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REFLEXION SUR LA RECONNAISSANCE SOCIALE DES PAYSAGES BAS-NORMANDS QUATRIÈME PARTIE Réflexion sur la reconnaissance sociale des paysages bas-normands 811 R

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REFLEXION SUR LARECONNAISSANCESOCIALE DES PAYSAGESBAS-NORMANDS

QUATRIÈME PARTIE

Réflexion surla reconnaissance sociale des paysages bas-normands

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Ci-dessus : Le Mont-Saint-Michel et sa Baieinscrits au patrimoine mondialde l’UNESCO.

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a Basse-Normandie dispose d'uneexceptionnelle variété de paysages.

L’analyse a révélé l’existence de 75 unitésde paysage possédant leur identité propreregroupées en 8 familles. A priori, une tellesituation peut satisfaire presque tous lesgoûts à l'exception de la vraie montagne etdu désert. Et pourtant, chaque année, larégion surveille anxieusement les indica-teurs d'un tourisme important mais flot-tant, car l'attirance majeure de littorauxdéjà septentrionaux les rend sensibles auxcaprices climatiques estivaux. A l'évidence, tous les paysages bas-nor-mands ne sont pas également prisés par lestouristes <<horsains>> et même par les habi-tants de la région. La publicité des produitsagricoles et des ressources immobilières utilise l'image réductrice d'un bocage auxvergers de pommiers et aux chaumières encolombage. Si elle contribue à le renforcer,elle reflète aussi un choix du grand nombre.Comment expliquer cette distorsion entreune richesse paysagère et une fréquenta-tion trop sélective ? Elle mérite quelquesréflexions pour rechercher si, au-delà desgoûts individuels et des modes collectives,des facteurs ont contribué à forger une culture paysagère trop simplifiée, tropschématique de la Basse-Normandie.Ignorance ou déformation ?

Introduction

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L

Ci-dessous : Chaumière, verger de pommierset vaches : le symbole augeron.

Ci-dessous : Le haras du Pin, fleuron dudépartement de l’Orne.

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Ci-contre : Résidences secondaires en Basse-Normandie par canton.

'il est déjà difficile de mesurer lafréquentation touristique des

régions, sinon par des indicateurs indirects(hébergements, consommation d'eau oud'aliments, circulation automobile, etc.), ilest encore plus difficile d'évaluer la part del'attrait des paysages dans cette fréquenta-tion. Les paysages sont-ils le motif essentield'un séjour ou un sous-produit de la plage,des souvenirs militaires et des musées ? Car la découverte d'un paysage exige unelongue contemplation depuis un point devue favorable ou la lente imprégnation que procure la promenade pédestre.Néanmoins, à défaut de statistiques, l'ob-servation et l'analyse de quelques indica-teurs montrent clairement que toutes lesunités de paysages n'attirent pas égalementles visiteurs.

I-L’inégale fréquentation des paysages bas-normands.

S La localisation des hôtels, concentrés dansles villes et les stations côtières, ne fournitguère de renseignements en dehors de l'im-portance du tropisme balnéaire. Si les cam-pings épousent la même disposition, ils nenégligent pas le Perche, le bocage ornais,les plaines de Sées et d'Alençon.Les lieux d'hébergement en milieu ruralreprésentent des signes plus nets d'uneimmersion volontaire dans certains pay-sages. Si les résidences secondaires sontmassivement concentrées sur quelques sec-teurs littoraux (Côte fleurie, Côte deNacre, Côte des havres de Carteret àCarolles), elles sont importantes autour deBagnoles-de-l'Orne (escarpement méridio-nal et forêt d'Andaines) et dans le Val deSaire, et non négligeables dans le Paysd'Auge méridional et l'ensemble du Perche.

Moins de 500

De 500 à 1000

De 1000 à 3000

De 3000 à 5000

Plus de 5000

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Les gîtes ruraux, multipliés depuis 20 ans,sont particulièrement nombreux dans lesarrières-pays littoraux du Coutançais, deGranville et de l'Avranchin, dans le Val deSaire, le Bessin, le bassin de Vire, le Paysd'Auge septentrional. Ils élargissent leslieux de fréquentation même si les plainescentrales, le Perche et le Pays d'Ouche enoffrent très peu.

Les lieux de visite (musées, monuments,cimetières militaires, parcs animaliers) nesont que des occasions de parcourir unerégion pour s'y rendre. D'autres peuventêtre un site privilégié pour en voir le pay-sage, tels le cimetière américain deColleville-sur-Mer ou les batteries de laPointe du Hoc pour les falaises du Bessin,l'île de Tatihou pour la côte du Val deSaire. Mais, si près d'un million de

personnes visitent le Mont-Saint-Michel,combien ne font qu'un bref passage insuf-fisant pour découvrir les deux faces com-plémentaires du paysage de la baie à maréehaute et à marée basse.

Exceptionnels sont les sites pour lesquelson possède des données approximativescomme les Roches d'Oëtre (80000 per-sonnes ?) en Suisse Normande, ce qui n'au-torise aucune comparaison. Et rares sontceux où existe une organisation de décou-verte du paysage tels les circuits récents debateau dans les marais de Carentan. LaBasse-Normandie est seulement effleuréepar le panorama du belvédère du Mont des Avaloirs qui présente et explique lespaysages.

Inférieur à 5

De 5 à 9

De 10 à 14

De 15 à 19

De 20 à 29

Supérieur à 30

Ci-contre : Gîtes ruraux de Basse-Normandiepar canton (2000).

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(1) N. Cadiou. Perception du paysage

dans le Domfrontais et évolution de

l’espace rural, Etudes rurales, 121-124,

1991, p.127-140.

Un essai a été tenté pour connaître la fré-quentation des différents paysages par lesBas-Normands à l'aide d'enquêtes auprèsdes conseillers généraux et des organismestouristiques. L'insuffisance des réponses etl'incapacité à expliquer les motifs de l'at-traction ne permettent pas de dresser untableau géographique des sites fréquentésmais seulement une liste de quelques lieux.Ce sont les paysages littoraux (falaises,plages, havres, "côtes sauvages"), les valléesaux éléments contrastés (prairies, haies, ver-gers, rebords forestiers) ou aux versantsescarpés et rocheux, les hauteurs, sans qu'onpuisse discerner si la lecture panoramique

Et si on souhaite distinguer citadins et ruraux, quelles sont les images recherchées parces derniers ?

d'un paysage l'emporte sur le sentiment dedomination. De nombreux sites ne sontpas, en fait, des paysages à l'échelle choisiepar ce rapport (étangs, tourbières, jardins).Les forêts de dimension moyenne attire-raient plus que les grands massifs forestiers.Seules les plaines découvertes paraissentréellement répulsives. Il ressort néanmoinsde ce sondage, dont on peut douter qu'iln'ait confondu Horsains et Bas-Normands,que les paysages visités sont plus variés queles paysages de séjour, (Christine Dupont.Fréquentation locale des unités paysagèresde Basse-Normandie. Rapport de stageDESS, Univ. Caen, 1997).

ne étude sociologique sur les habi-tants du Domfrontais rural (1)

montre que, pour eux, le "modèle paysa-ger" régional, c'est-à-dire augeron, leur estétranger car il ne correspond ni au paysa-ge créé par les activités agricoles actuelles(semi-bocage de cultures fourragères avechabitat de pierres et stabulations libres), niaux traits originaux de leur pays (poiraie).A cette image étrangère à la réalité de leurterritoire, ils préfèrent soit des figures de laréussite économique, comme les paysagesde haras, soit des images d'une modernitéagricole à l'opposé d'un bocage qu'ils asso-cient au refus des innovations. Des élémentsnouveaux, tels les bâtiments d'élevage indus-triel ou les parcellaires remembrés leurparaissent esthétiquement beaux car signesde l'efficacité. A choisir, ils aiment mieux

U la présence visible et dense des hommes àcelle des arbres. L'utilité commande l'ap-préciation : ainsi, plutôt des frênes et desmerisiers que des chênes et des hêtres quipoussent trop lentement, ou que des peu-pliers et des sapins trop gélifs et cassants.

Comment expliquer cette attraction trèsinégale et sélective des paysages bas-normands ? Les causes ne peuvent en être que trèsnombreuses et complexes. Mais il n'est pasinterdit de songer au rôle qu'ont pu jouer,d'une part, les guides touristiques pourorienter vers certains lieux, et d'autre part,les œuvres picturales qui, avant la photo-graphie, contribuaient à la formationd'une culture paysagère.

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our connaître comment les guidestouristiques incitaient les voyageurs

à découvrir les paysages, un inventaire deces publications a été réalisé. Depuis 1788,312 guides traitant de la Basse-Normandieont été recensés. Leur analyse permet de préciser la fréquence avec laquelle ilscitaient des paysages et leur manière de lescaractériser.Les guides proposent le plus souvent dessites (monuments, caps, cascades, belvé-dères) et non des paysages. Les motifs deleur sélection sont fréquemment étrangersà la définition d'un paysage : critère monu-mental (édifices), historique (rappel d'évé-nements), scientifique (géologie, fossiles),légendaire (récits), écologique (réserves,espaces protégés). D'autres ne le sont quepartiellement ou indirectement, tels ceuxde la richesse des productions agricoles oude comparaisons avec les montagnes ou laBretagne. Le qualificatif de pittoresque selimite en fait à les dire beaux, curieux,étranges, agréables, etc. L'indication despoints de vue d'où on découvre de vastespanoramas flatte le sentiment de domina-tion des visiteurs mais s'accompagne trèsrarement d'une description du champvisuel. Le souci de définir l'identité d'unpaysage par l'ensemble des formes de sonrelief, de son aménagement agraire, de sestypes de bâtiments n'apparaît qu'après1910 et reste très peu utilisé sauf pour laprésentation des pays (2).Ainsi dès 1788, Arthur Young décrit lePays d'Auge par ses manoirs, ses prairies,ses haies et ses vergers. En 1819, un guideajoutera les formes de son relief mais ilfaudra attendre 1900 pour que les bâti-ments en colombage soient ajoutés aux éléments caractéristiques.

II-Les guides touristiques ont-ils mis en valeur tousles paysages normands ?

P Si le Domfrontais, après 1920, est évoquécomme une "mer d'arbres", les poiriers nesont jamais cités !Malgré ces réserves se dégagent quelquesdonnées qui peuvent surprendre. Ainsi lespaysages littoraux ne représentent que lequart des indications et s'affirment seule-ment après 1850. Jusqu'à la fin du XIXe

siècle, l'accent est mis sur les côtesrocheuses avec leurs caps et leurs baies, cequi correspond aux goûts romantiquesmais pas à la fréquentation des plages de laCôte fleurie, en plein essor depuis leSecond Empire. Les côtes sableuses nel'emportent qu'après 1900. Les paysagesintérieurs sont les plus recommandés audébut du XIXe siècle alors que leur accèsétait encore très malaisé et le bocage occupait une place notable qui s'estompeensuite. Les forêts, les rochers, les gorgesdeviendront plus cités.Les termes hyperboliques d’Alpes man-celles et de Suisse normande apparaissentalors. Ces incitations sont loin d'avoirporté leurs fruits sinon pour des visitesbrèves et itinérantes. Néanmoins, les indi-cations paysagères n'ont fait que croîtredans les guides ; de quelques-unes parouvrage avant 1850 à une moyenne de 70aujourd'hui.Mais ce sont bien les guides touristiques quiont présenté le Pays d'Auge sous l'aspectd'un ensemble de maisons en colombage,de pommiers, de vaches et de haies commel'archétype paysager de la Normandiedepuis le début du XXe siècle. Dès 1908,Ardouin-Dumazet le décrit comme "le pay-sage de la Normandie classique" et, en1931, Monmarché, dans Des Routes de

Normandie, le qualifie du "plus normanddes paysages normands".

(2) N. Chambard. Étude sur

l’évolution de la réputation

et de la recommandation touristique

des paysages. Caen, ARPIP, 1997.

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35-200

20-35

12-20

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3-8

0-3

Mentions de sites paysagers dans les guides touristiques par unité de paysage.

Avant 1850

De 1850 à 1900

Nombre de mentions

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De 1900 à 1950

Après 1950

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0-3

Nombre de mentions

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Ci-contre : Jean-Baptiste Corot.Rue de village en Normandie(ancien village disparu des ouvriersdes forges de Bourberouge à Bion). Caen, Musée des Beaux-Arts. Cliché Martine Seyve.

(3) A. Cathala et P. Brunet.

Recensement des œuvres picturales

représentant les paysages de Basse-

Normandie. Caen, ARPIP, 1999.

l est d'autant plus justifié de s'inter-roger sur ce rôle que la Basse-

Normandie a été, avec l'Ile de France, unedes régions où se sont enracinés, au débutdu XIXe siècle, les divers courants artis-tiques qui ont fait du paysage un genre àpart bien avant l'Impressionnisme. Lesromantiques y ont trouvé l'ambiance d'unenature qui ne serait plus immuable maistempête, orage, défilé de nuages. Isabey,Hugo et Courbet ont ainsi saisi quelqueslittoraux. Paul Huet et ThéodoreRousseau, dans l'orbite de l'école deBarbizon, dès 1830, s'intéressent à des sitesvariés, du Mont-Saint-Michel à Port-en-Bessin et la Côte fleurie. Corot, ce grandvoyageur, dont la technique traditionnellene l'empêchait pas de rechercher l'impres-sion ressentie et de comprendre la couleurà travers la lumière, a livré dans une"vision claire", celle du beau temps, des

III-Le rôle des œuvres picturales

I œuvres toutes de fraîcheur et de luminosité,autant sur des paysages de l'intérieur quesur les côtes. Et avant eux encore, les paysagistes anglais(Bonington, Cotman, Turner) avaientsillonné la région dont leurs aquarellesrévélaient la délicatesse de l'atmosphère (3).

L'analyse de l'influence des tableaux depaysage soulève néanmoins quelques diffi-cultés. Dans l'ensemble, elle n'a pas étéimmédiate. Le public habitué à un paysageclassique, qui était le cadre harmonieuse-ment imaginé d'un épisode mythologiqueou religieux, fut très réservé vis-à-vis despaysages réels, croqués sur le vif et dans les-quels rien n'évoquait des scènes d'une cul-ture littéraire. Si les tableaux de Corotfurent assez facilement admis, ceux desPré-impressionnistes et des Impressionnistesfurent refoulés hors des salons officiels.Leurs expositions particulières leur appor-tèrent plus de commentaires moqueursque de ventes. Sans les scènes de plage,Boudin aurait eu du mal à vivre. Ce n'estque plus tard, après la Première Guerremondiale, alors que d'autres écoles, lesFauves, hérissaient le grand public, queleur audience s'élargit. Recherchées par degrands collectionneurs et les musées,reproduites dans des ouvrages que les pro-grès de l'édition rendaient plus fidèles,leurs œuvres atteignirent de larges milieuxsociaux qui se déplaçaient plus facilementpar le train et l'automobile vers des régionsassez proches de la capitale, bien desservieset bien équipées déjà en hébergements.Les paysages représentés pouvaient dériverd'un choix ou être le fruit du hasard.Beaucoup ont cherché sur la Côte fleurieles cieux changeants, la mer peuplée denavires, la société balnéaire et cette lumiè-re douce qui devint progressivement l'objetprincipal de leurs représentations. Maispar contre, Corot jalonnait la géographiedes amis auxquels il rendait visite lors deses pérégrinations estivales. Les habitudesde vacances de la famille Seurat expliquentles tableaux des falaises du Bessin de

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Ci-dessus : Jules-Louis Rame.Contre-jour de village. Champ de trèfle incarnat.Collection particulière. ClichéMartine Seyve.

Ci-dessous : Jules-Louis Rame.Paysage de neige (1896).Bayeux, Musée Baron Gérard.Cliché Martine Seyve.

Seurat et Signac. Le hasard d'une prome-nade conduisit Charles Mozin à Trouville.Sans le domaine des Valpinçon au Ménil-Hubert, Degas n'aurait jamais peint lacampagne d'Argentan.On peut aussi s'interroger sur l'aptituded'un artiste, qui a réalisé des tableaux dansune région, à exprimer les caractères origi-naux de ses paysages. La campagne deCaen méridionale a eu deux peintres àl'œuvre abondante, Jules-Louis Rame(1855-1927) et André Lemaître (1909-1995).Le premier, berger qui parcourait cetteplaine, en a figuré les traits majeurs : laplatitude limitée par les hauteurs auge-ronnes en fond de tableau, les villages depierres et leurs abords, le tapis des cultures,la couleur des sols de rendzines, les vallonsbocagers, sous toutes les lumières (grandsoleil, orage, cieux chargés de nuages), etaux différentes saisons (été, hiver neigeux).Le second n'en montre que des espacesponctuels (un bord de rivière, le clos depommiers d'une maison, une rue de village)et toujours dans une lumière terne ou sousla pluie. Même si par la composition et lafacture, inspirées de Cézanne, son œuvre

peut être jugée esthétiquement plus origi-nale, elle ne restitue guère les élémentscaractéristiques de ce paysage, beaucoupmoins que la précédente pourtant marquéedes signes d'une économie révolue (trou-peaux de moutons, meules de céréales,champs de trèfle incarnat, absence de prai-ries autour des villages).

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Ci-contre : Jules-Louis Rame. Rue de Ouézy. Effet de neige (1895).Collection particulière. ClichéMartine Seyve.

Ci-contre : Jules-Louis Rame. Ciel d’orage l’été (1899).Collection particulière. ClichéMartine Seyve.

Deux impressions de la Campagne de Caen méridionale.

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Ci-contre : André Lemaître.Bord de la rivière à Léaupartie(1964).Collection artiste. Cliché MartineSeyve.

Ci-contre : André Lemaître.Paysage vert à Méry-Corbon,Calv. (1968).Collection artiste. Cliché MartineSeyve.

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Les rivages, qui furent les plus fréquentéspar les peintres, ont suscité beaucoupd'œuvres qui n'évoquent pas réellement lescaractères de ces paysages qui associent mer,ciel et terre. Nombre d'entre elles sont desimples marines : déferlements des vagues siprisés à l'époque romantique, bateaux surl'étendue marine ou dans un port, jeux dela mer et du ciel, scènes de plage recher-chées par une société qui s'y reconnaissait.Dépourvues à la fois du profil du reliefcôtier avec son habillage végétal ou immo-bilier et d'une vision longitudinale du littoral, elles ne révèlent pas ces paysagesquelles que soient leurs qualités esthétiques.Et bien sûr, la notoriété nationale et inter-nationale acquise par certains artistes aamplifié la force des images paysagères queleurs tableaux véhiculaient.Malgré toutes ces réserves, on ne peutdénier aux peintres un rôle dans laconnaissance des paysages bas-normands.Une preuve de l'influence des œuvres pic-turales connues se trouve dans les guidestouristiques qui parfois invoquent la répu-tation des peintres pour justifier le choixdes paysages que les voyageurs sont invitésà voir. Ardouin-Dumazet résume ainsi saprésentation de La Hague en 1908 : "c'esttout Jean-François Millet". Et l'édition de1938 du guide Michelin décrit les Alpesmancelles comme "la vallée encaissée de laSarthe, souvent reproduite dans leurs toilespar Paul Saïn et Harpignies".

Dans cette perspective, un inventaire desœuvres, représentant des paysages de laBasse-Normandie, a été réalisé par enquêteauprès des musées régionaux, utilisationdes banques d'information spécialisées etanalyse des ouvrages consacrés aux peintreset aux grands mouvements artistiques. Les œuvres ont été identifiées géographi-quement et rapportées ainsi aux unités depaysage.Pour illustrer l'inégale représentation despaysages bas-normands par les œuvres pic-turales, on a choisi de ne s'appuyer que surles tableaux exposés dans des musées ou deslieux publics (hôtels de ville) et sur ceux quifigurent dans des ouvrages d'histoire de l'artet dans des catalogues d'expositionspubliques qui permettent de voir desœuvres appartenant à des collections pri-vées. On a retenu le nombre des artistesqui ont produit dans chaque unité de pay-sage, en pondérant leur importance pardes signes de tailles différentes selon lenombre de leurs œuvres qui en exprimentdes vues paysagères. Enfin, on a distinguétrois périodes : une période ancienne, anté-rieure à 1850 qui peut parfois remonter auXVIIe siècle et représente les débuts de l'in-térêt porté au paysage ; la période 1850-1920 qui correspond à la vogue des pay-sages normands avant que le midi n'attireles Fauves ; et la période contemporained'où n'émergent guère de personnalitéséminentes.

De 20 à 144

De 10 à 20

De 3 à 10

De 1 à 3

Ci-contre : Répartitions des tableaux de paysages.

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Ci-contre : Tableaux de paysages.

Les tableaux de paysages en Basse-Normandie.

Avant 1860

1860-1914

De 7 à 8

De 4 à 6

De 1 à 3

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Une trentaine d'artistes ont livré desœuvres antérieures à 1850. Les plusanciennes, parfois dès le XVIIe siècle, sontdes gravures ou des lithographies. Mais dès1819, Géricault, qui n'a pas laissé d'œuvrespaysagères sur la Normandie, fait décou-vrir à ses collègues l'école anglaise pourlaquelle le paysage n'est plus un genremineur. Les tenants de celle-ci parcourentla Normandie à partir de 1817 : Cotman(1817-20), Bonington (1821-28), Turner(1821-32 et 1845). Les deux derniers pratiquent l'aquarelle,reflet de la spontanéité de l'impression etde la fraîcheur des couleurs ; ils visitent labaie du Mont-Saint-Michel et l'estuaire dela Seine. Cotman circule dans l'intérieur etses dessins, rehaussés de lavis, sont les pre-mières représentations des environs deDomfront et Falaise, de la plaine de Caen,des hauteurs du synclinal bocain. Influencéspar eux, Huet et Théodore Rousseau peignent la Côte fleurie. Le Romantisme

est inspiré à la fois par les monumentsmédiévaux et les marines des tempêtes etdes naufrages. Isabey a vu ainsi Granvilleet Honfleur, sans oublier quelques dessinsde Victor Hugo. Parmi les artistes plus indé-pendants, si Charles Mozin à Trouville, à larecherche de l'atmosphère du paysage(1825), et Millet devant les falaises de LaHague (1841) restent fascinés par les litto-raux, Corot, à partir de 1823, par ses visitesestivales à ses nombreux amis, sillonneraune grande partie de la Basse-Normandie.Ses représentations des paysages, sans idéa-lisation, dans une lumière calme, aurontune large influence.Ainsi la région a-t-elle tenu une placeimportante dans la découverte picturalefrançaise du paysage. Les sites côtiers, parleur notoriété ou leur facile accessibilité àpartir de la Basse-Seine, sont les plus figu-rés, quoique nombre de secteurs intérieursaient été déjà représentés.

Après 1920Ci-contre : Tableaux de paysages.

De 8 et plus

De 4 à 6

De 1 à 3

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Mais c'est la seconde moitié du XIXe sièclequi voit l'invasion de la Basse-Normandiedans la peinture des paysages. Avec l'Ile deFrance, elle offre le cadre dans lequel denouvelles écoles réalisent leurs idées. On apu écrire que "la Normandie (était) la terrenaturelle d'élection de l'Impressionnisme".Et on a évoqué la qualité de sa lumièredans un air humide, son atmosphèrenacrée, ses cieux balayés de nuages par lesvents d'ouest. Si ce sont ces caractères quiétaient recherchés, on notera qu'ils sontplus ceux de ses cieux changeants que ceuxde ses paysages terrestres. Aussi n'est-il pasétonnant de constater la place exception-nelle que conservent les tableaux des litto-raux, la Côte fleurie autour d'Honfleur,Villerville, Deauville où viennent, revien-nent et séjournent les cohortes d'impres-sionnistes, mais aussi la côte du Bessin et,grâce à des groupes d'artistes locaux aux-quels s'adjoignent, de temps à autre,quelques peintres plus célèbres, les rivagesdu Cotentin septentrional. Certainsespaces intérieurs apparaissent : la Suissenormande, le Pays d'Auge, la Campagne deCaen.

Depuis 1920 et surtout depuis la Dernière

Guerre mondiale, l'inventaire se heurte à ladifficulté de recenser des artistes qui ontrarement déjà atteint la notoriété et dont lapresque totalité des œuvres demeurent dansdes collections particulières. Ainsi ne peut-il prétendre à l'exhaustivité et la carte nedonne qu'une approximation. Néanmoins,elle montre une évolution. Si les littorauxattirent toujours les peintres, c'est d'unemanière beaucoup plus homogène. LaCôte fleurie a perdu son monopole. LaHague et l'archipel de Chausey attirentplus. Par contre, les paysages intérieurs nesemblent toujours pas exercer une forteattraction à l'exception notable de la Suissenormande. Le Bessin, le Bocage normand,le Perche, les campagnes ornaises sont tou-jours aussi mal représentés.

Ainsi globalement, les unités de paysage,privilégiées par les peintres et qui ont puimprégner la culture d'un large public,sont très nombreuses. Si on ne retient quecelles qui ont été assez bien représentées,on se bornera à citer les paysages littorauxet les Alpes mancelles. En dehors de cesdernières, seule la Suisse normande a pro-duit quelques œuvres d'audience réduite.

Ci-contre : Louis-Edouard Garrido. La Meule (1979). Collection particulière.

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REFLEXION SUR LARECONNAISSANCE

SOCIALE DES PAYSAGESBAS-NORMANDS

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Ci-contre : Les séjours de Jean-Baptiste Coroten Normandie (1822-1872).

Ci-dessous : Jean-Baptiste Corot. Vue générale de la ville de Saint-Lô(vers 1850-1855).Musée du Louvre. Cliché RMN.

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REFLEXION SUR LARECONNAISSANCESOCIALE DES PAYSAGESBAS-NORMANDS

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La Côte fleurie, domaine de l'impressionnisme normand et des premièresfréquentations touristiques importantes.

La Côte fleurie, à laquelle on peut ajouterle secteur des Vaches Noires, éclipse toutesles autres régions par le nombre destableaux qui lui ont été consacrés et par lacélébrité de ses artistes. Leur rôle dansl'évolution picturale et leur place dans lesmusées du monde entier ont assuré uneaudience majeure à leurs représentationsde ce littoral.Les Rouennais, par la basse Seine et LeHavre, connaissaient les rivages de l'estuaire,bien avant les Impressionnistes. Un servicerégulier de bateaux entre Le Havre etHonfleur existait dès 1820. De nombreuxartistes parcoururent cette côte, entre 1820et 1840 (Jean-Baptiste Corot, RichardBonington, Eugène Isabey, Paul Huet...), àl'occasion de passages rapides mais parfoisrépétés. Le premier à s'y attacher au pointde s'y fixer fut Charles Mozin qui décou-vrit le petit port de pêche de Trouville en1825 et s'en enthousiasma. Il y attiraAlexandre Dumas qui en fit la publicité etl'auberge du Bras d'Or de la mère Oseraiedevint un foyer d'artistes. Dès la Monarchie

de Juillet, la bourgade se transforma en citébalnéaire fréquentée par Guizot, le chance-lier Pasquier, le comte Duchatel.La décennie 1850 livre toute la côte auxpeintres. Dès 1851, Paul Huet, ConstantTroyon et Léon Riesener se regroupent àBeuzeval, près des falaises des VachesNoires, sur la commune actuelle d'Houlgatequ'élit la bourgeoisie protestante commelieu de villégiature. En 1852, EugèneBoudin arrive à Honfleur. La voie ferréede Paris atteint Lisieux, Honfleur et Caenen 1855. L'école de Saint-Siméon commen-ce à se réunir dans la ferme-auberge de lamère Toutain où étaient déjà passés Corotet Isabey.Pendant dix ans, autour de Boudin se retrouveront Bazille, Cals, Courbet,Daubigny, Diaz, Dubourg, Jongkind,Lépine, Monet, Ribot, Troyon et quelqueshommes de lettres. D'autres seront attirés unpeu plus tard (Caillebotte, Seurat, Vallotton)jusqu'à la Première Guerre mondiale.

Ci-dessus : Paul Huet. Vue des falaises d’Houlgate (1863).Bordeaux, Musée des Beaux-Arts.

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REFLEXION SUR LARECONNAISSANCE

SOCIALE DES PAYSAGESBAS-NORMANDS

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Ci-contre :Jean-Baptiste Corot (1796-1875). La côte de Grâce près d’Honfleur(vers 1845).Galerie Schmidt.

Ci-contre :Eugène Boudin (1824-4898). La côte de Grâce (1890).Collection particulière.

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REFLEXION SUR LARECONNAISSANCESOCIALE DES PAYSAGESBAS-NORMANDS

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Ci-contre :Félix Vallotton (1865-1925).Promenade à Honfleur (1901).Honfleur, Musée Eugène Boudin.Cliché Fondation Vallotton.

Ci-contre :Charles François Daubigny(1817-1878). Les graves au bord de mer àVierville (1859). Marseille, Musée des Beaux-Arts.Cliché Jean Bernard.

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REFLEXION SUR LARECONNAISSANCE

SOCIALE DES PAYSAGESBAS-NORMANDS

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Ci-contre :Paul Elie Gernez. Le port deHonfleur (1913).Caen, Musée des Beaux-Arts.Cliché Martine Seyve.

Ci-contre :Adolphe Cals (1810-1880). Le Pêcheur (1874).Musée d’Orsay. Cliché RMN.

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REFLEXION SUR LARECONNAISSANCESOCIALE DES PAYSAGESBAS-NORMANDS

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Le Nord-Cotentin : un second foyer d'œuvres moins connues.

A partir de 1859, le docteur Oliffe, le ban-quier Donon et le duc de Morny lancentDeauville. Sa clientèle aristocratique assureles revenus de certains peintres grâce aux"scènes de plage". Ainsi, après l'intérêt dessites, la facilité des relations ferroviairesavec la capitale et la mode touristique ras-sembleront sur ce secteur la haute société,les hommes de lettres et les artistes. Cetattrait n'a pas cessé et après la DernièreGuerre, Driès, Herbo ou Hambourg sesignalent parmi beaucoup d'autrespeintres.Les éléments qui les ont attirés tout aulong de ces deux siècles ont été variés : lesports et leurs bateaux de pêche, les plageset leur décor de dunes, de falaises et debâtiments, l'opposition entre l'étenduelimitée de la mer par les rives escarpées del'estuaire et la profondeur illimitée du ciel,le ballet des nuages sous ce climat océa-nique, le spectacle des touristes. Tous nesont pas des caractères paysagers et, parconséquent, une grande partie des œuvresne les met pas en valeur. Il n'en reste pas

moins qu'aucune région bas-normande n'aété autant représentée.Enfin, au long du XIXe siècle, les tenantsdes écoles successives, du romantisme auxultimes recherches de l'impressionnisme,en ont donné des images originales et différentes. Après la recherche des sites sau-vages, qu'illustraient les falaises des VachesNoires, les marines plus ou moins habitéesde navires ont été fréquentes. Après lalumière grise de Corot, on s'est inspiré dela lumière des peintres hollandais, de leurscieux tourmentés. A la pénombre des sous-bois de Barbizon, l'estuaire substituait desclartés épanouies qui servirent de base àune recherche de la représentation de lalumière, allant jusqu'à la dissolution desformes, la séparation des touches et la divi-sion des tons. Ces paysages furent ainsi aupremier rang dans l'évolution des styles etles discussions qu'elle suscita parmi lesmilieux artistiques. Quelle meilleurecontribution pourrait-on imaginer à leurconnaissance dans un public cultivé ?

Les littoraux du Cotentin nord-ouest, quioffrent les seuls paysages bas-normandsproches des côtes à falaises bretonnes,n'ont pas suscité de tableaux avant 1850. Ilfaut sans doute en rendre responsablesl'isolement et l'accessibilité difficile decette région. Jean-François Millet, qui étaitoriginaire de Gréville-Hague, fut le pre-mier à exprimer son admiration pour cespaysages à l'occasion de deux séjours (1866,1870) qui ont laissé de belles œuvresconservées dans des musées américains.Son influence et les liaisons ferroviairesjusqu'à Cherbourg ont attiré d'autresartistes bas-normands (Moteley, Rance)sensibles au jeu dramatique des formes derelief, des cieux tourmentés et de la merfurieuse. Mais c'est la période contempo-raine qui apporte la moisson d'œuvres laplus abondante, dues à des artistes régio-naux (l'aquarelliste Brette, les peintresCampain, Dorrée, Goubert, Hayden et

Robert Surcouf). Les profils des falaises, lesjeux colorés des prairies et de la lande,l'aménagement agraire en murets sont sou-vent figurés dans des styles réalistes quiparfois ne sont pas dépourvus de force nid'influence tardive des nouvelles écoles.Le Val de Saire, englobant les deux unitésde paysage littorales et la plate-forme légu-mière, a inspiré de nombreux artistes à partir du milieu du XIXe siècle. Siquelques-uns furent attirés par les carac-tères originaux de cette côte (Guillemet,Boudin, Boggs, Moteley, Signac dont lavue du phare de Gatteville évoque déjà latechnique des Fauves), la plupart sont desCotentinais. Grâce à ceux-ci (Buhot,Fouace, Pigeon), d'autres aspects que lacôte et les ports de Barfleur et Saint-Vaastsont figurés : l'escarpement et l'église de LaPernelle, le bocage herbager qui régnait àcette époque. Des œuvres plus récentesprolongent la production de ce foyer.

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REFLEXION SUR LARECONNAISSANCE

SOCIALE DES PAYSAGESBAS-NORMANDS

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Ci-contre :Le rocher du Castel /ou Lesfalaises de la Hague (1844).Musée Thomas Henry, Cherbourg.Cliché Lehuby.

Ci-contre :La côte de Gréville, vue de Maupas(1871-1872).Albright-Knose Art Gallery,Buffalo (Etat-Unis). Droits réservés.

Jean-François Millet n’a pas représenté avec le même style la côte septentrionale deLa Hague de 1844 à 1872.

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REFLEXION SUR LARECONNAISSANCESOCIALE DES PAYSAGESBAS-NORMANDS

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Ci-contre :Emile Dorrée.Vue d’Omonville La Rogue.Droits réservés.

Ci-contre :Georges Moteley.Paysage de la Hague.Collection particulière. Cliché Mairie de Condé-sur-Noireau.

La Hague a inspiré aussi des artistes régionaux : Georges Moteley (1865-1923), EmileDorrée (1883-1959), Pierre Campain (1893-1967).

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REFLEXION SUR LARECONNAISSANCE

SOCIALE DES PAYSAGESBAS-NORMANDS

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Ci-contre :Pierre Campain.Rochers de Gréville (1948).Collection particulière. Droits réservés.

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REFLEXION SUR LARECONNAISSANCESOCIALE DES PAYSAGESBAS-NORMANDS

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Ci-contre :Antoine Guillemet.La Hougue vue de St Vaast.Collection particulière.

Ci-contre :Paul Signac.Phare de Gatteville.Cherbourg, Musée Thomas Henry.

La côte du Val de Saire, vue par Antoine Guillemet (1843-1918) et Paul Signac (1864-1935).

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REFLEXION SUR LARECONNAISSANCE

SOCIALE DES PAYSAGESBAS-NORMANDS

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Ci-contre :Guillaume Fouace.L’église de La Pernelle.Collection particulière. Cliché Martine Seyve.

Ci-contre :Georges Moteley.Eglise de la Pernelle.Droits réservés.

Un élément majeur du paysage du Val de Saire, l’église de la Pernelle au sommet de sonescarpement : Guillaume Fouace (1837-1895) et Georges Moteley (1865-1923).

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REFLEXION SUR LARECONNAISSANCESOCIALE DES PAYSAGESBAS-NORMANDS

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Les côtes de Nacre et du Bessin

La baie du Mont-Saint-Michel.

La baie du Mont-Saint-Michel a d'abordattiré pour son architecture et sa positioninsulaire à marée haute. C'est ce mont-îlequi apparaît dès le XVIIe siècle dans les gra-vures de Pecters, et au début du XIXe siècle,chez Bonington, Cotman, Turner, PaulHuard, Victor Hugo, Isabey... tantôt sousun ciel serein, tantôt sous l'orage. Il estplus rare de le voir à marée basse au-dessusde l'estran (Viot).A partir de 1840 et pendant la fin du siècle,les falaises de Granville sont beaucoup plusreprésentées que le Mont, et accessoirementle littoral de Saint-Pair à Carolles où unecolonie de peintres s'installera. Malgré ledéveloppement touristique de cette portiondu littoral, son éloignement de Paris leprive de la fréquentation des artistes derenom à l'exception d'Isabey.

La période plus récente rétablit l'équilibreentre les deux thèmes du Mont et deGranville, et les îles Chausey inspirentpeintres et aquarellistes (Marin-Marie,Brette, Eve, Lefranc).Dans l'ensemble, la silhouette architecturaledu Mont, sa verticalité émergeant de laplane étendue des eaux, et les falaises deGranville monopolisent les thèmes repré-sentés aux dépens des autres caractères de cepaysage : l'immensité des espaces découvertspar les marées basses, les harmonies de cou-leurs du ciel et de l'eau, les herbes, les pol-ders et leurs alignements de peupliers, lesaspects du littoral vus du Mont...

Si quelques rares artistes y ont laissé desœuvres au début du XIXe siècle (LeNourichel sur Port-en-Bessin, Thorigny etles falaises ébouleuses), c'est surtout pen-dant la fin de celui-ci que les falaises duBessin seront illustrées à partir desquelques ports qui en permettent l'accès.On y retrouve les rives types de falaises, lesvalleuses et l'animation des ports de pêcheà travers les œuvres de Maugendre,Moteley, Auguste Bonheur, Gonzales,Pelouse, Pezant. Mais les représentants dudivisionnisme (ou pointillisme) ontcontribué à en véhiculer une image origi-nale. La famille aisée de Signac avait l'ha-bitude de prendre des vacances àGrandcamp et à Port-en-Bessin. Il y entraî-na son ami Seurat qui, de 1885 à 1888,

exprima dans une série de toiles sesrecherches variées sur la triangulation har-monique et la division de ton suivant laloi du contraste simultané.L'attraction de ce littoral n'a pas cessé aucours de la période récente pour despeintres (Courtois, Pierre Renouf) et desaquarellistes (Bazard, Monmelien).La Côte de Nacre n'a pas bénéficié de lamême fréquentation, même si des artistess'en sont inspirés à toutes les époques,depuis Bonigton (Ouistreham), Maugendre(Asnelles), Courbet (Saint-Aubin) jusqu'àPrinet (Cabourg). Il est vrai que les œuvresde celui qui y fut le plus prolifique, Victor-Théophile Tesnière (1821-1904) n'ont pasquitté les collections particulières.

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SOCIALE DES PAYSAGESBAS-NORMANDS

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Ci-contre :Georges SeuratPort-en-Bessin, les grues et la percée(1888).National Gallery of Art,Washington DC. Droits réservés.

Ci-contre :Auguste Bonheur.Arromanches.Caen, Musée des Beaux-Arts.Cliché Martine Seyve.

La Côte du Bessin à travers deux factures picturales : le réalisme d'Auguste Bonheur(1824-1884) et le divisionnisme de Georges Seurat (1859-1891).

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REFLEXION SUR LARECONNAISSANCESOCIALE DES PAYSAGESBAS-NORMANDS

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Ci-contre, en haut et en bas :Les gorges de la Sarthe : la chapellede Saint-Céneri dans des œuvrestrès différentes.

René Veillon.La chapelle de Saint-Céneri (1887).Collection particulière.

Bernard Buffet La chapelle de Saint-Céneri (1976).Alençon, Musée des Beaux-Arts etde la Dentelle.

Les gorges de la Sarthe et leur village d'artistes.

i le pittoresque des lieux avait déjàattiré l'attention, dès la fin du XVIIIe

siècle, d'un graveur comme Pierre-FrançoisGodard II, c'est Jean-Baptiste Corot qui enfait les premières représentations au coursde ses séjours à Alençon en 1845 et 1853.Il est suivi par Achille-François Oudinot etJean-Auguste Richard. Après son retour àAlençon en 1855, l'éditeur Auguste Poulet-Malessis, qui eut des liens étroits avec lesmilieux littéraires et artistiques, s'attache àSaint-Céneri et contribue à en faire un vil-lage d'artistes. La grande période s'étale de1875 à 1925 avec Paul Saïn, Mary Renard,René Veillon, Georges Pioger, Henri-JosephHarpignies, dont quelques œuvres tapissentencore les murs de l'Auberge des peintresde Saint-Céneri. L'automobile Club deFrance contribue à la connaissance de cesAlpes mancelles par des expositions depeintures et de photographies vers 1907.L'engouement des artistes se prolonge au-delà de cette période : Jean Claire y résidede 1927 à 1970, Othon Friesz y passe en1946, Bernard Buffet en 1975. Et les

S contemporains (Claude Casati, ChristianMalézieux, Koura, Philippe Gautier...) endonnent toujours des interprétationsvariées.

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REFLEXION SUR LARECONNAISSANCE

SOCIALE DES PAYSAGESBAS-NORMANDS

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Ci-contre :Paul Saïn (1853-1908).Les bûcherons.Toile peinte au cours d’un séjourà Saint-Céneri-le-Gérei.Collection particulière.

Ci-contre :Paul Saïn (1853-1908).Enfants sur un pont (dans les Alpes mancelles).Collection particulière.

Philippe Gauthier, peintre fresnois contemporain.Saint-Céneri-le-Gérei.Collection particulière.

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Ci-dessous : Edgar Degas (1837-1897).Aux courses en province (1869).Derrière la scène du champ decourses, Edgar Degas représente lacampagne d’Argentan.Boston, Museum of Arts. Droitsréservés.

Les paysages négligés.

es autres unités de paysage, en parti-culier celles de l'intérieur, ont été très

peu ou pas du tout représentées. Et parfois,seul un peintre les a célébrées parce qu'il s'yétait fixé ou bien au hasard d'une visite àdes amis. Ainsi Edgar Degas montre-t-il lacampagne d'Argentan derrière l'hippodro-me qu'il fréquentait lors de ses séjours chezson ami Paul Valpinçon au Ménil-Hubert.Corot a laissé des témoignages de ses pas-sages à Vimoutiers et Dufy d'un séjour auxenvirons de Falaise. Les tableaux de la forêtd'Ecouves sont dus à Georges Lacombe quis'installe en 1897 à l'Ermitage et y résidera19 ans.Mais l'arrière-pays de la Côte fleurie, sur-tout les vallées augeronnes, a profité de laprésence de nombreux peintres. PourTroyon, le besoin de solitude l'a pousséhors du littoral fréquenté vers la vallée dela Touques dans laquelle Boudin s'est sou-vent arrêté au cours de ses fréquents dépla-cements entre Honfleur et Deauville.Les goûts romantiques pour les paysagessauvages et les voyages d'artistes anglaisont fait représenter précocement, dès laRestauration, certains aspects du grand

L escarpement méridional à travers les aqua-relles de John Cotman à Domfront. Etplus tard, Courbet figurera les cascades deMortain. On notera cependant qued'autres reliefs plus impressionnants, telsceux de la Suisse Normande, n'ont pasexercé si tôt leur séduction.La Suisse Normande, sans doute à cause desa situation à l'écart des routes principales,n'a pas suscité de vocations picturalesavant la troisième République et son nomtouristique n'apparaît qu'à la fin du siècle.Les peintres célèbres ne s'y sont jamaisarrêté et seuls des artistes régionaux en ontdonné des représentations alors que la voieferrée Caen-Flers était ouverte depuis 1860.Les environs de Clécy ont surtout été rete-nus. Moteley, entre 1900 et 1914, puisRame et Hardy y ont longuement ou sou-vent résidé. Les œuvres en montrent nonseulement les traits originaux, (eaux dufleuve, ponts et moulins, escarpementsrocheux et hauts versants boisés), maisaussi leurs facettes changeantes selon lessaisons. Plus près de nous, Lefavrais a évo-qué les environs de Putanges avec destouches épaisses.

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SOCIALE DES PAYSAGESBAS-NORMANDS

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Ci-contre :Georges Lacombe (1868-1916).Arbre mort au Vignage(dans la forêt d’Ecouves).Alençon, Musée des Beaux-Arts etde la Dentelle.

Ci-contre :Georges Lacombe (1868-1916).Peuplier jaune (près de la forêtd’Écouves).Droits réservés.

La forêt d’Écouves.

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REFLEXION SUR LARECONNAISSANCESOCIALE DES PAYSAGESBAS-NORMANDS

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Ci-contre :Eugène Boudin a souvent traverséles marais de la Touques.Pâturages, environ de Touques oubœufs au marais, 1885.Alençon, Musée des Beaux-Arts etde la Dentelle.

Ci-contre :Eugène Boudin (1824-1898).La Touques pendant les grandesmarées, 1891.Collection particulière.

Les vallées augeronnes.

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Ci-contre :André Hardy (1887-1986).Moisson au pied du Pain deSucre.Musée Hardy. Cliché Yves Le Clerc.

Ci-contre :André Hardy.Peupliers au bord de la rivière.Musée Hardy. Cliché Yves Le Clerc.

La Suisse Normande.

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Ci-contre :Jules-Louis Rame (1855-1927).Rue de l’Avenir à Clécy.Caen, Musée des Beaux-Arts.Cliché Martine Seyve

Ci-dessous :Maurice Tastemain (1878-1944).Vallée de l’Orne à Clécy.Collection particulière. Cliché Archives départementalesdu Calvados.

De ce panorama géographique, fait autantde régions bien illustrées que de secteursnégligés, se dégage l'impression d'unecontribution très inégale. Inégale par lerenom et l'audience des œuvres, commepar les paysages élus, elle l'est aussi parl'incomplète mise en valeur des traits ori-ginaux. Les peintres ont renforcé le tropis-me littoral et balnéaire que facilitentdepuis un siècle et demi la proximité de lacapitale et les moyens de communication.Par contre, les bocages et leurs nuancesn'ont pratiquement pas été évoqués. Maisles artistes ne sont pas responsables dumodèle paysager, rarissime sur leurstableaux, de la chaumière en pan de boisdans un verger de pommiers enclos de haies.Ils ont contribué, trop partiellement sansdoute quoique réellement, à la découverte dela variété des paysages bas-normands.

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IV-Les protections apportent une reconnaissanceofficielle de certains paysages.

n retiendra, parmi les nombreusesmesures de protection, celles qui cou-

vrent une étendue suffisante pour engloberun paysage ou un échantillon de paysage etqui contraignent à le conserver en état.La loi du 2 mai 1930 prévoit le classementde sites qui, comme les sites historiques, lessites légendaires, les parcs, les alignementsd’arbres ne relèvent pas réellement d’unitésde paysage. Néanmoins, parmi les 156 sitesclassés en Basse-Normandie, 90 % de leursuperficie (plus de 21 000 hectares) sontdes fragments de paysage de quelques cen-taines d’hectares. La loi a pour but de lesconserver sans en maîtriser la gestion agri-cole. A l’exception de quatre d’entre eux,(Le Haras du Pin, la forêt de Réno-Valdieu,l’étang de Brésolettes, les Alpes mancelles),ils concernent tous des sections de littoral.On y trouve le Mont-Saint-Michel et sabaie, les îles Chausey, des havres, desfalaises, des massifs dunaires. Certains sitesponctuels, considérés comme des sites pit-toresques, telle la Brèche au Diable, drai-nent une fréquentation qui découvre enmême temps le paysage qui l’entoure.Provoquées par les conséquences d’une fré-quentation excessive ou malencontreuse,

O ces mesures de protection valorisent dessites représentatifs de paysages. Elles souli-gnent leur valeur exceptionnelle en termesde formations naturelles ou de patrimoine.Elles s’appliquent donc aux ensembles lesplus recherchés et négligent les paysagesdélaissés.Depuis 1975, le Conservatoire de l’EspaceLittoral et des Rivages Lacustres a acquis,par achats ou dons, 37 sites couvrant 3 521hectares d’espaces maritimes qu’il a mis-sion de transmettre intacts aux générationsfutures. Ils sont assez bien répartis danstoutes les unités de paysage de la côte bas-normande.On peut ajouter des zones de préemptionde Conseils généraux : les environs de l’abbaye d’Hambye, la Roche d’Oëtre.Enfin l’Office National Forestier représentel’assurance du maintien de l’état forestier,de ses propriétés quoique ses politiques dechoix des essences et de gestion puissentvarier, comme elles l’ont fait dans le passé,avec des conséquences paysagères certaines.L’O.N.F. est autant un acteur qu’un protecteur.

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Ci-dessous : Carte des sites protégés.

Grand site national

Site classé

Site inscrit

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REFLEXION SUR LARECONNAISSANCE

SOCIALE DES PAYSAGESBAS-NORMANDS

es paysages ont toujours évolué au fildu temps, traduisant les mutations

économiques et sociales. Par contre, la plusou moins grande vitesse de ces évolutionset leur caractère plus ou moins radical estdiversement apprécié des différentes com-posantes de la société. Pour répondre auxinterrogations sur ce qui, aujourd'hui, estressenti comme une perte d'identité paysa-gère, de nombreuses initiatives ont étéprises pour instaurer des outils d'observa-tion des paysages. Ils ont été conçus selondiverses méthodes et à des échelles diffé-rentes mais réunissent des clichés photo-graphiques permettant de caractériser lesévolutions au cours de périodes allant parfois jusqu'à un siècle.

Aucun outil de ce type n'existant en Basse-Normandie, la Direction Régionale del'Environnement a mis en place, durantl'été 2000, les bases d'un observatoire

L photographique des paysages bas-nor-mands en accompagnement du présentinventaire. L'objectif est de disposer deprises de vues parfaitement localisées quipermettront à terme d'observer les évolu-tions des paysages en fonction des élé-ments de caractérisation initiale de l'inven-taire. Ainsi, 400 points géoréférencés ont étédéfinis sur l'ensemble des unités de paysage.Les abords de chaque point ont été photo-graphiés par avion en prise de vue oblique.Une base de données regroupe les coordon-nées du point de la prise de vue mesurée auGPS, la date, l'heure, l'altitude de vol, et lafocale utilisée. L'ensemble de ces informa-tions permettra, à terme, de reprendre desclichés dans des conditions similaires poureffectuer une analyse objective des paysagesconcernés. Les caractères originaux des uni-tés de paysage mis en évidence dans cetouvrage apporteront les informations indis-pensables à ce type de démarche.

V-Un observatoire photographique, outil complé-mentaire de l'inventaire

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Ci-dessous :Hambye, Sourdeval-les-Bois.Méandre de la Sienne. Unité de paysage : 7.3.3

Point de prise de vue48°917 de latitude-1°263 de longitudeAltitude de vol 1 200 piedsDirection : nordDate : 15/08/2000 - 13h15 GMT

Centre approximatif de la photo48°924 de latitude-1°267 de longitude

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Page 41: Réflexion sur - donnees.normandie.developpement-durable ... · REFLEXION SUR LA RECONNAISSANCE SOCIALE DES PAYSAGES BAS-NORMANDS 812 Ci-dessus : Le Mont-Saint-Michel et sa Baie inscrits

REFLEXION SUR LARECONNAISSANCESOCIALE DES PAYSAGESBAS-NORMANDS

VI-Conclusion.Pour une découverte plus complète des paysagesbas-normands.

e nombreux facteurs ont contribué àla variété des paysages bas-normands :

un long littoral plein de nuances, desrégions continentales aux formes de reliefmodestes mais de types différents, desaménagements ruraux et des évolutions agricoles divergentes. Cette variété a été tardivement révélée par les guides touris-

D tiques, trop peu exprimée dans les œuvresartistiques, parfois masquée sous certainsclichés publicitaires réducteurs. Comments’étonner d’une très sélective fréquenta-tion ? Elle appelle une meilleure et plusexhaustive information sur les richessespaysagères de la Basse-Normandie quicontinuent à évoluer...

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Vers de nouveaux paysages en construction.

Ci-contre : Replantation d’un grand maillagede haies à Saint-Gabriel-Brécy.

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