En France, la population des plus de 60 ans est passe de 25,8 % de la population en 1990 31,5 % en 2010 et sera de 35,6 % en 2020. Cela se manifeste la fois par : une augmentation du nombre de seniors, sous leffet de lallongement de la dure de vie (au cours des 10 dernires annes, lesprance de vie 60 ans a augment de 2 ans pour les hommes et de 1,6 an pour les femmes) ;48

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une stabilisation du nombre de jeunes par la baisse de la fcondit et/ou du nombre de femmes en ge de procrer. Larrive sur le march du travail des gnrations 1975 1995, pour lesquelles la natalit avait recul de 850 000 750 000 naissances environ, devrait diminuer la population active. Limmigration actuelle (solde positif denviron 100 000 personnes par an) compense la baisse de natalit. Mais alors que les migrants, ceux qui partent de France, ont un niveau lev de formation, ceux qui arrivent, les immigrants, ont un niveau plus faible, proche de la moyenne de la population. Le financement des retraites sera affect par lallongement de la dure de vie si les dures de cotisations et lge de dpart restent inchangs. L esprance de vie des hommes gs de 65 ans est passe de 10 ans en 1945 18 ans aujourdhui et continue de samliorer au rythme denviron une anne tous les 5 ans. Les projections du COR le montrent clairement. Sous leffet conjugu de lallongement de la dure de vie et de larrive la retraite des gnrations issues du baby-boom, le ratio cotisants-retraits va se dgrader. Alors que la France comptait 4 actifs pour 1 retrait en 1960, le ratio ne slve dj plus qu 1,8 actif pour 1 retrait. En 2020, si rien nest fait, il ne devrait plus y avoir que 1,5 actif pour 1 retrait (et 1,2 en 2050). Outre les consquences mcaniques de lallongement de la dure de vie sur les finances publiques, celui-ci implique une modification profonde des besoins de la socit en provoquant une hausse de la part de la population de plus de 65 ans en % de la population de 15 64 ans. Aujourdhui, la France compte un million de personnes dpendantes. Le quasi-doublement de la population ge de plus de 85 ans dici 2015 pourrait entraner une augmentation de 25 % du nombre de dpendants, en particulier sous leffet de lexplosion de certaines pathologies lies au vieillissement, comme la maladie dAlzheimer par exemple (160 000 nouveaux cas par an et 1,3 million de malades possibles en 2020)1. Si la dure moyenne de vie en incapacit (GIR 1 4) restera de 1,2 anne pour les hommes et de 2,2 pour les femmes jusquen 2030, les cots de la dpendance devraient augmenter sous leffet conjoint de la progression des cots en personnel et de soins. L augmentation du1. Sources : INSEE et associations.

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montant des dpenses de prise en charge des personnes en perte dautonomie slverait donc 0,6 point de PIB. L allongement de la vie ne sera probablement pas la cause principale de laugmentation des cots de sant. Ceux-ci dpendent peu de lge et beaucoup de la proximit du dcs. Mais il aura des consquences en termes de dpenses de sant. Les valuations de son impact se situent entre 0,5 point 2 points de PIB dici 2025. Selon le FMI, partant dune hypothse un peu moins favorable que celle envisage par la Commission europenne, au terme de laquelle la hausse des dpenses lies au vieillissement serait de 3,5 % du PIB horizon 2050, limpact net actualis du vieillissement sur la dette reprsenterait, en 2050, 276 % du PIB, soit 10 fois plus que limpact de la crise financire.

Graphique 3 : Cots actualiss nets long terme de la crise et du vieillissement dmographique (en % du PIB)

I Crise I Vieillissement dmographique

Source : FMI

Une baisse de la croissance potentielleLe rythme de la croissance potentielle repose sur le rythme dvolution des facteurs de production et des gains de productivit. On obtient ainsi un scnario moyen terme caractris par une rduction de la population active et le maintien des tendances de productivit.50

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Les scnarios de croissance 2013-2020 de la Direction gnrale du Trsor Trois scnarios cibles de croissance 2013-2020 ont t prpars par la direction gnrale du Trsor. Deux de ces scnarios montrent limpact dune stratgie de rehaussement des gains de productivit et du retour au plein-emploi, le dernier tant le plus proche dun scnario au fil de leau voqu plus haut. le scnario au fil de leau fait lhypothse dune croissance potentielle de 1,6 % par an terme. Il combine un rythme de gains de productivit de 1,5 % et un chmage structurel de 7 % ce scnario peut-tre considr comme un scnario avant rforme nouvelle et sans effet favorable des nouvelles technologies ; le scnario favorable combine une tendance de productivit suprieure au scnario dfavorable de 0,3 point par an, et un chmage structurel de 2,5 points infrieur terme. Ce scnario suppose implicitement une incidence favorable des nouvelles technologies sur la productivit et la mise en uvre de nouvelles rformes amliorant le fonctionnement du march de lemploi et de la formation ; ces facteurs favorables permettraient daccrotre la croissance potentielle de 0,3 point par an ; le scnario intermdiaire avec un taux de chmage structurel identique au scnario favorable, mais avec une croissance moins favorable de la productivit (0,1 point de plus que le scnario dfavorable). Ce scnario suppose donc impli citement un meilleur fonctionnement du march du travail, mais pas dvolution majeure en matire de formation et dinnovation.

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Deux institutions internationales ont rcemment livr leur estimation du potentiel de croissance franaise moyen terme, la Commission europenne et lOCDE. Les deux institutions envisagent un taux de croissance potentielle pour la dcennie 2010-2020 infrieur celui constat avant la crise. Avant la crise, la Commission europenne valuait la croissance potentielle franaise autour de 2 % ce moment-l, 1,9 % en 2020. Cet affaiblissement venait surtout dune stagnation de la population active autour de 2020. Dans son Ageing Report publi courant 2009, la Commission europenne rvise ces estimations et explore trois scnarios de croissance potentielle qui pourraient rsulter de la crise financire : un scnario de choc permanent dans lequel les pertes de production et de croissance potentielles sont dfinitives : entre 2011 et 2020, dans ce scnario la croissance potentielle sera infrieure de 0,9 % point la croissance potentielle du scnario prcrise, soit 1,1 % par an ; un scnario de dcennie perdue dans lequel la perte de production potentielle est dfinitive mais o la croissance potentielle revient sur sa trajectoire initiale partir de 2020 : entre 2011 et 2020, dans ce scnario la croissance potentielle sera infrieure de 0,7 % la croissance potentielle du scnario pr-crise, soit 1,3 % par an ; un scnario de rebond o la perte de production est temporaire et rattrape par une acclration de la croissance dans les annes qui suivent la crise : entre 2011 et 2020, dans ce scnario la croissance potentielle sera suprieure de 0,2 % point la croissance potentielle du scnario pr-crise, soit 2,2 % par an. Selon lOCDE, la croissance potentielle franaise sur la priode 2010-2020 serait de 1,2 % par an, exclusivement tire par les gains de productivit et de 2 % si lon ajoute la croissance potentielle le rattrapage du retard de croissance accumul sur la priode 2008-2010.

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Une augmentation inacceptable de la dette publique Selon la Commission europenne1, la dette publique franaise passerait de 86 % en 2010 122,4 % du PIB en 2020 en labsence de tout changement majeur dans lorientation des finances publiques. Cette drive caractriserait la dette publique de la zone euro dans son ensemble. Selon le rapport ralis en 2010 par le snateur Jol Bourdin pour la dlgation snatoriale la prospective, avec un taux de croissance de 2 % dici 2020, la dette publique atteindrait 109,8 % du PIB en 2020. Selon le groupe de travail sur la situation des finances publiques franaises prsid par Paul Champsaur et Jean-Philippe Cotis, dont le rapport a t publi en avril 2010, la dette publique varierait en fonction des scnarios de croissance retenus, entre environ 110 % du PIB (avec une croissance de 2,6 % du PIB dici 2020) et plus de 140 % du PIB (avec une croissance durablement 1,5 %). L absence de mesures de redressement rapides conduirait faire peser lhorizon 2020 des risques trs levs sur la capacit assurer le maintien du pouvoir dachat des Franais, sur la cohsion conomique et sociale, sur la place de notre pays dans le monde2. Certes un tat, contrairement une entreprise, ne fait pas faillite, il fait dfaut. En effet, si lentreprise ne rembourse pas ses dettes, elle est liquide et disparat. Ltat, lui, ne disparat pas, mais le cot social et politique dun dfaut peut tre trs douloureux pour lensemble de la population et notamment les plus faibles et les plus pauvres. Les expriences du pass montrent par ailleurs que la persistance dun endettement public lev, partir dun certain niveau, rduit lefficacit de la politique budgtaire et constitue un obstacle la croissance. La dette conduit alors les agents conomiques anticiper de futures politiques de hausses dimpts. La hausse du1. Sustainability Report, septembre 2009. 2. Une tude publie en janvier 2010 par Price Waterhouse Coopers montre ainsi que la poursuite des tendances actuelles conduirait la France passer du 5e au 9e rang des conomies mondiales horizon 2030 derrire la Chine, les tats-Unis, lInde, le Japon, le Brsil, la Russie, lAllemagne et le Mexique. Le Brsil passerait devant la France et la Grande-Bretagne ds 2013 ; Mexico dpasserait ces mmes pays avant 2030.

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taux dpargne annule alors leffet de stimulation de la politique budgtaire et lui enlve toute efficacit. Le pays se trouve dans une situation de grande vulnrabilit. Une hausse des taux dintrt actuellement historiquement bas conduirait une augmentation des charges de la dette qui accaparerait une part sans cesse croissante du budget. Cela rendrait galement la France extrmement vulnrable dautres dimensions de la crise, quaujourdhui nul ne peut exclure : rechute de la croissance, hausse du prix des matires premires, dvaluations comptitives, inflation provoque par les excs de la cration montaire, fragilisation du systme bancaire mondial, effondrement du systme financier li une vaporation de la liquidit Nous et nos enfants nauraient plus les moyens de faire des choix collectifs. Nous aurions rompu le pacte social. Nous considrons ce scnario comme videmment inacceptable.

Quelle France vouloir en 2020 ?La France que nous voulons en 2020 est une France prospre, comptitive, juste, en croissance, dsendette, plus intgre son environnement europen. Cela se rsume trois objectifs principaux : une croissance dau moins 2,5 % sur la priode, tendant vers 3 % lhorizon 2020 fonde sur une conomie plus comptitive ; un excdent des budgets publics permettant le retour de la dette publique vers 60 % du PIB ; une socit de plein-emploi, plus solidaire et plus confiante.

Une croissance annuelle du PIB dau moins 2,5 %Dans un contexte de faible croissance de la population active, une croissance de long terme suprieure 2,5 % devra surtout reposer sur un effort accru dinvestissement et dinnovation, ainsi que sur une augmentation du taux dactivit. la ralisation de cette ambition suppose une amlioration rapide de la comptitivit et du financement de notre appareil de production (dveloppement dun rseau de moyennes entreprises exportatrices et comptitives au niveau international, renforcement des fonds propres des entreprises) qui permette la France dtre parmi les dix premiers pays au monde en matire de comptitivit et dattractivit horizon 2020 ; ce taux de croissance suppose de se fixer comme objectifs de porter la part de la R&D 3 % du PIB (dont environ 1 % pour la recherche publique et 2 % pour la recherche prive) et le taux de diplms de lenseignement suprieur de 41,3 % 55 %.55

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Un quilibre des budgets publics pour rduire la dette vers 60 % du PIBLes tudes acadmiques ne tranchent pas sur le niveau optimal de dette publique atteindre, cest un choix qui relve donc davantage du champ politique. Les arguments conomiques restent donc lis lide de soutenabilit, cest--dire quun tat doit tre capable de faire face ses chances vis--vis de ses cranciers tout moment. Leffet boule de neige sur la charge dintrt doit tout prix tre vit. La dfiniti