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Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2009) 10, 211—213 RÈGLES D’OR Règles d’or concernant la titration intraveineuse en morphine postopératoire Golden rule concerning postoperative titration of intravenous morphine Frédéric Aubrun Service anesthésie—réanimation, groupement hospitalier universitaire Est Pitié-Salpêtrière, 47—83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France Disponible sur Internet le 22 juillet 2009 La titration intraveineuse (i.v.) en morphine est une méthode d’analgésie de plus en plus répandue qui permet de soulager le patient rapidement et avec efficacité, grâce à l’administration successive de bolus de morphine à partir d’un seuil de douleur prédé- fini. Il s’agit d’un principe pharmacologique (titrage), qui se résume ainsi : « ni trop, ni trop peu ». Toutefois, malgré la simplicité du concept, il existe des précautions d’emploi indispensables et des procédures à respecter. Règle 1 : une titration ne peut être réalisée que si le personnel bénéficie d’une formation préalable et si les modalités de surveillance sont rigoureuses et prédéfinies [1,2] Le personnel doit être formé, d’une part, à l’évaluation de la douleur en utilisant essen- tiellement une échelle d’autoévaluation et, d’autre part, à l’administration de morphine et la surveillance des patients bénéficiant de cet opiacé par voie i.v. Le risque est essentiellement respiratoire avec l’apparition d’une somnolence ou d’une dépression res- piratoire. Le patient doit donc être surveillé sur le plan de son état de conscience, de sa fréquence respiratoire et de son oxymétrie (SpO 2 ). Pression artérielle et fréquence cardiaque doivent être également relevées. Enfin, l’apparition d’autres événements Adresse e-mail : [email protected]. 1624-5687/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.douler.2009.05.005

Règles d’or concernant la titration intraveineuse en morphine postopératoire

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Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2009) 10, 211—213

RÈGLES D’OR

Règles d’or concernant la titration intraveineuse enmorphine postopératoire

Golden rule concerning postoperative titration of intravenous morphine

Frédéric Aubrun

Service anesthésie—réanimation, groupement hospitalier universitaire Est Pitié-Salpêtrière,47—83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France

Disponible sur Internet le 22 juillet 2009

La titration intraveineuse (i.v.) en morphine est une méthode d’analgésie de plus enplus répandue qui permet de soulager le patient rapidement et avec efficacité, grâceà l’administration successive de bolus de morphine à partir d’un seuil de douleur prédé-fini. Il s’agit d’un principe pharmacologique (titrage), qui se résume ainsi : « ni trop, nitrop peu ». Toutefois, malgré la simplicité du concept, il existe des précautions d’emploiindispensables et des procédures à respecter.

Règle 1 : une titration ne peut être réalisée que si le personnelbénéficie d’une formation préalable et si les modalités desurveillance sont rigoureuses et prédéfinies [1,2]

Le personnel doit être formé, d’une part, à l’évaluation de la douleur en utilisant essen-tiellement une échelle d’autoévaluation et, d’autre part, à l’administration de morphine

et la surveillance des patients bénéficiant de cet opiacé par voie i.v. Le risque estessentiellement respiratoire avec l’apparition d’une somnolence ou d’une dépression res-piratoire. Le patient doit donc être surveillé sur le plan de son état de conscience, desa fréquence respiratoire et de son oxymétrie (SpO2). Pression artérielle et fréquencecardiaque doivent être également relevées. Enfin, l’apparition d’autres événements

Adresse e-mail : [email protected].

1624-5687/$ — see front matter © 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.douler.2009.05.005

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ndésirables, tels que des nausées—vomissements post-pératoires, d’une rétention aiguë d’urine de réactionsllergiques doivent entraîner l’arrêt de la titration. En aucunas, une titration postopératoire ne peut être réalisée enehors d’une structure de surveillance habilitée telle qu’unealle de surveillance post-interventionnelle (SSPI), une unitée soins intensifs. Une titration i.v. peut être égalementffectuée dans un service médical d’urgence et de réani-ation, un service d’accueil des urgences (SAU) ou un

ervice de réanimation.

ègle 2 : une titration postopératoireonsiste habituellement en’administration de bolus de 2 à 3 mgoutes les cinq minutes jusqu’auoulagement de la douleur ou l’apparition’évènements indésirables [3]

l s’agit d’atteindre progressivement la concentration plas-atique minimale efficace analgésique en morphine en

dministrant de petits bolus avec un intervalle de cinqinutes entre les injections (identique à l’intervalle réfrac-

aire programmé pour une analgésie autocontrôlée par leatient en morphine de type ACP-i.v.) (Fig. 1).

ègle 3 : la sédation au cours d’uneitration est le principal évènementndésirable de la morphine. Sa présenceigne l’arrêt d’une titration [4,5]

a sédation concerne plus de la moitié des patients bénéfi-iant d’une titration i.v. en morphine, soit plus du double de’incidence des nausées—vomissements en SSPI, habituelle-

ent considérés comme l’effet secondaire le plus fréquent.

a somnolence doit être considérée essentiellement commen effet indésirable de la morphine et non comme la tra-uction du soulagement de la douleur. En effet, des auteurs

igure 1. Algorithme proposé pour la titration morphinique intra-eineuse en salle de surveillance post-interventionnelle.

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F. Aubrun

nt publié que le quart des patients qui s’endormaient auours d’une titration n’étaient pas analgésiés et décrivaientême des scores de douleurs modérées à sévères.

Par principe de précaution et parce que lasédation est également un signal d’alerte de la

dépression respiratoire, il est recommandéd’arrêter la titration en cas de sédation, quitteà la reprendre si le patient se plaint de nouveau

d’une douleur importante.

ègle 4 : les patients qui bénéficient d’uneitration doivent être surveillés au moinsne heure après la fin de la titration enalle de surveillanceost-interventionnelle avant d’êtreransférés dans un service de chirurgieonventionnel [2]

e pic d’efficacité mais aussi d’apparition des effets indé-irables liés à la morphine est d’environ 60 minutes après’injection i.v. de morphine.

Il est donc recommandé d’attendre ce délaiavant d’autoriser un patient à quitter la SSPI.

Il faut noter que ce délai est également appliqué dans unAU lorsqu’un patient titré doit être transféré dans un autreervice de soins.

ègle 5 : les patients âgés de plus de5 ans peuvent bénéficier des mêmesodalités de titration que les patientslus jeunes [6,7]

es modifications pharmacodynamiques et pharmacociné-iques liées à l’âge (diminution des besoins en morphine etlus grande sensibilité aux opioïdes chez le patient âgé. . .)’appliquent probablement moins en SSPI où le concept dea dose de charge prend toute son importance. Dans deuxravaux, il a été démontré que les patients jeunes et âgése plus de 65 ans consommaient la même dose de mor-hine pour une cinétique de réduction des scores de douleuromparable et une incidence en événements indésirablesorphiniques identique. Un même protocole de titrationorphinique peut être appliqué quel que soit l’âge.

La dose titrée doit être toutefois réduiteau-delà de 85 ans, en cas d’altération de la

fonction rénale ou hépatique ou de troubles desfonctions supérieures.

Dans les suites opératoires, il est recommandé de réduirees doses unitaires de morphine en injection sous-cutanéet/ou d’augmenter l’intervalle entre les injections.

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[

[Postoperative morphine consumption in the elderly patient.

Règles d’or concernant la titration intraveineuse en morphin

Références

[1] Aubrun F, Valade N, Riou B. Intravenous morphine titration. AnnFr Anesth Reanim 2004;23:973—85.

[2] Recommandation pour la prise en charge de la douleurpostopératoire. Recommandation formalisée d’expert 2008.www.sfar.org (site consulté en début de 2009).

[3] Aubrun F, Langeron O, Quesnel C, Coriat P, Riou B. Relation-

ships between measurement of pain using visual analog scoreand morphine requirements during postoperative intravenousmorphine titration. Anesthesiology 2003;98:1415—21.

[4] Paqueron X, Lumbroso A, Mergoni P, Aubrun F, Langeron O,Coriat P, et al. Is morphine-induced sedation synonymous with

[

stopératoire 213

analgesia during intravenous morphine titration? Br J Anaesth2002;89:697—701.

5] Lentschener C, Tostivint P, White PF, Gentili ME, Ozier Y. Opioid-induced sedation in the postanesthesia care unit does notinsure adequate pain relief: a case-control study. Anesth Analg2007;105:1143—7.

6] Aubrun F, Bunge D, Langeron O, Saillant G, Coriat P, Riou B.

Anesthesiology 2003;99:160—5.7] Aubrun F, Monsel S, Langeron O, Coriat P, Riou B. Postopera-

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