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392 Le praticien en anesthésie réanimation © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés rubrique pratique Réhabilitation et chirurgie prothétique de hanche et du genou Hélène Beloeil Correspondance : Hélène Beloeil, Département d’Anesthésie Réanimation, Hôpital Bicêtre, 78 rue du général Leclerc, 94275 Kremlin Bicêtre. [email protected] a réhabilitation postopératoire, telle qu’elle a été définie par Henrik Kehlet, est une approche multidisciplinaire de la période postopératoire, visant au rétablissement rapide des capacités physiques et psychiques antérieures d’un patient opéré (1). La chirurgie s’accompagne parfois d’un certain nombre de complications postopératoires qui, si elles n’engagent pas inéluctablement le pronostic vital, retardent dans de nombreux cas la récupération postopératoire. La prise en charge multi- disciplinaire périopératoire visant à améliorer la réhabilitation postopératoire a également pour objectif la prévention des compli- cations sévères, notamment cardiovasculaires, pulmonaires, infectieuses, thromboemboliques ou neurologiques, mais aussi des séquelles moins connues comme l’asthénie, la dépression et sur- tout la douleur chronique après chirurgie. La réhabilitation après chirurgie prothétique de hanche et de genou est particulièrement dépendante d’une analgésie adaptée. En effet, un défaut de prise en charge de la douleur prolonge la durée de convalescence, retarde la récupération fonctionnelle en limitant les possibilités de kinésithérapie et parfois même contribue à la pérennisation des douleurs après chirurgie. Concept de « clinical pathway » ou programme de prise en charge périopératoire multidisciplinaire La mise en place d’un programme multidisciplinaire de prise en charge globale du patient en périopératoire, spécifique à chaque type de chirurgie, permet de réduire significativement la morbidité et la mortalité (2). Ces programmes, appelés « clinical pathway », L « fast track » ou « accelerated recovery programmes » dans la litté- rature anglo-saxonne, représentent un défi pour les équipes médi- cales. Cette approche nécessite en effet les efforts combinés des médecins anesthésistes et des chirurgiens, ainsi qu’une implication du personnel paramédical (fig. 1). C’est à ce prix que l’on peut améliorer la réhabilitation postopératoire, réduire la morbidité et augmenter la satisfaction des patients. L’introduction de tels programmes spécifiquement adaptés à la chirurgie prothétique de genou ou de hanche a permis un bénéfice net (3) : diminution de la durée d’hospitalisation, meilleure qualité de l’analgésie, moindre consommation de morphiniques, récupération fonctionnelle et autonomie plus précoces. Cet article reprend les principaux éléments qui ont fait leur preuve pour améliorer la réhabilitation après chirurgie prothétique de hanche et de genou. Facteurs de risques préopératoires Il est clairement établi aujourd’hui que la présence d’une (de) pathologie(s) préopératoire(s) est (sont) un facteur déterminant de la survenue de complications postopératoires et de la prolongation de la durée d’hospitalisation (4). Le clinicien dispose d’un certain nombre de référentiels d’aide à la stratification du risque et à l’optimisation de la prise en charge périopératoire, notamment pour le risque cardio- vasculaire (5), pulmonaire (6) ou thromboembolique (7). D’autres facteurs moins étudiés dans la littérature, comme la malnutrition, l’obésité ou l’alcoolisme ne doivent pas être négligés. Dans la chirur- gie prothétique de genou, l’obésité morbide (BMI > 40) est un facteur de risque de complications et d’échec de la chirurgie (8). Le patient doit en être informé et une perte de poids significative et stable doit lui être demandée (9). La gestion périopératoire des traitements médicamenteux du patient doit également être organisée. Technique anesthésique La méta-analyse de Rodgers de 2000 (10) a été critiquée, mais cette étude a néanmoins mis en évidence un bénéfice des blocs neuraxiaux (anesthésie péridurale ou spinale) par rapport à l’anesthésie générale

Réhabilitation et chirurgie prothétique de hanche et du genou

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Page 1: Réhabilitation et chirurgie prothétique de hanche et du genou

392

Le praticien en anesthésie réanimation© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

rubrique pratique

Réhabilitation et chirurgie prothétique de hanche et du genou

Hélène Beloeil

Correspondance :

Hélène Beloeil, Département d’Anesthésie Réanimation, Hôpital Bicêtre, 78 rue du général Leclerc, 94275 Kremlin Bicêtre. [email protected]

a réhabilitation postopératoire, telle qu’elle a été définiepar Henrik Kehlet, est une approche multidisciplinaire dela période postopératoire, visant au rétablissement rapide

des capacités physiques et psychiques antérieures d’un patientopéré (1). La chirurgie s’accompagne parfois d’un certain nombrede complications postopératoires qui, si elles n’engagent pasinéluctablement le pronostic vital, retardent dans de nombreuxcas la récupération postopératoire. La prise en charge multi-disciplinaire périopératoire visant à améliorer la réhabilitationpostopératoire a également pour objectif la prévention des compli-cations sévères, notamment cardiovasculaires, pulmonaires,infectieuses, thromboemboliques ou neurologiques, mais aussides séquelles moins connues comme l’asthénie, la dépression et sur-tout la douleur chronique après chirurgie. La réhabilitation aprèschirurgie prothétique de hanche et de genou est particulièrementdépendante d’une analgésie adaptée. En effet, un défaut de priseen charge de la douleur prolonge la durée de convalescence,retarde la récupération fonctionnelle en limitant les possibilités dekinésithérapie et parfois même contribue à la pérennisation desdouleurs après chirurgie.

Concept de « clinical pathway » ou programme de prise en charge périopératoire multidisciplinaire

La mise en place d’un programme multidisciplinaire de prise encharge globale du patient en périopératoire, spécifique à chaquetype de chirurgie, permet de réduire significativement la morbidité etla mortalité (2). Ces programmes, appelés « clinical pathway »,

L

« fast track » ou « accelerated recovery programmes » dans la litté-rature anglo-saxonne, représentent un défi pour les équipes médi-cales. Cette approche nécessite en effet les efforts combinés desmédecins anesthésistes et des chirurgiens, ainsi qu’une implicationdu personnel paramédical

(fig. 1)

. C’est à ce prix que l’on peutaméliorer la réhabilitation postopératoire, réduire la morbiditéet augmenter la satisfaction des patients. L’introduction de telsprogrammes spécifiquement adaptés à la chirurgie prothétique degenou ou de hanche a permis un bénéfice net (3) : diminution de ladurée d’hospitalisation, meilleure qualité de l’analgésie, moindreconsommation de morphiniques, récupération fonctionnelle etautonomie plus précoces. Cet article reprend les principauxéléments qui ont fait leur preuve pour améliorer la réhabilitationaprès chirurgie prothétique de hanche et de genou.

Facteurs de risques préopératoires

Il est clairement établi aujourd’hui que la présence d’une (de)pathologie(s) préopératoire(s) est (sont) un facteur déterminant de lasurvenue de complications postopératoires et de la prolongation de ladurée d’hospitalisation (4). Le clinicien dispose d’un certain nombrede référentiels d’aide à la stratification du risque et à l’optimisation dela prise en charge périopératoire, notamment pour le risque cardio-vasculaire (5), pulmonaire (6) ou thromboembolique (7). D’autresfacteurs moins étudiés dans la littérature, comme la malnutrition,l’obésité ou l’alcoolisme ne doivent pas être négligés. Dans la chirur-gie prothétique de genou, l’obésité morbide (BMI > 40) est un facteurde risque de complications et d’échec de la chirurgie (8). Le patientdoit en être informé et une perte de poids significative et stable doitlui être demandée (9). La gestion périopératoire des traitementsmédicamenteux du patient doit également être organisée.

Technique anesthésique

La méta-analyse de Rodgers de 2000 (10) a été critiquée, mais cetteétude a néanmoins mis en évidence un bénéfice des blocs neuraxiaux(anesthésie péridurale ou spinale) par rapport à l’anesthésie générale

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Hélène Beloeil

en termes de morbidité et de mortalité. L’auteur retrouvait unediminution significative de la mortalité (30 %) dans le groupedes patients qui bénéficiaient de blocs neuraxiaux, ainsiqu’une diminution de l’incidence des thromboses veineuses pro-fondes, des embolies pulmonaires, des transfusions, des pneu-monies, des dépressions respiratoires, des infarctus du myocardeet des défaillances rénales postopératoires. Dans le contexte parti-culier de la chirurgie prothétique de hanche, une méta-analyserécente a montré que l’incidence des thromboses veineuses pro-fondes et les pertes sanguines peropératoires étaient moindresaprès une anesthésie périmédullaire qu’après une anesthésiegénérale (11). L’ancienneté des études incluses dans cette méta-analyse (1977-2003) incite cependant à fortement nuancerl’impact de ces résultats. Il n’existe pas, dans la littérature,d’argument formel pour favoriser une technique par rapport àune autre. C’est le choix de la technique d’analgésie qui est déter-minant dans la réhabilitation après chirurgie prothétique (cf.analgésie postopératoire).

Technique chirurgicale

Pour la hanche comme pour le genou, le bénéfice du choix d’unetechnique chirurgicale particulière sur la récupération postopératoirereste à démontrer. La chirurgie mini-invasive de prothèse degenou (12) ou de hanche (13), ainsi que la chirurgie assistée parneuro-navigation (14) n’ont pas montré de bénéfice significatifpar rapport aux techniques standard.

Épargne sanguine

En raison des risques de la transfusion, une stratégie d’épargnesanguine fait partie du programme de réhabilitation. L’érythro-poïétine recombinante (Eprex®), administrée en préopératoirede chirurgie prothétique, a montré son intérêt en réduisantsignificativement le taux de transfusion et en améliorant larécupération fonctionnelle postopératoire (15), sans risquessurajoutés (16).

Figure 1. Facteurs contribuant au retard ou à l’accélération de la réhabilitation après chirurgie prothétique de hanche et de genou. NVPO : nausées et vomissements postopératoires, PTG : prothèse totale de genou, PTH : prothèse totale de hanche.

Ret

arde

Acc

élèr

e

Anxiété

Facteurs de risques préopératoires

Réponse physiologique au stress chirurgical

Hypothermie

Transfusion

Hypoxémie

Nausées, vomissements

Douleur postopératoire

Immobilité postopératoire

Troubles du sommeil

Drains, perfusion

Information préopératoire

Optimisation des dysfonctions d’organes, maladies, traitements

préopératoires

Épargne sanguine préopératoire (Érythropoïétine)

Normothermie peropératoire

Antibioprophylaxie

Lutte contre l’hypoxie postopératoire�: oxygénation en SSPI

Prévention NVPO

Prévention des complications thromboemboliques (fondaparinux)

Analgésie évitant les morphiniques comprenant�:

Bloc Fémoral continu (PTG, PTH)/ Bloc ilio-fascial (PTH)

Mobilisation très précoce

Alimentation précoce et reprise traitement per os

Lutte contre les troubles du sommeil

Protocole de prise en charge postopératoire basés sur

l’« evidence-based medicine�»

Équipe multidisciplinaire�: chirurgien, anesthésiste, infirmière,

kinésithérapeute, équipe douleur, aide-soignante.

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Réhabilitation et chirurgie prothétique de hanche et du genou

Prévention des nausées vomissements postopératoire (NVPO)

Les NVPO sont une des complications les plus fréquentes del’anesthésie et les plus redoutées par les patients (17). Les facteursde risque de NVPO chez un patient bénéficiant d’une anesthésiegénérale, sont bien connus et ont été rassemblés sous forme d’unscore simplifié qui retient le sexe féminin, les antécédents de NVPO oude mal des transports, l’administration postopératoire de morphi-niques et l’absence de tabagisme (18). L’incidence des NVPO estrespectivement de 10 %, 21 %, 39 %, 61 % et 79 % en présenced’aucun, un, deux, trois ou quatre des ces facteurs. Comme pourtoute autre chirurgie, la prévention des NVPO est un élémentimportant de la prise en charge périopératoire. Il existe pour celaun certain nombre de recommandations, qui rappellent, l’intérêtdes moyens non pharmacologiques (utilisation de l’anesthésielocorégionale, éviter le protoxyde d’azote…) ainsi que la nécessitéd’une monothérapie chez les patient à risque modéré et d’unebithérapie chez les patients à haut risque associant antagonistesdes récepteurs à la sérotonine et/ou dexaméthasone et/ou dro-péridol (19). L’aprepitant, antagoniste NK1 administrable per osen préopératoire, a été présenté comme efficace dans des publicationsrécentes mais il sera probablement utilisé comme un médicamentde seconde intention dans cette indication (20).

Antibioprophylaxie

La conférence de consensus de la Société Française d’Anesthésie-Réanimation recommande une antibioprophylaxie de 48 h pour lachirurgie prothétique (21). Une étude récente des pratiques enchirurgie prothétique de hanche et de genou dans la régionAquitaine a montré que 99,3 % des patients recevaient une anti-bioprophylaxie mais que celle-ci ne correspondait aux recomman-dations que dans 58,8 % des cas, notamment en raison d’uneadministration trop tardive de l’antibiotique (22). Afin de bénéficierdu pic de concentration tissulaire au moment de la chirurgie, ilfaut réaliser la première injection 30 minutes avant l’incision.

Protocole postopératoire

Un grand nombre de pratiques postopératoires ne se fondent passur des données scientifiques. Ce sont plus des habitudes commel’utilisation de drains et leur maintien plusieurs jours limitant ladéambulation, la limitation de la mobilisation précoce, le maintiend’une perfusion plusieurs jours, le retard à la prescription de

médicaments

per os

… L’utilisation en routine de drains en chirurgieprothétique n’a, par exemple, jamais procuré une quelconqueamélioration de la récupération postopératoire (23). Ces habitudes,héritées du passé, n’ont plus leur place dans la pratique contem-poraine. Elles ralentissent la récupération et pourraient participerà la morbidité postopératoire. Dans un programme de réhabilitationen chirurgie prothétique de hanche et de genou, l’analgésie estl’élément fondamental.

Analgésie postopératoire

L’ensemble des mécanismes initiés par l’agression chirurgicale(réponse inflammatoire et humorale, dépression de l’immunité,hypercoagulabilité…) sont à la fois des causes et des conséquencesde la douleur. Cette douleur périopératoire aggrave les pertessanguines par le biais de pic hypertensifs (24), induit des dysfonc-tions cognitives postopératoires chez les patients âgés (25),prolonge la durée de convalescence, retarde une bonne récupérationfonctionnelle et peut être source de séquelles fonctionnelles parfoisdéfinitives (syndromes douloureux chronicisés, enraidissementarticulaire...). La qualité de l’analgésie, multimodale, joue doncun rôle majeur qui doit toujours s’intégrer dans un concept plusglobal de récupération postopératoire.En association à une analgésie standard (antalgiques de palier I,anti-inflammatoires et PCA morphine), les blocs nerveux péri-phériques sont devenus le « gold standard » de l’analgésie post-opératoire en chirurgie orthopédique des membres inférieurs (26).

Les blocs nerveux périphériques sont devenus le « gold standard »

de l’analgésie postopératoire en chirurgie orthopédique des membres inférieurs

L’analgésie procurée par un bloc périphérique est supérieure àcelle induite par une administration systémique d’opiacés aprèschirurgie de prothèse de hanche ou de genou : excellente analgésieau repos et à la mobilisation, facilitation de la kinésithérapie post-opératoire et de la flexion du membre inférieur, déambulationprécoce, durée d’hospitalisation plus courte et diminution desinconvénients liés à l’administration systémique d’opiacés (27, 28).Leurs très rares effets secondaires et complications rendent lesblocs nerveux périphériques préférables à l’analgésie péridurale(27, 28). Par ailleurs, le bénéfice sur l’épargne sanguine péri-opératoire et la réduction des événements thromboemboliques,classiquement décrit avec l’analgésie péridurale, a également été

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Hélène Beloeil

retrouvé après un bloc nerveux périphérique (29). L’analgésiepéridurale peut cependant conserver certaines indications trèsspécifiques comme la chirurgie lourde de hanche (reprise de pro-thèse) ou de genou.

Pour la chirurgie de prothèse totale de genou (PTG), le bénéficed’un bloc continu du nerf fémoral en terme de qualité d’analgésie,de possibilité de débuter la rééducation fonctionnelle très précoce-ment et d’amélioration de la réhabilitation, n’est plus à démontrer(30). Le bloc doit être réalisé avant l’incision chirurgicale. L’entretiende l’analgésie peut être effectué par une perfusion continue(pousse-seringue électrique ou dispositif de type pompe élasto-mérique). Dans le cadre d’une prise en charge globale, incluant unréseau de soins externe, la sortie du patient de l’hôpital avec lapoursuite du bloc continu à l’aide d’une pompe élastomériqued’anesthésiques locaux est actuellement envisagée dans certainesétudes nord-américaines (31). L’analgésie peut également êtrecontrôlée par le patient. Cette technique nécessite une parfaiteinformation du patient afin d’éviter des demandes de bolus pourdes douleurs qui débordent la zone d’efficacité du bloc, celle-ci secantonnant dans la majorité des cas uniquement dans le territoiredu nerf fémoral. L’anesthésique local de choix pour l’entretienest la ropivacaïne 2 mg/ml (5 à 8 ml/h) en raison d’une moindretoxicité cardiaque que la bupivacaïne. L’intérêt d’un bloc du nerf scia-tique et/ou obturateur associé(s) au bloc du nerf fémoral restediscuté dans la littérature (32). L’ajout d’un bloc du nerf sciatiquesemble particulièrement intéressant chez les patients présentant unedouleur pré- et postopératoire incluant le territoire du nerf sciatique.

Pour la chirurgie de prothèse totale de hanche (PTH), le bloc dunerf fémoral et le bloc ilio-fascial ont tous deux montré leur intérêt(28, 33), sans que l’on puisse à ce jour recommander une techniqueplus qu’une autre dans cette indication. Cependant, l’analgésie dunerf cutané latéral de cuisse (concerné par l’incision chirurgicale)est mieux assurée par le bloc ilio-fascial (34). Morau et coll. (35)ont montré, après chirurgie du fémur (hors PTH), qu’un bloc ilio-fascial continu était aussi efficace en terme d’analgésie post-opératoire qu’un bloc continu du nerf fémoral et qu’il était moinscoûteux et plus rapide à réaliser. Par ailleurs, dans cette indication,on n’a pas comparé un bloc en injection unique à l’administrationcontinue d’anesthésique local. Un bloc du nerf fémoral par voielombaire postérieure s’est avéré efficace mais l’incidence descomplications qui lui sont associées (injection péridurale ou intra-rachidienne) a conduit certains auteurs à ne pas le recommander(36). Il faut rappeler que le niveau de douleur et la consommationde morphine des patients ayant bénéficié d’une prothèse dehanche (41 

±

 19 mg/48 h) (28) sont nettement inférieurs à ceuxrapportés après prothèse de genou (67 

±

 26 mg/48 h) (27).Quelle que soit la technique choisie (bloc du nerf fémoral ou bloc

ilio-fascial), elle doit être réalisée avant l’incision chirurgicale. Encas d’injection unique, il faut préférer un anesthésique local delongue durée d’action type ropivacaïne (moindre toxicité).

Mobilisation précoce

Assurée grâce à une analgésie adaptée, la mobilisation précoceest un point important du programme de réhabilitation post-opératoire (1). Elle restaure rapidement l’autonomie et limite ainsiles complications de décubitus. En pratique, il faut recourir dansce cas à un protocole spécifique avec des moyens humains adaptés(kinésithérapeute, infirmière, aide-soignante).

Complications thromboemboliques

Les lésions tissulaires secondaires à la chirurgie, l’hypercoagulabilitépostopératoire et le décubitus prolongé sont autant de facteursqui majorent le risque thromboembolique après chirurgie pro-thétique du membre inférieur. Une étude portant sur 310 patientsa mis en évidence un taux de thrombose veineuse profonde de14 % après chirurgie orthopédique chez les patients recevant cor-rectement un traitement prophylactique par héparine de bas poidsmoléculaire. Dans cette étude, la chirurgie pour prothèse de genouressortait comme un facteur de risque indépendant (37). Le fonda-parinux, inhibiteur sélectif du facteur Xa de la coagulationsemble particulièrement intéressant en chirurgie prothétique dehanche et de genou. Il permet une réduction significative d’environ50 % des événements thromboemboliques symptomatiques ounon par rapport au traitement de référence (héparine de baspoids moléculaire) (38). Il existe néanmoins un surcroît de risquehémorragique qui semble pouvoir être contrôlé, notamment parl’horaire de la première injection postopératoire (> 6 heures).

Conclusion

La réduction de la morbidité périopératoire et l’amélioration dela réhabilitation postopératoire ne passent plus aujourd’hui pardes interventions isolées mais par une approche globale multi-disciplinaire multi-interventionnelle. La mise en place d’un telprogramme nécessite une organisation et une coordination deséquipes médicales et paramédicales mais, en outre, une remiseen cause des pratiques traditionnelles, avec une véritable volontéde changement. Déjà en 2002, Henrik Kehlet (2) présentait les étapes

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Réhabilitation et chirurgie prothétique de hanche et du genou

nécessaires au développement d’un programme de réhabilitationpostopératoire, celui-ci pouvant parfaitement s’intégrer dans unedémarche assurance qualité. Après chirurgie prothétique de genou etde hanche, l’essentiel est d’assurer au patient la possibilité de

mobilisation du membre opéré le plus précocement possible, per-mettant une rééducation fonctionnelle très précoce. Cela supposequ’il faut systématiquement recourir à un bloc nerveux continu,notamment après chirurgie pour prothèse de genou.

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