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BUREAU D’AUDIENCES PUBLIQUES SUR L’ENVIRONNEMENT 142 L’eau, ressource à protéger, à partager et à mettre en valeur – Tome I RAPPORT DE LA COMMISSION SUR LA GESTION DE L’EAU AU QUÉBEC

Rapport du bape sur la gestion de l'eau au Québec

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BUREAU DAUDIENCES PUBLIQUES SUR LENVIRONNEMENT

142Leau, ressource protger, partager et mettre en valeur Tome IRAPPORT DE LA COMMISSION SUR LA GESTION DE LEAU AU QUBEC

RAPPORT DE LA COMMISSION SUR LA GESTION DE LEAU AU QUBEC

2000

142

Leau, ressource protger, partager et mettre en valeur

Tome I

BUREAU DAUDIENCES PUBLIQUES SUR LENVIRONNEMENT

La notion denvironnementAu cours des dernires dcennies, la notion d'environnement s'est largie considrablement. Il est maintenant accept que cette notion ne se restreigne pas au cadre biophysique, mais tienne compte des aspects sociaux, conomiques et culturels. La Commission adhre cette conception large de l'environnement qu'elle a applique au prsent dossier. Cette conception trouve galement appui devant les tribunaux suprieurs. L'arrt de la Cour suprme du Canada, Friends of the Oldman River Society, nous a clairement indiqu, en 1992, que le concept de la qualit de l'environnement devait s'interprter suivant son acception gnrale largie. Par ailleurs, la Cour d'appel du Qubec confirmait en 1993, dans la dcision Bellefleur, l'importance de tenir compte, en matire de dcision environnementale, des rpercussions d'un projet sur les personnes, sur leur vie culturelle et sociale.

RemerciementsLa Commission remercie les personnes et les organismes qui ont collabor lenqute et laudience publique ainsi que le personnel du Bureau daudiences publiques sur lenvironnement qui a assur le soutien technique et professionnel ncessaire la ralisation de ce rapport.

dition et diffusionBureau daudiences publiques sur lenvironnement : difice Lomer-Gouin 575, rue Saint-Amable, bureau 2.10 Qubec (Qubec) G1R 6A6 201, boulevard Crmazie Est, bureau 2.01 Montral (Qubec) H2M 1M2

Tl. : (418) 643-7447 (sans frais) : 1 800 463-4732

Tl. : (514) 873-7790 (sans frais) : 1 800 463-4732

Internet : http:\\www.bape.gouv.qc.ca Courrier lectronique : [email protected] Cdrom : La consultation publique sur la gestion de leau au Qubec (rapport de la Commission, transcriptions, mmoires, etc.) Tous les documents dposs durant le mandat d'enqute et daudience publique ainsi que les textes de toutes les interventions sont disponibles et peuvent tre consults au Bureau daudiences publiques sur lenvironnement.

Dpt lgal Bibliothque nationale du Qubec, 2000 ISBN : 2-550-35937-2 (ensemble) ISBN : 2-550-35938-0 (tome l)

Bureau daudiences publiques sur lenvironnement

Qubec, le 1 mai 2000

Monsieur Paul Bgin Ministre de lEnvironnement difice Marie-Guyart, 30 tage 675, boulevard Ren-Lvesque Est Qubec (Qubec) GIR 5V7

l

Monsieur le Ministre, Cest avec plaisir que je vous transmets le rapport du Bureau daudiences publiques sur lenvironnement concernant la gestion de leau au Qubec. La Commission denqute et daudience publique qui a rdig ce rapport tait compose de M. Andr Beauchamp, prsident, de Mm Gisle Gallichan et de M. Camille Genest, commissaires. Le rapport insiste particulirement sur trois aspects : la rforme des lois et des institutions, la gestion de leau lchelle des bassins versants et le portrait de chacune des rgions avec les attentes de la population lgard de la gestion de leau et des milieux aquatiques. Il prsente galement la rflexion de la Commission sur les principaux thmes lis une future politique de leau. Dans la ralisation de son mandat, la Commission a pris tous les moyens disponibles pour bien informer les populations de toutes les rgions du Qubec et favoriser leur participation aux audiences. Labondante documentation reue par la Commission a t largement diffuse, notamment par le site Internet du BAPE, et elle est maintenant runie sur un cdrom. Cette initiative, qui illustre notre orientation vers les nouvelles technologies, assurera un accs facile et durable ce qui constitue une banque exceptionnelle de connaissances, de proccupations et de suggestions relatives la gestion de leau et des milieux humides. Veuillez agrer, Monsieur le Ministre, lexpression de mes meilleurs sentiments.

Le prsident,

Andr Harvey /difice Lomer-Gouin 575, rue Saint-Amable, bureau 2.10 Qubec (Qubec) GIR 6A6 Tlphone: (418) 643-7447 Tlcopieur: (418) 643-9474 Sans frais: 1 800 463-4732 communicationQbape.gouv.qc.ca

becBureau daudiences publiques sur lenvironnement

Qubec, le 27 avril 2000

Monsieur Andr Harvey Prsident Bureau daudiences publiques sur lenvironnement . 575, rue Saint-Amable, bureau 2.10 Qubec (Qubec) GlR 6A6

Monsieur le Prsident, Cest avec plaisir et une certaine fiert que je vous transmets le rapport de la Commission denqute et daudience publique sur la gestion de leau au Qubec. Dans son rapport, la Commission insiste sur trois aspects : la rforme des lois et des institutions qui simpose pour mettre en place une vritable politique intgre de leau et des milieux aquatiques ; la gestion de leau lchelle des bassins versants comme vritable ple dimpulsion de la politique ; le portrait de chacune des rgions avec les attentes de la population lgard de la gestion de leau et des milieux aquatiques. cause de lextraordinaire richesse des lments issus de lenqute et de laudience publique, la Commission a galement jug opportun de proposer une rflexion brve mais systmatique sur diffrents thmes lis au contenu concret dune politique de leau. Dans la ralisation de son mandat, la Commission a port un souci particulier la participation des populations laudience publique, y compris des autochtones. cette fin, une dmarche conjointe a t convenue avec le Comit consultatif pour lenvironnement de la Baie-James (CCEBJ) et le Comit consultatif de lenvironnement Kativik (CCEK). Ces ententes ont fait que la section 4.3 du prsent rapport est sous la responsabilit conjointe des commissaires de la Commission et des reprsentants du CCEBJ et du CCEK. Pour les autres nations amrindiennes, la Commission a fait des efforts pour tenir compte de leur exprience et de leurs valeurs, traditions et spiritualits. Je tiens vous remercier, Monsieur le Prsident, de la confiance que vous mavez manifeste en me confiant la responsabilit de la Commission. Je tiens galement remercier mes collgues, Mme Gisle Gallichan et M. Camille Genest, tous deux membres plein temps du Bureau, pour leur appui. . .2difice Lomer-Gouin 575, rue Saint-Amable, bureau 2.10 Qubec (Qubec) GIR 6A6 Tlphone : (418) 643-7447 Tlcopieur: (418) 643-9474 Sans frais: 1 800 463-4732 [email protected]

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indfectible, leur comptence et leur collaboration intense la ralisation de ce mandat. Jose esprer que notre rapport Leau, ressource protger, partager et mettre en valeur clairera le ministre de lEnvironnement et le gouvernement dans ladoption et la mise en uvre dune politique renouvele de leau et des milieux aquatiques. Je vous prie dagrer, Monsieur le Prsident, lexpression de mes sentiments les meilleurs.

Le prsident de la Commission,

Andr Beauchamp

Table des matiresTOME IListe des figures.........................................................................................................................XII

Liste des tableaux ...................................................................................................................... XIII Liste des sigles et des acronymes .............................................................................................. XIV Liste des symboles..................................................................................................................... XVIII Introduction gnrale.............................................................................................................. Chapitre 1 Les questions stratgiques ............................................................................. 1 3 5 6 8 9 10 12 13 13 14 15 16 17 18 20 23 24 25 28 31 32 33 35 37 37 39 46 46 50

1.1 Le Qubec doit-il exporter massivement son eau douce ?........................................ 1.1.1 La demande, loffre et les hypothses de march ................................ 1.1.2 La rsistance sociale lexportation de leau ...................................... 1.1.3 Les impacts de lexportation de leau .................................................. 1.1.4 Le rgime juridique applicable ............................................................ 1.1.5 Les perspectives davenir de la question.............................................. 1.1.6 Conclusion ........................................................................................... 1.2 Doit-on accrotre lexploitation de leau souterraine ? ............................................. 1.2.1 La situation actuelle et les tendances................................................... 1.2.2 La rserve exploitable de faon durable .............................................. 1.2.3 Les avantages de lexploitation des eaux souterraines......................... 1.2.4 Les inconvnients de lexploitation ..................................................... 1.2.5 Les diffrentes controverses................................................................. 1.2.6 Discussion............................................................................................ 1.2.7 Conclusion ........................................................................................... 1.3 Les services deau doivent-ils tre privatiss ?......................................................... 1.3.1 La situation actuelle, les formes de privatisation et les expriences trangres................................................................ 1.3.2 Pourquoi privatise-t-on ?...................................................................... 1.3.3 Ltat des infrastructures et les besoins en investissements................. 1.3.4 Lexpertise et la comptence du priv et du public.............................. 1.3.5 La position de la Commission ............................................................. Chapitre 2 Pour une politique de leau et des milieux aquatiques................................

2.1 La problmatique gnrale et les enjeux .................................................................. 2.1.1 La problmatique gnrale................................................................... 2.1.2 Les enjeux ............................................................................................ 2.2 Les principes gnraux et les objectifs ..................................................................... 2.2.1 Les principes gnraux ........................................................................ 2.2.2 Les objectifs.........................................................................................Leau, ressource protger, partager et mettre en valeur

Table des matires

2.3 Les propositions daction .......................................................................................... 55 2.3.1 Instaurer un vritable droit qubcois de leau .................................... 55 2.3.2 Crer des structures souples ................................................................. 56 2.3.3 Mettre en place la gestion intgre lchelle du bassin versant......... 57 2.3.4 Regrouper et dvelopper les connaissances sur leau........................... 59 2.3.5 Revoir de fond en comble la stratgie dassainissement agricole ........ 61 2.3.6 Mettre en place la politique de protection et de conservation des eaux souterraines.............................................. 63 2.3.7 Poursuivre lassainissement industriel ................................................. 63 2.3.8 Poursuivre lassainissement urbain ...................................................... 65 2.3.9 Mettre en place un programme de prennit des infrastructures.......... 67 2.3.10 Intervenir en priorit sur le bassin du Saint-Laurent ............................ 68 2.3.11 Assurer le financement de la gestion de leau et des milieux aquatiques 70 2.3.12 Informer, sensibiliser, duquer ............................................................. 73 2.4 Les responsabilits des acteurs.................................................................................. 2.4.1 La situation actuelle.............................................................................. 2.4.2 Lvolution souhaitable ........................................................................ 2.5 Les outils ................................................................................................................... 2.5.1 Les outils juridiques ............................................................................. 2.5.2 Les redevances et la tarification ........................................................... 2.5.3 Le schma directeur de leau................................................................ 2.5.4 Les programmes ................................................................................... 2.5.5 Le tableau de bord ................................................................................ 2.5.6 Le rseau de veille ................................................................................ 2.5.7 Les outils de promotion ........................................................................ Chapitre 3 75 75 92 116 116 133 135 137 140 141 142

Les besoins et les attentes des rgions ........................................................... 143 149 153 157 162 163 165 169 174 179 180 181 185 192 196 197

3.1 La rgion du Bas-Saint-Laurent ................................................................................ 3.1.1 Le portrait rgional ............................................................................... 3.1.2 Les principales proccupations rgionales et les solutions proposes . 3.1.3 Quelques autres points soulevs en audience ....................................... 3.1.4 Les priorits rgionales ........................................................................ 3.2 La rgion du SaguenayLac-Saint-Jean .................................................................... 3.2.1 Le portrait rgional ............................................................................... 3.2.2 Les principales proccupations rgionales et les solutions proposes . 3.2.3 Quelques autres points soulevs en audience ....................................... 3.2.4 Les priorits rgionales ........................................................................ 3.3 La rgion de la Capitale-Nationale............................................................................ 3.3.1 Le portrait rgional ............................................................................... 3.3.2 Les principales proccupations rgionales et les solutions proposes . 3.3.3 Quelques autres points soulevs en audience ....................................... 3.3.4 Les priorits daction rgionales ..........................................................

3.4 La rgion de la Mauricie ........................................................................................... 199 3.4.1 Portrait rgional.................................................................................... 203 3.4.2. Les principales proccupations rgionales et les solutions proposes . 208

VIII

Leau, ressource protger, partager et mettre en valeur

Table des matires

3.4.3 3.4.4

Quelques autres points soulevs en audience ...................................... 212 Les priorits rgionales........................................................................ 213 215 219 223 228 229 231 235 242 245 246 247 251 256 261 261 263 267 272 276 278 281 285 293 298 299 301 305 310 313 314 317 321 326 331 332 333 337 342 347 348

3.5 La rgion de lEstrie ................................................................................................. 3.5.1 Le portrait rgional .............................................................................. 3.5.2 Les principales proccupations rgionales et les solutions proposes. 3.5.3 Quelques autres points soulevs en audience ...................................... 3.5.4 Les priorits rgionales........................................................................ 3.6 La rgion de Montral .............................................................................................. 3.6.1 Le portrait rgional .............................................................................. 3.6.2 Les principales proccupations rgionales et les solutions proposes. 3.6.3 Quelques autres points soulevs en audience ...................................... 3.6.4 Les priorits rgionales........................................................................ 3.7 La rgion de lOutaouais .......................................................................................... 3.7.1 Le portrait rgional .............................................................................. 3.7.2 Les principales proccupations rgionales et les solutions proposes. 3.7.3 Quelques autres points soulevs en audience ...................................... 3.7.4 Les priorits rgionales........................................................................ 3.8 La rgion de lAbitibi-Tmiscamingue .................................................................... 3.8.1 Le portrait rgional .............................................................................. 3.8.2 Les principales proccupations rgionales et les solutions proposes. 3.8.3 Quelques autres points soulevs en audience ...................................... 3.8.4 Les priorits rgionales........................................................................ 3.9 La rgion de la Cte-Nord ........................................................................................ 3.9.1 Le portrait rgional .............................................................................. 3.9.2 Les principales proccupations rgionales et les solutions proposes. 3.9.3 Quelques autres points soulevs en audience ...................................... 3.9.4 Les priorits rgionales........................................................................ 3.10 La rgion du Nord-du-Qubec.................................................................................. 3.10.1 Le portrait rgional .............................................................................. 3.10.2 Les principales proccupations rgionales et les solutions proposes. 3.10.3 Quelques autres proccupations........................................................... 3.10.4 Les priorits rgionales........................................................................ 3.11 La rgion de la Gaspsieles-de-la-Madeleine ....................................................... 3.11.1 Le portrait rgional .............................................................................. 3.11.2 Les principales proccupations rgionales et les solutions proposes..................................................................... 3.11.3 Quelques autres points soulevs en audience ...................................... 3.11.4 Les priorits rgionales........................................................................ 3.12 La rgion de la Chaudire-Appalaches..................................................................... 3.12.1 Le portrait rgional .............................................................................. 3.12.2 Les principales proccupations rgionales et les solutions proposes. 3.12.3 Quelques autres points soulevs en audience ...................................... 3.12.4 Les priorits rgionales........................................................................

Leau, ressource protger, partager et mettre en valeur

IX

Table des matires

3.13 La rgion de Laval..................................................................................................... 3.13.1 Le portrait rgional ............................................................................... 3.13.2 Les principales proccupations rgionales et les solutions proposes . 3.13.3 Quelques autres points soulevs en audience ....................................... 3.13.4 Les priorits rgionales ........................................................................ 3.14 La rgion de Lanaudire............................................................................................ 3.14.1 Le portrait rgional ............................................................................... 3.14.2 Les principales proccupations rgionales et les solutions proposes . 3.14.3 Quelques autres points soulevs en audience ....................................... 3.14.4 Les priorits rgionales ........................................................................ 3.15 La rgion des Laurentides ......................................................................................... 3.15.1 Le portrait rgional ............................................................................... 3.15.2 Les principales proccupations rgionales ........................................... 3.15.3 Quelques autres points soulevs en audience ....................................... 3.15.4 Les priorits rgionales ........................................................................ 3.16 La rgion de la Montrgie ....................................................................................... 3.16.1 Le portrait rgional ............................................................................... 3.16.2 Les principales proccupations rgionales et les solutions proposes . 3.16.3 Quelques autres points soulevs en audience ....................................... 3.16.4 Les priorits rgionales ........................................................................ 3.17 La rgion du Centre-du-Qubec ................................................................................ 3.17.1 Le portrait rgional ............................................................................... 3.17.2 Les principales proccupations rgionales et les solutions proposes . 3.17.3 Quelques autres points soulevs en audience ....................................... 3.17.4 Les priorits rgionales ........................................................................ Chapitre 4

351 355 359 362 363 365 369 374 379 380 381 385 388 394 395 397 401 407 411 412 415 419 424 426 427

Les Autochtones .............................................................................................. 429 440 441 445 449 451 452 455 467

4.1 Un portrait des nations autochtones du Qubec ........................................................ 434 4.2 Les Premires nations au sud du 49e parallle .......................................................... 4.2.1 Leau potable et les eaux uses............................................................. 4.2.2 Le dveloppement du territoire et des ressources en eau ..................... 4.2.3 Le mode de consultation des Premires nations................................... 4.3 Les nations autochtones au nord du 49e parallle ..................................................... 4.3.1 La consultation sur la gestion de leau dans les territoires de la Baie-James et du Nunavik ........................................................... 4.3.2 Le territoire de la Baie-James............................................................... 4.3.3 Le territoire du Nunavik .......................................................................

X

Leau, ressource protger, partager et mettre en valeur

Table des matires

TOME IIChapitre 5 La consultation publique : thmes abords et proccupations de la population.................................... 1 3 34 55 70 80 91

5.1 Lassainissement agricole ......................................................................................... 5.2 Les eaux souterraines................................................................................................ 5.3 Leau et la sant publique ......................................................................................... 5.4 Lassainissement industriel ....................................................................................... 5.5 Lassainissement urbain............................................................................................ 5.6 La prennit des infrastructures de leau ..................................................................

5.7 La tarification de leau, lconomie deau et lconomie de leau ........................... 101 5.8 Les impacts de lexploitation forestire sur leau..................................................... 114 5.9 Lhydrolectricit...................................................................................................... 126 5.10 Les menaces globales ............................................................................................... 142 5.11 La connaissance ........................................................................................................ 154 5.12 Laccessibilit des lacs et des cours deau ................................................................ 170 5.13 La gestion intgre de leau et des milieux aquatiques lchelle du bassin versant....................................................................................................... 176 5.14 La protection et la conservation des milieux aquatiques .......................................... 196 5.15 Le fleuve Saint-Laurent ............................................................................................ 208 5.16 Lexportation de leau ............................................................................................... 226 Chapitre 6 Pour une charte de leau ................................................................................ 243

6.1 La notion de charte ................................................................................................... 245 6.2 Des exemples de chartes existantes .......................................................................... 247 6.3 Une proposition de charte qubcoise de leau ........................................................ 252 Chapitre 7 Considrations sur laudience ....................................................................... 255

7.1 Les diffrents types de mandat ................................................................................. 257 7.2 Caractristiques de la prsente audience .................................................................. 259 7.3 Une procdure adapter ? ........................................................................................ 261 Conclusion gnrale ................................................................................................................ 265 La bibliographie ........................................................................................................................ 273

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XI

Liste des figuresTOME IFigure 1 Figure 1.1 Figure 1.2 Figure 1.3 Figure 1.4 Figure 1.5 Figure 1.6 Figure 1.7 Figure 1.8 Figure 1.9 Figure 1.10 Figure 1.11 Figure 1.12 Figure 1.13 Figure 1.14 Figure 1.15 Figure 1.16 Figure 1.17 Figure 2 Les rgions administratives du Qubec ............................................................ 145 La rgion du Bas-Saint-Laurent........................................................................ 151 La rgion du SaguenayLac-Saint-Jean............................................................ 167 La rgion de la Capitale-Nationale ................................................................... 183 La rgion de la Mauricie ................................................................................... 201 La rgion de lEstrie.......................................................................................... 217 La rgion de Montral....................................................................................... 233 La rgion de lOutaouais................................................................................... 249 La rgion de lAbitibi-Tmiscamingue............................................................. 265 La rgion de la Cte-Nord ................................................................................ 283 La rgion du Nord-du-Qubec .......................................................................... 303 La rgion de la Gaspsieles-de-la-Madeleine................................................ 319 La rgion de la Chaudire-Appalaches ............................................................. 335 La rgion de Laval ............................................................................................ 353 La rgion de Lanaudire ................................................................................... 367 La rgion des Laurentides................................................................................. 383 La rgion de la Montrgie ............................................................................... 399 La rgion du Centre-du-Qubec........................................................................ 417 Les communauts autochtones du Qubec ....................................................... 435

TOME IIFigure 3 Les rgions hydrographiques du Saint-Laurent ................................................ 211

XII

Leau, ressource protger, partager et mettre en valeur

Liste des tableauxTOME ITableau 1 Tableau 2 Parcs rsidus miniers de la rgion de lAbitibi-Tmiscamingue ................... 270 La population des communauts autochtones au Qubec ................................ 437

TOME IITableau 3 Quelques donnes quantitatives sur leau souterraine fournies lors de laudience ............................................................................... Liste des principaux sous-produits de la chloration ......................................... Normes ou exigences prvalant au Qubec, au Canada et aux tats-Unis ...... Profil des sites daccumulation de rsidus miniers au Qubec ........................ Grille dvaluation pour le contrle des dbordements.................................... Cot de maintien du rseau daqueduc dans son tat structural actuel ............ Cot de maintien du rseau dgouts dans son tat structural actuel ............... Estimation des cots totaux lchelle du Qubec, sans Montral (tude de lINRS-Eau)...................................................................................... Estimation des cots totaux de remplacement des conduites lchelle du Qubec, sans Montral (tude de lINRS-Urbanisation) (incluant le cot de laqueduc et de lgout sanitaire)...................................... 44 61 63 71 82 92 93

Tableau 4 Tableau 5 Tableau 6 Tableau 7 Tableau 8 Tableau 9 Tableau 10

93

Tableau 11

94

Tableau 12

valuation globale des impacts environnementaux des diffrentes filires nergtiques ................................................................. 130 Les principaux impacts des projets hydrolectriques....................................... 134

Tableau 13

Leau, ressource protger, partager et mettre en valeur

XIII

Liste des sigles et des acronymes

Liste des sigles et des acronymesABQ ACEF ACLIQ AIFQ ALE ALENA ARLA AQTE ARK ATINO BAPE BPC BVQ CAAF CAR CBJNQ CCEBJ CCEK CCME CDD CER CERIU CGQ CLD CMI COBARIC COV CPRRO CRCD CRD CRE Association des biologistes du Qubec Association cooprative dconomie familiale Association de climatologie du Qubec Association de lindustrie forestire du Qubec Accord de libre-change Accord de libre-change nord-amricain Agence de rglementation sur la lutte antiparasitaire Association qubcoise des techniques de leau Administration rgionale Kativik Agence de traitement de linformation numrique de lOutaouais Bureau daudiences publiques sur lenvironnement Biphnyls polychlors Bassin Versant Qubec Contrat dapprovisionnement et damnagement forestier Confrence administrative rgionale Convention de la Baie-James et du Nord qubcois Comit consultatif pour lenvironnement de la Baie-James Comit consultatif de lenvironnement Kativik Conseil canadien des ministres de lEnvironnement Commission du dveloppement durable Cadre cologique de rfrence Centre dexpertise et de recherche en infrastructures urbaines Centre goscientifique de Qubec Centre local de dveloppement Commission mixte internationale Comit de bassin de la rivire Chaudire Compos organique volatil Commission de planification de la rgularisation de la rivire des Outaouais Conseil rgional de concertation et de dveloppement Conseil rgional de dveloppement Conseil rgional de lenvironnement

XIV

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Liste des sigles et des acronymes

CSN CU CUM CUO CUQ DBO DDT DSP ACL EPA EPIQ ERE FAO FAPAQ FAPEL FQF FQM GATT GES GIEC GRAME GRAND HAP IARC INRS IQBP IRDA LES MAINC MAMM MAPAQ MCC MCE

Confdration des syndicats nationaux Communaut urbaine Communaut urbaine de Montral Communaut urbaine de lOutaouais Communaut urbaine de Qubec Demande biochimique en oxygne Dichlorodiphnyle-trichlorothane Direction de la sant publique nergie atomique du Canada limite Environmental protection agency Eaux parasites par infiltration et captage ducation relative lenvironnement Organisation pour lalimentation et lagriculture Socit de la faune et des parcs du Qubec Fdration des associations pour la protection de lenvironnement des lacs Fdration qubcoise de la faune Fdration qubcoise des municipalits General Agreement on Tariffs and Trade (Accord gnral sur les tarifs douaniers et le commerce) Gaz effet de serre Groupe intergouvernemental sur lvolution du climat Groupe de recherche applique en macrocologie Great Recycling and Northern Development Hydrocarbure aromatique polycyclique Agence internationale de recherche sur le cancer Institut national de recherche scientifique Indice bactriologique et physicochimique de leau Institut de recherche et de dveloppement en agroenvironnement Lieu denfouissement sanitaire Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien Ministre des Affaires municipales et de la Mtropole Ministre de lAgriculture, des Pcheries et de lAlimentation du Qubec Ministre de la Culture et des Communications Ministre du Conseil excutif

Leau, ressource protger, partager et mettre en valeur

XV

Liste des sigles et des acronymes

MEF MENV MES MIC MLCP MR MRC MRI MRN MSP MSSS MTQ OCDE OER OGM OMC OMM OMS ONG ONU OSBL PAAGF PADEM PAEA PAEF PAEQ PAIA PARE PASL PME PNB PNUD PNUE PRRI

Ministre de lEnvironnement et de la Faune (jusquau 15 dcembre 1998) Ministre de lEnvironnement (depuis le 15 dcembre 1998) Matires en suspension Ministre de lIndustrie et du Commerce Ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pche Ministre des Rgions Municipalit rgionale de comt Ministre des Relations internationales Ministre des Ressources naturelles Ministre de la Scurit publique Ministre de la Sant et des Services sociaux Ministre des Transports du Qubec Organisation de coopration et de dveloppement conomiques Objectif environnemental de rejet Organisme gntiquement modifi Organisation mondiale du commerce Organisation mtorologique mondiale Organisation mondiale de la sant Organisme non gouvernemental Organisation des Nations Unies Organisme sans but lucratif Programme daide lamlioration de la gestion des fumiers Programme dassainissement des eaux municipales Programme daide aux exploitants agricoles Plan agroenvironnemental de fertilisation Programme dassainissement des eaux du Qubec Programme daide linvestissement en agroenvironnement Plan daction et de rhabilitation cologique Plan daction Saint-Laurent Petite et moyenne entreprise Produit national brut Programme des Nations Unies pour le dveloppement Programme des Nations Unies pour lenvironnement Programme de rduction des rejets industriels

XVI

Leau, ressource protger, partager et mettre en valeur

Liste des sigles et des acronymes

RAAQ R&D RSEAU DOR RESSALQ RIOB RNDE RPER RRSSS SDE SCAL SIAD SIE SIG SIH SIMEC SIQ SLV-2000 SODES SQAE SSL TADPA THM TQ TRNEE UMQ UMRCQ UNESCO UPA UQCN UTN VTT ZAL ZEC ZIP

Rgie des assurances agricoles du Qubec Recherche et dveloppement Rseau des organismes de rivire du Qubec Rseau spatial de surveillance de lacidit des lacs du Qubec Rseau international des organismes de bassins Rseau national des donnes sur leau Rpertoire des problmes environnementaux des rserves habites Rgie rgionale de la sant et des services sociaux Schma directeur de leau Socit dlectrolyse et de chimie Alcan lte Systme intgr daide la dcision Secrtariat international de leau Systme dinformations gographiques Systme dinformations hydrogologiques Socit dintervention maritime de lEst du Canada Socit immobilire du Qubec Saint-Laurent vision 2000 Socit de dveloppement conomique du Saint-Laurent Socit qubcoise dassainissement des eaux Stratgies Saint-Laurent Programme du transport distance des polluants atmosphriques Trihalomthane Tourisme Qubec Table ronde nationale sur lenvironnement et lconomie Union des municipalits du Qubec Union des municipalits rgionales de comt du Qubec Organisation des Nations Unies pour lducation, la science et la culture Union des producteurs agricoles Union qubcoise pour la conservation de la nature Unit de turbidit nphlomtrique Vhicule tout-terrain Zones dactivits limites Zone dexploitation contrle Zone dintervention prioritaire

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Liste des sigles et des acronymes

Liste des symbolesCH4 CO2 MW M$ N2 O NOx PPB PPM PPT SO2 TWh Mthane Dioxyde de carbone Mgawatt Million de dollars Oxyde nitreux Oxydes dazote Partie par milliard Partie par million Partie par billion Dioxyde de soufre Trawattheure

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Introduction gnrale Dans le cadre de la dmarche entreprise devant nous mener au dveloppement dune politique qubcoise sur la gestion de leau, le gouvernement a convenu de la ncessit de tenir une consultation publique afin de permettre la population de sexprimer au pralable sur le sujet. Cest en ces termes que le ministre de lEnvironnement et de la Faune donnait mandat au Bureau daudiences publiques sur lenvironnement (BAPE), le 29 octobre 1998, de faire enqute et de tenir audience publique. La consultation que la Commission a ralise a donn lieu une grande diversit de propos sur la gestion de leau au Qubec. Trois sujets ont constamment retenu lattention des participants et des mdias au point que beaucoup estiment quil sagissait l de lobjet rel de la consultation. Il sagit de lexportation massive deau douce, de lexploitation de leau souterraine principalement des fins commerciales, et de la privatisation des services municipaux deau. Dans le premier chapitre, nous donnons une rponse rapide ces questions, en signalant toutefois que largumentaire dtaill soutenant les positions de la Commission se trouve dans des sections ultrieures du rapport. Le deuxime chapitre constitue lessentiel de la proposition institutionnelle de la Commission concernant la gestion de leau et des milieux aquatiques au Qubec. La Commission dcrit la problmatique gnrale et les enjeux, dfinit les principes, les objectifs et les propositions daction, puis identifie les acteurs et le cadre institutionnel et juridique souhaitable pour mettre en uvre une politique cohrente de leau et des milieux aquatiques correspondant la situation et aux attentes daujourdhui. Le troisime chapitre trace le portrait de la problmatique et de la gestion de leau de chacune des dix-sept rgions administratives du Qubec, en rponse la demande explicite du Ministre dans sa lettre de mandat. Chaque rgion a ses caractristiques et ses priorits, mais la somme de ces portraits rgionaux illustre lextraordinaire diversit du Qubec et un faisceau de proccupations communes aptes dterminer une politique cohrente. Le quatrime chapitre aborde une question dont il ntait pas fait mention : la problmatique de leau pour les nations autochtones, les problmes quelles prouvent et, plus largement, les modalits dlaboration dune politique de leau et des milieux aquatiques dans le contexte de lautonomie gouvernementale rclame par ces nations. La perspective est diffrente pour la partie du territoire qubcois soumise la Convention de la Baie-James et du Nord qubcois (Cris et Inuits) et pour la partie non conventionne. Dans le cas des territoires conventionns, la Commission a tabli une entente de collaboration avec le Comit consultatif pour lenvironnement de la Baie-James pour le territoire de la BaieJames et avec le Comit consultatif de lenvironnement Kativik pour le Nunavik.

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Le cinquime chapitre voque, partir de laudience publique, le contenu de divers aspects de la gestion de leau et des milieux aquatiques au Qubec. Il tmoigne de la grande varit de proccupations des personnes et organismes ayant particip laudience et montre la pluralit des domaines dintervention dans le secteur de leau. Malgr son ampleur, ce chapitre na pas la prtention dtre exhaustif. Les thmes et les proccupations retenus sont principalement le reflet des proccupations du public mais, dans la limite de ses moyens, la Commission a analys les sujets abords et soumis ses propres conclusions. Le sixime chapitre propose des lments pour une charte de leau, suggrant ainsi une vision et une perspective thique pour la gestion de leau du XXle sicle. Le septime chapitre propose quelques rflexions critiques sur lexprience de la Commission et fait des suggestions dans lventualit de la tenue dexercices de consultation du mme type. En conclusion, la Commission propose au ministre de lEnvironnement un agenda stratgique et des priorits daction. La Commission a reu tellement de propositions et de suggestions quil y avait un risque non ngligeable de sombrer sous lavalanche des recommandations. Elle a donc estim de son devoir didentifier quelques priorits. La structure du prsent rapport est complexe, comprend dinvitables redites et suppose un nombre considrable de renvois aux diffrents chapitres du rapport. Nous avons prfr cela un document succinct et lapidaire par respect pour lnorme contribution du public une consultation dont le spectre tait aussi large. Nous estimons quau-del des rformes institutionnelles et des actions entreprendre dans un dlai relativement bref, la perspective ouverte par la consultation pourra inspirer divers programmes et interventions sur un horizon beaucoup plus long (cinq dix ans). Par bonheur, le prsent rapport est galement accessible sur Internet. De plus, tous les mmoires reus sous forme lectronique ont t compils avec les transcriptions de laudience, une partie de la documentation dpose et le texte du prsent rapport sur un cdrom. Leau est en voie de devenir un thme mondial majeur. cet gard, il est intressant de constater que le Qubec a eu le courage dentreprendre une vaste consultation pour la mise en place dune gestion intgre de cet lment primordial.Remerciements

La Commission remercie les institutions, les organismes, les municipalits, les personnes et les groupes qui ont particip laudience et en ont assur le succs. Elle tient signaler galement la bonne collaboration des ministres qubcois et fdraux invits laudience.

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Chapitre 1

Les questions stratgiques

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Depuis peu, mais de faon intense, lopinion publique a t mobilise par la question de leau. Phnomne de mode sans doute, mais aussi dcouverte inquitante de dimensions insouponnes qui bouleversent les reprsentations habituelles des choses. Leau viendra-telle manquer ? Nous prendra-t-on notre eau ? Ou, linverse, deviendrons-nous les Arabes de leau, de ce nouvel or bleu ? Lheure est-elle venue pour ltat de se retirer de la gestion de leau pour la laisser lentreprise prive ? Dans le prsent chapitre, la Commission aborde trois questions constamment souleves lors de laudience et qui traduisent les inquitudes de lheure. Elle formule une rponse simple et rapide ces questions. Les lecteurs et lectrices dsireux dapprofondir les sujets abords et de comprendre la dynamique de laudience leur gard auront intrt lire le reste du rapport, en particulier les sections du chapitre 5 correspondant aux thmes abords. Ces trois questions sont : o Le Qubec doit-il exporter massivement son eau douce ? o Doit-on accrotre lexploitation de leau souterraine ? o Les services deau doivent-ils tre privatiss ? Une premire rponse ces questions rendra plus facile la rflexion sur les grands axes dune politique de gestion de leau et des milieux aquatiques.

1.1 Le Qubec doit-il exporter massivement son eau douce ?Depuis quelque temps, les organismes internationaux nous informent que 29 pays souffrent dj dune pnurie deau qualifie de modre grave. Dici lan 2025, si rien ne change, le nombre de ces pays passera 34 1. Dautres sources valuent 125 millions le nombre dhabitants en situation de pauvret et de pnurie deau en 1995 et prdisent quen 2025, en raison de la croissance dmographique, le chiffre atteindrait 1 milliard 145 millions (Margat, GENE1.1, p. 35). Il faut videmment demeurer prudent devant des statistiques aussi globales. Les marges dincertitude sont importantes et, par ailleurs, pauvret et pnurie deau ne signifient pas ncessairement que des gens meurent de soif. Il sagit dune insuffisance deau pour les usages actuels : 70 % pour lagriculture irrigue, 22 % pour lindustrie et le secteur de lnergie, 8 % pour lalimentation en eau des collectivits (GENE1.1, p. 32). La pauvret en eau correspond des ressources par tte infrieures 1 000 m3/an et la pnurie deau, des ressources par tte infrieures 500 m3/an (GENE1.1, p. 35). Un mtre cube deau quivaut 1 000 litres. Au Qubec, la disponibilit en eau par personne est estime 135 000 m3/an et correspond huit fois la moyenne mondiale (GENE1.1, p. 20). La raret en eau sexplique en gnral par des facteurs climatiques (prcipitations peu abondantes),1. Approvisionnement en eau : lOMN et lUNESCO unissent leurs efforts pour relever le dfi (http://www.org/opi/fre/unescopresse/99-18f.htm).

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par la monte de la consommation deau pour lagriculture, lindustrie et les villes, et par la croissance dmographique. Mais, videmment, la croissance des pollutions rduit la disponibilit de leau de qualit (Sironneau, 1996, p. 19-28). Quand on voque lexportation massive deau douce, on ne parle pas deau pour tancher la soif de gens dshydrats, mais plutt de grands travaux de drivation ou dadduction deau par pipeline ou de transport en vrac, principalement des fins agricoles ou industrielles. Toutefois, il y a une autre dimension au problme qui, elle, touche aux individus. Le Manifeste de leau lvoque : 1 milliard 400 mille personnes nont pas accs leau potable. Le problme en ce cas nest pas ncessairement linsuffisance deau, mais bien linsuffisance dquipements collectifs pour fournir leau aux citoyens. Do le slogan : trois milliards de robinets deau dici 2020 (Petrella, 1998, p. 89). Pour juger de la faisabilit des projets dexportation massive deau douce, il nous faut lanalyser sous trois angles : langle technico-conomique, l'angle environnemental (cologique et social) et langle juridique et thique.

1.1.1

La demande, loffre et les hypothses de march

La demande

Pour mettre en uvre de grands travaux des fins dexportation massive, il faut identifier la demande possible. Les pays en manque deau sont actuellement au Proche et MoyenOrient, auquel cas il faut penser lexportation deau par bateau-citerne ou par remorquage de grands sacs de toile. Cette dernire technique na toutefois t mise lpreuve que sur de courtes distances (ECON17, p. 12 et TRAN4, p. 68). Lautre march possible vise certaines rgions des tats-Unis. Les trois rgions do pourrait maner la demande en eau en provenance du Canada sont le bassin du Colorado, les Hautes Plaines et la rgion des Grands Lacs (Scott, Olynik et Renzetti, dans Whalley, 1986, p. 200). Dans le cas du bassin du Colorado, il ny a plus que 4 % des eaux du fleuve qui se rendent la mer; 80 % de leau sert lirrigation (Cans, 1997, p. 192-196). Dans le cas des Hautes Plaines, du Texas au Nebraska, limmense aquifre de lOgallala spuise progressivement et les stress sur lagriculture sont maintenant manifestes (Postel, 1999, p. 77).Loffre qubcoise

En chiffres absolus, avec ses 135 000 m3/an par personne disponibles, le Qubec est un pays deau. Les hypothses mises de lavant ont t de plusieurs ordres : le fameux projet GRAND (Great Recycling and Northern Development) Canal, propos dabord en 1959 puis repris en 1984, qui visait transformer la baie James en rservoir deau douce en la coupant de la baie dHudson, puis diriger cette eau par une srie de travaux vers les Grands Lacs et, de l, vers le sud des tats-Unis ; divers projets de drivation plus

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modestes, la priphrie des Grands Lacs; des projets dexportation deau en vrac par camions ou bateaux-citernes depuis les Grands Lacs vers des destinations dterminer. Ces projets ont tous comme caractristiques de puiser leau en amont du Qubec, la source mme du Saint-Laurent. Il faut signaler aussi le projet de la Canmex 2000 International dexporter de leau en vrac depuis Sept-les vers les tats arabes (Whalley, 1986, p. 214215). Ce projet a t repris diverses reprises, notamment par le groupe Jean Coutu lors du Sommet sur lconomie et lemploi de 1997. A priori, loffre de leau semble immense. Dans le cas des Grands Lacs, rien nest moins sr cependant et ce, pour trois raisons. La premire est que les Grands Lacs subissent des variations importantes selon des cycles pouvant staler sur quinze ou vingt ans. Ainsi, lt de 1999, le niveau du fleuve Saint-Laurent, qui sert dexutoire aux Grands Lacs, a t son plus bas niveau historique connu. La deuxime raison est lie au temps de renouvellement de leau des Grands Lacs : Les eaux des Grands Lacs sont en majeure partie une ressource non renouvelable []. Bien que le volume total des lacs soit norme, en moyenne, moins de 1 pour 100 de leau des Grands Lacs est renouvele chaque anne (ECON17, p. 4). La troisime raison prend appui sur lhypothse des changements climatiques : les modles prdisent une baisse de la pluviosit, une augmentation de lvaporation, une augmentation de la temprature moyenne et, comme corollaire, une augmentation de la consommation humaine. La Commission mixte internationale pose un jugement assez catgorique : Lorsquon prend en compte tous les secteurs dactivit du bassin, il ny a jamais de surplus deau dans le rseau des Grands Lacs (ECON17, p. 27). Pour ce qui est de leau des rivires qubcoises se jetant dans le fleuve Saint-Laurent, surtout sur la Basse et la Haute-Cte-Nord, loffre deau est probablement plus grande. LAssociation professionnelle des gologues et gophysiciens du Qubec estime que les dtournements de rivire ont un impact sur lenvironnement, mais que lexportation en vrac de lordre de 0,1 % de leau du Qubec naurait pas deffets dtectables sur les variations saisonnires (MEMO313, p. 47). Bref, sur la base des informations actuelles, le potentiel doffre deau des Grands Lacs est faible, moins de raliser dnormes travaux dadduction deau vers les Grands Lacs. Celui des rivires reste difficile dterminer. Avancer des chiffres quivaudrait davantage de la spculation qu une information objective. Il faudrait une tude approfondie pour chaque projet ventuel.Les hypothses de march

Actuellement, aucun des grands projets voqus na fait lobjet dune valuation financire et conomique rigoureuse. Des estimations sommaires du projet GRAND Canal donnaient le chiffre de 100 milliards de dollars en 1985. ce prix, le cot de leau pour les usagers deviendrait prohibitif. La rentabilit dun projet dexportation massive deau par voie de drivation vers les tats-Unis est donc peu vraisemblable maintenant, moins de fortes subventions de la part des gouvernements (TRAN75, p. 67-70). Les mesures dconomie deau et de gestion de la demande seraient beaucoup plus avantageuses. Dans le cas du transport par bateaux-citernes pour les pays du Moyen-Orient, le reprsentant du ministre

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de lEnvironnement soulignait quil ny a aucun projet dexportation en vrac soumis pour tude et autorisation. De plus, la production deau potable partir de leau de mer coterait moins cher que le transport de leau par bateau :La production deau douce par la construction dusines de dsalinisation constitue une option dapprovisionnement de deux trois fois moins chre que celle du transport et du transbordement par bateaux (1,50 $ 2,00 $ du mtre cube et 4,00 $ 4,50 $ du mtre cube). (PR3, p. 41)

Le professeur Jean-Louis Sasseville pense quil y a tout de mme un crneau possible pour le commerce de leau par bateau (GENE1.1, p. 186). Selon le ministre de lIndustrie et du Commerce, le seul avantage pourrait rsider dans les retombes conomiques associes la construction des bateaux (TRAN4, p. 70). Toutes les hypothses dexportation massive supposent que leau est gratuite en elle-mme. Mais limposition dune taxe lexportation ou dune redevance peut tre envisage. Ce serait le moyen dassurer une rente au Qubec (TRAN4, p. 62). Il y aurait aussi quelques emplois permanents pour les oprations. Dans ltat actuel des choses, les projets dexportation massive deau ne semblent pas concurrentiels. Ils sont donc peu probables. Les avantages pour les drivations consisteraient dans les activits intenses de travaux denvergure estims 100 milliards $. Pour lexportation par bateaux, lavantage rsiderait principalement dans la construction navale. Quant lide dune rente, elle supposerait la mise en place dune redevance ou dune taxe lexportation.

1.1.2

La rsistance sociale lexportation de leau

Les projets dexportation massive deau, souvent confondus avec les projets de commercialisation deau embouteille, ont fait lobjet dune rprobation presque unanime des participants en raison de la dimension patrimoniale de leau et des inquitudes que de telles hypothses soulvent.Leau comme ressource collective et bien patrimonial

Avec lair et le sol, leau constitue un des lments essentiels de lenvironnement. Elle appartient au patrimoine collectif, au territoire, notre paysage : mot qui conjugue la fois pays et visage.Leau exerce un pouvoir dattrait sur le regard, invitant la contemplation et voquant la puret ou encore la force de la nature. Les proccupations lendroit du paysage, en cette fin de sicle, sont intimement lies une recherche de lauthenticit dans nos rapports aux lieux. (MEMO296, p. 3)

Lventualit de lexportation massive deau a provoqu comme une forme dappropriation nationale de leau, qubcoise ou canadienne. Sidentifiant au territoire et leur eau, les participants ont refus spontanment lhypothse dun transfert de leur eau vers les tatsUnis. Ce sentiment ne semble pas contradictoire avec lide de considrer leau comme un

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patrimoine commun de lhumanit : lappropriation nationale est une rsistance au commerce et aux compagnies, alors que la notion de patrimoine commun peut cohabiter avec le droit des peuples disposer deux-mmes (MEMO243 et TRAN137, p. 42-44). Mais les deux perspectives, identitaire locale et collective mondiale, sont encore peu articules. Pour linstant, lexportation massive deau, parce quelle est perue comme une mainmise du march, est ressentie comme une alination, une perte didentit et de souverainet. Lexportation deau en vrac sinscrit dans un projet dexpropriation prive du bien commun et de transformation de leau douce en marchandise. Elle est donc partie intgrante et fille de la mondialisation (MEMO328, p. 16).Les craintes relatives lexportation massive de leau

Les craintes des citoyens et des organisations qui ont particip laudience publique portent principalement sur les effets cologiques des dtournements et sur lincertitude lie aux connaissances insuffisantes actuelles ainsi qu lventualit de changements climatiques importants. Elles portent aussi sur la commercialisation de leau quune politique dexportation entranerait cause de lapplication des ententes de lALENA et des rgles de lOMC. Quand on voque lexportation en vrac deau souterraine, les risques dpuisement, de changement de qualit de la ressource et de conflits dusages sont voqus (voir section 1.2). Ces craintes expliquent les demandes rptes des participants pour une lgislation formelle visant interdire lexportation massive deau. En pratique, le Qubec a mis en place un moratoire (Loi visant la prservation des ressources en eau, 26 novembre 1999). La stratgie fdrale prvoit des interdictions de prlvement analogues. Toutefois, bon nombre de participants demeurent ouverts des exportations ponctuelles de grandes quantits deau pour des raisons humanitaires.

1.1.3

Les impacts de lexportation de leau

Comme il ny a aucun projet prcis soumis lanalyse, nous ne disposons pas dune tude dimpact en bonne et due forme. Toutefois, les changes et discussions intervenus avec des experts lors de la rencontre thmatique sur lexportation, tenue le 18 juin 1999 (TRAN75), ont permis de dceler quelques pistes. Selon M. Richard Carignan, expert invit, dans le cas dun projet de drivation majeure depuis les Grands Lacs soutenu par des travaux importants dadduction deau au lac Suprieur, comme le projet GRAND canal, quatre impacts majeurs sont prvisibles : o la transformation des cosystmes aquatiques marins de la baie James en cosystmes aquatiques deau douce; o les ouvrages gigantesques raliser pour transporter un volume deau (13-14 000 m 3 /sec) suprieur au dbit actuel du Saint-Laurent ;

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o les cots nergtiques pour faire passer leau de la baie James au lac Suprieur. Il y a un dnivel de 290 mtres qui pourrait exiger 30 000 mgawatts, cest-dire peu prs lquivalent de lactuelle consommation qubcoise dlectricit; o les modifications la qualit des eaux au lac Suprieur puisque le taux de renouvellement des eaux serait multipli par 7, passant de 190 ans environ 30 ans. De plus, la turbidit des eaux du lac Suprieur augmenterait considrablement cause de la forte teneur en carbone dissous des eaux qui seraient drives depuis la baie James (TRAN75, p. 13-20). Par ailleurs, dimportantes ponctions deau des Grands Lacs sans adduction supplmentaire influeraient sur le niveau du fleuve Saint-Laurent puisque ce dernier sert dexutoire aux Grands Lacs. Des ponctions majeures pourraient faire du lac Suprieur un lac ferm, amorant ainsi un processus analogue celui de la mer dAral. Rappelons que les Grands Lacs sont plus un immense plan deau quun vritable bassin versant (TRAN66, p. 43). Mme une drivation deau lintrieur du mme bassin ne serait pas sans effet (TRAN75, p. 64). Lextraction deau du bassin des Grands Lacs rduit la rsilience du systme et sa capacit de composer avec les futurs facteurs de stress, imprvisibles (ECON17, p. 26). Do la ncessit dune approche prudente. Dans le contexte des connaissances actuelles, il est clair quune stratgie dexportation massive par drivation ou par transport en vrac depuis lcosystme Saint-Laurent, Grands Lacs est une stratgie risque en raison du faible potentiel doffre deau des Grands Lacs. Au surplus, ce nest pas une solution durable. La solution durable, cest de grer localement leau disponible et, donc, de porter les efforts sur la gestion de la demande plutt que sur laugmentation de loffre. Mme dans le cas de lexportation en vrac par bateauxciternes vers le Proche-Orient, il y a peu de chance quune eau chre puisse tre accessible aux pays dmunis (MEMO328, p. 18). Cest pourquoi la Commission estime que le Qubec doit rendre permanente sa Loi visant la prservation des ressources en eau de manire interdire lexportation massive deau de surface et souterraine.

1.1.4

Le rgime juridique applicable

Linquitude des participants laudience publique lgard des projets dexportation massive deau repose beaucoup sur lide de prcdent. Si un seul projet est mis en uvre, y a-t-il risque que, par la logique des accords commerciaux, dautres projets similaires auront tre accepts au nom de la libre concurrence et des rgles du commerce ? Sur le plan constitutionnel, le commerce international et les affaires trangres relvent de la comptence fdrale et leau, de la comptence provinciale. En 1909, le Canada et les tats-Unis ont convenu dun trait sur les eaux limitrophes et de la cration de la Commission mixte internationale (CMI). Le Trait sur les eaux limitrophes concerne 300 lacs et rivires (TRAN75, p. 23). Il existe une loi canadienne pour la mise en uvre du trait. Le gouvernement fdral veut modifier cette loi pour contrler les projets qui ont un effet sur le dbit ou le niveau naturel de leau de lautre ct de la frontire (TRAN75, p. 23). La politique fdrale vise aussi interdire de transfrer leau entre les bassins majeurs du

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Canada (TRAN75, p. 22). Ces bassins majeurs sont au nombre de cinq en fonction des mers et ocans rcepteurs : Atlantique, Pacifique, Arctique, baie dHudson, golfe du Mexique (TRAN4, p. 18). Selon une opinion majoritaire, les accords commerciaux de lALENA et de lOrganisation mondiale du commerce (OMC) ne sappliquent pas lexportation massive deau. Leau nest objet de commerce que lorsquelle est mise dans un contenant. Cest le cas de leau embouteille. Lopinion du Qubec, formule par le ministre des Relations internationales, est la suivante :Laccord crant lOrganisation mondiale du commerce (OMC) et lAccord de libre-change nord-amricain (ALENA) excluent, de manire spcifique, les transferts massifs deau de leur champ dapplication. Ainsi, les lois fdrales de mise en uvre de lALENA et de laccord de lOMC spcifient que ces accords ne sappliquent pas aux eaux de surface ou souterraines, lexclusion de leau embouteille ou en citerne. Cette restriction exclut les exportations deau par dviation, drivation ou par pipeline, des obligations douverture des marchs contenues dans ces accords. Cependant, selon plusieurs observateurs, la possibilit dexporter de leau en citerne ouvre la porte des exportations denvergure. En effet, la notion de citerne est suffisamment floue pour permettre ventuellement lexportation par camion-citerne ou par navire-citerne. Leau douce deviendrait ainsi un objet de commerce au mme titre que leau embouteille, ce qui impliquerait que les obligations douverture des marchs devraient sy appliquer. Les accords de lOMC et lALENA permettent cependant ladoption de mesures restrictives de nature environnementale ou autre. En effet, larticle 103 de lALENA et larticle XX (b) du GATT permettent les restrictions de nature environnementale. Celles-ci doivent cependant remplir trois conditions fondamentales. La premire est que les mesures de restriction doivent tre appliques sur le march intrieur. La seconde est que les entreprises domestiques et trangres doivent tre traites sur le mme pied. La dernire est que les mesures adoptes ne doivent pas constituer des barrires dguises au commerce. (ECON13, p. 5)

La thse de la non-applicabilit de lALENA au domaine de leau et des exportations massives est fortement conteste par divers groupes, dont la Coalition EAU Secours !. La position fdrale, leur avis, est inadquate. Il ne suffit pas de faire un renvoi la CMI et dinterdire lexportation deau par transfert de bassin. Il faut carrment rengocier le chapitre 11 de lALENA. Leur argument est le suivant : Leau ltat naturel est dj considre comme une marchandise dans le droit amricain; qui plus est, leau ltat naturel est considre comme une marchandise en droit international (MEMO328, p. 21). Avant dappuyer une telle requte qui semble a priori sduisante, la Commission estime quil faudrait analyser lensemble de lALENA pour valuer prudemment ce que le Canada peut gagner et perdre en rengociant laccord. Cette tche dborde la comptence de la prsente commission.

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1.1.5

Les perspectives davenir de la question

court terme, de grands projets de drivation comme le GRAND Canal semblent peu vraisemblables. De mme, le commerce par bateaux-citernes vers les pays dOrient. Par ailleurs, le commerce de leau embouteille est dj une pratique courante et ne reprsente pas en lui-mme une menace. Lopinion de la CMI est sur ce point lapidaire : tant donn limportance extrmement rduite du commerce de leau embouteille et dautres boissons, il semblerait la fois peu commode et inutile de les traiter diffremment de tout autre produit qui comprend de leau ou dont le procd de production utilise de leau (ECON17, p. 11). Dans le cas de lexportation deau en vrac, le mot citerne pose un problme car il est mal dfini. Il peut donc ouvrir la porte un transfert massif deau souterraine ou de surface et mettre en chec la politique interdisant lexportation. Dans une perspective de prudence, compte tenu des impacts apprhends dans le cas de grands travaux ou dexportation massive et de lincertitude lie aux changements climatiques, il est souhaitable que le Qubec et le Canada interdisent par voie directe ou indirecte les projets dexportation massive deau. Nous estimons toutefois qu moyen et long terme, la simple interdiction juridique ne suffira pas protger les eaux canadiennes. Si lhypothse des changements climatiques est confirme dans le sens des prdictions actuelles, il y aurait diminution de la ressource-eau sur la majeure partie du continent mais une augmentation des prcipitations dans le nordest de lAmrique (TRAN75, p. 15). Le sud sasschera et le grand nord deviendra plus humide. Ceci veut dire que la tension actuelle ira en saccentuant. Plusieurs phnomnes sont alors prvoir. Dabord une migration de la population amricaine du sud vers le nord qui pourrait faire passer la population de la rgion des Grands Lacs de 40 millions 60 millions (TRAN66, p. 106). Ensuite une immigration au Canada de populations fuyant les pays victimes de scheresse. Et une intensification de lagriculture avec irrigation autour des Grands Lacs (TRAN66, p. 107), principalement du lac Michigan, lequel lac est entirement sur le territoire amricain et ne fait pas partie au sens strict des eaux limitrophes (TRAN66, p. 68). On peut donc penser que les dbats autour de transports deau du nord vers le sud reprendront un jour et que de nouveaux projets faisant appel des nouvelles techniques surgiront. Or, la position canadienne et qubcoise demande par les groupes et sur laquelle la Commission est daccord court terme pourrait se rsumer une doctrine amricaine traditionnelle, la doctrine Harmon, mise jour par une argumentation cologique. Elle consiste affirmer la souverainet territoriale absolue sur leau. Cette doctrine apparat insuffisante pour plusieurs raisons. Dabord parce que les frontires nationales ne correspondent pas aux bassins hydrographiques. lintrieur dun mme bassin versant, il y a des obligations damont en aval. Dans le cas du Qubec, il suffit de penser la situation du Saint-Laurent par rapport aux Grands Lacs ou certaines rivires coulant sud-nord et prenant leur source aux tats-Unis (Richelieu, Chteauguay, SaintFranois). Progressivement les principes de gestion des eaux frontalires voluent dans le

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sens dun usage raisonnable et quitable : tout tat a le droit duser des eaux de bassin auquel il appartient et de sen voir attribuer une part raisonnable et quitable (Sironneau, 1996, p. 66). Actuellement, la rflexion se situe lintrieur de la problmatique des cours deau partags et des bassins transfrontaliers. Mais il est prvisible que la rflexion slargira vers des considrations plantaires plus globales et que le concept de leau comme patrimoine commun de lhumanit pourra simposer au-del des contraintes cologiques qui sont les ntres actuellement. Il y a une lecture possible en ce sens du Manifeste de leau qui parle dun devoir de solidarit vis--vis des autres communauts humaines qui, pour une raison ou lautre, se trouvent dans une situation, provisoire ou structurelle, de pnurie ou de raret de leau (Petrella, 1998, p. 87). Petrella voque une loi-convention mondiale de leau et mme un tribunal mondial de leau. Le professeur Sasseville, qui commente la doctrine Harmon, estime que la rgulation se fera par la mise en place dun march de leau (GENE1.1, p. 139-189). La Commission estime que cela se fera plutt par lvolution du droit et par llaboration de principes thiques qui prendront aussi en considration les valeurs conomiques et les valeurs cologiques sous-jacentes. Au fond, il ne suffit pas dune loi pour rgler le problme. Il faut se prparer en fonction dargumentaires beaucoup plus complexes. Mais une loi claire visant la prservation des ressources nous fera disposer dun dlai de 20 ou 30 ans et permettra la rflexion de se dvelopper en ce domaine.

1.1.6

Conclusion

la question Le Qubec doit-il exporter massivement son eau douce ? , la Commission rpond par un non catgorique. Une stratgie dexportation massive nest probablement pas rentable et constitue un risque cologique viter. Ce serait une stratgie imprudente dans ltat actuel de nos connaissances et des incertitudes lies aux changements climatiques. court terme, le Qubec doit donc donner un caractre permanent la Loi visant la prservation des ressources en eau. Du ct fdral, lhypothse de la rengociation de lALENA devrait tre scrute en profondeur. long terme toutefois, il sera important dlaborer un cadre conceptuel thique et juridique plus large pour tre en mesure de rgler les diffrends si des situations graves de pnurie devaient se prsenter. Pour tre crdible et cohrent, le Qubec devra, pour sa part, mettre en place sur son propre territoire une gestion hors de tout soupon.

1.2 Doit-on accrotre lexploitation de leau souterraine ?La question de lexploitation de leau souterraine a t troitement lie dans lopinion publique la question de lexportation deau et celle de la commercialisation. La question devenait alors principalement sinon exclusivement lie lexploitation de leau souterraine des fins dembouteillage par des compagnies internationales en vue du march de lexportation. Tout en reconnaissant ces dimensions et leur potentiel explosif sur le plan des

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reprsentations symboliques, nous pensons quil vaut mieux distinguer la question de lexportation massive deau douce, souterraine et de surface (voir section 1.1), de celle touchant lexploitation de leau souterraine en soi et les conflits dusages possibles. Les conflits dusages sont dabord lis aux quantits et aux modes dexploitation plutt quaux finalits de lutilisation. Dans la section prcdente, la Commission a affirm son opposition lexportation massive. Dans la prsente section, nous rsumons lessentiel de notre rponse la question de lexploitation de leau souterraine aborde plus en profondeur la section 5.2.

1.2.1

La situation actuelle et les tendances

La situation actuelle de la consommation deau souterraine est plutt mal connue, mais tous les observateurs estiment que les tendances iront vers la hausse de la demande. Les plus grands usages de leau au Qubec concernent leau de surface : leau du fleuve Saint-Laurent, des rivires et des lacs. Pour ce qui est de leau souterraine, les estimations tablies par le ministre de lEnvironnement sont les suivantes : 54 % pour la consommation domestique; 23 % pour laquiculture; 16 % pour llevage et lirrigation; 7 % pour les autres usages industriels. (SOUT3, p. 2)

Le volume global de leau souterraine utilise en 1987 est tabli 1 186 812 mtres cubes par jour (1 m3=1 000 litres). titre de comparaison, la prise deau de la ville de Montral peut capter 2 600 600 m3 deau (de surface) par jour (MEMO362, p. 2). Cinquante-quatre pour cent de leau souterraine utilise sert la consommation domestique, alimentant environ 20 % de la population qubcoise, la moiti par le biais dun aqueduc municipal, lautre moiti grce des puits individuels. LAPGGQ value 200 000 et 250 000 le nombre de puits individuels au Qubec (TRAN68, p. 121). En agriculture, leau sert surtout llevage et lirrigation. Dans le cas de llevage, on estime quune vache en lactation a besoin de 141 180 litres deau par jour alors quune maternit de 200 truies utilise de 6 000 7 000 litres deau par jour. Quant lirrigation, on estime quelle concerne surtout les cultures marachres. Selon le MAPAQ, les superficies des terres agricoles irrigues ont plus que doubl de 1985 1995, passant de 15 284 33 611 hectares (TRAN67, p. 6 et 25). Mais le phnomne demeure marginal au Qubec. Dans le cas des utilisations industrielles, les donnes sont trs approximatives puisque le ministre de lEnvironnement na pas de rpertoire des industries puisant dans la nappe, ni des quantits puises par celles qui le font. Les donnes sont galement approximatives pour leau utilise en aquiculture (voir section 5.2).

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Les seules donnes prcises dont dispose le ministre de lEnvironnement sont celles relatives aux eaux embouteilles puisquil existe une liste exhaustive des captages deau de source et deau minrale autoriss ou en situation de droit exerc (SOUT28, document dat du 7 mai 1999). La proportion de leau embouteille dans lensemble de la consommation deau souterraine savre trs faible, se situant 0,08 %. Il est important de signaler ici que les donnes dont nous disposons ne sont pas prcises. Sauf pour les eaux embouteilles, il sagit destimations et lon peut penser que les quantits deau prleves sont largement suprieures cela. De plus, on ne tient pas compte de linfluence de lexploitation des carrires et sablires sur le niveau des nappes, ni des pompages excuts sur les sites miniers. Il y a galement lieu de penser que les informations sur les forages fournies par les puisatiers sont galement dficientes. Un reprsentant de lAssociation des eaux souterraines du Qubec a mis la Commission en garde sur ce point. Les foreurs sont normalement tenus dinformer le ministre de lEnvironnement sur les donnes concernant les puits creuss : localisation, profondeur du puits, nature du sol, qualit de leau puise, etc. Il semble que les informations fournies ne soient pas toujours dignes de foi, pour trois raisons : formation scientifique insuffisante de certains foreurs, rticence transmettre certaines informations, travaux excuts au noir (TRAN129, p. 5-17). En matire de prospective, on peut penser que le recours leau souterraine ira saccroissant. Pour les municipalits, leau souterraine est souvent de meilleure qualit que leau de surface et cote donc moins cher traiter, tout en tant plus saine. Les usages agricoles lis la production animale et lirrigation iront saccroissant, et lventualit des rchauffements climatiques pourrait accentuer la demande en irrigation. De nouvelles productions, exigent beaucoup deau. Le MAPAQ dsire que laquiculture double la production de truites de table en cinq ans (TRAN30, p. 14) et a cr cette fin un programme de subventions. Pour linstant, ce serait donc dans le secteur des piscicultures que lon peut sattendre des dveloppements importants dans la consommation deau souterraine. Par ailleurs, de nouveaux usages apparaissent. Par exemple, les terrains de golf qui sont la fois de grands consommateurs deau souterraine et de grands pollueurs, et lutilisation de leau souterraine des fins de gothermie, par le moyen de thermopompes.

1.2.2

La rserve exploitable de faon durable

Les experts que nous avons entendus sont peu prs unanimes sur un certain nombre de constats : o le Qubec dispose de quantits considrables deau souterraine souvent de trs bonne qualit; o il importe de distinguer la rserve deau souterraine estime 200 kilomtres cubes, que lon peut comparer un capital, et la partie renouvelable de cette eau constitue par linfiltration de leau de pluie dans le sol qui peut sapparenter un intrt. Cest cette partie renouvelable, qui pourrait reprsenter de 5 % 30 % des prcipitations selon les rgions, qui constitue la part exploitable de leau souterraine;

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o sur le plan global, lexploitation de leau souterraine est encore trs faible et le Qubec dispose dun grand potentiel en ce sens; o par ailleurs, sur le plan cologique, il nest pas ncessairement appropri dutiliser leau souterraine puisque cette eau sert lalimentation des lacs et des cours deau. Lutilisation de leau souterraine doit tenir compte de linterconnexion constante entre le rseau deau souterraine et le rseau deau de surface mme si les limites des deux rseaux ne concident pas; o leau souterraine demeure une eau extrmement fragile la pollution (par les pesticides et les fumiers, par le lixiviat des sites denfouissement de matires rsiduelles, par les rsidus miniers ou les hydrocarbures etc.). Une fois contamine, une nappe souterraine est trs difficile et trs coteuse nettoyer; o labondance thorique du Qubec en eau souterraine ne veut rien dire par rapport des projets prcis dexploitation. Chaque projet est valuer partir des conditions concrtes du milieu dintervention, savoir la nature de la nappe, sa qualit et sa quantit, et la nature des usages connus ou prvus; o les trs bons aquifres disponibles (en qualit et en quantit) semblent relativement peu nombreux. Ils sont souvent en milieu rural ou forestier et sont dsirs par diffrents acteurs en comptition les uns avec les autres; o la connaissance approfondie des aquifres est encore largement insuffisante et il est essentiel de procder une cartographie des eaux souterraines du Qubec mridional.

1.2.3

Les avantages de lexploitation des eaux souterraines

Les avantages de lexploitation des eaux souterraines sont vidents au point de vue de la qualit et de lconomie. Sauf dans les cas de contamination naturelle, par exemple par larsenic, les eaux souterraines sont souvent de meilleure qualit et moins pollues que les eaux de surface. Pour les puits individuels, la contamination par une gestion insuffisante des eaux uses ou des djections animales inquite les observateurs et semble constituer localement un dfi de sant assez srieux. Dans les rgions rurales, lalimentation en eau partir de leau souterraine est souvent fort importante (27 % en Montrgie, 53 % en Mauricie, 30 % en Outaouais, 47 % en Chaudire-Appalaches), dont souvent la moiti partir de puits privs. La temprature plus constante de leau souterraine constitue un atout de premier plan pour laquiculture. Sa qualit en fait une eau de choix pour les municipalits qui auront donc tendance chercher salimenter davantage partir des nappes souterraines. Quant aux eaux de grande qualit qui peuvent recevoir le titre deau de source ou deau minrale, elle constituent une eau de boisson idale. Argument que la publicit ne manque pas dutiliser largement (Cans, 1997).

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Au point de vue conomique, lavantage est galement vident. Le traitement de leau municipale cote nettement moins cher partir de leau souterraine qu partir dune eau de surface. Le Qubec salimente 20 % partir de leau souterraine et la France, 60 %. Selon une autre source, les deux tiers des habitants de lEurope sont aliments en eau souterraine 2. Selon lEPA, 90 % de la population de lIdaho salimente leau souterraine et, pour lensemble des tats-Unis, la proportion stablissait 51 % en 19903. Sur le plan domestique toutefois, des associations voues la protection des consommateurs ont signal que, dans certaines rgions comme Lanaudire et Laurentides, des gens disposant dune eau dure et fortement minralise sont victimes de certains promoteurs dappareils de traitement deau dont lefficacit est douteuse et les cots, importants. Du ct de lagriculture et de laquiculture, les avantages apparaissent galement vidents. De mme pour tous les usages industriels, pour les propritaires de golf et pour les producteurs de boissons : eaux gazeuses, jus, bires. Lutilisation de thermopompes tait une activit en progression en 1992. Quant leau embouteille, elle reprsentait un march de 120 millions de dollars en 1994 (PR3, p. 40) et de 182 millions en 1997 (GENE1.1, p. 133). LAssociation des embouteilleurs deau du Qubec avance le chiffre de 5 000 emplois directs et indirects (MEMO211, p. 9). Dans une stratgie de dveloppement conomique, il est vident que leau souterraine constitue une ressource importante, dans la mesure o sa qualit se maintient et o lon ne porte pas atteinte la durabilit de la ressource. Cette ressource est essentielle pour lalimentation humaine et prcieuse pour la production agricole et piscicole. Les problmes de priorisation des usages sont importants. Pour le commerce local et international, elle reprsente, comme eau de boisson livre en petits contenants de 25 litres ou moins, une occasion intressante en soi et en pleine expansion. Mais lnorme controverse sociale son propos demande des prcisions.

1.2.4

Les inconvnients de lexploitation

Dun point du vue strictement cologique, il ny a pas trop deau souterraine. Cette eau resurgit naturellement ou sert alimenter les cours deau. Leau que lon cueille et que lon rejette entre donc plus vite dans le rseau de leau de surface, ce qui peut modifier les cours deau dune manire importante au moment des tiages. Dans certains cas, leau embouteille ou leau dite virtuelle qui a servi la production de denres agricoles est divertie vers dautres bassins versants et constitue une perte pour le bassin dorigine. Deux concepts sont ici imprieux : durabilit et prvention. Prvention : leau souterraine est fragile et particulirement sensible certaines pollutions. La simple existence de nombreux puits mal calfeutrs constitue dj une menace pour la qualit de leau souterraine. Le maire de Mirabel a alert la Commission sur une pratique inquitante. Des cultivateurs feraient creuser des puits non pour puiser de leau, mais pour chasser leau de surface collecte par les drains agricoles (TRAN119, p. 27). Durabilit : leau ne doit pas

2. http://www.eea.eu.int/document/brochure/H2ostress/problems.htm 3. http://www.epa.goufow/ressources/9698/

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tre puise au-del de son taux de renouvellement. Comme nos connaissances sont encore restreintes en ce qui concerne la nature des nappes, leur potentiel et leur taux de renouvellement, il importe dadopter une approche de modration et de prudence pour viter des excs de prlvements. Il ny a pas daquifres inpuisables. Lexemple le plus probant est celui de lOgallala, limmense aquifre du sud des tatsUnis. valu 453 000 kilomtres carrs et dun volume estim 3 700 kilomtres cubes (la rserve du Qubec habit est estime 200 kilomtres cubes), lOgallala irriguait en 1978 5,2 millions dhectares. Dix ans plus tard, la superficie irrigue chutait de 20 % et on estime quen 2020, un autre 40 % cessera dtre cultivable (Postel, 1999, p. 59 et 77). La cause principale de lpuisement de cet aquifre est lirrigation. Cet exemple extrme illustre tout de mme la fragilit des aquifres. Plus encore, cest lpuisement de lOgallala qui nourrit les phantasmes dune dportation de leau canadienne vers les tats-Unis.

1.2.5

Les diffrentes controverses

Lexploitation des eaux souterraines soulve de vives controverses. Plusieurs dossiers importants, dont certains ont t trs mdiatiss, ont t soumis la Commission (voir section 5.2). Les plus connus concernent lexploitation des eaux souterraines des fins commerciales, principalement des projets dembouteillage deau de source et deau minrale. Les dossiers de Franklin, Saint-Andr-Est, Barnston-Ouest, Saint-Placide ont fait lobjet de trs vifs dbats dans lopinion publique et laudience. Actuellement, selon le ministre de lEnvironnement, il y avait 35 captages deau de source et deau minrale au 7 mai 1999 (SOUT28) alors que 16 dossiers taient ltude au 21 avril 1999 (SOUT15). Les participants ont demand avec insistance lors de laudience publique le rtablissement du moratoire dcrt par le gouvernement, entr en vigueur le 18 dcembre 1997 et chu le 1er janvier 1999. Dautres controverses concernent les piscicultures, fortes consommatrices deau de surface et deau souterraine et sources de pollution non ngligeables. Les dossiers de Weedon, Woburn et Saint-Omer ont t signals. Comme les hypothses de dveloppement sont grandes dans ce secteur, on peut sattendre de vives tensions, dautant plus quen Outaouais, par exemple, le MAPAQ a dj identifi des lieux propices limplantation de piscicultures. Au palier municipal, il importe de signaler le dossier de la Ville dAmos qui puise son eau potable mme lesker de Saint-Mathieu Lac Berry et qui essaie, depuis 1976, de protger adquatement son primtre de protection des sources deau potable (MEMO46, p. 6). Elle se butte la prsance accorde lexploitation minire par la Loi sur les mines et la Loi sur lamnagement et lurbanisme, ainsi qu ce quelle peroit comme linertie du gouvernement rgler le problme. Rigaud, des citoyens aliments par des puits individuels dnoncent la surexploitation de laquifre par la municipalit soucieuse dalimenter de nouveaux dveloppements rsidentiels relis, ceux-l, laqueduc municipal. Saint-Modeste et Saint-Antonin, les agriculteurs de ces municipalits dnoncent la volont de la Ville de Rivire-du-Loup de venir chercher leau sur leur territoire. Leur en restera-t-il assez ? Cela leur imposera-t-il des contraintes dans lexercice de leur mtier ?

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Chaque dossier est unique, bien sr. Mais il est clair que les conflits naissent surtout propos des usages comptitifs. Sil y avait de leau sans limites pour satisfaire tous les usagers, tout serait possible. Mais comme les usages de lun risquent dempcher et de limiter les usages de lautre ou de lui imposer des contraintes, les conflits surgissent. La rsistance vient principalement du milieu agricole qui considre leau souterraine comme son bien propre et qui veut la fois prserver des usages la hausse (pour lirrigation et pour dautres dveloppements) et empcher des contraintes certains types de culture ou de pratiques (usage de pesticides, pandages de fumiers). Do son refus catgorique de toutes formes de projets urbains et commerciaux qui risqueraient dimposer des contraintes conscutives la mise en place de primtres de protection. Le conflit qui oppose Saint-Modeste et Saint-Antonin Rivire-du-Loup est presque aussi vif que celui de Franklin. Mais leffet mdiatique nest pas le mme. Saint-Modeste, cest un conflit dur mais classique entre le milieu rural et le milieu urbain. Franklin, on retrouve une multinationale qui veut exporter de leau des fins commerciales. Le champ symbolique est entirement diffrent. Les tudes sur la perception du risque sont ici clairantes et on trouve dans le prsent dossier plusieurs lments invoqus dans cette documentation spcialise : absence de contrle, technologie peu familire, potentiel de catastrophe, crainte pour les gnrations futures, sentiment dalination, caractre involontaire de la situation, mfiance dans les institutions, couverture mdiatique (BAPE, 1993, p. 140). Lhypothse de la transformation de leau en marchandise exportable volont vient branler le sentiment dappartenance et porter atteinte une perception quasi sacre. Cette dimension, Gilles Vigneault la bien exprime dans un mmoire en forme de chanson :La source qui fait le ruisseau Nen demande pas son salaire La source qui fait le ruisseau La source ne vend pas son eau. (MEMO274)

Vendre ou ne pas vendre. qui donc appartient leau ? Quel est son statut ? De lavis du ministre de lEnvironnement, le statut lgal de leau souterraine diffre de celui de leau de surface. Leau de surface a un statut de bien commun. Ainsi, un propritaire riverain peut y accder et sen servir. Toutefois, il doit rendre au cours deau les eaux utilises sans modification majeure (PR3, p. 18). linverse :[] en vertu du Code civil du Qubec, leau souterraine est un bien de proprit prive reli la proprit immobilire. Tout propritaire dun puits peut utiliser les eaux souterraines et en disposer comme bon lui semble sous rserve des limites poses par la loi et le droit commun. (PR3, p. 12)

Ce statut priv de leau souterraine a t souvent comment en audience publique. Des juristes ont affirm dans des mmoires trs toffs que, contrairement lopinion reue, leau souterraine a un statut quivalent celui de leau de surface (MEMO248 et 283). En

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tout cas, la plupart des participants qui se sont prononcs sur le sujet ont insist sur la ncessit de clarifier la question et de sassurer hors de tout doute que leau souterraine soit considre comme un bien commun.

1.2.6

Discussion

Accroissement de la demande

Sur la question de leau souterraine, la Commission estime que leau souterraine fait et fera lobjet dune demande accrue de la part dun grand nombre dacteurs : municipalits, agriculteurs et aquiculteurs, industries, individus ( cause de ltalement urbain et de la progression de la villgiature). Cet accr