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RECHERCHE ET DÉFENSE, VERS UN NOUVEAU PARTENARIAT ? Renaud Bellais De Boeck Supérieur | Innovations 2005/1 - no 21 pages 145 à 166 ISSN 1267-4982 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-innovations-2005-1-page-145.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Bellais Renaud, « Recherche et défense, vers un nouveau partenariat ? », Innovations, 2005/1 no 21, p. 145-166. DOI : 10.3917/inno.021.0145 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 03h21. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - National Chung Hsing University - - 140.120.135.222 - 13/04/2014 03h21. © De Boeck Supérieur

Recherche et défense, vers un nouveau partenariat ?

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RECHERCHE ET DÉFENSE, VERS UN NOUVEAU PARTENARIAT ? Renaud Bellais De Boeck Supérieur | Innovations 2005/1 - no 21pages 145 à 166

ISSN 1267-4982

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-innovations-2005-1-page-145.htm

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Bellais Renaud, « Recherche et défense, vers un nouveau partenariat ?  »,

Innovations, 2005/1 no 21, p. 145-166. DOI : 10.3917/inno.021.0145

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Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur.

© De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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Innovations, Cahiers d’économie de l’innovation n°21, 2005-1, pp.145-166.

Recherche et défense, vers un nouveau partenariat ?

Renaud BELLAIS1 Professeur associé à l’École Spéciale Militaire de Coëtquidan

Laboratoire Redéploiement Industriel et Innovation Université du Littoral Côte d’Opale

La deuxième guerre mondiale a entraîné un bouleversement

du rapport de la défense à la science. L’avantage stratégique évident procuré par la recherche-développement (RD) aux bel-ligérants a amené les militaires à porter une plus grande at-tention à la science. De leur côté, beaucoup de scientifiques ont trouvé auprès de la défense un soutien quasi-providentiel pour les recherches qu’ils souhaitaient réaliser. Pourtant la fin de l’opposition Est-Ouest a rompu cette alliance. Les finance-ments publics pour la RD de défense se sont taris. Simulta-nément, les scientifiques ont cherché ailleurs, principalement auprès des industriels civils, les moyens de financer leurs travaux. De ce fait, le lien entre la défense et la science est devenu de plus en plus ténu. Pourtant les évolutions récentes soulignent le caractère insatisfaisant de la situation du début du XXIème siècle.

En effet, la fin de l’Histoire naguère annoncée masquait une instabilité du monde, notamment sous les coups de la mondia-lisation. La défense repose autant, si ce n’est plus, sur l’inno-vation technologique pour faire face aux menaces potentielles et missions nouvelles. Par ailleurs, les industriels ne se sont substitués que partiellement à la défense pour le financement de programmes de recherche longs et aux aboutissements aléatoires. Comment répondre alors aux défis communs de la défense et de la science aujourd’hui ? Cette interrogation est d’autant plus intéressante que les États-Unis ne cachent pas leur volonté de relancer, la course à l’innovation technologique dans la défense depuis septembre 2001. Or la plupart des

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autres pays n’ont plus les ressources nécessaires pour s’engager dans cette stratégie selon les mêmes termes qu’au cours de la guerre froide. Un nouveau partenariat entre la défense et la science serait-il la solution pour conjuguer maîtrise des dépen-ses militaires et maintien de l’Europe à la pointe du progrès scientifique et technique ?

LA FIN D’UN SYSTÈME Big Defense, Big Science − C’est ainsi qu’il est possible de

caractériser le système qui s’est mis en place pendant la guerre froide. Pourtant, ces deux mondes ont eu tendance à choisir des voies différentes depuis une décennie, ce qui reflète des changements géostratégiques et politiques majeurs. Une telle divergence apparaît contre-productive aujourd’hui et il con-vient de définir les fondements d’un nouveau « pacte » entre la science, d’une part, et la défense (ou plus largement la société) d’autre part.

Le tournant des années 1990

Les politiques de RD ont connu de profondes mutations

depuis les années 1980, pour répondre à de nouveaux objectifs de politique publique. Un de ces objectifs est de stimuler la croissance économique (via des politiques de compétitivité structurelle) en ouvrant le plus d’opportunités d’investissement aux entreprises et en leur laissant la possibilité d’orienter l’effort global de RD en fonction de leurs besoins. Parallè-lement, la fin de la guerre froide a « désanctuarisé » l’effort de RD de défense et entraîné une baisse sensible des crédits accompagnant la forte contraction des dépenses militaires dans les années 1990 (cf. graphique ci-dessous). La contestation de l’intervention de l’État dans l’économie jusque dans les questions d’armement entraîne une recomposition du fonc-tionnement du système national d’innovation des grands pays producteurs d’armes.

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Graphique 1 Dépenses militaires de l’OTAN (1980-2001)

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E u r o p e o c c i d e n t a l e

Source : Stockholm International Peace Research Institute, SIPRI Yearbook (1990-2002)

En France, en matière de RD, les financements provenant

des entreprises ont augmenté continûment depuis 1990, alors qu’on observe une érosion régulière des financements publics. Ces deux tendances conduisent à une baisse sensible de la part des administrations dans l’effort de recherche national. Ce constat est préoccupant au moins à deux titres. En participant moins au financement de la recherche, l’État est moins à même d’influencer les grandes orientations de la RD et donc de faire prévaloir ses besoins en matière d’innovation. Cette possibilité est d’autant plus forte pour les domaines dans lesquels l’État est le seul ou le principal demandeur, en particulier la Défense. En l’absence de potentialités fortes de débouchés sur des marchés civils, les entreprises ne vont pas spontanément, et sur fonds propres, s’engager dans des recherches (Lichtenberg, 1990).

Au-delà de ces domaines, l’investissement public favorise la diffusion d’externalités de connaissances, essentielles dans le secteur de la recherche et pour une croissance pérenne (Foray, 2000). Les dépenses publiques peuvent ainsi être considérées comme une incitation à l’investissement privé. Dans le cas des aides de l’État aux recherches menées dans les entreprises (subventions, commandes,…), Guellec et van Pottelsberghe (2000) montrent par exemple que les financements publics s’a-joutent à l’investissement privé et qu’ils ont un effet de levier

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avéré1. Une baisse de ces financements risque alors de conduire à une réduction des dépenses internes de RD des entreprises dans certains domaines.

La diminution progressive de l’engagement public dans l’effort national de recherche a donc un effet indirect négatif sur l’ensemble du système national d’innovation. Le secteur public joue également un rôle crucial dans le financement de la recherche fondamentale, pour laquelle les incitations à investir sont beaucoup plus faibles pour les entreprises.

Il faut souligner que la baisse de l’effort public (direct ou indirect) n’est pas immédiatement perceptible. C’est en ce sens que nous pouvons nous demander quelles seront les impli-cations de la forte contraction des dépenses de RD de défense au cours des années 1990 (voir tableau) sur la maîtrise à long terme des technologies nécessaires à la sécurité nationale. Il en va de même pour les domaines où l’État a constitué jusqu’à aujourd’hui le moteur principal de l’effort de recherche.

Tableau 1 Dépenses totales de recherche-développement des entreprises en France par source de financement (millions de francs constants 1990)

* dépenses totales des entreprises = DIRDE + DERDE exécutée par l’Etat et l’étranger ** hors crédit d’impôt recherche Source : Ministère de l’Éducation Nationale de la Recherche et des nouvelles Technologies (MENRT), Recherche et Développement en France, dossier n°144, juin 2003.

La vision optimiste d’une transmission de témoin du public

au privé en matière de recherche se heurte ici à un obstacle de taille : les entreprises n’ont pas les mêmes motifs que les pouvoirs publics, ce qui modifie notablement la structure des financements (choix des domaines, niveaux d’intervention des dépenses). L’investissement en RD des entreprises est intime-ment lié aux perspectives de chiffre d’affaires et de profits. La

1 Guellec et van Pottelsberghe (2000) établissent qu’un dollar donné aux entre-prises se traduit par 1,70 dollar de RD en moyenne.

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Dépenses totales*

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Entreprises 71,3% 73,6% 74,6% 76,6% 76,8% 79,4% 81,7% 80,9% 80,8%

État** 17,8% 16,1% 15,0% 13,1% 12,6% 10,7% 9,6% 10,9% 10,8%

dont Défense 12,2% 10,4% 10,0% 9,0% 8,1% 7,4% 6,7% 7,0% 7,2%

Étranger 11,0% 10,2% 10,4% 10,3% 10,5% 9,9% 8,7% 8,2% 8,4%

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part de l’autofinancement des entreprises s’est fortement accrue au cours des années 1990 en raison d’une concurrence de plus en plus marquée par la technologie et l’innovation.

Toutefois, les étapes les plus amont de la RD ont souffert de la baisse des efforts de recherche internes de la part du secteur public, ainsi que de l’insuffisance des incitations de l’É-tat pour faire conduire ces recherches au sein des entreprises.

Un nécessaire rapprochement entre défense et science

Les stratégies des États de l’OCDE en matière de politique

scientifique et technologique depuis une décennie reposent en grande partie sur la capacité des entreprises à relayer leur action dans ce domaine, que ce soit dans les activités civiles ou dans la défense. Un tel choix repose sur le présupposé que ces derniè-res sauront mieux que les institutions publiques allouer les res-sources en matière de financement de la RD1. L’accroissement des dépenses privées de RD est réel ; mais elle ne doit pas masquer le fait que le marché est l’aiguillon principal de leurs décisions d’investissement, comme le souligne le prodigieux accroissement des dépenses dans le domaine des technologies de l’information et du vivant dans les années 1990. Le tableau ci-dessous montre que la réduction de l’effort public de RD dans les phases les plus amonts ne s’est pas concrétisée par une envolée des dépenses privées. Ceci contredit l’idée selon la-quelle les dépenses publiques (notamment en raison d’une pression fiscale conséquente) ont un effet d’éviction sur l’effort privé de RD, en particulier du fait de dépenses militaires élevées.

De fait, les entreprises devraient être incitées à fortement investir dans la recherche en raison des potentialités de crois-sance qu’elle permet. Les études économiques s’accordent sur le fait que les investissements en RD offrent un rendement so-cial d’au moins 30%, certaines estimations s’élevant au-delà de 50%. Par comparaison, le rendement privé du capital s’établit autour d’une valeur moyenne de 7% en longue période2. En

1 Jean-Yves Helmer, alors délégué général pour l’armement, avait explicitement choisi lors de la réforme de 1996-1997 d’abandonner la politique de recherche directe existant jusqu’alors à la DGA. La suppression de la DRET (direction de la recherche et des études techniques) se fondait sur le postulat que les entre-prises d’armement sont plus à même d’allouer les crédits de RD et d’autofinancer les investissements dans ce domaine. Il est intéressant de noter que son analyse a sensiblement évolué à la fin de son mandat (cf. Helmer, 2000). 2 La valeur de 7% correspond au retour sur investissement moyen des place-ments boursiers entre 1880 et 1980, selon les calculs de Mehra et Prescott (1985).

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dépit de ce rendement élevé, qui devrait inciter les entreprises à surinvestir en RD, Jones et Williams (1997) montrent que l’investissement privé est quatre fois plus faible que le montant social optimal1.

Tableau 2 Répartition de la DIRD des entreprises (classification Frascati) 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 DIRDE* 100793 99797 99421 98302 99710 99784 100555 105764108662 Rech. fondamentale

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Rech. Appliquée 28,2% 25,1% 25,1% 25,5% 25,1% 27,3% 28,0% 29,3% 36,2% Développement 67,3% 70,5% 70,1% 70,4% 70,7% 68,3% 67,5% 66,1% 59,6% * dépenses internes de recherche et développement des entreprises (en millions de francs constants 1990) Source : Ministère de l’Éducation Nationale de la Recherche et des nouvelles Technologies (MENRT), Recherche et Développement en France, dossier n°144, juin 2003.

Bien qu’elles soient conscientes de ces tendances, les entre-

prises sont soumises à des contraintes qui les ont progressi-vement éloignées du financement de la recherche fondamen-tale et non-finalisée (Bonvillian, 2001). Soumises à une forte concurrence − nationale et internationale − et à des critères d’évaluation des investissements définis par les analystes financiers, les entreprises tentent de justifier les dépenses de RD en soulignant leurs retombées commerciales et/ou industrielles, souvent en se référant à des thématiques ayant force de mots d’ordre dans leur domaine d’activité. De ce fait, si certains centres de recherche ont pu développer une impor-tante activité contractuelle avec le secteur privé, cette tendance porte essentiellement sur la valorisation des connaissances (phases aval de la RD).

Loin de prendre globalement le relais des États, les entre-prises cherchent une valorisation rapide de leurs investisse-ments. Jan van den Biesen, Vice-Président pour la Recherche de Philips, explique ainsi que « la recherche fondamentale a perdu sa pertinence directe pour Philips » et que l’effort de RD a été redirigé au plus près des activités du groupe (Biesen, 2001). La transformation du CNET en France Telecom R&D, suite à la privatisation du groupe, a impliqué un recentrage si-milaire que nous pouvons retrouver dans de nombreux grands groupes. Comme le soulignent Branscomb et Auerswald (2001: 11), « les observateurs universitaires ont montré que les entre-

1 C’est-à-dire l’effort social de RD compatible avec le taux de croissance écono-mique le plus élevé.

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prises sous-investissent systématiquement dans les techno-logies de pointe et échouent concrètement dans la commer-cialisation des produits de leurs propres activités de recher-che ». Une telle situation soulève des interrogations sur la per-tinence des choix de politiques technologiques.

Les évolutions récentes mettent en évidence l’antinomie qui apparaît entre le financement d’une recherche non-finalisée et la logique de profit des entreprises (Bellais, 2003). Il existe un véritable paradoxe de la relation des entreprises à la science. En raison des avancées rapides de celle-ci, le potentiel de ren-dement des investissements en RD apparaît élevé, ce qui devrait accélérer le rythme de tels investissements. Pourtant c’est l’inverse qui se produit.

Outre les problèmes d’appropriation des résultats, la recherche est un investissement dans le futur et elle a un important coût d’opportunité quand le retour sur investisse-ment des développements actuels est élevé. Ainsi les revenus envisageables à moyen et long terme à partir de la recherche non-finalisée subissent une forte décote afin d’être comparés aux investissements profitables à court terme (Rozmainsky, 2001). Une telle approche engendre un biais en faveur des projets les plus immédiats et elle a des effets dévastateurs quant à la capacité des entreprises à porter une recherche non-finalisée.

Comment se positionnent les entreprises liées à la défense par rapport à cette tendance globale ? Comme nous l’avons dé-jà souligné, les États ont placé beaucoup d’espoir dans une implication des entreprises de défense en matière de RD. Une telle stratégie accompagne d’ailleurs le retrait des gouverne-ments de la production d’armement et le recours à des solu-tions innovantes du financement des équipements des armées. Il apparaît cependant que ces entreprises ne se distinguent pas spécifiquement des entreprises civiles, ce qui pose un problème de viabilité d’une politique fondée essentiellement sur les signaux de marché ou les décisions des entreprises dans la garantie d’une supériorité technologique au service de la défense.

La volonté d’améliorer l’efficacité de l’État en s’appuyant sur les compétences des entreprises et du secteur privé ne doit pas nous faire perdre de vue que certaines activités s’avèrent peu compatibles avec la logique de l’économie de marché, en particulier lorsqu’elles relèvent des missions régaliennes comme la défense. Jean-Yves Helmer, alors délégué général pour l’armement, soulignait : « Le système de défense d’une

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nation comme la nôtre ne se conçoit pas sans la capacité d’apprécier les risques et opportunités engendrés par les évolu-tions technologiques. Il ne se construit pas sans une politique de maîtrise des technologies essentielles à l’exercice de sa souveraineté. » (Helmer, 2000: 6) Plus globalement, il est du ressort de l’État en tant que garant de l’intérêt général de s’assurer d’un effort suffisant de RD1 pour répondre aux besoins sociaux.

Pour une politique scientifique jeffersonienne

Le « tout marché » n’est pas automatiquement un critère

d’efficacité ; il peut conduire à l’apparition de carences qui, si elles ne sont pas comblées, peuvent mettre en péril non seulement la croissance économique et l’emploi, mais aussi la sécurité extérieure. Il importe donc d’établir une politique scientifique et technologique conjuguant le rôle moteur des entreprises et la capacité de l’État à mettre en œuvre une action subsidiaire répondant aux besoins sociaux. Comment répondre aux défis (en particulier scientifiques et économiques) qui se posent simultanément à la société, en termes d’amélioration du bien-être et de croissance économique dans le long terme, et aux armées, pour l’obtention de la supériorité stratégique nécessaire pour garantir la sécurité de la nation ?

Ces dimensions sont en effet intimement liées, puisqu’elles reposent sur les mêmes fondements − les armées et les institu-tions civiles étant les garants de l’intérêt général. Cet dernier ne peut résulter de la seule aggrégation des choix individuels car, comme le soulignait naguère Keynes (1936), il existe au niveau sociétal des phénomènes macroscopiques non-réductibles aux phénomènes d’ordre individuel. La question qui se pose est alors de savoir comment gérer ces dimensions collectives inscrites dans la durée, c’est-à-dire principalement le progrès scientifique et technologique ainsi que la sécurité ? Énoncer cette idée n’est pas suffisant. Encore faut-il définir la forme que doit prendre l’intervention publique. Les pouvoirs publics ont rejeté depuis plus d’une décennie le modèle des grands programmes technologiques. Comment peut se concrétiser une socialisation (financière ou institutionnelle) de l’investissement ? Le tableau ci-dessous permet d’éclairer notre analyse.

1 Ce niveau s’exprime non seulement par des ressources suffisantes pour permettre aux centres de recherche de mener à bien leurs travaux dans une optique d’excellence, mais également une répartition appropriée de ces dépenses au regard des besoins des différents champs de recherche.

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Tableau 3 Modèle en quadrant de la recherche scientifique

Considération d’usage Non Oui

Oui Recherche fondamentale pure

(Bohr)

Recherche fondamentale

inspirée par l’usage (Pasteur)

Recherche d’une

compré-hension

fondamen-tale

Non Exploration et systématisation

(Linné)

Recherche appliquée pure

(Edison) Si les différentes catégories de recherche présentées ici

peuvent trouver des financements par différents acteurs de l’économie, l’évolution récente porte sur la pondération que l’État et les entreprises apportent à chaque finalité. Le caractère opérationnel de la recherche-développement l’emporte de plus en plus sur toute autre orientation. Le barycentre de l’effort de recherche-développement tend à se décaler vers le quadrant sud-est de cette grille d’analyse. D’une certaine manière, les pays industriels tendent à réduire leur soutien financier aux programmes newtoniens (découvrir les lois de la Nature) pour favoriser de manière croissante des recherches d’approche baconienne (répondre à une question pratique). Ce choix peut être pertinent en termes d’efficacité et d’allocation des res-sources budgétaires à court ou moyen terme, mais il apparaît périlleux à plus longue échéance.

Face au défi de la conception des politiques scientifiques et technologiques, Lewis Branscomb et certains universitaires américains ont proposé ce qu’ils appellent une « politique scientifique jeffersonienne » (Branscomb et al., 2002). Cette approche établit une analogie avec les deux motifs pour lesquels le président Thomas Jefferson a soutenu l’expédition de Lewis et Clark1. Les tenants de la « Science pour la Société » proposent de financer des recherches exploratoires, guidées par la curiosité des chercheurs et répondant à des besoins sociaux.

1 Lewis et Clark ont monté une expédition scientifique dans l’Ouest de l’Amérique (1804-1806), à la suite du rachat de la Louisiane par les Etats-Unis, pour acquérir des informations purement scientifiques sur un territoire inconnu (faune, flore, coutumes et langues des populations autochtones, géographie, etc.) et « servir la société par la cartographie d’une partie du continent nouvellement acquise pour mieux préparer l’inévitable expansion de la population croissante de l’Amérique dans le long terme » (Holton et Sonnert, 2002: 1).

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Une telle politique conjugue à la fois la dimension ouverte de la recherche (par une inscription des travaux dans une optique de moyen/long terme) et une délimitation d’objectifs identifiables (pour le cadrage des recherches). Une politique jeffersonienne consiste ainsi à financer publiquement une recherche de haute qualité scientifique, structurée par des thé-matiques définies en fonction des besoins sociaux. La recher-che doit être éclairée par la curiosité des scientifiques, mais celle-ci ne doit pas être le seul moyen de définir les axes de recherche : les besoins sociaux doivent servir à établir des priorités et à définir un agenda. L’objectif est ici de redonner une légitimité institutionnelle à l’effort scientifique et techno-logique.

En effet, la démarche newtonienne est aujourd’hui très critiquée, car elle ne permet pas une évaluation budgétaire aussi commode que pour les recherches finalisées (en tout cas dans les domaines civils). « Récemment, note Holton (2000: 7), lorsque l’attribution de fonds dépend pour une large part des représentants de la volonté populaire, la connaissance de la population concernant la science, ses méthodes et ses besoins est devenue de plus en plus fragile. Comme le sénateur Harry Reid s’en alarmait en avril dernier, beaucoup de gens commencent aujourd’hui ‘à voir la science comme un luxe qui peut être restreint ou supprimé’. »

Le mode jeffersonien de présentation et de détermination des recherches scientifiques peut rendre ces dernières plus compréhensibles pour l’opinion publique et de leur gagner un soutien dans la société en montrant la contribution de la science à l’amélioration de la vie des citoyens et à la résolution des enjeux sociétaux1. Une telle démarche permet également de définir des critères d’évaluation des projets, même lorsqu’une évaluation purement économique ou budgétaire apparaît mal aisée.

En effet, la difficulté pour défendre des projets scientifiques ou technologiques à moyen/long terme est qu’il est impossible de prédire quels en seront les résultats spécifiques et, plus en-core, les retombées économiques. La démarche jeffersonienne consiste néanmoins à « développer des scénarios possibles qui établissent à partir des avancées scientifiques rapides [envi-

1 Il est à noter que le domaine médical a su, depuis les années 1960, mobiliser l’opinion et les décideurs publics autour de croisades (cancer, SIDA, maladies génétiques, etc.) catalysant les efforts des chercheurs tout en permettant de con-tinuer les recherches les plus amont. C’est bien ce type de synergies que défen-dent les tenants d’une politique jeffersonienne de la science et de la technologie.

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sageables grâce aux financements publics] des extrapolations sur l’impact sociétal potentiel » (Guston et al., 2001: 4). Par une analyse prospective, il convient de définir cet impact des projets en concurrence (d’un point de vue budgétaire) et d’é-tablir une grille d’analyse permettant de défendre les projets jugés socialement les plus importants devant l’opinion et les décideurs politiques.

Dans le cas de la défense, cette stratégie vise également à favoriser le rapprochement entre la base industrielle et tech-nologique de défense et l’économie civile. La dualité de multiples projets apparaît de fait ontologique et le cloison-nement de ces deux domaines artificiel. L’intégration des objectifs de défense et de besoins civils devrait ainsi permettre des synergies et conduire à une meilleure utilisation des deniers publics autour d’objectifs communs.

La question est alors de savoir comment mettre en œuvre cette politique. En effet, faut-il une action directe de l’État ? Ce dernier doit-il fonder son action sur un partenariat avec le monde de l’entreprise ? Cette question renvoie aux nouvelles approches des relations État/marché qui ont émergé dans les années 1990. Il est ainsi intéressant de se demander quelles pourraient en être les applications au niveau de la science et de la technologie pour répondre aux enjeux de croissance et de sécurité nationale.

VERS UNE NOUVELLE APPROCHE DES BIENS COLLECTIFS Si le besoin d’un effort collectif semble essentiel dans le

domaine de la science et de la défense, les modalités de réalisation d’un tel effort ont changé. Ceci résulte notamment des profondes évolutions dans l’articulation entre État et marché depuis deux décennies. Un tel contexte ouvre la voie à des innovations dans la gestion des enjeux collectifs qui pourraient améliorer l’efficacité des dépenses publiques tout en répondant aux besoins d’une socialisation de l’investissement dans ce domaine.

La nouvelle frontière État/marché

Dans l’analyse économique traditionnelle, l’État a une

action supplétive par rapport au marché. Le rôle des pouvoirs publics est restreint à un domaine bien défini : remédier aux lacunes du marché qui ne peuvent pas être comblées sur une

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base strictement volontaire. Cette approche concerne spécifi-quement les biens (ou services) collectifs, qui se définissent comme des biens dont la fourniture concerne l’ensemble de la société et qui présentent des caractéristiques les distinguant des biens privés : la non-rivalité et la non-exclusion.

Un bien est dit « rival » quand son achat ou son utilisation par une personne exclut définitivement toute consommation par une autre personne. Les biens collectifs peuvent, au contraire, être consommés par autant de personnes qu’il y a d’utilisateurs potentiels sans coût supplémentaire1. Chaque utilisateur d’un bien public peut jouir non seulement de la même quantité que tous les autres, mais encore de la quantité totale offerte. Le coût marginal engendré par un utilisateur supplémentaire est donc très faible (voire nul), de sorte que le rationnement − par quelque moyen que ce soit − n’est pas justifié d’un point de vue économique.

Un bien est dit « non-exclusif » quand son détenteur n’est pas en mesure d’en empêcher l’accès à toute personne qui refuserait de payer le prix demandé par le détenteur de ce bien. A partir du moment où ces biens sont disponibles, il n’est pas techniquement possible ou rationnel d’empêcher un individu d’en profiter même si celui-ci ne contribue pas effectivement à leur financement. L’exclusion n’est pas toujours impossible, mais son coût peut être exorbitant2.

Lorsque ces deux critères sont réunis, les mécanismes de marché peuvent être mis en échec pour la fourniture de tels biens. Le financement par l’impôt permet de fournir des biens qui ne le seraient pas par les mécanismes de marché (ou en quantité socialement sous-optimale) et de contraindre les agents à révéler leurs préférences. Le recours à l’impôt, forme de consommation contrainte, permet de dépasser cette diffi-culté et transforme les passagers clandestins en « passagers for-cés ». La défense constitue l’exemple même d’un tel bien, appe-lant traditionnellement à une intervention publique corrigeant les imperfections de marché.

Pourtant, la place de l’État à l’égard des biens collectifs est aujourd’hui contestée (Bellais et Foucault, 2003). Il ne s’agit pas d’une remise en cause radicale, mais plutôt d’une relati-

1 Cette caractéristique n’est pas toujours absolue. Elle s’entend dans la limite, parfois, de la capacité technique unitaire maximale du bien collectif (par exemple, le nombre maximal de personnes sur une route). 2 En raison de difficultés techniques, l’exclusion peut dans ce cas se traduire par un coût très élevé, voire prohibitif, sans commune mesure avec la recette qu’elle engendrerait, ce qui justifie d’y renoncer.

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visation de l’action de l’État. Ceci se fonde sur la distinction entre la mission régalienne ou collective (comme fonction sociale) et la structure qui a la charge de gérer cette même mission. Une telle démarche vise à identifier l’essence même du bien collectif et à confier les autres activités aux entreprises lorsque ces dernières sont prêtes à offrir un bien ou service économique efficient1. Dans cette approche, l’État doit prendre en charge directement les activités ne pouvant pas être fournies par le marché. Ainsi est-il possible de distinguer : − la fourniture du bien collectif (provision), qui représente la

fonction sociale correspondant à la mission régalienne ; − la production du bien collectif (production), c’est-à-dire l’en-

semble des activités, services et équipements nécessaires à la fourniture de ce bien (sa concrétisation matérielle et organisationnelle). La première dimension est intrinsèquement liée aux

missions de l’État. Par contre, rien ne permet de savoir a priori quel sera l’agent économique le plus efficace pour réaliser la production du bien public. Le recours au marché pour la production de biens collectifs résulte d’un choix politique clair. La remise en cause des politiques d’inspiration keynésienne au début des années 1980 a entraîné le rejet de l’intervention de l’État dans l’économie et, plus encore, le retrait de ce dernier des activités de production. De fait, la montée du libéralisme a conduit à l’arrêt de l’interventionnisme économique, ce qui a abouti en France à l’abandon d’une longue tradition colbertiste fondée sur le mythe d’un État omnipotent. Les deux dernières décennies ont ainsi vu un changement radical dans la manière dont l’État gère ses missions, en particulier dans le domaine de la défense en termes d’objectifs, de périmètre (notamment budgétaire) et de moyens mobilisés.

L’État n’est pas nécessairement l’agent économique le plus efficient pour produire les biens et services entrant dans la composition des biens collectifs. Les institutions publiques ne doivent pas réaliser systématiquement l’ensemble des activités dont elles ont besoin. La bonne gestion des deniers publics requiert de savoir réaliser l’arbitrage entre le « faire » et le « faire faire ». D’un point de vue empirique, la réponse à ces nouveaux défis pour la défense comme la science peut être entraperçue dans le vaste domaine des partenariats public-

1 Comme le rappellent Ekelund et Tollison (1986: 411), « le concept de bien collectif se réfère aux attributs du bien et non au fait de savoir s’il est produit par le gouvernement ».

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privé, pour lesquels la Private Finance Initiative (PFI) a constitué au Royaume-Uni une première expérience de grande échelle. La notion de partenariat souligne que l’État joue un rôle actif dans la définition des prestations ainsi que dans la supervision de l’opérateur privé.

La redéfinition de la frontière entre l’État et le marché sou-lève donc de multiples questions. Elle conduit à abandonner un mode de fonctionnement qui a dominé les activités liées à l’État depuis (au moins) la seconde partie du dix-neuvième siècle pour les pays industriels. « Loin de barrer la voie au secteur privé, le gouvernement lui a fait de la place pour lui permettre d’entrer. Ce n’est pas par faiblesse, mais bien pour des raisons qui concernent son propre intérêt que les affaires du gouvernement sont des affaires, comme l’a si bien résumé Calvin Coolidge. » (Heilbroner, 1993: 78) Cette démarche constitue aussi une opportunité pour repenser la manière dont l’effort scientifique et technologique est géré, car elle ouvre la voie à des formes innovantes de partenariats entre l’État et la société.

Une alternative aux contraintes financières

L’émergence des partenariats public-privé au cours des

années 1990 n’est d’ailleurs pas un hasard. L’austérité bud-gétaire et la volonté de maîtrise des finances publiques ont ren-du complexe la satisfaction des besoins d’équipement ou de prestations collectives. Nous entrons dans le XXIème siècle avec une difficulté majeure : faire face à une « bosse » budgé-taire alors même que les finances publiques apparaissent de plus en plus contraintes. La défense se trouve d’ailleurs dans une situation particulièrement aiguë après la période « blan-che » qui a suivi la fin de la guerre froide1.

Comment surmonter cette contradiction tout en satisfaisant les règles d’équilibre budgétaire et de déficit public2 ? Les solu-

1 Les années 1990 ont été marquées par une baisse très significative des budgets de défense. Celle-ci a conduit à la diminution des dépenses d’équipement ou au report de certaines acquisitions, entraînant un besoin important en capital au début du vingt-et-unième siècle. 2 L’Union économique et monétaire impose un déficit et une dette limités respectivement à 3% et 60% du PIB. Le pacte de stabilité entre pays membres de l’UEM vise également à atteindre l’équilibre des finances publiques à moyen terme. Bien qu’il soit en dehors de l’UEM, le Royaume-Uni est aussi soumis à des règles budgétaires contraignantes : la golden rule (interdiction de financer les dépenses courantes par le déficit, l’emprunt ne devant être employé que pour financer des dépenses d’équipement) et la sustainable investment rule (la dette est

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tions alternatives aux formes traditionnelles de dépenses en capital ou de mise en place d’une gestion publique se sont rapidement avérées comme un moyen permettant de dépasser une telle contradiction. Comme le note Héliot (2003: 27), les montages innovants « constituent un des instruments permet-tant d’introduire plus de souplesse, plus de cohérence, plus de rigueur et plus de modernité dans une gestion publique qui n’a pas vocation à rester figée et dont les acteurs doivent plus encore que par le passé distinguer l’essentiel de l’accessoire ».

Les partenariats public-privé ont constitué une solution au fait que l’État ne pouvait plus, seul, fournir le niveau de services collectifs considéré comme socialement désirable : « En garantissant de nouvelles sources de financement pour l’investissement public, la PFI semble permettre au gouver-nement de réconcilier le souhait de dépenses en capital plus élevées et l’engagement à maintenir une position fiscale stricte. » (Robinson et al., 2000: 5) En effet, le recours aux partenariats est justifié par le fait que les investissements privés ne se substituent pas aux dépenses en capital de l’État, mais constituent des ressources complémentaires par rapport aux prélèvements fiscaux. Le principe d’additionnalité doit garantir qu’il ne se produit pas un déplacement de l’effort public vers des dépenses de court terme grâce à un retrait des activités d’investissement.

Dans cette perspective, les partenariats public-privé apparaissent comme une solution intéressante à de multiples égards. Ils offrent la possibilité d’associer les entreprises au co-financement des équipements et d’assurer des montages financiers permettant de lisser les dépenses de l’État sur la durée des contrats. En effet, de tels contrats définissent le paiement pour une prestation globale, ce qui permet à l’État de ne pas avoir à réaliser lui-même les investissements dont il a besoin. Bien qu’il en supporte in fine le coût, sa contrainte budgétaire est réduite puisque les dépenses budgétaires affé-rentes sont étalées sur la totalité de la durée du contrat. Dès lors, le recours aux partenariats public-privé réduit les tensions budgétaires dans la mesure où les partenaires privés sont chargés de trouver des ressources financières en dehors des finances publiques. Enfin les investissements des partenaires privés ne sont pas inscrits dans les budgets publics et ne contribuent donc pas à l’endettement de l’État.

limitée à un maximum de 40% du PIB en moyenne sur l’ensemble d’un cycle économique).

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Au-delà de l’originalité technique des partenariats public-privé, ces derniers s’inscrivent dans une révolution conceptuel-le des relations entre État et entreprises pour la satisfaction des besoins collectifs. Ainsi Kenneth Clarke n’a-t-il pas hésité à affirmer, en novembre 1994, que les dépenses en capital de l’État devaient être réservées uniquement pour les projets pour lesquels un financement privé apparaissait inapproprié ou ne pouvait espérer fournir la meilleure efficacité. Cette stratégie budgétaire conduit à une conception nouvelle de la notion même de production des biens collectifs dans laquelle le secteur privé devient l’acteur principal. L’État devient plus un catalyseur qu’un producteur1.

En effet, si l’État doit financer certains besoins collectifs (au travers de l’impôt), rien ne justifie qu’il soit automatiquement l’agent économique le plus pertinent pour mener à bien les projets correspondants. La recherche de la plus grande effica-cité budgétaire ouvre la porte à une offre privée pour répondre (ou contribuer) à la satisfaction des besoins collectifs. Les par-tenariats public-privé répondent à cette évolution de stratégie dans la gestion des biens collectifs : tirer parti des avantages réciproques de l’action publique et des compétences des entre-prises. Beaucoup de pays s’inspirent aujourd’hui de l’expé-rience britannique, comme la France dans le cadre de la Ré-forme de l’État.

Pour autant, les partenariats public-privé doivent-ils être classés dans le processus plus vaste de l’externalisation ? S’il s’agit in fine d’acheter une prestation à un fournisseur extérieur, les partenariats public-privé s’inscrivent dans un partenariat avec ce dernier. Le ministère concerné n’a plus à investir ni à se préoccuper de la gestion au jour le jour des équipements et services associés. Il « consomme » un service global dont la production repose entièrement sur les compétences de son partenaire. Le ministère passe en fait d’une logique patrimoniale (acheter un équipement et gérer son utilisation) à une logique capacitaire (obtenir une prestation globale définie contractuel-lement).

En outre, ce changement ouvre la porte à des solutions innovantes de la part des entreprises, comme le soulignent Hart, Shleifer et Vishny (1997). Il leur laisse plus de liberté dans les réponses aux demandes de l’État, car ce dernier aban-donne une logique de dépense pour se concentrer sur les

1 L’État se voit en quelque sorte confier la fonction d’ingénierie d’ensemble des prestations liées aux biens collectifs, pour lesquelles il se repose tant que faire se peut sur ses partenaires privés (Bellais et Foucault, 2003).

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objectifs à atteindre. Cette évolution renvoie également à la philosophie développée en France dans la loi organique portant lois de finances de 2001. Celle-ci implique de raisonner en termes de missions et de résultats, à partir d’une logique fonctionnelle permettant de dépasser une présentation par finalité des dépenses.

Le recours des investisseurs privés crée néanmoins une moindre autonomie pour l’État. Si un des objectifs est bien de mobiliser de nouvelles ressources lorsque l’État n’en est pas capable, cette démarche implique que les investissements publics obtiennent l’accord du secteur privé. Tout comme Blanche DuBois dans Un tramway nommé désir, les ministères peuvent devenir plus dépendants de la gentillesse d’étrangers (i.e. principalement les entreprises) pour réaliser leurs missions. Ceci constitue une révolution conceptuelle puisque la logique présidant à l’investissement public a toujours été une pleine maîtrise des choix et des moyens1. Il convient alors de savoir dans quelle mesure le nouveau rapport entre l’État et les entre-prises au travers des partenariats public-privé peut répondre aux enjeux d’innovation et de progrès scientifique.

Pour des partenariats scientifiques et technologiques

Depuis les années 1980, d’abord dans les pays anglo-saxons

puis dans le reste de l’OCDE, les centres de recherche publics ont été incités à s’investir plus dans le soutien à la compétitivité structurelle de l’économie en se rapprochant des entreprises. Le cadre juridique a été amendé de manière à offrir une plus grande marge de manœuvre : Bayh-Dole Act aux États-Unis (1980), Loi sur l’innovation en France (1999),… L’objectif est à la fois de valoriser les connaissances produites par les centres de recherche et d’amener les entreprises à prendre en charge une large part du financement de la recherche.

L’entrée en scène des entreprises a changé les règles du jeu dans la recherche (Greenberg, 2001). Les fonds ne sont ac-cordés par les entreprises qu’en contrepartie d’une appropria-tion des connaissances issues des laboratoires et centres de recherche. La croissance soutenue du nombre de brevets déposés par les Universités aux États-Unis donne un bon reflet de cette appropriation des connaissances (Feller et al., 2002). La

1 Comme le rappelle Héliot (2003: 23), « l’État a le plus souvent privilégié, et continue à privilégier, une approche patrimoniale pour l’acquisition d’équipe-ments militaires, considérant qu’il doit avoir, en toutes circonstances, la pleine propriété et le libre usage des matériels commandés ».

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conséquence de cette tendance du point de vue scientifique est que la divulgation de certaines informations se restreint en raison des clauses de secret liant les centres de recherche à leurs partenaires industriels. Les dérives sont parfois impor-tantes par rapport au modèle de « science ouverte », même si celui-ci conduisait à une allocation parfois surprenante des crédits.

Un tel cloisonnement du savoir peut servir les intérêts des entreprises à moyen terme, mais il constitue un formidable frein au développement du savoir parce qu’il réduit le potentiel cumulatif des connaissances. Nous percevons ici les limites des systèmes de protection de la propriété intellectuelle au regard de l’économie de la connaissance. Si le brevet apparaît comme une incitation à innover et donc à investir dans la RD, ce système n’est pas sans coûts d’un point de vue social. En imposant des droits exclusifs, les brevets restreignent de facto la diffusion du savoir et son utilisation par ceux qui auraient pu l’exploiter si ces connaissances n’étaient pas protégées par un brevet. Il peut y avoir ainsi : − une mésallocation des connaissances, parce que la personne

qui pourrait en tirer le meilleur usage n’est pas néces-sairement celle qui en possède les droits de propriété ;

− un frein à la création de nouvelles connaissances fondées sur le savoir protégé par le brevet, notamment lorsque le domaine concerné se caractérise par des innovations cumu-latives et interdépendantes (par exemple, dans les biotech-nologies). Les excès d’une trop forte privatisation de la recherche

doivent être contrés, mais ils ne doivent pas jeter l’opprobre sur la possibilité d’établir une co-gestion de la production de connaissances entre le public et le privé. S’ils sont utilisés de manière pertinente, les partenariats public-privé représentent une formidable opportunité pour améliorer l’utilisation des deniers publics et l’efficacité des politiques publiques. Il s’agit donc de comprendre la manière dont doit être tracée la nou-velle frontière entre l’État et le secteur privé.

Les partenariats public-privé constituent une forme

nouvelle, hybride de production des biens collectifs, en pre-mier lieu la défense et la connaissance. Pour autant, ce méca-nisme ne répond que partiellement aux missions de l’État et ne peut être considéré que comme un outil parmi d’autres pour satisfaire les besoins collectifs. Il est possible de confier aux entreprises (ou au secteur privé) beaucoup d’activités de ma-

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nière à accroître l’efficacité de l’État et la maîtrise des finances publiques. Néanmoins tout n’est pas transférable, car certaines activités ne sont pas compatibles avec la logique de marché. L’État doit rester l’acteur prioritaire, en particulier en matière de recherche fondamentale. Une telle exigence va d’ailleurs de pair avec une croissance pérenne, dont les fondements ne sont que partiellement corrélés avec les investissements privés dans la RD et dans l’innovation.

Pour autant, le maintien d’un soutien public à la RD et la détermination de critères d’évaluation différents de ceux employés par les entreprises n’excluent pas d’associer les entre-prises à la réalisation de cet effort de recherche. Outre un effet de levier vis-à-vis de la RD, il est possible d’envisager de réaliser une partie conséquente de l’effort public dans ce do-maine au travers de partenariats public-privé. En fait, ce serait ainsi que la notion de partenariat prendrait tout son sens1. La gestion des laboratoires nationaux aux États-Unis offre sur cet aspect des perspectives intéressantes. Il s’agit alors moins de dépasser les faiblesses des ressources budgétaires que d’une valorisation commune de ressources scientifiques et techno-logiques.

Dans le domaine de la défense, il convient d’identifier des partenariats de long terme avec des centres de recherche pour mener à la fois des projets dédiés et maintenir une veille sur les ruptures scientifiques et technologiques qui pourraient transformer la défense. De même, le partage de moyens avec des entreprises permettrait une meilleure synergie des efforts de RD et une intensification des échanges de connaissances. Dans ces deux cas, de tels partenariats réduiraient signifi-cativement les dépenses de RD nécessaires pour maintenir une maîtrise des technologies de défense tout en garantissant un retour sur investissement accru pour les budgets de recherche publics comme privés.

Après avoir vu apparaître la notion de partenariats public-privé d’un point de vue idéologique ou empirique, il convient ainsi de s’approprier ce concept pour l’appliquer à une réelle politique de RD au service de la défense ainsi que d’une croissance forte et équitable. Dans son ouvrage Science, The Endless Frontier, Vannevar Bush proposait de fonder un pacte

1 Au-delà des aspects financiers, le concept de partenariat est souvent une figure de rhétorique dans la pratique actuelle. Les entreprises sont faiblement incitées à s’engager dans des innovations technologiques ou à co-financer des travaux de recherche-développement. L’innovation n’est conçue la plupart du temps que d’un point de vue financier, managérial ou conceptuel.

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social en faveur de la recherche-développement. Après une décennie de profondes mutations, il convient de refonder un nouveau pacte dans lequel la défense et les besoins sociaux se conjugueraient pour mettre en œuvre un soutien structurel à la recherche afin d’assurer la sécurité et la croissance écono-mique.

Le recours à de nouvelles formes de relations entre l’État et le monde de l’entreprise constitue une tendance forte qui caractérise la décennie écoulée. L’action de l’État telle qu’elle s’est développée au cours des trente glorieuses n’a plus lieu d’être. Cette évolution majeure n’épargne pas la défense et la recherche, qui doivent s’adapter. Néanmoins ces deux activités renvoient au cœur même des missions de l’État. Il convient de renouveler le pacte social qui avait été passé au sortir de la deuxième guerre mondiale pour répondre aux défis écono-miques, sociétaux et géostratégiques du XXIème siècle.

Si une socialisation de l’investissement apparaît souhaitable pour les domaines ne répondant pas aux critères des entre-prises, il semble évident que le modèle étatiste n’a plus lieu d’être. Il convient d’inventer de nouvelles modalités de rela-tions entre les différentes composantes du système national d’innovation − quelles soient publiques ou privées, militaires ou civiles, étatiques ou non-étatiques,… La compétition internationale, sous toutes ses formes, impose une capacité d’adaptation toujours accrue, donc des expériences innovantes et l’invention de structures novatrices.

Néanmoins le danger est de se jeter à corps perdu dans des approches dont toutes les conséquences n’ont pas été évaluées. Les enjeux sont suffisamment importants pour que nous pre-nions le temps de peser les avantages et les inconvénients des choix qui s’offrent à nous. L’expérience britannique de la PFI est là pour nous mettre en garde contre les solutions trop vite généralisées ou la tentation de modèles dont les conséquences à long terme outrepassent les gains immédiats. Les partenariats public-privé peuvent être un formidable instrument pour mettre en œuvre une politique technologique adaptée au mon-de actuel et répondre toujours plus efficacement aux besoins sociaux, si tant est que nous sachions en tirer réellement les atouts et les potentialités.

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